Natarajan - Les racines de l'éveil

March 16, 2018 | Author: s_teban1533 | Category: Spirituality, Truth, God, Perception, Conscience


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Description

Introduction et intention de l'ouvrage.Je ne sache pas, à ma connaissance, aucun témoignage destiné à faire comprendre que l'éveil puisse être vécu de différentes manières. Il s'ensuit l'ostracisme convenu et meurtrier qui ne fonde la légitimité de l'éveil que dans un certain cadre, les normes d'une école donnée. Les écoles abondent. Des rumeurs contradictoires courent sur l'éveil, et je les aborderai, pour les principales, en maintenant l'idée que l'essentiel est de découvrir le soi, unique, pérenne, semblable à lui-même, alors qu'il est secondaire de prendre pour argent comptant ce qu'il représente pour l'éveillé, étant donné que personne ne le vit de la même manière. Certains y parviennent sans avoir suivi de parcours initiatique convenu, d'autres n'ont suivi qu'un maître, d'autres encore ont vagabondé d'une tradition à l'autre. 1 Koan:Le chemin le plus court est le plus incertain. Ce n'est certes pas facile d'être traversé par cette intuition, qui règle bien des approches. Toute cette lecture vous conviera à prendre confiance dans le mouvement même de la quête. Et quant à se persuader de cet aphorisme, sans en être profondément convaincu, cela ne sert de rien, d'où la nécessité de développer ce thème — l'art de marcher sans se préoccuper du lieu à atteindre. La route elle-même va vous renseigner à chaque pas sur les obstacles, le matériau du sol, et donc adapter sa course au lieu de l'arrivée est stupide. Les creux et les bosses, les cailloux et les gués, le sable ou la boue, la forêt ou la clairière, le champ ou la rue, exigent chacun un pas différent, une attention plus ou moins proche. Mais le mental se concentre sur le but et oublie que ce qui y mène est une attention profonde et spontanée à chaque moment, et non la construction de belles vérités à atteindre ou de qualités à acquérir. Avant donc de vivre la marche, de comprendre que le chemin le plus court est le plus incertain, le meilleur moyen de faire un pas après l'autre, c'est de perdre l'habitude de se plaindre des échecs. Qui dit échec, dit but, et à défaut de savoir renoncer à ses buts, il est toujours loisible de trouver — dans un manque de réussite, la source d'un nouvel itinéraire. L'éveil est un projet circulaire et panoramique qui embrasse tous les buts fragmentaires. Si quelque chose peut encore vous détourner de la voie de l'éveil, vous approchez les réussites et les échecs avec beaucoup de conditionnements émotionnels. S'enraciner dans une quête profonde, même incertaine, est en réalité une condition plus sûre que s'appuyer sur des motivations précises et subjectives, pour gagner le Tout. Si rien ne peut vous détourner de votre aspiration, vous ne verrez dans votre échec qu'un détour, et non une catastrophe. Vos buts sont discutables, non seulement de l'extérieur, mais même pour vous-même. C'est donc souvent un raccourci spirituel d'échouer sur un plan qui n'est pas en prise directe avec le plus profond aspect de votre moi. Dans tout échec, il convient de discerner trois points, premièrement si le but était vraiment justifié. C'est souvent un cadeau de ne pas réussir: on se rend compte que ce chemin ne menait pas aussi loin qu'on espérait, et qu'on en attendait trop. Ces choses dérobées, dont on n'aura pas pu jouir, auraient à leur tour appelé d'autres choses, souvent dans une quête sans fin de résultats, de gratifications, de satisfactions personnelles. Mais si ce que vous avez manqué valait vraiment la peine d'être expérimenté, la seconde chose à considérer est votre part de responsabilité dans votre échec, et la troisième, la part de l'extérieur, que vous ne pouviez pas prévoir. En général, nous sous-estimons notre part de responsabilité dans que vous ne pouviez pas prévoir. En général, nous sous-estimons notre part de responsabilité dans l'échec pour surestimer la portion «imprévisible», celle qui dédouane de ne pas aboutir. En fait, vous découvrirez chaque jour davantage que vous êtes de plus en plus responsable de vos erreurs et de vos réussites. Opposer la chance à la malchance a toujours été le moyen de se soumettre au destin. Il n'existe que notre propre expérience, et les considérations que nous construisons sur l'au-delà de ce que nous percevons déjà sont illusoires. Néanmoins — une fois le chemin parcouru — il est pratique d'en témoigner. On apprend toujours quelque chose de savoir que d'autres nous ont précédé dans le Tao. Une personne qui ne connaît qu'une langue ne peut pas penser dans un autre dialecte que sa langue natale. Le soi est un langage qui ne pense pas le monde, mais le perçoit, et la pensée le représente mal. Cependant comme tout le monde pense, les éveilleurs continuent de jouer avec ce paradoxe, évoquer l'impossible dans le monde contingent qui l'exclue. Rebrousser chemin, repartir à zéro, sont des phases aussi naturelles qu'avancer, ou que parvenir à destination. Les chemins du temps ne sont pas nos propres routes, ils absorbent les dualités, montent et descendent, alternent les lignes droites et les passages sinueux. L'on apprend parfois en quelque jours, au fond d'un cul-de-sac, ce que l'on aurait patiemment découvert en trois ans, le long d'une avenue conventionnelle. N'en concluez pas qu'il faut se forcer à échouer. Entre l'univers et nous, il y a toujours une complicité. Le succès en constitue une forme gratifiante et harmonieuse, c'est un emboîtement dans un espace plus large qui s'effectue dans la conformité. Mais cette conformité n'est pas encore parfaite. Il n'y a qu'à partir de la conscience du soi que l'être se sent vraiment correspondre avec la totalité sans opposer ses différents aspects. L'échec, l'erreur, l'impasse, l'impossibilité de poursuivre sont des formes de complicité imparfaites, celles qui exigent un réajustement et une vision plus large des choses, où davantage de facteurs entrent en jeu. Rien ne nous sépare de la Totalité, mais revenir à cette évidence, la ressentir sur tous les plans de l'être, constitue l'aboutissement d'une démarche qui ne s'éparpille plus, ni dans la perpétuation du passé ni dans la fuite vers l'avenir fantasmé. Les échecs, les manque-à-gagner, les mouvements inachevés, sont de précieux points de repère. Comme la douleur qui signale le délabrement d'un organe, ou la brûlure qui prévient la peau. La pensée fantasme un Tout qui lui obéisse. Le terme de non-mental, que le zen s'est approprié, définit l'univers du soi par quelque chemin que l'on y parvienne. Mais il est imprudent de vouloir faire cesser la pensée de force. Nous ne savons pas vivre tous les événements comme une complicité absolue avec l'univers. Et c'est pourtant le cas. Même des accidents que nous ne méritons pas, qui semblent totalement injustifiés, comme être victime d'un chauffard et rester estropié, sont l'occasion de progresser. Il ne s'agit pas de cautionner l'accident après coup ni de lui trouver des raisons. C'est une simple question d'adaptation. Rien ne peut arriver de pire que rester dans l'ignorance, du point de vue de l'éveil. Subir est encore une des procédures les plus sûres pour pousser le moi à se différencier du non-moi, sur la trace nouvelle d'une coïncidence avec le Tout, qui cesse d'être approprié et rêvé. C'est le témoignage des éveillés, des précurseurs, qui ont fait feu de tout bois. Tout événement peut devenir la source d'une métamorphose. Le zen et le taoïsme partagent la prescription du lâcher-prise, qui permet d'évaser la conscience et de lui faire découvrir les réalités qu'elle refuserait en s'acharnant à réaliser ses ambitions, fuir ses peurs, cacher ses imperfections. Le bouddhisme a établi que la pensée était un sens délicat, beaucoup plus subjectif que la vue ou l'ouïe, et qu'il réclame une attention profonde, d'où la constellation de méditations propres à permettre au moi de décanter l'indigeste perception permanente du moment. L'hindouïsme décrit le soi comme une vaste étendue impersonnelle, que le moi perçoit parce qu'il est lui-même devenu détaché, vaste, libéré des compulsions. Si on ne laisse pas entrer dans sa vie ce qui neutralise la subjectivité débordante — source de ce qu'on appelle aujourd'hui les projections, tout se perpétue. Beaucoup de «réussites» prolongent le passé et n'apportent aucun élément nouveau dans la transformation de la conscience. Le non-moi, l'ensemble de ce qui nous est extérieur, résiste par définition à nos modes d'appropriation, et lâcher-prise signifie comprendre que le non-moi n'est pas appropriable, et que toute remise en question est un processus naturel. La réalisation du silence intérieur, baptisée aussi libération du mental, ou fusion avec le soi, fonde l'individu dans la totalité du cosmos, en harmonie avec lui. Aussi me paraît-il nécessaire de dégager cette virtualité des cadres où la mémoire de l'humanité l'a enfermée jusqu'à présent. Pour ce faire, j'évoquerai seulement les traces, dans les traditions, de la réalisation du soi ou Éveil, et la manière dont elle est présentée, non pas pour inférioriser ce patrimoine mais pour lui rendre hommage, lever quelques contradictions formelles entre différents mouvements, et enfin montrer leur convergence. J'invoque donc la profondeur, qui nous permettra de découvrir les mêmes principes sous des formules différentes, et la même ascension par différentes arêtes. Une source inépuisable a toujours été chantée sur la Terre, le Brahman des Hindous, le sunyata des bouddhistes qui mène au nirvana, le wou et le chen des chinois, et l'univers indescriptible qu'ouvre le satori aux pratiquants du zen. Ce même état a été mentionné par les mystiques occidentaux et quelques grands génies grecs, mais rarement avec la rigueur de l'Orient, qui s'est fait une sorte de spécialité spirituelle de la révélation de cet état, conformément au fait que l'Asie et l'Inde laissent le temps passer sans se préoccuper de sa fuite. Leurs chercheurs adoptent plus facilement les principes de la quête qui demande une réceptivité (Yin) peu encouragée en Occident. Détruire l'ignorance ou réaliser le Soi, cela revient au même. C'est le contenu des Écritures, de Bouddha à Shankara, de Lao-Tseu à Boddidharma, de Lin-Tsi à Dogen, de l'hindouïsme qui ne compte plus ses maîtres au Soufisme, et même chez les grands mystiques chrétiens, absorbés dans ce qu'ils appellent le Silence de Dieu. Le chemin se parcourt dans l'étendue et le temps, et retrouver ce qui relie à l'au-delà du Temps et de l'espace — le mystère du Soi — s'effectue dans la durée. Un flux irréversible — non fantasmé comme le prolongement de soi-même, mais vu comme l'éternel levier de toute croissance, une énigme nourricière, une réalité sans contours qui est notre véritable matrice (en amont des parents biologiques d'une part et de notre identité d'autre part), constitue le processus de la conscience. On ne peut ni l'originer ni le finaliser, mais seulement le vivre et le découvrir. On rattrape le Tao dans le temps qui nous est imparti sans s'acharner à définir intellectuellement son origine et sans s'amuser à lui prêter des intentions et des buts. Le grand courant se rejoint, et il est inutile pour cela de savoir quand il a commencé ni où il nous mène. La quête de l'éveil débute par le repérage des limites de notre participation à la totalité. Voilà pourquoi les Upanishads, textes des éveillés de l'Inde, chantent le temps comme une illusion s'il ne ramène pas à ce qui le transcende, et que la lignée des Bouddhas met en garde contre la fascination de l'éphémère. Gautama dénoncera l'impermanence tout en lui rendant hommage puisque derrière ses vagues, se trouve le non-né, le repos du chercheur de feu. Il s'agit donc d'accepter avant tout les changements perpétuels, pour débouter les perpétuations fossiles aux formes renouvelées. La réalité de la transformation permanente n'est pas perceptible par le Mental. C'est à partir de là que le chemin se perd, dans la description fallacieuse de la carte que l'on en établit. 2 Méditation sur le dépouillement mental. Chaque éveillé appartient à une tradition, à moins qu'il ne la fonde, et cela explique que l'expérience illuminative soit décrite différemment et qu'on lui attribue des qualités particulières selon les races et les époques. Assez vite, le chercheur qui n'est pas enraciné dans sa quête, L'attraper grâce à l'image que l'on en cultive est une stratégie impossible. le Vedanta vante le Soi comme l'ultime réalité. et la profondeur apparaît. extirpé la complaisance. la réalisation est avant tout le sentiment d'être relié à toutes choses. Le chemin est exploration. l'autre descend. l'aspiration solaire capable de souffrir sans douleur pour son idéal divin. où tout se mélange. et à travers le moi. Ceux qui sont passés sur l'autre rive et qui en parlent disent comment ils voient les choses avec certaines précautions. le besoin de toujours rassasier le corps. à partir de son dessin le paysage lui-même. prête à subir encore les fascinations par et pour l'action. Aujourd'hui. une sorte de liberté volée au chaos du monde. Tous les éveillés ont raboté les mêmes angles morts. arborescence du désir. Confusion entre les mots et ce qu'ils désignent. Sri Aurobindo. Nous allons donc évoquer un paradoxe. une fleur «impersonnelle» miraculeusement jaillie des obscures racines de la vie. d'autres se taisent.confond les fins et les moyens dans le fantasme de l'autre côté du miroir — l'illumination. Le nouveau processus ne peut viser une direction. Le spirituel et le matériel sont en réalité la même chose. la matière et l'énergie. mais dans son obscurité même se trouve la trace de son ascension possible. convoite. ils ne semblent pas s'accorder sur le sens ultime de la traversée des apparences. le chercheur en revient toujours à ses propres résistances. Il n'y a guère d'éveillés qui ont pu se dispenser d'un combat pour fournir à l'Esprit l'usage du corps. et l'apparence de l'ordre. le pouvoir. un simple marchepied de l'Evolution. Il vous suffit de savoir que ce passage existe et qu'il peut être le vôtre. le passage à une condition universelle qui s'effectue à partir de cas particuliers. Le mental commence alors à être remis en question. à partir duquel Elle ordonne aux chercheurs de s'élever plus haut encore. la semence de sa réhabilitation. on en opposera sa chimère idéale au matériel. ils dépassent la faim mentale. ou rapproche. Ensuite. dans la quête toujours ajournée de trouver une spiritualité qui transcenderait le chemin simple de tous les jours. Il est donc possible que ces images différentes de la même chose rivalisent pour vous attirer. le Soi est certes un résultat — un fruit. mais nul ne sait s'il attribuait à cette réalisation un véritable caractère individuel. puisque s'entrecroisent sans fin des volontés concurrentes. une force qui aime les habitudes. C'est en aval des maîtres que les discours s'empêtrent pour évoquer la voie. pour l'individu. pour la gloire de l'Unité et l'amour de l'Inconnaissable. On aura beau fantasmer le spirituel d'une manière nouvelle. une délivrance pour le moi. A imaginer que le spirituel existe. c'est-à-dire la croyance en laquelle des explications justes livreraient le mode d'emploi de la vie. et enfin les résidus de l'inertie la plus matérielle. tout le monde feignant d'avoir compris. en tenant compte de leurs propres résistances. Tous les chercheurs ont dépassé la faim immédiate. l'un monte. Depuis que les Vedas se sont perdus. le Soi n'est qu'un moyen. Peut-être la voyait-il comme une souffrance définitivement vaincue. Pour Bouddha. D'où toutes les tentatives de vivre autrement les objets que le désir impose. pour la Terre. le plaisir. pour le maître par excellence. volonté subjective qui se plie difficilement aux aléas de l'existence. puisque nul ne peut en définir les contours. La matière reçoit les informations de l'Esprit. Pour Lao-Tseu et la Gnose. une victoire de la conscience sur la mort. mais tous les éveillés ont fait ce qu'il fallait faire pour le trouver. dont on refuse de justifier les modalités. reconnu le non-moi comme leur propre origine . elle est un passage. Pour le zen. conscients que décrire la mer à une personne qui ne l'a jamais vue ne remplace pas la vision réelle. Aussi considérez que le soi est une mystification tant qu'il ne vous surprend pas. le faux pas et le mouvement reliant. les perpétuations. usage que la vitalité veut monopoliser. invention du temps par la pensée qui amalgame analyse et imagination dans le fantasme de l'appropriation du réel. Jamais deux individus n'y sont parvenu de la même façon. le Ciel et la Terre. Et à écouter les sages. la Substance et la forme. la volonté intense d'exister par le moi. Certains évoquent le chemin. selon d'où qu'ils viennent. . pétris de questions brûlantes. ne dépend que de l'économie de soi-même. alors que tous les éveillés témoignent que cette différence est illusoire. Il rejetterait au nom de la vérité des milliers de faits jugés avant d'être compris. de la pensée qui le pousse toujours en avant — imprescriptiblement. ou qu'ils ne dépassent pas la dizaine. peu importe.La résistance change de lieu: elle monte du corps au moi par les attachements et les habitudes. Si le chemin du Tao existe. jusqu'à déraciner l'idée même du moi qui cherche. Non d'un tableau sur les tenants et les aboutissants de l'existence. dans le prolongement de l'homme qui s'en trouve gratifié. les mouvements où s'amalgament désir et volonté. laissant s'ajourer plus de lumière jaillie de l'obscur. la vitesse des jours change. qui veut. au terme du cheminement. Le chemin naît de lui-même. une union unique entre le Ciel. certes évoquée mais incomprise. haïs avant qu'ils ne révèlent leur place dans la totalité. Il serait inventé. art naturel aux plus grands comme maître Eckart. les voiles nous privent de la vision. Art mis en forme dans le zen authentique. méditation pour faire renoncer le mental à convoiter les choses dans la vitesse de ses élans. d'extases fugitives. qu'aucune théologie ne comprendra jamais. chercheront à être des exemples. Une manière peu connue. les voiles sont. qu'ils sont malléables. C'est celui qui se contente des confrontations multiples du moi au mystère de la vie. Sont à éliminer. mais c'est le plus neutre et le plus évident. les émotions. elle descend du moi au corps par les décrets de la pensée qui fondent les habitudes. Extirper ce besoin de croire ou de ne pas croire pour vivre les faits en eux-mêmes. constitue le principe même de l'honnêteté intellectuelle. Que ces éveillés-là soient froids ou exaltés. Chasteté ou sexualité tantrique pour les besoins puissants de la vie. réel puisque symbole de ce qui contient tout. de deuils fracassants — les illusions qui s'effritent. Le retour à la perception pure. cherchant parfois à être dévalorisés par les hommes pour mieux jouir du secret absolu. L'éveil ne serait donc pas le terme d'un parcours (le bon parcours à suivre). une famille de qualités. deviné ou simplement supposé pour ses traces imperceptibles. Le mot semble trivial. de déterminer un itinéraire. qui trouve. avant de leur attribuer quelque finalité ou caractéristique préconçues. la Terre. L'épuration peut commencer sans aucun arrière-plan préconçu. au mystère de l'Esprit. comme l'affirment les fous de Dieu iraniens. les prises de conscience sont panoramiques. tandis que d'autres. ou. et justifie la complaisance. comme je le disais au début. l'âme et le soi. vrai dans tous les contextes. Aucun mécanisme ne s'approprie la vision juste. Il n'y a donc pas lieu de viser juste. Ils ont toujours existé. En revanche. Chaque éveillé constitue une espèce à part entière. moins amoureux du Mystère. Qu'ils soient sept cents. Le moment se creuse. mais la simple conséquence de vivre en changeant tous les paramètres habituels. s'ils sont classés en catégories profondes. mais un mystère ondoyant au sein du Mystère en toute connivence. le socle de l'éveil. sans orgueil ni vanité. c'est celui qui ne veut aller nulle part plutôt qu'acheter une meilleure illusion. que je confonds avec le soi comme le fait la tradition asiatique — une approche parmi d'autres qui n'est pas exclusive. Les voiles doivent diminuer. et derrière lui. Aucune croyance n'est meilleure qu'une autre. sans se poursuivre de manière préconçue. Dans la déformation conditionnée qui maquille tous les objets. dans la rectitude solaire. image pure de ce qui n'exclut rien. et qui demande un engagement. Elles concernent ce que l'on pense de soi-même. légitime les comportements. Aussi chaque illumination est-elle différente. exubérants ou d'apparence sinistre par leur méditation intense. et la qualité des sensations. puisque toute théologie est l'aveu de la différence entre l'homme et le Divin. en petit nombre. Le fait est donc là: une manière de s'y prendre brise toutes les limites et ramifie à la totalité. bien qu'il ait bondi là où il n'est plus seulement lui-même. maintenant qu'ils ne se perpétuent plus. rare et paradoxal. lutte pour la sobriété de l'appétit gourmand et la préservation de la santé par l'alimentation. L'engagement est . le créé déguise l'incréé sur lequel il s'appuie. Rien qui ne puisse fonder une image authentique de . un moi conjuguant — à son insu le plus souvent. et qui entérine la séparation factice entre les objets. Le point d'arrivée (le soi) embrassant tout. la mémoire terrestre est une horreur. Ils ne savent parler qu'à leur propre histoire. La soumission au Tout par la rébellion à tout. parce que des principes s'y emboîtent les uns dans les autres. aux petits moi emboîtés qui se soumettaient avec complaisance à toutes formes d'expansion émotionnelle. Qui ne peut plus avoir ni tort ni raison. Pour se libérer de cette image qu'est la distance. et il ne bouleverse rien. et c'est la raison pour laquelle nous sommes d'un côté si acharnés à dresser des cartes pour baliser l'inépuisable. d'où l'acharnement à le caractériser. dont le mystère des limites ne nous touche pas? Floues sont les frontières du Tout. Dès lors. les structures de valeurs. le nouveau décore le permanent. ou les valeurs rabachées par leur société. Mystère interdit. et concevoir — ce qui est l'art de changer la faiblesse en force. nié même par les survivances des lois religieuses et tribales — contingentes. Et le cheminement qui va vers l'oubli des références s'opère à rebours. floues sont nos propres frontières. sans passé. Un autre mental voit le jour pour lequel les incertitudes servent autant de points de repère que les preuves. Les us des hommes sont arbitraires. L'enfant curieux et disponible arrive avant l'homme. exacerber les désagréments. lui qui se moque des peines et des souffrances pour la plénitude devinée ou plutôt pour la promesse fragile encore. nous nous représentons le processus comme un itinéraire défini. Parce que l'ignorance est un point de départ. un insoumis. Ils ne peuvent s'originer autre part que dans le bébé qu'ils furent et leurs souvenirs survivants. et l'image de leur potentiel les effraie encore puisque ils ne savent déjà imaginer le formidable levier du Verbe au fond d'eux. Nous verrons par la suite que toutes les doctrines s'articulent là-dessus — la prise de conscience d'une incapacité notoire à déceler le réel. Rebelle à l'ordre établi par la mémoire douloureuse des hommes. d'où le paradoxe de l'éveil: l'intelligence augmente tandis que les certitudes s'estompent et que les doutes s'utilisent. l'Esprit au verbe qui dit je. Secret de l'amant du Tout. avec les mirages transmis par les ancêtres. sans histoire. et l'éveil un point d'arrivée. rien n'est à viser. conformément au Yi-King qui se perd dans la nuit des temps. un enchevêtrement entre le moi et le non-moi. Elles ont toujours vécu avec leur prénom et leur nom qui leur échapperont dans la tombe. chacun possédant une fonction hétérogène. qui serait fantasmé dans le même cadre que celui qu'il faut enfin quitter — un luxe particulier. avoir été. car c'est celui de la mémoire. tout en écrivant la partition maudite du jugement de valeur pour chanter l'ignorance rigoureuse de la naissance mortelle. que la réalité est un organisme dont nous ignorons les principes et la morphologie. à la jonction des pouvoirs immenses qui agglutinent les pensées au corps. à trop flatter les désirs. Proportionnellement. les affects. d'être. Peu de personnes arrivent à se passer de référentiel. Un enchevêtrement à l'intérieur du moi. Cet aveu d'impuissance n'est pas humiliant. Beaucoup n'ont jamais appris à se parler à eux-mêmes sans passer par tout ce qu'ils s'imaginent avoir vécu. perpétuée dans l'illusion toujours neuve d'un avenir meilleur. c'est un espace incomparable au point de départ. Sans nom. et de l'autre.souvent manqué. L'adulte vit sa liberté. Pour gagner le lieu qui est tous les lieux. l'énergie à la matière. Saisir que l'inconnu côtoie le connu. nous pouvons seulement considérer les choses dans leur ensemble. aléatoire — une élasticité. les lois casuistes. caresser les illusions de posséder la jouissance et d'éviter le malheur. l'hétérogène est le bourgeon de l'homogène. S'extraire des prolongements mécaniques du moi est nécessaire avant de présumer l'éveil. une forteresse imprenable. l'alternance devient le principe suprême qui lie l'obscur à la lumière. caché. Parce que des cycles le composent. Rien n'est établi. le chaos accompagne l'ordre et l'équilibre. La vérité périclite quand la pensée s'en empare. Mais rebelle aussi à soi-même. par les sensations. condamnés à l'exploration. C'est la simple reconnaissance de notre condition. le vieillard perd son autonomie. Le yin précède le yang. Qui ne travaille plus seulement pour déchiffrer les choses mais pour vibrer à l'unisson des étoiles et de la vie. La voie? L'art de savoir tout accepter en devenant un rebelle. Rien que du complexe fonctionnant dans une unité déconcertante. Comment trouver sa reliance dans un univers seulement fantasmé. les pensées. il est enfin admis qu'elles ne sont que des représentations qui tendent à l'exactitude. Le chercheur obsédé par la direction du bon chemin s'attache trop à comparer les témoignages et il rencontre des paradoxes insolubles. l'établissement des structures. prête à brûler toute affabulation sur le génie humain. des contradictions poignantes au sein même de la vérité. Une approche rigoureuse du provisoire est la seule alternative. Et ces croyances tiendront lieu de repères en n'étant en réalité que des cartes topographiques jaunies et écornées. la loi du mouvement — traverser. D'autres n'oublieront jamais que leur expérience appartient au Tout. 3 Réflexion sur les principes des doctrines spirituelles. Seule une flamme intérieure suffit. Et les lois devinées se révèlent — mais ce n'est pas ici l'occasion d'en parler. Et nous bâtirons nous-mêmes les murs de notre prison.périclite quand la pensée s'en empare. tant le mental aime bâtir et inventer — pour éviter de voir que le temps lui échappe. Mais tous en profitent pour éclairer et être. Quant à établir les lois physiques de l'univers. Seule la versatilité est établie. la religion. Et à ce jeu. de s'enivrer de silence. On croira à une nature de l'homme. Vieux piège qui perdure. alors que le concept est vide. tandis que d'autres s'y engouffrent. Sinon. où l'orgueil de chaque peuple mûrit dans le mépris des peuples voisins. Rien qui ne puisse fonder une image authentique de l'humanité à laquelle nous raccrocher. La profondeur du soi est un abîme. et ils n'en finiront pas de louer le grand Vide. On croira aux objets de l'esprit comme s'ils étaient réels. Tout chercheur parvient à se libérer de certaines choses que d'autres trouvent indéracinables. Il substitue aux racines contingentes une identité verticale qui s'enfonce dans l'incréé. mais le simple moyen de transformer le monde. Certains éveillés creuseront toujours davantage dans le soi jusqu'à présenter la Terre et la vie comme de simples illusions. . Chercher l'autre naissance ne s'escamote pas par des considérations supérieures: nous nous laisserions alors manipuler par les chimères des grandes Idées. cette galerie d'art rassurante qui égare le visiteur que la mémoire maudite interpelle. la race. on croira que le soi s'obtient par quelques pirouettes ou manigances supérieures qu'il suffit d'extorquer aux sages — sans faire le point au préalable sur l'ombilic inconscient qui relie le moi au non-moi. de se dissoudre vers l'Incréé. de lui donner les principes. alors que politique. ne sont pas définitivement réelles. fondements religieux ou psychologiques des entraves spirituelles). L'énoncé de la voie n'est pas la voie. souples et adaptables aux situations particulières. Les compulsions humaines. Il n'y a donc pas de cadre humain où établir la pertinence de l'éveil. et ils verront dans le soi non pas quelque consécration ni récompense. Établir est une illusion dans un monde perpétuel de changements. (dont le répertoire s'organise sans cesse autour de nouvelles arborescences. se découvre la fragilité des choses. Pas de nature humaine. philosophie. et le désir. nous enfermerons les choses dans des univers clos. religion. en transposant au champ spirituel les inventions de l'esprit. Au-delà du territoire des races et des genèses historiques — des soi-disant racines. et c'est la raison pour laquelle certains maîtres décident de ne pas y plonger définitivement. supposés indépendants les uns des autres. et qu'il n'existe qu'une somme incomparable de moi aux prises avec le mystère de la conscience — tous ces moi malléables par la mémoire. En sophistiquant l'illusion mentale dans le domaine du Mystère. Un nouveau paradigme. les deux obstacles majeurs se présentent. les deux directions fausses mais symétriques qui retiennent dans leurs rêts la plupart des chercheurs. l'équilibre pur. qu'ils n'en sont qu'une infime partie. ne sont que des fantômes. Le soi transcende la culture. de le faire évoluer. L'émergence structurante de la vérité nouvelle doit elle aussi pouvoir périr. mais ce qui est issu de leurs différences. C'est là que peu se rendent. dont il ne sert à rien de défendre le blason autrement que par nos actes. afin de toujours renaître de ses cendres. et attachés à montrer la voie spirituelle — alors qu'ils n'en possèdent qu'une approche mentale sur laquelle ils fondent la vanité de leur enseignement et leur propre glorification. Laissons à la pérennité le soin de mettre à leur place les sources respectives de la lumière. qui se soumet à la précarité du cheminement. et ne le rend pas plus accessible par n'importe quel chemin. le chercheur s'enfermera dans une voie particulière dont il finira par imiter les principes. la vérité une. il rejettera toutes les voies sans les prendre au sérieux ni être pour autant capable d'établir la sienne. Aussi. il y a lieu de s'étonner de ce qui semble contradictoire dans l'évocation du Mystère. Mais aujourd'hui comme hier. au lieu de chanter ce qui nous semble être la plus haute vérité. et que les juifs croient inviolable. soit au contraire. en général celle qui correspond le mieux à ses propres préjugés et attentes. dont j'évoque ici différents parfums primordiaux. La suite du livre évoquera non seulement l'aspect théorique des enseignements. que de tenir à ce qu'un système ou une tradition y mène mieux que les autres. et décrètent la suprématie du système qu'ils adoptent en dénigrant les autres. le soi. Il est aussi faux de penser que le soi est une expérience subjective sous prétexte des divisions qui animent les maîtres et les clans. Si l'habitude se prend de reconstruire des croyances sur des conditionnements démolis. Ces deux positions paralysent. mais il est inconcevable désormais de s'arranger avec le soi pour le faire correspondre à notre propre vision ou tradition. mais la seule qui permette de mettre en garde les aspirants contre les prosélytes de tout acabit faisant des adeptes avec des tournures verbales. aucun éveillé ni maître ne peut prédire l'avènement précis du nouveau cycle ni ses modalités. avec les parti-pris possibles de nos ultimes préférences personnelles. la question reste posée de ce que chaque éveillé peut véritablement transmettre sans condescendance. et qui donne lieu à la querelle des maîtres. les réalisations qui nous incombent déjà. engendre des transformations utiles. en faisant de notre mieux. tant l'éclat des premières conquêtes semble définitif — imprescriptible. Il est aussi dangereux de l'abroger au nom d'une nouvelle révélation que de le maintenir dans son ancien statut de conquête parfaite. sans aucune arrièrepensée de l'inférioriser ou de le surestimer. quand bien même certains devraient jouer un rôle historique en bouclant la boucle de près de trois mille ans d'Histoire faiblement éclairée par le Spirituel. Les éveillés sont assez peu nombreux pour que de grandes confusions caractérisent le débat de . sans nous acharner à vanter notre propre courant. et sacrent leur propre liberté capricieuse comme seule autorité. tandis qu'un Sri Aurobindo en faisait l'outil de la conquête supramentale. Comprendre la totalité du spirituel est la dernière illusion du chercheur. D'autres en tirent une déconvenue amère. J'ouvre ici des pistes. le progrès est infinitésimal. cherchons le passage. Je campe donc le cadre d'une ouverture inconditionnelle à cet état de conscience. sans obliger à les suivre. Je maintiens que qui ne l'a pas découvert ne peut se prétendre parvenu à un quelconque état spirituel. de nouvelles transformations nous attendent. Certains sont rassurés par les divergences des éveillés. C'est une position radicale. le monde spirituel est bouleversé. Il n'est pas en notre pouvoir de comprendre pourquoi à la même époque. quand ils l'appellent la cinquantième porte. Si le Tout est un.Pour en finir avec la diversité. incarnons. le silence mental ouvrant seul le passage de l'énergie pure qu'avaient perdue les rishis. Et aujourd'hui. sans manipuler le moi fragile de celui ou celle qui renverse ses valeurs pour la reconnaissance nouvelle du Tout. un Ramana Maharshi s'est enfoncé toujours plus loin dans le Soi. L'appel est lancé de toutes parts et toute recherche authentique. Que les maîtres ne soient pas d'accord entre eux n'infirme pas le soi. Au lieu de brosser des tableaux fragmentaires. Ce serait tout aussi absurde d'abolir l'illumination du Soi au nom d'un passage fulgurant vers autre chose que de continuer à en faire l'ultime réalité. Tchouang-Tseu). c'est-à-dire l'identité du bouddhisme de Khasyapa. Certaines voies fondent la déprogrammation du moi sur l'énoncé préalable d'une vérité universelle. Le risque est un manque de liberté au profit d'une reconnaissance intellectuelle de l'Ordre divin ou du projet évolutif. d'autres font l'inverse. Dans cette mesure seulement. Lie-Tseu. Non dans le but. soit que certains mouvements se délectent du retour aux origines tout en cultivant un intégrisme croustillant tel un loyalisme retrouvé. À l'inverse. Le moi se sent alors plus libre de ses expériences mais risque de perdre de vue qu'elles doivent finir par s'inscrire dans une conformité avec le Tout. mais qui peuvent se ramener à deux principes: La déprogrammation du moi d'une part. c'est-à-dire qu'ils fondent la nécessité de transformer le moi d'abord puis déterminent que ce mouvement engendre à lui seul la descente des vérités dans l'expérience. fascinés par les promesses de l'avenir. Tout mouvement vrai du moi vers lui-même permet la découverte relationnelle au Tout et à l'autre. l'avantage de situer le moi en transformation dans un univers logique bien qu'encore mystérieux. d'élaguer les branches mortes pour permettre à chacun de saisir l'essentiel. les aléas qui président à la formation d'un grand courant spirituel. mais de.. et que des sentiments archaïques restent attachés à l'image du Tout. un emboîtement sans soumission ni liberté — une reliance. Le témoignage varie puisque l'interprétation devient mensongère au fil du temps et nécessite que de nouveaux éveillés rapiècent les doctrines ou en fondent. avec l'opportunité que le mental mime la connaissance au lieu de la posséder. c'est-à-dire la découverte personnelle et intégrée des principes. du Divin. l'espace incréé si doux et si vide que toute action lui est étrangère et qui est le pivot même de la manifestation. la découverte des principes universels d'autre part. Il n'est pas inutile de revoir. précisonsle une fois de plus. soit la découverte du soi est inféodée au seul préalable indispensable — accepter une déprogrammation dont l'issue n'est pas établie. inciter à l'éveil par l'énoncé du potentiel du moi. De deux choses l'une. et qui justifient son propre discours et sa manière d'aborder le silence mental. Clarifions le problème. soit la transformation du moi est inféodée à la vision générale d'une transcendance. Les éveillés dirigent vers le soi à partir de considérations différentes. et je les évoquerai en contrepoint pour faire saisir les pièges intellectuels que constituent la vulgarisation des doctrines. plusieurs écoles sont en quelque sorte en lice. l'espace sans frontières. soit que d'autres. le centre immobile du temps. du taoïsme des Patriarches (Lao-Tseu. rendre compte de toute la difficulté qu'il y a à évoquer le soi et initier un intérêt spirituel à partir d'une expérience personnelle.Les éveillés sont assez peu nombreux pour que de grandes confusions caractérisent le débat de l'émergence de la conscience. Se relier au grand principe homogène (Tao) constitue l'expérience spirituelle par excellence. premièrement. sans oublier le cœur de l'hindouïsme avec l'accès au Brahman. exactement comme toute révélation qui provient du Tout et . qui abordent le soi et prétendent y mener.. de discréditer un mouvement ou d'en favoriser un autre. imaginent de nouvelles formes de réalisation qui dispenseraient presque de passer par les passages pérennes — et en tout premier lieu le Soi. deuxièmement. Fonder la pédagogie de l'éveil sur la reconnaissance de principe de la vérité transcendantale possède des avantages et des inconvénients. qui obligerait à une évolution forcée par des images et des présupposés. Aujourd'hui. et y subordonner la vision des principes universels possède des avantages et des inconvénients. à une évolution du moi. mais d'un autre côté je trouve absurde de subordonner la connaissance de tout ce qui est extérieur (dont les principes transcendants). par un point de vue fondamental que j'apporte. certaines variations au sein des grands mouvements se justifient. peuplé d'autorités à respecter mais aussi de principes à découvrir. du Tch'an et du zen. Je préconise pour ma part de ne pas subordonner l'expérience du moi à la vision obligatoire du Tout. même chrétienne. Attiré par le mystère du Tout. Se voir soi-même et voir le Tout sont aussi nécessaires. mais dont les Églises ont essayé de faire disparaître les traces. Il ne s'acharne pas à transformer son moi. et la mystique. Il apprend à se différencier et à se désidentifier de toute son identité biologique et contingente. c'est-à-dire au temps des Védas. Hypothèse de la voie qui commence par le Yang: Si le moi choisit de se transformer. Il apprend à s'identifier à une volonté de conscience qui le dépasse et exige de lui une autre identité.