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June 9, 2018 | Author: Raffarin Anne | Category: Documents


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APTA COMPOSITIO Formes du texte latin au Moyen Age et à la Renaissance Edité par Christiane Deloince-Louette, Martine Furno et Valérie Méot-Bourquin

DROZ DR0037_AptaCompositio_Plat1_27/09/2017

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DE QUEL(S) TEXTE(S) LES PLANCHES DU SIMULACHRUM VRBIS (MARCO FABIO CALVO, AVRIL 1527) SONT-ELLES L’ILLUSTRATION ? Dans la Vie de Brunelleschi 1, Vasari célèbre les dons pour l’archéologie du grand artiste florentin. Il se livrait selon lui à l’étude des antiquités avec une telle application « qu’il était très capable de recomposer en imagination Rome telle qu’elle était avant sa ruine. » Voir Rome avant la ruine, la confronter avec la ruine, la restaurer dans un état proche d’avant les cataclysmes, c’était bien le projet des humanistes et, au premier chef, celui de Raphaël et d’Andrea Fulvio. Ce dernier évoque volontiers cette entreprise commune dès la préface des Antiquitates, publiées en février 1527. Il décrit alors le travail d’antiquaire mené par Raphaël et par son secrétaire Marco Fabio Calvo qui était par ailleurs chargé de traduire pour lui en italien le De Architectura de Vitruve. Le retour vers Vitruve s’explique par le projet de Raphaël qui avait conçu un système de projection orthogonale permettant de reproduire les monuments selon la plus exacte fidélité aux proportions, comme l’indique la fameuse Lettre à Léon X. Il eût été logique que ce procédé permette l’illustration du volume contenant la traduction du traité antique, et par la suite, l’illustration du texte du Simulachrum. Une lettre adressée par Raphaël à Calvo donne le point de vue et les intentions du maître 2. Nous y apprenons que, 1

2

Giorgio Vasari, Les Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes, éd. commentée sous la direction d’A. Chastel 1983, Paris, Arts, Berger-Levrault, III, p. 199. Citée par Vincenzo Golzio, Raffaello, Città del Vaticano, 1936, p. 112-113 : « […] Mess. Fulvio nostro chol quale siamo iti di questi dì ciercando le belle anticalie stanno per queste uignie e le retraggo de mia mano per ordine de nostro signiore […] De Roma li 15 daghosto MDXIV. Il vostro Raphaello dipintore. »

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dès le mois d’août 1514, Raphaël dessinait les ruines à la demande du pontife, parcourant les vignes et les quartiers de Rome en compagnie de Fulvio. Ce dernier décrit ainsi le projet du Maître dans la préface des Antiquitates 3 : « […] Enquêtant sur les ruines de la Ville sous tes bienveillants auspices, je me suis employé à les soustraire à la disparition et à les confier aux monuments littéraires, ruines qui reposeraient dans les ténèbres si la lumière des belles lettres ne les éclairait 4, et d’autre part, j’ai examiné les hauts lieux de l’Antiquité en les parcourant à travers les régions de la Ville que Raphaël d’Urbino, que je cite pour lui rendre hommage, a dessinés peu de jours avant sa mort en me prenant pour guide » 5. L’ouvrage de Marco Fabio Calvo, Antiquae Vrbis Romae cum regionibus simulachrum, paru chez l’imprimeur Arrighi en avril 1527, est le premier ouvrage illustré sur la Rome antique 6. Il représente les développements successifs de la cité depuis la fondation par Romulus jusqu’à l’époque flavienne 7. Le choix du terme simulachrum indique la nature de l’entreprise et impose de la distinguer d’emblée d’une descriptio. En effet, il s’agit bien de reconstituer l’apparence antique de Rome, d’en donner une imago. Le choix du terme simulachrum implique en outre un travail d’élaboration, de construction, non pas d’une vue d’ensemble objective, mais d’une vision particulière de la Rome dont il convient, à un moment précis de l’histoire, de donner une certaine image 8. 3

4 5

6 7

8

Antiquitates, Roma, 1527, fol Aii r : Ruinas urbis interea tuis optimis auspiciis prosecutus, ab interitu uendicare ac litterarum monumentis resarcire operam dedi quae iacerent in tenebris nisi litterarum lumen accenderet priscaque loca tum per regiones explorans obseruaui quas Raphael Vrbinas (quem honoris causa nomino) paucis ante diebus quam e uita decederet (me indicante) penicillo finxerat. Cicéron, Pro Archia, VI, 14. Raphaël n’exécuta jamais de sa propre main les dessins auxquels il fait allusion, mais ce texte atteste la collaboration entre l’artiste et l’humaniste qui partageaient l’ambition de rendre compte des monuments antiques. Le projet de description et d’illustration de Rome par régions s’est, semble-t-il, arrêté assez tôt puisque Marcantonio Michiel, dans son éloge en vers de Raphaël, indique que seule la première région avait été achevée. Cf. Philip J. Jacks, « The Simulachrum of Fabio Calvo : a View of Roman Architecture all’antica in 1527 », The Art Bulletin, vol 72, no3 (sept. 1990), p. 457. Philip J. Jacks, « The Simulachrum of Fabio Calvo… », art. cit., p. 453-481. Charles L. Stinger « Roman Humanist Images of Rome », dans Roma Capitale (1447-1527), a cura di Sergio Gensini, Centro di studi sulla civiltà del Tardo Medioevo San Miniato, Collana di Studi e Ricerche, Pisa 1994, p. 15-38. Jean-Marc Besse et Pascal Dubourg Glatigny, « Cartographier Rome au XVIe siècle (1544-1599) : décrire et reconstituer », Rome et la science moderne.

