Le Bal Des Celibataires

March 27, 2018 | Author: divna | Category: Marriage, Estate (Law), Kinship, Science, Society


Comments



Description

Pierre BourdieuLeBal des célibataires Crise de la société paysanne en Béarn / Editions du Seuil ISBN 2-02-052570-4 © Éditions du Seuil. mars 2002 a Le e~ de la propriété imellecrucllc interdit les copies cu rcproducti?O-~ destioé<':s ~oc; unlisation coll<X.1ive. Toutc rcprésentalioo ou rcproduction intégraíeou partietlc f~n.e par quclq~.pmcedc ue ce soír sans lc consemement de l'auteur nu de se, ayeras cause, est Ilhenc. el e.on'tltue une ¿Ol1tref~' sanctionréc par les articlcs L,335·2 cl stnvanrs du endc de la propnélé mtc\lccluellc www.seuil.com « Le bal de la Noél se tient dans l'amere-salle d'un café. Au centre de la piste, brillamment éclairée. une dizaine de couples dansent sur des airs a la mode. Ce sont surtout des "étudiants", éleves des cours complémcntaires ou des colléges des villes voisines. pour la plupart originaires du bourg. Et aussi quelques militaires. de jeunes citadins, ouvricrs ou employés, portant blue-jcan el blouson de cuir noir, nu-téte ou coiffés d'un chapeau tyrolien. Parmi les danseuses. plusieurs jeunes filies vcnues du fond des hameaux les plus recules. que ricn ne distingue, ni dans le vétement ni dans la tenue, des autres natives de Lesquire travaillant a Pau. couturieres, bonnes ou vendeuses. Des jeunes filies ct des Fillettes d'une douzaine d'années dansent entre elles, tandis que les jeunes garccns se poursuivent et se bousculent entre les couples. Debout. au bord de la piste, fonnant une masse sombre, un groupe d'hornmes plus ágés. qu¡ regardent. sans parler: tous autour de la trentaine, ils portent le béret et un costurne sombre, de coupe démodée. Comme happés par la tentation d 'entrer dans la danse. ils avancent, resserrant l'espace laissé aux danseurs. lis sont la, tous les célibataires. Les hommes de leur áge qu¡ sont déja mariés ne vont plus au ba\. Ou, seulement lors de la grande tete du villagc, le cornice agricole: ce jour-Ia tout le monde est "sur la place de la promenade' et tout le monde danse, méme les "vieux". Les célibataires. eux, ne danscnt pas davantagc. Ces soirs-Ia. on les remarque moins : tout le village est la. hornmes et Le Sal des célibataires 8 femmes. les uns pour boire un coup avec les amis, les autres pour épier, cancanee el faire des conjectures sur les mariages possibles. . Dans des bals comme celui de la Noél ou du Premier de l'an ils n 'ont rien a faire. Ce sont des bals faits "pour les jeu~es", e'est-á-diré ceux qui ne sont pas ma~~~s; ils n'ont plus l'ñge, mais ils sont et se savent rmmariables". Ce sont des bals oü l'on vient pour danser ; or ils ne danseront paso De temps en temps, comme pour dissimuler leur gene. ils échangent quelques plaisanteries ou chahutent un peu. Une marche: une jeune filie s'avance vers le coin des célibataires, et appelle I'un d'eux danser av:c elle ".H réslste, géné et ravi. 11 fait un tour, accentuant a dessem sa maladresse et sa lourdeur, un peu comme font les vieux quand ils dansent le jour du comice, et adresse .des cIins d 'ceil ases copains. La danse finie, il va s'asseoir et ne dansera plus. "Celui-lá, me dit-on, c'est le bis An ... (un gros propriétaire) ; la filie qui est venue le chercher est une voisine. Elle lui a fait faire un tour de danse pour lui faire plaisir." Tout rentre daos l'ordre. lis resteront l~, jusqu'á minuit, parlant apeine, dans la lumiere.et.le ?rult du bal, le regard sur les filIes inaeeessibles. PUlS ils rront dans la salle de I'auberge et boiront face aface. lIs chanteront a tue-téte de vieux airs béamais, prolongeant a perte de voix des accords dissonants, cependant qu'á coté l'orehestre joue twists et cha-cha-cha. Et, par de~x ou par trois, ils s' éloigneront lentement, ala fin de la nurt, vers leurs fermes reeulées. » a PIERRE BOURDIEU· * Cf. «Reproduction interdite. La dimension symbo.liqu~ d~ ~a domination économique », in Etudes rurales, 113-114, janvier-jum 1989. p. 9. Introduction Les articles que j'ai rassemblés ici reviennent a trois reprises Sur le méme problerne, mais chaque fois avec un équipemenr théorique plus puíssant, paree que plus général, et pourtant plus proche de l'expérience". Et, a ce titre, ils peuvent intéresser ceux qui voudraient suivre une recherche dans la logique de son développement et leur faire éprouver la conviction, qu¡ m 'a toujours animé, que plus l'analyse théorique s'approfondit, el plus elle s'approche des données de J'observation. le crois en effet que, lorsqu'il s'agit de sciences sociales, le trajet heuristique a toujours quelque chose d'un parcours initiatique. Et peutétre n'est-il pas tout it fait absurde ni tout fait déplacé de voir une sorte de Bildungsroman intellectuel dans l'histoire de cette recherche qui, prenant pour objet les souffrances et les drames liés aux relations entre les sexes - c'est a peu pres le titre que j'avais donné, bien avant l' émergence des gender studies, a l'article des Temps modernes consacré a ce problerne -, a été l'occasion ou l'opérateur d'une véritable conversion. Le mot de conversion n' est sans doute pas trop fort pour désigner la transformation a la fois intelá * Pierre Bourdieu, «Célibat et condition paysanne ~>, in Études rurales, 5-6, avril-septembre 1962, p. 32-135 ;« Les stratégies matrimoniales dans le systerne de reproduction », in Annates, 4-5, juilletoetobre 1972, p. llO5-1127 ; « Reproduction interdite. La dimension symbolique de la domination économique », op. cit., p. 15-36. je me jette dans une sorte de description totale. qui m 'accompagnait souvent et qui ro 'aidait. Encore tres proche de la vis ion naive. d'un monde social que je connais sans le connaitre comme il en va de tous les univers familiers. comme les tres nombreux entretiens associés a des observations approfondies que je mene alors. a l'intérieur de celle-ci. Le retour aux origines s' accompagne d 'un retour. la photo de (ma) classe qu'un de mes condisciples. je pense ace 1 . a la sociologie ruraIe. I'áge et la marque des automobiles et la pyramide des áges. du plan et de la statistique: tout y passe. petit employé a la ville voisine. telle porte sculptée devant laquelle j' étais passé mille fois ou les jeux de la féte du village. sur l'écart entre la vision premiere et la vision savante peuvent laisser entrevoir l'intention de réflexivité qui était au principe de toute l'entreprise (iI s'agissait pour moi de « faire un Tristes Tropiques a l'envers »). par sa présence et ses interventions discrétes. ne vient évoquer l'atmosphere émotionnelle dans laquelle s'est déroulée mon enquéte. dont j'entends pourtant me dissocier. Rien n' échappe a la frénésie scientiste de celui qui découvre avec une sorte d'émerveillement le plaisir d' objectiver tel que l'enseigne le Guide pratique d' étude directe des comportements culturels. souvent tres douloureux. Cette mue intellectuelle était lourde d'implications sociales puisqu'elle s'aCCOIDplissait a travers le passage de la philosophie a1'ethnologie ou a la sociologie el. mais controlé. écrit au début des années 1960. asusciter la confiance et la confidence . Si quelques notations finales. Signe le 11 plus visible de la conversion du regard qu 'implique l' adoption de la posture de I'observateur. le repense par exemple a ce qui a été al' origine de I'enquéte. qu'il s'agissait de dénier savamment). du refoulé.la Le Bal des célibataires Introduction lectuelle el affeetive qui m' a conduit de la phénoménologie de la vie affective (issue peut-étre aussi des affections el des afflictions de la vie. je pense a tous les entretiens. et je Iivre au lecteur le plan anonyme d'une maison familiere oü j'ai joué pendant toute mon enfance. vagues et dissertatives. commente en seandant impitoyablement « immariable » a propos de pres de la moitié des présents . située au plus bas daos la hiérarchie sociale des disciplines. Dans le premier texte. que j'écris a peu pres au rnéme moment). A travers I'irnmersion totale s'accomplit une réconciliation avec des choses et des gens dont I'entrée dans une autre vie m'avait insensiblement éloigné et que la posture ethnographique impose tout naturellement de respecter. que j'ai menés avec de vieux célibataires de la génération de mon pece.j'entreprends. L'immense travail infiniment ingrat que demande la construction statistique de tres nombreux tableaux a double ou a triple entrée sur des populations relativement importantes sans le secours de la calculatrice ou de l'ordinateur participe. I'usage intensif que je fais alors de la photographie. de résoudre cette énigme sociale que constitue le célibat des ainés dans une société connue pour son attachement forcené au droit daínesse. de la carte. a une visión du monde social et de la pratique a la fois plus distancée el plus réaliste. de Marcel Maget. rien. sinon peut-étre la tendresse con tenue de la description du bal. d'une ascese d'allure initiatique. cela gráce a un véritable dispositif expérimental destiné a favoriser la transformation de ]' Erlebnis en Erfahrung. formidable antidote hyperempiriste a la fascination qu'cxcrcent alors les constructions structuralistes de Claude LéviStrauss (et dont témoigne assez mon article sur la maison kabyle. el que le renoncement électif qu 'impliquait ce déplacement négatif daos l' espace universitaire avait pour contrepartie le réve confus d'une réintégration dans le monde natal. un peu effrénée. le texte ne porte guére la trace. a un moment OU l' ethnographie des sociétés européennes existe a peine et oü la sociologie rurale reste a distance respectueuse du « terrain ». De tout cela. dans un article chaleureusement accueilli dans Études rurales par Isaac Chiva (donnerait-on aujourd'hui pres de la moitié d'un numéro de revue a un jeune chercheur inconnu ?). qui accede au modele le plus général. cornme diraient les philosophes. avec des effets homologues. Le parcours dont les trois articles ici réunis marquent des étapes me parait de nature adonner une idée assezjuste de la logique spécifique de la recherche en sciences sociales. iI contribue fortement a une compréhension juste. en s'unifiant a I'échelle 1 . qui marque assez nettement la rupture avec le paradigme structuraliste. dans la description premiere. que les paysans japonais connaissaient une forme de célibat tres semblable a celui des paysans béarnais ? En réalité. lui-rnéme habité ou hanté par la structure des rapports sociaux dont il est le produit. L'effort d' enquéte théorique el empirique aurait sans doute pu sarréter la. était done présent d'emblée. en un sens. le n 'ai pas a dire grand-chose sur les articles ultérieurs qui n 'y soit pas déja dit. seule la construction d 'un modele général des échanges symboliques (dont j'ai pu éprouver maintes fois la robustesse. Sans doute paree que les progres qu'ils rnarquent se situent dans l'ordre de la réflexivité comprise cornrne objectivation scientifique du sujet de l'objectivation et que la conscience des changements de point de vue théorique dont ils sont le produit s'y exprime de maniere assez claire. Le deuxieme. avait voué a une brusque et brutale dévaluation ceux qui avaient partie liée avec le marché protégé des anciens échanges matrimoniaux contrólés par les familles. al' échelle mondiale). i1 propose une vérification et une généralisation purement empiriste a I' ensemble des départements bretons des résultats obtenus a l'échelle d'une commune béamaise (et déja vérifiés au niveau du canton. Le demier texte.ce qui m'a conduit a refuser jusqu'a ce jour toute réédition de textes que la publication daos des revues savantes a faible diffusion protégeait contre les lectures malintentionnées OU voyeuristes. a la demande simplement routiniere et naivernent castratrice d'un maitre sorbonagre que j'avais dü consulter). rnais sous une forme telle que.12 lntroduction Le Bal des célibatalres vieux copain d' école. On perdrait beaucoup a sauter purement et simplement l'appendice au premier articIe. el qui. était bien une réalisation concrete et sensible du marché des bien s symboliques qui. de la structure al' habitus et du systeme a 1'agent socialisé. écrit en collaboration avec Marie-Claire Bourdieu. Les Annales. est paru dan s une revue d'histoire. avec la nécessité impitoyable du mot «immariable ». préparé par le long post-scriprum historique. que j'ai pu réaliser avec la collaboration de Claude Seibel et gráce aux ressources de 1'INSEE : hérissé de courbes et de chiffres. comme pour mieux marquer la distance al' égard du synchronisme structuraliste . qui aurait pu étre facilement couronné par une mise en forme et en formule mathématíqus. daos une maison magnifiquement tenue. sur des terrains aussi divers que la domination masculine et l'économie de la maison ou la magie de l'État) permet de rendre cornpte a la fois des régularités observées dans les pratiques et de l' expérience partielle et déformée qu'en font ceux qui les subissent er qui les vivent. avait inscrit sur la L_ 13 porte de son étable les dates OU lui étaient nées des génisses et les prénoms de jeunes filles qu' illeur avait donnés. a la satisfaction générale : nai-je pas découvert. au hasard de lectures destinées a préparer un voyage au Japon. la vérité ne s'y dévoilait qu' en se voilant. Et la retenue objectiviste de mon propos tient saos doute poor une par! au fait que j'éprouve le sentiment de commettre quelque chose comme une trahison . que j'aimais beaucoup pour sa finesse el sa délicatesse quasi féminines. Sorte d'impasse impeccable. du premier article. Tout. i1 enferme la recherche dans un constat positiviste. cest-a-dire historicisée. a travers le passage de la regle a la stratégie. d'un monde qui se défait. est aussi ceIui qui perrnet de comprendre le plus directement ce qui se livrait et se dissimulait a la fois dans la scene initiale : le petit bal que j'avais observé et décrit et qui. m'avait donné 1'intuition d'avoir affaire a un fait social hautement significatif. retiré avec sa mere nationale (comme aujourd'hui. et dans tous les travaux ultérieurs que la réconciliation initiale avec un passé encombrant avait facilités. Si le sociologue qui écrit le troisieme article n' a pas grand-chose en commun avec celui qui écrivait le premier. que seule l'attention aux données les plus triviales.14 Le Bal des célíbataires raí en effet le sentiment. qu'on le sache ou non. au nom d'un droit a l'abstraction qui serait eonstitutif de la démarche scientifique. qui parlent aussi de marché. qu' 00 le veuil1e ou non. iI a pu réinvestir dans un retour sur l' objet initial de sa recherche les ressources irremplacables qu'il a acquises dans une recherche prenant pour objet. peut conduire a la construction de modeles empiriquement validés el susceptibles d'étre formalisés. par 1'ensemble des travaux hum bles el obscurs a travers lesquels le sujet connaissant se déprend de son passé impensé et s' impregne des logiques immanentes al'objet connaissable. gráce a ce travail d'objectivation anamnestique. le sujet de la recherche. juillet 2001 1 . que d'autres sciences sociales. mais que l'expérience de tant d'années de recherche n'a pas ces sé de valider. les progres dans la connaissanee de l' objet sont inséparablement des progre s daos la connaissance du sujet de la connaissance qui passent. se sentent fondées a ignorer. quand il s' agit des choses humaines. qui s'enracine peut-étre dans les particularités d'un habitus. c'est peut-étre avant tout paree qu'il sest construit a travers un travail de recherche qui lui a permis de se réapproprier intellectuellement el affectivement la part sans doute la plus obscure et la plus archaique de lui-méme. au moins indirectement. PREMIÉRE PARTIE Célibat et condition paysanne Paris. Cela notamment paree que. C'est aussi que. je vais des ainés de 45 ans el aucun nest marié. Cette étude est le résultat de recherches menées en 1959 et 1960 dans le village que nous appellerons Lesquire et qui est situé en Béam. e. Entre 1915 et 1939. » (J. soit une moyenne de 10. A.15 mariages annue1s. c'est-a-dire pour 90 années. le suis allé daos les Hautes-Pyrénées el cest la rnéme chose. Ils auront beau faire .80 en moyenne. les pauvres ! -. si grave soit-elle. au cceur du pays de coteaux. on dénombre 307 mariages. soit une moyenne de 13. on compte a l'état civil 1022 mariages.75 mariages par ano Entre 1870 et 1914. soit 12. ils ne se marieront pas'. il y a eu 592 mariages. Enfin.-P.Par que1 paradoxe le célibat des hommes peut-il apparaitre aux célibataires eux-mémes el a leur entourage comme le syrnptóme le plus éclatant de la erise d'une société qui. entre 1940 1. n' est pas sans précédent : entre 1870 et 1959.» (P. 32 ans) Pourtant 1'examen des statistiques suffit aconvaincre que la situation présente. entre les deux Gaves. en 25 ans. par tradition. .. en 45 ans. Des quartiers entiers ne sont pas mariés. condamnait ses cadets al' émigration ou au célibat? Il n'est personne en effet qui ninsiste sur la qualité el la gravité exceptionnelles du phénomene.el ils ne font pas grand-chose. 85 ans) Et un autre : "Tu as tout un tas de types de 25 a35 ans qui sont "immariables".. dit l'un. «Ici. le nombre de mariages a été anonnalement élevé. Paree qu'ils ont le méme nom.60% 11.18 Célihat el condition paysanne Évolution du nombre de mariages el du taux de nuptialité 1 Année de recensement 1881 1891 1896 1901 1906 1911 1921 1931 1936 1946 1954 gtobale Nombre de maríages 2468 2073 2039 1978 1952 1894 1667 1633 1621 1580 1351 11 11 15 11 18 16 15 7 7 15 10 Poputasion Taux de nuptialité (2MIP x I 000) Le systéme des échanges matrimoniaux dans la société d' autrefois 8. FRÉDÉRIC LE PLAY. du fait que la population globale diminue parallélement.92 % lO.88 % 17. que le eélibat des hommes soit véeu eomme exceptionnellement dramatique et totalement insolite? 2. Le taux de nuptialité (entendu comme le nombre de nouveaux mariés en une année pour 1 000 habitants) avoisine chaque année 15 %0 en france. Pour 1960. est tres grand. 173 mariages oot été enregistrés. Ala lecture de ces chiffres. le mariage était régi par des regles tres strictes.. il était l' affaire de tout le groupe plus que de l'individu. L'enquéte préalable a laquelIe on se livre au moment du mariage porte sur la famille tout entiere. 36. 11 Yen avait beaueoup qui n'étaient pas mariés. C'est ainsi qu 'en 1946 et 1954.60 % 14. je vais des ainés et aucun n'est marié ». Certaines corrections doivent étre apportées aux taux présentés ici. . du cóté d'Au. les eousins éloignés habitant dans des villages des environs n'y éehappent pas: «Ba. mais dans sa famiIle. »La eonnaissance approfondie des autres qu'exige le caractere permanent de la eoexistenee repose sur l' observation des faits et gestes d' autrui .» Comment expliquer. Paree qu 'il engageait tout l' avenir de l' exploitation familiale. 00 serait tenté de conclure que tous les informateurs succombent a lillusion ou a l'inconséquence. Le mérne qui déclarait.56% 8.98 % 8. [ce régime successoral] donne la quiétude du célibat avec les joies de la famille. L' Organisation de la famille. soit 8. paree qu'il était l' oeeasion d 'une transaction éeonomique de la plus haute importanee.66 % 18. comme le montre le tableau ci-dessus 2. i I I 1 Avant 1914. en 20 années.80% « A ceux qui préferent rester au foyer paternel.44 % 16. « ici.98 % 14.62% 18. paree qu 'il contribuait a réaffirmer la hiérarehie sociale et la position de la farnille dans cette hiérarchie.54 en moyenne.on plaisante sur ees femmes du bourg qui passent leurs joumées._----- et 1959. C'est la farnille qui mariait et I' on se mariait avee une famille.94 seulement. dans ees conditions. [vilIage voisin]. » . e'est tres petit. caehées der- . p. le taux de nuptialité fut de 2. Cependant. najoute-t-il pas:« Il y avait autrefois de vieux eadets et il y en a maintenant. la décroissance du taux de nuptialité reste relativement faible. . Nous alIons nous chercher une maison (ue case). de son éducation.. lui va courir. s. Aussi comprend-on que l'accord entre les deux familles prenne la forme d'une transaction soumise aux regles les plus rigoureuses. ágée de 21 ans.. une fois faite la restitution de la dot (tourne-dot) : ainée. se marient facilement. de ses titres de propriété. n° 7-8. sur la mémoire des biographies et des généalogies. Il accordera le tiers 3 sa filIe ainée par contrat de mariage. L 'arrangement est conclu entre le futur beau-pére et moi. le marié a les pouvoirs limités. vous serez son domestique. Elle dit : "Nous allons attendre . iI est normal que 1'on mobilise I'ensemble de ces instruments el techniques de connaissanee quí sont utilisés de far. Nonnalement. il fallait trois "actes". se marie avec une autre.20 Célibat el condition paysanne riere leurs volcts entrebáillés. mon frere ainé était marié a la rnaison. En cas d' opposition. je devais m' installer dans cette propriété. on peut 1'amener 3 partir. foyer de son rayonnement ou rappel de sa basse condition : « On peut dire que chaque personne a. Selon l'usage. les avantages sont donnés une fois pour toutes par contrat de mariage. j'ai fréquenté une jeune filie nommée M. Cf. Le pere de ma fiancée a subi la mauvaise infiuenee d 'une tierce personne familiere de la maison. au moment de passer le contrat devant le notaire. 375-382. " La terre est basse. Au moment d' opérer un choix aussi grave que celui d'une épouse pour le fils ou d'un époux pour la fille. I'ainée obtient le tiers de tous les biens av ec l'accord des parents. de «briller les pantalons » du jeune hornme qui. C'était un cas plutót rare. 3 ce titre. Le contrat de mariage prévoit que le partage définitif ne se fera qu"au moment du déces des parents. Maree! Maget. de familles cotées. ayant «fréquenté» une jeune fille." Le refus au demier moment de nous accorder le tiers par contrat nous a piqués au vif ma fiancée et moi. « Remarques sur le village comme eadre de recherehes anthropologiques ». il fallait íourrur un "acre de respect" qui était présenté au maire. roa voisine. Bulletin de psychologie du groupe des étudiants de psychologie de l'université de Paris VIl!. 1/3 + 1/3 = 8 000 franes. il était d 'usage que l' on me donnait du linge qui ne figurait pas eomme dot. Ma fiancée était héritiere. sur la confrontation constante des jugements concernant les autres . il se prornenera par les chemins et vous. En supposant que la propriété soit mise en vente deux ans apres le mariage pour une somme totale de 16000 francs. la famille est d' abord un norn. en vigueur jusqu'en 1955. De ruéme pour la filie.j'en ai fait part a ma mere. Bien entendu. Lou. Comme j'étais le cadet. Il consent au mariage mais refuse d'aecorder le tiers tout en "reconnaissanr" la dot. 3 la campagne. dépend tout son avenir. Nous n'allans pas nous faire fermiers .-F. il se dédit. Il fallait demander 1'autonsarion patemelle et matemelle et jUSqU'3 21 ans. Huit jours apres. Panni toutes les menaces qui pesent sur celui-ci et que la coutume tend 3 écarter. Dans ce cas. avri11955. J' avais 4 000 francs de dot en especes. a observer la rue -. indice de la situation de l' individu dans la hiérarchie sociale et. En effet. une auréole qui vient de sa famille. Méme des crétins de bonne famille. » CA.) Mais le lignage est surtout un ensemble de droits sur le patrimoine. «A l'ilge de 26 ans [1901]. Le systémc des échanges matrimoniaux 21 était décédé.e' es! la une des fonctions des « ragots » -. Dans ce eas.on moins systématique daos le caUIS de la vie quotidienne'. ma dot de 4000 j ralles devait étre reconnue par contrat de mariage. p. 1/4 = 4 000 francs. la répartition aurait été celle-ci. elle pensait que ma présence dan s la maison diminuerait l'influence dans la famille de son "ami". Le mariage a pour fonction prerniere d'assurer la continuité du lignage sans compromettre I'intégrité du patrimoine. la plus grave est sans nul doute celle que fait surgir le mariage. Mon pere 3. Moyennant le remboursement de la dot. De la grandeur et du rayonnement de cette auréole. cadette. C'est dans ce contexte qu'il faut comprendre la coutume. Ca faisait ouvrir une porte (que hesé urbi ue porte)! Ma fiancée avait une sc-or. B. Dans les deux cas en effet. e ame et une cadette. En premier lieu. [village voisin]..) Ce seul cas pose les principaux problernes.. Et il se trompait paree qu'il a été obligé de louer la propriété a son gendre. peut étre assurée indifféremment par un homme ou par une fernme. mais a une fonction socialement définie. le droit d 'ainesse intégral. indissociable de la continuité de la lignée : le systeme bilatéral de succession et d'héritage conduit a confondre le lignage et «la maison » comme ensemble des personnes pourvues de droits permanents sur le patrimoine. "Celui-Ia est habitué a étre commandé". ils me trouveront un emploi [en béarnais]". demeuré eélibataire. en épousant un domestique de la contrée. el j' ai continué mon métier de hongreur el aussitót je me suis marié avec roa fiancée qui es! rentrée de Paris. a dit mon beau-pere. ce qui contredirait les valeurs fondamentales d'une société qui accorde le primat aux membres majes. les regles qui président aux échanges matrirnoniaux accomplissent leur fonction premiere. 