élève le moi (intuitions. Les deux voies finissent par se rejoindre quel que soit le point de départ. c'est-à-dire une rigoureuse approche du mystère existentiel. L'accent mis sur le moi au détriment de l'approche du Tout est une mode de l'âge de fer qu'on trouve dans certaines déviations bouddhistes. L'accent sur un «Divin» à embrasser coûte que coûte. quand bien même les noms manqueraient à les caractériser. accent qui sous-estime les transformations psychologiques nécessaires à l'établissement d'une relation vraie avec l'Esprit est aussi une mode de l'âge de fer qui se termine. et quand bien même il refuserait de leur accorder un caractère divin. époque à laquelle Lao-Tseu situe un age d'or perdu. Les formules diffèrent. il ne saurait y avoir de prééminence. Nous entrons à nouveau dans une époque où l'opposition sagesse/mystique est appelée à disparaître. soit elles subordonnent le tableau transcendant à la nécessité de la transformation intérieure — commencez à vous mettre en cause et les principes de la réalité apparaîtront. Soit les doctrines subordonnent le changement du moi à la vision préalable du Tout — nous allons vous expliquer pourquoi il faut changer. le sujet s'y livre. Elles sont alors expérimentées et fondent ce que l'on nomme la sadhana. ou compréhension intellectuelle profonde) lui permet de mieux s'attaquer à ses propres résistances. Mais je ne peux en traiter ici sans m'écarter de mon sujet. il n'y a pas lieu de se soumettre (au Tao) avant que les lois n'apparaissent comme des nécessités. ce ne peut pas être au nom d'un tableau divin qui l'attire et le fascine. le mouvement de l'homme vers la totalité ne distinguait pas la réalisation individuelle de la fusion dans les forces créatrices et dans l'Esprit. de pari — rien d'autre. l'homme a versé dans une autre réalité. il n'y parviendra qu'en glanant au passage des états de conscience spirituels. la réalisation du non-mental. Les mystiques (Yin) finissent par voir se poser la question de l'identité individuelle. mais développe une soumission de plus en plus grande à son exigence de perfection. Dans les faits. Dans la vision du Tao. Faire dépendre l'une des deux visions du progrès de l'autre est une sorte de convention. les sages finissent par voir éclore la . et subit plus qu'il ne la génère la pression évolutive. et qu'il le fait en son nom propre. Ce n'est qu'avec la perte de la lumière qu'une dichotomie s'installa entre la quête de la sagesse. Cela ne peut se faire que sous la pression de la Vérité intérieure. zen et hindouistes. Hypothèse de la voie qui commence par le Yin: Si le moi choisit de s'abandonner au mystère pour y trouver sa place. Dans cette alternative. celle qui ne peut reconnaître dans les formes religieuses aucun statut satisfaisant pour la conscience de l'individu. et l'imagerie divine ne lui est plus nécessaire. insights. qui mène au soi par l'abandon pur et simple du moi au Divin dans une offrande inconditionnelle. Avant. qui mène au soi par le travail du moi sur le moi. Il ne reste que des échanges entre la conscience humaine en transformation et l'ineffable Tout. — pérenne au cœur de toutes les traditions. dont certains aspects relèvent d'une Conscience autre. quels que soient les noms qu'on lui attribue. la Vérité. où les sens jouent un grand rôle. Qu'y-a-t-il vraiment entre le moi et le corps. pas d'évasion. peut-être insuffisant mais en tout cas nécessaire. ou bien trop obéir à des principes convenus — c'est-à-dire extérieurs. mais le trajet demeure longtemps celui d'une identification. celle du corps. la vérité. au détriment d'informations nouvelles. mais au prix d'une interprétation de la vérité qui bride l'expérience. Je continuerai d'évoquer comme moyen de l'éveil. Les deux polarités interfèrent toutes les trois secondes. qui ne s'inscrivent pas dans un code préétabli. a priori. indiquer sa présence. mais sans l'adhésion profonde qui permet l'intégration de ces nouveaux comportements. quitte à faire des absurdités. les identifications archaïques se dissolvent. Qui connaît vraiment cette navette? Des phases d'aller vers les objets par la pensée et les sens succèdent à des phases d'intériorisation où le perçu est en quelque sorte jugé par rapport aux besoins personnels. il n'y a pas de garde-fous. Nous faisons des mises au point inconscientes en permanence. dont nous tirons peu de fruit. Aussi tout travail qui ne dépend pas des grandes réalités fantasmées et préconçues (la connaissance. Là. trop suivre sa liberté dans la négligence du Tout et le mépris de la conformité qu'il exige. Dans ce domaine. prenant automatiquement une nouvelle photo. puisque deux dangers se présentent simultanément. Se comprendre soi-même est un mouvement du moi vers le moi. la libération) se fait-il dans une profondeur qui ouvre les portes inaccessibles. C'est indispensable. Comprendre l'autre. et à l'attente naïve des disciples suspendus aux «réponses» de l'éveillé . puisque des découvertes récentes laissent entendre que l'influx cérébral balaie le champ visuel toutes les trois secondes. et le dialogue purement intérieur se combinent sans arrêt. Le moi confronté à lui-même plonge de plus en plus profond en lui. celle du monde familial et culturel (la niche écologique) et enfin celle du mystère du Tout? Un jeu s'établit entre les velléités de changement et les récurrences de la nature profonde. les pédagogies initiatiques. pour s'améliorer. une fois la transformation psychologique initiée par euxmêmes accomplie. et d'autres part. quand un maître sans complaisance s'exprime de tout son corps. le Tout. l'attention spontanée. 4 Esquisse de la vraie question. Nous voilà déjà sur la piste des grands axes de la conscience autour desquels s'enroulent d'une part toutes nos perceptions. pour couper court au goût solennel des spéculations. qui permet de remarquer des indices de la voie là où rien ne semble. le salut. L'on peut facilement tricher avec Dieu. à décréter son caractère. Dieu. et les fables qu'il se raconte lui jouent souvent des tours. à se fixer.finissent par voir se poser la question de l'identité individuelle. et le moi renonce à faire le tour de lui-même. et interprété. les sages finissent par voir éclore la question de leur reliance réelle au Tout. entre le moi et l'autre. Le mouvement vers la perception extérieure. l'amour. la sagesse. est un mouvement du moi vers le non-moi. . l'univers. pas de boucs-émissaires. Cette méthode apparaît clairement dans le zen. la connaissance. tant qu'ils sont des objets. entre le moi et le Tout? Et la relation entre le moi et lui-même — qui fonde le besoin de changer — n'est-elle pas une sorte de résultante entre trois perceptions distinctes. Aussi le chemin de l'éveil est-il délicat. tant nous cherchons à observer ce que nous voulons déjà percevoir. Le moi risque de se soumettre à sa propre liberté subjective pour en jouir outre mesure ou bien il se soumet au contraire avec complaisance à l'autorité d'une loi religieuse ou à des pratiques censées favoriser la vie spirituelle. quasi permanente. Le moi seul peut triompher de l'ignorance. finalement. Mais il ne peut se couper impunément des phénomènes. comme en méditation). Le combat alchimique contre le dragon. Le moi qui s'enfonce en lui-même en oubliant sa présence au monde et la pression du Mystère ne parvient pas à l'éveil. nous la devons à plusieurs modèles d'hommes réalisés. Elles sont vivantes. et les tableaux spiritualistes traversés de finalités écrasantes. qui permettent au moi de se croire réalisé alors qu'il s'est seulement séparé de l'univers par des techniques abrutissantes fournissant une sorte de mort mentale stupide bien différente du satori. le caractère. beaucoup s'en contentent. tout en évitant les représentations convenues du cosmos. on y conforme sa vie avec prestance et élégance. mais sans se donner la peine de creuser les fondations elles-mêmes. Pousser exclusivement sa recherche dans ce sens mène à de faux soi. et l'implication du moi dans son propre renoncement à lui-même — le seul décret. ce qui n'a ni empêché la réussite exceptionnelle du bouddhisme. une fois l'éveil obtenu. sans lui accorder d'importance sur le plan mental. Beaucoup d'érudits et de théologiens. la mise en œuvre d'un moi inconnu à partir de l'élucidation de tous les mouvements imposés par la nature. Il ne s'agit pas de surestimer le pouvoir de l'intelligence. tandis qu'un topo logique justifie la perception dénaturée avec des arguments mal interprétés. du moi. Ouvrir les yeux symbolise la scrutation libre du non-moi. d'espoirs. qui. ce que j'appellerai bientôt l'Ordre du dessus. C'est le risque fréquent de l'ésotérisme.Le monde phénoménal et le monde intérieur interfèrent en permanence. l'image de soi. si des expériences permettent seulement de le faire. Un équilibre doit prévaloir entre la relation au Tout indéterminé (avoir les yeux ouverts) et la relation transformatrice à soi-même (fermer les yeux. L'intuition de l'Ordre peut s'installer dans le moi ouvert. Certes. Ne confondons donc pas l'accès à une vision relativement homogène de la réalité spirituelle. Cela prouve que nous pouvons faire confiance au processus de «fermer les yeux». mais il est vrai que de nombreux éveillés se retirent. Le moi peut profondément se transformer sans se prononcer ni avoir besoin de le faire sur l'ultime réalité et la transcendance. Le nom de Dieu ne peut être associé au nonmoi qu'avec une extrême pudeur. et qu'ils n'éprouvent plus aucune sorte d'attrait pour le monde extérieur et parfois même pour leur propre existence. une extériorité. à des contrefaçons spirituelles séduisantes. de philosophes et de dilettantes. Fermer les yeux pour obtenir le soi n'est pas à prendre au pied de la lettre. dispense du vrai travail en laboratoire. parce qu'il a réponse à tout. pour aussi illusoires qu'ils soient qualifiés. Le seul mouvement réel et aléatoire qui ne s'abuse pas de mots. Cette certitude. Je dénonce la rupture d'équilibre dans tous les mouvements où une tendance finit par l'emporter sur l'autre et la dévore. la vie aux principes cachés. et détachés du nom à donner aux expériences illuminatives (après les avoir éprouvées) en fonction d'un «tableau du monde». le satori accompli. le monde peut être presque entièrement compris grâce à une interprétation avisée des traditions les plus rigoureuses. de «carottes». Quant à Shakyamuni. ce qui demeure une représentation. Mais l'intuition du tout ne s'abandonne jamais. «Ouvrir les yeux» d'une manière préconçue est inutile. qui fonde le potentiel des métamorphoses dans le chaos du dessous. en qualifiant pompeusement d'expériences spirituelles de petites brèches dans l'ego. il se distingue de nombreux instructeurs en escamotant la question du Divin. n'ouvre pas forcément les portes du cheminement évolutif. brillant et homogène. afin d'éviter que le mental ne signe le tableau de sa propre griffe. ou encore d'êtres à «vocation . mais cette excellence de son déchiffrage. s'il ne conserve que son aspiration à être et à s'emboîter dans le Tout. ne peut être négligé au nom d'une connaissance du monde supérieur. ni même celui de l'observation extérieure. Au contraire. ce qui est rarement le cas. Les vérités cosmiques se présentent indépendamment du nom qu'elles portent. ce qui mène toujours à refuser de se soumettre au spirituel proprement dit — l'alchimie intérieure totale. cette complicité avec les intentions divines elles-mêmes. Ouvrir les yeux n'est pas à prendre au pied de la lettre. avec une économie remarquable. fermer les yeux symbolise la scrutation libre du monde intérieur. en particulier dans le tch'an. ni fait du tch'an et du zen qui s'originent en son message de faux mouvements. Une fois la carte des principes connus intellectuellement. des moyens peu nombreux mais puissants. la vérité. mais que chacun d'eux. Les deux mouvements s'épaulent mais dès que l'un l'emporte sur l'autre. pour se dispenser de l'exploration totale et s'identifier à des objets nauséabonds. mais le bouddhisme originel s'en dispense et mène au soi également. et B/ le travail essentiel de décryptage des structures du réel — dans l'intimité inexpugnable de chaque moment par une intelligence ouverte sur le monde — la confrontation du moi au non-moi. maîtrise existentielle pour le Japon. Se cantonner dans l'un des deux me parait une impasse. de lois universelles et de foi. et elles possèdent l'empreinte de la mentalité raciale qui coule toujours dans un sens donné — utilité pour la Chine. ses nombreux trompe-l'œil. soucieux de préserver leur refuge vertical — doctrinaire — pour éviter de se confronter à la bête de leur propre inconscient. avec une égale ampleur. remplacé comme dans le bouddhisme par une philosophie pratique. C'est à ces questions que le chercheur . finalement. La découverte des plus beaux drapeaux de la vérité ne suffit pas à gagner l'autre rive. Mais l'on peut dire que tous ces avantages sont aussi des inconvénients pour ceux qui ne peuvent pas se contenter de cette limpidité. moins que dans tous les hindouismes. Soit que le moi oublie sa participation au Tout dans l'acharnement à se connaître lui-même pour vaincre ses propres limites et ses résistances — en se moquant tant soit peu de la reliance. selon la tradition asiatique de Lao-Tseu. Bien qu'il ne s'agisse pas de battre des cils en permanence. développe ses propres arguments jusqu'à un point de rupture qui fait oublier le second volet complémentaire. le tout y est d'y parvenir. Quant à la voie du Tao. Non seulement vous verrez que les proportions des deux volets varient d'une doctrine à l'autre. de philosophes et de dilettantes. et qui ont besoin de davantage de points de repère. voir comment elles distribuent les deux volets. elle maintient l'équilibre entre les deux volets. c'est-à-dire ce qu'elles préconisent au moi de faire vis-à-vis de lui-même. Les deux sont combinés. en dehors de la perception spontanée et triviale du moment ordinaire.» Ils peuvent s'épauler. Il est difficile de départager les voies par leur qualité propre. du Tch'an et du zen. comme c'est le cas pour la plupart des enseignements hindous tendant vers le soi. et exclue pratiquement le second volet. Le zen dépouille encore davantage. même intérieure. n'insiste pas sur la transformation du moi ou sur la liaison avec le Tout. mais en aménage les principes en aval pour découvrir un équilibre empirique mais où l'éveil n'apparaît pas. ample et rigoureuse. Le Tout y est plus évoqué que dans le Bouddhisme et le zen. pour ne pas fonder l'illusion d'un développement vers le soi à partir de pratiques répétitives. elles ne s'adressent pas toutes aux mêmes genres d'individus. presque infinie. contre les préjugés et les obédiences — la confrontation du moi au moi.d'érudits et de théologiens. soit au contraire que le moi se maquille de vérités supérieures. avec l'arrière-plan de la doctrine des bouddhas. inventés par l'esprit subjectif. c'està-dire de la reliance. et ce qu'elles incitent à découvrir dans l'ordre plus vaste de la Réalité. Il n'y a pas grand-chose à dire sur l'après-satori. Il existe donc un taoïsme pragmatique qui ne correspond pas à la vision de Lao-Tseu. Il est vrai que la transformation individuelle peut être subordonnée à une large vision cosmique. religiosité pour l'Inde. Nommer les lois ne rend pas meilleur. La transformation du moi y est moins précisée que dans tous les autres systèmes. Le chercheur différenciera: A/ le travail sur soi — souvent une lutte passive contre la mémoire et ses prolongements. Nous déclarons ici les conditions nécessaires au grand passage. Ils n'ont pas saisi l'illusion du langage. tels que «Dieu». la loi. et même leur équilibre est difficile à réaliser. Le soi ne se révèle ni à l'homme parfait qui méprise l'extérieur ni à celui qui a tout compris mais ne s'élit pas comme chercheur perpétuel d'intégrité et de conformité holistique. la relation du moi au Tout en pâtit. Ces distinctions sont utiles pour survoler les doctrines du passé. je demeure convaincu que le secret de la transformation spirituelle réside dans l'alternance du processus de «fermer les yeux» et de celui «d'ouvrir les yeux. ou en tout cas. afin que le chemin puisse s'effectuer avec la liberté la plus conséquente. ou encore d'êtres à «vocation religieuse» n'ont fait aucun pas vers la transformation de la perception. l'harmonie transcendante ou Tao (taoïsme). tandis que l'autre l'encourage jusqu'à son épuisement. Certains ne peuvent pas supporter l'économie des présupposés dans le zen et le Taoïsme. mais comme simple outil de vision (discernement). vitalité. comme on peut également s'en passer et attendre le contact naturel dans lequel aucun projet préconçu ne cherche à tricher avec les grands Symboles. S'y appliquer avec une volonté déterminée revient à tendre un piège à l'immobilité pour s'en emparer. Vouloir le capter par la seule méthode du fermer les yeux est aussi aléatoire que le saisir par une disponibilité parfaite qui ajourne le travail intérieur. et qui sont couramment employés pour caractériser la reliance du moi au non-moi après l'illumination (éveil). s'il y a lieu. Les témoignages servent par d'infinis commentaires et d'innombrables perspectives — dans une sorte d'exégèse interminable. un cycle infini d'images suscitant des intuitions. traqué quand il veut s'emparer du moi et l'articuler sur la mémoire. Certains ne peuvent tolérer l'abondance hindouiste. les faisant osciller entre la fascination et le rejet de l'exotisme. ni sa collection de voies qui constituent un musée. Mais dans toute ascèse. des codes moins convenus. et non l'instant éphémère. sur l'âme d'un peuple. pour venir à bout des engrammations imposées par les sens et leur contact avec le non-moi. Un temps immobile que rien n'affecte. avant nous. la démarche confronte aux invariants fondamentaux — esprit. et l'image fantasmée du réel. ses présupposés nombreux. et même une intuition qui délivre du sens dans les choses qui ne semblent pas en avoir. la libération (hindouisme). Passons outre les contradictions formelles pour voir dans leur ensemble ces élans de la vérité. Mais diamétralement opposées puisque l'une coupe à la racine la pensée. et cette ruse échoue. Retrouver le fruit sous l'écorce n'est possible qu'en dépassant les significations intellectuelles par l'expérience pure. Tout est évolutif si rien n'est convenu d'avance. corps — dont la représentation est trompeuse. est cependant une voie difficile. L'ici et maintenant. sous leurs yeux. avec le risque d'imaginer que ces . concrètes pour les habitudes. «Fermer les yeux» semble plus important qu'«ouvrir les yeux» dans certains enseignements qui se méfient des impressions que le monde fournit et que la fascination (mentale) de son sens impose. et ils y voient de la pauvreté. Pour se rendre au plus près de ce qui est là. car les voies se sont constituées dans le sillage d'un homme. Mais après chaque intériorisation libre nous pouvons rouvrir les yeux et déchiffrer l'extérieur avec des grilles nouvelles. Mais il s'agit en réalité de trouver un maintenant vierge. abstraites pour les croyances. Si la pensée n'est pas utilisée comme machine à construire des représentations. et c'est la voie du jnana. Le moi doit apprendre en premier lieu à fermer les yeux. elle se dissout dans l'intelligence même. Mais l'immense répertoire est quand même là. Le vrai maintenant est celui qui dure. puis elles se sont enraciné en décorant l'essentiel de notions accessoires — historiquement opportunes. Je considère comme synonymes la connaissance (bouddhisme). toutes deux efficaces et pérennes pour qui s'y consacre. fait partie intégrante du processus d'éveil. avant que nous y ajoutions notre propre grain de sel. termes qui évoquent le même expérience.est confronté. dans les formules traditionnelles hindoues. l'esprit (ou dharma) de nature (zen). L'intérieur et l'extérieur n'existent que l'un par l'autre. l'anticipation. formule lapidaire et simple. et en premier lieu de couper les casseroles que nous traînons à la patte. Mais un processus existe dans lequel le mental est systématiquement (re)mis à sa place. son jargon sanskrit interminable. avant notre appropriation. à l'inverse de celle du zen. percevoir les énergies subtiles. ses cartes topographiques des états de conscience et d'énergie. Exercer son esprit sur des idées et des Idées-mères. disparates tant il est de façons différentes de se tourner vers le soi et de le vivre. c'est-à-dire à s'intérioriser. S'enivrer de spéculations naturelles aussi bien que jeûner avec aisance. bien qu'elle ne cesse d'agir. Renoncement aux attachements pour mieux donner. L'éveil peut surprendre l'artiste qui se laisse emporter par son art autant qu'il cherche à le maîtriser. pour la soumettre sans complaisance à ses émotions. ou encore esprit de nature (dharma de nature). les amalgame. 5 Koan:le samsara est-il réel ? Le chaos du bas n'est pas un désordre aléatoire. Mais chacun est appelé. Mais pour en revenir à l'événementiel. Renoncement nécessaire à son propre talent et ascèse de l'inspiration. ayant par définition une connotation émotionnelle probable . deux principes antagonistes apparaissent néanmoins. et elles sont opératives utilisées par des éveillés ou de puissants thaumaturges. un minimum de distinctions s'établit. des outils dangereux. ses frustrations. qui coupent court aux représentations. Les systèmes les plus pertinents divisent le réel en deux. elles aussi. ou encore le couple Purusha Prakriti des Hindous. le Yin et le Yang. Renoncement aux fruits de l'action. vitalité. qu'on peut alors qualifier de philosophiques. Renoncement indispensable aux préférences. et la perception mélangée du Tout et de soi-même qui prévaut avant l'illumination et les pratiques de purification mentale. Le contingent embrouille le principiel. cette bifurcation impose un minimum de présupposés. ce qui fonde la légitimité d'une métaphysique succincte dans toute doctrine consacrée à l'éveil. ses doutes. par exemple entre l'esprit ordinaire et le satori. L'homme ou la femme de cœur fera d'innombrables détours avant de dépasser les sentiments pour vivre le sentiment unique d'être pour équilibrer la somme de leurs mouvements vers. Le chaos du bas révèle un ordre perdu. de mettre au pas une sensibilité qui le manipule. Si la réalité transcendante n'est pas évoquée. les itinéraires décrits nous y auraient mené. vite transformés en chimères tyranniques.— esprit. ouverture à l'au-delà de soi-même. pour qu'il perçoive enfin la nécessité de se transformer lui-même. encore lui faudra-t-il regarder alentour. en huit naturellement avec le Yi-King. ou encore en quatre. dicte son interprétation à l'esprit. sans angles morts. Ce que l'on va quitter résiste. Ces principes sont en réalité peu nombreux et leur représentation intellectuelle est un piège si elle ne s'accompagne pas d'un repérage de leurs correspondances dans le monde concret. mais elles n'en sont pas moins. les mélange. expérience qui se faufilera hors du règlement chaotique du samsara pour s'en délivrer. ou entre l'esprit de Bouddha. Sinon. celui de la souffrance-ignorance et celui de la libération. Même dans le zen et le Tch'an. avec l'homogène et l'hétérogène. les principes n'y apparaissent pas. et que des émotions intempestives viennent pervertir l'être en désaccord avec le monde ou avec lui-même. L'intellectuel ardent peut s'éveiller s'il abandonne sa croyance religieuse en la raison. ou bien en trois avec les gunas. engendrent des conséquences troublantes à travers des actes qui semblent tout d'abord innocents . Tout le monde aura remarqué que l'amour se mêle à la possessivité et parfois à la haine. Le poète peut tracer mieux que les autres ses propres pas. avec le risque d'imaginer que ces trois instances sont séparées. ses souhaits. ou sept. cinq. Même si l'on rejette toute métaphysique. Le soi peut aussi s'accaparer l'homme d'action qui rêve d'une œuvre absolue et met ses pouvoirs au service d'une intelligence plus vaste que la sienne. corps — dont la représentation est trompeuse. Ces deux énoncés s'opposent et fondent une dialectique. ses questions. puisque l'ouverture à l'éveil est un changement de perspective. si l'ambition personnelle et la volonté subjective meurent. et karma-Yoga. Les distinctions fondamentales peuvent être utiles pour dresser des cartes anatomiques. Le chemin de l'éveil n'est ni formel ni précis. . par exemple dans certaines voies du bouddhisme. que l'analyse la plus rigoureuse est encore teintée des préférences émotionnelles du sujet. et même en dix avec La Kabbale ou Pythagore. L'événement. ses ambitions. mais la manifestation des principes eux-mêmes. dans une coagulation qui les combine. Toutes ces représentations peuvent être fort utiles. On aura vu aussi que les meilleures intentions qui semblent jaillir d'une volonté saine. puis établissent un ordre par la finalité ouverte de l'éveil. Renoncement à la complaisance. Simple imagerie que chacun tire dans son sens pour y fonder ses valeurs. et se réfugier dans le quiétisme. l'illusion. comme si cette périphérie de la manifestation. La manière dont cet ordre s'est perdu. pour le priver de sa laideur si l'ignominie nous dérange? Que la Terre soit gouvernée par des anges pervers. l'absorbé en lui-même incriminant sans cesse les mauvaises lois et la souffrance. Les chinois du Tao et du Tch'an n'ont jamais vécu le silence mental pour diaboliser l'existence. Mais elle n'est pas seule dépositaire du secret. il n'est plus là. il n'y a de milieu béni ou maudit. que la nature complique tout avec la force du désir. à laquelle nous appartenons tous. Il ne reste que des paradoxes. et qui ne fera qu'inférioriser. dans les quatre directions. de la justice et de l'injustice. qui encercle notre condition pour cesser de l'observer. Présenter le soi comme une sorte de pouvoir de la connaissance qui abolit purement et simplement la réalité objective des choses n'est que la moitié de la réalité. chaque éveillé se positionne. théorie de l'évangile des égyptiens. Vision réductrice. en Sibérie chez un grand shaman qui abolit la distinction entre vie et mort. Il n'en est rien. et bascule de son vivant dans l'Incréé. Le soi donne le sentiment profond de l'illusion des phénomènes. qu'il soit localisé en Inde chez un amoureux de l'Absolu. en Chine chez un connaisseur du Tao. dont le plus connu est ce que j'appellerai le syndrome de Shankara: le grand initié hindou gagne le parabrahman. A retrouver. L'autre moitié est une relation nouvelle entre le possesseur du soi et ce qui l'entoure — quand bien même il qualifierait d'illusoire son environnement. c'est qu'il provient de l'ordre perdu. vis-à-vis du monde phénoménal. Il suffit de supposer que l'homme est capable de démêler l'enchevêtrement des forces et des principes qui le constituent pour qu'il corresponde — dans l'ébauche d'une perfection toujours tâtonnante. Le radicalisme hindou qui chante le soi comme la seule réalité depuis trois mille ans constitue un particularisme. Qu'il abandonne tout mouvement. à l'ultime réalité. tous les autres moi. Voilà pourquoi l'éveil peut être considéré comme une hypothèse parfaitement rationnelle. Dans les faits. pouvait être rangée dans un tiroir. afin de ne plus y avoir affaire. Shankara traverse en courant l'Inde. Il est déjà là dans l'individu isolé dans son moi. le jouisseur vantant la beauté de l'existence. C'est ainsi seulement que se comprennent les notions terrifiantes qui posent l'humanité dans un milieu qui lui est hostile. sous tous les autres documents. le soi du soi. abandonné des lieux d'euxmêmes. lieu commun à toutes les religions. Seul l'Inde utilise le soi pour inférioriser la vie. exactement comme il l'entend. n'est pas bon ou mauvais.Mais l'ordre est là. Le samsara bouddhiste et hindou. La bonne douzaine de patriarches zen exceptionnels n'a pas vanté l'esprit de nature comme devant couper l'initié de la réalité triviale et physique. et ce depuis la perte des Védas. Les mystiques de l'Occident n'ont jamais vécu le silence mental pour oublier le christ et la transformation terrestre. On pourrait s'attendre donc à ce qu'un homme parvenu à ce point extrême agisse conformément à sa vision. jusqu'à l'éveil. où même le moi paraît une inexistence percevant l'inexistence absolue. la nécessité ou la fatalité de sa disparition. supprimé des voiles. en Europe chez un chrétien qui tombe dans le Silence de Dieu. pour l'embellir si sa beauté nous touche. et qu'elle doit combattre. et quitté la pensée. Par des moyens différents dont la comparaison suscite des opinions erronées sur le passage lui-même. Mais que fait-on pour changer le monde. Le mal pousse sur les coïncidences qui n'ont plus lieu entre l'homme et l'univers. encore plus subtil que le brahman. de la bonté et de la cruauté. Absent. La preuve en est l'éveil. Sa semence est dans la séparitivité même. thèse que je défends aujourd'hui dans le sillage de Sri Aurobindo et de Teilhard de Chardin. et ne l'abolit pas plus qu'un nuage qui crève et s'épuise n'abolit la pluie. propice ou défavorable. Ceux qui le trouvent ont tous traversé des couches. peu importe. Mais même le soi se vit encore dans la vie. mais vu qu'il ne sépare pas le sujet de l'objet. plus aucune approche logique n'est plausible. en ce lieu. On y porte un regard fasciné ou dégoûté. l'approche la plus simple du mal. Pas plus qu'il n'y a de nature humaine autre que la versatilité qui fonde les séries du bien et du mal. et non pas comme la quête délirante d'un Absolu enfantin. Or. s'acharner à décréter les phénomènes illusoires. ou encore que le seul obstacle soit la mémoire évolutive avec ses mécanismes de défense. pour . du don et de l'appropriation. mais maudite quand il s'agit de celle de l'autre dès qu'elle ne correspond pas à notre attente. dans les quatre directions. ne mène pas en droite ligne au Soi. que certains poursuivent pour eux-mêmes. Sri Aurobindo a mis un terme à cette mascarade. et le rêve fou de s'en abstraire complètement. de Dieu. des végétaux et des animaux. Nous sommes solidaires de cette nature humaine qui n'existe pas. chacun «en faisant trop» pour louer le grand passage — au détriment de l'ultime question: peut-on employer l'éveil pour changer la vie? La vie continue autrement pour l'éveillé. pour déclarer l'illusion de toutes choses. Nous nous accrochons. se dissolvent dans le projet exhaustif. tibétain. Les séries de finalité précises. Nœud de serpents où tout s'articule. La mécanique tombe en panne. complices des Éléments. et que surplombe très mal un mental accroché aux fonctions vitales. Le samsara devient hindouiste. et de désobéissances obligatoires. que de déchirer à nouveau la subtile harmonie de la possession du soi pour exagérer la dualité entre la vie et la connaissance. L'illusion est bien réelle. fonder des écoles. à des paroles ou des rituels. Ce qui s'y substitue est plus profond. de la nature. par toutes sortes de stratagèmes. La règle du samsara. Le samsara? C'est le grand océan biologique où les choses se sont étrangement combinées. Mystère de la liberté chérie quand il s'agit de notre propre caprice. et nul n'a encore su rendre compte rationnellement de ce paradoxe. qui caractérisent la conscience prolongée de la mémoire. L'expérience ne le situe plus dans la nomenclature sanskrite. pour paraître plus grand que les autres vu le prestige de la réalisation. de la culture et de la race. c'est de tout mettre en scène pour exercer la conscience contre vents et marées. à leur façon. freinant le grand mouvement du temps qui nous entraîne. qu'ils rejettent. Cette position n'est pas condamnable. pérennes dans notre versatilité. Idée-Mère. car ils ne peuvent oublier le contexte de l'ascèse qui est la nôtre: l'incarnation. le Processus. mais dont l'épouvantail nous fascine. Il mourra très jeune. Nous sommes là. Mais un mot très large où s'abîment plusieurs sens comme des poupées en gigogne. La crémaillère qui fait tourner le moi dans les dents de la roue de la mémoire évolutive.mouvement. et renseigne sur les . à des structures dissolvantes. l'ego. et enfin pour enterrer sa mère. nous nous accrochons encore. et des pierres qui pensent. et maladroite avec la matière. Chacun peut y plonger pour y accrocher ses fuites éperdues ou y dissoudre ses rêves — maintenant que seuls des souhaits solaires subsistent au sein du moi qui boit la vie dans l'énigme de sa propre soif. taoïste. L'hypothèse de l'éveil vient mettre un terme aux amalgames douloureux des principes entre eux. encore aujourd'hui sans paradis devant ni derrière. d'obédiences à respecter. accommodée par les hindous pour qu'elle finisse par cautionner leur quiétisme. Tout pour éviter l'abandon. est un fruit de la liberté. Et même pour décrocher. C'est une sorte d'émulation chez les maîtres hindous. utilisée par les bouddhistes pour fonder pieusement la méditation. peut s'émousser. à laquelle bien peu de maîtres ont échappé pendant deux mille ans au sein de la patrie spirituelle de l'humanité. Nous continuerons d'être dans le sein de Gaïa. Même si la nouvelle démarche. savoir ce que l'on peut attendre de l'autre. Car chacun est prêt à imposer à l'autre un règlement qu'il ne suivrait pas lui-même. mais c'est le mot lui-même qui devient vision. et qui se construit une identité contingente dans la perpétuation du schéma familial. le vrai christ proposait l'amour. même si le projet échoue. mais certains éveillés veillent à ce que le spirituel ne se sépare jamais du matériel. de pratiques à suivre. Ceux qui s'acharnent à présenter l'Absolu comme seule réalité aiment gaspiller leur temps dans le monde phénoménal. Il n'en est rien. Pour en finir avec cela. et si effrayés par notre capacité de changer n'importe comment qu'établir des lois pour mieux les contourner est notre occupation favorite. sommes-nous bons ou mauvais. attachée à Dieu génétiquement. quelle est l'utilité de l'existence? Nous sommes versatiles. Shankara n'est pas le seul. Une sorte de cadre convenu pour la liberté d'errer. savoir ce que l'on peut faire de sa propre autorité. récupérée par les occultistes pour louer les plans subtils et discréditer la vie. la Terre. zen. Une notion belle et difficile. mère des compulsions. la voie ordinaire est achevée. de la vie. de lois établies. mantra. Shankara traverse en courant l'Inde. et justifie une autre pratique de la vie. l'identité indistincte. L'échec du mental est aujourd'hui incontestable. Non pas une puissance ni un pouvoir. Nous appelions cela. tous les êtres. Il fallait y penser. l'intérieur de l'extérieur. Afin qu'on évite aussi de l'enlaidir. Une rupture doit avoir lieu. Alors il n'y a plus rien à maîtriser. l'obscur et le lumineux. bref. mais d'un renoncement constant à saisir par bribes et par fragments. d'orgueil d'étreindre Dieu. tel le prolongement supérieur de la mémoire dans un domaine qui lui échappe. il y a deux mille cinq cents ans. qui n'auront pas basculé — faute d'avoir trop aimé les mots et les Idées — dans le grand Principe. lui aussi. Shakyamuni. ne dépouillent pas l'individu du vieil homme si le moi ne se plonge pas en lui-même sans garde-fous. possédait la vision. quand les choses tournent mal. à sa volonté particulière — l'aveu même qu'il est séparé de la volonté universelle. L'individu s'arrachera aux sensations brutes. Cette visite vient à l'encontre de l'éveillé qui ne s'est pas endormi après l'illumination. L'idéal mystique teinté d'ambition personnelle. 