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Le réalisme devient dès lors une préoccupation secondaire par rapport à la priorité qui semble s’imposer aux choix des concepteurs : donner une image d’ordre, de maîtrise et de perfection. La vision de la Rome antique qui va se dessiner dans les planches du Simulachrum est la vision de savants et d’artistes. Dans le poème qu’il composa en 1520 comme épigramme-épitaphe en l’honneur du maître Raphaël, Baldassare Castiglione rend hommage à celui qui a su ramener à la vie l’image de Rome 9 : « Toi aussi, Raphaël, alors que tu édifies Rome atteinte dans sa chair, avec un talent remarquable et que tu ramènes à la vie et à son antique splendeur le cadavre mutilé par le fer, le feu et la vieillesse. » On a beaucoup écrit sur les sources de Calvo pour la conception des illustrations. Dans son analyse de l’esthétique des monuments représentés sur les plans de Calvo, Philip J. Jacks 10 fait remarquer que des monuments tels que la Domus Aurea ou le temple d’Apollon et sa bibliothèque situés sur le Palatin se trouvent sur des monnaies de l’époque de Néron, d’autres sur des monnaies de l’époque de Vespasien (Colisée et Meta Sudans voisinant avec un nympheum publicum). D’autres édifices, comme l’Armilustrum ou l’autel de Diane sur l’Aventin, correspondent, selon lui, à la silhouette qui était la leur sur les enluminures de manuscrits médiévaux, notamment le Virgile du Vatican 11. Nicolas Pagliara 12 remarque, pour sa part, que les illustrations du Simulachrum s’inspirent également d’un ouvrage du XIIIe siècle intitulé Historiae Romanorum 13 dont les miniatures reprennent celles de la Notitia Dignitatum 14 et de la table de Peutinger.

9

10 11

12 13

14

Entre Renaissance et Lumières. Antonella Romano (dir.), Collection de l’Ecole Française de Rome, 2009, p. 369-414. Tu quoque dum laniatam corpore Romam/Componis miro, Raphael, ingenio, / Atque Vrbis lacerum ferro, igni annisque cadaver / Ad vitam, antiquum iam reuocas decus. Cf. Vasari Les vies…, éd. cit., vol. V, p. 224-225. Art. cit., p. 462-463. Pierre de Nolhac, « Le Virgile du Vatican et ses peintures », in Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque Nationale et autres bibliothèques, 35 (1897), p. 683 sqq ; N. Pagliara, « La Roma antica di Fabio Calvo : tipi e stereotipi », Psicon VIII (1976), p. 72. Ibid., p. 70, n. 32. Cf. Tilo Brandis et Otto Pächt, Historiae Romanorum, 2 vol., Frankfurt am Main, 1974. D’après l’ouvrage de Benjamino M. di Dario, La Notitia Dignitatum, Immagini e simboli del Tardo Impero Romano, edizioni di Ar, Salerno, 2006, tavole 24 & 25, l’influence de ces illustrations sur le Simulachrum ne nous paraît pas évidente. Voir aussi Notitia Dignitatum Imperii Romani, reproduction réduite

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Nous nous intéresserons donc au texte : il faut préciser que le Simulachrum se compose d’un texte très court et très morcelé, divisé entre les quatorze régions de la Ville. Deux formes distinctes du texte doivent être appréhendées dans les images : les légendes placées en vis-à-vis des planches et les désignations d’un lieu ou d’un édifice insérées dans les planches elles-mêmes. Nous examinerons la conformité des croquis avec le texte de Fulvio qui devrait, en toute logique, constituer la source principale de Calvo, tout en cherchant à déterminer si les croquis illustrent le texte en vis-à-vis. Nous tenterons finalement d’identifier le ou les textes qui se trouvent à la source des illustrations.

PRÉSENTATION DU TEXTE : LE SIMULACHRUM, UN OUVRAGE ILLUSTRÉ NOURRI PAR LA LITTÉRATURE ANTIQUAIRE La première édition du Simulachrum réalisée par Arrighi, avait été presque entièrement détruite pendant le Sac de 1527, tandis que les planches en bois incisées de Tolomeo Egnazio da Fossombrone avaient été conservées 15. Il sera de nouveau publié en 1532, chez les frères Doricus 16. Les éditions sont identiques, tant du point de vue des planches que du point de vue du texte. Malgré la dispersion causée par le Sac de Rome, on connaît néanmoins trois exemplaires de l’édition de 1527 : l’un se trouve à Leyden, conservé à la bibliothèque municipale, les deux autres à Rome, à la bibliothèque Victor-Emmanuel (collez. rom., 3G. 21) d’une part, à la bibliothèque Vaticane d’autre part (R.G. Arte-archeol. Str. 469 (1)) 17.

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17

des 105 miniatures du manuscrit latin 9661 de la Bibliothèque nationale, éd. H. Omont, Paris, 1991. Ce manuscrit est une copie exécutée au XVe siècle de l’exemplaire de la Notitia Dignitatum conservé à Spire puis disparu au XVIe siècle. Francesco Barberi, Tipografi romani del Cinquecento, Guillery, Ginnasio mediceo, Calvo, Dorico, Cartolari, Olschki, Florence, 1983, p. 109. André Jammes, « Un chef d’œuvre méconnu d’Arrighi Vincentino », dans Studia bibliographica in honorem Herman De La Fontaine Verwey, Amsterdam, 1966, pp. 297-316. Signalés par Frutaz, Le piante di Roma, I p. 51-54. Cf aussi Lanciani, Storia degli scavi, I, p. 294 ; G. M. Mazzuchelli, in cod. Vat. Lat. 9263, fol. 275v-277r.