1'ai deux oncles a Paris. D'ailleurs nous en souffririons tout le temps. ils perdenr leur droit d' ainesse paree que celui-ci est inséparabIe de son exercice. le droit d'ainesse est moins un droit de propriété que le droit. Sa soeur plus docile et plus jeune de cinq ans avait obtenu le tiers. il les donnait aux enfants. Dans la réalité I'~éritier n'est pas le premier-né. de se . le devoir d'agir en propriétaire. garcon ou filIe." Elle a été trouver le maire et le curé et elle est partie. un café. lis étaient prés de faire les papiers (passa papés) avec quelqu'un d'autre. 11 apparatt done que ce droit est attaché non point a une personne particuliére. lou meste. valeur des valeurs. J' ai trouvé la maison de la veuve Ha. premier ou second né. au grand désespoir des parents. MOTI beau-pere venait chaque dimanehe a la maison. J'ai continué mOTI apprentissage de hongreur a B. en abandonnant la ferme. le maitre ou Le systéme des échanges matrimoniaux 23 la daune. 1'ai été dans les Landes et les départements voisins. méme s 'iI vient au septieme rango C'est seu lement lorsqu'il n'y a que des filles. ou bien lorsque le garcon est parti. un petit commerce. 11 fallait aussi que I'ainé fút capable non seulement d'exercer son droit mais d'en assurer la transmissíon. hornrne ou femme. mais le pre~ rruer garcon.» (J. a savoir la sauvegarde du patrimoine. On s'écrira. c'est-á-dire de la direction effective du domaine. Elle n' avait eu ni le trousseau ni la dot. Les "pieces" que sa filIe refusait. asavoir de garantir que le patrimoine soit maintenu et transmis dans son intégrité. le mariage entre un cadet et une héritiere remplissant cette fonction aussi bien que le mariaze entre un . Si l' on préfere que 1'héritier soit un garcon e'est paree que la continuation du nom se trouve ainsi assurée et qu'un homme est mieux fait pour diriaer l' exploitation agricole. dans le cas oü laíné navait pas d'enfant ou venait a mourir sans descendance 00 demandair a un vieux cadet." Elle: "Moi je pars aParis. «le cherchais a me casero Cadet de la maison. que I'on ínstitue une filIe comme héritiere. A son déces ma femme a eu sa part d 'héritage sans avantage légal. la maitresse de maison. On en trouvera une preuve supplémentaire dan s le fait que lorsque Fhéritier ou 1'héritiere quittent la maison et la terre. pouvant favoriser aussi bien la fille que le garcon.-P. il me fallait trouver un emploi. n'ayant pu me marier. ne peut se comprendre qu' en référence a l'impératif fondarnental.22 Célibat et condition paysanne ni domestiques . iI est significatif que I'on puisse raconter aujourd'hui que parfois. bien que la responsabilité et la direction du domaine incombent a une seule personne achaque génération. Moi je lui dis: "Nous sommes d'accord. Elle avait quitté la maison et s' était libérée de l' autorité patemelle. Nous ne pouvons pas accepter ce refus. Que le droit d' ainesse et le statut d'héritiere (heretére) puissent échoir aune fille cela ne signifie aucunement que la coutume successorala est dominé~ p. A. J'ai établi un petit commerce. S'agirait-il d'une fabIe. ou mieux. que je voulais acheter.ar le príncipe de l'égalité entre les sexes. La continuité du lignage. les freres de roa mere. . cest-a-dire lean de chez Tinou. les cadets avaient aussi des droits sur le patrimoine. On prenait pour base de l'évaluation. un garcon et cinq filies. il arrive méme que le nom demeure attaché ala maison. l' estimation fut de 30 000 francs [vers 1900 l. Ainsi.P/4)/n.) Bref. de bois ou de fougeraies.. A. lean Cazenave. les regles coutumieres ne sappliquaient jamais . la terre ri'était qu'un mort-gage que le chef de famille pouvait dégager moyennant une sornrne fixée a l'avance. La dot était ealculée ainsi : on faisait une estimation aussi précise que possible de la propriété. a cause des enfants. Cependant. » (A. chaque partie ayant le sien.) La regle voulait que le titre d'héritier revlnt automatiquement al'ainé des enfants. En tant qu'il est l'incarnation de la maison. A. Apres la guerre de 1914-1918.-P. a partir de 500 francs. le chef de maison.aemeure. A. A lainé. acceptés par tous. pour la propriété TI. un homme dont le nom d'état civil est. afin d'éviter l' émiettement du patrimoine. «Par exemple. lors mérne qu' elle a cessé d'etre habitée et qu'il soit donné aux nouveaux occupants. garcon ou fille.P/4)/n. Ces ealculs étaient assez exacts et. draps de lit. ou l' hérété ou lou capmaysoue). /ou cabinet (l'armoire) toujours apporté par la mariée. Puis on estimait atant la « journée » (journade) de champs." (J. outre gu'elles paraissaient varier dans le temps et selon les villages. on accorde le quart. et la donation faite au moment du mariage. et exeeptionnellement en terres. le capmaysoué. par exemple. daos 1'intérét de la famille. cependant. Virtuels. soit 7500 franes. édredons. serviettes. Lorsqu 'il y avait 11 enfants (n > 2). le prix de vente d'une propriété du quartier ou d'un village vois¡n. P désignant la valeur attribuée 11 la propriété. Lorsque la famille ne comptait que deux enfants. est le dépositaire du norn. elle porte un nom alors que ceux qui 1'incarnent ne se distinguent souvent que par un prénom : il n' est pas rare que 1'0n appelle «Yan dou Tinou ». Restent 22500 francs 11 diviser en six parts. tandis que passent les générations qui la personnifient . la part de l'ainé étant alors de P/4 + (P . ehemises.). le montant de la dot était une fonction déterminée de la valeur du patrimoine et du nombre d'enfants. le plus souvent en especes. La part des cadettes est de 3 750 franes qui peut se convertir en 3 000 franes versé s en espéces et 750 francs de linge et de trousseau. de ce fait. le chef de famille pouvait sacrifier la coutume a1'intérét de la maison : tel était le cas lorsque l'ainé n'était pas digne de son rang ou qu'il y avait un avantage réel ace que 1'un des autres enfants héritát. Et les jeunes acceptaient. parfois avee le concours d'experts loeaux. les parents poussaient en ce sens. les mariages de ce type ont été assez nombreux : «00 arrangeait les choses. la mere et six enfants. Saos qu'il s'agisse d'une véritable institution sanctionnée par la coutume. les pauvres aussi.-P. le mariage du cadet avec la veuve de l'ainé dont il hérite. Il Y avait le pere. du renom et des intéréts du groupe. A la fois lignage et patrimoine. de la maison Tinou. qu'a l'occasion du mariage qui faisait toujours l'objet d'un contrat: «Les riches passaient toujours un contrat. tout concourait a favoriser I'ainé (1'aynat. Bien que le droit ne lui appartint pas de modifier l' ordre de succession. la eoutume local e voulait que I'on accordát par contrat de rnariage un tiers de la valeur de la propriété au cadet.-P. En général._-- 24 Célibat el condition paysanne marier afio d'assurer la continuité de la lignée (J. la « maison » (la maysou) . que I'héritier selon la coutume ne pouvait que se soumettre a une décision dictée par le souci d' assurer la continuité de la maison et de lui donner la meilleure direction possible. Dans ce cas.) Par suite. comme dans le cas analysé iei. histoire de "placer" la dot (coulouca tadot}:» (J. Cependant. torchons. ces droits ne devenaient réels.!-. l' adot désignait ala fois la part de 1'héritage revenant achacun des enfants. la plupart du Le systéme des échanges matrimoniaux 25 temps. On ne faisait pas de sentiments. B. la part du cadet était de (P . était relativement fréquent. le chef de famille détenait une autorité morale si grande et si fortement approuvée par tout le groupe. ) 5. 6. tout le systeme a pour fonction de réserver la totalité du patrimoine al'ainé. Apres estimation de la propriété. C'est a cette occasien que l ' ainé était « institué » daos sa fonction de capmaysoué. afin d'en rester maitres. célibataires. deux ou trois ménages vivaient parfois dans la rnéme maison. de haies » (toute croutzade de barats y de plechs) 5. a dus souléss furent partagées entre les héritiers qui n 'avaient pu s'accorder a J'amiable : depuis lors. au mornent du mariage de l'un des enfants. au moment de leur départ ida guerre. chacun ayant son coin et sa part des terres. La «maison mere» (la maysou mayrane) conservait des «droits de retour • (Ious drets de retour) sur les terres . en raison aussi de l'introduction de nouvel1es valeurs. d' abord paree que le chef de famille conservait toujours la possibilité d'accroitre Gil de réduire la part de 1'un ou de 1'autre. aucune regle stricte ne fixant les proportions. soit en passant leur vie. il ya des pieces de terre qui ne sontjamais rentrées.. soit a la mort des parents. de chef de maison et de successeur du pere. Parfois « 1'institution de 1'héritier » se faisait par testamento Nombre de chefs de famille firent ainsi. il arrivait que le versement de la compensation füt impossible et que 1'on fút contraint au partage lors du mariage des cadets ou des cadettes dont la dot était payée sous forme de terres. On en trouvera la preuve dans le fait que le partage effectif était considéré comme une calamité. certains aínés mettaient la propriété en vente. En application du principe selon lequelles propres appartiennent moins a I'individu qu'au Iignage. a travailler sur la terre des ancétres a coté de l' ainé. en dépit de la possibilité fournie par la coutume d'échelonner les paiements sur plusieurs années et parfois jusqu'á la mort des parents. » (J. 4. La piece avec cheminée revenait toujours. Chez An. elle est toute «croisée de fossés. le retrait lignager donnait a tout membre du lignage la possibilité de rentrer en possession de biens qui avaient pu étre aliénés. soit en se contentant d'une dot. en ce cas. C'est ainsi que vers 1830.. partagée entre trois enfants. Que la dot ait eu autrefois le caractere d'un don gracieux. ce n' est qu' en derniere extrémité que l' on effectue réellement le partage. En fait. Il existait des spécialistes appelés barades (de barato fossé) qui venaient des Landes et creusaient les fossés divisant les propriétés. Dans le cas de la propriété Qu. Mais il arrivait aussi qu 'ils ne pussent racheter la maison''. « A la suite des partages. a I'ainé. le chef de famille versait a celui d'enlre les cadets qui se mariait une sornme d'argent équivalente a sa part de patrimoine.. définissant du rnéme coup la part des autres. part quils recevaient soit au moment de leur mariage. ensuite paree que la part des célibataires demeurait virtuelle el restait attachée au patrimoine. L.) «Parfois. Le systéme des échanges matrimoniaux 27 ou bien lorsque. Rien ne serait plus faux que de se laisser prendre au mot de partage. Le partage créait des difficultés terribles. Aussi. (grande maison a deux étages. l'un des cadets devait faire le tour du quartier pour conduire ses chevaux dans un champ éloigné qui lui avait été attribué.-P. A.. La coutume successorale reposait en effet sur le prirnat de l' intérét du groupe auquel les cadets devaient sacrifier leurs intéréts personnels. soit en y renoncant tout a fait lorsqu'ils émigraient a la recherche d'un emploi. Certaines ont pu étre rachetées ensuite. Tout le systeme étant dominé par la rareté de 1'argent liquide. cela apparait dans le fait que le pere était libre d'en fixer le montant selon ses préférences.26 Célibat el condition paysanne avec une rigueur mathématique. les « parts » ou les dots des cadets n'étant autre chose qu'une compensation qui leur est accordée en échange de leur renoncement aux droits sur la terre". C'est le cas des propriétés Hi. la propriété et la maison Bo. L' observation de la réalité met en garde contre la tentation de construire des modeles trop simples. Nombre de propriétés ont été ainsi anéanties. » (P. Le « partagc » se réalisait le plus souvenr a l'amiable. Di. Qu. en raison de la mésentente a l'intérieur de la famille. mais pas toutes. en 1914. on vient a tenir ce qui n'est qu'une compensation pour un droit véritable sur une part de 1'héritage. selon la taille des propriétés. une telle rigi- ~té' la liberté du chef de famille demeurant plus grande. Si le jugement que I'on porte sur une famille dans l'existenee quotidienne ne saisit la richesse que comme un aspect panni d'autres. A. le montant de cette derniere se trouve défini de facon quasi mathématique 7 et du méme coup. Du fait de l'équivalence entre la part de patrimoine héritée et la dot (/' adot . le nombre de cadettes et surtout de cadets a marier pese fortement sur ce ehoix. ef.28 Célibat el condition paysanne Ainsi. Le systéme des échanges matrimo'!iaux 29 vertus que 1'0n est en droit dattendrc des grands. Inversement. et d'autre part. selon laquelle le prima! el la suprématie appartiennent aux hornmes. de 1'héritier ou de I'héritiere a une importanee capitale puisqu'il contribue a détenniner le montant de la dot que pourront reeevoir les eadets. les impératifs économiques s'imposent a I'ainé avee une rigueur toute particuliere du fait qu 'il doit obtenir. du fait aussi que la richesse est avant tout fonciere et que l' argent liquide est rare. particulierement la dignité du maintien et le sen s de 1'honneur. Outre que la fille . Cette néeessité simpose également a toutes les «maisons ». la sauvegarde du patrimoine . une dot suffisante pour pouvoir payer la dot des cadets et des cadettes sans erre obligé de recourir au partage et sans amputer la propriété. Le choix de 1'époux ou de l'épouse. les prétentions du bénéfieiaire. On eomprend que. don! le trait principal est la rareté de I'argent . adouta. la logique des échanges matrimoniaux dépend étroitement des bases économiques de la société. du fait que la dot des cadets croit proportionnellement a la valeur du patrimoine.-P. de la logique des rapports entre les sexes. que cat u pluterau). La transaction éeonomique dont le mariage est I'occasion est de trop grande importance pour que la logique du systeme de valeurs ne le cede pas a la stricte logique de l' éeonomie. elle-mérne fonetion de la valeur de la propriété. elle s' opere dans une situation économique particuliere. on savait que telles maisons avaient des droits et on allait les . reste que. la grande propriété ne suffit pas a faire la grande famille. leur acharnement au travail ou leur manque de scrupules. dans une telle logique. et qui ne savent pas manifester les . de méme. riehes ou pauvres. en retour. JI s' ensuit que les mariages tendent a se faire entre familles équivalentes au point de vue économique. al' oeeasion de son mariage. particuliercmcnt daos la gestion des affaires familiales. S 'il en est ainsi aux alentours de 1900 dans le village de Lesquire. il tombe une poutre maitresse » (Cuan bat ue hilhe hens ue maysou. qui tend a classer les maisons en grandes et en petites. dit le proverbe. Ainsi. la générosité et 1'hospitalité. soit en hypothéquant la terre pour se procurer de l'argent. données en dot ou vendues. ' leur proposer » (J. point d' entrecroisement de la logique du systeme économique d'une part. soit en obtenant des délais. la qualité de grande famille peut survivre a l'appauvrissement. les prétentions de la famille du futur conjoint au sujet de la dot qu'elle entend rccevoir sont strietement mesurées a l'importance de la propriété. a savoir l' opposition entre l' atoé et le cadet et d'autre part l'opposition entre mariage de bas en haut et mariage de haut en bas. la logique des mariages est dominée par une fin essentielle. la eonsidération de la situation éeonomique simpose primordialement. elle est soumise a deux principes fondamentaux. la naissanee d'une filie ne soit pas aeeueillie avec enthousiasme : « Quand une filIe nait dans une maison. doter). En effet. On n' accorde jamais leurs lettres de noblesse a des maisons qui ne doivent leur élévation ou leur richesse qua leur apreté. soit en épousant une cadette bien dotée. surgit devant l'héritier la menace du partage qu 'il doit eonjurer a tout prix. le systeme ne présentait pasodans un passé plus lointain.). Sans doute. Par la médiation de la dot. 7. 11 suit de la que chaque mariage est fonction d'une part du rang de naissanee de ehaeun des époux et de la taille de la famille et d'autre part de la position relative des deux familles dan s la hiérarehie sociale. le mariage qu'ils pourront faire et sils pourront se marier . C'est-a-dire que «quand on vendait ces terres. lorsqu "il sagit de mariage. achaque génération. Elle y . Ha. 85 ans) L'autorité des parents. LOIf bachéré est le meuble qui se trouvait placé généralement face a la porte d'entrée. La propriété Tr. ont été progressivement rassemblées entre les mains des Tr. évitant de recourir a des domestiques. gardiens du patrimoine qu'il faut sauvegarder et augmenter. Au moment de la guerre. tiens . qui ri'avait pas un sou. Le me me informateur rapporte une foule de cas semblables parmi lesquels on retiendra encore celui-ci . dans la cuisine et oü était exposée la plus bel1e vaisselle. Si. il y avait cinq cadettes. ou bien toi. " elle TI' est pas un soutien ». il y a deux portes. il faut la doler. Eugene vint chez nous. Et cela se comprend étant donné qu'elle es! la daune. et recut une dot de 5 000 franes. je sortirai par celle-Iá. Et il n' est pas rare que les parents fassent éehouer les projets de mariage... pas de viande. de plus.. devait se marier avec une fille. Célibataire. Le fils voulait se marier. il fallut rendre la dot entiere ala veuve qui s'en retouma chez elle. lis pouvaient exhéréder (deshereta) I'ainé qui aurait voulu se marier contre leur volonté. symbole de l'autorité sur le ménage ¡l. Le garcon aimait une fille de La. « Eugéne Ba. » (J. 8.. Elle est revenue avec de "belles tenues" et se fout pas mal de B. les parents faisaient un régime de faveur pour l' ainé. pendant que le pot bout.. Les analyses antérieures permettent de mesurer cambien la marge de liberté est restreinte. rien. Mais le pere avait choisi une fille mariée a un voisin pour accroitre son patrimoine".-P. qui vivaient plus loin.. «T'ai Vil renoncer a un mariage pour 100 franes. « B." 11 vint me dire: "Perdiou (Pardieu}! Toi tu t'es marié . Quand vint le moment de marier 1'ainé. L'ainé est souvent gáté par la mere jusqua ce qu'il parle de mariage . la maítresse de I'intérieur et que la femme de son fils devra se plier a son autorité. 11 ne parlait pas beaucoup.. » (J. est la plus grande de Lesquire (76 ha). Si-c). Le pere lui dit : "Tu veux te marier? J'ai payé [pour] les cadettes. jolie mais pauvre. je veux me marier. [propriété voisine] pour prendre la place de l' ainé. elle entrera par celle-ci. et Es. "Comment vas-tu payer les cadets? Si tu veux te marier. 10. Les autres cadettes.Célibat el condition paysanne constitue une menace de déshonneur. Mais la filIe était partie sans lui dire 10. Le mariage ne marcha pas bien. il faut que tu rarnenes des sous pour payer [pour] les deux autres. A la suite de disputes. plus souvent. une des cadettes avait été mariée aLa. trois cadettes étaient (leja mariées. La femme n' est pas faite pour étre mise au vaisselier" re' est-á-dire pour étre exposée]. ». Le maniement de la louche est I'apanage de la maitresse de maison. la maltresse de maison met « les soupes » de pain dans la soupiere. 00 lui donnait Ie ban morceau de "salé" el tout le reste. Pour les cadettes. avait une bonne amie dans son quartier. va-t-en.. A.. Plusieurs maisons autrefois habitées (Ho. Peu apres le mariage de l' ainé. La." Chez Tr.... dans la piece d'apparat (Iou sa/ou) ou. OU faut-il que j'aille ?" La filie partir pour I' Amérique.) La mere jouait un róle capital dans le choix de l'épouse.-P. die constitue une charge tandis que le garcon apporte une aide tres précieuse.. .le me marierai malgré tour". elle ne voulut pas attendre qu'illa Iaissát et partit pour I'Amérique. que vat -elle apporter?" Le garcon se maria avee une fille E. il pleurait. La mere lui dit : "Si tu te maries avec celle-lá. Elle n' a rien . s' exerce de íacon absolue chaque fois qu'il sagit d'imposer le sacrifice du sentiment al 'intérét. vers 1910. L "ainé se mit aboire et devint déerépit." La fille vint a le savoir. 11 mourut sans enfants... 00 avait coutume de dire d'une femme autoritaíre : «Elle ne veut pas abandonner la louche » (nou boou pas decha la gahe). Le systéme des échanges matrimoniaux 31 furent tres mécontentes de ce choix. 11. Sa mere lui dit : "Tu te maries avec celle-lá ? Qu'esr-ce qu 'elle apporte? Si elle entre par cette porte je sortirai par celle-Iá. Ainsi se soucie-t-on avant tout de la maner. ils firent revenir la cadette qui était mariée chez S. 9. Au moment de passer atable. A.. a Sa. Ma femme lui dit : "Si tu écoutes maman . avec une dot de 2 000 francs également. Ca.. elle ne travaille pas au-dehors comme un homme el s'en va une fois mariée. avec ma filie [la sceur cadettel. etc. il faut assurer les dépenses de la féte. plus la position du conjoint adventice s'en trouve renforcée. En seeond lieu. si l' ainé meurt saos enfants. Comment vas-tu rendre si tu dois le faire? Tu ne pourras pas.32 Célibat el condition paysanne Que le mariage füt l'affaire des familles plus que des individus. Si la fernme meurt sans enfants. elle apporte la soupiere sur la tablc. la nouvelle famille ne touehait pas a la dot de crainte que l'un ou l' autre des époux ne vint a mourir avant que des enfants ne fussent nés. Elle lui apporte une dot de 20 000 franes. Ccrtains contrats de mariage prévoient qu'en cas de séparation le beau-pere peut se contenter de payer les intéréts de la dot . tant qu'ils étaient vivants. la terre surtout. . particulierement celles qui avaient recu une dot tres élevée. le conjoint survivant en conservant I'usufruit. d'un cadet qui entre dans la maison d'une héritiere par exemple. l'imprescriptibilité et l'insaisissubilité de la dot : la coutume autorisait le pere a exiger une caution pour la sauvegarde de la doto la plupart des verse le potage ct les légumcs: quand tout le monde est assis. il faut aussi rendre la dot. elle donne un tour avec la louche P?ur bien tremper la soupe. s 'H est 12. la maison demeure el le gendre peut espérer y rentrer apres réconciliation. le mari ri'en avait que lajouissance et la gestiono La femme avait sur les biens dotaux apportés par son mari des droits ídentiques a ceux d'un homme sur la dot de sa femme. En fait. selon qu'il y avait des enfants ou non. ou de la mort de 1'un d' eux. Pendant ce temps. revenait a un droit de propriété. tu te mets dehors. I'argent par exemple. Celui ou celle qui apporte une grosse dot «entre [en] "maitre" ou [en] "maltresse" (daune) dans la nouvelle maíson". al'héritier lui-rnéme. ala suite de la séparation des conjoints. le droit de jouissanee sur les biens meubles. la dot avait une triple fonction. En fait. Ainsi. Ses parents lui disent : "Tu prends 20 000 franes. Le tournedot faisait peser une lourde menace sur les familles. la belle-fille est occupée ailleurs. en cas de dissolution de l'union. Le montant de la dot revét une importance particuliere lorsqu 'il s'agit d'un homme. En tout eas. le mari n' en ayant que la jouissanee. 