6 Évocation de la Grande Image L'éveil est un retour à la simplicité. une prise de conscience à effectuer. l'erreur et la vérité. dégraissée de la puissance violente du désir. L'éveil ne se produira pas avant que les mélanges pervers des principes n'aient cessé.conceptions fondamentales du monde spirituel. tous les événements. le même Moi oublié de Lui-Même. puisque l'unité s'amuse à prendre des formes si étrangères les unes les autres que seul un regard souverain perce. Il crée l'illusion d'un monde de sommes. Le samsara sépare le sujet de l'objet. Non pas être plus ceci ou moins cela. D'où la démarche. Le passage n'est plus alors souhaité pour ses qualités propres (dont je ne cesse de faire l'éloge depuis plusieurs de mes passages sur Terre). le moi du non-moi. Et l'attachement aux spéculations de l'esprit fabrique des hommes ordinaires supérieurs. Un raccourci. Aussi la démarche exhaustive ne se constitue-t-elle pas d'une simple projection dans une constellation de rêves dorés et rigoureux. Il pourra se laisser broyer dans le creuset du feu inconnu. ne procure pas non plus l'accès à la grande clairière impersonnelle. Les chemins conformes au Ciel. des collections et des séries s'entassent puis périssent. mais être tout sans distinction. retrouver le seul être dans tous les êtres. et enfin le terrestre et le céleste. le désir du plaisir. découvrira leur origine. d'abandon suprême. L'éveillé demeure incapable d'en témoigner autrement que par figures. comme Héraclite. et du besoin d'agir pour correspondre à des . Son triomphe historique au vingtième siècle n'a pas entraîné l'homme vers une participation plus effective à la totalité — la conaissance. mais il devient le fantasme de ce qui débarrasse du gênant — la carotte d'un manque-à-gagner. une sorte d'effondrement. érotisés par les fantasmes d'être meilleur. symboles. le signe d'une reconnaissance absolue de tout — sans barrière entre le bien et le mal. le secret des secrets. singeries même — diront les plus avancés dans le mystère. Il aura montré le chemin le moins décoré d'embellissements. se surprendra à les voir monter. Jeter par-dessus bord ce qui invente le réel. ne provoque pas l'illumination. d'additions et de multiplications. L'idée donc. de la complaisance narcissique vis-à-vis de soi-même. décrétés par le mental. qui deviendra Bouddha. Le soi est souvent considéré par rapport à l'ancienne mentalité qu'il quitte. il n'y a plus de distance. mais une identité parfaite partagée avec toutes les choses. Il ne cautionnera plus les émotions négatives. La recherche est alors une perversion. sous les morphologies différentes. trouvera par où elles montrent un angle mort à balayer. L'acharnement de se réaliser pour le luxe d'être soi-même et de flatter sa propre image — au lieu de rechercher la reliance suprême avec le Tout. Il entérine le ressentiment. l'un du multiple. conformément au taoïsme où l'illumination est décrite comme provoquant la spontanéité ouverte à la reliance. d'en finir avec l'illusion n'est qu'un aspect de l'éveil. c'est rassurant. Ou alors. et d'obscurité naturelle en Inde. pour fonder la dualité de l'illusion et du soi. la Terre. Mais le vrai faitesle. d'une peinture cosmique. Une croyance ou un besoin de sécurité ne suffisent pas à suivre la piste. sans oublier la pente religieuse et populaire. ou leur dépassement dans la vision pure et unique. Cette simplicité essentielle a toujours été recherchée par ceux qui pressentent que le mental complique les choses. ou mieux. La justification ne peut se trouver qu'à l'intérieur du moi lui-même. Le moi pressent dès qu'il abandonne ses ornières. Ou encore piège de l'apparence sensible qui déguise l'invisible et le rend imperceptible dans le message du Tao-tê-King. dans une sorte d'alternance historique. Quand on voit l'arborescence du bouddhisme. est suffisante pour engendrer le chemin du retour. tandis que ces trois directions elles-mêmes se mélangent aux traditions locales. qu'il y ait des résultats ou non. les tableaux qui fondent une justification de l'éveil dans des lieux inaccessibles emportent parfois le suiveur sur de fausses pistes. de l'Infini. c'est comme se jeter d'un pont. Peut-être l'être humain est-il suffisamment complexe pour que le mode d'emploi de la simplicité soit aussi complexe qu'il l'est lui-même. même si ce saut est censé vous sauver la vie. Les bases sont simples. Mais la vision. les représentations changent et s'amusent avec les concepts les plus compacts.normes. sous forme de souffrance générique chez le Bouddha devenu maître de l'Asie. L'idée est séduisante. faire semblant. ou des hommes d'autorité. l'intention au but. d'une imagerie. d'une croyance. pour attacher ses valeurs à quelque fantôme transcendant — comme une lumière dans une nuit dont on ne veut pas qu'elle s'achève: le jour pourrait l'abolir. à l'arbitraire du bas. Le message se maintient alors en se pervertissant d'éléments hétérogènes. C'est la période des coupeurs de cheveux en quatre. C'est là le siège des raisons de changer. et maintenir quelques compromis. Si toutes les traditions opposent la conformité du haut. même fugace. le bougre. la passion de l'intelligence pour la compréhension du Tout et de l'insécabilité des événements. le ciel. Quand le mouvement se perd et se disperse. — la grande Image. que le dessus est un Ordre. Par la suite. et le mental chassé par la grande porte par l'instructeur rentre à nouveau à la maison par la fenêtre ou encore par le toit. sous prétexte de les organiser. relier le principe à la forme. c'est qu'il y a là le paradigme fondamental. Il y aura toujours eu des hommes pour opérer ces bifurcations et ces mélanges. vivez pour l'univers entier au lieu de vivre pour vous. Il ne s'agit là que de jeux de mots. que le soi soit un fantasme ou une conséquence possible. ou encore des acrobates qui fournissent des interprétations nouvelles — obligés de rétablir un sens perdu par trop d'exégèses et pas assez de pratique. Des procédures inédites apparaissent. On peut alors s'imaginer qu'il y a un apprentissage. L'esprit humain fait partie du chaos originel où que l'on se tourne: péché à l'ouest. sophistiqué et surchargé. Ou alors. à l'obstacle un peu difficile. Aussi. Étrangement. Des considérations interminables établissent comment se passer de la pensée. le pire étant naturellement celui de la récupération par le (pouvoir) politique d'une . malheureusement pris au sérieux. ignorance fondamentale pour Gautama et les Vedanta. car la table rase est impossible. qu'il dise comment le faire. Des réformes douteuses ou des sortes de schismes visant un loyalisme radical et un «retour aux sources» voient le jour. le tableau du retour à la simplicité est souvent compliqué. Le dépeçage de l'ego ne peut avoir lieu au nom d'une philosophie. et vous verrez bien ce qui arrivera. Un maître qui dit «faites-le» dérange beaucoup. Mais la peur de l'eau froide et du vide peut retenir. censées rétablir la vision originelle. il faut ramener aux termes fondateurs. il est fascinant de remarquer qu'il part aussi bien dans la direction radicale de l'éveil que dans celle d'une philosophie psychologique. que Dieu existe ou non. et les cheminements possibles pour le découvrir. On préférerait qu'il dise pourquoi il faut le faire et s'excuser de ne pas pouvoir le faire parce que c'est impossible. Un bavardage conséquent stipule comment se débarrasser du discours intérieur. et se déclarer incapable de le suivre. elle s'arrête à la première occasion. Un constat sur ce qui manque à l'homme. et le vieux moi continue sa route de vieux moi en l'embellissant de présences divines factices tout en se mettant au cou un talisman de bonne conscience. pour chanter à nouveau le Soi. la non-séparitivité. c'est-à-dire le moment d'avouer les échecs des procédures. décorée d'invocation divine à bon marché. il faut que toute une race ait baigné et vécu dans le spirituel des millénaires entiers. Une minorité prétend qu'il y a dans cette description une fantasmagorie supérieure et n'établissent plus aucune distinction entre le soi et la vie. Tchouang Tseu) sont des choses différentes parce que les initiateurs ne sont pas le même homme. On peut s'imaginer que l'Inde est supérieure à l'Asie dans la quête du soi. Lie-Tseu. et peutêtre même sans le savoir. ni entre les êtres passés de l'autre côté. de la prière. mais un état d'esprit — celui qui caractérise tout éveillé. c'est la période des incitations puissantes à suivre la voie. et l'abondance des vues métaphysiques qui caractérise l'Hindouisme a fini par lui nuire. Avant de se mettre à explorer. Aussi le maître réel détourne-t-il de la personnification le disciple. pour dispenser l'esprit de cultiver les oppositions entre les choses. d'autres pensent que c'est inutile. C'est aussi le temps du sacrifice de l'illusion supérieure. des forces. avec l'établissement d'un paradoxe fondateur. du multiple — et ils conservent donc la perspective transversale de la description de l'ascèse (cohabitation permanente du soi et de la vie comme deux univers indépendants). où la lettre sort vainqueur de l'esprit. taoïsme des patriarches (Lao-Tseu. d'autres sont hantés par leurs prédécesseurs et les démolissent pour établir leur tableau. quasi-rituelle chez les Hindous. le pire étant naturellement celui de la récupération par le (pouvoir) politique d'une parole inspirée par le Verbe. Les maîtres s'y prennent autrement les uns les autres. renoncent à des chemins de traverse mal utilisés. il met un terme à l'énoncé des catégories. qui élaguera comme un bon jardinier toutes les branches mortes de la doctrine qu'il représente. Ou encore que l'hindouisme propose seul la vérité car son jargon spirituel est beaucoup plus séduisant que tous les autres. initiées par un homme de grande envergure. Il ne manque pas alors. à chaque virage institutionnel. comme l'ont fait nombre de patriarches zen. ou encore de l'introspection. zen. et ceux qui demeurent dans l'ignorance. mais ce serait prendre le risque de traiter Bodhidharma de menteur quand il dit. Là est . Certains aiment couper en rondelles l'ici et maintenant. il ne peut être qualifié d'aucune manière. de faire le bilan des siècles passés où la forme a repris le dessus. là où le sacré et le divin s'opposent à des choses qui ne le sont pas. le bien et le mal. le ciel et la Terre. Et c'est le cas de l'Inde. l'erreur et la vérité. ce ne sera jamais dans l'acception que le moi non-éveillé lui donne.hétérogènes. La plupart d'entre eux n'oublie pas qu'ils sont issus de la dualité et ne cherchent donc pas à faire miroiter le Soi autrement que tel un passage en dehors d'elle — des nombres. de recrues qui s'investissent dans des exercices. au détriment de l'attention spontanée permanente. Les procédures apparaissent alors avec un caractère forcé. aussi existe-t-il des voies qui évitent tout simplement la mentalisation des objets. et sont probablement les plus évolués. de la méditation bouddhiste. et rend-il compte que le Bouddha n'est pas un homme. Toute nouvelle doctrine se veut efficace et directe. qui évitent les passages éculés. puisque cet état d'esprit étant vide. C'est ce secret qui est intransmissible. Mais tout excès devient préjudiciable. C'est le temps des nouvelles doctrines. d'autres encore s'en moquent éperdument et n'essaient même pas de comprendre leurs œuvres ni leurs doctrines. Mais les choses continuent. qu'une recherche cultivée finit par pervertir. Ne serait-ce que pour parvenir à ces nuances. «Rien que du vide et rien de sacré». Mais quand un grand maître ou un instructeur arrive. Si le soi peut procurer le sentiment divin. l'Absolu homogène — et pousser tout le monde à l'eau. comme la vulgarisation du bouddhisme et son éclatement sémantique a banalisé sa profondeur tout en l'émoussant. les possesseurs du soi. Certains marient des courants avec génie. qu'il s'agisse du zazen nippon. Ils donnent une vision sphérique de la chose. qui demeurent des objets abstraits. à l'encontre des anciennes où les commentaires finissent par obstruer le chemin du ressenti. Le fleuve opaque provient du torrent transparent. le chercheur se trouve avec une bonne douzaine de cartes différentes du même territoire. Il peut même s'imaginer que bouddhisme. pour mieux s'attirer leurs grâces — au risque d'élargir encore le fossé déjà béant entre les éveillés et les autres. Ce qui est faux dans l'éveil. Lâcher prise pour Lao-Tseu. et lui permettra de survivre dans une indépendance totale vis-à-vis du Dhyana (bouddhisme sanskrit). l'Inde revient toujours à la vénération et assimile les doctrines du Soi pur. Si cette démarche est à nouveau ensevelie dans un discours. On pourra toujours décréter que toute affirmation est fausse si l'on se place du point de vue du soi. le maître vérifiant l'implication réelle du disciple dans la voie. bien que la quête de l'éveil ne puisse se justifier d'aucune manière. Cela doit être définitivement compris et accepté. puisque la plupart des disciples s'adonnent à explorer la carte plus rassurante que le territoire du moi. Enfin. Beaucoup de choses sont donc à extraire des «tableaux» que je critique. et elle aime personnifier outre mesure. et que toute négation l'est également. pour la Gîta et les maîtres mystiques de tous les continents. peut être plus ou moins vrai dans le domaine de la pensée. Bien que ces représentations soient factices à partir de l'expérience même de l'éveil. du même état de conscience. Le chercheur épris des formes peut passer sa vie à choisir le tracé de sa voie avant de faire le moindre pas. se méfier des doctrines et des systèmes constitue le danger inverse. ce dernier ne pouvant plus se cacher derrière l'interprétation des canons (— quitte à ce qu'aucune religion ne voie le jour. et permet aux possesseurs du Soi d'aller plus loin encore. et par tous les maîtres du Tch'an. Jusqu'au paradoxe ultime: un discours de Bouddha. et refuse le culte du Bouddha. Lao-Tseu. marcher vers le soi. est quelque chose de simple — c'est là le fonds commun de la parole du maître. Le mental peut justifier la voie. qui constitue la base de la doctrine de l'Indisctinction prêchée par Shakyamuni. qui se prépare au satori. avoir confiance en soi pour Lin-Tsi. elle se perd en hésitations. s'amusant à élever au statut de dieux les meilleurs humains. reconnaître l'abîme séparatif du moi qui génère la souffrance pour Gautama. d'une manière ou d'une autre. et c'est donc la Chine qui dépouillera le bouddhisme de ses superfluités. dans le Tch'an. spéculations. et introduit donc le jugement duel en son sein en rendant donc impossible la pratique de l'absence de jugement. qui ne vise rien d'autre que l'éveil. puisque les notions de juste et d'erroné ont été transfigurées par l'illumination. Mais si l'on se place de point . quitte à les transformer. la présenter comme une nécessité la ravale au niveau d'une morale.l'héritage de l'Asie. Elle revient toujours à ce principe quand elle s'en laisse distraire par des voies importées de l'Inde et du Tibet qui forment un continent à part. mais il ne peut pas la découvrir. en fondant la suprématie du chemin sur le marcheur. Que le soi soit divin pour les hindous et ne le soit pas pour le reste des asiatiques a de quoi surprendre. et finalement en jugements hiérarchiques inutiles. par lui-même. réel ou légendaire. S'ouvrir au Tao. modifier le voyageur. et qu'ils s'impliquent sans abandon de l'ancien moi dans la conquête du nouveau moi transfiguré. comme celle de Shakyamuni (Bouddha). De la même manière. Le terme transcendant met tout le monde d'accord. Mais elle est la seule à chanter l'Esprit Suprême. Aussi le mésusage des doctrines est-il chose courante.) La question de la Grande Image se pose donc toujours: où sont les points de repère de l'Absolu et de l'Infini? Se passer entièrement des visions pérennes. comme si l'itinéraire pouvait. atermoiements. avec quelques nuances. Le mouvement se développera finalement au Japon. Mais il s'agit de la même chose. car le risque de sous-estimer le travail à accomplir se présente tout autant que celui de rejeter par principe toute autorité. s'en remettre au Suprême. elles ne le sont pas entièrement par rapport à l'esprit encore dualiste et conditionné. dans son Bhakti-Yoga qui s'adresse au «Dieu des dieux». La corruption aurait alors eu moins de prise. débats. qui voulait que sa doctrine fût transmise sans écrits. à posséder une dévotion dépouillée de toute superstition. c'est-à-dire des cercles qui justifient l'éveil dans une perspective de causalité et de finalité. Cette perversion menace tout nouvel exposé de la voie universelle. Ce mouvement est complémentaire de bien d'autres qui utilisent des Idées pour faire passer l'aspirant dans la quête absolue. taoïsme. existe sans doute un moyen de reconnaître dans toute expérience spirituelle un signe de piste. acharnement ou entêtement. tel est le tracé du chemin. Les lois censées mener à ce qui existe avant toute loi. au lieu d'attendre qu'ils vous parlent. différents points de vue. Mais il n'est pas exclu qu'une pratique acharnée de la méditation ou de la concentration fasse prendre pour ce non-né la simple suspension (technique) de l'activité mentale. le non-né. et la soumission veule à une doctrine réglementaire. Mais si l'on se place de point de vue d'un contenu non-mental à transposer en termes mentaux. et n'ont donc pas basculé dans le vide. Il n'y a rien en amont. Mais cette voie est ardue. et certains maîtres paraissent même obscènes. Bouddhisme. C'est presque trivial. du Tch'an et du zen. Les traditions qui établissent la voie de l'éveil sont comme des pièces de vêtements toujours rapiécées. comme il faut se déplacer dans l'espace pour faire le tour d'un volume et rendre compte de sa forme. en termes intellectuels. allégations qui cherchent seulement à poser les conditions mêmes de l'éveil. au risque de lui fournir des béquilles qu'il conservera trop longtemps. Voilà pourquoi on peut préconiser l'étude suivie d'une tradition. ni à quoi il sert. confondu parfois avec un simple apaisement mécanique de l'esprit obtenu par violence. n'ont aucune signification. S'attaquer à la légitimité de la vision de Lao-Tseu revient à mettre en doute celle de Bouddha. s'il ne sied pas. des piliers où accrocher la pensée. et que toute négation l'est également. Rien à dire de plus. mais leur but est de rassembler des points de vue différents. Mais cela ne veut pas dire qu'un syncrétisme permet de plus vite les comprendre. les règlements chargés de faire respecter un ordre insaisissable. quand ils coupent . Il n'est pas hasardeux de prétendre qu'un faux soi a toujours hanté les monastères et les ashrams. On le trouve ou non. Le rejet du mental peut donc être préconisé dans la voie de l'éveil.se place du point de vue du soi. C'est là. Il faudra longtemps pour comprendre. c'est exactement cela. des allégations peuvent être établies. inqualifiable. et cette expérience met en relation avec une substance vide. Tao. séparés les uns des autres. et non son essence. car la compréhension intellectuelle peut mimer la compréhension intégrale qui engage l'être tout entier. Terminé. et celles des patriarches des deux lignées Tch'an et zen. L'éveil se confond avec la cessation de la pensée. On peint quelque chose qui a toujours existé sans qu'on sache pourquoi ni comment. les prescriptions du langage lui-même pour indiquer le chemin qui mène audelà de lui. Entre l'arrogance de faire abstraction de toute genèse spirituelle. et que le rôle des patriarches du bouddhisme. et c'est l'itinéraire de la doctrine du bouddhisme qui a terminé son accomplissement au Japon en passant par la Chine. Faux vu dans la lumière. Certains points de vue traditionnels ne sont compréhensibles qu'associés à d'autres. Les ignorer est une voie trop abrupte. Les maîtres qui voient ce non-né comme substance incréée se sentent reliés à l'origine des choses. s'en réclamer. et zen sont en réalité la même chose. ou qu'il faille pénétrer les trois mouvements pour n'en posséder qu'un seul. Ces conditions. Or évoquer le soi. deviennent ce que l'on appelle des «vérités traditionnelles». qui. le temps qu'elle se dévide sans plus essayer de se fixer sur quoi que ce soit. Certaines coutures sont grossières. tous aussi nécessaires les uns que les autres. une voie trop souple. Ce que remettent en cause les maîtres de l'Asie. sont les décors fugitifs du Tao. mais qui conservent la forme originale. C'est fondamentalement la même chose. On ne peut mettre en cause un morceau seulement du vêtement. au sens physique du terme. en quelque sorte de l'intérieur. vrai vu dans l'obscurité. c'est qu'il faille obligatoirement regarder ces tableaux et les trouver justes et beaux. est de restituer l'accès au nonné. mais rien ne permet de les départager. et se laisse emporter par lui d'une façon qui lui est propre également. il s'agit de la même réalité. la droite et la gauche. sublimées. et s'évanouit quand il oublie sa quête. fenêtre où s'entrelacent le Ciel et la Terre alors que leurs emboîtements sont encore flous et indiscernables. ou encore les maîtres de l'éveil graduel (qui font confiance aux imprégnations mentales et à la consécration) et les maîtres de l'illumination subite. Contentons-nous d'admettre que le Soi existe. qui lui rappellent d'une part son obscurité. Que le soi absorbe les dualités. d'autres les conservent. ou bien qu'il mette en relief l'obscurité du monde et de la vie par sa simple transparence (et qu'il semble ainsi s'en dégager). les expansifs et les taciturnes d'autres part. les conservateurs et les créatifs enfin. qui donnerait une précision fausse tout en les séparant. qui en prépare dorénavant d'autres. La chose a été entr'aperçue par le cœur ou l'esprit. Chaque éveillé joue avec le Soi à sa propre manière. et le moi se contente de ces figurations pauvres de l'autre rive. ce qui est vrai. une autre comme une maîtrise de la vie. qui les méprisent et rejettent toute procédure. Ceux qui se laisseront emporter très loin sans se soucier du passé ni de leurs racines. pour ne pas devenir un cliché précis qui ne mène nulle part. L'éveil est une nouvelle dimension. les yeux ouverts ou les yeux fermés. et que ces derniers stagnent pour opposer les partisans du soi hors de la vie et ceux du soi dans la vie. Il serait absurde que ce combat soit préjudiciable aux chercheurs. Dedans ou dehors. quel que soit le but à atteindre. les actifs et les contemplatifs d'une part. pour pousser un cri. et chacun est libre de s'y consacrer. le grand symbole — informel — donne confiance. ou les deux en même temps. présage le soi en dehors de tout calendrier. et quelle que soit la manière de le rencontrer. sans nous acharner à trouver leur ligne de démarcation. Mais le combat pédagogique a eu son importance chez les maîtres. La Grande Image doit rester imprécise. par le cœur. il est absurde de l'aborder par la comparaison. S'oppose au monde ténébreux la fenêtre de l'absolu confusément cherché. une autre enfin comme une noce avec le Divin. compte tenu du fait qu'il jouira d'une grande liberté dans le Soi. ceux qui voudront l'intégrer et le mettre au service de la vie sans souligner les différences entre l'ordre du Haut et le chaos du Bas. parmi lesquels se retrouvent les catégories sublimées de l'humanité. par le doute sur toute pensée.court aux argumentations. opaque même. le sacrifice. Cette petite béance vers la lumière équilibre les pas du chercheur. Il doute parfois: une voie caractérise le soi comme une sorte de fuite sublime couronnée. ou la conviction profonde du Sens ultime — tout juste deviné à travers l'aube de la Grande Image. Certains dénient les émotions. faire un geste déplacé dans une assemblée confite de dévotion et de solennité. mais qui peut déjà se suffire à elle-même. 7 Méditation sur l'alternance du principe. la conscience d'éveil n'ayant plus rien à voir avec ce qui précède l'illumination. En réalité. en s'appuyant sur des procédures ou non. par le dépouillement de l'intelligence. une caricature. formule contraire qui tente d'en faire un objet séparé du monde. Quand on l'évoque. quoiqu'il procure. La Grande Image n'est pas une collection de points de repère. une pancarte obligatoire. et déclarent que toute démarche est non-avenue si le satori ne débouche pas le Moi de l'ego. Si le . mais le sentiment intime — que peu savent vivre — que chaque pas révèle un sens. le Soi est juste deviné mais insaisissable. quand on le présente comme un nouveau regard à l'usage de l'éveillé contemplatif. Contentons-nous de visualiser le haut et le bas. en raffinant la pensée ou en la rejetant par principe. ceux qui n'en reviendront pas d'y être parvenu et qui trouveront dans le prosélytisme lyrique une manière d'en témoigner. Il y aura donc toujours différents types d'éveillés. d'autre part sa lumière. une autre encore comme un dépouillement tel que rien ne subsiste de soi-même. détachement est profond, l'exubérance est une joie, l'impavidité une gaîté sans objet, et il ne nous appartient pas de valoriser les éveillés froids au détriment des éveillés chauds, ou l'inverse. Pas d'uniformité dans l'universel, n'en déplaise au mental qui voudrait, une fois pour toutes, s'en tenir à un modèle standard du sage, sans doute pour l'imiter bêtement. Et de cela nous apprenons que les doctrines ressemblent à leur fondateur, d'où leur élasticité surprenante, pour des méthodes qui défendent les mêmes choses. D'une manière très générale, l'envie de transmettre subsiste, à travers des formes variées, notamment la maîtrise, Sat-Sang, entretiens libres entre l'éveillé et les chercheurs, et les formes plus structurées de témoignage, suivi doctrinal et pratique, ouverture interactive vers la psychologie, la médecine, l'écologie, l'éducation. L'éveil permet d'éviter les amalgames entre les choses, selon le principe que le mental jouit enfin d'une clarté pure, et que les interférences subjectives constellent très peu le discours — en tout cas par rapport à tous ceux que le Soi évite encore. Le passage du chaos à l'Ordre existe, c'est le soi. Il engendre des perceptions nouvelles. Il se répand. Mais la chose était exceptionnelle autrefois, auréolée d'énigmes, de protocoles, de secrets. Il en reste d'archaïques traces. Quelques fossiles encombrent le terrain de la révélation du Verbe. Toutes les traditions monopolisent certains héritages, tendent à justifier leurs prédicats par toutes sortes de ruses et il est vain de leur faire confiance par principe. Chaque voie rend vite obligatoire ce qui la caractérise, et le chercheur naïf se laisse berner. C'est l'érosion du temps, qui affecte le discours, sclérose les articulations doctrinaires, et émousse les vérités premières qui sonnaient à l'origine comme des paroles inédites et puissantes. Le risque est donc de se perdre dans des appréciations contraires et qui peuvent toucher des points importants. Par exemple, on trouve souvent l'éloge de la contemplation comme passage obligé, chez les hindous et les soufis. Elle ne saurait être volontaire , et l'évoquer comme un impératif est paradoxal. Le Tao vient aussi à la rencontre de l'homme qui cherche, ce qui est un équivalent de la grâce, et je souligne par la même occasion que le but de l'ascèse est la non-séparativité, et non la perfection illusoire du moi triomphal qui surplomberait la vie . Pour la plupart des maîtres, le soi est vraiment un contact. La cessation de l'activité mentale permet de «baigner» dans un nouvel univers. Quelques maîtres font abstraction de cette fusion avec l'éther et présentent donc l'éveil comme une simple transformation du moi. Il me semble incomplet de présenter le soi du simple point de vue du moi. Il transforme aussi toutes les relations au non-moi, et si les phénomènes peuvent être ressentis comme illusoires, au-delà persiste l'ambiance de l'univers incréé et intemporel, sidéral, perceptible par tous les sens et la conscience. Dès que la reliance est oubliée, quel que soit d'ailleurs la difficulté de nommer l'objet auquel le soi relie (Tao), le risque se fonde d'aborder la connaissance comme un ultime produit du moi ne débouchant sur rien d'autre que lui-même, mais dans une sorte d'apothéose. À ce titre, n'oublions pas que la mystique complète la sagesse, en établissant la quête de l'objet divin, alors que cette préoccupation est inutile dans le cadre seulement de l'ouverture au soi. Le soi n'est pas habité, comme le sont certains espaces transcendants dynamiques, tels que l'Inde les a par exemple décrits dans les Védas. Mais, bien qu'il soit vide, il est perçu comme une présence. Si cette présence n'est pas personnifiée, (et il est inutile de le faire), c'est la présence simple du sens permanent des choses dans une continuité suprême, sans déchirure — même pour les plus infimes événements et ressentis. Avec en arrière-plan le sentiment d'une vastitude qui contient tout, autorise tout, et laisse se produire la manifestation dans une bienveillance passive qui est le support de toute conscience. C'est par cet aspect que les hindous font du soi — le Brahman, une révélation divine puisque l'Un s'accomplit au-dehors et au-dedans. Mais pour le reste de l'Asie, le sens ne peut se fonder qu'en l'homme et ce qu'il observe. Aussi, pour l'âme jaune, quand le soi se manifeste et que le sens exhaustif apparaît, quand le non-né devient tangible, cette nouvelle réalité se suffit à elle-même exhaustif apparaît, quand le non-né devient tangible, cette nouvelle réalité se suffit à elle-même sans qu'il soit nécessaire de l'appareiller à une intention divine, ou même à une finalité préconçue. Il était donc prévisible que le bouddhisme s'instaure parfaitement bien en Chine, et qu'il prolonge, finalement, sous le nom de Tch'an, le taoïsme de l'éveil qui lui avait préparé son nid. Le mythe de la méditation, qui caractériserait certaines voies et pas d'autres, n'est pas le seul casse-tête qui s'offre au chercheur scrupuleux. Le nom de Dieu rôdant toujours, de près ou de loin autour du phénomène spirituel, il n'est pas rare qu'une personne prête à suivre la voie s'arrête en cours de route pour n'avoir pas su comprendre la différence entre la sagesse, qui ne paie finalement pas de mine, et la mystique auréolée du prestige de l'incompréhensible, de la révélation, du toucher divin. L'opposition est même entretenue par des écoles des deux clans, se réclamant toutes de la plus haute vérité, et qui condamnent fermement la branche adverse. Des mouvements mystiques que je juge personnellement peu recommandables, mais qui vendent Dieu bon marché, prétendent toute honte bue que le désir d'affranchissement du sage, tel par exemple qu'il s'incarne dans le Bouddha se moquant des décrets du Créateur, est un pur mensonge, voire de l'orgueil de la pire espèce. Inversement, certaines écoles de la sagesse qui vantent cahin-caha les mérites de l'éveil, du soi, discréditent les perceptions divines en les classant, trop vite à mon gré, dans la catégorie des «émotions». En réalité, il existe différents types de réalisations, et c'est le moment de citer l'apologue de l'éléphant. Qui prendrait pour l'éléphant entier, dans le noir, sa trompe, ou ses flancs, ou une seule de ses pattes, ou son derrière, se tromperait. Une réalisation n'empêche pas l'autre, et si j'insiste autant sur l'équilibre entre le processus de «fermer les yeux» et celui «d'ouvrir les yeux», c'est tout simplement que c'est le seul moyen pour que le mystique ne tue pas le sage, et pour que le sage ne tue pas le mystique — au fond de soi-même. La mystique est souvent rejetée par les sages, entendons par là les possesseurs du soi, qui savent que sans la réalisation du Vide incréé, les illuminations dynamiques ne sont que des passages furtifs aggravant la dichotomie entre l'état de veille ordinaire et la montée illuminative. Le non-né, au contraire, le Brahman, s'installe et donne au moi une sorte de stabilité imprescriptible, raison pour laquelle les chinois considèrent cette réalisation comme la noce ultime du Yin et du Yang, la stabilité pouvant s'articuler sur l'impermanence des sensations, maintenant qu'il n'y a plus d'opposition, grâce à l'éveil, entre l'enracinement essentiel et la disponibilité de principe à chaque nouveau moment. Certains états de conscience ne se manifestent que dans une attitude entièrement yin, où plus aucune tension ne tire la perception dans un sens ou un autre. La volonté ne s'empare pas de ces moments de lumière, et il est donc convenable de laisser alterner les phases de disponibilité pure et les procédures où un mouvement s'initie, à partir d'une initiative quelconque. Cette complémentarité commune en Chine entre le non-agir et l'intention déterminée, facile à comprendre par l'arrière-plan de la philosophie du Yin-Yang (Taï-Chi), est plus difficile à mettre en place dans les autres traditions, où la notion d'équilibre est moins présente à l'esprit, ou bien cachée par d'autres considérations. Mais l'on peut considérer que même les procédures encadrées d'une finalité précise, quel que soit leur tradition d'origine, comme la méditation bouddhiste par exemple, ou la spéculation libre du jnanîn, ont pour fonction non pas de renforcer la perception du temps au moment même où elles s'effectuent, mais au contraire d'évaser cette durée — convenue