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A la lecture du texte de Calvo, on peut avoir le sentiment que la question de l’identification du texte illustré par les planches est résolue dès le premier développement du folio B1, placé en visà-vis du plan de Rome à l’époque de Pline 18 : […] enfin, [la Ville] des trente-quatre 19 portes avec les régions et les lieux correspondants, présentés au mieux par la description de Pline, abstraction faite de leur superficie, avec les bains, les celliers à huile et à sel, avec le nombre de bouchers, de poissonniers, de quartiers d’immeubles collectifs, de maisons particulières, de bains, de greniers, de boulangers, de puits que l’on appelle couramment « lacs » par glissement de sens, et beaucoup d’autres choses encore, contenues dans les livres traitant des régions de Rome, même si bien des éléments y ont été ajoutés sans discernement, comme par exemple, certains noms de quartiers, mais pourquoi pas tous ? Parce qu’un certain nombre d’entre eux ne figurent pas sur la base parallélépipédique de la statue du divin Hadrien que l’on peut voir encore dans l’angle du portique du palais des Conservateurs. On y ajoute beaucoup d’autres choses à partir de Pline et d’autres auteurs, de façon absurde et fort peu latine. Toute 18

19

Demum triginta quatuor portarum cum singulis regionibus et rebus earum potioribus ex Plinii descriptione, praetermisso earum circuitu, balneis, mensis oleariis, salinis, laniorum, piscariorum, uicorum, insularum, domorum, balneorum, horreorum, pistrinorum, puteum quos lacos secundo declinatu dictitant numero plurimisque insuper rebus, quae in libellis qui de Vrbis regionibus circumferuntur, habentur, tametsi multa in iis temere infarciuntur, uti sunt vicorum quorumdam nomina cur non omnium ? Quoniam plura non leguntur in cippo quadrato statuae diui Hadriani qui hodie quoque in Capitolio uisitur in porticus domus Conseruatorum angulo. Plurimaque praeterea ex Plinio caeterisque scriptoribus inepte et parum latine adduntur : quae cuncta cum suprascriptis M. Fabius Caluus, ciuis Rhauennas, Liuium, Varronem, Dionysium, Plinium, Sextum Rufum multosque alios qui de his scripserunt secutus digessit, sedulitate strenui uiri Ludouici Vicentini multum coadiutante : tum auspiciis et patrocinio patris amplissimi flamen dialis, hoc est pileo cardineo redimiti et apostolici aerarii praefecti, D. F. Harmellini Medices. Quippe qui plurima his fere non inferiora faciunda curet inter quae locus est quo adulescentes sui Perusini disciplinas omnes cum alimentis capessunt. Cuius quidem sexdecim regiones, uel (quemadmodum libelli regionum prae se ferunt et Plinius et diui Hadriani statuae inscriptio quae in Capitolio monte duobus locis cernitur) quatuordecim : quoniam circum Flaminium et Campum Martium unam faciunt, sic et Transtiberinam et Vaticanam unam ponunt. Le texte de Pline indique trente-sept portes dans les éditions anciennes comme dans les éditions modernes (III, 66). Cette indication du nombre de portes se trouve dans les Antiquités de Fulvio, livre I, fol.Iv. cf. infra notes 29 et 30.

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cette matière, avec ce qui a été énuméré ci-dessus, M. Fabio Calvo, citoyen de Ravenne, l’a organisée en se fiant à Tite-Live, Varron, Denys, Pline, Sextus Rufus et beaucoup d’autres qui ont traité ces sujets grâce au soutien infaillible de Ludovico (Arrigi) da Vicenza qui a apporté une contribution considérable, mais aussi, sous les bons auspices et le patronage de Francesco Armellini de’ Medici 20 […].

Faut-il croire Calvo sur parole et considérer qu’il a vraiment utilisé les auteurs qu’il cite ? En effet, ni Varron ni Tite-Live ne sont jamais cités. Quant à Denys d’Halicarnasse, il donne de la Rome de Servius Tullius une vision bien différente de celle que présente la planche no2. On s’étonne par ailleurs de voir réapparaître à cette date Sextus Rufus qui n’est jamais cité dans la suite. En effet, si son nom avait été attribué par la génération précédente à une version des Catalogues des Régionnaires, depuis la révision de ce catalogue par Pomponio Leto, les antiquaires ne nomment plus Sextus Rufus mais la description interpolée de Pomponio Leto 21. Fulvio ne le cite d’ailleurs qu’une fois, à propos des aqueducs (fol. XLIIr et XLVr). Il est donc légitime de se demander à qui pense Calvo lorsqu’il écrit libellis (les livres sur les régions de la Ville).

DE QUEL TEXTE LES CROQUIS DU SIMULACHRUM NE SONT-ILS PAS L’ILLUSTRATION, OU DU MOINS, PAS COMPLÈTEMENT ? Le texte des Antiquitates La collaboration entre Fulvio et Calvo, qui devait aboutir à un grand ouvrage de topographie romaine, doit nous inciter à examiner les éléments communs entre le Simulachrum et les Antiquitates : les indications fournies par le texte sont-elles conformes aux listes proposées par Fulvio pour chaque région ? Les toponymes latins 20

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Francesco Armellini de’ Medici, créé cardinal en 1517 par Léon X dont il était très proche, puis camerlingue en 1521, succédant dans cette fonction à Rafaello Riario. Connue sous le titre De Regionibus Vrbis Romae libellus unicus attribué à Publius Victor, publiée par Mazzocchi dans le volume collectif De Roma prisca et noua uarii auctores, Rome, 1510, 1515, 1523.