'Pour les biens immobiIiers. En regle générale. chose rare. Il va t'arriver un accident. pere ou oncle) qui se sert le premier." C'est que le mariage coüte cher. Toute dot était grevée d'un droit de retour (tournedot) dans le cas ou s'éteindrait la descendance du rnariage en vue duquel elle avait été constituée. L. »Par la s'explique la répugnance a accepter une dot trop élevée. Confiée a la famille de I'héritier ou de l 'héritiere qui en assurerait la gestion. Tu as recu cette dot par contrat. C'était la une raison supplémentaire d'éviter les mariages trop inégaux: « Supposons un homme qui se marie avec une fille de grande famille. elle passait entre les mains de ceux-ci. la mere lui dit : « le ne donne pas encore la louche. plus la dot est élevée en effet. cest-a-dire au cas ou il navait plus ses parents. faire arranger la rnaison. C' est ainsi qu' un alné pouvait en user pour doter ses cadets. Plus exactement. tu crois faire une bonne affaire. el ceci pendant plusieurs générations. Enfin. cela se voit encare daos le fait que la do! était versée normalement au pere OU ala mere du conjoint el.) Tout un luxe de protections coutumieres tend aassurer l'inaliénabilité. puis tourne la louche vers le chef de famille (ateul. sa femme peut rester et garder la propriété de la dot. Pour rappeler la belle-fille a son rang. » (P. elle devait s'intégrer au patrimoine de la famille issue du mariage . par exception seulernent. par la dot qu 'elle versait. ou bien elle revenait dans la famille de eelui qui l'avait apportée. elle peut aussi réclamer la do! et repartir. la famille garantissait les droits de l'un des siens au sein de la nouvelle maison. ee sont ses parents qui. jouissaient des revenus des biens apportés par leur gendre et en exercaient I'administration. Tu vas en dépenser une partie. le mari étant tenu seulement de rendre l' équivalent en quantité et en valeur. La femme restait propriétaire de sa dot. » Le systéme des échanges matrimoniaux 33 contrats prévoyaient la «collocation » de la somme totale dans des conditions telles qu'elle füt en sécurité et conservát sa valeur. 34 Célibat el condition paysanne vrai, comme 00 I'a dit plus haut, que le mariage est chose trop sérieuse pour que la considération de l' économie puisse étre absente ou seulement reléguée au second plan, il faut aussi que des intéréts économiques importants soient engagés pour que le mariage soit chose vrairnent scrieuse. Au moment oú I'on crée une nouvelle « maison », la transaction économique scellée par contrat joue a la fois le role de gage el de symbole du caractere sacré des relations humaines qui se trouvent instaurées par le mariage. De tout ce qui précede, il résulte que l' atoé ne pouvait se marier ni «trap haut », de crainte d'avoir arestituer un jour la do! el de perdre toute autorité sur la maison, ni «trop bas » de peur de se déshonorer par la mésalliance et de se mettre dans 1"impossibilité de doter les eadets et les cadettes. Mais si, lorsque l' on parle de « mariage de bas en haut » (maridadje de bach ta haut) ou de « mariage de haut en bas » (de haut ta bach), on prend toujours le point de vue de l'hornme (cornrne le montre le choix des exemples), cest que eette opposition n'a pas le mérne sens selon qu'il s'agit d'un homme ou d'une femme. Du fait que le systerne de valeurs confere la prééminence la plus absolue aux membres males, tant dans la vie sociale que dans la gestion des affaires domestiques, il sensuit que le mariage d'un homme avec une femme de condition plus élevée est fortement désapprouvé, alors que le mariage inverse est eonfonne aux valeurs profondes de la société. Tandis que la seule logique de l' éeonomie tend, par la médiation de la dot, a favoriser le mariage entre familles de richesse sensiblement équivalente, les mariages approuvés se situant entre deux seuils, l'application du principe qui vient d'étre défini introduit une dissymétrie dans le systeme, selon qu'il s'agit d'hommes ou de femmes. Pour un garcon, la distance qui sépare sa condition de celle de son épouse peut étre relativement grande lorsqu'elle est en sa faveur, mais doit rester tres faible lorsqu'elle est en sa défaveur. Pour une fille, le sehérna est syrnétrique et inverse. Le systéme des échanges matrimoniaux 35 Il s'ensuit que I'béritier doit éviter avant tout de prendre une femme d'une condition supérieure a la sienne; d'abord, comme on I'a dit, paree que l'importance de la dot rccue eonstitue une menaee pour la propriété, rnais aussi paree que tout l'équilibre des relations domestiques s'en trouve menacé. Il n 'est pas rare que la farnille et, tout particulierement, la mere, premiere intéressée, s" oppose a un tel mariage. Les raisons sont évidentes : une femme de basse extraetion se soumet mieux al' autorité de la bello-mere. On ne manque pas, si besoin est, de lui rappeler son origine: «Avec ce que tu as porté ... » (Dap ~'o qui as pourtat.. .). C'est seulement quand sa bellc-rnere rnourra que I'on pourra dire d'elle, comme on fait,« maintenant lajeune est daune ». La fille de grande famille au contraire «est daune des son entrée dans la maison gráce a sa dot (qu' ey entrade daune), elle est respectée » (P. L.). Du mérne coup, I'autorité de son mari se trouve menacée et 1'0n sait qu'il n'est rien de pire, aux yeux d'un paysan, qu'une exploitation dirigée par une femme. Le respeet de ce principe revét une importance décisive lorsqu'il sagit du mariage entre un eadet et une héritiere, Dans le cas d'Eugene Ba., précédemment analysé (p. 30,la mere devait son autorité absolue au fait qu'elle était l'héririere de la maison et que son mari était d'une origine inférieure. "Elle était la daune. Elle était I'héritiere. Elle était tout dans cette maison. Lorsqu'un petit cadet vient sinstaller chez une grande héritiere, c'est elle qui reste la patronne.» (J.-P. A.) Le eas limite, c'est celui de I'homme de basse extraetion, le domestique par exemple, qui épouse une héritiere, Ainsi, « une filie de grande famille épousa un de ses domestiques. Elle jouail du piano, elle tenait l'harmonium al' église. Sa mere avait beaueoup de relations et reeevait des gens de la ville. Apres différentes tentatives de mariage, elle se rabat sur son domestique, Pa. Cet homme est toujours resté de ehez Pa. 00 lui disait : "Tu aurais dú prendre une bonne petite paysanne; elle aurait été d'une 36 Célibat el conJition paysanne autre aide pour toi." JI vivait daos le malaisc ; il était considéré cornme la cinquieme roue de la charreue. Il ne pouvait fréquenter les anciennes relations de sa íemme. Il n'était pas du méme monde. C'est lui qui travailla.t. cétait elle qui dirigeait et qui se payait du bon temps. 11 élatl toujours géné et aussi génant pour la famille. Il n'avait 111 -uie pas assez d'autorité pour imposer la fidélité asa fernrnc 13,» (J.-P. A.) De eelui qui se marie avec une femme d'un rang plus élevé, on dit qu'il se place cornme «domestique suns salaire » (baylet chens soutade). Si, s'agissant d'une femme, le mariage de haut en bas est désapprouvé, e'est seulement au norn de la morale mase uline, morale du point d'honneur, qui interdit a l'homme d' épouser une femme de condition supérieure. De méme, mis a part les obstacles économiques, rien ne soppose a ce qu 'une ainée de petite famille épouse un cadet de grande famille, alors qu'un ainé de petite famille ne peut épouser une cadette de grande famille. 11 apparait done que si les impératifs économiques s'imposent avec la méme rigueur qu'il s'agisse d'hommes ou de femmes, la logique des échanges matrimoniaux n 'est pas exactement identique pour les hommes et pour les femmes et possede une autonomie relative du fait qu'elle apparaí't cornme l' entrecroisement de la nécessité économique et d 'impératifs étrangers al' ordre de l' économie, a savoir ceux qui découlent du primat conféré aux hommes par le systeme de valeurs. Les différences économiques déterminent des impossibilités de fait; les impératifs culturels des incompatibilités de droit. Ainsi, le mariage entre héritiers étant pratiquement exclu du fait surtout qu'il entrainait la disparition d'un norn et 13. P. L. rapporte un autre cas : o: H., domestique dans une maison, était passionné de sa terreo 11 souffrait (pasabe mau) quand la pluie n'arrivait pas. Et la gréle ! et tout le reste! 11 finit par se marier avec la patronne. Tous ces types qui font des "mariages du bas vers le haut" sont marqués pour toute leur vie. lis sont genés. » Le systéme des échanges matrimoniaux 37 d 'un lignage 14 et aussi, pour des raisons économiques, le mariage entre cadets, l' ensemble du systeme tendait afavoriser deux types de mariages, a savoir le mariage entre I'ainé et la cadette et le mariage entre le cadet et l' ainée, Daos ces deux cas, le mécanisme des échauges matrimoniaux fonctionne avec le maximum de rig reur et de simplicité : les parents de I'héritier (ou de I'héritiere) instituent celui-ci (ou celle-la) comme tel, les parents du cadet (ou de la cadette) lui constituent une dot. Le mariage entre l'ainé et la cadette s'accorde parfaitement aux impératifs fondamentaux, tant économiques que culturels; par lui, la famille conserve I'intégrité de son patrimoine et perpétue son nomo Pour voir que le mariage entre 1'héritiere et le cadet, au contraire, risque toujours de contredire les impératifs culturels, il suf[ira d'analyser la situation familiale qui en résulte. Tout d'abord, ce mariage détermine une rupture définitive et tranchée dans le domaine des intéréts économiques, entre le cadet et sa famille d'origine; moyennant une compensation versée sous forme de dot, le cadet abandonne tous ses droits sur le patrimoine. La farnille de l'héritiere, elle, s'enrichit de tout ce que I'autre famille a perdu. Le gendre se dépouille en effet de tout ce qu'il apporte au profit de son beau-pere qui, a titre de garantie, peut lui consentir une hypotheque sur tous ses biens. S'il a apporté une grosse dot et si! s'est imposé par son travail et sa personnalité, il est honoré et traité comme le véritable maitre, sinon il doit sacrifier sa dot, son travail et parfois son nom a la nouvelle maison sur laquelle les deux beaux-parents entendent rnaintenir leur autorité. Il n' est pas rare en effet que le gendre perde en fait son nom pour n' étre plus désigné que par le nom de la 14. Mis a part peut-étre le cas oü les deux héritiers son! fils uniques et ou les deux propriétés sont voisines, ce mariage est considéré comme mauvais. « C'est le cas de Tr. qui a épousé la fille Da. 11 fait la navene d'une propriété a I'autre. 11 est toujours en chemin, il est partout, jamais chez lui. 11 faut que le maitre soit Ia.» (P. L.) 38 Célibat et condition paysanne maison 15. De plus, cornme 00 l'a Vil, pourpeu qu'il füt issu d 'une famille inférieure acelle de sa femme, pour peu qu 'iI cüt une personnalité effacée, le cadet se trouvait réduit a un role subordonné daos une maison qui n'était jamais vrai- ment la sienne. Pour ceux d'entre les cadets qui ne parvenaient pas a épouser une héritiére gráce a la dot parfois augmentée d'un petit pécule (lou cahau) laborieusement amassé, il ne restait d' autre issue que d' aller chercher ailleurs un métier et un établissement, a la ville ou en Amérique 16 Il était extrémement rare en effet qu'ils ne reculent pas devant les aléas d'un mariage avec une cadette, «rnariage de la faim avec la soif»; certains « se placaíent avec leur femme cornme domestiques a pension » (baylets el pensiou) soit dans des fennes soit ala ville, résolvant ainsi le probléme le plus difficile, celui de trouver une maison (ue case) et un emploi. Pour les autres, et surtout les plus pauvres, qu'Ils fussent domestiques ou ouvriers chez les autres ou dans leur propre farnille, il ne restait que le céli15. Ainsi dans la famille Jasses (nom fictif), les gendres successifs ont toujours été appelés jusqu'á ce jour par leur prénom suivi du nom de l'ancétre, chef de famille de grand rayonnement : « Quoi que ce füt un honnéte homme, le nom de Jan de Jasses, venu d' Ar., peu liant, n'était jamais cité (mentabut). Du gendre actuel, on en parle un peu plus, mais on dit Luden de Jasses..» (J.-P. A.) JASSES I 0= 6 Jacques de JASSES (nom d'état civil; Lasserre) I mort jeune morten 1918 6 = O Genevieve de JASSES n 6 0= 6 Jan de JASSES (Lacoste) Le systeme des échanges matrimoniaux 39 bat, puisqu 'il était exclu qu'ils pussent fonder un foyer tout en demeurant dans la maison matemelle 17. C'était la un privilege réservé a I'aíné. En ce qui conceme les cadettes, il semble que leur situation ait toujours été plus favorisée que celle des cadets. Du fait qu'elles constituaient surtout une charge, on avait háre de les marier et leurs dots étaient généralerneut supérieures acelles des garcons, ce qui accroissait considérablernent leurs chances de mariage. En dépit de la rigidité et de la rigueur avec laquelle il impose sa logique, particulierernent aux garcons, soumis aux nécessités économiques et aux impératifs d'honneur, ce systerne ne fonctionne jamáis comme un mécanisme. Il ya touiours assez de « jeu » pour que l'affection ou l'intérér personnel puissent s'irnmiscer. Ainsi, et bien qu'ils fussent aL! demeurant les arbitres chargés de faire respecter les regles du jeu. d 'interdire les mésalliances et d'imposer, au mépris des sentiments, les unions conformes a la regle, « les parents. pour favcriser un cadet (ou une cadette) préféré lui permeuaiem de se faire un petit pécule (lou cahau); on lui accordair, par exernple, une ou deux tetes de bétail qui, données en gasa/hes 18, rapportaient de bons profits », Ainsi, les individus jouent dans les limites des regles, de sorte que le modele que 1'on peut construire ne représente ni ce qui doit se faire ni rnérne ce qui se fait mais ce qui tendrait a se faire a la limite, si se trouvait exclue toute intervention de principes extérieurs a la logique du systeme, tel que le sentiment. Si les éléments des diagonales principales de la matrice de la page suivante sont nuls, a I'exception de deux (probabilité 1/2), c'est que les mariages entre deux héritiers ou entre I 0= 6. Lucien de JASSES (Laplume) 16. Dans le quartier de Ho., aux alentours de 1900, il n'y avait qu 'une maison qui ne comptát pas un émigré au moins en Amérique. Il y avait a Oloron des recruteurs qui encourageaient les jeunes a partir; il Y eut beaucoup de départs pendant les mauvaises années, entre 1884 et 1892. 17: D'un~ certaine facon, les impératifs proprement culturels, a sa:Olr pnncipalement l'Inrerdit du mariage de bas en haut, s'imposaient aux cadets avec monis de rigueur, 1~. ('().ntr~t a I'amiable par lequel on confie a un ami sur, apres en avoir esume la valeur, une ou plusieurs tetes de bétail : les produits son! partugés, ainsi que les bénéfices et les pertes sur la viande. résidence des fermiers. » La grande famille se distingue aussí par un style de vie. « Les filles. la dissymétrie introduite par le mariage entre une ainée de petite famille el un cadel de grande famille. leur style de vie ou leur réussite. tels que l'importance de la maison : on distingue les rnaisons a deux étages (maysous de dus soulés] ou «rnaisons de mairre » (maysous de meste) et les rnaisons a un seul étage. Si l'on adopte le principe de différenciation utilisé par les habitants de Lesquire eux-mémes. Les «grandes familles » qui ne sont pas nécessairement les plus riches du moment sont saisies et se saisissent comme formant une véritable noblesse.3 % et 10. el les propriétés de plus de 30 hectares. les filles pouvant se marier de bas en haut. Cependant. 11 s'ensuit que le critere économique n'est pas de nature a détenniner par soi seul des différenciations sensibles. sinon par respect de l'honneur. le jugement social met Iongtemps a reconnaitre « les parvenus » quels que soient leur richesse. on est conduit a appaser « les grandes maisons » el « les petites maisons » ou encare les «grands paysans » el les «petits paysans » (loas paysantotsí. L'aíné de grande famille (loa gran aynat) doit se montrer digne de son nom et du renom de sa maison. incarner les vertus de l'hornme d'honneur (homi d'aunou) a savoir la générosité. Il suit de tout cela que les groupes de statut que la conscience commune distingue ne sont ni totalement dépendants ni totalement indépendants de leurs bases économiques. des métayers et des petits paysans. 1'hospitalité et le sentiment de dignité. l' existence de Le systemc des échanges matrimoniaux 41 la hiérarchie sociale est vivement ressentie et affinnée.9 %. mais aussi a certains signes extérieurs. du moins par crainte de la honte (per hounte ou per aanoa). au nombre de 96. du fait que le mariage est I'occasion d'une transaction économique de grande importance. bien que la distribution de la propriété fonciere permette de distinguer trois groupes. entourée de l'estime coIlective et honorée par tous. Par suite. de mérne qu'une famille de moindre renom peut se saigner aux quatre veines pour marier un de ses enfants dans une grande maison. regardaient le portail (Iou pourtalé¡ plus que l'hornme. les toutes petites propriétés (moins de 5 ha) et les grands domaines (plus de 30 ha) constituent une proportion tres faible de l'ensemble. les propriétés de 15 á 30 hectares. elle se doit de rnanifester au plus haut point le respect des valeurs socialement reconnues. Cependant. La grande famille est reconnaissable non seulement al' étendue de son domaine. . au nombre de 175. il doit. a savoir les propriétés de moins de 15 hectares. déclare un célibataire. 00 le voit parfaitement a l'occasion du mariage. par le mariage entre une cadette de petite famille et un ainé de grande famille s'explique par le fait que les barrieres sociales ne s'imposen! pas avec la méme rigueur aux filles el aux garcons. au nombre de 31. plus que tout autre. Sans doute dans le refus de la mésalliance. La « grande maison » se désigne par le portail monumental qui donne acces dans la cour. Cette distinction correspond-elle á une opposition tranchée daos le domaine économique ? En fait. Métayers et fermiers sont tres peu nombreux. les clivages ne sont jamais brutaux entre ces trois catégories. pour cela.40 Célibat et condition paysanne Grandefamitte Grande famille Petite famille {Atnée Cadette I Ainée Cadette Peritefamille Afné Cadet Aíné Cadct O 1 I O O O O O O 1/2 1/2 O O 1 1 O deux cadets sont exclus en tout cas el a [ortiori quand vient s'ajouter l'inégalité de fortune et de rang social. la considération de l'intérét économique ri'est jamais absente. de méme. soit respectivement 12. 00 ne lui . 11 avait une sceur et une mere qui savaient tout ce gui se passait dans le village. D'autres se seraient dressés contre Ieur pere. san s jamais sortiro Elles dominaient la maison. Mariages tardifs contribuant alimiter la naraliré. au-delá d'un certain seuil. l' opposition entre les grandes maisons el les petites se situe dans l'ordre social et elle est relativement indépendante des bases économiques de la société. Quand il parla de se rnarier. Ensemble des biens mobiliers et immobiliers forman! la base économique de la farnille. Le célibat des ainés. L' opposition entre une famille plus riche et une famille moins riche n'estjamais I'équivalent de I'opposition entre les « grands » et les «petits ». «P. par rapport a laquelle tout le systerne s'organise. Mais d 'un autre coté. regles régissant I'héritage des biens. lui sest laissé dominer. ce serait s' interdire d' en comprendre la structure. empéchant en fait les alliances. il ne sortait jamais. Ainsi. patrimoine qui doit étre maintenu indivis a travers les générations. elle entraíne l'impossibilité (en droit) de certains mariages tenus pour rnésalliances.42 I ~ Célibat et condition paysanne I'ainé de grande maison peut repousser un parti plus avantageux au point de vue économique pour se marier selon son rango Paree qu'elle distingue des groupes de statut plutót que des classes strictement déterminées par l'économie. La complexité qui résulte de Le systéme des échanges matrimoniaux 43 I' exercice de ces deux types d' opposition est redoublée par le fait que les regles générales n'échappent jamais a la casuistique spontanée . les inégalités de richesse tendent a détenniner des points de segmentation particuliers. (artisan du bourg." Il "volait" I'école. L'opposition fondée sur l'inégalité de rang sépare de la masse paysanne une aristocratie ruraIe distincte non seulement par sa propriété. au nom de raisons premierernent sociales et secondairement économiques. a tort ou a raison (a tor ou a dret). paree qu'elles agissent tres différemment sur la logique des échanges matrimoniaux. la marge de disparité admissible reste toujours restreinte en sorte que. jusqu 'a 1'intérieur du mérne groupe de statut et en dépit de l'homogénéité de la répartition des surfaces possédées. Cependant en raison de la rigueur avec laquelle la nécessité économique domine les échanges matrimoniaux. rare et exceptionneI. qui étaient les célibataires ? C'étaient avant tout les cadets. a cóté de la ligne de clivage qui sépare deux groupes de statut dotés d'une certaine pennanence du fait de la stabilité relative de leurs bases économiques. et ceci tout spécialement a I'occasion des mariages. auraient cherché a aller gagner un peu d'argent au-dehors . entité collective a laquelle chaque membre de la famille doit subordonner ses intéréts et ses sentiments. Bien qu'elles ne soient jamais pleinement indépendantes. Ignorer que c'est la aussi la fonction prerniere des échanges matrimoniaux. mais SUTtout par la « noblesse » de son origine. ágé de 86 ans) n'avait jamais de sous pour sortir. "A quoi bon une femme? Il yen a déjá deux a la maison. surtout dans les familles nombreuses et dan s les familles pauvres. il faut distinguer les inégalités de rang et les inégalités de richesse. elles se liguérent avec le pere. « la maison » est la valeur des valeurs. cela paree que le mariage ne se situe jamais pleinement dans la logique des alliances ou dans la logique des affaires. par son style de vie et par la considération sociale dont elle est entourée. apparait cornme lié a un fonctionnement trap rigide du systeme et a l'application mécanique de certains impératifs. les inégalités de richesse se manifestent al' occasion de chaque mariage particulier. tout concourt a assurer la permanence de la maison.-M. L. * * * Dans une telle logique. C'est le cas par exemple des ainés victimes de lautorité excessive des parents. réduction du nombre d' enfants (deux par ménage en moyenne). les différences économiques font ressurgir la barriere. célibat des cadets. ses droits sur la propriété restaient virtuels. A. Bien sur. Mais la rupture de mes projets de mariage avait brisé quelque chose : je n' avais plus envie de danser.44 Célibat el condition paysanne disait jamais rien. e 'est-á-diré l'équipement domestique: le o: buffet ~).. Certains allaient gagner un peu d'argent de poche au-dehors . en s'exposant aétre déshérités au profit d'un autre frere ou sceur. se tirer du guépier (tiras de la haille : mot amot. C'était un homme important. . 11 fallait nourrir une bouehe de plus. plus que tout autre. "Non. Je n'avais plus de penchant pour les autres. bien souvent. tu ne dais pas te marier. cest-á-dire un affront quijette dans le ridicule aussi bien l'auteur que la victime]. Ceux qui voulaient se marier contre la volonté des parents navaient d'autre ressource que de partir. J'armoire. A." Nous TI 'étions pas riehes. Le systéme des échanges matrimoniaux 45 du brasier). A l'époque. la mazurka. ne pouvait pas partir. artisan résidant au bourg : «F'ai travaillé aussitót apres l'école al'atelier. avec mon pere. un conseiller municipal. Les jeunes filles de mon áge étaient toutes mariées. aux impératifs sociaux et a l'autorité famiIiale. alors que ma mere et roa sceur étaient la. c'était pour jouer aux cartes ." (J. Les jeunes travaillaient et les vieux gardaient la monnaie.) né en 1885. II avait été le premier du hameau a porter la veste. se tirer 19. 31]. p. Al' époque. les ainés de grandes familles paysannes.) Rien de plus éclairant que ce témoignage d'un vieux célibataire (1. ee qui permettait de grimper jusqu'au sommet des cols. la polka. 00 en riait. mais il me les laissa entendre : "Nous TI'avons pas besoin d'une femme id.» (J. Ma soeur n' a quitté la maison que pendant six mois. il aurait fallu partir au loin. le fils ainé qui allait s'installer avee sa femme dans une maison indépendante. le plus grand de Lesquire. ni de fréquenter d'autres jeunes filies. la valse . A. je suis revenu a la maison. «Le pece coulait les sous tres doucement. il n'y avait pas de skis. On attaehait aux godillots des planehettes arrondies. Je n'étaís plus attiré vers les jeunes filles pour me marier .) Contraint d'étre a la hauteur de son rang. le eonsentement du pere et de la mere était indispensable 19. c'était une honte [u escarm' 20 . ete. puis je rentrais vers minuit. Bien sur.." Il ne me dit pas ses raisons. Quand je sortais le di manche. n ne pouvait pas partir. C' était un bon parti (u hou partit). a qui les impératifs économiques s'imposaient avec le plus de force. On veillait entre garcons. Elle apportait une dot de 10 000 franes avee le trousseau. le sommier. J'ai fréquenté une jeune fille de Ré.