dans la pratique par un horaire — vers d'autres univers, plus difficiles à contacter sans cette mise en scène préalable. Le fruit des méditations se manifeste souvent en dehors des moments qui lui sont consacrés, et c'est donc particulièrement stupide de s'acharner à programmer des moments meilleurs que les autres. L'intention des conventions qui matérialisent les pratiques est en amont de leur soi-disant but, et elle doit être profondément comprise et ressentie afin que l'exercice spirituel ne renforce pas une habitude nouvelle habillée d'un fantasme transformateur. On pointe souvent le rôle du mental discriminatoire dans les voies de l'Inde, mais si d'autres formules sont efficaces et remplacent cette discrimination exclusive, un chemin tout autre mène au même lieu du soi, par exemple par l'amour inconditionnel ou l'action pure, qui engendrent de la même façon, — en tout cas chez tout adepte sincère, l'abandon de sa propre volonté, tandis qu'une intuition directe tient lieu de discrimination spéculative (viveka). Et si je continuais à développer ainsi, vous finiriez par être persuadé que rien ne dépend des voies (je continuerai à critiquer leurs oppositions et leurs rivalités), mais que tout dépend du chercheur. C'est là que je voulais vous amener. Je me dispense d'une démonstration fastidieuse, pour mieux vous faire comprendre l'essentiel. La même épuration psychologique peut se produire par des mouvements divers, à partir de doctrines singulières, puisque les mêmes résistances sont mises à jour par des moyens multiples. Tout système, même celui que l'on aime, peut emprisonner s'il n'y a plus moyen d'intégrer ses «considérations», comme toute absence de système contraint à des revirements incessants. Une vigilance forcée ferme la réceptivité yin, comme un abandon négligent et émollient ferme le travail intérieur du moi sur le moi. L'âme chinoise sait que l'alternance est le principe de la métamorphose. Les navettes entre la disponibilité pure et confiante et les mouvements profonds de concentration se succèdent et s'apportent des informations mutuelles. De la même manière, les navettes entre «fermer les yeux» (travail intérieur) et «ouvrir les yeux» (déchiffrage du non-moi et du ressenti) peuvent s'organiser d'une manière dialectique, les découvertes d'un processus épaulant celles de l'autre. L'exemple le plus frappant est celui de Sri Aurobindo qui, pour faire descendre le supramental entre les deux dernières guerres mondiales, a combiné toutes les ressources du travail intérieur, la sadhana, aux qualités féminines de réceptivité pure, pour se laisser guider par l'écrasante énergie supramentale. Mais par acharnement, l'on peut se contraindre et s'enfermer; ou au contraire se laisser aller et confondre la passivité avec une stratégie suprême. La fermeture, par excès de yang, est fréquente pour une raison toute simple. Un chemin s'est ouvert grâce à une couleur, une pratique, un nom, une tradition, et l'on tient à se fonder dans cet itinéraire-là et pas un autre, par hommage sans doute à l'accouchement intérieur qui s'est effectué. Le mental commence à tenir à ses vérités supérieures comme un chien tient à son os, et l'adepte, même sincère, se verrouille dans les prédicats de son obédience — quelle qu'elle soit — sans pouvoir démordre des vérités apprises. Si un cycle est révolu, c'est une erreur de cultiver des survivances, même profondes. On ne peut reprocher aux traditions le déchet qui les caractérise, ni leur attribuer la responsabilité des laissés pour compte qui foisonnent en leur sein, manipulés par les vérités doctrinaires qu'ils n'ont pas su expérimenter. Le manque de fermeté intérieure, par excès de Yin, c'est-à-dire l'incapacité à «fermer les yeux», à s'abstraire de l'événementiel pour amorcer un dialogue avec soi-même, engendre toujours les mêmes victimes spirituelles. Bonnes, sensibles, idéalistes, leur identité n'a jamais été détachée du vécu par une procédure quelconque d'intériorisation, et la dépendance aux émotions, aux pensées, aux représentations du monde et du Divin, persistent et empêchent la sadhana. Aussi devons-nous en revenir à l'âme des mouvements pérennes, y voir le labeur originel, couronné ou non de succès, et non la surface parfumée des paroles qui cachent l'expérimentation — l'ascèse comme un art de savoir tomber et de se relever pour tous les candidats, la souffrance de l'incompréhension pour l'avatar adulé, le sacrifice du moi au Moi dans tous les cas de figure. Les systèmes parlent de l'hypothèse seulement de l'éveil, sans comptabiliser les chances ni calculer les risques d'y parvenir. Évoquer la non-séparativité dans un monde de barrières et de frontières est peine perdue. La belle unité de la parole du sage ou de sa doctrine ne peut être ressentie par ceux qui vivent encore avec un moi divisé. Le message unique se sépare en présupposés philosophiques, énoncé des pratiques, et visées finales. De l'éveillé à son discours, l'un s'est perdu dans les voiles de sa représentation mentale, primo la légitimité convenue de la recherche, secundo dans la description (et l'usage) des procédés et tertio dans sa finalité, censée vérifier les deux autres points. L'homme uni brise l'image de son unité par les différentes perspectives qui lui permettent de ceux qui se taisent. Beaucoup s'arrêtent en chemin. le témoignage ne déboute pas le passé. Ou ne rien dire. chaque fois différent. Et il est inutile. le sujet étant tout. Cependant. pratiquer des exercices associés à un mouvement et pas à un autre. Étudier les cartes. d'un Sankara ou d'un Milarepa. Marcher sur les traces des éveillés c'est donc tout simplement plonger en soi-même sans garde-fous pour dissoudre la pensée. Cette intimité avec soi-même. ne cerne pas le présent. quels que soient les points de repère extérieurs. et qui s'inscrit dans la totalité du cheminement humain comme une formalité parmi tant d'autres. Il n'y a guère le choix. permet de comprendre les paradigmes divins. Il n'y a guère à instaurer de passages entre le monde du moi en changement perpétuel et les moyens convenus par lesquels il . Mais il est déterminé par les sensations. qui caractérise le travail du moi sur le moi. l'image du monde. La propagande pour l'éveil est un phénomène historique. seront toujours supérieurs aux plans de l'itinéraire — la doctrine ficelée. par simple évidence. Ce qui est transformé par l'expérience pure. Des liens de plus en plus souples et profonds peuvent réunir l'expérience du moi aux représentations qu'il utilise pour se frayer un chemin exploratoire. Les traces de pas. Il n'a plus guère d'autres motivations. tout autant. la dogmatique. de toute maîtrise. les obédiences et les disciplines. son image et son rôle. Un lieu commun veut que ce soit ceux-là les plus grands. Le maître qui met des noms sur le goût de l'expérience de l'extase donne envie d'en boire le vin. Mais ces jugements n'ont aucune portée. venir à bout du moi contingent et sécuritaire. Son expérience sort de son cadre. car il est lassant de voir que la démystification — l'annonce de l'éveil possible. ceux qui ne savent pas passer le flambeau. dans l'intimité même du discours permanent — sans l'écran du positionnement mental réduit par ses étiquettes. essayer autre chose en fonction de critères déjà établis est une occupation moins radicale. c'est-à-dire comparer les doctrines. ne ravive pas l'amour. C'est le champ mouvant du moi traversé par l'intelligence du moment qui peut agir sur les structures psychologiques directement. Voyager dans une contrée lointaine ou en établir la carte sont deux aspects différents. qui prétend fournir clés en main la vision d'un Bouddha. L'entreprise mérite d'être renouvelée. Car sans la fraîcheur. de toute pratique. c'est-à-dire la parole ou l'écrit pur. Il n'y a pas lieu de subordonner le travail pur de dépeçage de l'ego — la plongée dans l'inconscient. ou impeccables dans une pratique. identifiés corps et âme à un maître. mais sans posséder assez de recul sur ce qui les nourrit pour continuer seuls le chemin. lire et relire la Gîta ou les bases d'un enseignement. une autre rumeur les désigne comme les plus petits d'entre les maîtres. à une vision spirituelle particulière. devient à nouveau une mystification. la genèse personnelle. Le chantier radical se réduit parfois à «fermer les yeux» comme si seul l'univers intérieur comptait. mais il s'abuse lui-même s'il prétend tendre la coupe. au Tout proprement dit. Aussi certains éveillés ont-ils tout simplement choisi de se taire. de subordonner le système qu'on choisit (Dieu sait s'il en existe issus des paroles des instructeurs et des éveillés). d'un christ. Ce qui est compris à l'extérieur de soi doit encourager l'investigation intérieure et inversement. purifier la mémoire et l'anticipation — creuser dans le puits sans fond de la conscience sans préjuger de la quête. et la ramification — en brisant les cercles d'inféodation. une sorte de prévalence de principe est légitimement accordée au processus «fermer les yeux». le rachat par le soi de la condition ténébreuse. travailler les canons et les principes d'une école pour s'imprégner des vérités fondamentales. Aussi est-il imprudent d'abandonner les investigations sur ce que représente le non-moi sous prétexte de venir à bout de sa propre psychologie. homogène et insécable. L'éveillé éprouve une certaine jouissance à évoquer l'issue de l'ignorance. ou reprendre tout à zéro. la vitalité et le corps.L'homme uni brise l'image de son unité par les différentes perspectives qui lui permettent de l'évoquer. au-dessus même des instructeurs. bref. constitue l'âme de la démarche. Les intuitions se développent mieux chez ceux qui continuent d'être ouverts et disponibles au monde extérieur que chez les ascètes emmurés dans leur retraite. revisiter les koan zen ou les joyaux bouddhistes. à sa propre alchimie intérieure. «Ouvrir les yeux» et «fermer les yeux» ne doivent pas se combattre ni dépendre l'un de l'autre. libre de toute forme. de Sankara ou de Ramana. La confiance quasi aveugle dans les pratiques. L'apprivoisement de la pensée n'est pas son éclatement. de Lao-Tseu. confinées dans leur détachement forcé. ne pouvait que susciter un mouvement contraire. ce qu'ont du mal à admettre les transmetteurs en quelque sorte «certifiés conforme». émotionnelles et mentales. philosophiques et moraux. alors que les poumons respirent un gaz concret qui assure l'étroite connivence du moi et du Tout. ou quelque chose qui passait pour tel. acculturées en changeant de site — jusqu'à former des organismes hétérogènes dont la colonne vertébrale a . tel le bouddhisme zen. ou cela se fait toujours au profit de l'étiquette et du ritualisme. Le mental au contraire invente le réel. ne peut être celui de Bouddha. si cela est formel et convenu. de Nagarjuna. colorées de l'être particulier qui fait la grande expérience. Le calme cultivé de l'esprit n'est pas le satori. Un nouvel œil doit pouvoir surgir et les observer. qui le pervertissait depuis son passage du pali au sanskrit — tout en maintenant le cap sur l'ensemble du ressenti. avec de subtiles sensations physiques. fléchies par l'âme de la race. qui ne s'amuse pas à prolonger un système en le modifiant met à jour parfois une doctrine plus simple et plus efficace que les voies immémoriales qui rassurent par le nom illustre du fondateur. le domptage de la pensée par des expédients divers et complémentaires. des hommes profondément convaincus de leur qualité spirituelle entretenue savamment par un calendrier exemplaire. qui s'est efforcé d'élaguer le système pour effectuer un retour au Soi sans l'inventaire des présupposés religieux. Quand une doctrine s'édifie en réaction à d'autres. qu'aucune percée n'en détourne. c'est-à-dire sa contrefaçon. stratégie qu'il possède en commun avec le taoïsme. Un ressenti profond doit se maintenir. et la respiration a toujours été le symbole de ce lien. Je suis certain qu'il n'y a qu'une voie. elle risque de tomber dans l'erreur inverse que celle qu'elle rectifie. puisque on peut croire les avoir atteints pour savoir seulement les nommer et les courtiser tout en les appâtant par des singeries. Il y a même aujourd'hui des éveillés qui ne représentent aucune tradition. que les hindous ne cessent de mentionner afin qu'aucune réussite. il est tout aussi dangereux de réduire le Tout et de dénier les univers subtils pour ne vanter que l'ascèse du moi. mais qui n'a pas encore éprouvé le satori. qui est le fléau du bouddhisme post-originel. Certains textes laissent présager que Shakyamuni aussi dénonçait une certaine réalisation. dans un pays où convoiter la lumière est monnaie courante. professé par un disciple. La sobriété doctrinale du zen est aussi suspecte que la dérive du bouddhisme récupéré avant son essor mondial par les sanskritistes. pour ne parler que des plus grands défenseurs de l'éveil. pour qu'une pratique conserve son efficace. Le soi qui ne relie pas. mais dépourvue de la sensibilité libre et détachée que procure le satori. aussi sincère soit-il dans son imitation. de Dogen. c'est-à-dire des caméléons de l'éveil. mécaniques. de Lin-Tsi. par une forme quelconque de liaison des plus archaïques aux plus sublimes. Le moi reste en permanence relié au Tout. au détriment de son complémentaire. de Bodhidharma. mais secrètement attachées aux représentations religieuses de leur culture autant qu'à une haute opinion d'ellesmêmes. ouvrir les yeux sur le monde en préservant la spontanéité. ne doivent pas se rompre. Chercher l'éveil en se spécialisant dans le processus que j'appelle fermer les yeux. différent du grand soi. Il est évident que la parole d'un éveillé (d'une autre voie que la sienne) vaut mieux qu'un enseignement suivi à l'intérieur d'une doctrine que l'on aime. Le dépouillement aussi peut être excessif et oublier au passage certaines réalités dans un parti-pris d'école à conserver. convenus entre les perceptions du moi. chez quelques sommités triomphalistes de Bénarès. qu'un témoignage authentique. Un maître qui ne se préoccupe pas de réformer un enseignement. Les liens inconscients. a toujours donné le même résultat sous tous les cieux. mais qui n'ont cessé d'être ravaudées. à travers différentes formes. la pratique exclusive du zazen pouvant transformer le moi tout en brisant les sensations subtiles de liaison avec le Tao pour ne révéler en fin de compte qu'un soi individuel. et les impressions physiques. La personnalité du maître est plus importante dans le zen que dans les autres voies et c'est aussi dans ce système que les contrefaçons sont les plus nombreuses. modifiées.change. les objets de la vitalité. épuisées par leurs pratiques. S'il est dangereux d'évoquer des univers au-delà de la perception réelle que l'on possède. Ces considérations doivent être prises en compte avant de s'engager dans une voie spirituelle précise. Et un érudit déguisé en éveillé passe plus facilement pour un possesseur du soi qu'un possesseur du soi passe pour un maître. accepte sa vulnérabilité et sa faillibilité. C'est encore de la mémoire. plus on passera à côté. et la structure immunitaire. s'en étonne. audessus de l'énergie physique et en-dessous de la conscience mentale. vedantique ou chrétienne. c'est ainsi qu'il se découvre. ou encore le vrai chrétien qui. où les survivances reviennent se battre contre des innovations. le pays des dieux. S'ils ne sont pas suivis sous la direction d'un maître authentique. passent tous par des concepts et des représentations différentes pour aboutir exactement au même aveu. La méditation est la liberté. ou comment reconnaître qui doit être suivi. Parler de méditation bouddhiste ou taoïste. Nous sommes là. Cet aveu. puis s'en émerveille. Plus on la cerne de près. Vous avez besoin de vous transformer d'une part. les virages existentiels. et je ne vous indique pas comment me suivre. le bouddhiste méditant sur l'ignorance générique jusqu'à reconnaître son impuissance. moins on aura d'insights inconnus. l'hindou s'abandonnant sincèrement à l'image de sa divinité de prédilection. vite récupérés. Les traditions n'ont jamais cessé de s'emprunter des moyens. qui s'effacera si la cause en est cherchée. des percées imprévues — sous la pression de la survie évolutive. Mais il n'y a pas de vraie ou fausse méditation. toute pratique spirituelle sera vaine . avant que celui-ci ne soit caractérisé. Savoir pourquoi n'ajoute rien. qu'elle peut mettre à jour. moins elle donnera de fruits. en vérité. vers les associations libres d'images ou de concepts. en fait le seul préalable indispensable à toute recherche. On peut être professionnel du sacré. et qu'il ne porte pas l'habit ni le flambeau d'un christ ou d'un Bouddha. soufie ou transpersonnelle. Elle est un moyen par lequel le moi s'oublie lui-même. Le juif qui s'humilie devant Dieu. les événements les plus marquants. les résurgences mémorielles qui font apparaître les schémas qui président à l'image de soi. porter la robe. est un pur contresens. Si cette opération intérieure n'a pas lieu. et de vous relier d'autre part. ni faite pour entrer en résonance avec le tout en oubliant le moi. en les sous-estimant. Ce sera une osmose et non pas une réponse. pécheur. Je dois vous amener à découvrir le soi par vous-mêmes. La méditation est la méditation. Tout y est prévu pour l'apparence. faute d'une lignée ininterrompue d'éveillés. ou encore zen. s'il témoigne de sa seule expérience. Prudence avec les enseignements spirituels. Nous sommes un je cerné par l'univers. et paradoxalement. la personnalité et le corps. Cette fin de siècle voit le jour d'éveillés dispersés qui ne se réclament de rien d'autre que de leur aspiration. La méditation n'est pas faite pour le moi au détriment de sa participation au Tout. La plus haute incarnation se cache peut-être chez un mendiant de l'Inde. Une fois de plus. d'apparence insensée. Plus on la dirigera. et manquer la réalisation. . étiquetables. et qui signalent le chaos. le taoïste qui se considère comme un orphelin pour prendre acte que le principe lui manque. mises en avant chacune par les circonstances. d'informations irruptives. La cause se trouvera bien plus tard. il peut amener des résistances ou imposer au contraire une quiétude surgie de nulle part. et qui dénoncent souvent le miroitement sécurisant de la procédure qui consiste à suivre un enseignement réputé ou une figure charismatique. Toutes les formes de méditation sont possibles. Ne sacrifiez jamais un des deux pôles. Plus on la présentera comme une nécessité obéissant à des règles. C'est la mode de cette fin de cycle. appelée aujourd'hui prise de conscience de l'ego. Son premier effet est de faire prendre conscience que l'esprit.changeant de site — jusqu'à former des organismes hétérogènes dont la colonne vertébrale a disparu. ou seulement de petits résultats particuliers. Que l'on mette un cadre autour de la méditation est indispensable. L'exercice peut dériver vers l'introspection. fonde l'humilité vis-à-vis du Tout. Le moi se trouve multiple. le samsara nous tient. Par la suite apparaissent les ressacs mentaux. Cette mémoire-là est trompeuse. Toutes les méditations visent à démystifier la vitalité ou personnalité. nœuds d'associations d'idées répétitifs et inutiles. possèdent des juridictions relativement séparées. Par la respiration on peut faire monter l'énergie dans le mental pour le pacifier ou au contraire l'on fait descendre le souffle consciemment dans le corps pour renforcer la perception physique. Sucreries que tout cela. et l'on peut même en varier les formes. ils égarent de sa propre nature le moi. L'être n'y est plus vanté pour lui-même ni pour la conscience qu'il procure. et qui n'en sont plus très loin.Vouloir obtenir une image nette de la totalité. Aussi il s'avère aujourd'hui que les pédagogies de l'éveil qu'on attribue aux grands noms comme Patanjali. 8 Réflexion sur les déguisements du Soi. légitiment le soi en mélangeant les justifications. mais pour toutes les casseroles qu'il permet d'abandonner et que nous traînons comme un fil à la patte. ou encore de la justification de l'éveil. bien qu'à insister sur l'unité avec un tel acharnement le système révèle l'obsession de réduire à une seule image totalitaire l'expérience spirituelle. le cas échéant. ou parabrahman — viennent étayer une théorie avide de sa propre suprématie tout en établissant une querelle qui ne peut concerner vraiment qu'une douzaine d'individus par génération. mais plus l'empreinte est large et profonde. d'où l'extravagant paradoxe de subordonner le soi à ce qui l'empêche. Le bouddhisme originel est cohérent. L'éveil s'origine ailleurs. Sankara. c'est de sentir qu'il manque quelque chose d'essentiel — le sentiment de l'unité et de l'union. la construction d'une religion. dans l'incertitude solaire prête à dissoudre le moi fossilisé. est une ruse du mental pour ajourner l'appel. bien que la souffrance et le soi n'aient rien en commun sauf le fait de s'exclure mutuellement. à une échelle supérieure. mais le simple prétexte à dénoncer des illusions emboîtées les unes dans les autres. et des sortes d'incitations utilitaristes que je récuse. Les relations tissées entre le mystère de l'inappropriable et les raisons pour lesquelles il convient de se l'approprier sont admirablement conçues. La seule raison de chercher le soi. L'obscurité reconnue. On notera que le Tch'an. Nagarjuna et quelques autres grandes autorités. Aussi n'est-il pas stupide de voir parfois les maîtres spirituels comme d'aimables mystificateurs. le centre des directions. la formule fonctionne parfaitement bien. mettront l'accent sur l'obtention du satori en faisant passer au second plan l'institution de la souffrance-ignorance comme cause du processus d'éveil. ce qui leur donne un caractère compétitif pour viser une suprématie. puis le zen. L'advaïtisme. mais il sert de couteau pour trancher différents nœuds et couper les amarres. voient leurs derniers mouvements remis en question par la rivalité des maîtres. Gautama. Comme le soi est homogène et que ses possesseurs le sont également. Sans doute n'apparaissaient-elles pas du vivant du fondateur. Il devient presque le moyen de faire cesser le bruit de la mémoire. Tandis que ceux qui sont prêts à se hisser jusqu'au soi. qui dérange. jusqu'à dénigrer le libre usage du soi par l'éveillé. le moi contenant le tout et le tout contenant le moi. puisque à nouveau des doutes s'instaurent sur ce qu'est vraiment le soi et ce qu'il procure par la complexité et l'enchevêtrement savant de notions censées le dépeindre — et la querelle autoritaire des . ce qui pervertit l'attention spontanée. comme ceux dont ils dénoncent l'ignorance. il devient possible de s'en affranchir. dans le dénouement de l'enchevêtrement. ce qui caractérise le bouddhisme religieux et philosophique. On y trouve des aspects purs naturellement. la petite catégorie des maîtres attachés à leur réalisation. Toutes les considérations qui fondent sa recherche sur autre chose possèdent un caractère artificiel qui complique la démarche. exotérique. Il n'est plus le passage exhaustif. et qui vont devenir d'autant plus réelles qu'on s'acharne à les dépasser plutôt qu'à comprendre leur place. Des distinctions savantes pour différencier le soi du grand soi. La recherche du soi devient alors une sorte de convention imprescriptible tandis que s'établissent des moyens draconiens pour le conquérir. mais aussi des éléments en réaction à d'autres doctrines. Le soi n'est plus décrit comme la jouissance intégrale de la non-séparativité. est cohérent. pris au piège de se comporter. plus les altérations s'immiscent progressivement et permettent d'ailleurs. prêts à vendre un produit d'excellente qualité avec des arguments médiocres pour attirer les chalands. florilège de l'Inde. Bodhidharma. mais par une première rupture d'avec toutes les habitudes de pensée. inexorablement. Les critères d'évaluation manquent pour trier les amants de Dieu. mais des sentiments et des émotions à dépouiller jusqu'aux sensations elles-mêmes — sans oublier le bloc de la volonté constellé d'ambitions et de convoitises. La fuite de l'ignorance ne correspond pas à l'attraction de la connaissance. Voir l'Ordre au-dessus ne suffit pas à changer le chaos du bas. Le Soi continuera de capturer dans sa bienveillante sérénité tous les chercheurs. la jouissance soporative du moi. — verrue récurrente sur le visage spirituel de l'Inde. soit au mal de l'incarnation. Tout est difficile à celui qui fuit son ignorance sans être emporté corps et âme dans la consécration pure. les sages. Le chemin qui évite cherche par définition à contourner des obstacles. et que tous les événements ramènent à sa question. l'ivresse de dire je et de se croire à l'origine de ses pensées et désirs. Les maîtres hindous et bouddhistes forcent en général à la reconnaissance de la réalité non pas en vantant ses mérites propres et sa saveur. à son manque. . Être n'est pas une compensation. Les joutes compliquent la consécration du chercheur. tout en nimbant le soi d'une souveraineté divine. libère de la pensée et accepte avec égalité les promesses du bonheur ou les étapes difficiles. Ce sont deux voies différentes qui peuvent aboutir au même lieu. Mais ceux qui ne sentent pas qu'ils doivent guérir car ils aiment d'ores et déjà leur propre condition et s'accommodent de la vie présente peuvent seulement désirer le soi pour lui-même. Aussi faut-il toujours distinguer dans un cheminement ce qu'il évite et ce qu'il procure. du zen et du taoïsme. tous ceux qui ressentent qu'ils doivent guérir de l'ignorance ont une chance d'attirer le soi sans convoiter ce qu'il procure. mais elles diffèrent profondément. qui sont prêts à se dépouiller des scories du chaos. à l'absence. les avatars. la pure connaissance. par le simple processus de remise en question sans angles morts. d'à propos. et c'est la raison pour laquelle certains éveillés développent depuis des temps immémoriaux la maîtrise. soit au mal de l'ignorance psychologique. rupture qui s'accentue et dépouille de plus en plus en plus profondément la perspective du regard. Néanmoins. encore indistinct dans une sorte de thérapie individuelle créative. hommes ou femmes. du contingent bariolé des turbulences du temps et des événements vers le centre immobile qui absorbe tous les faits. Dans la voie du Tch'an. et que certains soient plus profonds que d'autres. procédé facile et fragmentaire. les prophètes. l'intensité dramatique du jeu vital. car il remonte la pente de la liberté.gourous. il n'est pas besoin de diaboliser le point de départ pour se mettre en route. mais en la présentant comme un remède — à vrai dire une panacée. propre à érotiser la quête en quantifiant l'inquantifiable. et cette classification ne serait d'aucun secours pour le chercheur ouvert: qu'il accepte seulement sa condition. qui appartient aujourd'hui aux plus belles floraisons du bouddhisme tibétain. pressentir le sentiment de non-séparitivité qu'il révélera et consacrera. Ce mouvement concerne non seulement des valeurs à abandonner. les maîtres aux prérogatives différentes. c'est-à-dire à transformer le moi contingent. Bien qu'il soit probable que la diversité entre les maîtres ne soit pas seulement d'ordre pédagogique. d'enthousiasme. puisque il est encore attiré par la pente de la liberté. Le soi ne s'obtient pas par le développement de vues justes. Tout est permis à celui qui brûle pour la seule quête. Le chercher pour en jouir est la voie royale et directe. sans parler du discrédit suspect qui s'instaure sur la pertinence même de l'incarnation et la finalité du monde phénoménal. et de ressentir. ils participent tous sans exception de la même réalité essentielle qu'ils exprimeront chacun avec plus ou moins d'habileté. et ces traditions font donc l'économie de tous ces présupposés qui péjorent la vie ordinaire tout en lui opposant le fantasme d'une vie spirituelle. Le chemin qui procure se dirige vers et cherche par définition à établir l'itinéraire. qui leur permet de montrer aux autres comment remonter du chaos vers l'Ordre. de désir. Chercher le soi pour éviter certaines choses promet un itinéraire sinueux. son potentiel. La proportion change entre l'investissement de l'ombre et l'ouverture exaltée à la lumière. et leurs doctrines diffèrent et parfois s'opposent. perdus dans le temps qui ne passe pas. La transparence suffit. en quelque sorte d'avant-garde. d'apprendre à développer le pôle le plus faible. que de se lancer à corps perdu dans le zen. Nul ne peut comprendre qui s'est aventuré plus loin que lui dans le mystère.serait d'aucun secours pour le chercheur ouvert: qu'il accepte seulement sa condition. La danse divine n'est pas monolithique. Certains inventent leurs règles. et sur leurs cendres ils bâtissent des œuvres inexpugnables et impénétrables. L'ensemble est parfaitement homogène. Le témoignage et ses moyens. Disséminés dans les traditions. et bafouerons l'essentiel. ou bien encore. Les deux sont nécessaires. Nul n'a jamais vécu dans les mêmes proportions le processus de «fermer les yeux» et celui «d'ouvrir les yeux». et pour l'éclaircissement des processus psychologiques ainsi que pour la compréhension intellectuelle synthétique qu'il pourvoie. son potentiel. ou lui faire dire des impressions convenues d'avance. Sri Aurobindo l'a admirablement exprimé dans cette formule: «la connaissance fut une aide. tout ce sur quoi nous nous arc-boutons pour continuer notre route s'avère un obstacle. et les fausses pistes foisonnent. apprécient et comprennent. Ce serait nier tout ce que l'on n'a pas vécu soi-même. Aussi est-il particulièrement impertinent de juger de la valeur des éveillés et des avatars. chaque être humain est plus doué soit pour se pencher sur luimême. Souvent d'apparence contradictoire. ni mesurer l'éveil de l'autre à l'aune de son propre pas. dans la confiance sans doute que Lin-Tsi mettait au-dessus de toute autre qualité spirituelle. d'autres enfin renient tous les systèmes et tous les enseignements. et Krishna une énigme pour Gautama. et lui prête des vertus différentes. de choses qui proviennent d'une manière d'ouvrir les yeux. d'autres font davantage confiance à la relation entre l'homme et le cosmos. aussi subtile soit-elle. avant d'avoir soi-même réalisé le silence intégral. d'une doctrine. Discrets ou rutilants. À un moment donné. les doctrines. nous voudrons en imposer le modèle selon nos critères. Chaque race en a fait un usage différent. Les hindous le convoitent pour le contact qu'il est censé fournir avec Dieu et le prestige qui en découle. pragmatiques. C'est la seule chance pour les japonais d'accéder à la notion d'individu. tout ce que nous savons. fondent et innovent. bref des instructeurs. simples ou travaillés. incomparables et incorruptibles. d'autres s'emparent d'un fonds commun et l'agrémentent de leurs propres considérations au risque de détruire l'homogénéité de leur héritage. à subordonner par trop de liens un des deux axes à l'autre. et qui tient lieu de référence du yin dans le Tao-tê-King. ce qui est un danger plus subtil. et qui me semble correspondre à la candeur enfantine louée par Sri Ramakrishna. La mentalité raciale tire l'événement dans sa propre pente. les canons et les corpus finissent par généraliser des vérités particulières. En général. pour permettre cette efflorescence toujours . une fois de plus. sa souffrance de ne pas avoir déjà rejoint les vainqueurs de l'obscurité. et ce livre met en garde contre la tendance à sacrifier un des deux pôles. Bouddha serait sans doute barbant pour Krishna. Aussi faut-il avouer. Les chinois. Car si nous ne nous habituons pas dès aujourd'hui à l'efflorescence de l'éveil. Les joyaux existent. et la tranquillité sociale. certains proposent des ascèses rigoureuses centrées sur le moi. examiner leurs hypothèses avec mépris et les critiquer intellectuellement empêche d'avoir des garde-fous suffisants et des points de repère réels — sans permettre pour autant une meilleure approche de l'obscurité psychologique. faussement légères. on ne peut assujettir les conceptions traditionnelles à sa propre expérience intérieure. et trop tenir compte de l'obédience choisie pour assumer le travail exploratoire finit par le brider. Inversement. au nom de la vérité. convoitent l'éveil pour la santé et la longévité. Il est faux qu'un mode d'emploi de l'intériorité et de l'exploration intime puisse être tiré avec une abondance de détails d'une représentation. au lieu de se réfugier dans l'autre. C'est par un processus naturel que fermer les yeux et ouvrir les yeux s'épaulent. elle devient un obstacle». Bien qu'il ne s'agisse pas de faire semblant d'avoir des expériences illuminatives. Les européens le courtisent pour son caractère évolutif. s'organisent sous différents cieux avec un déchet considérable partout. que peu découvrent. souverains. soit pour s'ouvrir au non-moi. Il est utile de trouver un passage entre les deux. Bijoux ciselés du Verbe. si celle-ci s'accroche encore. Les procédures aléatoires. au nom de l'amour et de la vérité. pour laquelle ils ne conservent que des lois éprouvées. Certains maîtres. qui est une implication du moi dans le comportement spirituel mais sans l'abandon au Tout. et se substitue à l'énoncé de la voie dès que la transmission orale se perd. et ils énoncent des points pour inventer une méthode. caractérise plus facilement les enseignements riches en exercices que les autres. les textes sont pauvres dans la prétention même à l'universalité. il doit prendre acte des catégories qui s'offrent à lui. ou autres ordres établis en nomenclatures qui rendent compte du champ multiple de l'esprit et des objets qu'il rencontre. en particulier dans le Tch'an et le zen. et comme en plus de ténèbres. la conscience. et. les éveillés qui y parviennent sont encore séparés par quelques particularismes qui les empêchent de s'entendre définitivement sur l'ultime conséquence du Processus. l'éveil n'apparaît pas comme une probabilité. et beaucoup de chercheurs se font passer pour des maîtres pour simplement inventer de nouvelles formes de travail intérieur. est une allégation incompréhensible qui confronte l'adepte à ses vains efforts de comprendre ce qui est par définition au-delà de toute signification. La division du réel apparaît toujours. quand il ne s'agit pas de manipulation pure et simple. Certains éveillés transmettent quelque chose d'ordre général. En effet. alors que seul compte leur contenu. l'immersion par le satori dans le non-né. comme la nature. . unique. à la seconde lecture. ceux qui sont adonnés à la connaissance». 