Motivations et choix des étudiants en médecine français souhaitant accomplir une carrière chirurgicale: enquête nationale auprès de 1742 externes en DCEM4

June 16, 2018 | Author: Jérémie Lefèvre | Category: Documents


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Journal de Chirurgie Viscérale (2010) 147, 233—239

ARTICLE ORIGINAL

Motivations et choix des étudiants en médecine franc ¸ais souhaitant accomplir une carrière chirurgicale : enquête nationale auprès de 1742 externes en DCEM4夽 Motivations and choices of French medical students who wish to pursue a career in surgery: Results of a national survey of 1742 students in their 6th year J.-H. Lefèvre a,∗, L. Karila b, S. Kerneis c, M. Rouprêt d a

Service de chirurgie digestive, hôpital Saint-Antoine, Assistance publique—Hôpitaux de Paris, groupe hospitalo-universitaire Est, faculté de médecine Pierre-et-Marie-Curie, université Paris VI, 184, rue du Faubourg-Saint-Antoine, 75012 Paris, France b Service de psychiatrie et d’addictologie, hôpital Paul-Brousse, Assistance publique—Hôpitaux de Paris, groupe hospitalo-universitaire Sud, faculté de médecine Paris Sud, université Paris XI, 12, avenue Paul-Vaillant-Couturier, 94804 Villejuif cedex, France c Inserm, CIC BT505, CIC de vaccinologie Cochin-Pasteur, pôle de médecine, Assistance publique—Hôpitaux de Paris, faculté de médecine, université Paris Descartes, 27, rue du Faubourg-Saint-Jacques, 75679 Paris cedex 14, France d Service d’urologie, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Assistance publique—Hôpitaux de Paris, groupe hospitalo-universitaire Est, faculté de médecine Pierre-et-Marie-Curie, université Paris VI, 47—83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France Disponible sur Internet le 13 aoˆ ut 2010

MOTS CLÉS Divers ; Chirurgie ; Étudiants en médecine ; Études médicales ; Spécialisation médicale ; Carrière

Résumé But de l’étude. — Analyser les souhaits et les motivations professionnelles d’un large échantillon d’étudiants en médecine de fin de deuxième cycle pour leur choix de spécialités chirurgicales. Matériel et méthode. — En décembre 2008, 2588 étudiants ont participé à un examen blanc national. Avant d’obtenir leur résultat sur Internet, les étudiants étaient invités à répondre à un questionnaire qui comprenait des questions sociodémographiques, sur le choix de la spécialité et sur la motivation à faire carrière dans les spécialités chirurgicales. Les trois principaux facteurs de motivation conduisant à ce choix devaient être précisés parmi une liste de 11 items. Résultats. — Les étudiants provenaient de 39 facultés de médecine. Parmi eux, 1742 (67 %) ont répondu au questionnaire. Mille quatre-vingt-sept étudiants étaient de sexe féminin (62 %). Deux cent vingt étudiants n’avaient pas donné d’orientation professionnelle (13 %) et parmi

夽 Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc ¸aise de cet article, mais celle de l’article original par dans le Journal of Visceral Surgery, en utilisant le DOI S1878-7886(10)00087-1. ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (J.-H. Lefèvre).

1878-786X/$ — see front matter © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.jchirv.2010.02.002

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J.-H. Lefèvre et al. les 1522 réponses disponibles, 522 étudiants (34 %) voulaient s’orienter vers la chirurgie. Le sexe influenc ¸ait ce choix : 44 % des étudiants masculins (n = 252) voulaient devenir chirurgiens contre 29 % des étudiantes (n = 270) ; p < 0,0001. Les trois spécialités les plus prisées étaient la gynécologie (n = 137), l’orthopédie (n = 91) et l’ophtalmologie (n = 57). Le sexe influenc ¸ait l’activité : 82 % des futurs gynécologues étaient des femmes alors que 73 % des futurs urologues étaient des hommes ; p < 0,0001. L’intérêt des pathologies (n = 356, 23 %), la possibilité d’un exercice libéral (n = 280, 18 %) et la qualité de vie (n = 175, 11 %) étaient les motivations le plus souvent évoquées pour justifier le choix. Conclusion. — Un tiers des étudiants en médecine souhaitent devenir chirurgiens. La féminisation, la qualité de vie, les revenus sont les principaux facteurs qui influencent le type de spécialisation chirurgicale. © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDS Career choice; Medical student; Surgery; Specialization