-P. 1'ai été tres touché. je donnais parfois un eoup d'reil au bal. aChambéry. A la fois «juridiquement » et matériellement. ils se placaient quelque temps eomme cocher ou joumalier. Mon pere s' opposa forrnellement. que l'on trouvait des cas de ce genre. au 13' ehasseurs alpins. 20. II ne faIlait pas étaler devant les gens les conflits familiaux. apres son mariage. Apres deux ans de service militaire. Et puis. le garde un tres bon souvenir de mes escalades daos les Alpes. Une fois veuve elle est rentrée et vit toujours avee moi. II était trop enmoussurit ("enmonsieuré" de moussu. 1'ai eessé de danser.. « L'ainé de ehez Ba. j'aurais pu partir. Tout ~a. tant que les parents étaient vivants. On aurait supposé qu"Il y avait une brouille grave. e' est la faute de l'édueation. surtout les vieilles danses. Mais partir était beaucoup moins faeile pour l"ainé d 'une grande maison paysanne que pour le cadet. il ri' était pas eapable d' aller gagner sa vie. » (Reeueilli en béamais. [dont l'histoire est rapportée ci-dessus. 1'ai été mobilisé en 1905. Mais cérait difficile.-P. monsieur). lainé était soumis. Seule la famil1e pouvait assurer « le ménage gami » (lou ménadje RamiO. De plus.) Mais e'est surtout panni les capmaysoués. Comme ca. lIs ne pouvaient méme pas sortir. earicaturer ». Nous avions décidé de nous marier en 1909. j'avais pourtant beaucoup aimé danser. ils avaient un peu . on jouait aux cartes. Le verbe escarni signifie « imiter pour toumer en dérision. Mais autrefois. le bo¡s de lit (1' arcaillieyt). a la différence des ainés de grande famille. avaient. d'autres se contentaient de promettre une augmentation de la parto De véritables contrats de travail étaient parfois passés entre le capmaysoué et le cadet dont la situation était celle d'un serviteur. Les ainés.eil. est un personnage de la tradition populaire dans lequel les Béamais aiment a se reconnaltre. paree qu'ils n'avaient pas un sou a eux. puis chez L. il sait toujours mettre le droit de son coté et se tirer d'affaire par son ingéniosité. Les jeunes n' avaient aucune personnalité . les cadets et les gens d' origine plus modeste.) Si certains ainés de grande famille se trouvaient condamnés au célibat du fait de l'autorité excessive des parents. J'étais gáté par mes freres. a la terre qu'il a toujours travaillée et qu 'il considere comme sienne. dont ils pouvaient disposer cornme ils voulaient. en 1929. c Celui qui est capmaysoué a l'embarras du choix. Sa famille n 'est guere pressée de le voir se marier et cherche souvent a le retenir.» (P. soit deux moutons.' trois ou quatre copains. Beaucoup. le quatrierne un peu abruti par la guerreo J'appréciais la joie du retour a la maison. autrefois. tous trois pensionnés. L. je me suis retrouvé dans la famille du frere le plus ágé. A. lIs me donnaient de l'argent. Parfois. avec ceot satis 00 faisait la féte ave.) Mais les chances au mariage décroissaient parallelement au niveau social. au service de la maison. Les jeunes fiIles de mon áge étaient 21. reste qu'ils étaient nonnalement favorisés. passaicnt presque toute leur vie chez eux. ce qui Iui permettait de se faire un peu d'argent. Cependant en dépit du proverbe selon lequel «mieux vaut gent qu'argent » (que hau mey Ren qu' argen). grands mutilés. 22. rusé. en attendant. n'avaient rien el ne pouvaient pas sortir. sans mon frere ni ma mere qui me gátaient tanto Par exemple. Finaud. Ainsi moi. sous ce rapport. ils ne Iáchaient rien. au patrimoine familial.46 Célibat et condition paysanne d' ai gent. une liberté de choix plus grande. soit une Le systéme des échanges matrimoniaux 47 en Amérique". va-he. mon frere m'a reproché la perte de quelques charges de foin. qui étaient restées étendues sous l' orage et qui auraient été rentrées si j'avais été la. ou qui va chercher fortune «J'étais le dernier-né d'une famille de cinq. Acoté du cadet qui fuit la maison familiale et part vers la ville. le troisierne amputé d'une jambe. Celui qui avait une maladie de poitrine ne pouvait rester seul. ignorant le souci de la mésalliance et tous les empéchements soulevés par le point d'honneur ou l'orgueil. Ils ne pouvaieni pas sortir. Caddetou. a . au moins pour un temps. Avant la guerre de 14 (né en 1894). je trouve une famille amoindrie: un frere tué. j'ai été domestique chez M. Puis j'ai fait la guerreo A mon retour. je l'accompagnais aux foires et aux marchés. a l'occasion du depart pour le service militaire 00 donuait au cadet un pécule (11 cabau) : soit un petit coin de bois qu'il pouvait exploiter. disaient les parents " el.. pour payer a boire. il y a aussi le cadet qui reste aupres de son ainé par attachement au pays. C'est alors que je me suis rendu compte de mon isolement dans cette famille. prendre en considération l'importance de la dot que leur épouse leur apporterait. le garde un tres bon souvenir de cette période. je I'aidais. Il yavait des familles comme ya oü il Y avait toujours eu des célibataires. il ne songe pas au mariage. l' ainé. ils étaient écrasés par un pere trap dur." (J. Cette formule est souvent prononeée ironiquement. Sans doute. a la maison. en quéte d 'un petit emploi. 00 m'avait donné une vache quej'avais confiée a un ami en gasalhes. paree qu' elle apparait eomme le symbole de l' arbitraire et de la tyrannie des vieux. Apres sa mort. Totalement possédé. un jour oü j 'avais pris la liberté d' aller Pau. astucieux. certains soumettaient la remise de la dot a la condition que le cadet consentir a travailler aupres de 1'ainé pendant un certain nombre d'années. J'avais laissé passer l' áge de me marier. Et pourtant. tres souvent.-P. par nécessité plus que par orgi. "Tu auras tout" iqu' al aberas tout). ils devaient aussi. le petit eadet. chez Ch. qui venaient a la messe au bourg. ils n 'y aHaient pas. j'aurais une famille indépendante. TI'a jamais asse z travaillé. Engagé pour l' année. Et puis le cadet. c'est-a-díre le eheptel.) La situation du domestique agricole n'était pas sans re. j' ai installé un lit de campo » (Recueilli en béamais) Par des voies opposées.-P. Le systéme des échanges matrimoniaux 49 deux bouts (ta junta). ca aurait été. On distinguait autrefois lous mestes ou capmaysoués. les ouvriers et tous baytets. « Étant le cadet. la maison. a 70 ans. le jour des fétes seulement et qui. Il n'était pas rare que des hommes ágés. Le cadet avait. peut-étre me marier. J'en suis réduit. pour avoir un peu de tranquillité. A vec son salaire il peut se payer du tabac et aller «boire un coup ». La vie serait plus agréable pour moi. le dimanehe. il faut en avoir envie. bien qu'elle ait eu différents propriétaires et qu'elle soit aujourd'hui abandonnée. Ils étaient les soutiens de la maison. ce qui facilitait le passage devant le maire. nourri. logé. bien sür. 24. les domestiques. les métayers. C'est lainé qui sortait.. La jeune filie que je fréquentais est partie en ville . Un tres bon domestique gagnait 250 a 300 francs par an avant 1914. 00 luí fait des reproches qu'un patron TI'oserait jamais faire a ses domestiques. le vieux domestique devait la plupart du temps se résigner au eélibat. Si le mariage s ' était fait. lui. le mariage était tres diffieile et e'est dans ces deux eatégories sociales que I'on comptait autrefois le plus de célibataires ". . La différence d'áge entre les époux était en moyenne beaucoup plus grande autrefois qu'aujourd'hui. acquérir une fenne et des !erres. lous bourdés en afferme. il ne redoute pas 1'hiver ni les jours de pluie. Exemple de maison qui a conservé son ncm. soit paree qu'il n'avait pas assez d'argent pour sinstaller et se marier. étaient dans mon caso le vous assure que si je pouvais revenir en amere. Partir a Pau a pied. J' ai fréquenté lá-bas une jeune fille. iI pouvait espérer acheterune maison avec 10 ou 12 années de salaire et avec la dot d' une jeune filIe et un peu d'argent emprunté. lous bourdés-rnieytadés. comme pour I'ouvrier. en eontrepartie. au quartier Le. S 'ils n'avaient rien a y faire. n' étaient jamais allés a Pau ou a Oloron. j' étais souvent cafardeux a mes moments de liberté. la basse-cour.23 . qui est souvent obligé de prendre des travaux a forfait (¿¡ prés-hevt) pour joindre les 23. Il y en a encore quelques-uns. 26. eomme domestique a Es. la différence de louvrier journalier qui ne trouve des «joumées » (journaus) qu'a la belle saison et demeure souvent sans travail tour l'hiver et les jours de pluie.. je les passais a boire avec des copains qui. que les enfants étaient placés comme domestiques ou servantes (gouye). qui dépense a peu pres tout ce qu'il gagne ("un sou par jour. s'jl était dcmeuré célibataire. 25. L'ainé. Le joumalier.48 Célihat el condition paysanne parties ou manees.« Il y avait de vieux cadets dans des maisons situées a deux heures de marche (7 a 8 kilometres). Mais. épousent des filIes de 20 a 25 ans. j' ai été plaeé tres tót. elle revcnuit a I'héritier. c'est-a-dire les « maitres » grands ou petits. Et ils n'avaient rien a y faire. il est nourri. avait le "ménage garni" (lou menadje garnit¡ des parents. a 10 ans. lous oubrés. Nous étions aussi pauvres l'un que l'autre. S 'iI était tres économe. Bien sür.sembler a celle du cadet casanier. il fallait partir a pied. blanchi. mais riches et de grande famille. » (J. pour la plupart. jusqu'en 1914") pour acheter du pain ou de la farine. le cadet qui partait gagner sa vie a la ville et le cadet célibataire qui restait a la maison assuraient la sauvegarde du patrimoine paysan i". a me réfugier daos la maison ES. bien amoi. le matériel agrieole. Pour le domestique. A. moins ils ont envie de sortir. je quitterais rapidement la famille pour me placer. le domestique (Iou haylet) jouit d 'une plus grande sécurité 25. le plus souvent eadet de petite famille. "le mariage de la faim avec la soif" (lou maridadje de la hami dap la set). n 'avait a peu pres aucun espoir de sélever. comme on dit. Moins ils sortent. la jouissunce viagere de sa part. daos une maison. D'abord. A. daos le seul COlO habitable. soit par attaehement a la maison et par dévouement ases patrons. Il doit étre toujours sur la breche. en principe. chez Sa. A peine avaient-ils fait la premiére communion. etc. A sa mort. les fenniers. noueyt) au café. Le systéme des échanges matrimoniaux 51 le eélibat des aínés lui-méme ri'était au fond que l'effet malheureux d'une affirmation excessive de I'autorité des aneiens. A. mol amo! : faire la nuit.-P. d'invoquer sa fonction économique et sociale. H fit le monsieur et ne travailla plus. [gros paysan].» (A A) «11 y a une circulation d'argent quil n'y avait pasoLes gens ne sont pas plus riches.) 28. soil qu 'il parte pour la ville ou l' Amérique. il causait avec une héritiere d 'Es. Manuel de folklore francais. L'autorité des parents. le célibat de quelques-uns se trouve intégré dans la cohérenee du systerne social et. la ségrégation des sexes est brutale.) . OU l'essentiel des biens est eonstitué par la propriété fonciere. Il veut faire danser la grande ainée. Des l' enfance.« Il n'y avait pas d'argent. il prit les habitudes des parents de sa femme qui revenaient d'Amérique et vivaient de rentes. leur célibat s'inscrit dans la logique d'un systeme qui entoure de tout un luxe de proteetions le patrimoine. 1943-1946. A Van Gennep. Nous parlions le plus souvent sur les femmes. a une fonetion sociale éminente. né en 1898). Tous les inforrnateurs insistent fréquemment sur la rareté de l'argent liquide.so Célibat el condition paysanne e'est souvent comme ya. Editions Auguste Picard. les cadets et les individus de basse extraction (de perite garhure). ason tour.) Ainsi. a la famille et au nom détenninent le eadet a se sacrifier. On dépensait peu de chose. la logique des échanges matrimoniaux tend a sauvegarder et aperpétuer la hiérarehie sociale. la jeune filie TI' attend paso Elle a plus de facilités pour partir. de petits "gueuletons".1 et 2. Et le lendemain nous disions du mal de nos copains de fétc de la veille » (N. compensation aceordée aux eadets et cadettes. méme pour les sorties du dimanche. ouvriers agrieoles et surtout domestiques. se «placer» en ville comme bonne. Et il se maria avec elle. S'il eonstituait une sorte de raté du systeme. le droit d'ainesse qui a pour fonction de garantir la terre transmise par les aieux.ons qui étaient daos mon caso Nous passions des nuits entieres (noueyteya. On faisait faire une omelette el une cótelette ou un poulet. C'était quelque chose d'extraordinaire. Moi. nous faisions des parties de cartes jusqua laube. évidernment nous en disions les pires choses. clé de voüte de la soeiété. sans femme et sans salaire 28. Quant aux autres. afin qu'ils renoncent a leurs droits sur la terre et la maison. En fait. t. pendant ce temps je m'amusais a roa Iacon. al'occasion du Carnaval par exemple.. un cadet de basse extraction (u caddet de petite garbare) n'allait pas beaucoup trébucher la cadette de chez Gu. L. enferme une menace : aussi s'emploie-t-on a éviter a tout prix le partage qui ruinerait la famille. garcons et 27. Contrairement a d'autres régions rurales. attirée par une copine. métayers. JCf. 1. (Recueilli en béamais) C'est daos les relations entre les sexes el al'occasion des mariages que s'affirrnait le plus vivernent la conscience de la hiérarchie sociale. " (J. Mais. On croyait qu'il serait l' esclave. domestique agricole. mais l'argent circule plus. la force des traditions. Mais il y a aussi que." Des domestiques qui présentaient bien allaient parfois faire danser les héritieres. valeur des valeurs. mais c'était rareo Il y avait un domestique de bonne apparence. Mais la dot. avec d'autres garr. il n' en fut rien. celui qui pouvait vivre chez lui et faire quelques sous était heureux mais pas celui qui devait tout acheter. dans la société d'autrefois et eneore aujourd'hui. Tout le monde "criait" (sindignait) de le voir se marier la. Dans eette société oü 1'argent est rare et cher". soit qu 'il reste ala propriété. Que le mariage soit I'affaire de la famille plus que de lindividu et qu'il se réalise selon les modeles strictement définis par la tradition. Lesquire ignorait les farces rituelles faites aux célibataires garcons ou filies. ferrniers. plus profondément. pour l'expliquer. l'ouvrier par exemple. Celui-lá c'étaít le plus malheureux de tous. Paris. il suffit. il avait une bonne présentation en société. est inséparable de la dot. «Au bal.» (F. l'attachement a la terre. de ce fait. Ils allaient a Oloron tous les vendredis. Les autres auraient dit aussítót : "H est prétentieux. 52 Célibat el condition paysanne filles sont séparés sur les barres de l'école, au catéchisme. De méme, a1'église, les hommes se groupent ala tribune ou dans le fond de la travée centrale, pres de la porte, tandis que les femmes se disposent sur les bas-cótés ou daos la nef. Le café est le lieu réservé aux hommes et, lorsque les femmes veulent appeler leur mari, elles TI 'y vont pas elles-mémes mais envoient leur fils. Tout l'apprentissage culturel et l' ensemble du systeme de valeurs tendent 11 développer chez les membres de 1'un et l' autre sexe des attitudes d'exc1usion réciproque et a créer une distance qui ne peut étre franchie saos géne". En sorte que l'intervention des familles était d'une certaine fa~on exigée par la logique du systeme, et aussi celle du « marieur » ou de la « marieuse » appelé trachur (ou talamé, dans la vallée du Gave de Pau). « 11 fallait un intennédiaire pour les amener ase rencontrer. Une fois qu'ils se sont parlé, ,a va. Il y en a beaucoup qui TI' ont pas l ' occasion de rencontrer de jeunes filles ou qui nosent pas y aller. Le vieux curé a fait beaucoup de mariages entre grandes familles de bien-pensants. Par exemple B. ne sortait pas, il était timide, il allait peu au bal; le vieux curé va le voir : "Il faut te marier.' La mere: "11 faudrait le marier mais il ne trouve pas, cest difficile." "11 ne faut pas regarder la dot, dit le curé; il Y a une fille qui sera pour vous une fortune." II le marie avec une jeune fille pauvre, une fille de métayers qu'il connaissait par une tante tres dévote. Le curé a fait aussi le mariage de L. Daos beaucoup de cas, il a fait accepter a de vieilles familles, qui ne voulaient pas déroger, un mariage avec des filles de famille pauvre. Tres souvent, le colporteur (croufetayre) jouait le role de trachur, La mere tui disait : "le veux marier mon fiIs." Il en parlait a des gens qui avaient une filie a Ar., Ga., Og., et oü il passait. Beaucoup de mariages se faisaient 29. Le langage est révélateur : les expressions ha bistes (mot a mot : faire des vues),parla ue gouyate (mot a mot: parler a une jeune filie), signifient « courtiser ». Le systéme des échanges matrimoniaux 53 comme ya. D'autres fois, c'était un parent ou un ami qui jouait le róle d'intermédiaire. On en parlait aux parents de la fille, puis on disait au jeune hornme : "Viens te prornener avec moi,je vais te présenter."» (P. L., 88 ans) La eoutume voulait que, le rnariage conclu, on offrit au trachur un cadeau et qu'on linvitát au mariage. De celui qui avait tramé le mariage, on disait : « 11 a gagné une paire de bottines » (que s' a gagnat u pa de bottiness. C'est dans ce eontexte qu'il faut comprendre le type de mariage appelé barate dans la plaine du Gave et crouhou 11 Lesquire et qui unit deux enfants d'une famille (deux freres ou deux sceurs ou un frere et une sceur) adeux enfants d'une autre. «Le mariage de 1'un des enfants donne aux autres 1'oceasion de se voir. On profite de 1'oceasion. » (P. L.) 11 faut noter que, daos ce cas, sauf si 1'une des familles compte plus de deux enfants, il n'y a pas de versement de dot, Ainsi, la restriction de la liberté de choix a son envers positif. L 'intervention directe ou médiate de la famille et surtout de la mere dispense de la recherche de l' épouse. On peut étre lourdaud, rustre, grossier, sans perdre toute chance de se marier. Le cadet de chez Ba., e jaloux. sauvage, grincheux (rougnayre), pas charmant avec les femmes, méchant », n 'a-t-il pas été fiancé avec la fille An., la plus riche et la plus jolie héritiere du pays? Et iI nest peut-étre pas exagéré de penser que, par ce mécanisme, la société assure la sauvegarde de ses valeurs fondamentales, a savoir les « vertus paysannes »? La conscience commune n 'oppose-t-elle pas traditionnellement le «paysan» (lou paysá¡ au «rnonsieur » (!ou moussúi't Sans doute, de méme qu'il sopposait au paysan enmoussurit, «enmonsieuré », le bon paysan sopposait au paysan empaysanit, «empaysanné », au hucou ". a l'homme des bois, et devait savoir se montrer «hornme de compagnie »; il n'en reste pas moins que 30. Ce terrne tend chat-huant. a désigner actuellement le célibataire ; mot a mot : S4 Célibat er condition paysanne I'accent érait toujours mis sur les qualités de paysan. Surtout lorsqu'il était question de mariage, on attendait d'un homme qu'il fút travailleur et qu'il süt travailler, qu'il füt capable de diriger son exploitation, tant par sa compétence que par son autorité. 00 passait également sur le fait qu' il ne süt pas nouer des amitiés (amigaílha' s) avec les femmes, qu'il füt acharné a son travail au point de négliger certains devoirs de société. Le jugement collectif était impitoyable, au contraire, pour celui qui se rnélait de « taire le monsieur » (moussurevay au détriment de ses taches de paysan. « Il était trop monsieur (moussü) ; pas assez pay van. Tres joli homme pour sortir, mais pas d'autorité. » (F. l., 88 ans) Toute la prime éducation préparait lajeune filIe a percevoir et juger les prércndants selon les nonnes admiscs de toute la communauté ,~I. Au ~< monsieur » qui lui aurait fait la cour, elle aurait répondu, comme la bergere de la chanson: « } ou qn' üvmi me.' lf bet hilh de paysá » (Moi j 'airne mieux un Don fils de paysa.u". á 31. De méme le garcon ne pouvait qu'admettre et adopter l'idéal collectif, selon lequel I'épouse idéale est une bonne paysanne, attachée a la terre, dure a la peine, « sachant travailler au-dedans et audehors, sans peur d'attraper des cals aux mains et capable de manier le bétail ,> (F. L.). 32.« Veux-tu belle bergere me donner ton amour. le te serai fidele jusqu 'a la fin des jours. YOII quavmi mey u bet hilh de paysa .. Pourquoi done bergere étre si cruelle? Et bous moussú ta qu' et tan amourous ? (Et vous monsieur pourquoi étes-vous si amoureux ?) le n'aime pas toutes ces demoiselles. .. E you mOllssu qu' emfouti de bous ... (et moi mons.cu. je me fous de vous)" (recueilli en 1959 a Lesquire). Il existe une foule de chansons qui, comme celle-ci, font dialoguer une bergere, rusée et forte en gueule, avec un fraru-himán de la ville (nom péjoratif donné a celui qui s'escrime a parler truncáis, franchimandeya). 2 Contradictions internes et anomie « Les mains qui applaudisseru dans les théátres, les cirques, laissent repocer les guérers, les vignes. ,> COLUMELLE. A toute famille paysanne se propo-ent des fins contradictoires, la sauvegarde de l 'intégrité du patrimoinc et le respect de I'égalité des droits entre les enfants. L"unportance relative que l'on accorde a chacune de ces deux fins varie selon les sociétés, ainsi que les méthodes eruployées pour les atteindre. Le systerne béamais se situe entre ces deux póles : I'héritage d'un seul, généralement l'ainé. et le partage équitable entre tous les enfants. Cependant, la compensation accordée aux cadets n 'cst qu 'une concession forcée a l'impératif de I'équité ; la coutume successorale privilégie résolument la sauvega: de du patnmoine. octroyé a l'ainé, sans que soient sacrifiés totalement, cornme autrefois en Angleterre, les droits des cadets. Avec le célibat des cadets et le renoncement a l'héritage, le systeme s'accomplirait dans toute sa logique et rejoindrait la limite vers laquelle il tend, mais qu'il n'atteint jamais paree que cela reviendrait aexiger de toute une catégorie un sacrifice total et impossible. Si le méme phénomene qui, autrefois, paraissait aller de soi est aujourd'hui saisi comme anonnaI, cest que le célibat de quelques-uns, qui était dans l'ordre palee quil 56 Célibat et condition paysanne contribuait asauvegarder 1'ordre social, menace maintenant les fondements mémes de ce! ordre. Le célibat des cadets ne faisait que réaliser la logique du systerne jusqu'en ses conséquences extremes, en sorte qu'il pouvait étre percu comme le sacrifice naturel de l'individu al''intérét collectif; aujourd'hui, le célibat est subi comme un destin absurde et inutile. Daos un cas, soumission a la regle, c'est-a-dire anomalie normale ; daos l'autre cas, déreglement du systeme, c'est-á-dire anomie. Les nouveaux célibataires Le célibat apparait comme le signe le plus manifeste de la crise qui affecle l'ordre social. Alors que dans l'ancienne société, le célibat était étroitement lié ala situation de 1'individu dans la hiérarchie sociale, reflel elle-rnéme de la réparlition de la propriété fonciere, il apparait aujourd'hui comme lié, avanl tout, a la distribution dans 1'espace géographique. Sans doute, l' efficace des facteurs qui tendaient afavoriser le célibal aulrefois n' esl pas suspendue. La logique des échanges matrimoniaux reste dominée par la hiérarchie sociale. Un tableau répartissant les célibataires natifs des hameaux 33 selon la catégorie socio-professionnelle, 1'áge, le sexe et le rang de naissance montre clairement que les chances au mariage décroissent parallelement a la situation socio-économique (voir pages suivantes). Le pourcentage de célibataires croít régulierement a mesure que l' on va vers les catégories sociales inférieures : 0,47 % des célibalaires sont des gros propriélaires, 2,81 % des propriélaires moyens, 8,45 % des petits propriélaires (soit 11,73 % pour l'ensemble des propriélaires lerriens), 4,22 % sonl des ouvriers agricoles, 2,81 % des métayers el 33. La population agglomérée (qui sera désignée par la suite sous le nom de bourg) est de 264 personnes, la population éparse (hameaux) de 1 090 personnes. Contradictions internes et anomie 57 des fermiers, 11,73 % des domestiques el 69,50 % des aides familiaux. Il faut pondérer ces chiffres, en tenant compte de l'importance numérique des différentes catégories". Pour les métayers et les fermiers, le pourcentage des célibataires atreint 28,57 % ; pour les ouvriers agricoles 81,81 %; pour les domestiques 100 % 35. Si, comme autrefois, les chances au mariage sont beaucoup plus faibles pour les individus appartenant aux catégories les plus défavorisées, en particulier les ouvriers agricoles et les domestiques, iI apparait que le taux de célibat est relativement elevé chez les propriétaires rerriens. Les 28 chefs d'exploitation célibataires et les 22 ainés qui, leurs parents étant vivants, ont été rangés parmi les aides tamiliaux, représentent 22,32 % de l' ensemble des propriétaires terriens des hameaux. 