9 Découverte de l'attention spontanée. du paternalisme. indépendantes de tout contexte. Le chercheur qui se transforme continue généralement de tenir compte de textes ou de rencontres décisives.plus riche. Il a toujours été facile de recruter des adeptes par la mise en place de procédures précises. et la pédagogie est alors pesante. qui se consacre au Tao se débarrasse et poursuit ainsi jusqu'au non-agir». l'Intelligence. le soi. et on y découvre souvent. Le koan destiné à montrer l'impuissance de l'esprit à saisir la vérité vivante du dharma de nature (l'esprit du soi). La fausse pratique. c'est-à-dire les exercices et les pratiques. Le ritualisme guette toute nouvelle doctrine spirituelle. qu'il s'agisse des constituants de l'homme ou des sources extérieures. L'étude de ces catégories demeure un excellent moyen de comprendre aussi bien ce qu'il convient de transformer que les points d'appui pour le faire. réduisent l'innovation comportementale à sa plus simple expression. pour pousser le disciple dans ses retranchements. Parfois. comme le dit l'Isha Upanishad: «En des ténèbres aveugles entrent ceux qui se vouent l'ignorance. Et le Tao-tê-King: «qui se consacre à l'étude de jour en jour accumule. libérer les associations d'idées perpétuées. Aussi est-il parfaitement archaïque de ne vanter que son propre itinéraire — une manière d'inférioriser l'autre. dans certains contextes culturels. bien que la libération du mental soit un processus universel. Quelques traces génétiques conditionnent encore la perception du Tao chez les êtres humains. et dans cette mesure. On peut parvenir au Soi en partant de n'importe où. c'est-à-dire les nouveaux insights qui viennent briser les habitudes du moi. abstraites. et confirmer l'abandon des perceptions convenues. sont présentées de telle manière qu'on leur attribuera une importance en elles-mêmes. Mais une approche seulement intellectuelle de ces catégories est pire que leur ignorance. mais comme une sorte de nécessité religieuse de luxe. libre sur une autre voie. que les éveillés se jugent les uns les autres d'une manière souvent maladroite — bien qu'ils jouent déjà tous dans l'Infini. où ils ne partagent pas les mêmes coins. et lui éviter d'avoir confiance dans les mises en scène des exercices. puisque il constitue le centre. finissent par pervertir — en tout cas abaisser. l'authenticité de l'éveil. tout ce qui peut alléger le poids de l'identité biologique et historique. et le transforme. Psychologie et thérapie. Beaucoup de mouvements destinés à faire recevoir de l'énergie à l'adepte facilement. et quelle que soit leur positivité. sur les mécanismes de perception. qui s'accommode du contingent. elles ne remplacent pas l'immersion dans le Soi. alors que les liens entre le moi et le corps deviennent élastiques. le soi. L'éveil révèle une identité non contingente. Si l'on cherche un point de vue radical et une voie radicale. Beaucoup de mouvements se réclament de la connaissance spirituelle pour proposer de nombreuses techniques. fort nombreux. avec un autre usage de la respiration. et simplement le supporter. où l'identité est soudain différente. n'est plus lié à l'énergie nerveuse ou vitale comme avant. mais ils ne constituent pas une pédagogie. est bienvenu dans l'ascèse. et qui laissent souvent par la suite les mêmes traces: le sujet aura tendance à surestimer l'apport du contact énergétique dans le domaine de l'éveil qui — en réalité.D'autres éveillés récusent la possibilité d'établir une vision du cheminement qui débouche dans le Soi. voire de contrats. On peut alors refuser de s'identifier à son corps. et presque indépendamment de ses qualités spirituelles. surtout parmi les modernes. Dans de nombreux cas. qui empêchent la plongée profonde du moi vers le Moi. qui proposent des chemins différents d'accès au Brahman. voire une sexualité différente. il n'y a pas lieu de se prêter à des expériences de ce genre. les procédures sont le signe d'une certaine dépendance. puis de confort. Le Soi continue d'être trouvé par ceux qui se consacrent profondément à la compréhension non fragmentaire de la réalité. Le travail sur la mémoire. mais s'agit-il bien de celle du Soi? La question est à se poser car une vulgarisation sans précédent a vu le jour depuis les années soixante en Occident. Une confusion dangereuse s'établit aujourd'hui dans la vulgarisation des recherches profondes sur la conscience — dont le débouché qui nous intéresse est la libération du mental. à moins d'être capable naturellement de recevoir de l'énergie (qui possède différents plans) dans les chakras. la maîtrise étant réservée à ceux et celles qui parviennent à l'éveil en suivant une voie traditionnelle. et de conventions précises. une alimentation différente. C'est le mystère de l'illumination. mais ne peut se confondre avec elle. ou au contraire essayer d'en faire un instrument plus conscient. qui peut se manifester sous n'importe quelle forme. En effet. Cette consécration se retrouve à chaque pas de tous les yogas. et même vitales parfois. Mais dans chacune . Certains maîtres aujourd'hui prétendent fournir une initiation au disciple. et la maîtrise de la transmission. La conscience non-duelle. la vibration de l'énergie transmise. qui visent à la transformation psychologique. qui donnent le goût du transcendant facile. sans amalgame. ne sont pas par elles-mêmes les prémices du Soi. et qui n'est donc ni favorisé ni défavorisé par les transmissions. les contacts énergétiques créent une sorte de dépendance. même conjuguées. Une règle veut que ceux qui sont parvenus par eux-mêmes au silence mental soient incapables de transmettre. Les hindous ont mieux que les autres développé ce thème avec l'opposition radicale de purusha (le témoin conscient) et de prakriti (la nature et ses mouvements). Aussi faut-il être capable de distinguer deux choses. de l'Inde. plus ou moins efficaces. Développer la réceptivité énergétique par des procédures n'est pas forcément une méthode qui rapproche du Soi. ne prévaudra plus dans l'avenir. s'adressent directement au cœur et aux sentiments. Les contacts énergétiques doivent être pris pour ce qu'ils sont. Leur portée et leur utilité thérapeutique s'inscrivent dans le temps. Cette règle que l'excellent Frithjof Shuon rappelle. Les témoignages de ces derniers sont plus vivants. Il n'y a pas d'incompatibilité entre les éveillés récalcitrants à montrer leur art et les maîtres dévoués à la transmission. ce qui entraîne des pratiques physiques. Les transmissions énergétiques passent par les chakras. Le soi n'est pas tributaire de la durée. le Soi. Multiplier les moyens de l'éveil est une illusion pragmatique. ne concerne que la conscience. et il est primordial d'éviter de confondre le travail psychologique et le travail thérapeutique (qui concernent tous deux des modifications contingentes) avec le conscient relié au présent pur — sans mémoire. libérée des contraires et du mouvement de la pensée. qui proposent de simples modifications de l'ego accompagnées de fresques sur la création et la finalité du monde. Tout est comme avant. ainsi qu'un modus vivendi complaisant. devient la matière première de la transformation. courtisé ou redouté. Quand les pensées s'arrêtent toutes seules définitivement. selon les maîtres du Tch'an. qui voudrait que l'homme fût fabriqué à l'image de Dieu. Rendre la respiration plus consciente est une procédure évoquée en Chine comme dans la plupart des enseignements spirituels. souhaits. entraînent la persistance du moi séparé du Tout. qui joint toutes les choses. par son corps. son age. sur laquelle insistent. voit alors le jour. de l'Inde. en partie semblable au Brahman (chapitre 11) et le renoncement aux valeurs de l'étude. Une bonne part de ce qui est nommé pompeusement méditation n'est rien d'autre que l'énoncé de l'attention spontanée. erreur et vérité se chevauchent. le cadre. la reconnaissance exhaustive du Tao. les anciens maîtres zen du Japon. C'est encore par elle que viennent à la surface les résidus mémoriels douloureux. et emporte l'adepte à découvrir de nouvelles perceptions. de la pensée. en fonction des désirs et des peurs. le cas échéant. une parole. presque géométriquement. mental. et la maturité profonde. L'œil du dharma. désirs. subtils. Cette bizarrerie de l'éveil. mais tout est réuni par un ciment invisible. D'où la déontologie de cerner les limites de l'approche mentale. c'est encore lui dans toutes les circonstances où la forme. Mais le Divin n'a pas de figure. alors que tout a changé. rendue obligatoire dans le corpus doctrinaire. Le combat continue donc aujourd'hui entre les purs représentants de l'école du soi et les partisans d'un raffinement mental. ce qui est parfaitement exact. son individualité . Même les objets les plus hétéroclites entre eux apparaissent appartenir à la même famille. Les principes subtils peuvent se découvrir dans la matière. pensées. aussi justifiées soient-elles. et ce ne sont donc plus les opposés qui déchirent le réel: ils le forment. l'héritage culturel et la pensée symbolique fonctionnant de concert pour nous . son sexe. c'est-à-dire à l'enchevêtrement. du prestige culturel et social. informel. Le grec Antisthène proclamait qu'on ne pouvait se faire d'images du Divin. proposée par les éveillés. mais ce mélange est vu et connu à partir d'une conscience unifiée — libérée des amalgames. et ce sont les seuls. Idées-forces) s'effectue dans une sorte d'automatisme incontrôlable auquel la consécration met un terme. L'amalgame des perceptions. mais peu gratifiant. Mais dans chacune des formules proposées. Apparence et réalité sont dans le même nid. que l'origine des pensées se découvre. l'esprit est alors celui du Bouddha. Il n'y a rien de spectaculaire dans le passage dans le Soi. C'est par elle que les désirs sont vus à leur source. Le connaisseur a émergé. Les contraires sont joints symétriquement. et qui ne cessent de vouloir ramener le présent dans le passé. nous offre des perspectives nouvelles. mais la réceptivité y est louée dans la méthode de l'éveil pour contrebalancer l'usage des procédures volontaires. que l'appétit prend une place par rapport au physique plutôt que par rapport aux désirs vitaux. Ce n'est plus le moi de la personne mentale qui s'identifiait à son nom et à son histoire.nombreux. — profondément tourné vers l'intérieur. puisque tout est comme avant. de dénoncer l'érudition. le milieu. à une réalité unificatrice qui ne saurait avoir lieu sans un nouveau regard. par elle encore que le temps. (sensations. et c'est un long travail de cesser de le personnifier. que le rôle du corps est compris. L'ignorance ne peut concevoir la connaissance. Le Tao-tê-King propose la même chose avec la modération des désirs. C'est par elle encore que la fuite de l'esprit dans ses constructions imaginaires est repérée. Par elle s'opèrent des prises de conscience irréversibles. le travail à effectuer est le même: passer de l'amalgame inconscient et homogène des différents corps. dont le retour est suscité par une image. et en tous point conforme à l'ésotérisme. plus profondes que les saisies intellectuelles. un lieu. Ce qui reste du moi après l'illumination n'est pas représentable. universelle et semblable dans toutes les cultures. vital. et cela nous confronte au nombre. son nom. qui proposent des chemins différents d'accès au Brahman. Aussi faut-il choisir un jour ou l'autre entre l'anthropomorphisme rassurant. Et cependant. «L'attention spontanée» est une prescription universelle. physique. de ne pas se prendre au piège des représentations — aussi belles fussent-elles. conforme à la haute vision indienne: «Le sage ne se considère pas comme l'auteur de l'œuvre». C'est ainsi que se forment les superstructures de l'ignorance. et de bien d'autres. Et depuis la Grèce classique. puisque l'éveil ne saurait parvenir jusqu'à l'individu refusant son intelligence au nom du cœur . ou ils n'en ont conservé que les joyaux. Le plan humain obstrue la plupart du temps l'arrière-plan du Tao. Elle est un simple symbole. sous prétexte qu'une direction finale a été établie. d'un Epicure. la vénération et la discrimination. ce qui veut dire en réalité que son action est le prolongement même du Tout. Analogie frappante avec les éveillés de l'Orient. Seule la durée est le matériau de l'expérience. Le Tao-tê-King dénonce fermement le prestige et les honneurs (avant que Jésus ne condamne la liturgie et le matérialisme). Les éveillés ont presque toujours abandonné l'identification à leur propre culture. c'est s'interdire d'aller plus loin de les mentaliser pour s'y référer outre mesure. de cosmogénèses précises. Il est présomptueux de conclure des nouvelles expériences conscientes quel sera leur prolongement. et non ceux qui vantent une religion. pouvoir politique. une morale — des choses qui passent. qui poussent à la confusion entre le cœur et l'esprit. Peu d'êtres humains souffrent des limites de la perception sémantique. et non pas l'expression d'une simple volonté personnelle. dans une forme particulière. À tout moment le mental peut essayer de récupérer le moi au nom de l'Intelligence. toutes les philosophies qui s'acoquinent avec la Cité ne défendent que des causes humaines ou finissent par se faire récupérer par la culture. mais ce sont ceuxlà qui traversent le mental. à l'exception sans doute du shaman qui atteint rarement le soi. Le statut d'éveilleur n'est pas reconnu socialement. l'humilité profonde devant le mystère de la vie et le cheminement de la conscience. représentations philosophiques. et comme Shakyamuni (Bouddha). Diogène et Socrate chantaient un homme désidentifié des dieux et des coutumes. d'un Parménide. puisque je vous proposerai par la suite une réflexion profonde sur les univers primordiaux (du moi au Tout) et les relations que vous entretenez vous-mêmes avec eux. et ignorant des glorifications où le moi cherche son apothéose par ses propres moyens. les religions. L'Histoire de notre propre civilisation a préféré conserver les inventions pompeuses d'un Platon ou les préjugés d'un Aristote maquillés par son esprit scientifique.permettre d'imaginer «le grand horloger» par exemple. La quête de l'éveil ne s'est jamais constituée dans la reconnaissance des valeurs humaines et sociales. en particulier chez les chercheurs qui éprouvent de l'exaltation à mettre en forme l'Ordre pressenti du monde. aussi l'a-t-on fait taire en Occident jusqu'à la tenir dans l'oubli. La vérité est une simple convention pour isoler les prises de conscience évolutives du reste. et c'est en réalité là que je voulais en venir. et peu des valeurs religieuses. son auteur énonce le détachement spirituel. et l'attitude circonspecte vis-à-vis de son propre moi. le moi est confiné à obéir plutôt . En revanche. de conceptions religieuses. L'éveillé trouve parfois une place naturelle en Inde. l'incarnation et le salut de l'âme. plutôt que l'exigence d'un Héraclite. ce qui mutile son approche unifiante par l'opposition du cœur et de la raison — non seulement factice mais éthiquement fausse. une politique. sciences. d'où naîtra un «renversement de conscience» quand l'autre naissance — la naissance non-biologique — est recherchée avec sincérité. les textes qui fondent le potentiel de la conscience. et illusoire de vouloir leur attribuer un rôle dans le milieu. indépendante de sa propre valeur. sous prétexte que le moi est déjà assez initié pour trouver la suite par lui-même. où que ce fût. La philosophie du soi ne s'est jamais accommodée des valeurs sociales. ou encore de projets personnels fermés. puisque de nombreux charlatans exploitent la tradition pour jouer un rôle gratifiant. l'ouverture à la découverte du Tout. Mais elle est bien présente. bien qu'il fonctionne avec des valeurs interdites au plus grand nombre. Les grecs qui préconisaient l'ataraxie (suspension des pensées) n'étaient ni des courtisans de la cité ni des mondains. plus aucune culture ne s'est vraiment intéressée au Réel sans l'inféoder à la religion ou à la science. Si l'on peut tirer quelques leçons des étapes spirituelles franchies. Les vrais mouvements de l'homme sont l'aspiration de l'âme. Dès que ces mouvements réels deviennent les esclaves de vérités extérieures. qu'il aurait pu connaître. ou réciproquement. et défiant de sa vierge suprématie le passé révolu et irréversible. âme. Cette si belle réalisation du Soi est trop peu trouvée. Il est contraint de suivre des stratégies précises en sacrifiant son ressenti véritable vis-à-vis de la vie. mais cette perspective ne facilite pas. Le soi ne . et l'ignorance se perpétue ainsi au nom du changement obligatoire. Beaucoup de personnes qui se croient des maîtres n'ont pas intégré les vérités spirituelles qui les animent. et de souhaiter ardemment fonder le statut spirituel de l'incarnation. de lui-même. À toutes les échelles. moi. Seuls les insights qui en découlent ont de la valeur. et elles ne servent alors de rien. le moi est confiné à obéir plutôt qu'à s'adapter. comme le stipule à plusieurs reprises le Tao-tê-King. Des prises de conscience s'effectuent alors. ils deviennent dangereux. de résultats à ne pas manquer. la détermination. tout en investissant sans arrêt et sans verrouillage les mouvements émotionnels. moi vital. Tout cela encombre le ressenti du présent d'une idée préconçue de ce qu'il devrait être. La question du qui suis-je. et de l'énigme de l'avenir — béant vers l'inconnu par son indétermination même. la fermeté.cosmogénèses précises. et certains s'en détournent pour en avoir eu une image fausse ou partielle. de triomphes de la vérité. L'éveil est une prison quand il devient un but. Dans la suspension même du mouvement dirigé se trouve le contact qui offre le moins de résistance au Soi immobile. les buts encerclent le présent. et ils montrent en général des mécanismes jusque-là inconscients. que Ramana Maharsi présentait comme la porte de l'éveil. le réduisent. comme ils favorisent de meilleures relations entre les fondations de l'être. c'est l'ascèse elle-même qui les ravive et fait parfois régresser dans les compulsions. mais le havre immense où il convient de parvenir pour être réellement libre. à condition de ne pas s'attacher à ce qu'il procure. des désirs trop arrêtés. sinon le moi plafonne et s'emprisonne. le présent. Si elles servent à masquer le matériau pur. des peurs. utiliser le Soi comme réceptacle de la puissance supramentale. Les insights permettent de transformer l'image de soi. ses ambitions. Tout ce que vit le moi dans l'instant révèle sa véritable aspiration spirituelle. ne peut se poser correctement que si le moi vient d'abandonner le projet de se prolonger à travers ses buts. Mais l'expérience doit prévaloir sur le fruit. ses croyances. moi physique. des attachements divers. Les outils de l'éveil sont très nombreux et efficaces dans leur fraîcheur. avec des termes inappropriés. Il semble qu'en dehors de cas exceptionnels qui en sont dispensés. Bien que le Soi soit en rupture avec tout l'univers qui le précède. et si les émotions se transforment au cours de l'ascèse. Les représentations piègent l'avenir dans des nécessités finales. d'erreurs à éviter. la lune. 10 Méditation sur l'esprit du débutant. ou encore de projets personnels fermés. le contact avec un éveillé soit toujours utile au chercheur. en fait. La plus grande réserve est de mise sur l'énoncé des finalités. accompagnent la mise en forme mentale : le soleil. la question — bien que cela légitime le statut même du maître spirituel. pour montrer par là même le décalage entre l'aspiration solaire et le vécu événementiel — en vue d'une intégration future. toutes ces images de buts à atteindre. le manipulent. mental. terrible paradoxe qui fonde le zen authentique. Cette liberté continuera d'évoluer dans les directions propres au chercheur. ou encore qui ne leur correspond pas. le dénaturent. les finalités sont des pièges. On ne peut reproduire une formule qui a réussi dans le passé. qui peut. Rester vulnérable donne la sensibilité adéquate pour renoncer aux stratégies périmées et aux innovations factices. la structuration. en choisissant un enfermement sur mesure. sa perception n'est pas l'ultime réalité. la réceptivité. et de la dépouiller. Une fois maîtrisés. car elle est souvent décrite d'une manière qui conserve les archaïsmes de la tradition qui l'évoque. depuis le passage de Sri Aurobindo (1872/1950). L'émotion. l'unité. transposés dans un contexte qui permettra de se sentir pris en charge par un groupe. ou encore naïfs et superficiels qui s'approprient sans vergogne des outils transformateurs pour les expérimenter au petit bonheur la chance. L'approche intellectuelle n'est libératrice que si le sens des notions utilisées est vérifié expérimentalement. et c'est rarement le cas. souvent représenté par des concepts qui ne résistent pas à la traduction. de la naïveté ou de l'orgueil. La corruption sémantique des termes spécialisés dans la représentation des états transcendants a toujours été grande. mais tel n'est pas le cas. le taoïsme. ou le contraire du plein. La carte n'est pas séparée du territoire dans le meilleur sanskrit qui évoque la sagesse. et surtout pas sur des présupposés qui rassurent. ni même dans la transmission zen. La croyance que le message du christ abolit la nécessité de cette réalisation relève naturellement de l'arrogance propre aux empereurs romains récupérant l'Église. Les paradoxes sont nombreux et égarent même le spécialiste. mais ils sont des passages nécessaires. une philosophie — l'inverse de la vraie procédure préconisée par Shakyamuni et Lao-tseu. peut-être posséderions-nous une tradition occidentale du Soi. et en obstrue en quelque sorte l'accès aux gens simples et sincères. Il vaut mieux se passer de jargon. empiriques. en réalité archaïque. et dépendante du dharma. la . puisque ils renvoient en fin de compte à des états de conscience dans la plupart des cas. malgré la beauté du sanskrit ou des racines-mères propres aux traditions de l'éveil. endorment. L'importation de termes sacrés réussit seulement à mystifier le problème. attitudes courantes à l'époque actuelle. la discrimination. Voilà pourquoi je mets en garde contre la pensée symbolique. la contemplation unifiante. Le contact avec les maîtres favorisait autrefois la compréhension des termes transcendantaux. qu'ils sont les seuls à pouvoir utiliser correctement. et de l'ancienne difficulté judéo-chrétienne à s'affranchir des dogmes et des images divines écrasantes. telle une extravagance inutile. Une bonne part du discrédit qui pèse sur la spiritualité. le bouddhisme. qui ne s'appuient sur rien pour avancer. Il en est de même pour les notions de l'hindouisme. Le terme Tao est réduit à la notion d'un simple équilibre naturel dans tous les mouvements chinois qui refusent l'illumination. la compassion. troublée et pétrie d'avenirs fantasmés. Évoquer le Soi comme étant le Vide parle à tous ceux qui connaissent la tradition bouddhiste et ne confondent plus ce vide avec le simple néant. ni laudative ni péjorative. ce terme ne renvoyant jamais à aucun contexte métaphysique pour lui. catastrophiques ou divins. puis les maîtres tch'an ou zen. Le mental adore récupérer ce qui peut le terrasser. Ces mouvements sont difficiles à comprendre. Personne n'envisage «le Bouddha» sous le même angle dans les écoles bouddhistes. Si l'héritage de la Grèce et de l'Hellénisme chrétien n'avait pas été enseveli si longtemps — ou trié comme il le fut. dont les paroles maîtresses sont interprétées à faux. ou à des insights probables. une école. Mais c'est une approche impossible pour l'homme moderne. ou encore l'hindouisme élastique. thème que l'on trouve chez les lettrés et les confucéens à toutes les époques. ce qui contraint le chercheur moderne à se familiariser. sclérosent.s'approche pas plus facilement par le zen. et plus rarement encore transmise. Ces termes «métaphysiques» ne sont pas si abstraits. le Tch'an. de véritables prises de conscience sur les obstacles intérieurs et l'aspiration à en venir à bout. provient du mésusage des concepts traditionnels par des êtres avides de pouvoir. qui cherche dans les représentations le sentiment de sécurité maternel et le sentiment d'autorité paternel. Cette corruption est largement responsable de l'inefficacité des enseignements traditionnels. puisque l'approche du soi en Occident est très peu mentionnée. et divers sens peuvent caractériser les mêmes signifiants. difficilement il est vrai. Jouer avec ces termes sans être soimême réalisé relève de l'obscénité. avec les arts orientaux dédiés au Tao. que mal les utiliser. L'attachement à l'action de l'Occident l'empêche de comprendre la signification du karma. et finalisent l'ici et maintenant vers un salut quelconque. du chauvinisme européen. de la même manière que la théorie de la réincarnation revêt des significations fort éloignées les unes des autres selon les traditions. Les mots sont à tout le monde. où elle s'emboîte à toutes fins utiles. et il est facile de se les approprier. L'appropriation intellectuelle des concepts doctrinaires est le plus souvent illusoire — voire dangereuse. Cette réalisation du soi est peu mentionnée dans le christianisme. Les autres sont à l'origine de constructions factices de démarches et de jugements. Les maîtres vérifient en quelque sorte la qualité de l'attention spontanée. condamner. sensible. ses détours. et même s'ils peuvent enjoindre certains comportements ou établir certaines règles. que les éveillés expérimentent naturellement. et qui viennent donner au moi — après la conscience du satori. aboutit à l'échec. Il existe bien un sentiment. C'est par ce genre de déviation que l'on finit par croire que la vie spirituelle est un apprentissage de qualités. ne cherchent pas à forcer la main de ceux qui se considèrent comme leurs disciples. c'est ainsi qu'agissent les meilleurs pédagogues. et se manifester. où tout doit être en premier lieu accepté. pour se rassurer sans doute. Il s'ensuit la nécessité de rabacher à l'âme européenne que sa détermination. dont on sait qu'elle est mauvaise (séparatrice). Pour situer la question dans ses rapports avec la culture de notre époque. profond. la compassion. C'est la démarche trop positive de l'Occident. Il faut reconnaître la valeur spirituelle de l'Orient pour s'approcher du Soi sans en faire une sorte de nouveau défi occidental. Des qualités féminines sont indispensables dans cette quête. des états d'âme. qui révèle spontanément le poids de l'ignorance en l'homme et comment cela est responsable de la misère matérielle et spirituelle. propre à diaboliser. détachés du fruit de leurs œuvres. ne sont pas des outils adaptés à la quête de l'Incréé. Ce sera donc le pire. alors qu'elle consiste au contraire à rejeter toute complaisance vis-à-vis de soi-même. contrairement à une opinion répandue qui les discrédite. L'Orient fait l'inverse. et de vaincre sans plan ni stratégie. Ce sera le meilleur de la pensée. ou de la confondre avec une quelconque vertu. sa volonté. puisque il ne se pliera jamais aux stratégies humaines pour se rendre. Escamoter l'ignorance fondamentale sous prétexte qu'on est destiné à s'en affranchir. Les notions dont le ressenti est spontané. Mais la chose est spontanée. Le chinois ne se sent pas humilié devant les difficultés. — dans une sorte de voluptueuse volonté de conquête de la vérité. et même «tenue à l'écart». Ce sont en réalité des visions sans contours. et sans avoir à mentaliser ni l'échec ni la réussite. sont suffisantes. ses faiblesses. Le maître vérifiait si la pratique était conforme aux principes. soit pour remettre sa vie au Divin. l'unité. montrait les mouvements justes. L'hindou se sous-estime soit pour ne rien entreprendre. provenant de civilisations au temps cyclique et circulaire qui pouvaient passer pour archaïques — par leur rejet de l'Histoire et du progrès. Aussi les éveillés. et ils en fondent ainsi la pérennité plutôt que la transmission. après les avoir expérimentées eux-mêmes. son invention. Aussi a-t-il été difficile d'importer à l'Ouest la vision de la réalisation du Soi. Ces deux mentalités qui ont le plus vécu avec le soi depuis des milliers d'années ne possèdent pas l'a priori positif sur l'action (nouvelle) qui caractérise la mentalité blanche depuis quatre bons siècles. plutôt qu'avancer pas à pas — mais d'un mouvement ferme.évoque la sagesse. En tout cas. alors qu'il apparaît que les soufis et les juifs en possèdent certains témoignages et prescriptions. Beaucoup de chercheurs s'embarrassent de choses qu'ils n'ont pas comprises. un meilleur constellé de dualité. interdire. Se forcer à la compassion est une absurdité. dilate le cœur tandis que l'esprit reste détaché. il faut attendre René Guénon pour trouver une vision simple et profonde du statut . et encourageait les chercheurs. rectifiait les erreurs. «Devenir meilleur» n'a jamais fait cesser la pensée. complaisance facilement entretenue par le projet de devenir meilleur. Ce sera le meilleur du point de vue de la conscience ordinaire. Les vrais maîtres vérifient que leur transmission ne reste pas dans le mental de ceux qui les écoutent. et qui ne s'acharnent pas aux résultats de leurs disciples. après l'éveil. qui sous-estime l'adversaire pour avoir davantage confiance en l'issue du combat. et non leur obéissance. et seulement ensuite. Les maîtres reconnaissent en général. Inutile de faire semblant de vivre cette expérience avant le satori. la résorption etc. Il tirera une telle satisfaction de chaque petit progrès que chaque pas lui permettra d'aller plus loin. avec les seules vérités qu'ils ont expérimentées. quelques profondes variantes dans le sentiment d'union avec le Tao. ils exigent le libre consentement des chercheurs vis-à-vis de leurs propositions. la contemplation unifiante. les caractéristiques des états non-mentaux dans des textes antérieurs. la discrimination. rejeté ou conservé. et ce qui peut encore la déjouer. Le «suivi» permet un entretien des préoccupations intérieures ponctué de l'arbitrage virtuel du maître. Établir un système. sont dévalorisés. nul maître n'indiquera la même proportion à respecter entre le processus de «fermer les yeux» et son inverse complémentaire. Il n'est pas exclu que certains puissent évoluer en restant presque toujours les yeux ouverts. Un système se ferme quand il atteint la perfection. révéler ce que l'on ne voulait pas voir et en être affecté. ou leur faisant oublier l'ascèse. sous peine de la création d'un ego spirituel — le personnage du chercheur. où le monde. finissent toujours par proposer une vision spirituelle tronquée. de toute situation. jouit de toute histoire. il est inutile de compter — quand l'appel du soi se fait sentir — sur des révélations extérieures. D'autres sont obligés de revenir à euxmêmes en permanence. Il a par la suite défendu cette réalisation en ne cessant de mentionner qu'elle était d'ordre purement spirituel. Il est impossible de le passer sous silence sans se moquer par là-même de l'introduction. L'occultisme. Cet équilibre est intime. Les voies qui préconisent la supériorité des «yeux fermés». tous les instants. L'esprit naturel se maintient dans les pratiques. sont remplis de la même richesse indéterminée. c'est retomber dans l'erreur qu'on quitte. rapide. contestables ou profondément ressenties. De la même façon qu'il est dangereux de confondre le travail psychologique et le travail thérapeutique avec l'ouverture spirituelle exhaustive. constitue une tricherie. comme l'éveillé se trompe de rôle quand il proclame au nom de sa propre voie que les autres voies sont plus contestables. comme une courbe parfaite finit par faire un cercle en se développant si elle conserve les mêmes proportions. de la même immensité. un sillon. la médiumnité. ou leur posant des problèmes d'interprétation. Le désordre . l'incarnation. Nul n'a jamais pu dire par conséquent quelles places réelles occupent le référentiel canonique et les exercices par rapport à l'aspiration du futur éveillé. et vantent donc l'intériorisation comme panacée. Préconcevoir ce qu'apportent les choses. On ne sait quels textes sacrés précédaient Lao-Tseu en Chine en dehors du Yi-King pragmatique. ni les patriarches Tch'an ou zen n'ont interdit les pratiques méditatives. qui demande un lâcher-prise intégral et un abandon de toutes les valeurs habituelles. Il n'y a que par des retours à l'ouverture vers le non-moi (garder les yeux ouverts) que le centre émotionnel peut se purifier. de la même saveur incorporelle. Tao-Sin. Une méditation peut en quelque sorte mal tourner. Tout s'interpénètre. De la même manière. L'illusion de déterminer la voie de l'éveil est dénoncée: «il suffit de caractériser ce qui mène au but. qui nécessite des moyens simples et sans fioritures. sans fascination ni convoitise. programmer la valeur des événements avant de les vivre. Tels Bodhidharma. Cette assertion se retrouvera tout au long du Tch'an. sont absolument inutiles dans la quête du soi.de l'Éveil. et cependant ni l'auteur du Tao-tê-King. une ornière. mais les maîtres bouddhistes de l'Éveil se fondaient sur quelques sutras. dans notre monde spirituel. claire. et qu'elle ne nécessitait donc aucune reconnaissance de principe des «hiérarchies spirituelles» censées guider l'humanité à partir des plans célestes. tout comme une inspiration subite peut avoir lieu dans un cadre et à un moment inattendus. Toutes les informations sont utiles ou inutiles. «L'esprit du débutant» est chanté par les maîtres zen qui savent à quel point le zazen est dangereux s'il devient une habitude. Lin-Tsi (Rinzaï). «ouvrir les yeux». c'est à nouveau découper le temps en morceaux préconçus: les moments riches et les autres. si leur intériorisation est parfaite. et c'est à chaque chercheur de le déterminer. de véritables éléments traditionnels orientaux. Les attributs du soi qui sont le plus difficile à comprendre à l'Ouest ont été abordés par Guénon qui a fondé le terme générique de conscience impersonnelle pour évoquer le Moi libéré de la pensée. Ce thème est abordé dans le Hua-Hu-Ching attribué à Lao-Tseu. Le possesseur du soi assure que tous les événements. livre de transmission orale perdu en grande partie. des dualités. le contact avec le non-moi les dispersant outre mesure. la vie. mais il est difficile de hiérarchiser tout ce que nous écoutons. pour que cela même devienne un obstacle». et jouissant de lui-même. L'idée même d'un savoir-faire qui peut se parachever ne correspond pas au mouvement ininterrompu des univers en inter-relations. Le philosophe devient mauvais quand il maîtrise sa «vision du monde». le recours aux messages de maîtres désincarnés. L'identité impersonnelle. formulée différemment par les maîtres qui auront uni le message de Shakyamuni à l'âme de la Chine. chère aux Vedanta. et l'a même dénaturé. La maîtrise est en réalité un accord naturel entre le moi et le non-moi qui ne nécessite que peu de lutte. plutôt qu'en tant que sujet actif et volitif. évoquent quelque chose qui résiste à la peinture que l'on en brosse. revient à originer en soi-même tous les mouvements qui nous font conjuguer le je. est la première résultante à proprement parler consciente des forces qui s'amalgament en nous et mélangent les juridictions des sens et des pensées. comme s'il s'agissait là de la mémoire même de l'Infini et de l'Absolu à conserver sans y toucher. puisque elles obscurcissent souvent le mystère déjà épais en laissant entendre qu'une démarche le perce alors qu'il s'agit d'œuvrer pour se sentir entouré par le Tout. Ils sont peu connus. qui déracine les fausses racines — tant ils restaient attachés à leurs collections merveilleuses de dieux. le sentiment absolu que chantent les mystiques.proclame au nom de sa propre voie que les autres voies sont plus contestables. de chemins. fait l'expérience. possessive et entreprenante. Dans cette perspective. stratagèmes qui se développent naturellement dans les monastères pour meubler le calendrier des moines. Le discours de Shakyamuni présenté comme une révélation n'a rien ajouté à son enseignement. En réalité. le rôle des révélations est faible. Ce point est à préciser. c'est-à-dire homogènes et propres à donner le change. aux intentions spirituelles faibles. aux imitations appliquées. car le terme de maîtrise est mal compris par l'âme de la race blanche. Le désordre complète l'ordre. La dualité s'est effondrée. L'amour du christ n'a pas été vécu à grande échelle pour ne pas avoir été trouvé au-delà des sentiments — une des couches difficiles à traverser pour découvrir le sentiment sans objet. d'une certaine manière. selon l'expression du Tao-tê-King. ou bien une vérité terrifiante qui ne s'explique . Aussi faut-il supporter toutes ces approches innombrables du soi. de cette réalisation. Une conscience parfaite est une conscience morte. conforme et proportionnelle à l'aspiration de l'éveil encore inconnu. ce qui est l'indication claire du statut puissant — véritablement souverain. Les brahmanes de l'Inde se sont endormis dans leur confort d'avoir réponse à tout et ont fini par confondre les règlements religieux et la pratique spirituelle. le moi. Certains textes hindous mentionnent que «les dieux eux-mêmes» doivent se libérer du mental pour jouir du Brahman. La démarche soi-disant révélée est une image. appelle «maintenir l'unité sans dévier» vient à nouveau juguler la tendance à employer des «stratagèmes» pour obtenir l'éveil. Ils voulaient fonder la verticalité de l'homme. Quelques occidentaux de notre époque ont voyagé. mais un bout seulement de sa surface. Les derniers «dieux» ou instructeurs prétendus tels ont été récupérés par la culture. on aura retenu qu'ils ont fait du ciel un drapeau pour justifier la fuite de la Terre. Le Soi. les pensées. et les Idées. constellé de la gourmandise du futur et de l'acharnement à le modeler. le JE SUIS. car l'intention même de contrôler n'est plus de mise. tel un processus intérieur ferme et non pas une contrainte à suivre les disciplines. Si l'énoncé que l'homme est toute souffrance. L'échec de la spiritualité vient des amalgames que l'esprit pétrit entre les sensations. donne au chercheur une prise de conscience brutale — un bouleversement et un point de départ —. et attachée au passage du temps. cette résultante libératrice n'exerce aucun contrôle sur la pensée. Une vigilance s'instaure néanmoins. comme tout ensemble homogène passe par des phases hétérogènes qui le préservent quand il est menacé (pathologies). les sentiments. La résistance des grands maîtres (Patriarches) du bouddhisme chinois et japonais aux techniques censées mener à l'éveil a permis au bouddhisme de survivre sous une forme ésotérique. de dogmes. les émotions. L'achèvement et la perfection sont impossibles. volontaire. Ce procédé que le patriarche Tao Sin. qui partant de n'importe quelle direction. «Démêler l'inextricable». alors que l'ensemble de son mouvement religieux ressemble à s'y méprendre à de la simple psychologie rituelle. toute ignorance. dont les symboles et l'approche ne révèlent pas la morphologie. et qui résistent aux méditations mécaniques. en transformant le sage vainqueur des apparences en divinité (Bouddha). quand le moi se reconnaît comme témoin de toutes ses perceptions. et sont revenus transmettre ce mystère. Amalgames diversement ordonnés. en revanche cet énoncé n'est qu'une définition sans grande portée. Cette image de souveraineté sied magnifiquement à l'expérience. un a priori. successeur des trois premiers fondateurs du Tch'an. particulière. c'est principalement citer ce qui l'empêche de se manifester. parfois sociales. 