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ou contemporains sont-ils repris à l’identique dans le texte et dans les planches de Calvo ? L’article Fabio (Marco Fabio Calvo) du Dizionario Biografico degli Italiani semble apporter une réponse définitive à cette question puisqu’il y est indiqué que le Simulachrum servait, je cite, « d’Atlante au texte de Fulvio » 22. Pourtant, la question ne nous paraît pas pouvoir être résolue aussi rapidement. Le texte s’ouvre sur une rapide présentation de l’histoire romaine divisée en quatre périodes dont chacune inspire une image de la Ville : 1. la Roma Quadrata de Romulus (illustration 1) qui semble en réalité correspondre à la division de Rome en quatre secteurs (Varron associe à des régions les toponymes qui correspondent aux chapelles des Argées à l’époque de Servius Tullius, si ce n’est que les noms des tribus suburane, esquiline, colline, palatine ne coïncidaient pas nécessairement avec le nom des collines 23. La question de la Roma Quadrata vient de la Vita Romuli de Plutarque (chapitre IX) et l’on en retrouve la trace chez Denys d’Halicarnasse (I, 88, 2 ; II, 65, 3), Flavius Josèphe (Antiquités judaïques XIX, 3, 2), puis Solin (I, 17) et Tacite (Annales XII, 24). Les humanistes connaissaient bien le passage de Festus (310312) que Fulvio utilise pour sa part pour distinguer les deux formes de cette Rome primitive 24 : d’une part une coïncidence 22

23

24

Vol. XLIII, p. 1993. C’est ce qu’a établi l’article de V. Fontana et P. Morachiello dans Vitruvio e Raffaello. Il De Architectura di Vitruvio nella traduzione inedita di Fabio Calvo ravennate, a cura di V. Fontana-P. Morachiello, Roma, 1975. Denys d’Halicarnasse, Antiquités romaines, IV, 4, 1 : « Après que Tullius eut enfermé dans la même enceinte les sept collines de Rome, il divisa toute la Ville en quatre quartiers, dont le premier fut appelé Palatin, l’autre Subure, le troisième Collatin et le quatrième Esquilin, du nom des collines où ils étaient situés. Il la partagea aussi en quatre tribus, quoique, jusqu’alors, elle n’en comprît que trois. » Fol. Iv : Dicta est autem Roma quadrata quod forma prima urbis quadrata fuit eo quod ad aequilibrium fuerit posita et ambitus amplior eo quo tempore multitudo incolentium esset. Monumentum autem Romae quadratae mansit in Palatio : ea incipit a silua quae est in area Apollinis et ad supercilium scalarum Caci habet terminum ubi tugurium Faustuli, ubi Romulus mansitauit. « Rome fut qualifiée de carrée parce que la forme originelle de la ville était quadrangulaire : ceci afin qu’elle soit équilibrée et que son périmètre soit d’autant plus vaste qu’il y avait à cette époque une foule d’habitants. Un souvenir de la Rome quadrangulaire est resté sur le Palatin : elle part de la forêt qui se trouve sur le domaine d’Apollon pour tendre vers le sommet des escaliers de Cacus et se termine au niveau de la cabane de Faustulus où fut accueilli Romulus. »

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parfaite avec l’ensemble de la colline du Palatin, d’autre part, un monument de petite taille situé sur le Palatin, à proximité du temple d’Apollon : On appelle Rome carrée un emplacement situé sur le mont Palatin, en avant du temple d’Apollon, où sont déposés tous les objets que l’on a coutume d’employer en signe de bon présage dans la fondation d’une ville. Ce nom lui vient de ce que, dans le principe, il fut entouré d’une enceinte de pierres de forme carrée. Ennius parle de ce lieu lorsqu’il dit : Et qui se sperat Romae regnare quadratae 25.

Dans son étude fondatrice sur les travaux de Pomponio Leto, V. Zabughin 26 fait remarquer que c’est Pomponio qui a redécouvert ce fragment de Festus dans un manuscrit Farnese aujourd’hui à Naples et qui a intégré la Roma Quadrata à sa description interpolée de la Xe région. Elle est décrite comme une petite chapelle entourée d’une enceinte carrée où l’on déposait les objets consacrés à la prise des augures pour la fondation de la cité 27. Cette image de la Roma Quadrata sous la forme d’un petit sanctuaire situé sur le Palatin n’apparaît pas davantage dans les Antiquitates que dans le Simulachrum de Calvo. La représentation que donne Calvo de la Roma Quadrata sur la première gravure enclôt ce qu’il croit être les quatre régions primitives correspondant chacune à une colline entre quatre murailles percées de quatre portes : Palatin, Esquilin, Capitole, Aventin. Calvo donne à chaque porte un nom en relation avec celui de la colline la plus proche (porta Palatina, porta Exquilina, porta Capitolina, porta Aventina) qui ne correspond pas au nom antique figurant dans les textes. La planche pourrait donc correspondre à la description de Fulvio qui se fonde sur Solin et fait de la périphrase Roma Quadrata un synonyme de Rome primitive, dessinée selon une forme quadrangulaire. On note néanmoins la présence du Capitole et de l’Aventin qui n’étaient pas inclus dans la ville primitive. 25

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Les problèmes posés par cette dernière phrase sont commentés, entre autres, par A. Grandazzi, « La Roma Quadrata : mythe ou réalité ? » Mélanges de l’Ecole française de Rome (MEFRA) 105, 2 (1993), p. 497. Voir Zabughin V., Giulio Pomponio Leto, saggio critico, Roma – Grottaferrata, 2 vol., 1909 – 1912. Cf. CIL VI4 fasc. 2, inscr. 32327.