34. C.f. appendice III : Taille des familIes selon la catégorie socioprofessionnelle des chefs de famil!e. tableaux III A et B, in P. Bourdieu, <Célibat et condition paysanne », op, cit., p. 123-124. . 35. Bien qu 'ils s~ient devenus tres rares (et du méme coup tres précieux). les domestiques n'onr pas une condition bien supérieure a celle quils auraient eue i l y a cinquante ans. Bntierement soumis a des patrons souveru autoritaires, qui s'fnzénient a les dénigrer en public pour les déprécier et éviter ainsi qu'cn ne les leur enleve, ils ne peuvent méme pus songer a se marier. On jugera mieux a travers ce tcmorgnage de lun d'eux, né en 1928: e J'ai été a I'école jusqu'á II ans, au quaruer Rey. Mon pere avait une petite propriété de 8 hec\;.lr~s, comprenant des fougeraies el des bois, des vignes. quelques prcs el 3 arpent-, de terre a majs. J'avais un frece ainé et une sceur idiote ; j'ai été placé a 11 ans ehez L. comme domestique. C'est une place ~ude, les patrons sont exigeants. J'aí été comme un esclave pendant SIX a~s. ,J'étais ere~é a la fois physiquement et moralement. ~a vous met a zero. Il fallait. comme les oies, rire bruyamment achaque ~~t plus ou moin.s amusant du patrono Avec I'accord de mes parents, J al reu~sl a ~e libérer du patron et a partir chez R., un parent, pendant huit mors avant mon régiment. Au retour j'ai travaillé comme ouvner. agricole. C'est dur, mais ce n'est pas I'esclavage eomme domestique. Apres, je me suis embauehé dans les entreprises des environs. J'aí travaillé pour le groupe scolaire, pour I'adduction d'eau. Maintenant je suis a la briqueterie. Me rnarier ? Ah si j'étais flie. j'en trouverais vingt ; il faut les voir. les femmes de gendarmes, elles sont grasses ... ELles ne foutent rien. » le capmaysoué se marie plus facilement que le domestique ou l' ouvrier agricole. Ainsi. évidemment. le rapport s'inverse. cependant que le cadet de petite famille trouve une femme. dont 38 ágés de moins de 35 ans. 1)21 a25ans 2) 26 a 30ans 3) 31 11 35 ans 5) 41 ans el plus 4 5 1 Perits propriétaires (moins de 15 ha): 1 2 1 1 2 12 12 2) 26a30a05 3)31 a35ans 4) 36a40ans 2 2 5) 41 ans el plus 3 4 1)21 a25ans 2) 26 a30 ans 3)31 a Sá ans 4) 36 a4D ans 5) 41 ans et plus 1 1 Métayers et fermiers : 1)21 a25a05 Ouvriers agricoles : 1 l)21a25ans 2) 26 11 30 ans 3)31 a Só ans 4) 36 340 ans 5) 41 ans et plus ! I l Status socia! eta[!.6 %). Le privilege du propriétaire et de I'ainé est menacé. les ainées ne représentant que 15 % des célibataires contre 84 % pour les cadettes.Célibat el condition paysanne 58 Contradictions internes el anomie Céllbatalres natifs des hameaux de Lesquire (suite) Célibataires natifs des hameaux de Lesquire ---- Rang de naissance el sexe Status social et áge H Afné F Cadet Totaux Ainée Cadene Domestiques: 1)21 a25ans 2) 26 a 30ans 3)31 a35ans 4)36a40ans 5) 41 ans et plus 4) 36a40a05 5) 41 ans el plus Moyens propriétaires (l5á30ha) . Pour les filies. Mais l'essentiel est que 1'opposition entre les ainés d'une part. dont 49 ágés de moins de 35 ans. une premiere conc1usion se dégage : les chances au mariage sont moins étroitement liées ti. contre 71 cadets (soit 44._-45 213 11 faut observer d' autre par! que l' on compte 89 ainés célibataires (soit 55. les cadets. la situation socio-économique quautrefois. sans étre abolie. se trouve reléguée al'amere-plan. Si.e 1 1 3 1 5 --- Rang de naíssance et scxc H - 41né Gros propriétaires (plus de 30 ha) : 1)21 a25aos 2) 26 a30 ans 3)311135a05 4) 36a40a05 59 F Totaux -- Cadet Aíllée Cadcttc 2 6 6 1 3 1 12 2 15 15 14 12 4 14 3 13 45 9 6 3 1 9 33 ] 21 10 Aides familiaux : 1)21 a25ans 2) 26 a 30 ans 3) 31 a 35 ans 4)36a40ans 5) 41 ans et plus 10 14 2 Totaux 89 71 8 3 13 39 --_. par l'opposition entre le citadin du bourg et le paysan des hameaux. . les ouvriers et les domestiques dautre part.4 %). il n'est pas rare qu 'il reste célibataire en dépit de tour. 76 % de la population masculine du hameau (soit 2.38 %. Les célibataires 36. Au hameau. Si nous considérons la population féminine résidant a Lcsquire (compte non tenu des femmes nées a Lesquire et rnariées ou résidant a la ville). 1918 el 1914 (36 a40 ans) 7 5 14 3 14 14 58 54 67 63 Nés entre: 1933 el 1929 (21 a 25 ans) avant 1914 (4\ ans el plus) 9 Totaux 15 9 15 204' 257" 678 'don! 16 veufs. Mariés H F H F H F H F 4 2 4 4 30 14 S' 13 76 "dont 1 veuf. les célibataires femmes forment 17. Pour la tranche de 31 a40 ans.39 % de la populatíon férninine ágée de 21 a40 ans. une femme de plus de 21 ans sur sept est célibataire. contre 33 % au hameau (soit un rapport de 1 a 1.35 % de la population masculine du bourg el 55. cest-á-dire lajeune génération.4 fois plus). Poputatíon de Lesquire en 1954 13 75 86 163 50 250 328 980 Hahiranrau bourg Habitan: au hameau Totaux. Agés de moins de 21 ans Agés de plus de 21 ans 75 189 299 791 374 980 Totaux 264 1090 1354 Tandis que les célibataires hommes ágés de plus de 21 ans constituent seulement 16. soit un accroissement du simple au double. la comparaison entre le taux de célibat des hommes el le taux correspondant pour les femmes 11' est pas fondée. Contradictions internes et anomíc 61 forment 8. ces différences s'accusent 36. L 'influence de la résidence sur les chances au mariage s"exerce done aussi sur les femmes qui demeurent a Lesquire. les fernmes du hameau de la jeune génération étant cependant défavorisées par rapport a leurs ainées. contre 13. il apparait que. elle est nulle lorsque nous considérons 1'ensemble de la population féminine adulte. le phénomene présente une allure toute différente.44 % de la population masculine du bourg. du sexe et de la résidence Classes d'óge Hameaux Bourg Tataux Observatíons ceus«.22 % pour le hameau. le pourcentage pour I'enscmble de la commune étant de 13. Mariés Célibat. L'áge mayeo au moment du mariage est de 29 ans pour les hommes et de 24 ans pour les fernmes. soit pour travailler en ville. le taux atteignant 2 sur I [ pour les femmes ágées de 21 a40 ans.13 % de la population féminine du bourg ágée de plus de 21 ans. est beaucoup plus grand que le nombre correspondant dhommes. II n' en est pas de mérne de la comparaison entre le taux de célibat des femmes du bourg et des femmes du hameau. a 55. la différence est négligeable. ágés de plus de 40 ans. Ainsi. mais infiniment moins que les hommes ". tandis que l' opposition entre le bourg et les hameaux est tres fortement marquée en ce qui concerne les hommes. 1928 el 1924 (26 a 30 ans) 6 4 36 15 14 20 97 1923et 1919 (3111 35 ans) 4 6 20 3 13 24' 71 "dont 1 veuve.73 % pour les hornmes agés de 31 a 40 a05. au bourg.20 %. soit par le mariage.73 % de la population masculine des hameaux.Célibat et condition paysanne 60 Situation matrimoniale des habitants de Lesquire en fonction de la classe d'áge. "dont 95 veuves. c'est-á-dire la vieille génération. Étant donné que le nombre des femmes qui quittent la commune. Chez les femmes. . Les célibataires femmes constituent 13.9). ils forment 39. la proportion est la méme pour les femmes ágées de plus de 21 ans : elle atteint 1/3 pour les fcrnmcs de 21 a 40 ans. AlI bourg. le pourcentage pour I'ensemble de la commune atteignant 35. le fait essentiel étant que le taux de célibat est passé de 23. 37.6 % pour les hommes du hameau. eélibat et condition paysanne 62 Ainsi, si nous faisons le bilan des résultats acquis jusqu'Ici, il apparait premierement que les chances au mariage sont sept fois plus grandes pour un garcon de la jeune génération (31 a 40 ans) résidant au bourg, que pour un garcon de la méme génération né au hameau ; deuxiemement, que la disparité entre les filles du hameau et les filles du bourg est beaucoup moins grande qu' entre les garcons, les filles du bourg TI' ayant que deux fois moins de chances de rester célibataires que les filies du hameau 38. 38. Considérons seulement la distribution marginale des données ci-dessus : Femmes Hommes Célibataíres Mariés Tota! Céliba{aires Mariées Tota! Bourg Hameau 15 163 75 250 90 413 13 50 Total 178 325 503 63 86 328 414 99 378 477 La résidence et le style de vie eorrélatif influent (de facón tres significativc, x2 = 16,70) sur la situation matrimoniale: il y a 5 fois plus d'hommes mariés que de célibataires au bourg et seulement 2 fois plus (1,99) dans les hameaux. Au contraire, la résidence n 'influc pas de facón significative (x2 = 0,67) sur le statut matrimonial des femmes. Regroupons maintenant les données marginales concemant les célibataires : Total Mariés Célibataires Bourg Hameau 15 163 13 50 28 213 Total 178 63 241 Les épreuves de signification autorisent aconclure que la résidence n'exerce pas la méme influence sur les hommes et sur les femmes, sur les hommes du bourg et sur les hommes des hameaux. Comme il a été établi que la divergence ne tient pas a la différence de situation entre les femmes du bourg et les femmes du hameau, ni entre les hommes du bourg et les femmes du bourg, elle ne peut étre due qu'ñ la situation particuliere des hommes des hameaux. Coruradictions internes el anomie 63 Les facteurs de bouleversement du systéme des échanges matrimoniaux L'apparition de ces phénomenes anonnaux révcle que le systéme des échanges matrimoniaux, dans son ensemble, a subi un bouleversement profond dont il faut saisir les causes essentielles avant d'analyser la situation actuelle. C'est, en premier lieu, a travers la dot que le systeme dont elle constituait la cié de voüte a été ébranlé. En effet, avee I'inflation eonséeutive a la guerre, l'équivalenee entre la dot eomme part du patrimoine et la dot cornme donation faite a eelui qui se marie ne peut plus étre maintenue. « Apres la guerre, on pensait que les "prix de folie" redeseendraient. Vers 1921, la vie commence a baisser, les porcs et les veaux baissent; mais ce n' était gu 'un mouvement sans lendemain. Quelques mois apres, les eours recommeneent a grimper l' éehelle. Cela entraine une véritable révolution : les épargnants sont ruinés; eombien de proces et de disputes entre propriétaires et métayers, entre fermiers et patrons! C'est la rnéme chose pour les partages : les cadettes, mariées depuis longtemps, veulent réestimer l'héritage au cours du jour. Pour les mariages, la dot compte de moins en moins. Aujourd'hui on n'y attaehe presque plus d'importanee. Que vaut largent ? Il faudrait demander beaueoup. Une propriété qui valait 20 000 franes avant 1914, vaut maintenant 5 millions. Personne ne pourrait payer des dots en proportion. Qu'est-ee que c'est maintenant une dot de 15000 franes? Alors on s'en fiche. » (P. L.-M.) De ce fait, la dépendanee des éehanges matrimoniaux al'égard de l' éeonomie décroit, ou, plus exactement, elle ehange de forme; au lieu de la situation dans la hiérarchie sociale définie par le patrimoine foneier, e'est beaueoup plus le statut soeial- et plus précisément le style de vie eorrélatif - qui apparait comme lié au mariage. A l'ébranlement de la base éeonomique du systerne, vient s'ajouter un véritable renversement des valeurs. En premier lieu, l'autorité des anciens qui reposait, en der- L 64 Célibat el condition paysanne niere instance, sur le pouvoir d'exhéréder, s'affaiblit, partie pour des raisons économiques, partie satis 1'influence de léducation el des idées nouvelles ". Les parents qui ont voulu manifester leur autorité en menacant les enfants d'exhérédation ont provoqué l'éparpillement de leur famille, les jeunes partan! pour la ville. Ceci est vrai SUftout pour les filles, autrefois enchainées a la maison el contraintes d'accepter les décisions de leurs parents. «Aujourd'hui, cambien de filles voy ons-nous attachées ~ la terre? Aucune. Avec l' instruction, toutes ont un emploi, Elles préferent se marier avec un employé, TI'importe. Il a "la solde" tous les jours. Autrement, il faut travailler tous les jours saos savoir. Autrefois? El GU fallait-il partir? Maintenant elles peuvent. Elles savent écrire. .. x (J.-P, A.) «Les filIes sortent autant que les garcons ; elles sont méme plus dégourdies souvent. .. C'est l'instruction. Autrefois il y avait des filIes placées en ville, bien sur. Maintenant elles ont des emplois; elles ont des CA.P, tout ya... Autrefois beaucoup de filles allaient se placer et se faire un peu d' argent pour leur trousseau, puis elles revenaicnt. Maintenant, POUl4110i revenir? On ne trouve plus de couturieres, Avec l'instruction, elles partent quand elles veulent. » (P. L.-M.) Le reláchement de l'autorité patemelle, l'ouverture des jeunes a de nouvelles valeurs, ont óté a la famille son role dintermédiaire actif dans la conclusion des mariages. PJrJllelement, l'iotervention du «rnarieur » (lou trachur) est Jevenue beaucoup plus rare", Par suite, la recherche 39. Il est des familles al! lautorité des parents reste absolue. encare une filie Bo., l'ainée, a été mariée a un garcon de la montagne; ce garcon est venu habiter Lesquire. La m,ere a~tr~mé le mariage de sa filie cadette, ágée de 16 ans, avec. le ~rere ame ~u mari de sa filie alnée. Elle disait : "1\ faut les maner Jeunes, apres elles veulent choisir."~) (J.-P. A.) Ce type de mariage est appelé barate (ha ue harate). . ~ 40. Fait significatif les jeunes géncrutions ne connarssent meme pas le mot trachur, ni les coutume-, anciennes. Il est encore des gens o: Récemment Contradictions internes et anomie 65 d'un partenaire est laissée a l'Initiative des individus. Dans l'ancien sysreme 00 pouvait se dispenser de « courtiser » et I'on pouvait tout ignorer de l'art de faire la cour. Aujourd 'hui tout est changé. La séparation des sexes n' a fait que croitre avec le reláchement des liens sociaux, particulierement dans les hameaux:", et l'espacement des occasions de rencontre, Plus que jamais, les «{ntermédiaires » seraient indispensables; or < les jeunes sont plus "fiers" (orgueilleux) qu' autrefois ; ils se trouveraient tout a fait ridicules si on les mariait.» (J.-P. A.) De fac;on générale, la jeune génération ne comprend plus les modeles culturels anciens. A. un systerne d' échanges matrimoniaux dominé par la regle collective, a fait place un systeme régi par la logique de la compétition individuelle. Dans ce contexte, le paysan des hameaux est tout spécialement désarmé. A. la fois paree qu' elles sont rares et paree que tout 1'apprentissage tend aséparer et aopposer les sociétés masculine et féminine, les relations entre les sexes manquent de naturel et de liberté. « Pour séduire les filies, le paysan promet le rnariage, ou laisse supposer; la camaraderie n' existe paso 11 n'ya pas de relations constantes entre les garcons et les filies. Le mariage joue le r61e dappát. Autrefois peut-étre, mais maintenant ya ne marche paso Le mariage avec un paysan est dévalorisé. Ils nont plus aucun argument de séduction » (P. c., 32 ans, villageois). Le seul fait d'aborder une filie et de Iui parler est toute une affaire. Alors que - et peut-étre paree que -l'on se connait depuis l'enfance, la moindre approche est de grande conséquence paree qu' elle rompt brusquement le rapport d' ignorance et d' évitement réciproque". A. la géne et a la maladresse du qui se mélent de tramer les mariages. Mais on les considere avec quelque ironie. 41. Voir p. 93 sq. 42. «I1s manquent de confiance en eux-mémes. lis n'osem plus, apres l'avoir regardée pendant quinze ans , aborder une filie. lis se L 66 Célibat el conditton paysanne garcon répondent les sourires niais et l' attitude embarrassée de la jeune filie. On ne dispose pas de eet ensemble de modeles gestuels et verbaux qui faciliteraient le dialogue: serrer la main, sourire, plaisanter, tout fait probleme. Et puis iI y a I'opinion qui observe etjuge, conférant a la rencontre la plus banale la valeur d'un engagement irréversible. Quand 00 dit de deux jeunes gens qu'« ils se parlent », cela signifie quils vont se marier... Il n'existe pas, il ne peut pas exister de relations neutres. En outre, tour tendait autrefois a favoriser le bon paysan, la valeur du propriétaire dépendant de la valeur de la propriété et réciproquement, Les nonnes présidant a la sélection d'un partrnaire étaient valables, au moins grossierement, pour lensemble de la eornrnunauté: l'hornrne aeeornpli de . ait unir les qualités de bon paysan et d'hornrne de compagnie et réaliser un juste équilibre entre lou moussú et lou hucou, bref entre le rustre et le citadin. La société daujourdhui est dominée par des systemes de valeurs divergems : acoté des valeurs proprement rurales qui viennent d'éire définies, apparaissent des valeurs empruntées au monde urbain et adoptées surtout par les femmes; dans cette logique, le privilege se trouve conféré au « monsieur » et a l'idéal de sociabilité urbaine tout a fait différent de lidéal ancien, qui concernait avant tout les relations entre les hommes; jugé selon ces criteres, le paysan devient le hucou. disent : "El le n 'est pas pour moi." lIs vont alécole. lis travaillent sans passion. lb ont le certificar d 'études ou le niveau. Si les parents ne les poussent paso c'est la regle (dcpuis quelques années. ca change), ils retoument a la propriété et s'enlisent doucement. lIs ont une vie tranquille, le dimarn-he un peu d'argenr de poche. lIs panent au service militaire. sccra .eru un peu plus, saplatissent. Ils revlennem, les années passent. rls ne se marient pas.» (A. B.) «11 faut les voir. On n 'arrive pas de vant une filie décontracré. Le sentiment ne sait pas s'exprimer. On a hontc. Tu parles! lis ont l'occasion de discuter cinq minutes tous les quinze jours avec des filies auxquelles ils ont peor-erre pensé saos arrét pendant ces quinze jours.» (P. C.) Contradictions internes et anomie 67 Mais le fait essentiel est sans doute que cette société, autrefois relativement fermée sur soi, s'est résolument ouverte au-dehors, 11 s'ensuit d'abord que les ainés, enchainés au patrimoine qu 'ils ne peuvent abandonner sans déshonneur, ont souvent plus de peine a se marier - surtout s'il s'agit de petits propriétaires - que leurs cadets qui ont déserté la terre et ont gagné la ville ou les bourgs voisins. Mais l' exode est essentiellement le fait des femmes qui, on l'a vu, sont beaucoup mieux armées qu'autrefois pour affronter la vie urbaine et qui aspirent toujours davantage a fuir les servitudes de la vie paysanne. «Les jeunes filles ne veulent plus étre paysannes. Ce n 'est pas facile de trouver une femme pour beaucoup de jeunes gens, fils de fermiers, de métayers et méme de propriétaires, surtout quand la ferme est perdue dans la eampagne, loin de l' éeole et de l'église, des boutiques, d'un chemin passager, surtout quand le pays est rude, la terre rnaigre et dure a travailler. Ca a eommencé apres 1919. Quand les fils de paysans, qui n'avaient pas l'amour de la terre chevillé au foie, ont eommeneé a partir pour occuper les emplois de la ville, les jeunes filies ont pu trouver des partis qui leur assuraíent une vie oisive et plus aisée, une maison oü elles pouvaient étre "rnaitresses' (daunes) des le prernier jour. Autrefois, avant l'inflation, les parents de jeunes filIes a marier (maridaderes) leur donnaient une bonne dot pour les "caser" chez des paysans; ils savent qu'avec la monnaie aetuelle, cette dot qui leur a coüté tant de sacrifices ri'a plus aueune valeur. lIs préferent envoyer leurs filies avec un petit trousseau et quatre sous dans le porte-monnaie ; ils savent que, eornme ca, elle ne viendra pas se plaindre plus tard de travailler eomme une esclave toujours traitée en étrangere.» (P. L.-M.) (Yoir aussi appendice Y.) Moins Iiées a la terre que les garcons (les ainés en tout cas), pourvues du minimum d'instruction indispensable pour s ' adapter au monde urbain, partiellement libérées des eontraintes familiales en raison de l'affaiblissement des tra- e'est -á-dire apres le service militaire. pour certaines jeunes filies du bourg. Comparaison des natifs et des recensés Années de naissancc 1923 1928 1933 ii ii. il esl partí 2. L 'arnpleur de l'exode des femmes (42 %.~ Outre qu'il fait apparaitre une baisse importante de la natalité (soit plus de 50 % entre 1923 el 1942). C'est le cas de certaines héritieres qui restent a la propriété pour ne pas abandonner leurs parents. Enfin. les filies peuvenl gagner les villes ou les bourgs plus aisément que les garcons. par crainte du ridieule et du jugement collectif ne s 'aventurent pas acourtiser. empaysannées. les habitants de Lesquire ont une juste perception de la situation objective: il n'est pas un informateur qui n' évoque l' exode des femmes. elles font tapisserie au bal et sont laissées pour eompte. plus promptes a adopter les modeles de comportemeo! urbains. pendant la méme période. Les hommes ne partenl que plus tard. mal accoutrées. 11 s'ensuit que les femmes ont l' espoir de quitter Lesquire tandis que la plupart des hommes se sentenl condamnés ay vivre (et cela d'autant plus que 1'exode masculin est relativement minimisé). alors que 1'0n serait tenté d'expliquer le taux pathologique du célibat masculin par une pénurie de femmes ". en sorte qu 'elles préferent rester célibataires plutót que d'épouser un paysan des hameaux. des I'adolescence. le plus souvent en le surestimant. C'est le cas de certaines jeunes filIes empaysanides. au nombre de garcons el de filies dont la naissance a été déclarée a l'état civil. les départs commencent tót. comme leurs compagnons d'infortune. faute de quoi on s'interdirait de comprendre que le taux de célibat ait pu croitre relativement chez les femmes de la jeune génération restées dans les hameaux. . 2. rl suffira de comparer le nombre de garcons et de l'illes nés a Lesquire pendant une période donnée et qui y ont été rccensés en 1954. Pour mesurer 1'importance relative de la migration des hornmes et des fernmes. Filies Nées a Lesquire Résidant a Lesquire en 1954 Départs Pourcenrage de departe -~--~ -_. maladroites . Elles sont done fondées a se préparer au départ des la fin de 1'adolescence el a se détoumer des hommes du village.22 fois plus de femmes que d'hommes (el 1. Pour les femmes. tandis que les hommes cherchent a batir leur avenir dans le pays méme. ii 1938 ii 1927 1932 1937 1942 88 80 65 40 273 67 49 44 33 193 Total 1. En gros.4 fois pour les années 1923 a 1942).ons Nés a Lesquirc Résidant a Lesquire en 1954 Départs Pourcentage de départs 21 31 21 7 80 24 % 38 % 32 % 17% 29% Coruradictions internes et anomie 69 4 hommes quittent le village chaque année. 