11 Réflexion sur les limites des enseignements spirituels. car aucune voie n'existe. sa tribu en terme de sociologie. le corps lui-même doit éviter les excès sensuels. S'il n'y avait pas quelques conditions à remplir. détaché. Certains éveillés refusent d'être des maîtres pour ne pas devenir des personnages adulés. L'éveil ne s'abattra jamais sur une personne qui exige que quoi que ce soit lui soit conforme. sans limites. ou encore s'en lasser. Tandis que chaque individu défend sa propre liberté avec une âpreté indéfectible. et néanmoins ils irradient tous quelque chose. assassinée. Les exemples ne peuvent pas être suivis. des pères. les éveillés seraient moins rares. la volonté pure de convoitises. transparent. L'appropriation de l'autre constitue le schéma dominant du mental. non point que ceux qui les incarnent surveillent nos itinéraires ou les balisent. Témoigner du soi. Alors l'impersonnel se manifeste. bref. L'éveillé qui prétend vous montrer le chemin propose ses services. et celui qui ne veut rien vous révéler. pour quiconque se contente de ses jours et ne pressent pas la nécessité de transformer sa perception. Car les voiles doivent se déchirer. Mais seul l'éveil départage le pur et l'impur. mais les moyens sont à double-tranchant. Tout autant. mais simplement parce qu'ils pérennisent nos propres interrogations et fournissent des réponses à nos questions. nul n'accepte vraiment la liberté de l'autre quand cela contrarie ses plans. Révéler la genèse obscure fournit au chercheur un mobile pour atteindre la lumière. les enfants devant devenir conformes aux parents. cet échange. Ce besoin de rendre l'autre conforme à soi. en réalité. et les maîtres n'insisteraient pas sur les contraintes. des bouées de sauvetage. Mais le témoignage doit persister pour éclaircir les rumeurs. et finalement sur son «utilité». ce qu'il permet d'obtenir.pas. ne s'occuper de personne. Mais celui qui vous montre le chemin peut parfois beaucoup moins que ce que vous imaginez. doit être démolie. que jaillissent les intuitions profondes. car nul ne doit parcourir le même chemin que l'autre. sa religion. fort nombreuses. Un enchevêtrement de malentendus constants tisse les relations. une aide. dissoute. S'il faut élaguer sans arrêt pour y parvenir. C'est probable qu'ils aient tous abandonné une somme incalculable de représentations des choses et d'eux-mêmes — sans pour autant renoncer à comprendre et à aimer. et elle doit donc se libérer des schémas de conformité hérités qui l'inféodent à sa culture. et n'en déplaise à certains. car l'intention est en réalité le véritable contexte. pour prévenir les fausses pistes. pourrait en réalité faire beaucoup pour vous. L'esprit doit être pur de projections. Ils dépendent encore de l'esprit troublé par les traces de la genèse charnelle et participent déjà à la clarté et pureté appelées. ne veut. les éveillés possèdent en commun certaines qualités. de croire que l'univers . Celui qui assure qu'il ne peut rien faire pour vous. Et c'est dans cette confrontation. complice de toutes choses. la subjectivité. Les modèles de doctrines sont générales et se plient mal aux cas particuliers à moins qu'elles ne soient totalement pures et universelles. Aussi faut-il toujours comprendre dans quelle intention une chose est dite. de la volonté. dans tous ses caractères compulsifs (non créatifs donc). perpétué dans le couple et la génération. elle combat ses propres exigences produites par la souche personnalisée. l'autorité archaïque prévalant encore dans toutes les formes de relations familiales. Les vraies pistes sont en vous. sur ce qu'est l'éveil. où qu'on la trouve d'ailleurs. Les maîtres qui voient les choses comme moi ne peuvent s'empêcher de sourire des éveillés qui s'acharnent à baliser un chemin qui favorisera malheureusement des projections supérieures sur la vérité. ce n'est pas le fruit du hasard. Puisque il réunit. à la réalité non-mentale du Soi. La religion propose des achats psychologiques. et qu'on peut l'appâter comme un poisson à la pêche — en perfectionnant ses leurres. des fausses images de soi-même. Ces grandes choses. soit par rapport au Tout. ni dans celle qui le décrit comme une simple adhésion nouvelle au ressenti extérieur (cosmique). Là est la force du système zen. et ceux qui le recherchent croient qu'ils vont tomber bientôt dessus. nous inventons Dieu selon nos caprices. et n'encourage aucune représentation de l'éveil: toute imagerie mentale de cette chose pourrait en détourner.est tel que l'on se l'imagine. Le Divin au-delà des dharma ne peut être conceptualisé. Héraclite. Diogène. parfois. ni à l'ordre de l'univers. mais en reviennent toujours à la possibilité de l'expérience de l'Éveil. dans un dépouillement. Ceux qui voudraient bien que «Dieu» existe sont croyants. embrasser la réhabilitation de l'homme bras grands ouverts — ce qui demande une . Dieu. Mais ses faiblesses sont aussi nombreuses. ou l'annulons selon nos fantaisies. une fois tranchés les liens de la pensée. des investissements sécuritaires. Cela correspond à toute la transmission spirituelle du soi. de la vie. Tout ce que l'on peut vous dire d'une personne ne remplacera jamais la rencontre. puisque ils les avaient traversées. Le même principe s'applique à l'éveil. sous prétexte de la qualifier ou de la localiser. ce qu'il donne au moi après lui avoir tout dérobé. Nous voulons voir les choses de la manière qui nous arrange. Plus le «Dieu» tout juste deviné devient une chimère personnelle. ni à la richesse de l'homme. deux stratégies incomplètes. On ne peut pas distinguer ce que le soi apporte au moi de ce qu'il procure dans la nouvelle perception du Tout. ne sont en réalité que des hypothèses tant qu'on n'y a pas goûté. comme le fait d'avoir la carte de visite de quelqu'un ne suppose pas qu'on le connaisse déjà. Si la tradition chinoise a choisi comme premier paragraphe du Tao-tê-King «Tao nommé n'est pas Tao pérenne». et leur donner une consistance est une stratégie que j'oserais qualifier de totalement idiote. et la Gîta invite donc les hindous à abandonner les images de Dieu. c'est pour cela que je le recommande aux mystiques purs. Ce sont là deux mensonges. ce qui est faux. pour en avoir seulement supposé l'existence. Le Tch'an et le zen ne s'attardent pas à évoquer la nature du non-né. sans que jamais nous n'osions poser le problème de son existence indépendamment de ce qu'Il représente pour nous. Ne vous enfermez ni dans une recherche qui présente le soi comme un simple gain personnel. qui ne correspond ni à la vie elle-même. puisque cette démarche interdit aux croyances subtiles d'exister. et naturellement. plus ce fantôme détermine faussement le soi et laisse croire que l'on en connaît déjà la morphologie. de l'autre. l'illumination. constitue la souche la plus obscure de notre perception. Il a rendu homogène le moi et ce qu'il ressent du monde. et l'on peut s'engager dans une vision fausse. si l'on aime se livrer à des extases évolutives. et ceux qu'il n'intéresse pas sont prêts à jurer qu'il est impossible. Plus l'éveil entr'aperçu se pare de formes. C'est sur ce point que je rends hommage au zen (qui est par ailleurs une voie que je critique sans tarir). Je ne suis pas le seul. et ce qu'il permet comme perception immédiate de la réalité extérieure. ceux que cela arrange qu'Il n'existe pas sont incroyants. qui laisserait le moi tel quel ou presque et miraculeusement abouché au Tout. Dans une économie parfois avare. L'intérieur et l'extérieur ont changé leurs inter-relations. C'est la pensée qui cherche à donner un nom. Tout nom qui lui sera donné ne peut en représenter qu'une infime partie. c'est pour cela que je le recommande à tous ceux qui souffrent de n'être que ce qu'ils sont. mais en réalité le Divin ne demande ni à être vénéré ni même à être connu. ce que le terme de libération peut laisser entendre. qui ne pourra plus se substituer à cette image intérieure qui grandit — conforme tout simplement à l'imagination du sujet liée à sa volonté. Socrate rejetaient les représentations cosmiques. plus il cache le Divin. Il faut en revenir à cette base puisque des enseignements le présentent soit par rapport au moi. ne compter sur rien. c'est une réalité qui doit toujours se considérer de deux points de vue différents. Et je ne sache que le soi qui libère des fausses idées de Dieu. qui proviennent soit de l'expérience limitée des maîtres. il n'y a pas de réel consensus dans le zen doctrinaire.évolutives. Pour le moment. Aussi faut-il en revenir aux besoins de chacun. ou l'Hésychiasme. car cette étude relèverait davantage d'une anthropologie sacrée que d'une incitation à revenir au Soi. comme le zazen est celui du zen. Dès que quelque chose devient la panacée. que la goutte a rejoint l'océan. embrasser la réhabilitation de l'homme bras grands ouverts — ce qui demande une reconnaissance de l'Intelligence créatrice absente du système. Je ne tiens pas à détailler la supériorité de chaque particularisme sur son terrain. oui on non? Problème insoluble qui divise les clans. tout en établissant les moyens de les vérifier. avant les projections. le sésame. Il apparaît aujourd'hui que seule une transformation de l'atmosphère terrestre pourrait mettre un terme à cette controverse éternelle. et se méfier de leurs limites. Nul ne peut connaître tous les mouvements fondés autour de l'expérience du Soi. sur l'ultime réalité. à des nécessités historiques. comme toutes les grandes voies le zen aide encore. ni découvrir leurs altérations ni même cerner. Les maîtres du passé n'y sont pas d'égale valeur. qui surplombe le moi et anime l'esprit en profondeur. La méditation est le passe-partout du bouddhisme. Mais qu'on ne s'imagine pas que cette critique vise le mouvement lui-même. ou le taoïsme des trois Pères. et l'on retrouve en cherchant bien. Si Sri Aurobindo a raison. Imaginer une supériorité quelconque d'un de ces systèmes est peine perdue. ou le zen. le parfum qu'ils émanent et transmettent. ce qu'ils donnent exactement et qui est absent ailleurs. où les éveillés de toutes races et de toutes époques se sont réfugiés. les éveillés s'aligneront sur le projet de transformation divine de la Terre. l'hindouisme. manquant d'érudition dans les voies occidentales. et resteront des gouttes. mais dans leurs imperfections doctrinaires. Tous les présupposés y ont été sacrifiés à l'émergence du non-mental. dans leur jaillissement. puis ils sont corrompus par l'interprétation. et emmène loin pour revenir au plus près. soit de leur acharnement à vouloir transmettre des enseignements dans des formes qui permettent au mental de récupérer l'essentiel pour conserver son territoire. Le moi dans le soi conserve-t-il une individualité. et j'en suis sans doute encore incapable. La puissante vibration supramentale empêchera les possesseurs du soi de s'oublier dans le samadhi. ou le Tch'an. par sa cohésion profonde. Mon rôle est de louer encore le Grand Homogène (Tao). et fait tout pour le rester. mais elle reste goutte. leur rasa. ou la contemplation vénérante celle de l'hindouisme. qu'ils décrètent ou non qu'une âme au fond d'eux constitue un individu. développent la conscience du hara pour être plus présents à la Terre. Et néanmoins. Un enseignement spirituel déboute en permanence le mental de ses prérogatives et n'encourage que la compréhension pure des progrès à obtenir. que sa prophétie s'accomplit. bref qu'il ne reste rien d'autre qu'un mystère percevant le mystère. ni les hiérarchiser. nous critiquons les voies non dans leur manifestation historique. Beaucoup de maîtres qui ont perdu l'usage conscient de leur corps après le satori décrètent que le moi est fondu dans le Tout. sans fantasme ni complaisance. Mais d'autres maîtres conservent l'usage du corps et s'y emploient. l'équilibre se perd. en les qualités de l'intelligence proprement dite. Selon le point de vue d'où l'on se place. disparaisse. pour chacun. chez leurs initiés. De la reconstruction mensongère de . Ils correspondent. La goutte a rejoint l'océan. provoque les anathèmes. admettre que les voies sont incomparables en dépit de leur but commun. et bien qu'ils se soient tous réclamé de Bodhidharma et de Shakyamuni. jusqu'à ce que leur saveur propre. telle une vibration de clarté dans un monde quasi souterrain. Certains maîtres proposent plus de pratiques que d'autres. est supérieur. une querelle équivalente à celle des bouddhistes et des hindous. ce qui apparaît parfois comme un manque de confiance convenu et doctrinaire. On se souvient de tous ces pièges tendus à la vérité nouvelle. sans moi ni je pour conjuguer les verbes. distrait des illusions grossières et subtiles — à défaut de tout embrasser. des religions particulières. d'accès à la sagesse. en amont des parti-pris. qui s'accordèrent à batailler sur les mots. des mouvements proprement dits. constitue une donnée récurrente presque naturelle. insatisfait par les causes. leur manière de témoigner. faciles à suivre mais illusoires. de l'ignorance humaine. 12 Exercice de positionnement vis-à-vis des champs primitifs. Chaque fois les représentations mentales du but. ne peut s'effectuer que sur une base solide: savoir. à produire une façade plate du mystère dans une querelle de rivaux sans âme font passer au second plan l'évangile d'amour et utilisent la survivance de la peur de Dieu. en premier lieu. L'amalgame du confucianisme et du taoïsme laisse entrevoir une communion de vision entre les pères fondateurs (Lie-Tseu. Avec une liturgie envahissante et pompeuse destinée à en imposer et une infériorisation manifeste du pécheur. s'appropriant le diamant pour l'ajouter à sa collection. Et le maître spirituel est bien celui qui pousse son disciple à aller voir en lui. la tradition du soi dont le mythe est bien plus enivrant que la réalité. Chaque fois le bouleversement initiatique a été ajourné. une naissance intérieure. . Les pandits et les brahmanes de l'Inde. puis remplacé par des promesses fades de sauvetage. libre de toute éternité de posséder un homme. Chaque fois la difficulté avait été annoncée haut et fort pour engendrer un vrai bouleversement du moi. et y fourrer du mental qui coupe les cheveux en quatre et une bonne dose d'idolâtrie. entièrement pur — informel. trois principaux étant en lice. son exemple contrefait.l'interdit et de l'obligatoire autour de la fragile manifestation du Verbe. et qui s'arc-boute vers la lumière sans la prétention d'y parvenir. Chaque fois des forces occultes adverses ont perverti les mouvements. chez les juifs divisent les tribus. fermer les yeux. au risque que les traces de ses pas soient vénérées. il n'y a pas lieu de les faire disparaître. de s'y rattacher. comme une fleur finit par se faner. de l'examiner. Tchouang-Tseu. dans la reconnaissance encore fragile et mystérieuse d'une autre naissance que celle produite par l'accouchement de notre mère. par l'expérience. C'est-à-dire se reconnaître en tant que conscience à la recherche de sa propre autorité. Les innombrables querelles sur la prééminence des prophètes et le vrai nom de Dieu. ses paroles momifiées. toujours les mêmes. propre au Judaïsme. Lao-Tseu) et Confucius. au nom de l'illusion de la vie et de la prédestination. Car le soi appelle le chercheur las des explications. Les révélations ont été passées au crible de l'obscurité jusqu'à y retourner. du salut. Le passé ne peut être un modèle que dans les rares moments où le pérenne se révèle. ont indiqué de fausses pistes. du chemin. à diviser les chrétiens. pour dominer les foules. son message travesti. professionnels du sacré. des sectes. en effaçant davantage leur autorité. On ne répétera jamais assez que la collusion entre l'Église et l'Empire romain de Constantin a voué l'Occident à la méprise métaphysique et à la superstition. laissent s'enfoncer les Écritures depuis trois mille ans dans le ritualisme et la forme. absolument factice et qui pervertit la percée vers l'éveil. tandis que l'inverse est plus contestable. l'islam et la politique entretenant des liens étroits des plus douteux depuis l'origine. Les paroles du Bouddha tombent dans le sanskrit et sont avalées par l'Inde vénérante. Aussi les vérités que le moi trouve en lui-même peuvent-elles l'aider à déceler des vérités extérieures. la semence d'un être nouveau. tout simplement. et non pas à lui obéir sans comprendre. Ils changeront. Aussi. Les ridicules conciles à répétition de l'Église romaine. La procédure d'ouvrir les yeux. et sans doute davantage dans le monde judéo-chrétien. L'invraisemblable professionnalisme du clergé musulman qui faillit compromettre l'islam et le souilla de luttes fratricides entre les autorités les plus élevées. de ressentir profondément le non-moi. mais ces choses-là ne sont pas encore révélées. tandis que quelques éveillés sauvent chaque siècle du désastre. de complicité divine purement imaginaires. Le conflit doit être résolu et non refoulé. parent. Ces quatre plans principaux. au corps seul. qui ne cessent d'aborder le problème des «vases communicants» entre le moi et le non-moi. B/ Vis-à-vis de leur corps C/ vis-à-vis des autres (qu'est-on en droit d'attendre de l'autre. aucun des éléments. relation du moi au corps. ne s'articulent jamais de la même façon dans les grands enseignements spirituels. Tout cela est assez amusant. nommés ici champs primitifs. Les mauvaises pédagogies dépècent le réel comme un cadavre. hormis le mépris qui finit par caractériser les catégories parmi les quatre quelque peu escamotées au départ. D/ vis-à-vis du Tout (Le ressent-on comme une autorité. l'humain. ce qui la rendrait suspecte.L'éveillé peut donc se sensibiliser à la place que tient le monde extérieur dans les tableaux traditionnels. relation du moi au moi (identité). ou un laisser-aller corporel compensatoire. Mais en réalité. Les coercitions sont enjointes au nom de la Vérité. Tout ce qui arrive au moi seul. puisque cela varie beaucoup. mais elle persiste. une mère. un bain. relation du moi à l'autre. Faire disparaître les conflits. pour faire mieux avaler le prix du voyage. vases dont les valves sont souvent constellées de processus inconscients. et ils sont même confondus dans une sorte de résultante inconsciente homogène. relation du moi au Tout. ses perceptions: les questions y sont tout de suite gérées et ne dégénèrent pas en conflits. telles que le Tout. Vous pouvez devenir plus attentif à chacun de ces univers fondamentaux. C'est un avertissement qui montre les limites de l'élasticité des champs entre eux. Vous devez apprendre à méditer ces considérations qui deviendront opératives. enfant. le corps. ce qui complique les choses et rend inconciliables certaines doctrines. Le positionnement pris vis-à-vis de l'un peut rebondir sur les autres. La sensation et l'émotion appartiennent au moi par leurs processus et au non-moi par leurs objets. c'est supprimer l'échange permanent entre le moi et les champs primitifs. car la personne est homogène. le moi. un père. et les nuances auront disparu. Peu de personnes se positionnent consciemment A/ vis-à-vis d'elles-mêmes. Leur prépondérance varie. Le conflit. et souvent négligé dans nos cultures. un adversaire. peut entraîner une économie perverse vis-à-vis du Tout (autorité/sécurité) ou engendrer une mauvaise image de soi. une origine. Une mauvaise relation à l'autre. autant que l'inverse. On confond même souvent le corps et le moi puisque il est vrai que ses événements peuvent affecter le mental et la personnalité. une somme de consciences. Si le négatif vécu dans un champ contamine les autres. un univers spatio-temporel. n'est séparé des autres. par exemple. une Intelligence. partenaire. et qu'il n'est pas inutile de comprendre la valorisation ou la dévalorisation de ces grandes catégories. Le corps est parfois mis dans la catégorie du moi. et que vous retrouverez dans les médecines traditionnelles et holistiques. D'où le problème de savoir si une obédience spirituelle permet une transformation holistique ou au contraire une seule spécialisation. ce qui permet un nettoyage constant des émotions et des prises de conscience immédiates dans tous les secteurs des informations nouvelles. Ces champs primitifs sont entremêlés. et finissent par vous pousser vers ici pour mieux vous empêcher d'aller plutôt vers là. pour les digérer à nouveau. ou dans la fusion-confusion avec le Tout. proche ou lointain) et du champ culturel. La pensée symbolique opère des amalgames. l'inverse est vrai: ce qui affecte d'une manière évolutive un seul de . signifie seulement que l'homogénéité des champs primitifs doit être tendue pour être maintenue.) Le positionnement vis-à-vis du corps est inconscient ou changeant. dans une sorte de trajectoire dite initiatique. Il ne reste alors que quelques profonds sillons caricaturaux. de leurs exigences. une énigme ? etc. contamine par voie naturelle les autres secteurs. quand les doctrines sont ravinées par des siècles successifs. parfois dans celle du non-moi. tout ce qui arrive dans le cadre relationnel seul. D'où la nécessité des arts traditionnels comme la méditation qui permettent à l'esprit de ruminer. un chaos. usurpatrice et narcissique. le moi homogène évolue sans cesse et évite les crises. Si le moi résout le conflit. Certaines voies s'attaquent d'abord au moi contingent. Le moi est homogène. Toutes ses voies finissent par se teinter d'une brume de religiosité. . Le vrai christianisme s'attaquait à l'image de l'autre et à l'imago archaïque du Dieu juif. et forcent à découvrir une représentation plus objective des lois cosmiques (Priorité champ D). coupe les cheveux en quatre puis les reconstitue. Le tout s'assemble et s'organise. D'autres subordonnent au travail sur le physique les autres champs et elles sont donc les voies les plus concrètes (Hatha-Yoga. exècre toute innovation. Il ploie sous les scrupules. Puis il logeait ensuite la souffrance relationnelle dans le moi lui-même et non pas dans son objet. Pour le moment. Taï Chi et Qi Kong traditionnels) (Priorité champ B). Le zen s'attaque au moi sans aucun détour — inutile d'avoir une image du monde ou même de vouloir la rectifier. un tel nettoyage est de rigueur que tous les chercheurs sont confrontés à suivre de près les étapes de leur transformation psychologique. confondus avec le Divin. par le même principe de contamination. L'hindouisme combine les attaques. relationnels. D'autres enfin passent outre les déterminations des obstacles pour exalter la semence du Moi. ou les traverse sans peur comme des nécessités naturelles. D'autres voies demandent comme préalable une transformation de l'image du monde. le dégraissage des anciens patterns comportementaux. mentalité universelle. et au contraire en l'exaltant. au Tao. la mémoire de la transcendance vernissant de son éclat argenté tout chemin qui se voudrait libre — et toute émancipation finit de toute façon dans les bras de Dieu. et beaucoup plus naturel et impérieux le besoin de se relier au Tout. Les progrès peuvent s'effectuer dans des ordres différents. Néanmoins. Le taoïsme s'attaque à l'image du monde — inutile d'annoncer la couleur de l'ascèse à qui se contente de son tableau existentiel et qui ne veut pas. sans se préoccuper le moins du monde de l'image ténébreuse du Tout. D'autres encore exigent une révision profonde de l'image de soi. Un chef d'œuvre. qui lui-même est constellé de dépendances affectives (Priorité champ B et C). et lève des armées entières pour venir à bout du moindre petit adversaire. C'est la voie solaire pure qui transforme systématiquement les difficultés en outils d'évolution en travaillant sur tous les axes en même temps. corps. quand les vibrations élevées de l'atmosphère rendront beaucoup plus efficaces les intuitions solaires. moi individuel. s'intéresser au mystère originel. pour opérer la désidentification profonde du sujet à son milieu et à sa propre politique psychologique. pour mener le moi à lui-même en lui interdisant d'inférioriser ce qui lui semble étranger. Bouddha attaquait de front la relation du moi au monde en la qualifiant de souffrance-ignorance. qui s'interpose entre le moi et ce qu'il pense de luimême pour le conserver tel quel (Priorité champ A). et même le mental y possède ses lettres de noblesse puisque le jnana-yoga le transforme sans le combattre. jaloux et redoutable.ces champs peut contribuer à l'évolution des autres. Les voies spirituelles traitent rarement avec une égale rigueur les univers fondamentaux de la perception. en dépit des répartitions. il fait confiance à n'importe quel aspect de l'homme s'il peut être érigé en moyen de connaissance. virtuellement — tout en passant par-dessus la genèse individuelle pour sacrer la transcendance indépendamment de l'état des lieux et de la genèse du moi. et ouvrent vite la porte sur le soi si elles transmettent comment changer l'image de soi. représentatifs (valeurs) — tout en conservant un œil critique sur l'image de soi. d'ores et déjà. En développant l'attention spontanée et la conscience permanente de soi et de ses réactions. Le soi y est vénéré comme le reste des états de conscience supérieurs. et fait confiance les yeux fermés aux règlements. ou dévalorisante. Cette voie ne pourra s'établir que dans l'avenir. vitalité. toujours acoquiné à l'émotionnel. réintégration par l'union du soleil et de la lune. la maladie qu'il avait entraînée purifie le corps physique (et astral) et ne laisse pas de traces. et proposent de débroussailler l'événementiel. Il ritualise tout mouvement au risque de le figer. La volonté de conscience universelle peut alors faire seule le travail ou presque de transformation. ni sur une finalité précise. et aux répercussions dans certains champs particuliers de ce qui arrive dans d'autres champs. à la même époque. avec une précision hors de propos. le Tout est un champ écologique aussi important que la famille et la relation. tenir quelque peu compte des circonstances elles-mêmes. Certaines choses sont à sacrifier pour que le Tao devienne un interlocuteur respectable. ni même sur des injonctions. on se demande toujours non seulement comment procéder. Le Tao-tê-King ouvre des perspectives les unes sur les autres. Leurs discours sont souvent plus alléchants et pompeux. vu que la personne fonctionne en permanence pour reconstituer une sorte de vision d'ensemble d'elle-même et de son corps. le conflit de séparation occupe une bonne place. circuit moi/ le Tout) et de changer leurs feedbacks (retours) pour qu'autre chose émerge. et de son positionnement global. La conscience dévolue par le moi dans l'investigation des quatre champs primitifs détermine grandement son évolution. en changeant leur position habituelle ou culturelle. Le sage s'intéresse de près au quatrième champ. ne cesse de guider l'adepte. parfois. Certes le moi demeure le centre et ne se perd pas dans l'identification au Tout. Presque tout peut être conservé mais dans un ordre différent. La prépondérance à accorder aux champs primitifs doit toujours varier. que le corps. un mystère bienveillant. Pour tous les candidats à l'éveil. et l'esprit qui s'y complaît se laisse fasciner par l'idée de l'annihilation du moi. alors que l'expérience de dissolution y est aussi évoquée. Mais à y réfléchir. par un ajustement permanent. que la plupart méprise ou ignore. ne serait-ce qu'en tant que témoin. ce qui nous ramène à l'insécabilité de l'univers. Et quand les traditions évoquent la notion de déséquilibre. mais s'il existe une véritable raison de les différencier. En réalité le moi survit à toutes les expériences et à toutes les réalisations. circuit moi/mon corps. qui ne se referment jamais sur une recette. ce qui implique une reconnaissance du Tao de plus en plus profonde. le Tout. C'est que son auteur savait bien que les champs primitifs rebondissent les uns sur les autres. les inventeurs de la psychologie moderne. dont le nombre peut varier selon l'optique envisagée. comme l'affirme Sri Aurobindo dans la synthèse des Yogas. que le moi. ces grands invariants qui contiennent tout (circuit moi/moi. du sentiment corporel. de ses relations humaines. les trois autres champs. Ainsi le livre ne privilégie pas la fusion dans le Tao au détriment d'une expérience profonde du moi. c'est entre les constituants fondamentaux de l'expérience. L'expérience elle-même évolue. et comme ont fini par le deviner et l'établir. C'est ce que propose le Tao-tê-King : rien n'est diabolisé. Ils ne tiendront jamais mon langage. avant de se retirer pour laisser le champ libre à la transformation intérieure. et la préoccupation de savoir «qui» constitue l'identité du soi ne se pose pas. et il est donc vain de se positionner dans la quête spirituelle à partir de l'exigence de voir intellectuellement ce qu'est la libération. et rien n'est vraiment . une présence réelle. ni celui de Sri Aurobindo. et parmi ces turbulences possibles. Le véritable héritage du soi est presque sans exception considéré par la culture — quelle qu'elle soit. et de celui de l'identité individuelle. comme une attaque à son égard. circuit moi-l'autre. instinctive ou mentalisée. dans une navette incessante. Il est nécessaire d'y consacrer son attention pour renouveler son positionnement régulièrement et y subordonner. Quand il s'agit de jongler avec les couleurs fondamentales. ce qui fait appartenir sa doctrine à la catégorie des témoignages où l'éveillé demeure une goutte bien qu'il ait rejoint l'océan. Mais il est vrai que de nos jours encore certains éveillés représentent la goutte qui rejoint l'océan et s'y perd.