LES PEINTURES RUPESTRES A TEGDAOUSTUne grande quantité de grottes contenant des peintures d’intérêt inégal a été repérée autour de Tegdaoust. Nous donnons ici, sous la plume particulièrement autorisée du Professeur Mauny un premier exemple de ces découvertes. c I. - LES PEINTURES RUPESTRES DE L’ABRI D’AGUENTOUR EL-ABIOD A TEGDAOUST V U par Raymond MAUNY Professeur à la Sorbonne v Peu de sites à dessins rupestres avaient été trouvés jusqu’à ces dernières années dans le massif du Rkiz. P. Bœry en signalait deux1, dont le plus important était la grotte de Tarf echCherif près de Togba, qui fut étudié par Th. Monod1. Il s’agissait d’inscriptions arabes modernes peintes, dont certaines en caractères cryptographiques ibraniyya. En 1946, G. Labitte, photographe de l’ IFAN, passait à Tegdaoust et Togba et y découvrait des peintures et gravures modernes, en particulier des jeux gravés sur le plancher d’un abri1. Tous ces dessins étaient modernes ou subactuels, et sans grand intérêt à part les inscriptions ibraniyya. Par contre, de grande importance s’avéra la découverte faite, dans l’abri sous roche d’Aguentour El-Abiod, de peintures d ’époque chevaline. M. Chevance, résident de Tamchakett, les indiqua début 1960 à G. Bracher, cinéaste, lequel, de passage à Tegdaoust, en prit plusieurs photographies qu’il me montra à Dakar : trois chars étaient du nombre. La présence de ces chars en ce lieu que l’on avait de bonnes raisons d’identifier à l ’ancienne capitale Awdaghost, venait confirmer l’antiquité de l’occupation du site. L ’abri sous roche d’Aguentour el-Abiod (la grotte blanche) se trouve à 400 m environ au sud-est de l’extrémité méridionale des ruines de Tegdaoust, à mi-pente de la falaise, abrupte à cet endroit, formant au nord une vallée sablonneuse menant aux ruines de Togba. L ’abri, masqué par de gros éboulis, se voit cependant assez bien de la vallée : il sert de gite la nuit à de nombreux pigeons de rocher ( Columba livia gymnocyclus), qui sont sans doute les « oiseaux qui ressemblent à des colombes, si ce n’est qu’ils ont la tête plus petite et le bec plus gros » — qu’al-Bakri signalait à Awdaghost (1913, p. 299). L ’abri, d’une vingtaine de mètres de long, est formé par un effondrement ancien de la voûte et il faut escalader les éboulis pour y accéder. Il constituait un poste d’observation de choix pour des guetteurs surveillant les approches sud du point d’eau et de l’agglomération.1 3 2 1. B œ r y Lt : Le Rkiss (Mauritanie). Essai de monographie locale. Bull, du Com. Et. hist. et Sc. AOF, 1923, p. 362. 2. M o n o d Th. : Contribution à l'étude du Sahara occidental. Gravures, peintures et inscriptions rupestres. 1938, pp. 72 et 121-124. 3. M a u n y R. : Gravures, peintures et inscriptions rupestres de l'Ouest Africain. 1954, pp. 70 et 73. 71 .Le combat chamelier contre cavalier.Relevé des peintures (M. Fig. Une épaisse couche de guano de pigeons emplit en partie la fissure principale de l’abri au pied des peintures. Noter que le cavalier recouvre à droite des quadrupèdes plus 72 . outre les damans et les pigeons qui en font leur séjour.TEGDAOUST I Fig. il n’est nullement impossible que les étroits boyaux sombres qui y débouchent servent de refuge à des hyènes ou des guépards. 1). . 1. Ces dernières sont réparties en deux endroits : un grand panneau vertical formant le fond de l’abri et le plafond (Fig. Raf La disposition des lieux ne le rend pas commode pour une habitation fixe et il est à noter qu’il n’a pas été aménagé avec des murs et des silos à provisions au contraire des abris tout proches du plateau qui le domine. D ’ailleurs. 2. Il a fallu mouiller le dessin pour le décalquer. tournée vers le sol. et surtout sa coiffure rayonnante. Assez effacé. tête haute. 3. dont je ne connais pas d’autres exemples. porte sous la bosse un quadril lage qui peut représenter une couverture. Le cheval a 26 cm de long sur 20 de haut. tient un bouclier dans une main et sa lance. rappelant les « hommes en diabolo » des dessins libyco-berbères. 