6 femmes el 43. certaines jeunes filies restent soumises a des déterminismes semblables a ceux qui favorisent le célibat des hommes. Garc. 86 65 71 47 269 40 41 40 35 156 46 24 31 12 113 'i::t% 27% 43 % 29% 42 % __ . el surtoul entre 22 el 26 ans. ce tableau montre que les femmes quittent Lesquire plus que les hommes : parmi les gens ágés de 27 a31 ans en 1954. le cas de celles qui restent aux cótés d'un frere eondamné au célibat : on trouve de tels eouples de célibataires dans une trentaine de maisons. Or. JIy a aussi les jeunes filies de mauvaise réputation que les jeunes gens. Sans doute. soit pres de une sur deux) ne doit pas dissimuler l' émigration des hommes (29 %. soit pres de un sur trois).Célibat el condition paysanne 68 ditions. Les causes du célibat des jeunes filies se sont pas exactement les causes du célibar des garcons. le célibat tient a I'impossibilité oü elles sont de trouver un parti correspondant a leurs aspirations et a leurs facons de vivre. bien que l'égalité soit absolue entre les hommes et les femmes en ce qui concerne 1'héritage. le bien le plus précieux.15 88. des impératifs d 'honneur. bas pour les gens ayant plus de 60 ans et pour les moins de 22 ans.77 103. ce qui permet de conclure que le taux d' émigration est plus fort pour les femmes que pour les hommes et ceci tout particulierement dans les harneaux. ce n' était pas seulernent exposer I'héritage des ajeux. pour l'ensemble de la France il est en 1954 de 92. L'existence d'une différence d'áge importante (5 ans en moyenne) en faveur de l'époux en est un autre indice.85 93 113.56 129 R6 106 76 166 80. reflétait la répartition de la propriété fonciere . l'mfluence des inégalités économiques se fait sentir aujourd'hui encore.82 32 36 146. trop jeunes pour érnigrer. ee prineipe ne fait qu'accroitre I'anomie.61 117. sauf pour les années 1923 á 1932. a travers elle. ee principe n' ernpéchait eertains mariages que pour en favoriser dautres.41 157 52 74 42 67 151 123 141 88. a savoir les différentes normes imposées par le souci de sauvegarder le patrimoine. Sex-ratio et répartitlon selon la résidence Ctassed:Jge Avant 1893 1893-1902 1903-1912 1913-1922 1923-1932 1932-1954 Total Bourg Sex-ratio Hamcoio: F 105 125 70 S7 63 97 150 144.97 652 702 I 354 M F 24 41 16 19 13 19 IR 19 100 14 92. tandis qu'autrefois.53 88. Paree qu'il continue a fonctionner alors que le systeme dans lequel il détenait une fonction essentielle s'est effondré. «Maintenant le besoin d'une femme est plus grand.25 108. le patrimoine. . sous l'action de diverses causes.53 Si l'on se rappelle que. Il s' ensuit que les impératifs de l' ordre économique étaient en méme temps des impératifs sociaux. tout le systeme culturel reste dominé par le primar conféré aux hommes et aux valeurs masculines ". tout se passe aujourd'hui comme si la nécessité économique s'exercait seulement de facón négative. elle-méme. le principe fondamental qui domine la logique des échanges matrimoniaux. paree qu'il s'intégrait daos la eohérence du systeme. e' est que ce principe est étroitement lié aux valeurs fondamentales du systerne Contradictions internes et anomie 71 culturel. mais aussi et surtout déroger. s' est trouvé maintenu.97 56 135.12 70 [22. 11 ri'esr pas quesrion de refuser un mariage. Sans doute. une véritable restructuration s'est opérée. plus.48 579 511 13 6 [. Contradictions internes Ainsi.71 145 96. Le rnécanisme des échanges matrimoniaux était le résultat de la conciliation hannonieuse d'un principe propre a la logique spécifique des échanges matrimoniaux (et indépendant de l'économie) et de principes ressortissant a la logique de I'économie. Dans lancienne société. empéchant sans favoriser. la logique des échanges matrimoniaux dépendait étroitement de la hiérarchie sociale qui. Se marier de haut en bas. Cependant. bien que ses conditions d'exercice soient tout autres. telles que le droit d' ainesse ou la regle de l'équivalence des fortunes. elle avait pour fonction sociale de sauvegarder cette hiérarchie et. compromettre un nom et une maison et. pour une histoire de 44. En effet. le sex-ratio de la population agglomérée étant toujours inférieur á 100.06 134.98 116 sO IR9 IR7 113. a savoir l' opposition entre mariages de bas en haut et rnariages de haut en bas. Cependant. on voit que le sex-ratio de la popu1ation de Lesquire est anormalement élevé. eomme autrefois.88 Ses-ratio Ensemble Sex-ratío F M M 86.L Célihat et condition paysanne 70 Une analyse du sex-ratio pour les différentes classes dáge (d'apres le recensement de 1954) confirme ces observations. par la. menacer tout l' ordre social. il est tres haut pour toutes les classes intermédiaires. a savoir ceux qui tétaicnt déja dans l'ancien systerne. sont devenus aujourd 'hui presque aussi nombreux que les mariages entrchéritiers et cadettes. Pourt ant. les cadets qui restent a la terre el les plus pauvres. le vent en poupe. la réticence des jeunes filles a . . qu i avaient un certain succes pour toote s ces raisons et qui navaient pas encore "d'insucces" paree qUt' paysans. toujours bien habillé.rre qui ont eu. un de ees paysans de) esq . des « petites héritieres » qui laissent la place a un frere cadet. C'est ainsi que. globalement défavorisés. 11 fait partie de ces paysans. de trousseau. cheque semaine autour du pintou rderru-litre de vin) avec ses compagnons dinfortune . el. fenniers. erurc-ternps. par le seul fait qu 'elles quittent la rnaison. C.. Fils de bons paysans. » (P. parmi les hommes des hameaux. métayers. C'est le cas. d'autre part. que les meres se soucient surtout de « marier la fille » alors qu'il faudrait songer plutót au fils. jadis I'exceptíon.-P.. 13 entre un cadet et une héritiere. beaucoup moins attentifs au montant de la dot. par la réfection de la maison qui est de tradrtion au moment du mariage. célibataires.. upres la gucrre. les différents types de mariage se répartissant au hasard._mne dol. upporter l' autorité excesxive des parents qui restent maitres du budget et de l'exploitation sont autant d'obstacles ou d'empéchements qui font sou vent échouer les projets de mariage. A. Si elle eontinue aexercer une influence déterminante sur le mécanisme des échanges matrimoniaux. parexemple. nombre dhéritieres qui se marient a l'extérieur du village ou a Lesquire mérne renoncent au droit d'aínesse qui est dévolule plus souvent a leur frere cadet. . principalement. íl {1 rréquenté le bal assez longtemps. de cérémonies et de fétes dispendieuses et surtout de eohabitation avee la belle-mere. certains le sont doublernent. bien que la nécessité pousse a transgresser les principes anciens. 11 est certain que bon nombre de filles pour lesquelles il a fait "la fine bouche" feraient bien son affaire en ce moment. ceux-ci agissent encare comme avide el aeontretemps. Avec ceux-ci. C'est ainsi. Toute une catégorie de célibataires (surrout parmi les hommes de 40 a 50 ans) apparait comme le « produit . pour les gens du bourg.72 Célibat el condition paY51. Le temps passe. Cenains jeunes gens de grande famille qui ne voulaient pas déroger cr qui n'avaient pas vu le changement de situation sont restés comme c'u. fils (1 . L'attention excessive vouée au montant de la dot. C'est am-e que les nonnes anciennes (devenues «préjugés ») interdiscnt encare plus d'un mariage entre un ainé de grande famille el une jeune fille de basse extraction ".' de ce décale.» (J. la jeune fille a « trouvé » le gendarme ou le fact-ur. argentés. tout es! simple: il n'est pas 45. les cadets n'hésitent pas a épouser des cadettes sans fortune. ayant pas mal dargent de poche. rcndent a devenir tri-s rares. C'est aussi le cas. La rareté relative des mariages entre héritieres et cadets tient essentiellement a ce que. Ainsi. Cela se comprend si l'on observe. d'une part. 11 se console en ce moment. tres fl.·quemment.. L' étude de 100 mariages enregistrés a I'état civil entre 1949 et 1960 le montre c1airement: on dénombre en effet 43 mariages entre un héritier et une cadette. la crainte des frais entrainés par les festivités de la nace. C'est par exemple le cas de Lo. que les cadets mariés a des cadettes ont apeu pres tous un emploi dans le secteur non agricole. Beaucoup moins dépendants qu' autrefois al'égard de « la maison » paree qu'ils se sont assuré d'autres sources de revenus qui leur permettent de s'installer ailleurs. l'opposition entre l'aíné et le cadet a une fonction tres secondaire daos les échanges matrimoniaux. des ainées de familles nombreuses qui ne peuvent pas attendre pour se marier que leurs jeunes freres aient atteint la majorité et qui préferent partir ala ville. que. 40 entre deux cadets et 4 seu1ement entre deux héritiers.) Contradiciions internes et anomie 73 question de dot. l'opposition entre les ainés et les cadets a aujourd'hui une signification fonctionnelle toute différente. Ainsi les héritieres qui étaient de tous temps rnoins nornbreuses que les héritiers.) Et pourtant. il ne parait pas regretter d'avoir laissé passer le bon momenr. domestiques. les mariages entre cadets. bonne maison. par 1'achat du trousseau que lon expose aux invités.e entre les normes anciennes et la situation nouvelle. la pyr~m. que ee systeme est auto-destruetif? ~or:ement Paysans el villageois Afin de définir la fonetion de l' opposition nouvelIement apparue entre le villageois et les paysans des hameaux. ils ne représentent plus que 2. la premiere se trouve remplie . Un systerne nouveau. comme le montre l' extreme rareté des unions entre deux héritiers (4 %). p. « Célibat et condition paysanne ». témoigne. le bouleversernent des échanges matrimoniaux ne peut pas étre décrit comme une simple modification quantitative de la répartition des différents types de mariage. In P. lorsqu 'ils o 'avaient pas d'enfants. morcelé ou abandonné et d'autre part que le lignage se perpétuát . Pour la période de 1941 a 1960 ils ne représentent plus que 39. Parallelement. Mais l' existence d 'un taux de célibat élevé.97 'lo. mérne parmi les héritiers. qui a un emploi d'ouvrier ou de fonctionnaire? De toute facón. Si l'on répartit les mariages avee un eonjoint étranger a la commune selon l' éloignement du lieu d' origine de ~7. entre le grand et le petit propriétaire (ou le oon-propriétaire) d'autre parto Considéré isolément. laissaient leurs droits aux cadets. op.i~e de~ áges de la population de Lesquire. a cette fin. la logique du systeme tendait afaire en sorte d'une part que le patrimoine ne püt étre aliéné. Entre 1871 et 1884. B matnmomaux des paysans des hameaux parait porter en lui-méme sa propre négation. 73. une fois encare. peut-étre paree qu'il continue a fonctionner en tant que systeme doté de regles propres.08 %). Les échanges matri: moniaux entre le bourg et le hameau ont eonsidérablement diminué . . ils continuent as 'imposer aux paysans des hameaux. que le systeme aneien es! demeuré assez vivant pour imposer l' observance des principes fondamentaux.plus efficaccment que jamais peut-étre du fait que le départ des cadets et des femmes éloigne la menace du partage et laisse la terre a l'aíné ou a celui qui tient sa place. il ne reste pour les paysans des hameaux que les déterminismes négatifs. Les cadets partis a la vil1e sont beaucoup moins attachés a leurs droits sur la terreo « Qu'est-ce que tu veux qu'il en fasse de la terre. le célibat de lainé annonce la fin du lignage. Ainsi." -. Contradictions internes el anomie 75 n'est pas la désagrégatioo d'un systerne de modeles de comque viendraient remplacer de simples regles statisnques mais une véritable restructuration. supprimee daos cette édition.95 % du nombre total des mariages. fondé sur l' opposition entre le villageois et le paysan des hameaux. B.. bien que le taux de eélibat se soit sensiblement accru au eours des dernieres années. En effet. comme la diminution de la taille moyenne des familles dans les hameaux (cf. p. de ces deux fonctions. mais non pour favoriser effectivement cela mérne que ces principes prétendaient garantir. . alors qu'ils formaient 13. moins fréquernment. 00 mariait toujours I'héritier ou I'héritiére qui. Du systeme ancien. Cf. 97-99). il suffira d'analyser d'une part les éehanges matrimoniaux entre les uns et les autres et d' autre part leurs aires de mariage respectives'". Ne serait-ce pas précisément paree qu'il persiste a constituer un systeme. les mariages entre natifs de la eommune représentaient 47. cit. fondé sur les oppositions entre I'ainé et le eadet d'une part. alors qu'il est pris daos un systeme structuré selon d'autres principes. Bourdieu. Si.l 74 Célibat et condition paysanne Alors que pour les gens du bourg et plus généralement pour les salariés du secteur non agricole.) D'autres facteurs tendent a renforcer la position de I'atné. entre héritieres et cadets. la plupart des ernpéchements anciens ont disparo. ce 46. tend a se substituer au systéme ancien. demeurent la regle. Ce que 1'00 observe en effet.77 % des mariages. le systéme des échanzes . le taux des mariages avec l'extérieur saccroit sensiblement (de 8. Beaucoup préferent étre dédommagés en argent mais il y en aaussi beaucoup que 1'00 paie de promesses. le cadet qui est parti a la ville.87 'lo. eelles d'uo autre temps. il ne pourrait que la revendre.> (A. Les mariages entre héritiers el cadettes et. 38 0.«Bg (o = 12) 11.31 % seulement aujourd'hui 48 ct.15.57 5. Pour expliquer 1'extension de I'aire des mariages et aussi la quasi-disparition des échanges entre le bourg et les harneaux.33 % des mariages se faisaient autrefois contre 80.1O/r.75 1.59 32.10 54 8 25 21 22 2 25 lOO 168 [871-1884 (n = 33) 1941-1960 (n = 19) 77 dHa. 1871.76 14. pour des mariages entre cousins au 1ee degré el au 2e degré. 1% dBg.02 5.S?Ha (o = 15) 45.lIU.61 19.1 % 36.12 %. ce qui fera apparaitre l' accroissement relatif des aires respectives de mariage en mérne temps que la structure de la répartition des différents types de mariage pour chaque catégorie (cf. avec le cerele de 15 kilornetres de rayon dans lequel 91.1 % 49. Filies du bourg dBg. contre 45.2 % dHa-«Ha (o = 56) 52.5 % (0= 11) 33. 48. le dernier mariage de ce type .19 1.7 % 41.8 % dHa-9Ext.3 70 (n = 7) 21. Les paysans des hameaux prenaient 11.7 % (n = 8) 5% 42.02 1.1.! 5 da 20 km 25 km km " Total plu. s'est fortement accrue au cours de la période récente (cf.'2 H"g 1871-1884 En%du nombre total de meriages 1941-1960 15 B.8 % (n = 1) (n = 54) 55.3 0/(' La comparaison entre les deux périodes montre que la distinction entre le bourg et les hameaux jouait un role tres réduit dans l'ancien systerne des échanges matrimoniaux./· 30.5 % de leurs femmes aux hameaux (la population du bourg représentant 24 % de la population des hameaux).4 % (n = 11) (n = 14) 37. aujourd'hui cornme autrefois.7 % En%du nombre total de mariages 2. il faut étudier la proportion des mariages de chaque type par rapport au nombre total des mariages de chacune des quatre catégories.78 1.1 % 1941-1960 (n = 99) (n=4) 4.25. les villageois prennent encore 21.12 28. d'autre part. les unions entre un garcon du bourg et une fille des hameaux représentaient 7. que la proportion des mariages dans un rayan supérieur a 30 kilométres (aire VII).65 % et les unions entre un garcon du hameau et une fille du bourg 6.dHa. ~Bg dBg-S?Ext. les mariages entre garcons des hameaux et filles du bourg sont exceptionnels.09 1.65 4 6.9412. toujours relativement élevée. tableau ci-contre).1884 (n= 114) (n = 15) (n = 56) (n = 43) 13.8 % ciBg.\ '2 o' "" /0 15 hameau bourg km km km 11 39 21 25 56 (n = 106) 5.2 % (n = 4) (n = 8) (n = 7) 21.2 % de leurs femmes dans les hameaux.6 % (n = 10) 53.l' 2 2 10 196 30 1941-1960 (n = 9g) Garcons du bourg 7. 1871·1884 (n = 37) (n = 12) 32.89 10.2 % de leurs femmes au bourg. (n = 38) 35.1.8 % 1941·1960 (n = 9) (n Filies des hameaux 1) 29. par rapport au nombre total des mariages.'.14 4. tableau ci-dessus).5 % autrefois.94 100 celui-ci par rapport au bourg. (o = 54) 54.78 14.53 1.5013.2 % 42.20.Lc. pour la période récente.1 % (n =43) 43.5 % (n = 41) 37. on constate que l'aire principale des échanges coincide.2 % e óHa. Le nombre de mariages consanguins est réduit : neuf dispenses seulement ont été accordées par l'Église entre 1908 el 1961 inclus. les villageois 45.Célibat et condition paysanne 76 vartatícn de I'aire matrimoniale selon la résidence Contradictions internes el anomie Garcons des hameaux 1871-1884 dBg.~9 12 Le.1.~Bg dHa-9Ha dHu-S?Ext.S?Ha dBg-9Bg dBg-S?Ext.71 12. Si. d'une part. fait que des comportements ou des régularités semblables peuvent recéler des significations entierernent différentes. a la villc. tient au fait qu'illeur est relativement facile de se faire adopter par un citadin et de s' adapter la vie citadine. . tendance qur n a fait que s 'accentuer au cours des demieres années.7 %).8 % contre 37. d' autre part. alors quautrefois les taux étaienr sensiblemenr identiques (37. l'augmentation principale concernant les mariages dan s un rayon supérieur 30 kilométres.97 % dans la période récente. seul lainé et généralement I'un des cadets se mariaient I'intérieur de la commune ou dans les hameaux avoisinants.3 %). On peut cependant. dans la logique du systéme ancien. 50. JI ne restait aux cadets qui voulaient échapper au célibat qu'á rechercher une femme au a a a a a ciles a estimer avec précision) a lieu a l'extérteur de la commune et n'apparalt done pas a l'étar civil. par exemple. L'existence d'un double cadre de référence. les mariages l' extérieur de la cornmune représentaient toujours une proportian élevée du nombre total des mariages . Ne voit-on pas d'abord que la proportion des mariages dans un rayon de 5 kilometres a forternenr diminué (de 16. tant du bourg que des hameaux. pour les années antérieures a 1900. pas ple~ne­ ment significatifs du fait qu'une forte proportion des manages (diffi- Contradíctíons internes et anomie 79 . citadin et rural. si I'on ignorait l'existence d'un taux de célibat élevé. a une intensification des échanges a l'intérieur du bourg et a l'intérieur des hameaux. l' extension de 1'aire matrimoniale des fernrnes. Autrefois. a titre indicarif comparer les données statistiques concernant [es fernmes du bourz et les fernrnes des hameaux : la proportion des mariages a rextérieur~csr netternent plus élevé chez les premieres (53. répart¡ de facon tres homcgene. de deux systemes de valeurs contrastés. des paysans et des villageois. Ainsi. JI s'ensuit que I'extension de I'aire matrimaniale peut étre Imputable a des raisons opposées selon qu'il sagit des femmes et des hommes et. Un garc. est souhaité comme une libération . en effet. si les échanges matrimoniaux entre le bourg et le hameau étaient autrefois plus irnportaots et plus équilibrés qu'aujourd'hui.a~eaux pour se convaincre de lirnportance de cette opposmon. des mariages dans les aires plus éloignées. tout al' opposé.00 notera que. On constate parallelement un accroissement. JI peut se faire que l'on se marie plus loin paree qu'on le peut et qu'on le veut. bien qu'il se manifeste a différents degrés dans chacune d'e1les. aun accroissement des échanges avec l'extérieur.2 Clc) que chez les :eco~des (41.9 % 9. Cela se comprend aisément. done a la formation de deux noyaux de relations matrimoniales. Parallelement. a a a a 49. paree que le mariage dans un bourg éloigné et. el. en un autre sens.on du hameau n'a done a peu pres aucune chance d' épouser une villageoise. alors que l' on a peine imaginer qu'un paysan des hameaux. les chiffres ne sont. supposer qu'il parvienne se donner une allure assez urbaine pour la séduire.l Célibat et condition paysanne 78 remontant a 1946 49 . qu'on soit contraint de prendre femme au loin faute d'en trouver une plus preso 11 suffit danalyser l'aire matrimoniale des hommes des h. il peut se faire. .10 %)? Cela suffirait montrer la difficulté que les gens du hameau ont a trouver une fernme. les hornmes du bourg ont toujours pris plus de fernmes d~s l:s harneaux que les hommes des harneaux au bourg. dñt-elle restervieille fille.77 % du nombre total des mariages contre 2. En ce qui concerne les femmes. étant donné q~e les filles du bourg sont généralement plus « urbanisées » que les ñlles des hameaux (on sait par aillcurs que le taux de célibat des femmes est plus élevé dans les hameaux qu'au bourg). plus encare. Mais la persistance d'un courant d'échanges a sens unique ne doit pas dissimuler que la masse globale des échanges entre le bourg et les hameaux marque une chute brutale. 00 assiste. les mariages entre le bourg et les hameaux représentaient 13. puisse obtenir d'une citadine qu'clle accepte et adopte la vie de la ferme'". Cet accroissement de la proportion des mariages extérieurs ne revét pas la mérne signification pour les différentes catégories. celle-ci tenant ce mariage pour inconcevable. En allant chereher une femme au loin. le paysan des hameaux espere échapper a la contrainte des regles traditíonnelles (ef. une définition géographique des aires matrimoniales laisse peut-étre échapper l'essentiel. demeure l'aire principale des échanges (89. Cela témoigne que le villageois. si le cercle de 15 kilometres de rayon.~ ! 80 Célibat el condition paysanne loin.5 % des mariages). beaucoup d'ainés demeurant célibataires tandis que les mariages entre cadets se multiplient. En fait. tableau ci-dessous).8 % d'entre eux se marient dans un rayan de 5 kilometres. ils travaillaient parfois daos des villages plus ou moins éloignés mais gardaient des attaches étroites avec la maison et restaient de ce fait citoyens de Lesquire. el l' on sait par ailleurs que le taux de célibat est fort bas. on constate une forte proportion de mariages au-dela de 30 kilométres (10. dans lequeI s'accomplissait autrefois la totalité des mariages.5 %). manifeste que le bourg s 'est détoumé progressivement de ses hameaux pour s' ouvrir vers les autres bourgs ou vers les villes. cela suffit a montrer qu'ils TI' ant pas de peine atrouver femme. Que 73. il est normal que la proportion des mariages dans un rayan supérieur a 5 kilometres se soit fortement accrue (de 18. L'accroissement de la proportion des mariages extérieurs.7 % a 34.5 %). corrélatif de la diminution (1/2) des échanges avec les hameaux. En effet. dont l' espace social est beaucoup plus étendu que celui des hameaux. Mariés. méme a1'intérieur d'une Contradictions internes et anomie 81 aire restreinte . de préférence daos un hameau reculé et «arriéré ». a la possibilité de prendre fernme au loin et parfois mérne dans les villes. Pour les hornmes du bourg le phénomenc présente une allure toute différente. Le rnariage . Aujourd'hui. plus promptes en général a adopter les modeles et les idéaux urbains. On raille leur déeaine. a plus forte raison. Pour le paysan des hameaux. aurait peine a s' accoutumer a la condition qui serait la sienne dans une ferme reculée des hameaux ct. Il s'ensuit. les modeles implicites qui orientent le choix d'une épouse font rechercher une bonne paysanne. une jeune filie de la ville . les femmes regardent vers la ville beaueoup plus que vers leur hameau ou vers les hameaux voisins qui leur promettent cela méme qu' elles veulent fuír ". ensuite paree qu'elles assimilent plus rapidement que les hommes certains aspects de la culture urbaine (ce qu'il faudra expliquer). elles acceptent de plus en plus diffieilement l'idée de se soumettre al' autorité des parents du mari qui « ne veulent pas se démettre » (nous bolín. des rustres. dure a la peine et préte aaccepter la vie difficile qui 1'attend. s' est acerue beaueoup plus que eelle des hommes. Pour les habitants de la plaine du Gave. leur accent rude et rocailleux (par exemple. connaissant déja une existence analogue. particulierement lorsque le pere manque d'autorité paree qu'il a fait un mariage de bas en haut (voir appendiee VI: eas de la famille S. surtout pour les marehés. Elles redoutent souvent la tyrannie de la vieille daune qui entend conserver la haute main dans la maison. Mais depuis quelques années. dans la méme situation que les hameaux. 51. comme dans les hameaux de Lesquire. plusieurs raisons : tout d' abord. elles étaient moins exigeantes et jugeaient leurs partenaires éventuels selon des enteres qui leur étaient moins défavorables. En outre. Dans les hameaux de l'aire principale des mariages. a I'égard du bourg de Lesquire. ceux des collines disentjou). l' aire des mariages s' étendait autrefois a la région des collines d' entre les deux Gaves. Nées et élevées dan s une région relativement fermée aux infiuences extérieures. devrait étre rangé daos la méme catégorie qu 'un mariage avec un hornme d'un autre hameau de Lesquire el nettement distingué du mariage avec un homme de la ville voisine. la oir les gens de 1. C'esr ainsi que la population de l'ensemble du cantón est passée de 5 260 en 1836 a 2 880 en 1936. L 'exode des femmes esr partout tres fort. si éloigné soit-il sur la carte. ce sont elles qui circulent.82 Célihat et condition paysanne Contradictions internes et anomie 83 d'une fille d'un hameau de Lesquire avec un hornme d'un autre hameau. il est évident qu'une femme. Elles ont plus de chances de trouver un parti hors du monde paysan. oü 1'0n trouve des cornmunes composées d'un petit bourg aggloméré el d'une population éparse tres importante. mérne paysanne. enfin paree que la regle implicite qui interdit aux hornmes le mariage de haut en bas ne peut que les favoriser. sont tout a fait autres que celles avec lesquelles les échanges sont les plus intenses. plaine disen! HU (moi). De plus l'aire des mariazes comcidait avec la zone dans laquelle on ne se e» sentait pas trop dépaysé ". La se tiennent les bals oü I'on ose s'aventurer.). . habituée au travail facile de la plaine du Gave. que la mobilité spatiale et sociale des femmes. des montagnards. et qui contribuent a définir les « frayages » que suivent les échanges matrimoniaux. répartie en de nombreus~s fermes báties sur les coteaux el les basses montagnes. C'est ainsi que les villes que l'on fréquente le plus régulierernent. pas desméte) et en particulier se refusent a renoncer devant notaire a leurs droits de propriété. Il s'ensuit d'abord que les filies répugnent a épouser un paysan qui ne peut leur proposer autre chose qu'une vie qu'elles connaissent déja trop bien. Les aires géographiques ne co'íncident pas avec les aires sociales. ce monde clos ou l' on se sentair entre soi et chez soi s' est ouvert. tout d'abord paree que. en second lieu. Tous les phénomenes consrarés dans les hameaux peuvent étre aussi observés dans les villages du canton qu¡ sont. selon la logique mérne du systeme. A cela. Les modeles et les idéaux urbains ont envahi le domaine réservé du paysan. les gens de la région des collines sont des mounragnoous. les filies des hameaux voisins ou des villages de la zone des collines étaient plus enclines a accepter cette vie et a sen accommoder. 