émancipation finit de toute façon dans les bras de Dieu. et qu'il suffit donc de parler du Tao pour que le moi s'en empare ou de parler du moi pour le positionner au sein du Tao. et considère en revanche le champ humain (qui monopolise presque toute l'activité ordinaire) avec une distance que le non-chercheur ne peut ni accepter ni comprendre. il apparaît aujourd'hui nettement que ces univers sont des juridictions à la fois séparées et interdépendantes. mais l'idée de mettre à leur place réelle les ingrédients de la vie. La maladie a souvent pour cause une crise d'identité. mais il est des moments où c'est le Tout lui-même qui dicte au moi son action. tous les instructeurs. Mais l'arrière-plan du Tao est décelé dans le premier plan. Il n'y a pas de frontière entre le générique et le particulier. selon l'arrière-plan toujours plausible des égarements qui peuvent s'originer dans une description incomplète. Certaines initiatives sont plus malheureuses que d'autres. le champ du Témoignage. La question qui se pose pour toutes les voies. d'une révélation. l'espèce humaine. la nature. tous les témoins est la suivante: «Jusqu'où doit-on établir certaines choses. selon une lecture profonde des hexagrammes du Yi-King. mais dont seule change l'expression particulière. croire en l'autorité d'une doctrine. l'apanage des doctrines des faux éveillés ou des médiums manipulés. c'est revenir enchanter le chaos du bas. ou encore trop finalisée. leur souche est commune. c'est évoquer la possibilité de le manquer. le moi. L'attention spontanée vient parfois miner les efforts constants du mental à construire. partisane. car leur portée évolutive est inférieure à la nuisance de leur incompréhension? Dans quel ordre parler des transformations?». et il est autorisé à le faire pour ressusciter un courant ou initier une tentative transcendantale. L'éphémère et le changement sont utilisés comme la justification profonde à pratiquer l'attention spontanée. la transformation s'opère d'elle-même. telle est la voie du sage) — dernière phrase du Tao-tê-King traditionnel. Non seulement l'esprit change d'une époque à l'autre. Ou bien.tranché d'avance. Plus grands seront les yeux ouverts. et ce sont souvent celles qui font le plus mousser une issue difficile. quelque chose qui lui correspond. La seule question est de savoir ce qui nous parle à travers un maître ou un livre. disant ou ne disant pas. mais qui sont constitués en partie par ceux de l'espèce. C'est son secret (œuvrer sans batailler ni rivaliser. plus il sera nécessaire de savoir les fermer — d'expérimenter l'aventure purement exploratoire du moi privé de drapeaux et de flambeaux — d'objets à conquérir. comme une de ses modalités possédant une forme hétérogène. amadouer les forces. n'a aucun sens. le taoïsme propose une autre lecture. à ordonner dans des univers fermés des vérités ouvertes qu'on ne sait vivre sans les ranger dans une éthique. Connaître le dessus. Il dénonce les finalités fausses mieux qu'il n'indique de véritables buts. et nous savons tous que nous sommes retenus par les mêmes obstacles que les autres. c'est le mettre à l'extérieur de soi-même comme un objet. il faut toutes les reconnaître. si leur énoncé égare plus qu'il ne rapproche? Quelles vérités méritent-elles d'être dites. et dans la procédure permanente du principe à toutes les échelles — la transformation réciproque du Yin et du Yang. en passant par les grands jardins traditionnels — souvent laissés à l'abandon depuis trois ou quatre siècles. car leurs flèches sont puissantes et peu nuisible leur incompréhension. le bouleversement lui-même s'inscrivant parfois dans la permanence de l'ordre. qui promet une autre vie à qui sait s'y prendre. Des plantes carnivores les mieux conçues pour manger les âmes distraites. Trop rarement rigoureux — souvent rempli de la fantaisie naïve qui enchante toute vision de l'avenir. le corps. l'esprit du soi s'exprime sans intention et démystifie l'enchevêtrement des forces obscures. comme dans le bouddhisme originel. quelle peur nous retient-elle d'écouter ceux qui se sont déjà «débarrassé» de certains? Même si les voiles sont personnalisés. autant que dans les plans intermédiaires ou subsidiaires. La reliance ne vise rien puisque elle abolit les distances. et qui possède ainsi un titre virtuel de révélateur et d'accoucheur. Si les voiles doivent être enlevés. est vaste et hétéroclite. Avant de prétendre bouleverser. une rencontre avec quelqu'un devant soi dans l'évolution. Dans cette mesure. un tableau de sa propre relation à l'indéfini Tout. encadrée par des considérations hiérarchiques douteuses. il est vrai. dont la présence sereine manque . Nous portons nos propres bagages. l'Ordre. jusqu'aux edelweiss inaccessibles d'un Hallaj ou d'un saint Jean de la Croix. Dans l'art de ramener de multiples événements à leur origine commune — l'ignorance. Car poursuivre un but. délivrer ce qui a toujours été là. combattre l'inconscient. une conception. C'est un jeu immense où chacun participe. quelles vérités doivent être tues. vrai ou faux. Si cette nouvelle lecture est parfaite. là où entrent en jeu toutes sortes de soi-disant plans. mais chaque maître essaie autre chose. Certains laissent faire le monde. Dix mille? Jusqu'à ce que soit compris l'unique procédé. ou une vision du monde comme étant celle de la Vérité. ou éprouvent de l'empathie à l'égard des autres. et qui se développent donc sournoisement — proportionnellement au nombre d'adeptes et de commentateurs inféodés à l'établissement de la règle. c'est-à-dire qu'il y aura moins de maîtres parmi les éveillés. que l'on ne possède pas. La vision fugitive révèle que l'amour n'est qu'un mot. . Le plus pur engagement se fait librement sur soi-même à partir des sources elles-mêmes les plus pures. Bien que le chercheur doive abandonner un grand nombre de bagages. Néanmoins. Alors les Noms s'éclairent. ou bien un maître caché. soit l'expression orale d'un éveillé que l'on connaît. l'Intelligence. ce qui permettra une nouvelle forme de témoignage du soi. tandis que d'autres souffrent quelque peu de solitude. quitte à vivre de quelques souvenirs bleu? Et les choses immenses et légitimes. d'autres veulent y jouer un jeu. 13 Exercice de repérage des pôles masculin et féminin du moi. un tableau de sa propre relation à l'indéfini Tout. l'autorité de principe doit être maintenue. fait voler en éclats les objets. afin qu'un chemin bien plus large. Dieu? Qu'appelions-nous par là? L'immensité vivante. Éternellement sans contours. il est inutile qu'il renonce à une partie profonde de lui-même. jamais formel. Le véritable maître spirituel apparaît toujours comme un empêcheur de danser en rond. Les témoignages pérennes fondent l'histoire de l'éveil. Un je-ne-sais quoi qui transfigure. il sait mieux que personne tout ce qui rôde autour de l'homme et en l'homme pour l'empêcher de gagner les espaces divins. jamais localisé. et qui en fera selon un ascète tranquille. qu'il ne sera jamais objet. c'est-à-dire toutes les formes qui veulent imposer un comportement particulier comme gage d'une réussite. supprimer les voiles. jamais acquis. cinq. d'une absence dont on refuse de faire son deuil. Si ce nombre augmente. qui sont. Le passage est donc identique pour tous. ceux qu'on croyait les plus fidèles. dont la présence sereine manque d'autant plus qu'on la devine déjà. Certains éveillés ne s'affectent pas de la terrible difficulté collective à trouver l'autre rive. invente des rivalités factices entre des mouvements convergents. ou enfin un pédagogue ou un artiste. conformément au changement de cycle. dix? La vérité? Est-ce une collection d'objets mesurables au poids. Il est faux de s'imaginer que la vérité est d'un côté ou de l'autre. et il ne s'agit donc pas de démolir l'autorité des maîtres qui montrent le chemin. Ni à donner ni à recevoir — un bain plutôt dont le commerce ne se mesure pas. la Conscience qui naît le monde. n'en finissent pas de se dérober. qu'on visait avec les moyens archaïques du moi. d'en montrer l'origine commune. et qui est trop vaste pour correspondre à un sentiment. le fatras de toutes ces choses mélangées — comme le souvenir d'une blessure qu'il faut nommer. un objet? Rond ou carré s'il vous plaît? L'illumination? Combien de secondes suffisent-elles pour que le Soi fasse tout éclater. comme des milliers d'itinéraires peuvent réunir les deux mêmes points. Et cette fulgurance. Vivant dans le vide du soi. Exclu de l'ignorance. il aperçoit et mesure les énergies extérieures et les identifie dans une sorte de jeu sans fin. qui s'évase sans danger. retarde les adeptes. les doctrines ne se multiplieront pas. soit l'expression écrite. La connaissance. à la forme? Combien faut-il connaître de vérités pour être un initié? Cent? Mille. qui subsistera après l'éveil du soi. une sorte de militant ou même de guerrier solaire. bien qu'elle ne s'attarde pas. par des milliers de routes incomparables.une conception. C'est l'exclusivité du cheminement qui doit être combattu. Cela sépare les mouvements fédérateurs de sens. Le nombre des éveillés du soi peut en réalité augmenter largement. un air rempli de l'or des possibles et pur de toute mémoire. ou encore un homme ou une femme simple s'acquittant de taches ordinaires dans une vie normale. à la surface. impalpable. le soi les y autorise. derrière quelques murs encore à briser. mais de la relativiser. permette à chacun de trouver sa propre voie. une. créative et intégrée au milieu. pour se laisser entraîner là où tous les cadres sont limités. tandis que d'autres se considèrent avec légèreté comme des appelés spirituels de premier choix. L'intellectuel devra rendre les armes. mais par leur nature répétitive. Car la compréhension est le seul garde-fou au mésusage des pratiques. elles peuvent structurer outre mesure. trop de dépréciation de soi pour les yin. qu'ils aient ou non par la suite percé d'autres mystères. sans mauvaise foi apparente. l'accepter sans l'assujettir. satisfaction de soi éhontée. nécessaires et suffisantes. les trop faibles ne veulent pas de la responsabilité intégrale. En tout cas. l'image que l'on se fait de soi-même. L'homme doit découvrir son pôle féminin. sans pour autant juger les personnes aux prises avec ces ombres. Les trop forts ne veulent pas se soumettre assez. Trop de contentement facile de soi pour les yang. jusqu'à s'ouvrir à une action dont il n'est pas lui-même l'origine — dans le prolongement même des principes. tels sont les résidus génériques de l'obscurité. dans une foi ardente où l'orgueil (le plus vieux placebo) tient la première place. ses réussites et ses coups d'épée dans l'eau. L'actif devra épuiser les initiatives. nous touchons au fond du problème de l'éveil. et que le maître peut pointer. Le chemin de l'éveil oblige donc à la rectification de ce déséquilibre. dans une forme analogue. Culpabilité de l'échec pour les faibles. et parfois le sentiment illusoire de progrès. renoncer à ses propres méthodes et visions du monde. et se répercute en se démultipliant dans toutes ses fonctions. C'est un équarrissage. mélangée à trop d'énergie vitale. par leurs inscriptions dans le calendrier. les émotions. La compréhension peut s'effectuer aussi à l'intérieur des pratiques elles-mêmes. ce qui annonce des révoltes. la représentation que j'établis de l'éveil s'éloigne de plus en plus de la description d'une route à suivre. incrustés profondément dans le moi. tant ils se valorisent pour conquérir ce qui leur manque. relationnelles et introspectives. ce qui promet des émotions interminables et inattendues. une véritable ascèse. rassurent et consolent. pas moyen de savoir si cet évangile est plus authentique que les autres. les entreprises personnelles. dirait un maître hindou. ce qui obstrue la confiance et l'implication. Le réceptif doit épuiser sa sensibilité jusqu'au cri où il voudra trouver son moi. donnent le change. car un léger déséquilibre du yin et du yang contamine toute la chaîne psychologique de l'individu. des prises de position.irréprochable et non corrompue. et quelques revirements dans l'image de soi. De nouveaux voiles ne cessent de se présenter dès que l'un s'évanouit. Certaines contraintes sont donc définies. ou réciproquement. Ce que je viens de dire en italique figure. dans l'expérience pure de la séparation douloureuse du moi et du Tout. qui par leur caractère concret. quand on trébuche sur le chemin. ce qui donne de Jésus une tout autre image. pour les forts qui se voient progresser et anticipent. dans un logion de l'évangile de Thomas. ce qui limite l'exigence. sur leur réalisation en se tenant un discours ronflant par rapport aux faits. et se rapproche davantage de la réalité: une confrontation du moi à toutes les sensations. l'exigence d'une certaine autonomie décisionnelle. l'image globale . tamasique. approchant l'éveil comme une formalité ou presque. Si nous comprenons maintenant que chaque individu tend plutôt à s'inférioriser qu'à se surestimer. coûte que coûte. naturellement. Car certains ne s'autorisent pas à fonder une démarche spirituelle radicale par manque d'estime de soi souvent conjuguée à la peur de l'échec. mais comme pour le reste de son histoire. de textes rédigés par les possesseurs du soi. La femme doit accepter son pôle masculin sans se laisser inféoder par lui. ce qui comprend les pensées. dans le présent. selon des circonstances précises. et ce. L'humanité est maintenue dans les ornières de la passivité ou de l'arrogance. La mesure objective de soi-même est un art délicat. car la pente naturelle revient toujours. et le terme de la complaisance émotionnelle. que le langage philosophique ne rafistolera plus. désormais. — en niant qu'il faille s'y soumettre. une couleur claire ou foncée. se combinent cahin-caha. la transgression et la soumission. Car il ne manque pas d'événements qui s'inscrivent dans le moi pour y graver l'image de l'univers. où s'entremêlent des croyances héréditaires. Si le tableau du monde est lâche. Chaque être est le lieu d'une bataille entre le cercle et le carré. messies. détendu. Ce voile est un filtre depuis l'enfance. puisque il est ouvert à l'inconnu. les mêmes préjudices. Pourquoi ne pas reconnaître l'existence. il aime la négligence et le laisser-aller. Ou à l'inverse. l'image globale de la réalité (dont le concept manque en français qui l'emprunte à la langue allemande). passif. et en premier lieu de toute reconnaissance du Tout comme principe de soi-même. de quelques filtres qui l'interprètent. réceptif. humide. de changer l'interprétation des faits — c'est-à-dire. derrière la perception du moment. le moi manque de principes. des traces puissantes qui dictent une certaine relation primaire et archaïque à la réalité. et redoute ce qui est objectif. du moi au corps. La recherche de l'éveil court-circuite le feedback qui interprète tous les événements de la même manière. Le moi se bricolerait ainsi quelques miroirs pour se renvoyer l'image de lui-même. . dans le respect superstitieux et ritualiste de principes familiaux ou religieux. l'une pour confondre le fantasmé et le réel dans une vaste fatalité des choses. des personnifications mythologiques. si une navette ne s'établit pas entre la personne et l'univers. ou comme le tableau du monde. par des prises de conscience sur la nécessité de ce double mouvement imprévu. de rigueur.ce qui comprend les pensées. tout simplement. ou exigeant et sournois. les mêmes conséquences — jusqu'aux scléroses du tempérament ou encore aux pathologies qui témoignent de mauvais échanges entre le moi et l'extérieur ou entre le moi et le moi. pour conserver un œil critique sur tous les ressentis. à établir des règlements. confus ou clair. le moi cherche désespérément à se conformer à des lois. Les deux imagos archaïques et contraires empêchent toute découverte de la conscience évolutive. Aussi est il dangereux de vouloir structurer ce nouveau regard au nom d'une doctrine particulière. Rappel de la polarité essentielle et de sa subdivision observable dans le moi. est alors bien pauvre et vide de potentiel. entre le moi et le Tout d'une part et le moi et le moi d'autre part. l'image que l'on se fait de soi-même. auparavant. élastique. accueillant. dans la magie du fantasme puéril — le refus de toute obéissance. qui. Quant au tableau du monde. C'est là que le Verbe tâtonne. doux ou écrasant. à correspondre à des modèles préconçus de valeurs. C'est par cette image obscure que le sujet invente ce que la vie attend de lui. compréhensible ou énigmatique. du moi à l'autre. comme le sentiment que l'on cultive de son identité personnelle avec les adjectifs qui collent le plus facilement au je suis. au risque de sacrifier l'expérience individuelle dans l'imitation. hésite sur ses propres traces. c'est un des voiles épais qui s'interposent entre le moi et ce qu'il perçoit. de trouver de nouvelles significations à des événements. fluide. L'interprétation nouvelle et parfois l'insight transformateur viennent se glisser dans le moi qui suspend son jugement. la relation du moi au moi. La nécessité relationnelle. faible. facteurs d'intégrisme triomphaliste. que l'on ne sait quitter sans craindre de savoir ce qui le remplacera. les émotions. évite de s'emparer par la pensée de ce qu'il perçoit. l'autre pour confondre l'autonomie individuelle capricieuse avec la conformité au Tout. de casser les habitudes. c'est se remettre en question. moraux ou politiques. terne ou éclatante. S'adapter. auraient toujours entraîné les mêmes conclusions. favorable et bienveillant. et entre la personne et elle-même. Si le tableau du monde est tendu. mère aimante ou marâtre. puisque il a le pouvoir de déprogrammer le moi. du moi au Tout: Yin: féminin. père idéal ou rejeté. constellé de fantômes divins ou de rigueur athée à l'emporte-pièce. une sorte d'opinion de synthèse sur le sens de la vie qui possède une arborescence où les valeurs et les croyances. ouvert. dans le prolongement de la personnalité. les préjugés et les idéaux. lâche. de son contraire. le cercle. un mouvement aléatoire puisque personne ne sait ce qu'il pensera ou fera trois minutes plus tard.froid. La prépondérance d'un seul menace la survie de l'autre. à travers sa propre relation au désir. soit au contraire qu'ils prennent l'habitude de leur laisser trop de champ. des causes différentes peuvent mener au même abandon de soi dans la quête sans nom. ou encore le culte de soi-même. Les qualités des deux principes peuvent s'équilibrer par la vigilance. émetteur. s'élancera vers le pouvoir. (en négatif. Yin : complaisance et versatilité. de commander. traître). l'ondulation. c'est-à-dire privé de la présence. Relation du moi au corps: Yang: beaucoup d'activité physique. Chaque principe tend à se scléroser poussé trop loin. la maîtrise. usurpateur). le désir empêché de trouver sa satisfaction dans l'ordre naturel des choses. alimentation fantaisiste. Yin: besoin d'être approuvé. préalable aux potentiels des réalisations. fermé. Confiance dans la réflexion et l'atermoiement. Relation du moi à l'autre: Yang: besoin de briller. Tout chercheur spirituel aperçoit. la liberté. versatile. à dose réduite. rigide. (en négatif. En elle s'inscrit une manifestation du chaos. la détermination. trop carnée. Cette liberté. entreprenant. Toute convoitise scelle le moi d'une manière obscure à la manifestation. l'abandon. l'osmose. Mais la manifestation d'un ordre caché et supérieur. Le positionnement vis-à-vis du désir constitue la base du prêche de Bouddha. épineuse pour le philosophe et le juriste. Les êtres humains contractent avec leur corps des habitudes que les civilisations ne font qu'encourager. et c'est plutôt le désir d'appropriation qui empêche le mental de se purifier plutôt que le désir proprement dit. sans parler d'une sorte d'érotisation émotive de la quête religieuse. de participer. comme ils ont de la peine à vivre en harmonie leurs désirs. qui constitue un jeu très élastique dans les déterminations qui nous caractérisent. l'importance du corps dans le sentiment du moi. On peut vaincre le désir sexuel sans pour autant venir à bout de convoitises plus graves. Voie à tendance (trop) ouverte. fort. qui peut conserver une place naturelle s'il n'est pas encouragé. trop sucrée. discipline ou/et sclérose. dépendante des états psychologiques. Yin : peu d'activité physique. Si la sublimation n'est pas réussie. Voie à tendance (trop) fermée. 14 Méditation sur la profondeur du Tao et l'obscurité du moi. trop fondée sur la saveur. structurant. mais le désir chez lui n'est pas réductible à l'appétit sexuel. le besoin de reconnaissance. de concilier. soit qu'ils ne s'expriment pas assez — ce qui ne rend pas la sublimation obligatoire. ne pose aucun problème particulier à l'éveillé. dominant. alimentation trop riche. chaud. s'efface et reconnaît les arguments positifs de l'autre (dialogue) plutôt que déclencher le conflit. le carré. d'entraîner. la ligne droite. le changement. la richesse. laisser-aller ou/et inspiration. Yin: confiance dans le non-agir. Confiance dans la décision et l'action rapide. trop salée. sec. Relation du moi au Tout: Yang: confiance dans l'action individuelle. dominé. la volonté. inflexible. (soit une volonté universelle plus profonde que le moi conditionné). actif. l'écoute. cherche plutôt à défendre ses positions jusqu'au conflit qu'à comprendre la position de l'autre en faisant des concessions. . En fonction de la loi terrestre. tendu. peut affleurer dans le moi et permettre un renversement de conscience vers l'intérieur. Yang: masculin. Relation du moi au moi: Yang: exigence et volonté. Elles apportent les informations nécessaires pour que le moi et le non-moi entretiennent des relations authentiques. doivent être reconnues. les limites de son mental interprétant au lieu de comprendre. des désirs. En revanche. que chacun.Beaucoup de voies prétendent changer la psychologie à partir des pratiques corporelles. Le pas essentiel a bien été accompli. Dans cette perspective. doute de la vérité des pensées qui le traversent. des peurs. tend vers l'abandon inconditionnel. de l'illusion du moi. toute féminine. Mais caractériser ce mouvement est impossible. mais sur une mesure du manque qui rejette toute complaisance sur les progrès effectués. du plan matériel vers les plans spirituels. les contraintes de ses désirs et de ses peurs. et il peut ainsi toujours les voir se réunir à nouveau dans une nouvelle combinaison. et certains maîtres zen affirment que le retour au soi est en réalité la redécouverte de l'esprit de nature. rien n'est à conserver avant le soi. Les émotions ne sont plus cultivées ni redoutées. sente un complot s'exercer contre son potentiel. en abandonnant les certitudes et les jugements. La limite entre les deux catégories est mince au début de l'ascèse. de la vitalité. qui partent du bas vers le haut. Les sensations associées aux émotions primaires se transforment. ainsi que d'images de soi-même. quels que soient les édifices mentaux plus subtils qui restent à dissoudre. on ne peut plus se permettre d'opposer le soi à l'ego. involuée dans le moi. tandis que la consécration. s'expriment moins facilement tout en indiquant des transformations à effectuer. Les insights surviennent. et même du mental. la relation au corps change. jusqu'à ce que l'impression s'accentue. dès que le moi dépasse d'un côté la tyrannie de la raison et de l'autre celle des émotions. et enfin s'en libérer. leur partialité apparaît défendre des préjugés. Les pleurs et les peurs pour les femmes. Le sujet ne peut ni se priver du monde extérieur ni s'y abîmer exclusivement. C'est le signe de la rectification conjointe du Yin et du Yang archaïques. et du même élan. Il doute de la valeur de certaines. il est à noter que certains signes . en tant qu'individu naissant. À vouloir observer l'esprit de nature en soi-même. d'une manière délibérée. et un certain respect à son égard s'établit. La rigueur n'est plus fondée seulement sur l'observable. C'est ainsi que doit s'entendre le lâcher-prise exhaustif de maître Dogen. Il faut la suivre. ou comme le moi lui-même. Le sentiment de l'identité personnelle est mélangé d'identifications culturelles et de manipulations instinctives. des valeurs irréfléchies. Le moi doit apprendre à se désidentifier du corps. et nous ne les condamnons pas. mais une intelligence se surprend à prendre un recul toujours plus conséquent sur le vécu. Mais le moi du corps n'est pas le moi du soi. des préférences. on le fait fuir. dans son prolongement naturel. Bien que l'on ne puisse pas se rapprocher du soi d'une manière graduelle. Le moi ne prolonge plus systématiquement les sensations. Quand une partie du chemin est effectuée. Le symbolisme des os revêt alors de l'importance et le corps est ressenti comme une structure et non plus seulement comme un objet à nourrir de plaisir. par la puissance de la mémoire. et les limites des procédures montantes. Les émotions sont en réalité des points de repère très sûrs si elles se présentent d'elles-mêmes sans qu'on cherche à leur accorder une signification préétablie. À proprement parler. On peut apprendre à distinguer les émotions vraies de toutes les formes de complaisance émotionnelle. qui évacue tout triomphalisme masculin. et qui s'exprime conformément à l'ensemble de l'univers. et qu'une conscience peut traverser la pensée. et c'est donc l'expérience du satori qui mettra en place les structures pérennes du moi. censé mener à l'esprit du Bouddha. tandis que toutes les approximations mentales sont rejetées comme scories. Il est admis que dans l'ego lui-même une béance peut s'ouvrir vers l'inconnu. C'est une première rupture dans l'édifice homogène de l'ego qui fait sourdre la vérité. et la colère et l'autoritarisme pour les hommes. des conditionnements. Les pensées ne sont plus prises au sérieux. encore dangereuse. la consécration et la rigueur suffisent. la béance d'abord redoutée devient une mystérieuse reconnaissance du sens caché des choses. Avant. et tous ceux qui se sont amusé à le faire ont égaré leurs disciples. «brut» selon l'expression du Tao-tê-King. On peut considérer cette intelligence comme indépendante du moi. — la conscience humaine qui n'est pas encore particularisée par l'individu. le barattage de l'océan de lait pour les hindous. une expression du chaos qui «chaotise» davantage. il en existe une autre. la caverne de Platon et la géométrie pythagoricienne. de se manifester dans le chaos pour produire des êtres de plus en plus identifiés à la surface du processus mental et à la périphérie de leurs émotions. le mental qui surplombe par la pensée. là où il semble absent. deviendra au fur et à mesure une simple évaluation de l'ignorance philosophique. Comment mieux définir le champ de l'éveil? Cette liberté existait avant que les fondateurs de religion ne se mettent en tête (pour certains) de la rendre obligatoire. avant même que ce concept n'apparaisse dans la pensée scientifique de notre siècle. et l'ignorance-souffrance originelle qui justifie la quête du soi dans la lignée authentique de Bouddha. orpheline. dans toutes les religions. méthode. ou naturellement à l'obéissance à Dieu dans les cadres religieux. tel est le tracé de l'éveil. La liberté possède donc deux faces. Tao voulant dire à la fois tracé. s'il en découvre le principe. Le parallèle avec le «péché» judéo-chrétien est saisissant. et le corps qui est obligé de suivre les décrets imposés par l'un ou l'autre. maintenant perdue. c'est-à-dire continue de s'éloigner des principes vers l'errance proprement dite. quelque chose à quoi il devient impossible de se . La liberté qui obéit au Tao. Un cheminement à rebours du désordre vers l'Ordre. à la transcendance du soi. tandis que des injonctions s'établissent pour faire choisir (mais est-ce bien là l'expression de la liberté?) la remontée divine et recruter des élus. Qu'il faille nommer ignorance. qui par une sorte d'instinct mental. dont la réhabilitation impliquait la rédaction du Tao-tê-King. pour finalement avoir une chance de s'y conformer. la vitalité ténébreuse et avide qui se soumet mal. fonder le moi dans le non-moi sans limites. ce complot des forces de la vie qui divise le moi en éléments hétérogènes. plus ses fondements seront friables. Cette remontée mène. au risque de le réduire. et inversement une reconnaissance que le chaos doit diminuer. et s'anime dans l'exploration même des liens qui unissent les contraintes aux actes. principe. La trace même de Dieu chez les juifs. Une reconnaissance plus profonde du corps. ivres de subjectivité. selon les contextes. pour les plus grands mystiques. Liberté et soumission peuvent même se confondre dans un seul état non-mental d'approche du Divin. il est à noter que certains signes indiquent que le travail se fait dans la bonne direction. ne plus se laisser aller à fantasmer la vie selon ses propres désirs. pour faire quitter la voie de la perdition. riches en mythes divers sur ce qui correspond à notre «chute». contrarier les passions au sens large. le labyrinthe dont une issue existe en Crète et en Grèce. Là où le Ciel et la Terre participent sans s'opposer de la même ineffable transcendance. religieuse et morale. code. Cette liberté est efficace quand elle jaillit du moi comme une nécessité. Au fond des traditions les plus hautes. voie. Mais il s'agit du même principe à son origine. ou c'est au contraire un processus qui remonte vers l'Ordre perdu dont il procède. Ou encore l'évocation des maîtres du passé qui se tenaient dans l'harmonie naturelle du monde. S'il y a donc une liberté qui s'amuse à se perdre davantage dans l'enchevêtrement de la manifestation et à en goûter les délices dans le piège et le bourbier des seules sensations. eux qui parlent du vase vidé. cette liberté qui descend davantage dans le chaos des formes et des indéterminations en niant toute autorité. Avec des mots d'ordre. avec les conséquences mélangées qui s'ensuivent. ce qui se traduit dans le bouddhisme luimême: plus il deviendra une religion. perdre ses indéterminations pour retrouver l'Ordre perdu qui lui a donné le jour avant de se retirer. mais qui contient encore le parfum et une fine pellicule d'huile. Je le répète. transmission qui ressuscitait le paradigme de l'emboîtement de l'homme dans le Tao. se lance sur la piste de l'ordre perdu. et sans doute arborescence de structures.ne puisse pas se rapprocher du soi d'une manière graduelle. La liberté peut donc continuer de descendre. qui va du respect qui lui est dû jusqu'à la lutte contre l'inconscient. toute culture tend à récupérer cette ignorance sans la dénoncer outre mesure. cela se comprend dans la mesure où le mot recouvre mieux que tout autre le point de départ qui impose un changement radical. à domestiquer par la pratique de la religion. La vision de la liberté qui remonte sa propre pente est pérenne partout. fonde la tentative essentielle: changer le statut générique. Le Tao est au-delà des opposés. de faiblesses vues sans complaisance. C'est là que le judéo-christianisme et l'Islam montrent leurs limites. La manifestation s'apparente à un jeu divin. elle est fantasme. sous toutes ses formes. et aborder la question d'une autre manière. par simple reconnaissance. la même chose a changé de nom: les tendances entremêlées (à démêler) du Tao-tê-King sont devenues «souffrance-ignorance». contentons-nous seulement de diminuer notre obscurité. dans la possibilité d'expérimenter les deux mouvements avant de choisir. d'où la nécessité un jour ou l'autre de dépasser la religion pour toute notre espèce. Pas plus qu'il n'y a à se soumettre craintivement au Tao. La méditation ne peut s'accomplir que sur le terrain scabreux de l'ignorance reconnue. la dépasser. l'obscurcissent et le terrifient davantage. mise en scène. vulnérabilité. dès que le moi se penche sur son propre abîme. Reconnaissons fragilité. Premièrement parce qu'il se perçoit mal lui-même. et débouche dans l'essentiel pur. Un esprit entièrement conscient n'aurait plus besoin de méditation ou serait en méditation permanente. la pensée étant une sensation abstraite. C'est là que l'Orient escamote la création. Sinon. quelles qu'elles fussent. Une partie du rôle du maître a toujours été d'amener le disciple à reconnaître et à accepter l'incompétence de la volonté et de la pensée devant le mystère. il n'y a lieu de le mépriser. la combattre. La technique du zazen ne doit pas devenir prétexte à oublier ce voile ou à établir une contrefaçon du soi. et qui n'a pas eu l'insight poignant de sa propre impuissance à se comprendre. se moquant des intermédiaires qui montrent le chemin. mais c'est tentant de le faire. En quelque sorte. mais dans le prolongement d'une conscience incapable de se situer par rapport à elle-même. l'esprit doit s'abstenir de lui prêter des intentions. cette obscurité originelle. Le calme obtenu par les pratiques ne peut se confondre avec l'obtention définitive du «samadhi». Ce même principe fonde le bouddhisme originel. et qui subit dans le même flot homogène sensations. entités ou immortels. ce qui oblige le chercheur à s'enfoncer dans un ésotérisme inaccessible pour échapper au sentiment d'une puissance divine écrasante. qui est d'être séparé du réel. émotions et pensées. la profondeur intérieure se manifeste — trace indélébile du Tao lui-même. impuissance sans lutter. parodie mentale. d'approximations. la contrainte et le devoir pervertissent le mouvement spirituel. comprendre le Tout. l'esprit doit reconnaître qu'il est malade pour que la méditation puisse agir comme un remède. sans se sentir humiliée.dérober. tant les dieux eux-mêmes sont soumis (ou rebelles) au même Suprême. Cette obscurité est si profonde qu'à l'observer. confusion. C'était la voie préconisée dans le premier chapitre du Taotê-King. La profondeur se manifeste dans tout ascèse radicale. La subjectivité et l'objectivité coopèrent alors. Au lieu d'attribuer des mobiles anthropomorphiques et des finalités imaginaires au Tout. La méditation est une simulation pour toute personne qui s'y initie de l'extérieur. Un chemin universel s'ouvre qui emprunte un itinéraire particulier. Un jeu aléatoire gouverné par quelques règles comme tous les jeux. Si le cœur peut l'approcher avec amour. Articuler une pratique avant que l'aveu de l'obscurité n'ait emporté le moi dans le souhait de sa métamorphose ne sert de rien. pour mieux retrouver le Suprême en soi-même. aussi ténébreux que merveilleux. à la manière de l'homme. deuxièmement parce qu'il ne perçoit le réel qu'à travers des sensations. telle son ambassadeur. et à se relier correctement à l'univers. pour créer un soi artificiel. jeu divin dont les règles s'apprennent dans la joie et la disponibilité puis la sanction de l'erreur et de la souffrance. menant les deux procédures (ouvrir et fermer les yeux) de front au même moment. et guide la remontée de la liberté vers l'ordre perdu. en disant: obscurcir l'obscurité est la porte de la subtile origine. Le travail intérieur s'empare d'une masse de mensonges. et qui n'est plus un bourbier mais le retour à la consistance du réel. aussi profond qu'obscur. La peur et la menace. en présentant Dieu comme une autorité à laquelle se soumettre par principe. Elles s'installeront et montreront la véritable nature du moi. invention. Il faut accepter de vivre avec le voile obscur puisque il est l'occasion de s'en libérer. Nous avons une âme yin qui peut accepter. comme dans le bouddhisme il est séduisant d'avoir recours à la méditation. . la procédure de «fermer les yeux» n'étant pas enseignée. la descente et la remontée. approchée elle s'enfuit en séduisant davantage. sans compter. Rien ne peut enjoindre au moi d'être libre. à chaque moment l'on peut tordre le cou à cette complaisance du moi qui s'attache à l'expérience de la séparation pour s'arracher à ses rêves fermés — fonder des souhaits plus profonds dans la reconnaissance de l'ascension vers les principes. se dérobe au virtuose passé maître dans l'art de tendre des pièges. S'obéir à soi-même. Rien ne peut la commander de l'extérieur. le Bien. cherchent en eux ce qui les détermine et découvrent toujours plus de conditionnements. bien sûr. pour mieux venir à bout du chaos et de la pente de la liberté qui se perd toujours davantage dans l'efflorescence subjective n'est pas une méthode adéquate. Nommée. Ni la religion. elle accompagne la justice. elle serait la . et refuser le mystère exploratoire. elle devient mensonge. un emboîtement discret de programmations héréditaires. l'imposer. ses attachements au pouvoir. adhérer à des lois incomprises. qui finissent comme moi-même par ne plus en parler. suivre les signes de l'ascension vers les principes de l'ordre perdu par de l'obéissance convenue à des règles. Elle fuit ses courtisans acharnés et se dissout dans la main de celui qui vient de la cueillir. bien connue des Instructeurs. La carte du dessus. et plus elle se révèle plus il reste à révéler. Aussi. D'autres changent de piste. Le principe est celui de la manifestation. Elle échappe au tireur d'élite. Présumer de l'image de cet ordre perdu et le représenter. L'ascèse véritable se perd toujours à vouloir se définir et à s'orienter sur des repères extérieurs. Elle s'associe à toutes sortes de choses. Telle est la loi. comme si les panoramas célestes attiraient irrésistiblement l'adepte vers la négation de sa propre condition. quitte à prendre des vessies pour des lanternes. et qui le fonde dans sa rigueur exploratoire. ni la doctrine spirituelle. la décréter. finissait toujours par donner envie d'abandonner la Terre. compulsions de la personnalité qui se cherche une reliance sécuritaire au monde et au moi mental.La soumission à l'Ordre supérieur arrive quoiqu'il en soit. ni le maître lui-même. — bref. Le recours aux principes de l'ordre du dessus pour se laisser aller dans le chaos du dessous est une tradition universelle. idées fausses. Par définition. auxquels ils refusent dorénavant d'obéir. croyances sur le monde et les valeurs du moi. jusqu'à la mémoire de la race elle-même dont chaque individu porte une trace. de vivre pour une âme plutôt fantasmée que ressentie. ne constitue rien d'autre qu'une fuite. C'est une soumission que le chercheur du soi connaît sans l'enrober de la présence divine. c'est découvrir la liberté. lier la vie au Divin. notre age de fer s'est réfugié dans le ciel et y a logé l'autorité pour suivre des ordres simplistes. fausse ou vraie. c'est-à-dire que certains en profitent pour nier les semences évolutives que la liberté contient dans la recherche de l'Ordre du dessus pour glorifier le moi dans ses caprices. respirons au fond de la mer. 15 Koan:que serait l'utile sans l'inutile? La vérité n'est jamais comparable à un animal traqué dont la piste se perd et se retrouve. la Beauté. la justifier. lier le pouvoir du Temps au Soi. pour lier l'intelligence à la forme. ses convoitises. Tandis qu'il apparaît maintenant que l'ordre du dessus doit être cherché comme le secret même de la matière. Ces stratifications s'enfoncent très loin. À chaque instant l'on peut s'aventurer dans sa pente subjective. Elle se présente dans nos rêves quand l'impossible s'accomplit: nous volons tels des oiseaux. Cible. La vérité n'est pas un but. exprimé dans le Tao-tê-King: «Le Tao traite les hommes comme des chiens de paille». Les hommes ne font pas le même usage de la même chose. elle demeure tel un abîme. par une imitation de comportements ou l'adoption de valeurs religieuses ou abstraites. il suffirait de la localiser et de l'atteindre. mais elle ne peut pas naître d'une crainte ou d'un désir. voyageons entre les étoiles. afin qu'on cesse d'en faire un mauvais usage. La liberté est là en permanence. sa subjectivité puissante composée de voiles. qui se fonde dans l'observation. en quelque sorte. profond et vital. s'affirme entre le soi pressenti et le contexte contingent hérissé de piques et de pièges. c'est le concept qui s'oppose à l'approximatif. Dire que quelque chose est vrai. et se laisser bercer par le présent. C'est le réel qui montre le bout de son nez. et que la situation peut changer à n'importe quel moment. c'est un état d'esprit se nourrissant du Tout sans limites tout en embrassant l'ombre et la lumière. ne peut plus s'inscrire où que ce soit. et par le haut grâce à la