Summary Study goal. — To analyze the desires and professional motivations of a large sample of final-year medical students regarding their choice to pursue training in surgical specialties. Material and methods. — In December 2008, 2588 medical students participated in the National Medical Examination; when the students sought to access examination results on the Internet, they were invited to respond to a questionnaire regarding sociodemographic information, their choice of specialization, and their motivations for choosing a career in surgery. They were asked to rank the three most important motivating factors from a list of 11 possible choices. Results. — The 2588 examinees were drawn from 39 French medical schools; 1742 (67 %) responded to the questionnaire. Sixty-two percent were female. Two hundred and twenty students (13 %) had not yet chosen a career path. Of the remaining 1522 students, 522 (34 %) were oriented toward surgery. Gender was an important factor: 44 % of male students (n = 252) and only 29 % of female students (n = 270) (p < 0.0001) elected surgery. The three preferred surgical subspecialties were gynecology (n = 137), orthopedics (n = 91), and ophthalmology (n = 57). Gender also influenced the choice of sub-specialty focus: 82 % of future gynecologists were female while 73 % of future urologists were male (p < 0.0001). Interest in specific diseases (23 %, n = 356), the possibility of private practice (18 %, n = 280), and quality of life (11 %, n = 175) were the most frequent factors evoked for a particular choice. Conclusion. — A third of medical students wish to pursue a surgical career. Feminine gender, quality of life, and anticipated remuneration are the principal factors, which influence the choice of surgical sub-specialization. © 2010 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Introduction L’Examen national classant (ENC) sanctionne depuis 2004 le deuxième cycle des études médicales, date à laquelle il a définitivement remplacé le concours de l’Internat [1—4]. La régulation de la démographie médicale en France est complexe et obéit notamment à l’utilisation de deux outils principaux dont disposent les tutelles que sont : le numerus clausus en PCEM1 et le nombre d’internes admis par filière à l’ENC. La tendance actuelle est à l’augmentation du numerus clausus par les pouvoirs publics puisqu’il est passé de 4000 à 7000 entre 2004 et 2008 et devait même être porté à 7400 étudiants admis en deuxième année de médecine en 2009. Les effets de cette augmentation brutale du nombre de praticiens en formation ne se feront sentir que dans cinq ans pour les effectifs d’internes et dans dix ans pour la population médicale. Dans le même temps, certaines spécialités chirurgicales sont actuellement menacées de pénurie démographique en France et tombent en désuétude car le nombre d’internes en chirurgie formés a été insuffisant pendant plusieurs années [4]. En 1999, la filière gynécologie a été créée à l’internat aux dépens de l’ensemble des autres spécialités chirurgicales. Entre 1999 et 2003, le nombre de postes d’internes de chirurgie à pourvoir en France était seulement de 360 par année. Depuis 2003, la démographie des internes de chirurgie a augmenté de plus de 30 %. Dorénavant, 550 internes