52. le paysan des hameaux est cantonné dans son aire.ons de la ville. 11 s'ensuivrait que tandis que le eitadin des villes peut théoriquement épouser une fiIle des villes ou des 111 C/W/lCCS Prosde lige mariagc Charn-cs Pn'. Pour schématiser. En fait. sauf a l'occasion des retes cornmunales. il y a de bonnes chances pour qu'eIles dédaignent les paysans.I'- de ngr .'. La distance sociale impose des limitations beaucoup plus rigoureuses que la distance spaliale.I' 9 Bg-ó Ha ó Autre hameau ó Bourg Ó Autre bourg ó Grande viHe + + + + + + + + Contradictions internes et anomie 85 bourgs ou des hameaux. Ainsi.nariage Ó Ha-9 9 9 9 9 Ha Autre hameau Bourg Autre bourg Grande vil k + + + + + + + Bg-9 Ha 9 9 9 9 Autre hameau Bourg Autre bourg Grande vil1e + + + + ± + + + IV 11 C/W/J('cs Presde tigc mariagc 9 Ha. le cas échéant. ou leur allure citadine leur donne un avantage considérable sur les paysans. par exemple. lors méme que leur aire de bals serait aussi restreinte que celle des garcons. on pourrait dire que ehaque homme se trouve situé dans une aire soeiale de mariage. les filles des hameaux pourraient néanmoins rencontrer des gan. Les circuits des échanges matrimoniaux se détachent de leur base géographique pour s organiser autour de nouvelles unités sociales. d'Oloron ou mérne du bourg de Lesquire qu'il n'en avait autrefois d'épouser une filie de quelque hameau reculé du Pays basque ou de Gascogne. les citadins viennent souvent par groupes daos les bals de campagne. la regle étant qu'il peut aisément prendre femme dans son aire et dans les aires inférieures. il n'en est rien. viennent daos les bals de campagne el. Le paysan des hameaux de Lesquire a tout aussi peu de chances d' épouser aujourd 'hui une filie de Pau. . définies par le fait de partager certaines conditions d' existence et un certain style de vie. Rares au contraire les filies de la ville qui.84 Célibat et condition paysanne II suit de tout cela que les échanges matrimoniaux entre les hameaux paysans el la ville ne peuvent étre qu'a seos unique. Par suite. Un nalif de Lesquire avait autrefois plus de 90 % de chances de prendre femme dans un rayon de 15 kilometres autour de sa résidenee. On pourrait done a' attendre que l'extension récente de cette aire s'accompagne d'un accroissement des chances de mariage. sauf exception.ó Ha ó Autre hamcau ó Bourg ó Autre bourg ó Grande viuc Ó + + + + ± + + + Presde lige mariage C/WI1CI. alors qu'un natif des hameaux ne songerait méme pas. aaller au bal d'une ville voisine. 18. eaisse d' épargne. p. de part et d'autre de l'église et de la place centrale oü sont groupés les organes principaux de la vie villageoise. 1'homme des corporations. mairie. S'il pennet d'éviter l'humidité. l'homme aux droits féodaux. au confluent des vallées de la Baise et de la Baisole. le bourg semble avoir subi l'attraction des prairies qui bordent la rívíere et du vignoble qui couvrait toutes les collines environnantes. joignent les maisons au bourg mais les plus écartées ne sont desservies que par des chemins d' exploitation plus ou moins entretenus. parfois impraticables en hiver du fait qu 'ils longent souvent les ravineaux (arrees) creusés par les ruisseaux qui descendent vers la Baise. souvent plantées d'arbres. Beaucoup de terres autrefois cultivées sont retoumées a la friche et les broussailles envahissent les champs qui entourent les fermes abandonnées. au mayeo de cette domination. orgueil . Il veut régner seul sur la terre el. ses bois sur les pentesraides et dans les vallées encaissées. elles s' entourent de vignes. maltrises et jurandes. goudronnés partiellement en 1955. Situé a la limite du coteau et de la dépression humide. dans leurs comportements. les brouillards et surtout les gelées des bas-fonds. avant d' analyser le role que joue cette opposition dans I' expérience des habitants de Lesquire et. sur les eoteaux dont l' altitude varie entre 200 et 400 metres. Al'entour. Chaque propriété constitue un petit domaine isolé. 11 hait d 'instinct 1'hornme du bourg. le choix de ce site rend souvent I'acces des fennes tres difficile et oblige a ehereher l'eau par des puits profonds parfois de 15 ou 20 rnetres.. d'expulser le forain. de vergers et de bois. L 'homogénéité des conditions physiques. formant une ligne de facades continue le long de la 87 grand-rue. cornme il haissait le seigneur. C'est le type méme du pays de bocage oü chaque terre est soigneusement endose de haies touffues. apartir des données objectives. Le vignoble luí-méme.Párne du paysan est daos 1'idéc alJodiale. sur de faibles distances. Báties le plus souvent sur le sommet des croupes et sur les pentes les plus hautes. Dans une petite cuvette. bureau de poste. du méme coup.l L' opposition entre le bourg el les hameaux 3 L' opposition entre le bourg et les hameaux «Comme autrefois. les cultures les plus variées se juxtaposent.» La Capacité polirique des ctasses ouvriéres. ses herbages sur les fonds humides. avec ses champs généralement ménagés sur le sommet du coteau ou sur les replats. PROUDHOr-:. les maisons de bourg se pressent. suivant une expression du vieux droit qu'il na pas oubliée. Aussi. Des chemins creux. les fennes des hameaux se dispersent a des distanees qui vont de 200 metres a un kilometre. de ehamps. ses vignes sur le flanc exposé au midi. éeole. se rendre maitre des villes et leur dicter la loi. la genese et la forme. permet achaque fenne isolée de disposer des divers éléments du paysage agraire si bien que. commerces et cafés. il faut en décrire. Sa grande préoccupation est. atravers un pays trop eoupé pour fournir des terroirs étendus. Cette restructuration du systeme des échanges matrimoniaux pourrait étre corrélative d 'une restructuration de la société globale autour de l' opposition entre le bourg et les hameaux qui est elle-méme l'aboutissement d'un processus de différenciation tendant aconférer au bourg le monopole des fonctions urbaines. Dans un rayon de 6 a 7 kilometres autour du bourg. mieux. Deux épiceries font en méme temps boulangerie. un pré. Il y avait des vaches dan s presque toutes les familles. i1 attachait le prestige. 1'habitat se distribue de facon tres hornogene. artisanal et cornmercial. les cordonniers et les sabotiers. pendant l'hiver. fcrmiers Ouvriers agricoles Ouvriers Commercants Professions liberales Artisans Cadres et fonctionnaires Armée. Il n'était pas de maison du bourg qui n'eüt sa vigne (toujours complantée de quelques arbres fruitiers. il achetait une vigne ou. Certaines formes dartisanat ont disparu ou connaissent une crise grave: soit. Les prairies sont demeurées jusqu'a ce jour (a l'exception de l'une d'entre elles) la propriété de ces six grandes famil1es qui ont fourni. cerisiers et pommiers) sur les coteaux avoisinants. a beaucoup régressé a la suite des crises phylloxériques de 1880 et de 1917.-P. on distingue des hameaux ou des quartiers qui corresponden! grossierement a des unités morphologiques. En outre. dan s leur quasi-totalité. par ordre.4 % des chefs de famille résidant au bourg vivent de revenus non agricoles contre 88. les commercants ont tous renoncé a leurs activités agricoles. l'''''I('UIIX 13 1 30 20 Bourg Hameaux Bourg 15 224 10 21 11 4 3 5 4 6 3 13 280 25 22 6 1 31 36 27 29 11 12 5 23 4 13 6 14 8 10 2 9 8 15 3 6 5 6 17 116 ?RR 95 5 3 5 8 4"' I J' 2 2 "1. et du fait de la pénurie de main-d'reuvre consécutive ala guerre de 1914-1918.4 '()II ''<'" ---f?. la plupart des maires et des conseillers municipaux.71 L' opposition entre le bourg el les hameaux 89 En 1911. le quartier constituait autrefois une unité de voisinage tres vivante. soit au café. un autre a l'épicerie et a la boucherie. Étendu sur p1usieurs kilometres a travers les collines. tres convoitées paree que le foin est rare et cher et aussi paree qu'elles peuvent étre louées. Les prairies situées le long de la riviere. se référant a un systeme de va1eurs typiquement paysan. .Célibat el condition paysanne 88 du paysan. 7. pour les troupeaux qui descendent de la montagne. Si. les tisserands (au nombre de 2 en 1881). péchers. Cependant. avant 1914. Ainsi. 12 en 1881 contre 7 en 1911 et 2 (sans travail) en 1954. certains ont pu s 'adapter en faisant de la ferronnerie ou de la carrosserie.). les habitants du bourg étaient « tous un peu paysans » (J. un café associé 11 l'épicerie. panni les maréchaux-ferrants et forgerons. En fait. deux enfin al' auberge. aujourd'hui. Les artisans et petits commercants du bourg avaient tous de la terre et du bétail. le bourg a toujours joué le role de centre administratif. . soit a la boulangerie. les chiffres minimisent l'ampleur du processus d'urbanisation. police Inactifs Retraités Total Hilf!I('OII' 345 18 20 17 2 10'. par exemple une zone de collines délimitée par deux dépressions (quartier Rey) ou une petite vallée (Labagncre). l' épicerie étant associée soit a la boucherie. soit a I'un et I'autre. Répartition des chefs de famille par catégories socio-professionnelles Catégories socio-prole ssion nel Ies Propnétaires terriens Métayers.78. On compte six cafés soit un café proprement dit. A. depuis un siecle. par six famil1es du bourg ". un autre a la boucherie. étaient possédées.. mis a part les fonctionnaires. 53. du seul fait de sa situation. 54.3 % seulement des chefs de famille résidant au bourg pratiquent effectivement des professions agricoles (4 propriétaires terriens sur 6 n' exploitant pas eux-mémes leur domaine). Des qu'un habitant du bourg parvenait aune certaine aisance. l' oppositian qui domine aujourd 'hui toute la vie villageoise n'a pris sa forme actuelle que progressivement et surtout depuis 1918. si le commerce a gardé son caractere indifférencié. ainsi que les artisans 53.4 % en 1954. contre 21.5 % en 1911. Ainsi. au-dela. la grange avec l' étable. de la largeur d 'un chemin. aussi bien au bourg que daos les hameaux. déjeuner. vers 1900. 00 préférait amputer la surface réservée a1'habitation de la largeur du couloir joignant la fue a la grange située derriere la maison. a l'accumulation ou aI' ostentation de biens de consommation tels que I'automobile ou la télévision. quarre d' entre elles sont aujourd'hul occupées par Ieurs propriéraires qui ont quitté le harnea». El chacun. presque toutes ont gardé la grande porte cochere en plein cintre destinée a laisser passage aux charrettes chargées de foin. puis. 1). Dans la cour intérieure. la récolte soit a peu pres nulle. L' oppositíon entre le bourg et les hameaux 91 Figure 1 Plan type de maison du bourg R"" <SaIon . fig. le pressoir el le fenil. le jardin. la porcherie el le poulailler. déja tres étroit.5 % en 55. Les maisons portent encare aujourd'hui la marque de ce passé. o ao ~ U ~ ~ Cour ~ t " < L " E = pr@sor Remise pour Les instrumentS c gr ic cte s Élable v er s le jardin ~ . ou prétendu tel. mais a I'extension de son patrimoine foncier. dans les hameaux. plutót que de mutiler le jardin.90 Célihat et condition paysanne non point comrne le villageois d'aujourd'hui. La plupart des jardins conser vent des vignes bien que. 56. 13. En dépit des transformations. A défaut de maison. a des paysans des hameaux. ce qui se comprend du fait qu'elles servaient seulement de pied-á-terre ou qu'elles étaient louées a des ouvriers agricoles ou a de petirs artisans . beaucoup de pavsans du hamcau avaient une famille amie dans laquelle ils pouvaient desccndre (pOlJ1 se chausser. délimitée des deux cótés par une rangée de vignes en hautain ". En 1911. . le souci du confort étant résolument relégué.) les dimanches et les jours de rete. en raison des gelées et de láge des plants. eaux dans le fait que quatorze maisons du bourg appartenaient. Cu i sine Coulolr Che rni né e nÉvie 'ttr' IllilIlillJ 11 D Poj-che r-te . les intérieurs restent aujourd'hui encore org anisés en fonction des impératifs techniques de l'agriculture. bande de terrain de la largeur de la maison et longue d'une centaine de metres. =r Salle c c mmune ==. parfois dans la partie arriere de la maison. etc.1 're des chefs de famille vivent de revenus non agricoles contre 11. mettait son point d'honneur ane servir sur sa table que le vio de 53 vigne. les facades citadines dissimulent le passé paysan " (ef. On pourrait voir un at tre signe d'une plus grande interpénétration entre le bourg et les ha.. Onze de ces maisons sont dépourvues de porte cochere.. l' apparition de nouveaux besoins et la facilité des transports ont progressivement accru la dépendance économique des quartiers isolés a l'égard du bourg. lis vendaient. deux voisines passaient de maison en maison. le cadavre était enveloppé dans un linceul de lin tissé ala maison (lou líncou dou fans). on connait le cercueil (lou hahut) fait de quatre planches. faite pour moitié de blé et pour moitié de maís. On venait aussi y jouer aux cartes. B. Elle a été remplacée par la bíaude. La consommation du sucre (que ron 57. vers 1920. Les vieux le disaient aux jeunes. se relayaient tout au long du parcours. chose tres pénible.) La 61. Les porteurs. Au bourg. Certains paysans ont continué a faire leur pain longtemps apres 1914. l'urbanisation du bourg s'est accompagnée de la «paysannisation» des hameaux. Il fallait assez d'hommes pour porter le corps. Les bals s'y tenaien!. au point de vue économique. Le long de la raute de Pau a Oloran. Bref. Le reste du temps. en particulier des conserves de porc. aller déposerle pain a la campagne. mais on n'en buvait que les jours de féte. on se nourrissait des produits de la ferme. au nombre de quatre. C'était d' abord un groupe de voisinage qui se réunissait al' occasion des travaux communs. maison par maison. tous les huit jours. jusqu'au cimetiere.92 Célibat el condition paysanne 1954 57 • Mais les mutations survenues depuis une vingtaine d'années sont plus prafondes que ne le disent les chiffres. Elles ont toutes disparu. paree que le quartier était tres grand. afin que tous puissent le voir. des cérémonies familiales et des fétes. A.-P. 58.» (J. En retour. pain grossier de mais. Et il en est ainsi dans tous les domaines de l' existence. 00 ne pouvait pas fenner le cercueil tant que tous les gens du quartier n' étaient pas arrivés. avant 1900. une dizaine par exemple pour le quartier Lembeye oü il TI'y en a plus une seule aujourd'hui. Lors des enterrements par exemple. En 1881. «le bouilli » de bceuf était le plat des jours de féte et des noces 60. On ne fermait le cercueil qu'á la derniere minute. dans laquelle est dessiné I'espace carré oü I'on range les neuf quilles. Elles trouvaient ca ridicule. Pour la Noél. ils tuaient une douzaine de vaches. il Yavait a Lesquire deux bouchers. en moyenne. Le nombre des ouvriers agricoles a diminué de pres de 50 % entre 1881 et 1954. les « premiers voisins » allaient inviter l' ensemble des familles du quartier. pour la semaine/": ce nest que pour les fétes ou lors d'une occasion exceptionnelle que l'on allait chercher du pain chez le boulanger. chacune d' elles avait son quilíier ". il allait faire la priere. Le quartier était autrefois une unité tres vivante. jeter de l' eau bénite avec le laurier. « 11 y avait une "marque" du quartier [c'est-a-dire des reperes qui en indiquaient les limites]. puis serrait la main a tout le monde:". d'oie et de canard. Cette coutume s'est perpétuée jusqu'en 1950 environ. On connaissait le café des 1880. avec une voiture a cheval. on n 'achetait de la viande de boucherie que pour les grandes occasíons . la dépendance d 'une partie de la population du bourg a l' égard de sa clientcle paysanne s 'est aussi accrue. La mesture. chaque maison (au bourg mérne) avait son four et faisait son pain.}> (A. attenante a I'auberge. la viande étant considérée comme un luxe et aplus forte raison la viande de boucherie. 59. « Beaucoup de femmes ne voulaient pas le faire. C' est ainsi par exemple que l' on comptait six ¡. Ca faisait beaucoup de monde. Les boulangers ont commencé ¡.) . a été consommée jusqu'en 1880 ~ 1890. et bien qu'il y eüt quatre boulangeries au bourg. pour inviter al' enterrement. ee linceul était lui-mérne enveloppé dans un drap que six hommes portaient en le tenant par les coins noués. 60. La coutume voulait qu 'on fit une « daube » qui était consommée apres la messe de minuit. chacune sur un coté de la rue. On prenait deux barres bien polies que l' on passait dans deux "oreilles d' osier" ménagées sur le cóté du cercueil. Done. n arrivait. De méme. dix « auberges » pour chaque quartier aux environs de 1900. on comptait une vingtaine d'auberges OU s'arrétaienr les charretiers et les gens qui allaient au marché. Apartir de 1880. un a deux veaux chaque dimanche. L' opposition entre le hourg ct les hameaux 93 achetait par pains) était bien moins grande qu'aujourd'hui. Jusqu'a 1914. Le quillier esr la salle couverte. dépouillage du mais (de peroques. Presque chaque semaine. chaque soir. De 17 a 30 ans. On riait. de la Noél et du premier de l' an.94 Célibat el condition paysanne solidarité entre les membres du méme quartier s' exprimait aussi ti. on peut com- mumquer par des "enseignes". rnais l 'éloignement «psychologique» reste aussi grand que jamais et cela apparait atravers la fonction qui est conférée a l'automobile. 11 y avait des musiciens (lous haladis) qui donnaient le bal. la densité sociale était tres grande dans ces hameaux oü 1'0n se sent aujourd'hui perdu et isolé". les grandes fétes. Maintenant on vit beaucoup plus chacun pour soi. Les gens ne sont plus heureux comme alors. l' automne. A. Mais on se battait acoups de peroques. Avec ce premier voisin. Mais on faisait beaucoup de bals dans la campagne.) . les familles paysannes ressentent concretement leur iso lemento Sans doute. Maintenant. etc. du fait que les liens de voisinage (Iou besíat. se rassemblait pour dépouiller le mais. feuilles qui entourent l'épis de mais). ensemble des voisins. des piments. cinquante jeunes gens et jeunes filles. Les esperouquéres. On va a la 62. Le second voisin (lou countrebest). c'est la maison a coté. c'est la maison den face. finir).) Ainsi. n 'auraient pas l'idée de prendre leur voiture pour venir assister a une réunion du Sporting-Club ou du Comité des fétes ou encore pour aller au cinéma le dimanche soir. du fromage . Le premier voisin. biner) et liguére. 00 jouait et 00 dansait jusqu'au jour.. 00 faisait une féte (las acabiailhes. « celui que ron appelle le premier en cas de déce~. l' occasion des travaux collectifs: houdjére (de houdja. On faisait connaissance al' occasion des fétes. Parfois on faisait la "mascarade". besis) et de quartier étaient tres forts..-P. Tout le quartier. C'est fini maintenant.. soit quarante ti. Ne voit-on pas aujourd 'hui les paysans les plus riches et les plus réputés pour leur sen s de l'honneur et leur hospitalité. de acaba. Dans la société d'autrefois. Les gens vivaient plus ensemble (lou mounde que bibén mey amasse) quartier par quartier. Les jeunes gens se fréquentaient beaucoup plus que maintenant. le mounehieou. j'ai beaucoup dansé. On était plus heureux. la dispersion dans I'cspace n' était pas vécue comme telle. A. en général un samedi. il faut servir du café. esperouquére. Les paysans. Il est significatif que les réunions qui précedent les élections municipales et cantonales se tiennent au bourg. battage du blé. le quartier a cessé de constituer une véritable unité. A.-P. On ne mangeait pas tellement : des chátaignes. Nombre de travaux collectifs ont disparu soit en raison de l'introduction des machines soit paree que les festivités auxqueIles ils donnaient lieu coútaient trap cher. la crabe (la chevre). en donnant la cadence avec la "tirnbale". On se réunissait aquatre ou cinq voisins. binage et « liage x de la vigne au eours desquels les groupes de travailleurs altemaient leurs chants d'un coteau a I'autre. jusqu'a la Toussaint. Maintenant tout le monde se plaint et pourtant il y a de l'argent. . battére. par exemple.» (J. 00 allait de maison en maison. Et on riait! » (J.. « Il y avait beaucoup moins de bals au village que maintenant. duraient trois semaines ou un mois ti.. les gens étaient beaucoup plus heureux de vivre. le travail.~) (J. Autrefois. bal du comice.. ou bien quelqu'un chantait. 11 n'y a pas de jeunesse non plus. lautornobile a raccourci les distances surtout depuis que les principaux chemins vicinaux ont été goudronnés. on se croyait heureux. Aujourd 'hui. faire tuer leur cochon par le boucher du village? Organisées par les jeunes gens du bourg. du 15 aoüt. se tiennent au bourg. dans une grange ou un coin de pré. Depuis 1918. mais aussi dans les différents hameaux. Les "bagarres" (lous patacs). les travaux communs et les retes de quartier ayant dísparu. Quand on finissait le travail daos une maison. des signaux. Les gens se connaissaient plus par quartiers. mis a part quelques-uns. « L' espérouquére e'était la féte de la jeunesse. pélére ou péle-porc.-P.) Les travaux collectifs ri'étaient pas la seule occasion de réjouissances. les L' opposition entre le hourg ct les hameaux 95 fétes . en raison de la forte densité sociale liée a l'intensité de la vie collective. On prenait une citrouille creuse oü 1'0n mettait une chandelle. X4 De facon générale. les voisins se réunissent. La concentration de 1'habitar maintient une forte cohésion sociale bien que les techniques traditionnelles de loisirs col1ectifs aient disparu : le bourg est le champ de ragots . New York. Tandis que 41. devant la plupart des maisons.. il note Fémieration des artisans des districts ruraux vers le centre du village.71 3. la population agglomérée autour du clocher forme une société ouverte aux influences extérieures. un nombre plus élevé de personnes habitant satis le méme toit. asavoir la messe du dimanche et les fétes. le plus souvent. in P. 65. et de l' autre a la diminution réguliere de la famille du hameau ()5. plus vite. Panni les phénomenes corrélatifs du changemenr de srructure et de foncrion de ces unités. j . pour éviter de défiler sous le regard ironique des villageois.79 en 1911 et 1.51 1954 2.4 % des voitures des villageois ont moins de cinq ans el sont destinées exclusivement au transport des personnes (contre 14. p. in P.52 4.6 % au hameau). L'opposition entre le paysan et le citadin cornmence au cceur méme de la comrnunauté villageoise. Dimension moyenne de la famille "-------- 1881 Bourg Hameau 3. Du fait de leur isolement. J. Si bomé qu'y soit l'horizon. Voir les rableaux représentant la taille des familles selon la catégorie socio-professionnelle du chef de famille ct se Ion la résidcncc (bourg ou hameau) dapres les rccensements de 1881. 1911 et 1954. íbid. Cf. pour bavarder sur les banes de bois placés sur le trottoir. préférent emprunter les petits chemins qui rejoignent la place principale par un détour. sai. Pour ceux-ci.56 4. en regardant passer les paysans « endimanchés ».31 2. 87. la~conccntration des activités « culturelles » au bourg. les bancs son! le symbole du mauvais esprit et de 1'oisiveté des « citadins ».96 Célibat el condition paysanne vine en automobile.13 en 1954. cit. Bourdieu. M. la famille du hameau est sensiblement plus grande que celle du bourg.« Célibat et condition paysanne ». Williams mantre la dissolution de ces unirés de voisinage (neighhourhoods) qui tendent a se fondre dans la cornmunauté villageoise. Bourdieu. celui de la démographie par exemple. 