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2. La deuxième époque, celle de Servius Tullius (illustration 2), est représentée par une image plus complexe entourée d’une enceinte octogonale : la cité réorganisée par Servius Tullius, divisée en huit régions au lieu de quatre 28. A l’intérieur des murs, on repère sans difficulté les sept collines dont quatre (Celius, Esquilin, Viminal, Quirinal) se concentrent à gauche (au Nord) de l’axe Est-Ouest interrompu, en son milieu, par l’Vmbilicus urbis, à l’Est par le Palatin et à l’Ouest par le Capitole, tandis que l’Aventin se trouve très isolé au Sud. Chaque colline abrite en son sommet un temple dont l’emplacement correspond aux indications fournies par le catalogue des régions. La confusion entre l’umbilicus et le Milliaire d’Or (qui apparaît sur la figure suivante) ne semble pas possible 29, puisque chacun des deux édifices avait une fonction bien distincte : si l’umbilicus Romae signalait le centre de la cité, le Milliaire d’Or indiquait le point d’où partaient les voies romaines. Calvo représente les deux monuments de façon presque identique sous la forme d’une colonne surmontée d’un personnage en armes alors que, pour F. Coarelli, l’umbilicus se présentait comme un triple cylindre en brique supportant sans doute la corniche d’un petit temple circulaire (IIe s. av. J.-C.). De l’autre côté des Rostres, de façon parfaitement symétrique, se trouvait le Milliaire d’Or édifié par Auguste en 20 av. J.-C. : une colonne recouverte, à l’origine, de bronze doré et munie d’une base en marbre blanc. La proximité et la symétrie entre les deux monuments a une valeur hautement symbolique puisqu’elle marque à la fois le centre de la Ville et le centre de l’empire, à partir duquel le prestige et l’autorité de Rome irradient le monde et vers lequel, en retour, toutes les routes convergent. Calvo respecte la forme du Milliaire d’Or, ainsi que la centralité symbolique de chacun des deux monuments, mais la symétrie par rapport aux Rostres n’est pas rendue 28

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Denys d’Halicarnasse, Antiquités Romaines, I, 88, 2 : « Il renferma dans l’enceinte de Rome le mont Viminal et le mont Esquilin qui pourraient faire chacun une ville d’une juste grandeur. Il y distribua des places pour bâtir des maisons à ceux des Romains qui n’en avaient point, et établit lui-même sa demeure dans l’endroit le plus commode du mont Esquilin. Il est le dernier des rois qui ait augmenté l’enceinte de la ville, en ajoutant ces deux collines aux cinq autres qu’elle renfermait avant son règne. » Filippo Coarelli, Lexicon Topographicum Vrbis Romae V, éd. Eva Margareta Steinby, Rome, Quasar, 1999, p. 95-96.

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dans son croquis. Fulvio, en revanche, semble posséder une connaissance plus précise de la situation des deux monuments : Il y avait en outre à l’entrée du Forum Romain le nombril de la Ville et la colonne milliaire dite aussi Milliaire d’Or, qui correspondait avec chaque porte dont Pline précise qu’à son époque, elles étaient XXIV 30. Plutarque rapporte qu’il existait une colonne dorée sur laquelle sont énumérées toutes les routes d’Italie qui y aboutissent. Tacite précise qu’elle se trouvait tout près du temple de Saturne lorsqu’il écrit que la cohorte s’est rendue au Milliaire d’Or près du temple de Saturne. Plutarque raconte presque la même chose dans la vie d’Othon 31.

3. La reconstruction de la Rome d’Auguste (illustration 3) organisée en quatorze régions s’inscrit dans un cercle divisé, non pas en quatorze, mais en seize quartiers, puisque, aux quatorze régions augustéennes traditionnelles, Calvo ajoute : — la Regio Vaticana : le Vatican s’y trouve regroupé avec la région transtibérine entendue dans un sens encore plus large que dans les catalogues où Vaticanum signifie « cirque de Gaius et de Néron », et même, au-delà, englobe tout le Borgo, c’est-à-dire, le faubourg du Vatican ; — la Regio Campus Martius Maior : le Champ de Mars se trouve agglutiné à la région Circus Flaminius conçue dans son sens restrictif, celui de l’époque d’Auguste, à savoir la section Nord à l’ouest de la voie flaminienne. Les Catalogues des régionnaires indiquent dans cette région Campus Martis ou Campus Martius. 4. La Rome de Pline l’Ancien (illustration 4) : Rome semble avoir pris au Ier s. ap. J.-C. la forme qui sera la sienne pendant les siècles 30

31

Pline, Histoire Naturelle, III, 66. Le texte de Pline indique trente-sept portes dans les éditions anciennes comme dans les éditions modernes. Dans le texte du fol. B1 que nous avons cité plus haut, le nombre de portes était fixé à trente-quatre à l’époque de Pline. Fol. LIIIv : Fuit praeterea in capite Fori Romani Vmbilicus Vrbis et columna miliaria siue miliarium aureum constitutum ad singulas portas, quas aetate sua Plinius XXIV fuisse ostendit. Plutarchus uero tradit fuisse columnam auream in qua incisae omnes Italiae uiae finiunt. Quam fuisse iuxta aedem Saturni scribit Tacitus cum inquit perrexisse cohortem ad Aureum Miliarium sub aede Saturni. Idem ferme tradit Plutarchus in Othone.