de chirurgie et 150 internes de gynécologie-obstétrique sont nommés chaque année en France [3,4]. Ce rebond est lié, d’une part, à la volonté gouvernementale de revaloriser l’accès à la chirurgie et, d’autre part, à l’arrivée progressive d’étudiants issus d’un PCEM1 moins sélectif qu’auparavant. Au cours de la dernière décennie, la profession médicale s’est amplement féminisée et la société franc ¸aise a connu des bouleversements profonds avec, par exemple, le passage aux 35 heures hebdomadaires de travail [5]. Les étudiants en médecine ne sont pas exempts de ces changements et peu nombreux sont ceux qui prétendent actuellement vouloir s’engager dans des carrières chirurgicales jugées trop contraignantes et parfois peu valorisées [5—8]. Face à cette pénurie d’internes, les spécialités chirurgicales se sont organisées tant bien que mal pour demeurer attractives et attirer les jeunes internes dans chaque filière [1,2]. Les internes qui s’engagent actuellement dans une discipline chirurgicale sont majoritairement ceux qui ont eu une expérience avec la spécialité au cours de leur externat [1,2]. La situation est complexe et plusieurs facteurs influencent le choix d’un étudiant vers une spécialité chirurgicale (contact préalable avec la spécialité, qualité de vie, revenus possibles, type d’activité. . .) [6—9]. Pour apporter des données épidémiologiques intangibles au débat en cours sur la démographie médicale et les filières de formation spécialisées, il nous a semblé utile de connaître

Motivations et choix des étudiants en médecine franc ¸ais souhaitant accomplir une carrière chirurgicale les vœux d’exercice professionnel des principaux intéressés, c’est-à-dire des étudiants en médecine, eux-mêmes, qui se destinent à la chirurgie. Le but de cette étude était d’analyser les souhaits et les motivations professionnels d’un large échantillon d’étudiants en médecine de fin de deuxième cycle afin de contribuer à la réflexion de l’avenir de la chirurgie en France.

Matériels et méthodes Au début du mois de décembre 2008, 2588 étudiants ont participé à un examen blanc national préparant aux ECN. Cette épreuve préparatoire a reproduit les conditions exactes des ECN (neuf dossiers, une épreuve de lecture critique d’article). Après deux semaines de correction, les résultats étaient disponibles sur internet. À l’aide d’un code et d’un mot de passe, les étudiants pouvaient connaître leur classement. Avant d’obtenir le résultat, ils étaient invités à répondre instantanément à un questionnaire électronique. Tous les étudiants ont rec ¸u des explications sur les buts de l’étude, sa nature confidentielle et ils étaient libres de ne pas répondre. Le sondage comprenait des questions sociodémographiques, sur le choix de la spécialité, et de l’intérêt et la motivation à faire carrière dans les spécialités chirurgicales. Les questions ont été déterminées par les trois auteurs (JHL, LK, MR) et fondées sur un examen de la littérature récente sur ce sujet [10,11]. Les questions sociodémographiques incluaient le sexe, l’âge, la ville actuelle de résidence et l’université. S’agissant de la spécialité préférée, un seul choix était possible parmi une liste de neuf possibilités : spécialités médicales, spécialités chirurgicales, médecine générale, pédiatrie, anesthésie-réanimation, gynécologie, psychiatrie, médecine du travail/santé publique et « ne sait pas ». Pour ceux qui avaient choisi chirurgie, il leur a été spécifiquement demandé de mentionner la discipline de leur choix parmi : ORL, urologie, viscérale, stomatologie, vasculaire, plastique, ophtalmologie, orthopédie et gynécologie-obstétrique. La gynécologie-obstétrique a été prise en compte volontairement car les internes de cette

Figure 1. de choix).

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filière choisissent au sein des internes de chirurgie pour les choix de stage à la direction régionale de l’action sanitaire et sociale (DRASS). En outre, les trois principaux facteurs de motivation conduisant au choix de la carrière devaient être précisés parmi une liste de 11 items : qualité de vie, intérêt des pathologies et des patients, activité libérale possible, activité hospitalière exclusive, facilité à trouver un poste d’assistant, revenus potentiels, challenge intellectuel, prestige de la spécialité, contact préalable au cours de stage, connaissances nécessaires à acquérir, contact avec le patient.