remise en question permanente qui s'est installée. la puissance biologique s'apprivoise. voire le faux. et que le barattement a commencé. et que nos révélations trahissent. un regard jette bas les masques du mental jusqu'au point nodal où tout se transforme. la personnalité rend les armes. dont je maintiens qu'Il est muet. clamé avec véhémence et colorié d'idéal. comme dans le cas déclaré en Chine d'un conflit ouvert entre bouddhistes et taoïstes. sans qu'on y projette des doses surprenantes d'adversité ou de bienveillance. Le besoin de vérité. La vérité du rebelle est souvent vécue et intense. (presque) objectif. La vérité du croyant est déjà constellée de son fantasme divin. Le mental se dégage trop peu de la personnalité subjective pour que les choses apparaissent telles qu'elles sont. Dans un moi circulaire et visionnaire — libéré de la hantise mentale: faire dire aux choses ce que l'on a envie qu'elles disent par le discours le moins contestable possible. par le bas grâce à l'intégrité retrouvée du corps. aux considérations bien ficelées des enseignements. Le mental renonce aux friandises. pour autant. La vérité d'hier n'est pas celle d'aujourd'hui.parole de Dieu. Il se nourrira autrement. j'oserais dire sans légitimité cultivée. il perd de vue par la même occasion le souci de sa finalité et l'obsession de réussir. Cette habitude peut se perdre dans la quête sans objet et tandis qu'elle s'efface. La vérité du sectaire est conforme aux présupposés de sa propre voie. La vérité transcende les oppositions. qui ne changent rien sans une pratique profonde. Quand le moi n'a plus besoin de raisons pour chercher. bien que les formes pérennes subsistent. toujours teinté d'abstraction et l'exact. sont soit des néophytes. c'est exiger plus que de son exactitude et en attendre beaucoup trop. bien que le besoin de vérité subsiste en eux. dépassionné. Les formes émotionnelles qui avaient accompagné sa naissance diminuent. et dont le feu n'est pas toujours assez pur pour mener à la non-séparativité totale. soit des sectaires. Mais le trajet entre ce besoin. À l'heure actuelle. et une endurance nouvelle à subir les conflits. soit des intégristes. La vérité du chercheur docile est quelque chose qu'il répète parce qu'il l'a appris. L'exact est froid. Voilà ce qu'enseigne l'Orient. érodé par le temps. Le vrai est chaud. plus besoin d'images divines ou de prestige de soi-même pour continuer sa route. il brûle enfin naturellement et tandis qu'il perd le souvenir même de ce qui l'a allumé — ce premier appel mystique qui se heurte au monde et au moi. et les objets qui représentent la vérité et prétendent le nourrir. Car l'exact peut être vérifié alors que le vrai demeure un partipris subjectif. et qu'il faille les saisir avec une intelligence élevée qui surplombe les contextes fermés. avec l'accablante arrogance que l'on connaît et qui confine à l'absurde. quand le feu s'installe sans justification. mais constellée de l'intransigeance de ceux qui ne veulent se plier à aucune règle. La vérité ne peut être un objet — tout ce qu'elle peut être. Aussi faut-il considérer que ce concept est usé. devenus naturels par la simple friction acceptée entre le moi et le non-moi. comme celle de l'athée est souillée d'une volonté quasi-délibérée d'éviter les traces de la transcendance. entêtant. le chaotique. émoussé. Les êtres humains confondent le vrai. sans même l'avoir peut-être expérimenté. et rejette les vérités d'une voie voisine. avec toutes les transformations que cela exige pour en faire la fondation de la métamorphose. ne disparaît pas. alors que les deux doctrines s'originent dans la même révélation du soi pour libérer la vie de sa violence. totalitaire. Le vieux . là où nul ne l'attendait. le désordonné. qui sait se délivrer des buts et des causes. Plus personne de sérieux n'ose utiliser ce terme. Le vrai qui nous reste. c'est-à-dire l'exact. Attaquée. les particularismes et les contingences. ceux et celles qui sont le plus attachés à la vérité. alors qu'un tourbillon les emporte. Parce que le corps a été reconnu. Bien que j'essaie de favoriser l'éveil chez tout être. La rigidité intellectuelle se corrompt. conserve et défends. ou même les trois se combinent. empêche l'accès au soi. Les passions mentales. dans un système relativement homogène. et sans laquelle les plus belles lumières. la vérité n'est plus un but mais un simple repère toujours renouvelé. n'est accessible qu'à ceux qui peuvent la subir sans être à nouveau séduits par la face de la liberté qui chute dans le chaos des formes subjectives. de se conformer aux principes réels. s'étiolent. Je suis convaincu que les éléments ésotériques sont maintenant répandus et découverts. Les raisons pour lesquelles le soi ne s'obtient pas facilement varient d'un individu à l'autre. non pas à assassiner les derniers vestiges des révélations que je maintiens. un attachement à l'identité contingente. L'idée de la vérité devient un vieux déguisement que l'on jette. mais il n'est pas rare que deux. à partir de laquelle d'autres horizons s'ouvriront dans l'avenir. la désinvolture l'emportent sur le déchiffrage patient du chaos. Une voie traditionnelle. respectée et assimilée. la fantaisie. . les extases les plus enlevées. puisque la vérité y figure comme une simple chimère intellectuelle que l'itinéraire conventionnel brade. Dans tous les cas de figure. sans s'élever à la vision potentielle d'une transfiguration par l'engagement. Parfois même. les chemins convenus échouent. c'est-àdire la négligence du laisser-aller existentiel. mais cette vision. de ramification aux principes — tandis que sont acceptées les difficultés sans résistance. C'est alors que la promesse s'accomplit. peut mener au soi tout autant qu'une ascèse libre et profonde qui papillonne. le mal apparaît dans une splendeur terrifiante. les ambitions violentes du désir s'atténuent. qui laisserait entendre que le soi se laisse capturer par n'importe quel chemin. un paradoxe apparaît. si elle perdure. Mais ce que je remets en question. et qu'une candeur sans tache unie à une profondeur authentique. si elle est vraiment comprise. de trouver une voie traditionnelle authentique que de se lancer seul dans l'alchimie exploratoire. L'itinéraire s'évase sans danger. et le besoin ascendant. Certes. c'est qu'il soit plus facile — aujourd'hui même. Et je contribue donc. Dénoncer donc le convenu n'est pas louer l'improvisation pour elle-même. dans l'observation exacte du moi. Un attachement trop fort aux visions abstraites. puisque j'ai la chance de vivre avec lui et par lui depuis plusieurs de mes passages sur la Terre. l'interprétation des choses ne se renouvelle pas suffisamment. préférences et attachements. Non seulement une seule de ses sources. mais les chemins non convenus ne sont pas plus fiables si l'errance. de compréhension. au modèle de l'itinéraire choisi qui veut plier les choses dans une conquête dualiste de la vérité tout en conservant des jugements sur la qualité des événements. le moi s'identifiant exclusivement au passé sans découvrir le virtuel. l'aide que j'apporte ne peut pas se confondre avec une vulgarisation. mènent par le chemin qui s'évase aux expériences justes. aux canons de la voie. comme l'allié même du Divin qui se manifeste. une suite d'étincelles. au quotidien. ou tout simplement. des valeurs et des faits pour les êtres mentaux. mais à répandre un nouveau paradigme. sans que le chemin ne se perde. la puissance biologique s'apprivoise. et une nouvelle fois. L'expérience de plusieurs vies me pousse à nouveau à louer le soi comme la dimension spirituelle par excellence. Le vieux serpent mue. les peurs ancestrales se dissolvent. la perception du présent perpétue par trop les programmes déjà en place.la remise en question permanente qui s'est installée. mais les mêmes lois président. tant les moments révèlent par eux-mêmes de sources inconnues d'extases. Les erreurs viennent épauler les inspirations dans une rectification libre des mouvements intérieurs. à la position sociale. — intérieur. les signes avant-coureurs de l'éveil. un attachement trop puissant aux prérogatives vitales. une des plus profondes qui soient. les contacts énergétiques ne peuvent pas produire beaucoup de fruit. à l'usage des sens ou au contraire à un excès de pratiques cultivées pour les êtres à la personnalité puissante. Ou encore c'est la mémoire qui résiste. plus ce qu'ils disent se dispense d'être pratiqué et vérifié. 16 Koan: Renonce à la voie pour trouver le chemin. Il n'y a pas lieu d'appeler cela autrement qu'une règle. qui viennent à la surface d'une époque blessée. des moyens. Il est défavorable à l'esprit carré. tandis que les usurpateurs se multiplient. Partout la personnification des instructeurs remplace leur parole. Aujourd'hui. Ce contexte est favorable au chercheur imaginatif. ils ne cessent de se diversifier et de se multiplier. des changements. avides de savoir et de pouvoir. Alors que nous souffrions il y a peu encore de la pauvreté des témoignages spirituels. dont la seule issue est de se passer des paroles pour l'expérience — comme le stipule la Gîta elle-même. et pour qu'elle légitime le postulat préféré sur lequel est bâti le Tao-tê-King. Il suffit enfin. profondément cachées — l'affirmation de l'éveil et son prix. une identité de vision surprenante. Quant aux moyens eux-mêmes. des prédicats à droite et à gauche. (Insécabilité de l'univers). promettre — à tort ou à raison. de thérapies. une fatalité commune à toutes les révélations. qui se fondent sur leur ressenti mieux que les hommes pour suivre leur piste. et le rapport de la mémoire avec les mécanismes de défense et d'agressivité. et les mêmes mystifications. la non-séparativité de tous les événements. masculins. de disciplines. l'éventail des thérapies. et qui peuvent leur amener la souplesse. rares et rigoureuses. Cette efflorescence nouvelle favorise également les démarches spirituelles des femmes. et c'est le cas . de la violence de la personnalité. mais plus personne ne garantit qu'elles soient efficaces. qui touche à tout et ne s'arrête nulle part de peur s'emprisonner. amoureux des certitudes et solide. garanties par une autorité réelle qui possédait la parole transformatrice. dominé par les esprits forts. qui cherche un espace sûr à l'abri des fantaisies. fluide. les arts divinatoires humanistes. les boucles archaïques de l'instinct. les voies sont innombrables et découvertes. car les vrais maîtres disparaissent ou presque. censés posséder par eux-mêmes une valeur. nous tombons aujourd'hui sous une avalanche d'informations. rassuré par les structures. Auparavant. l'occultisme. le lâcher-prise. Partout les dogmes déguisent. et plus ils sont divinisés. en prenant acte (ce que le bouddhisme a toujours fait). Il est maintenant établi que les choses sur lesquelles nous comptions se dérobent. d'élargir l'approche des doctrines et de les approfondir. La psychologie moderne la fonde à son tour en énumérant les compulsions. Les traditions comportent les mêmes analogies fondamentales. Les réceptifs sont à nouveau favorisés. Une fois que les croyances s'étiolent. pour y creuser une voie concentrée. maquillent. au-delà des mots trompeurs et des concepts qui ne se recoupent pas.Car il suffit de tirer la psychologie vers le haut pour l'associer à une démarche sans angles morts. Il suffit de tirer la science vers le haut pour qu'elle avoue l'inextricable compatibilité de l'esprit et de la matière. enjoué. à travers toutes les formes d'énergie. C'est l'agencement de tous ces objets et processus évolutifs qui posent un problème — comment rendre homogène une vision qui emprunte des principes. dans le domaine qui est le nôtre. de tous les principes. pour trouver en leur origine. et les nouveaux messages médiumniques. les voies étaient sûres et cachées. il peut néanmoins demeurer certains investissements archaïques dans les objets spirituels. doctrines et pratiques confondues. si nous énumérons toutes les formes de méditation. où le spirituel s'élargit et se perd dans les domaines mitoyens où il se dilue. prostituent. la psychologie. qu'on peut qualifier d'universelle. si elles savent incarner ces valeurs dans le prolongement même de leur nature biologique. de tous les êtres. eux qui avaient perdu l'opportunité d'agir selon leur nature profonde dans les quatre derniers siècles de l'Occident. l'acceptation. responsable et créatif. le deviner. peut se lasser par lui-même des sensations ordinaires et y renoncer en partie sans effort. Il ne suffit pas de modifier les comportements. perpétuer l'espèce. Le détachement n'apparaît donc pas comme une sorte de but en luimême. Les sensations doivent changer. à quel point l'arbitraire la caractérise avec son cortège de violences. qui maquille l'ignorance générique. Une ordonnance jaillit d'elle-même. qui. Aussi dégager le moi du non-moi. en mettant en cause notre manière la plus archaïque de ressentir le monde — dans l'arborescence du plaisir et de la douleur. Ce travail suffit à libérer le mental de sa soif artificielle de savoir. sentiment du moi. Ce travail se fait dans le moi et par le moi. de gré en épuisant ses jouissances. Celui ou celle qui entre dans cette voie s'éprend de ce qui n'est pas lui-même mais qui le contient. l'aimer. Les techniques doivent non seulement apporter les moyens de remettre en question le vécu. attaque le problème à sa racine. gourmandise et complaisance. mais permettre au moi lui-même de changer. renoncer à toujours établir les choses et rechercher plutôt la coïncidence parfaite avec la nature et le Tout. non seulement survit à la grande désidentification du moi à son milieu et à l'autre. Le bouddhisme authentique se suffisait d'un exposé créant l'équivalence de la souffrance et de l'ignorance tout en remédiant à cette origine obscure par les prises de conscience et les pratiques qui détachent de cette souffrance — susceptible de renaître perpétuellement de ses cendres par l'attachement. Sensations. relations à la vie. Tous les moyens sont bons pour prendre du recul sur son ingérence dans le moi. et en incitant le mental à produire des valeurs où la quête du plaisir demeure. mais comme l'unique moyen pour que le moi vive en parfaite harmonie avec lui-même. et qui aide le positionnement du chercheur dans sa propre vie. il cherche lui-même à s'en affranchir et se débat contre les éléments archaïques de la personnalité vitale. dans l'intégrité de ce qui n'est pas humain. mais transfigure les relations. sans initier soi-même d'action. quels qu'ils soient. Vaincre la sensation générique. Le non-moi est tout ce qui n'est pas nous-mêmes. Un chercheur qui développe les sens subtils. Aussi est-il souvent une plongée vers les abysses. apprendre que l'informel existe et ainsi démystifier les objets. une fois installé. pressentir une identité sans contours.pour tous les outils qui caractérisent les formes de l'ésotérisme. car ce sont elles qui constituent la base de notre perception. le lot pesant de ce que le non-moi apporte au moi pour le nourrir. qui se connecte au Tout parce que la pensée active a disparu. L'amour. l'intuition. et qui pervertissent la disponibilité mentale pour l'assujettir à des fins contingentes. Ils sont nombreux. le défendre et le conserver. et enfin par les Idées. et rien d'extérieur ne peut l'aider. Mais d'autres voies existent. c'est-à-dire un envol qui éveille les sens à autre chose que le répétitif quotidien. qui enjoint colère et agressivité. tristesse et fuite. en établissant la souffrance-ignorance comme étant constituée par le jeu des sensations. Je mets à jour ici la fondation bouddhiste elle-même. ou de force en la domestiquant. C'est pour cela que l'attachement au plaisir est partout condamné. Puis il amène par la suite. sans dépendre des objets susceptibles d'être convoités ou redoutés. s'intéresser en premier lieu à l'univers au-delà du sensible. convoitise charnelle. le ciel chuchote. en incitant la personnalité à s'en procurer sans cesse. le toucher invisible qui consiste à ressentir les énergies les plus fines de la nature. avouée ou non. la réceptivité mentale pure. de crimes. C'est la voie préconisée dans le Tao-tê-King. Mais la sensation n'est que la base de la perception. un répertoire de limites qui se manifestent. Tandis que l'on intègre profondément à quel point l'humanité s'écarte de la rigueur de la création. de privilèges. l'essentiel de la démarche. L'ensemble de la perception mue. séparer le sujet des identifications qu'il subit ou génère vis-à-vis de tous les objets extérieurs. est le seul moyen de l'identité. caractérisant le sage et l'élu. de ce qui n'est pas corrompu par le jeu descendant de la liberté qui noue les hommes à une expérience brutale de la réalité. les cycles tissent des relations entre les choses. mais nous nous identifions tellement à lui qu'il manipule par les désirs et les émotions. puisque la sensation du plaisir contamine l'ensemble du moi. et dès que le sujet éprouve les limites des sensations. est la première porte nécessaire. la peur guidant vers l'évitement du désagréable et cautionnant la quête du plaisir fantasmé. S'habituer à l'illimité. bref de cruauté . et visent tous une libération de la condition contingente. puis par les sentiments. l'intelligence. La nature parle. sans même parfois s'en rendre compte. exemplaires. le taoïste traverse le monde humain. Il devient sensible au déficit énergétique consécutif à une sexualité trop importante et choisira de lui-même de la réduire.l'arbitraire la caractérise avec son cortège de violences. La voie dévotionnelle peut produire des êtres qui semblent parfaits en surface et entretiennent avec l'extérieur des relations impeccables. Une voie unique peut rassembler les deux aspects. Et ce modèle de voie n'a pas lieu d'en empêcher d'autre. avec le nouveau cycle supramental. le risque sera écarté d'oublier le corps. développement de l'intelligence. puisque aujourd'hui. pour gagner le soi. l'Ineffable que tout nom éloigne. le laisse derrière lui sans mépris ni ressentiment. d'ouvrir et fermer les yeux. pour vivre une dévotion extraordinaire dont ils chassent toute forme de religiosité facile (d'érotisme. des rôles à jouer. les abandonne en les remettant au Mystère pour ainsi commencer à se fondre dans ce qui préfigure le soi. Dans cette voie le risque commun est de ne vivre que pour le non-moi. vraiment amoureux de l'intelligence. parmi les plus efficaces. puis nous rattache aux plans transcendants de la manifestation. Voilà pourquoi il est utile de fonder le moi par rapport au non-moi. aussi subtil fût-il. le réel. dans des identifications supérieures. un lien plus net s'établit entre le dessus et le dessous. sens du subtil. mais qu'une vraie passion l'anime pour la profondeur. de privilèges. avec le Divin). Le chercheur spéculatif. le mystère. seulement un moyen. en quelque sorte. et travailler sur le détachement des sensations par le haut. son mental peut jouir à la fois d'une paix permanente et recevoir les influx célestes. S'il fait peu de cas des choses de la vie. les shakti (énergies essentielles). Si le moi va profond en lui-même. par lequel le moi analyse ses limites. Se dégage ainsi une voie du milieu qui ondule entre le travail pur de désidentification et de différenciation (fermer les yeux) et l'ouverture nourricière à toutes les échelles du Tao. ou encore de la maîtriser comme l'enseigne le tantrisme. qui ouvrent les chakras. Souvent. avant de l'abandonner. et d'oublier que le moi est le sujet. aime respirer et développer son ressenti. ne fonctionne plus. et qu'il ne sera pleinement lui-même qu'avec le soi qui lui donne ses lettres de noblesse. Rien ne dit qu'ils aient plongé suffisamment en eux-mêmes pour être les témoins de la conscience. Mais la haute spéculation mêlée à la contemplation et à la méditation n'est rien si elle n'est pas l'acte même. Le chercheur de coïncidence prend acte de son corps. plus qu'une volonté. plus qu'un être mental. méditation de principe. La lourdeur qui accompagne une alimentation trop abondante et trop riche poussera l'alchimiste à lutter pour diminuer ses prises de nourriture et jouir en revanche d'une plus grande virtuosité physique et mentale. dictent la conduite. y participe éventuellement mais avec un tel recul que le piège des masques. qu'ils sont à portée du soi qui rendrait leur réalisation parfaite. comme le stipule le premier chapitre du Tao-tê-King: Voie tracée n'est pas conforme au processus pérenne Les noms qui la caractérisent ne la rendent pas immortelle En ne nommant pas tu retournes à l'origine du Ciel et de la Terre . Il évitera les bavardages qui enlisent dans le contingent. et qui nous transforme. par leur flamme droite en fuyant toute représentation de ce qu'ils aiment. choisit un autre itinéraire. c'est-à-dire de garder à l'esprit que l'intérieur et l'extérieur se complètent. Mais la pratique du non-agir n'est pas un but. pour certains. le moi qui se tourne vers le Tao apprécie les choses que l'homme socialisé méconnaît ou évite. tout ce qui provient de l'extérieur. de crimes. ils s'arrêtent avant. bref de cruauté savante. Enfin d'autres encore sont capables de rejeter tous les aspects précédents. soumettent le moi contingent. Il peut oublier son corps et ses désirs dans l'absorption contemplative. un vaste sentiment d'être plus qu'un corps. focalisation sur la transformation de la sensation. sans se douter même. le non-mental. et réciproquement. La simplicité retrouvée. les vibrations énergétiques pures. bons et purs. mais non pour le mettre au service du plaisir. l'ancien danger pour qui procédait par l'élévation seule. la matière et l'esprit. de laisser au vestiaire les rôles. la volonté et la pensée. Mais elle nous enseigne aussi l'inverse. Elle permet une investigation libre de tout ce qui est dynamique et par là même contraignant.En nommant tu suis la mère des dix mille êtres Dans le vide sans volonté le mystère prodigieux se contemple Dans l'universel désir se saisit la manifestation des formes et des limites Même origine pour les deux — Mystère de ce Deux UN — Voir leur identité c'est être profond De profondeur en obscurité. Aussi l'idée même que l'on médite empêche-t-elle la méditation véritable. même si toutes ses formes ne peuvent se réduire à cette loi. La méditation permet. son milieu. Il aura fallu transformer le moi contingent pour parvenir à cette identité qui ne se confond plus avec le corps. en tout cas certains d'entre eux. Certains peuvent se contenter de cela. les fonctions. comme l'idée qu'on fait du zen prouve que l'on n'y a encore rien compris. qui ne recherche rien. Elle s'approche du silence. confine à l'immobilité. mais l'indication en soulignant la multitude des voies et de leurs adeptes pratiquant ceci ou cela. qui lui. et pour le vaste monde. son histoire. la substance incréée du vide. notre moi n'est que la trace de nos actes patents dans leurs conséquences. désengrammée. J'en apporte non la preuve. La méditation. elles ne donnent pas les résultats escomptés. des fantasmes bleus. est le seul moi qui puisse un jour ou l'autre obtenir le soi. n'est pas simplement un espace volé au temps ordinaire pour rappeler la verticalité. C'est un procédé à vrai dire naturel. sans nous laisser emporter par le mouvement mécanique de la vie et la rapidité de nos réactions. Si un arrière-plan mental dirige la méditation (ou la prière). l'énergie des formes. ce qui lui revient. Peu d'individus parviennent au Soi. afin de toujours mieux les choisir. mais que la société empêche puisque tout y est représentation et mémoire. La méditation nous enseigne que nous ne sommes pas nos actes (bien qu'ils portent nos propres traces). qui ne se confond plus avec sa vie. Puis elle revient au contingent. apparaissent comme des fantômes. tentons . vouée à aucun système. Pour les patriarches zen. La méditation propose un ralenti. nous sommes nos actes. pour d'autres elle initie le contact avec le non-né. plein de finalités convenues. modèle en quelque sorte du soi. ainsi qu'à la pertinence de leurs conséquences. aux limites. consacrée au Mystère ineffable. le désir. la conscience humaine pure. Dans cette mesure. si l'on me permet quelque peu de la caricaturer pour faire ressortir sa morphologie. Elle ouvre une intelligence pure. d'avoir fantasmé les moyens pour y parvenir au lieu d'avoir creusé davantage dans le matériau brut de leur ignorance. C'est la voie de la responsabilité pure. ce qui arrive souvent. d'obscurité en profondeur. mais le moyen pour laisser le moi non contingent s'emparer du vécu. à l'autre et à son regard. pour un instructeur capable de faire la pesée. de ce qui s'est passé. désagrège les images de soi qui sont liées à la représentation que l'on donne aux autres. elle peut être considérée comme un intermédiaire entre l'activité mentale et le soi qui se dérobe à la seule volonté. de la mémoire. les décider. s'ouvre la porte de toutes les merveilles 17 Énoncé du principe de base. à des investigations tous azimuts où les petits moi intérieurs. son contexte. et l'infime résultat. au rôle conscient et inconscient qu'on assume pour eux dans un éventail assez large et confus. ces choses-là ne sont rien d'autre que des chimères. pour s'en désidentifier et rendre à Maya. elle laisse affleurer l'esprit de nature. Le moi libre. universelle. d'autres comme moi. puisque tous les mouvements nous mélangent au monde. pour s'en dénuder et trouver le moi qui ne s'y perd pas. des illusions supérieures. d'un compromis entre le bas et le haut. Si les pratiques font perdre de vue leur véritable but. comme Sri Aurobindo. dédiée à aucun rôle particulier. adoucit les ambitions. Certains sont empêchés en premier lieu par tout ce qu'ils croient du monde. C'est un autre cas de figure. les projections. et l'empêchent d'accéder à la distanciation. Il n'y a pas de mesure des choses sans contours. ses illusions. et oppose à la personnalité recul. Il demeure important pour la Terre que des êtres se consacrent totalement au Mystère et parviennent vraiment au soi. le moi qui reçoit le soi s'est perdu lui-même en chemin. elles sont essentielles. Il ne m'appartient pas de juger de la valeur de ces mouvements qui se fondent sur des cosmogénèses et le présupposé d'une «finalité cosmique» en bonne et due forme et trop précise pour être réelle. modifie les buts. En réalité. il faut bien finir par le dire. développe la souplesse. croyant qu'il recherche la vérité. la voie doit correspondre à cet obstacle. celles qui établissent la valeur définitive d'une obédience. et que l'occultisme souille toujours. Il a renoncé à ses prérogatives. par le sentiment même du moi croyant qu'il est le moi. Les Yin peuvent aller vers eux-mêmes à condition de comprendre d'abord le relationnel et le monde. et dont la personnalité vitale souffre. Elles demeureront. Aussi. ce qui rend nos doctrines plus profondes et plus exigeantes que d'autres. L'expérience fait bifurquer. La pensée constructive est une illusion. avec le sentiment de percevoir la réalité. Seule son intuition le renseigne sur l'âme des choses.d'éveiller l'humanité non seulement au spirituel dans le mental. en premier lieu. Le chercheur du soi ne s'évade dans aucune vision du monde. les yin doivent se percevoir en tant que sujets. sur ce que l'on croit percevoir de la réalité pour les Yin. sur la création et le devoir de l'homme. voire archaïque. mais qui ne savent pas entraîner dans leur sillage de réalisation matérielle. D'autres sont empêchés en premier lieu par tout ce qu'ils croient sur eux-mêmes. le Tao. Ils composent une catégorie. Mais cet éclaircissement de la nature périphérique n'est que le premier pas. La première chose à faire pour eux. et elle se développe dans le labeur patient du feu continuel qui brûle les pensées. Les sensations doivent être déboutées jusqu'à leur racine si elles monopolisent les élans du moi. et aucune imagerie ne les représente. il se crée moins d'illusions que dans les univers spirituels qui ont réponse à tout. Dans cette mesure. raviver la flamme. qu'il aime Dieu. au bout de l'ascèse. à condition de pouvoir. mais dans tous les aspects du moi. Les qualités spirituelles les plus belles ne sont pas descriptibles. ni de chemin pour un lieu qui se trouve partout et nulle part. tandis que les yang doivent se percevoir dans la virtualité de la reliance. et se désidentifier d'eux-mêmes. avec sa constellation de résidus mémoriels et de caractères hérités. Il ne peut donc y avoir de philosophie de l'éveil. mais juste de leur interdire de prétendre avoir la clé de l'homme — ce que leurs représentations bien ficelées peuvent laisser entendre en comprimant tout dans la relation de cause à effet. apporter la parole nouvelle. servent souvent à creuser des ornières. est d'apprendre à «ouvrir les yeux» d'une manière nouvelle. il faut inverser les pôles. L'ascèse est informelle. le «désembourber» est nécessaire et passe par un lâcher-prise radical. Sur ce que l'on croit être pour les Yang. puisque l'obstacle fondamental pour chacun est différent. puis s'est délivré de toute réaction mentale. Ensuite. etc. puisque le soi ne peut être réduit à un objet. L'attachement à l'idée de soi-même est souvent aussi profond que la manipulation dont les sens sont l'objet. d'une pratique. avec une place nouvelle. le Divin. Il est devenu circonspect et attentif. Là. et se désidentifier de l'extérieur. et ne cherche pas à porter un drapeau. se fonder en eux-mêmes. ses buts et ses prolongements. il est clair que les inféodations diverses. Je ne peux donc citer dans les voies qui mènent au Soi aucun de ces mouvements qui se prévalent de synthétiser la connaissance. Il n'y a pas d'esthétique sans morphologie. d'un système. intervertit les priorités. calme et détachement. ou cité comme exotique. Mais pour les deux sortes. Il en a fini avec la culture de sa propre image. et se prolonge en changeant de forme. transformées. Les résistances à la non-séparativité peuvent être fièrement logées dans le mental. mais également plus sûres. Certaines choses ne peuvent pas être modélisées. il leur sera inutile de changer leur regard extérieur. tandis que le soi n'y est jamais mentionné. Tant qu'ils ne sauront pas «fermer les yeux» correctement. et toute l'activité mentale déployée à constituer les tenants et aboutissants du réel est une chimère. . à moins qu'il ne s'agisse d'un messianisme quelconque. Les Yang peuvent éprouver de la reconnaissance pour le Tout. pour mieux réussir. Là où certains disent «rejetez tous les gourous». les thérapeutes. si grave. le plus yin. tout en connaissant et pratiquant divers mouvements simultanément. au renoncement de s'inscrire où que ce soit. L'impermanence ne peut devenir un modèle sans pousser le moi à une errance perpétuelle. même le moi le plus docile. et la permanence ne peut tenir lieu de référentiel sans pousser au conservatisme. et inverser le yang en yin. peut un jour admettre les avis d'autres autorités. et qui les accompagne sur plusieurs années. Tout peut être indice. la faculté d'imiter. Tout est possible. C'est dans un abandon toujours plus profond que le chemin conforme au principe se dévoile. Les influences peuvent être mises en lice. Dans ce contexte. diminue et pousse le sujet dans ses retranchements pour qu'il renonce à une vision du monde dont il n'est pas l'auteur. du dilettantisme éclairé qui expérimente et comprend un grand nombre de traditions les unes après les autres. Les objets du Réel qui résistent à l'effondrement de l'esprit — à l'éveil. en suivi. et des pensées. mentionnés dans cet ouvrage. il me revient de montrer en quoi l'on peut se dispenser du garde-fou constitué par l'éveillé disponible à consulter. à condition de reconnaître au départ que le Réel est un océan à déchiffrer qui se dérobe. les maîtres. Mais à l'heure actuelle. et nous apprenons donc à ceux qui veulent se libérer par eux-mêmes à respecter quelques bases. et c'est donc peut-être une clé. difficile de les organiser (bien que je m'y emploie moi-même depuis plusieurs existences) sans une expérience profonde. Le mental fonctionne par la dualité. le déchet immense dans ce qui est vraiment intégré d'un enseignement. Harcelé par les conseillers. et il est exclu pour la plupart d'entre elles qu'elles puissent avoir un maître vivant auprès d'elles. Le langage change de signification quand cette navette devient naturelle et profonde. tout en ayant des chances de parvenir à l'éveil par sa propre synthèse. sont très peu nombreux et aucun nom ne leur convient. et à laquelle il obéit. Rester à la lisière de la construction des formes des désirs. le chemin est inextricable. qui deviennent d'ailleurs des autorités spirituelles incontestables pour les avoir toutes dénoncées. Et à l'inverse. auquel cas un cadre suffisant et évolutif se met en place. beaucoup de personnes se lancent dans l'aventure spirituelle. celui qui a toujours fièrement choisi sa route. reconnaître qu'il peut se tromper lui-même autant que les autres peuvent l'induire en erreur. signe de piste. et dont nous n'avons pas la clé. Je ne suis pas le premier à m'engager dans cette voie. j'affirme «embrassez les tous». La conscience peut même naviguer naturellement entre ces deux pôles par l'attention spontanée qui pousse soit à approfondir la représentation intérieure fournie par un objet quelconque (le perçu). Mais l'alternance du principe ouvre toutes les serrures. laisser se créer puis se dissoudre les objets est une politique légère qui permet au moi de toujours renouveler sa propre investigation (avoir les yeux fermés) autant que la scrutation spontanée du non-moi (avoir les yeux ouverts). ce qui est une manière de camper l'éveil dans un contexte historique. matériel et humain. Si elles sont nombreuses. d'un exemple. car le problème n'est pas d'établir la carte de l'univers mais vivre en son sein dans une reliance parfaite. Bien que cette optique permissive et aléatoire — celle d'évoquer l'éveil du soi par ses propres moyens — soit encore considérée comme une fantaisie au sein des lignées traditionnelles. Pour chacun. des impressions. c'est-à-dire concret. Il est inutile de les poursuivre. mais contrairement à d'autres qui viennent de l'illustrer en rejetant toute autorité de principe (et que je ne tiens pas à nommer). n'est pas un bon calcul.toute l'activité mentale déployée à constituer les tenants et aboutissants du réel est une chimère. et forcer ainsi le moi à se prononcer. nous sommes quelques éveillés à travailler pour une émergence plus libre du non-mental. soit à mieux observer l'objet jusqu'à ce qu'il fasse partie de soi-même. je fais le même témoignage en reconnaissant toutes les autorités spirituelles — ce qui revient en quelque sorte au même. ce qui échappe aux seuls iconoclastes des systèmes. et . à moins que l'on fréquente un maître particulier. d'une doctrine. Aussi se limiter à ne choisir qu'un type d'influences. comprendre quelques principes. peut en venir à se pencher sur lui-même et à se faire sa propre opinion en découvrant le renversement du yin dans le yang. Le moi que le soi approche se livre. à quelque chose d'inconnaissable. qu'il s'agisse de l'Absolu froid et indistinct.non pas dans le repérage de certitudes qu'il suffirait de fouler pour être dans la bonne direction. ou du Tout. Natarajan. Rien à conserver qui puisse disparaître. Il n'y a rien à établir qui ne le soit déjà. . comme une amante amoureuse se donne. C'est un moi qui a refusé de se légitimer lui-même. qui transfigure. Ce qu'il a «jeté pardessus bord» est incommensurable. ou de l'Amant divin qui impose à son soupirant des attentes qui le torturent. défiguré par le nom qui l'invoque. Il aura obtenu sa propre légitimité de l'expérience radicale de la non-séparativité. ou de l'Un. Le moi qui gagne le soi a lui-même détruit ses fantasmes transcendants dès qu'il voyait que leur image était encore un obstacle pour se connaître et s'abandonner à la totalité. Mars 1999.
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