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à venir. Les portes d’entrée de la Ville sont marquées par trentequatre ouvertures, qui sont reprises dans le texte de Calvo (fol. B 2r) 32. Les noms choisis pour certaines portes posent des problèmes : la porta Rhomanula, l’une des plus anciennes portes de la cité fondée par Romulus au pied du Palatin, se trouve, sur le plan, au nord-ouest de l’enceinte, à côté de la porte dite Rhutumena sive Veientana. Le problème que pose ce plan, c’est qu’il ne distingue pas l’enceinte servienne de l’enceinte aurélienne. Fulvio précisait pourtant : « Parmi ces portes, on dit que la porte de Romulus, la porte de Janus, la porte de Mugion et la porte de Sancus ne se trouvaient pas sur le tracé des murailles mais à l’intérieur même des murs. » 33 Le choix que fait Calvo de ne tracer qu’une seule enceinte aurait pu l’amener à faire des projections d’un tracé restreint à un tracé plus vaste, c’est-à-dire, de l’enceinte servienne à l’enceinte aurélienne. Cependant, même dans cette hypothèse, nous constatons que les projections n’aboutiraient pas à l’emplacement des portes sur le plan que nous examinons : la Porta Rhomanula devrait en effet se situer dans la proximité immédiate du Palatin, alors qu’elle s’en trouve fort éloignée. Tout se passe comme si la désignation des portes d’entrée dans la Ville s’était opérée sans considération de la colline ou du quartier le plus proche à l’intérieur des murailles. On peut même constater, si l’on considère l’enceinte circulaire comme un cadran, que la représentation de Calvo est globalement décalée d’un quart de tour. Une différence remarquable distingue ce quatrième plan des représentations de Rome qui l’ont précédé et qui le suivent : le Tibre s’écoule jusqu’à son embouchure et la ville d’Ostie est représentée sous l’aspect d’un château fortifié équipé de tours et d’une entrée monumentale. Pour cette représentation, Calvo a dû s’inspirer de constructions contemporaines, car l’ensemble nommé Ostia Tiberina n’a rien d’antique. Sans doute connaissaitil en revanche la forteresse édifiée par le cardinal Giuliano della Rovere, devenu pape sous le nom de Jules II en 1503, et que mentionne Fulvio au fol. Xr des Antiquitates. 5. La dernière vue d’ensemble (illustration 5) avant le catalogue des régions et des quartiers est une vue aérienne qui isole le Capitole : la quatrième porte, Tarpeia, est un ajout de Calvo. Elle n’est 32 33

Pour l’indication du nombre de portes par Pline l’Ancien, cf. supra, note 19. Fol. XIIv : non in pomerio sed intra urbis ambitum fuisse traduntur.

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en effet mentionnée dans aucune description de la muraille primitive 34 qu’il s’agisse des sources antiques ou des sources contemporaines 35. Quel meilleur nom que Porta Tarpeia proposer pour une porte donnant accès au Tarpeium Saxum ? On comprend aisément d’où cette dénomination tire son origine, nul besoin de la rappeler ici, mais il n’en reste pas moins que l’existence d’une porte ainsi nommée doit être considérée comme une invention 36. Les quatorze planches qui représentent « à plat » chacune des quatorze régions adoptent une orientation axiale suivant une voie principale de chaque côté de laquelle se répartissent les édifices énumérés dans le texte (illustration 6). Des colonnes d’insulae se dressent entre les monuments, accompagnées de la légende insulae et vici ; entre elles, réparties de façon symétrique, les indications : domus puteus, d’une part, pistrinum horreum, d’autre part. L’orientation respective des monuments n’est pas prise en considération puisque chacun est représenté de face, sur une surface uniformément plane. Les toponymes contemporains, enfin, souvent des déformations de toponymes antiques qui circulaient dans la conversation des Romains de la fin du Quattrocento, posent de nombreux problèmes et l’on constate qu’ils n’apparaissent pas dans le Simulachrum selon une parfaite conformité avec le texte des Antiquitates : — dans la région I, les Carpenati, qui désignent les habitants de Capène, ville desservie par la voie qui part de la porte Capène, n’apparaissent pas sous ce nom ailleurs que dans le Simulachrum ; — dans la région II, l’Armamentarium est situé par référence à l’église Saint-Grégoire, ce qui n’est pas indiqué chez Fulvio 37 ; — dans la région IV : Calvo indique meta Veneris siue sudans : Fulvio 38 pour sa part situe bien la Meta Sudans dans la IVe région et plus loin dans le texte, il écrit : Meta Sudans in cuius uertice erat aereum Iouis simulachrum. Le choix de la Meta Veneris sive Meta 34

35

36 37 38

Lexicon Topographicum Vrbis Romae, III, murus Romuli, 1996, p. 315-317 ; Lexicon Topographicum Vrbis Romae, IV, 1999, saxum Tarpeium, p. 237-238. Même dans les Antiquitatum uariarum uolumina XVII d’Annio de Viterbe (Rome, Silber, 1498), qui permet pourtant d’expliquer certaines affirmations étranges de Fulvio dans les Antiquitates, on ne trouve nulle mention de cette porte. Lexicon Topographicum Vrbis Romae, II, 1995, p. 228 (mons/collis Tarpeius). Antiquitates, fol. LXXXVIIIr. Antiquitates, fol. XIVv puis LIXr.

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Sudans comme monument emblématique de la Région, ne concorde pas avec le texte de Fulvio.

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Les planches du Simulachrum illustrent-elles le Simulachrum ? L’on déduit d’une confrontation systématique entre le texte et les images une absence de concordance entre les listes propres à chaque région et la représentation qu’en donne le plan. Si nous retrouvons, sur le premier schéma, la totalité des lieux et des édifices énumérés dans la première région, ce n’est plus le cas par la suite. On peut donc reformuler la question de la concordance entre les planches et le texte : les planches illustrent-elles le texte qui se trouve en vis-à-vis ? Le plan de la région II ne correspond pas à la liste des monuments énumérés dans le texte : il en contient davantage et les présente dans un ordre qui ne correspond pas à l’énumération (Philippi Domus, Mica aurea, Ludus Matutinus, Vettiliana siue Vitelliana domus pour la rangée supérieure, puis Armamentarium publicum et Hostilia Regia superposés). Ce phénomène peut également être constaté dans la IXe région où ni le portique d’Agrippa, ni le mausolée d’Auguste, ni les thermes d’Hadrien ne sont désignés comme dans le texte. On remarque en outre que les toponymes contemporains ne sont pas reportés dans les planches : dans la région II, S. Ioannis et Pauli aedes, S. Quatuor Coronatorum aedes, S. Gregorii aedes ne figurent pas sur le plan. Dans la région IX, le complément contemporain des localisations n’est pas reproduit : Campus Martius minor nunc S. Martinellus, porticus Agrippae nunc Pelliciaria, thermae Hadriani nunc S. Aloisius 39, Mausoleum Augusti nunc Augusta. On peut donc formuler une première remarque : les planches du Simulachrum ne constituent pas des illustrations parfaitement fidèles du texte du Simulachrum.