Analyse statistique Les résultats aux questions sont présentés par la moyenne pour les variables quantitatives (± déviation standard) et par l’effectif et le pourcentage pour les variables qualitatives. Des tests t de Student et du Chi2 ont été utilisés pour comparer respectivement les variables continues et quantitatives. Une valeur p < 0,05 était considérée comme significative. Les tests statistiques ont été réalisés par les logiciels StatView® (Version 5, 1992—1998, SAS Institute Inc., Cary, NC) et Statistical Package for the Social Sciences® (SPSS® , version 16, Chicago, IL).

Résultats Population d’étude Deux mille cinq cent quatre-vingt-huit étudiants provenant de 39 facultés de médecine franc ¸aises différentes ont participé au concours blanc et 1742 (67 %) ont répondu au questionnaire sur Internet. Les trois principales villes franc ¸aises (Paris : n = 352 ; Lyon : n = 211 ; et Marseille : n = 90) représentaient 37 % de l’effectif. Environ deux tiers des étudiants étaient de sexe féminin (n = 1087 ; 62 %). L’âge moyen au moment de l’épreuve était de 23,8 ± 1,4 ans (22 à 35 ans) et la totalité des étudiants était en sixième année (DCEM4).

Choix des vœux de spécialisation de 522 étudiants en DCEM4 voulant devenir chirurgiens (par ordre croissant des pourcentages

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J.-H. Lefèvre et al.

Choix d’une spécialisation chirurgicale Deux cent vingt étudiants n’avaient pas donné d’orientation professionnelle (13 %) et parmi les 1522 réponses disponibles, 522 étudiants (34 %) avaient exprimé leur désir de s’orienter vers une discipline chirurgicale. Le sexe influait significativement sur ce choix : 44 % des étudiants masculins (n = 252) voulaient devenir chirurgiens contre 29 % des étudiantes (n = 270) (p < 0,0001) ainsi que l’origine géographique : 42 % des parisiens contre 32 % des provinciaux (p = 0,0006).

Type de spécialisation La Fig. 1 représente les souhaits d’orientation par discipline des 522 étudiants voulant devenir chirurgiens. Les trois spécialités les plus prisées étaient la gynécologie (n = 137), l’orthopédie (n = 91) et l’ophtalmologie (n = 57). Le sexe influenc ¸ait le type d’activité : 82 % des futurs gynécologues-obstétriciens étaient des femmes alors que 73 % des futurs urologues étaient des hommes

(p < 0,0001). Les choix en fonction du sexe sont détaillés sur la Fig. 2.

Motivations des futurs chirurgiens La Fig. 3 détaille l’ensemble des trois motivations rapportées par les étudiants pour expliquer leur choix de se spécialiser en chirurgie. Parmi les 1566 motivations, l’intérêt des pathologies (n = 356 ; 22,7 %), la possibilité d’un exercice libéral (n = 280 ; 17,9 %) et la qualité de vie (n = 175 ; 11,2 %) étaient les raisons le plus souvent évoquées. La répartition des six principales motivations (qualité de vie, challenge intellectuel, activité libérale, intérêt des pathologies, revenus possibles et contact avec le patient) différait selon le type d’activité chirurgicale. La qualité de vie était plébiscitée par les futurs ophtalmologues (47/57 ; 82 %), le contact avec le patient par les gynécologues (89/137 ; 65 %) alors que seuls 43 % des futurs plasticiens (21/49) citaient l’intérêt des pathologies et des patients. Les pourcentages respectifs de ces six motivations selon les spécialités chirurgicales sont détaillés sur la Fig. 4.

Figure 2.

Choix de spécialisation chirurgicale de 522 étudiants en DCEM4 voulant devenir chirurgiens, en fonction du sexe.

Figure 3.

Motivations des 522 étudiants en DCEM4 voulant devenir chirurgiens (par ordre croissant des pourcentages de choix).

Motivations et choix des étudiants en médecine franc ¸ais souhaitant accomplir une carrière chirurgicale

Figure 4.

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Répartitions des principales motivations selon la spécialité chirurgicale (en pourcentages).