1° Le panneau vertical. Fig. sa queue pend à terre.L ’ inscription arabe de gauche (photo B racher). surtout le cavalier. Le chamelier tient dans une main un bouclier rond et dans l’autre une longue lance à l’extrémité triangulaire pointée contre le cavalier.A B I O D la paroi (gauche) et du plafond (droite). semblable à celle du chamelier.L ES P E I N T U R E S R U P E S T R E S D E L ' A B R I D ’ A G U E N T O U R E L . Son corps est difficile à interpréter. mais il faut noter la forme triangulaire de sa poitrine. 73 . . Il comprend de gauche (nord) à droite (sud) les peintures suivantes : — Scène de combat entre un chamelier et un cavalier (Fig. vu de face. 2). Le cavalier. sa coiffure est en forme de haricot. Le chameau. de 36 à 28 cm. à demi-effacé en bas. immédiatement à droite du cavalier à coiffure rayonnante. l’une en bas. Ces inscriptions seraient des déclarations amoureuses. . Ocre rouge. Le dessin en est assez malhabile. — Une chasse à l’autruche. l’autre en haut à droite. — Deux inscriptions arabes. cette dernière de deux lignes. 74 . — Un dessin énigmatique (cercle. l’ocre jaunâtre recouvre l’ocre rougeâtre de ces animaux. Ocre rouge. Ils sont peints en ocre rougeâtre et sont antérieurs comme date aux précédents : en deux endroits. Ocre rouge. L ’autre char et le lancier armé d’ un bouclier long sont visibles derrière le long cou du quadrupède (photo B racher). Fig. avec une croix et quatre points à l’intérieur. — Plusieurs quadrupèdes difficiles à déterminer (sauf un cheval monté) sont visibles. Marque de tribu? — Un cavalier et d’autres animaux presque effacés. 4. Ocre rouge. — Une inscription arabe de quatre lignes. au-dessous. —• Une troisième inscription arabe de cinq lignes. —■ Une seconde inscription arabe d’une ligne avec. 3). Ocre rouge. à l’ocre rouge (Fig. D ’autres dessins plus effacés encore se devinent dans ce secteur (animaux schématiques.Le quadrupède ( girajel) ayant derrière lui un char attelé de deux chevaux. Ocre rouge. mais assez effacés. presque complètement effacée (cavalier à droite poursuivant une autruche à gauche). deux demi-cercles attenants et deux lignes à l’extérieur.TEGDAOUST I La couleur des deux sujets est ocre jaune clair. des animaux schématiques maladroitement dessinés. figures géométriques). Seules. Timon. Les chevaux ne sont pas dessinés. et à crinière (cheval?) mais l’hypothèse girafe n ’est pas exclue. étranglé en son milieu. L ’un de ces derniers. aux pattes fourchues (girafe ou cheval?) (Fig. L ’artiste. Un groupe de six personnages vêtus. a représenté plusieurs sujets. Un char attelé de deux chevaux. 1er millénaire avant J. Nous aurions affaire dans les deux cas. comme dans le cas précédent. derrière le cou du quadrupède (le poursuivant?) un char à deux roues. à un endroit où il est bas.L ES P E I N T U R E S R U P E S T R E S D E L ’ A B R I D ’A G U E N T O U R E L . Un quadrupède de 35 cm de long sur 30 de haut à la queue démesurée. donc facile à atteindre.5 cm de long (timon. 4). Derrière le quadrupède. 75 . tous à l’ocre rouge. à la robe bariolée. de 25 cm de long sur 11. plancher) sur 10. le timon.3 cm de large (roues) d’un type connu d’autres sites rupestres. le plancher et le conducteur. de 9. tenant à la main les deux rênes (Fig. juste avant notre ère. aux pattes se terminant par des pinces. L ’ensemble des peintures de cet abri ressortit donc de trois époques différentes : 1° Groupe chevalin (passage du néolithique à l’âge des métaux). à timon et plancher semi-circulaire. à cause de la taille de cet animal par rapport au char qui le suit (ou le poursuit?).-G. Un quadrupède de 50 cm de long x 40 de haut à long cou et longue queue. et probablement ici. le bas de leur vêtement est bouffant et tombe à mi-jambes. aux mains écartées du corps. Derrière la tête de ce quadrupède. la fin de cette période. forment une seule masse de couleur.5 de large. un second char. ainsi que le conducteur. Il est curieux de noter que les dessins les plus intéressants — mis à part le combat entre chamelier et cavalier — se trouvent sur le plafond de l’abri. coiffé de trois plumes. si cette hypothèse est exacte. assez malhabile du reste. à une chasse à la girafe à l’aide de chars. mais où il devait être bien malcommode de dessiner. 