39

Ce rapprochement est particulièrement problématique puisque le De Romanae urbis vetustate de Pomponio Leto n’indique que Thermae Hadriani dans la IXe région. Pour ce qui concerne l’église de Saint-Aloysius, nous n’en trouvons pas de mention. Précisons que toutes les mentions de Saint Aloysius sont postérieures à 1568.

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DE QUEL(S) TEXTE(S) LES PLANCHES POURRAIENT-ELLES ÊTRE L’ILLUSTRATION ? Une réponse partielle à cette question nous est suggérée par le rapprochement implicite qu’introduit Calvo lui-même 40 entre son texte et le catalogue interpolé de Pomponio Leto 41, parfois présenté comme un authentique catalogue composé par Publius Victor. Ce rapprochement doit nous inciter à nous tourner vers un deuxième texte : le De Vetustate Vrbis de Pomponio Leto que l’on connaît également sous le titre Excerpta a Pomponio dum inter ambulandum cuidam domino ultramontano reliquias ac ruinas urbis ostenderet, publié par Mazzocchi en 1523 dans le volume De Roma prisca et noua varii auctores […] Sur quels éléments se fonder pour établir avec certitude que Calvo les a utilisés ? L’une des constantes du Simulachrum consiste, comme nous l’avons déjà souligné, à insérer dans les listes de monuments antiques, des églises ou des toponymes contemporains, qui servent de points de repère pour se situer sur un plan de la Rome antique ou simplement dans la ville moderne. Les occurrences de nunc ou hodie sont extrêmement fréquentes : ainsi chaque région comporte-t-elle au moins deux ou trois rapprochements avec des lieux connus et facilement repérables de la Rome du XVIe siècle. On retrouve parfois à l’identique, sans ajout ni remarque dans le texte de Calvo les localisations que Pomponio Leto indiquait, beaucoup plus rarement pour sa part, dans la Rome de son époque ainsi que les rapprochements qu’il établissait entre toponymes antiques et quartiers ou églises du Quattrocento. Il n’est donc pas impossible qu’au lieu de confronter deux réalités topographiques distinctes, celle de l’Antiquité et celle de sa propre époque, en vue d’obtenir des plans et des représentations le plus conformes possible à la réalité, Calvo ait reproduit les indications de celui qui faisait autorité dans ce domaine pour toute la génération précédente. Nous en verrons quelques exemples plus bas. Pourtant, ce rapprochement n’explique pas tout. En effet, en circulant dans les quartiers de la Ville en compagnie de Raphaël 40 41

Cf. supra fol. B1 : in libellis qui de Vrbis regionibus circumferuntur. Cf. supra, note 19. La description interpolée des quatorze régions de Rome, éditée par Roberto Valentini et Giuseppe Zucchetti dans le Codice topografico della Città di Roma, I, p. 18.

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et de Fulvio, Calvo a nécessairement enregistré des toponymes propres au langage romain de son époque : on imagine aisément les trois hommes attentifs à tous les vestiges mais aussi à toutes les dénominations en cours pour confronter les sources textuelles, les données livrées par le terrain et les noms actualisés par les Romains de l’époque. Les sources qui fondent les rapprochements entre toponymes anciens et toponymes modernes sont parfois complexes à identifier : — dans la description de la région III, Calvo écrit 42 : mons Exquilinus, nunc autem S. Petri in Vinculis là où Pomponio indique dans les Excerpta 43 : Exquiliae incipiunt a templo S. Petri ad Vincula. Sur la planche consacrée à cette région, on ne trouve pas d’illustration de cette indication ; — quelques lignes plus bas, les thermes de Titus sont dits capocciae, équivalent de capaciae chez Pomponio 44, tandis que chez Fulvio 45, c’est le substantif latin capaces qui est conservé. On peut retrouver le nom italien, ou du moins, en patois romain, dans le texte de Giovanni Rucellai, Della bellezza e anticaglia di Roma, composé à l’occasion du jubilé de 1450 46. Ce toponyme apparaît sur le plan ; — dans la description de la région V 47, le Lavacrum Agrippae est situé près de Saint-Laurent in Panisperna : ce rapprochement figure également dans les Excerpta de Pomponio Leto 48 et les Antiquitates de Fulvio 49 ; — dans la région VI dite « Haut Sentier », Calvo 50 reprend à son compte l’idée déjà formulée par Pomponio Leto d’une confusion entre le lieu de disparition de Romulus 51 et le temple de Quirinus. Ce temple est par ailleurs associé à l’église SainteSuzanne : que l’église Sainte-Suzanne se situe sur le Quirinal, on 42 43

44 45 46 47 48 49 50 51

Fol. C1v. Excerpta a Pomponio dum inter ambulandum cuidam domino ultramontano reliquias ac ruinas Urbis ostendret, in Codice topografico della Città di Roma IV, p. 429. Ibid., p. 432. Antiquitates, éd. cit., fol. XLVIv. Codice topografico, IV, p. 417. Fol. C3v. Codice topografico, IV p. 430. Fol. XLVIIr. Fol. CIVv. Codice topografico, IV p. 430.