Discussion Au 1er janvier 2007, les spécialités chirurgicales comptaient 25 294 praticiens en exercice [12] dont 62 % dans les établissements privés, 31 % en hôpital public, 6 % en établissements privés participant au service publique hospitalier et 1 % dans d’autres types de structures. Le métier est majoritairement exercé par une population de praticiens issue du baby-boom, puisque plus de 55 % de l’effectif total a plus de 50 ans. D’ici 2019, les effectifs des praticiens hospitaliers en chirurgie devraient diminuer de près de 30 % en raison des départs à la retraite prévus. Toutes les spécialités chirurgicales seront touchées. Cette pénurie à venir a été de nombreuses fois évoquée par les syndicats et autres associations de chirurgiens avec même des campagnes d’affichage nationales. Cette crise contraste avec les excellents résultats de la médecine franc ¸aise dans les classements mondiaux et les prouesses chirurgicales médiatisées de certaines de nos équipes [13,14]. L’Académie de chirurgie observait récemment que la place de la discipline chirurgicale devait être impérativement revalorisée dans notre système de santé et dans notre société. Les deux mots clés de cette revalorisation pour sauver la chirurgie sont : pénibilité et rémunération. Les rémunérations des chirurgiens franc ¸ais sont inférieures, d’une part, à celles des autres disciplines et, d’autre part, aux gains des chirurgiens étrangers exerc ¸ants dans des pays dont le niveau de vie est comparable à celui de la France. Afin d’évaluer les spécialités chirurgicales privilégiées par les étudiants et connaître les motivations qui dirigeaient ces orientations, nous avons réalisé une étude lors de l’examen blanc de préparation à l’ECN organisé par la Revue du Praticien et les laboratoires Sanofi-Aventis® . Ce type d’étude avait l’intérêt d’obtenir une participation de plus d’un tiers des étudiants en sixième année en France, provenant de la totalité des 39 facultés de médecine sur un délai court de moins d’une semaine. Avec une participation de 1742 étudiants, cette étude constitue une des plus larges et des plus représentatives sur ce thème, la majorité des études franc ¸aises provenant d’analyses des affections à la suite du concours de l’Internat ou des ECN, c’est-à-dire en fonction du classement obtenu qui ne reflète pas toujours le désir de l’étudiant.

La féminisation de la population médicale est encore confirmée par cette étude avec un sexe ratio de 1,5 étudiantes pour un étudiant. Cette évolution démographique est également observée dans les autres pays développés [15—20] et aux États-Unis, le taux d’étudiantes est passé de 13 % en 1970 à 49 % en 2007 [21]. Ce changement radical de la population médicale va évidemment entraîner des modifications dans les choix de spécialités. Dans cette étude, les hommes étaient significativement plus attirés vers les spécialités chirurgicales (44 % contre 29 % ; p < 0,0001). Ce résultat confirme les données d’études précédentes américaine [22] ou franc ¸aise [8]. Mais le sexe a également une influence majeure sur le choix de la spécialisation chirurgicale. La gynécologie-obstétrique reflète ces évolutions : l’attrait de femmes pour cette spécialité est marqué avec plus de 80 % de femmes parmi les futurs gynécologues. De surcroît, la féminisation importante des étudiants en médecine explique probablement que cette spécialité soit la plus choisie (Fig. 1). Concernant les différentes spécialités chirurgicales, cette étude confirme le désintérêt de certaines spécialités comme la stomatologie et la chirurgie thoracique-vasculaire. Les motivations des futurs chirurgiens étaient dominées, outre l’intérêt des pathologies, par la possibilité d’activité libérale, la qualité de vie et les revenus. Ces données sont comparables à celle des autres études mondiales. Cet aspect a déjà été observé aux États-Unis où le désir d’une « bonne » qualité de vie était responsable de plus de la moitié des changements d’orientation professionnels des futurs médecins entre 1996 et 2002 [23]. L’aspect financier est une donnée assez nouvelle pour les médecins franc ¸ais et qui reste très en dessous des pays anglosaxons où, dans certaines études, 40 % des étudiants américains déclarent qu’ils ne veulent pas devenir généraliste en raison des revenus trop faibles [24]. Les évolutions actuelles des réformes visant à réduire l’activité libérale et les rémunérations potentielles des futurs chirurgiens sont donc possiblement néfastes quant aux vocations chirurgicales. Il sera difficile de continuer d’escompter motiver des chirurgiens en optant sur l’utopie de la seule gratification liée à la vocation [5]. De surcroît, les motivations varient selon les spécialités, la chirurgie plastique qui attire de plus en plus d’internes est plébiscitée pour la qualité de vie, l’activité libérale