5). A côté de cette lance. armé d’une lance de 21 cm de haut et d ’un bouclier long de 9 cm. Deux chevaux le tirent. un homme de 15 cm de haut. plancher et roues sont représentés en plan.A B I O D 2° Le plafond. les deux roues et l’une des rênes se détachent de l’ensemble. Peut-être est-il contemporain des premières incursions arabes au sud du Sahara (vm e siècle)? La facture assez bonne du dessin. oct. l’Adrar de Mauritanie. groupe des six personnages. Not. Alger. implique une date relativement tardive à l’intérieur de ce groupe. 1947 (1950). M a u n y : Encore les chars rupeslres sahariens. M a u n y : Nouveaux chars rupeslres sahariens. Air. Le combat chamelier-cavalier. Il n’est donc aucunement interdit de penser que ce site privilégié — et qui l’était encore davantage avant le dessèchement de ces deux derniers millénaires — était déjà le siège d’une agglomération. 2° Groupe libyco-berbère (200? à + 700. soit donc une dizaine de siècles avant que Ghast fut mentionné pour la première fois par Yakoubi à la fin du ixe siècle. par des chars qui reliaient le Sud marocain à la boucle du Niger vers Goundam. avec quelques séquelles plus tardives). Il appartient à l’archéologue de vérifièr. Th. s’opposent à lui assigner une date trop récente. R.TEGDAOUST I S’y rattachent: toutes les peintures du plafond: chars. préh. cavalier) du panneau vertical juste à droite du combat chamelier-cavalier. La présente découverte montre qu’une rocade a fort bien pu atteindre le Rkiz et il est symptomatique de noter que c’est précisément au meilleur point d’eau de ce massif que cette trouvaille a été faite. pp. M a u n y : Autour de la répartition des chars rupeslres du Nord-Ouest Africain. qui leur sont d’ailleurs antérieurs de quelques siècles tout au plus. pp. à la fin du 1er millénaire avant J. ju il. R. la patine asse_z effacée. A ce même groupe doivent appartenir les dessins des autres abris de Tegdaoust. de paillotes vraisemblablement. 1. 741-746. en passant par le Zemmour. La présence du chameau qui ne s’est vraiment répandu au Sahara que vers le + m e + ive siècle. au surplus. A noter que leur armement (lance de fer. 1952 (1955). 112-114. 1951. 341-347. 181-197. M o n o d et R. IFAN. Afr. si leur monture et leur coiffure ne le sont pas. si cette hypothèse mérite d’être retenue. L ’importance de ce site rupestre provient de la présence des chars. 1949. pp. 71-72. . S’y rattachent : les inscriptions arabes et les animaux schématiques dessinés entre les inscriptions. et entre autres celui situé à 200 m au nord d’Âguentour el-Abiod sur le flanc de la même colline (quadrillages). lancier au bouclier. n° 55. centre de culture mais aussi centre commercial. pp. C a u n e i l l e : Nouvelles figurations rupeslres de chars au Sahara occidental. R. Actes du II0 Congrès panafr. girafes (?). bouclier rond) est identique. les animaux peints à l’ocre rouge (quadrupèdes indéterminés. Il est désormais admis que le Sahara occidental était traversé par une « route » parcourue. le pied de la falaise Tichitt-Oualata et aboutissant à Tondia sur le lac Télé. 1952. B. au contraire de celle des animaux schématiques représentés au milieu des inscriptions arabes. par des fouilles profondes sur le site même des ruines de Tegdaoust. 3° Groupe arabo-berbère ei moderne ( + 700 à nos jours). Peut-être la chasse à l’autruche et le cavalier de l’extrême droite. n° 44. à l’époque où ces chars furent dessinés. IFAN. pp. M o n o d et Cap.-C. M a u x y : Une route préhistorique à travers le Sahara occidental. Th. Not. les inscriptions paraissant au contraire subactuelles. La question de la route occidentale des chars au Sahara a déjà fait l’objet de plusieurs études1. Et peut-être. Bull.
Report "Les Peintures Rupestres de l'Abri d’Aguentour El-Abiod"