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peut le confirmer, mais pas à l’emplacement de l’ancien temple de Quirinus, placé nettement plus au sud, à proximité des thermes de Constantin 52. Fulvio (fol. XLVIIr) pour sa part, localise le temple de Quirinus beaucoup plus près des thermes de Constantin, « au-dessus de l’église Saint-Vital » 53. Un dernier rapprochement peut nous conduire à un autre texte : il nous est suggéré par la déformation d’un toponyme qui a cours dans la Rome contemporaine de Calvo. Dans la VIe région, il indique que le bain de Paulus est désigné par la périphrase monte mangia napoli, formule incompréhensible qui n’est d’ailleurs pas reportée sur la planche correspondante où on lit simplement BALNEA PAV. AEMILII. Or, que lisons-nous dans l’Opusculum de mirabilibus nouae et ueteris urbis Romae de Francesco Albertini ? Balnea et balinea ut in marmore antiquo uidi sculptum L. Pauli erant in colle Quirinali uulgo nunc dicitur corrupto nomine magna napoli 54. Ce toponyme, dans lequel on peut voir une déformation de balnea pauli, déformation qui eut cours à partir de la Renaissance, désigne un hémicycle du forum de Trajan 55. Enfin, comme illustration de la XVIe région dite vaticana, nous voyons la Meta Pii qui n’est nommée de la sorte dans aucun de nos textes, mais qui correspond, dans les Mirabilia, à une mention du Sepulchrum Romuli, quod vocatur meta 56, par la suite décrit avec plus de détails dans l’Opusculum d’Albertini 57 et dans les Antiquitates de Fulvio 58, mais sans être jamais accompagné de la référence à Saint-Pierre. Il s’agit d’un supposé tombeau de Scipion 52 53

54 55 56 57

58

Lexicon Topographicum Vrbis Romae IV, p. 185-187. Fol. XCVv : Apparuit autem Romulus in monte Quirinali supra templum nunc S. Vitalis ubi ob eam rem conditum fuit templum Quirini. Ed. Mazzocchi 1510, fol.19v. Lexicon Topographicum Vrbis Romae, III, 244. Mirabilia, §20. Ed. cit., fol. 64r : Non longe a mole Hadriana erat meta quam Alexander sextus pontifex destruxit ut uiam aperiret ; vestigia cuius adhuc extant apud ecclesiam S. Mariae Traspontinae quam (ut Plutarchus ait) Scipionis fuisse sepulchrum in pyramide sub Vaticano, quamuis nonnulli sepulchrum epulonum fuisse comprobent. A uulgo Romuli meta dicitur, alia uero apud Auentinum Rhemi appellatur. Ed. cit., fol. 72r : Quam hodie metam imperitum uulgus sepulchrum Remi appellat secutum (ut arbitror) opinionem qua etiam deceptus est. D. Franciscus Petrarcha alioqui doctissimus uir poeta et orator magnus qui scribit in quadam epistola fuisse sepulchrum Remi, quod ideo addidi ne quis uulgi magis famam sequeretur quam historiam quae rumore utique uulgi uerior reperitur.

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en forme de pyramide, situé au Vatican et également appelé memoria Romuli au Moyen Age ou pyramis Romuli tout près de l’église Santa Maria in Traspontina. Cette église, comme le disent tous les antiquaires de ce début du XVIe siècle, fut détruite lorsque Alexandre VI ouvrit la voie du Borgo Nuovo en 1499. Au terme de ce parcours fait d’allers-retours entre les images et le texte, nous espérons avoir montré que l’hypothèse d’une source textuelle unique utilisée comme point de départ pour les illustrations du Simulachrum présente moins de vraisemblance que l’existence d’un faisceau d’informations émanant des textes antiquaires. A la source du Simulachrum et de ses illustrations, se trouve un système de documentation complexe, qui ne permet d’ailleurs pas d’affirmer que le texte et les planches qui « l’illustrent » aient été conçus en un même mouvement. Comment en effet affirmer que les planches illustrent le texte, que le texte est premier donc, tant on a parfois l’impression que les éléments de l’énumération propre à chaque région sont, non pas projetés dans les planches selon une translation géométrique rigoureuse, mais éparpillés dans les cadres définis sans considération d’orientation ou de perspective ? La circulation conjointe de l’antiquaire, de l’artiste et de son secrétaire dans une Rome objet de transformations esthétiques, urbanistiques mais aussi linguistiques, ouvre en outre plusieurs pistes d’enquête dans les textes contemporains ou immédiatement antérieurs. Si les toponymes antiques semblent en effet se transmettre de texte en texte, l’on constate une certaine instabilité des noms attribués aux monuments ou aux quartiers de l’Antiquité dans la langue romaine de la fin du Quattrocento et du début du Cinquecento. Sans doute ces fluctuations toponymiques justifient-elles le choix de Calvo de ne jamais les reporter sur des illustrations impeccablement quadrillées, qui semblent devoir figer l’image de Rome pour l’éternité. Anne Raffarin Université Paris IV Sorbonne EA 4081 Rome et ses Renaissances

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Illustration 1 : La Roma Quadrata de l’époque de Romulus (ed. Doricus, 1532)

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Illustration 2 : La Rome de Servius Tullius (ed. Doricus, 1532)

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Illustration 3 : La Rome d’Auguste (ed. Doricus, 1532)

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Illustration 4 : La Rome de Pline l’Ancien (ed. Doricus, 1532)

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Illustration 5 : Vue d’ensemble du Capitole à l’époque de Romulus (ed. Doricus, 1532)

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Illustration 6 : Description de la Région III dite « Isis et Serapis » (ed. Doricus, 1532)

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