238 et les revenus possibles. La gynécologie est marquée par le contact avec le patient, qui est une caractéristique des étudiantes en médecine par rapport à leurs homologues masculins. Le sexe n’est donc pas un déterminant indépendant mais il reflète donc également une combinaison de certaines facteurs [20]. Certains biais sont cependant présents dans cette étude. L’inscription à un concours blanc de préparation aux ECN induit une sélection des étudiants les plus motivés même si l’effectif de 2588, qui représente plus de la moitié du nombre d’inscrits aux ECN de 2007, permet une extrapolation des résultats à la population générale. Il faut également noter que les disciplines « neurochirurgie » et « chirurgie pédiatrique » n’étaient pas proposées au choix, ce qui a pu légèrement modifier les réponses. Cependant, un item « autre choix de spécialité » était proposé aux étudiants et aucun des étudiants sondés n’a précisé une orientation vers la neurochirurgie ou la chirurgie pédiatrique. Cette étude donne un instantané de la vision des étudiants franc ¸ais en sixième année à la veille de l’ECN et donc de leur Internat. La chirurgie intéresse environ un tiers des étudiants franc ¸ais. Le type d’activité dépend de multiples facteurs (sexe, qualité de vie, type d’activité, revenus. . .). Pour pallier aux carences qui vont survenir dans certaines spécialités, plusieurs solutions existent : rendre plus attractive les spécialités dépeuplées (ce qui passe notamment par une revalorisation des actes) et la filiarisation généralisée des spécialités. Cette dernière option, plus contraignante, a été instituée pour l’anesthésie en 1999. Le choix anesthésie-réanimation a été désolidarisé des spécialités médicales. Pour la chirurgie, l’interne ne choisirait plus un poste en « chirurgie » mais en orthopédie, en neurochirurgie ou, en thoracique... Les postes seraient régulés d’une année à l’autre en fonction des besoins rapportés par les représentants de chaque spécialité. En revanche, l’augmentation brutale du numerus clausus en première année de médecine qui doit passer de 4000 à 7000 dans les trois prochaines années ne permet pas d’assurer que les étudiants choisiront une spécialisation qu’ils ne trouvent pas attractive. De plus, il sera nécessaire de réorganiser l’accueil des nouveaux étudiants à la fois dans les facultés et dans les services hospitaliers afin de pouvoir leur offrir le meilleur enseignement théorique et pratique.

Conclusion Les réponses à la désaffection de la chirurgie sont multiples et souvent coûteuses. Toutefois, certaines d’entre elles sont évidentes à la lecture de cette étude. Si la France veut continuer à se doter de chirurgiens compétents, dévoués et volontaires dans toutes les disciplines, il faudra probablement mener une véritable politique incitative et donner les moyens à la chirurgie d’être une profession revalorisée dont la pénibilité est enfin reconnue. L’enjeu est d’importance car c’est à ce prix que les jeunes reviendront vers la chirurgie.

Conflit d’intérêt L’auteur déclare ne pas avoir de conflit d’intérêt.

J.-H. Lefèvre et al.

Remerciements Les laboratoires Sanofi-Aventis® et la Revue du Praticien pour l’organisation du concours blanc, la gestion du questionnaire et la collecte des données. Les auteurs tiennent à remercier tous les externes qui ont accepté de participer à cette étude.

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