1906). si affaiblis qu'y parviennent les bruits de la ville et de la vie modeme. p. 63. 119-124. apres avoir longé les jardins situés derriere les maisons. par deux ou trois. A propos d'une aire ruraIe divisée en douzc school-dístrícts possédant un nom traditionnel et fonuant une comjliunauté consciente de L' opposition entre le hourg er les hameaux 97 Ainsi. supprimé dans cette édition. il n'est pas inutile de montrer comment elle se traduit a un niveau plus profond. can-ere) er les paysans des hameaux. les soirs d' été. il est de 1. entre le paysan et le citadin. que celles que leur offre le bourg. les campagnards n'ont d'autres occasions de se rencontrer. L'amenuisement de la différence entre 1911 et 1954 est imputable d'une part a un léger accroissement (depuis 1945) de la taille de la famille du bourg. sépare rnaintenant les villageois.. et la différenciation saciale de la popularion (cf An American TOWI7. mais pas plus souvent el pas pour des raisons nou- vel1es. supprimés dans cctte édition. Avant de décrire les formes les plus patentes que revét aujourd'hui cette opposition. La voiture n' a-t-elle pas hérité des fonctions de la charrette? 00 1'utilise avant tout pour le transport des produits de la terre el pour des déplacements purement utilitaires. 64. IDUS carrérens (les habitants de la rue. tabIeau. Nombre de paysans. Ils ne sont infonnés de la vie communale que par la médiation des villageois?'.4 % des voitures possédées par des paysans ont plus de vingt ans (dapres la vente des vignettes de 1956) 63. la barriere entre la ville et la campagne. Alors que l'écart entre la famille moyenne du bourg et celle du hameau était seulementde 0. 63. op. qui passait autrefois entre gens de Pau et Oloron et gens de Lesquire sans distinction. cornme 00 y allait en charrette. C'est la aussi que les carrérens s' assoient le dimanche matin pour deviser.94 en 1881. 15 km 11 3 3 4 20 15. En se « citadinisant ». Tandis que chez les villageois.1 4 322 355 259 258 1601 1408 1096 2. groupanl plusieurs ménages el les domestiques.2 4. au bourg cornme au hameau. la proportion des familles de quatre personnes el au-dela y étant plus de six fois inférieure a la proportion correspondante chez les propriétaires des hameaux. la grande famille dominait.9 % des femmes de la commune sont nés dans un rayon de moins de 5 kilometres.2 % des hommes el 65.5km: .1 il.1 4. les tantes du mari qui viennent de temps en temps.2ükm 20. Les conséquences de ces diffé- Propriétaíre terriens Ensemble des des hameaux famiíles des hameaux 1881 1911 1954 53 % 46 % 36% 47 % 43 % 32 % Ensemble des famifles du bourg 31 % 8% 10% L' opposition entre le bourg el les hameaux 99 Terrees morphologiques sont considérables. c'est-á-dire sur le territoire de la commune ou des communes limitrophes.5 3.30km 123 13 11 16 4 2 5 29 141 21 21 27 7 5 9 49 40 24 52 11 9 4 37 39 79 42 66 73 125 II 22 2 11 16 62 2 25 48 34 63 14 12 8 57 264 579 511 1090 702 52 100 53 87 89 152 15 29 4 16 17 15 54 111 6521354 . cutre qu' elle constitue pour le jeune ménage el tout spécialement pour la jeune épouse une charge considérable. le pere et la mere du mari. surtout les jeunes femmes. chez moi.1 il. le nombre des personnes vivant seules ne cesse de croitre.1 il. Par exemple. Autrefois.1 a 25 km 25.5 4. le bourg a acquis les caracteres démographiques de la ville : le nombre d' enfants diminue.1 il. trois fois plus forte chez les propriétaircs terriens que chez les villageois.8 3. Quel fardeau! » (P. pour la jeune femme.8 4. «Les jeunes. Légerement supérieure en 1881 (1 a 1.1 3.l Célibat el condition paysanne 98 Années Nombre de maisons hahitées Bourg 1881 1901 1911 1921 1954 97 92 92 83 94 Hamcaux 418 367 293 339 273 Poputatíon totale Nombre d' habirants par maison Bourg Homeaux Bourg Hameaux 471 2468 1656 4. la sceur du mari. Des 1911.Lesquire 719 466 378 844 . En effet. iI y a la grand-rnere du mari.Aurres communes 2 3 4 5 6 7 30 km et plus 8 Total 8 5. on a réparti la totalité des individus recensés it Lesquire en 1954 selon la dislance par rapport leur lieu de naissance. la grande famille exerce un controle et des contraintes qui pesent de plus en plus aux femmes de la jeune génération. Le phénomene apparait manifestement si l' on considere la proportion des familles comptant qualre personnes el plus (y compris les domestiques) aux différentes époques. ces á Sexe et lieu de résídence Zunes Lieu de naissance Bourg Hameaux H F 64 61 125 402 317 Total H F Ensemble Total H F TOlal 0il. C.) Pour saisir sous un autre aspect l' opposition entre le bourg et les hameaux.7) la proportion des grandes familles est. 10 km 10 10. On voit que 73. surtout daos la catégorie des retraités et des inactifs. la famille du bourg a pris sa forme acluelle. en 1954. particulierement en ce qui conceme le mariage.7 La différenciation entre bourg et hameau date des cinquante demiercs années. le ménage tend a se substituer a la grande famille. ne peuvenl plus supporter la grande famille. 66. ils mettent souvent un point d 'honneur a n'utiliser que le francais et tiennent le «patois» pour une lanzue inférieure et vulgaire. » CA. du fait aussi que les emprunts au francais se font de plus en plus nombreux. Apres 1919. qui risque de ce fait détre plus ouverte au monde extérieur. il est la langue du juron et de 1'injure. bref son esprit. saos doute.eprouvatt une ~orte de pudeur a en user.3 % pour les catégories correspondantes du hameau. beaucoup veulent parler francais. est la langue des relations avec le monde urbain. les hommes et les femmes nés a uTI. se maintient chez les habitants du bourg qui ont eu le béamais pour langue matemelle alors qu "il disparait chez les jeunes. bien qu'il sache le plus souvent s'exprimer daos le francais le plus correct.100 Célibat et conditíon paysanne taux sont seulement de 58. étroitement attaché aux préoccupations de l' existence quotidienne. le béarnais est le mode d'expression spontané. auquel s expo. Pour le paysan. du travail de la terre et du marché. Deux paysans ne sauraient. qui en est le trait le plus caractéristique. cependant. Le francais. Ce parler est. au contraire. du dictan et du proverbe. C'est daos le domaine linguistique qu'on peut saisir la manifestation la plus claire el la plus significative .5 % de leur catégoric. il garde toute sa saveur et sa vigueur. la Iangue de la vie farniliale. Les fonctionnaires. essentiellement rurale el sédenlaire: 76. celui qui s'escrime a parler franyat~. ~n . comme une langue étrangere. Avanl 1914. il esl tres fréquent que les enfants parlenl francais a la maison et que les adultes recourent au francais pour s' adresser a eux. ils raillent les rustres mal o L' opposition entre le bourg el les hameaux 101 dégrossis dont le béarnais francisé produit des effets cocasses. On parlait le francais avec difficulté. eonlre 6. qui écorchent le francais et s' obstinent a le faire par prétention ou par inconscience (franchimandev. sans se sentir ridicules. et du méme coup. surtout au bourg. surtout dans le domaine des techniques et des institutions modernes. de la guerre. Les paysans des hameaux parlent généralement le francais avec un accent tres prononcé.d. Si. de la plaisanterie et du jeu de mots. L 'accenr des jeunes filies du hameau est en général moins marqué que celui des garcons. ils sonl nettemenl plus élevés pour la population des hameaux. a I'opposé. a1'exception de quelques adolescents et des étrangers ala région. s'entretenír de leur récolte ou de leur bétail autrement qu'en béamais. "un peu. 1'usage du francais se répand. L'école était a peu pres le seullieu GU 1'on parlát exclusivement francais. B.3 % pour les hommes el 69. le plus souvent originair~s du vIll~ge mérne ou de la région. les membres de~ professions libérales. 00 trouve done au bourg une population beaueoup plus melangée. ils ont retenu qu'aux chefs il faut parler francais. utilisaient presque toujours le béarnais dans leurs relations avec la population paysanne. . Le r roulé.2 el 20. presque tous les habitants du bourg savent par: ler le béarnais. par crainte du ridicule. le béarnais était la langue UlIh: sée par l'ensemble des habitants de la c?mmune.e distance supérieure a 30 kilometres représentant respectrvemenl 16. Depuis 1939. Du service militaire. de plus en plus adultéré du fait que des mots francaís patoisés tendent a se substituer aux vieux mots béarnais.e lopposition. t~nt a l'intérieur de la famille que daos la vie de relatlOn~.6 % pour les femmes.ñ. la langue dans laquelle on est souvent mal al' aise comme daos le costume du dimanche que l' on met pour a1ler a la carrére : comme dans le monde des bureaux oü l' 00 se sent dépourvu et désanné 66.3 el 4.6 % pour les femmes. Certains « semi-citadins » du bourg s'efforcent de corriger leur accent. du fait des brassages dus á la guerre. il apprécie que 1'0n choisisse de s'adresser a lui en béamais. « Maintenant. Au bourg.) L'usage de la langue francaise est l'hommage souvent forcé et réticenr que le paysan rend au moussü de la ville et a ses papiers. du fait de la présence de réfugiés devant qut on ne peut pas parler béarnais.se lou franchiman. et on le savait.5 % pour les hommes et de 52. on de reconnaítre un service rendu. au contraire. La sueur d'un cantonnier! Et le facteur. Le paysan nest-il pas. cest-a-dire. sans garantie du lendemain.. sous un certain rapport.11 existe évidemment des exceptions. dans la situation du solliciteur? Soit qu'il ne sache pas remplir lui-méme ses papiers.) . il a la vie belle (que s' at bire bet) ! Il est al' ombre et hors de la boue. n a appris a parler et a deviser (debisa). il ne cesse jamais d'étre percu comme un parasite. ce ri'est pas tout de les lire! On n'y comprend rien ou on prend martre pour renard! »(P. bien qu 'ji soit saisi.102 Célibat et condition paysanne ce qui témoigne d'une sorte de volonté de rendre la relation plus directe. il a fini de bonne heure [son travail]. aussi comprend-on qu "il puisse prendre la forme de I'hommage. Objectivement. au centre rnéme de son univers. L' oppositíon entre le bourg et les hameaux 103 dant que les paysans travaillent dur. passe la frontiere entre ce qu'on peut appeler. 69.) Ainsi. Mais d' autre part. «Oh! diable! disent-ils. il ne serait jamais alié toucher sa pension. «Tous ces papiers. L'attitude du paysan a l'égard du fonctionnaire semble obéir a un modele plus général. Ah! ils ont trouvé le bon emploi. On voit en lui «le fainéant du bourg » (lous fenians de la can-ere) 69. parallelement. toujours a l'ombre. comme indispensable. distantes d' une centaine de mctres a peine. Le rapport de dépendance est irnmédiat et personnel. la « citadinité » et la « paysannité »67. d'activités du secteur tertiaire : cependant. Le terrne péjoratif qu'il emploie pour les nommer suffit a prouver qu'il ne reconnaít jamais pleinement leur supériorité. éprouve concretement sa dépendance non point a légard du bourg en tant que collectivité mais a l' égard de certaines personnes dont il a concretement besoin. »(P. aux yeux des natifs des hameaux. a savoir celui qui régit les rapports entre le paysan et le lettré dans beaucoup de civilisations non industrielles. plus farniliere et plus égale. L. l'usage du béamais s'est maintenu surtout chez les artisans (en contact plus étroit avec les ruraux) et chez les travailleurs agricoles. le villageois. le plus souvent. Entre les dernieres maisons du bourg oü l' on parle le francais el les prernieres ferrnes isolées..I'homme du bourg est vraiment le bourgeois. presque uniquement. celui qui voit tomber tous les mois un bon salaire. Ainsi. mais aussi une maniere de rendre hommage. et sans se fatiguer. joue le róle de médiateur entre le paysan et 1'État. En particulier.-M. le «rentier ». 68. Ils peuvent faire la partie de cartes. en dépit des gréles et des gelées. Cependant. Le respect que suscite le lettré n 'exclut jamáis lironie. Au titre de représentant de l' administration centrale. en tant qu 'incarnation concrete de 1'État. il doit avoir recours aux escribans de la carrére. oü l' on parle le béarnais. celui qui a déserté la terre et rompu ou renié les attaches qui l'unissaient a son milieu.. le fonctionnaire est l'incamation concrete de l'État. si l'on pennet les néologismes. les fonctionnaires sont toujours plus respectés et considérés. l'hornme aux mains blanches. D'un cóté. Le porte-plume ne donne pas de cals aux mains. le bourg TI 'existe que par les hameaux.. Le fonctionnaire suscite des attitudes ambivalentes 6R. cepen67. il est la victirne substituée du ressentiment dirigé contre les «rnaitres de Paris » (Ious mestes ou lous coumandans de Paris) et contre rÉtat. qu'il se perde dans les formalités ou qu'il répugne a téléphoner lui-méme au vétérinaire. voire un certain mépris. ce rapport de dépendance demeure abstrait. remplir une formalité a la mairie ou consulter le médecin sans apporter une douzaine d'ceufs ou un litre de vin. aux «scribouillards de la ville ». de sorte qu'tl naffleure pas a la conscience. Ah ! ils !'ont trouvé le travail facile! le travail d'un gendarme . L. Il peut porter la chemise blanche. en tant que dépositaire de l'autorité gouvernementale. Le paysan. administrateur local ou fonctionnaire. a peu prés. A mesure que saccroit 1'intervention de 1'État dans la vie quotidienne du paysan et. le bon filon. pour produire les biens qu'il consomme. «le plus grand voleur ». du fait qu'il vit. !'emprise de I'administration. C'était la sans doute une fa¡.-M. le paysan découvre un monde dans lequel il n'est déja plus chez lui. Il ne sue pas souvent. Ceux-lá sont I'objet de tous les sarcasmes. il commente et discute les nouvelles avec aisance et assuranee. du fait de leurs rivalités.. a travers ces relais impersonnels el interchangeables. les paysans préferent.lO4 Célibat et condition paysanne Pour le paysan le rapport entre 1'individu el l' Administration ne saurait s' établir comme daos la société urbaine. D'uutant plus disposé a faire confiance el a sen rernettre qu'il est plus désarmé. La Poste. 11. quand celui-ci est en congé. AG . on repart sans avoir accompli la démarche pour laquelle 00 était venu 70. pour se marier avec un gend?rme. postier.« Chaque paysan avisé veut avoir un enfant intelligent pour le faire étudier . etc.) 72. il choisissait une grande cadette 71. Cette dot était exigée paree que la femme de gendannene devait pas travailler. ne devait pas avoir de relations avec le public. Au contact déconcertant avec l'impersonnalité massive de l' Administration. par tous ces geos qui oot une "bonne situation". un tel a commencé a labourer ou a tailler la vigne. D'autres sont toujours a la traine. ils ne sont pas plus tendres entre eux [qu'á I'égard du eitadin]. de secrétaires de mairie ou de propriétaires terriens du bourg. A. le paysan substitue un rapport de personne a personne. bref tous ceux qui détiennent une parcelle de l' autorité centrale. 11 y en a qui ont la réputation d'étre roujours les premiers aentreprendre les divers cycles des travaux des champs. . . ils se surveillent et s'épient : Jean. Tout ca fait que les paysans mettent toujours une certaine réserve respectueuse dans leurs rapports avee lou carréren. agent de poi ice ou fonctionnaire. «Les gens des hameaux sont tres heureux de pouvoir "deviser au café" (debisa au café) avec un "monsieur" du bourg. Or.-P. les rustres) du fond du quartier Laring ou Lembeye se gardent d'interrompre et ne perdent pas une syllabe afin de pouvoir rapporter le tout et d'amuser toute la maisonnée. Ils sont aujourd'hui encore. La famille en a eu beaucoup de diffi- L' opposition entre le bourg et les hameaux lOS tion.. C'est le "citadin" qui mene la conversation . greffier. Quand il obtenait un ernploi. iI identifie la fonction au fonctionnaire et ne reconnait l' Administration qu' a travers ceux qui la représentent. De méme. ils font J'analyse de leurs rapports avec les carrérens. les paysans s'efforcent de donner a leurs enfants le minimum d'Instruction indispensable daos la vie modeme. 1'Btat TI' étant plus que l'horizon toujours reculé d'une série indéfinie de moyens termes. 11 faut pouvoir comprendre ! »(J. Mais il ne faudrait pas attribuer au seul intérét la révérence du paysan al'égard du « bourgeois ». les paysans des hameaux auraient pu élire un des leurs 72. On peut aussi conjécturer que. faut-il s'étonner que les citadins aient toujours détenu le monopole du pouvoir politique? Les maires et conseil1ers généraux successifs sont autant d'instituteurs. Lous branés (les habitants de la lande (hrane). Et depuis. Il devenait un "monsieur". B.) . «Bien sur. cest le postier et. étant largement majoritaires. dépositaires anonymes d'une autorité anonyme el saos visage qui se manifest~ par eux et demeure irréductible a cette manifestation. » (A. fallal! avoir une eertaine dot : 3 000 franes.) Dans ces conditions. oü les apprend-on. liée au eultés. gendarme. Chaque jeune homme était "jaugé" et "étiqueté".. Il ne faut pas oublier qu'il y a cinquante ans un gendarme devait exiger une dot de 3 000 francs.. cétait une révolu70. si ce n'est au bourg? Rentrés chez eux. en définitive. 71. Tous les "secrets d'État". Il leur arrive de les juger clairement et judicieusement surtout apres avoir payé la note au café. ca va en saccentuant. iI faut préparer la eharrue. D'un champ a I'autre. désigner un carréren plutót que de distinguer un des leurs. L.. les paysans tenant le role d'adjoints ou de eonseillers munieipaux. il y a les familles qui ont la réputation de mal reeevoir. I1sont été longtemps génés. de médecins. « De mon rernps.) . On ne les épargne pas !» (A.}> (J. Ils sont heureux de l'inviter au café. La fierté de soi. Aujourd'bui. maire. conseiller. il Y avait une fille qui s'est mariée avec un gendarme. B. C'est que le jugement du paysan sur lui-rnéme nest pas moins arnbivalent que celui qu'il porte sur le citadin et sur le fonctionnaire. un peu "impressionnés" par cette "élite" bien casée du bourg. et ils essayaient gauchement de le rattraper. le sennment L' opposirion entre le bourg el les hameaux 107 de détenir des «droits de bourgeoisie ». du paysan ridicule. ils sont plutót embarrassés. que se manifeste l' attention la plus vive a se distinguer du paysanás. du moins avec une conscience aigué de ses déficiences et de ses limites. tissée. a plus forte raison. S'ils prennent le citadin pour cible de leur ironie chaque fois qu'Ils le peuvent. du monde des bureaux et des administrations. Lorsque le port de la veste se fut généralisé. fonctionnaires ou membres des professions libérales. n' a parfois que dédain pour les natifs des hameaux. bien souvent. lorsque le vent gontlait et soulevait leur blouse. C'est aussi. pour venir au bourg. découvrant leur ceinture rouge. paree qu 'il a du loisir et surtout paree quil « sait parler ». quand il s' agit de gérer les intéréts communaux el. ils entendent apparaitre comme une aristoeratie de l' esprit. et SUftout le fonctionnaire. Nombre de paysans viennent en sabots et mettent leurs chaussures a lentrée du village. dans les couches inférieures de la soeiété «citadine ». surtout lorsqu 'H est un peu frotté d'instruction et qu'il a acquis 1'extérieur d'un hornme de la ville. ils tiennent leurs mains dans les poches de leur veste toute fripée dans le dos. habitants de la lande. 88 ans. il a fait l' objet des railleries. les gros ses chaussettes apparentes sous le pantalon mal repassé et trop eourt. Sans doute. lui parait prédestiné au role de médiateur entre lui-rnéme et la ville. vers 1895. Paree qu'il est instruit des reales administratives et des subtilités de la. les plus proches des paysans par leur culture. maladroits el respectueux lorsqu 'ils le rencontrent en tete a tete. «Ah! Il fallait voir leur dégaine! lis avaient des bérets énonnes! Pour les rendre plus grands et les faire tenir rigides. . cest-á-dirc quand ils sont en nombre ou entre eux. par journée de tempéte. acheté abas prix dans un magasin de confection. on use difficilement les souliers du fait qu'on ne les met qu'une fois par semaine. la campagne. ils ont la démarche lente et pataude: branassés (ou branési. Accoutumés a marcher avec de lourds sabots sur des terrains difficiles et inégaux en portant de pesants fardeaux. leur langage et leur esprit. Alors que lous moussñs de la carrére portaient la veste des 1885. sinon avec la ho~~e de soi. particulicrement. paree qu' il participe. qui adoptent volontiers une attitude paternaliste ou proteetrice a l'égard des sauvages des ehamps et des bois parmi lesquels ils se sentent exilés et dont ils ne partagent ni les inréréts ni les soucis .. » (P. Le grand béret sur la tete. 00 disceme. par opposition aux rustres et aux «primaircs » qui les entourent. De son coté. I'homme du bourg. les hornrnes mariés sortaient « avec la veste de mariage » (dap la beste d' espousal) si elle était encore en bon état. les souliers démodés 73. cousue et brodée a la maison. Parfoís leur béret s' envolait et roulait cornme un cercean. hoscq). esca73. du paysan panni les citadins ? Aussi. dappartenir a un monde plus civilisé. plus poli et plus cultivé. auhiscous (graminée qui pousse daos les touyas). De tous temps. vie politique e nationale. par exemple. formant une petite société fermée. Chez le plus ~rand nombre.-M. bouscassés (hornrnes des bois. bourg) Aujourd'hui encore. On ne saurait étre plus loin des paysans que eertains de ees «notables». coexiste en lui. les carnpagnards conservaient la blouse de Iin. tandis que les célibataires portaient encore la blouse. N'est-il pas significatif que les bonnes histoires les plus appréciées aient pour theme la maladresse el les ridicules du paysan el. 11 fallait les voir défiler. d' entrer en relations avec les autorités de la ville. le villageois. on reconnait les paysans endimanchés a leur vétement de mauvaise coupe. A. et bien qu 'ils s 'habillent de leur mieux afin de passer inapercus. en raison du décalage dans la mode vestimentaire. le paysan préte-t-il souvent le flanc a I'ironie ou a la charge. le paysan ne songe méme pas adéléguer un paysan. L. ils mettaient a I'intérieur un brin d' osier. plus ou moins exprimé. par sa fonction.106 Célibat el conditíon pa\ wnne mépris pour le citadin. En 1958. Selon différents informateurs. toutes ces institutions nouvelles son! dues a I'initiative de jeunes agriculteurs. il pourrait apparaitre comme une cité s' il ne manquait pas a remplir les fonctions les plus importantes d'une ville. il a la prétention de l' étre. Ce sont les couches moyenne et inférieure de la paysannerie des hameaux qui ont produit la nouvelle élite rurale. L 'histoire des demiercs années en fournit la preuve. armee) contre 2 seulement dans les hameaux. organisation catholique. du fait qu'il concentre les commerces.balaur. «gros paysans de Saoubole » 74 . Cela. par contraste. non de la production. mais le citadin.28 chefs de famille du bourg sur 95 Vlv~nt d u. La supériorité que le villageois s' arroge. aux gros paysans. Tous sonr d'anciens membres du Cercle des jeunes. Ce sont de petits et moyens propriétaires. le bourg est assez «urbanisé » pour que les hameaux puissent apparaítre et s' apparaitre. Coopérative d'utilisation du matériel agrieole (eréée en 1956). autant de surnoms péjoratifs décernés au paysanás de Soubole. tout particulierement. soit par son exemple.. » Le paysan ne se saisit cornme paysan qu' en présence du « citadin » . tandis 74. lui. TI' existe en tan! que tel que par opposition au paysan. Par I'esprit et le style de vie de ses habitants. mal embouché el mal fagoté. le bourg n' est citadin que par opposition a ses hameaux paysans. . le paysan ne la lui reconnait jamais pleinement. 76. Foyer rural.ne retraite civile (PTf. Nom de lieu imaginaire dont la lourdeur évoque un pays sauvage et arriéré. des retraités et des rentiers 75. cette fausse cit~ est incapable de jouer le role de foyer d'incitation économique et cela. . dans le domaine agricole. il n'. iI sait répondre par lironie silencieuse ou par l'évocation d'une origine commune : c Nous savons d'oü il sort! » Ou bien: «Son pere a porté les sabots . i l faut 15 ou 20 hectares labcurables.. les grands propriétaires ont les moyens de se payer un tracteur et disposent de surfaces cultivables suffisantes. Résidence des fonctionnaires et des membres des professions libérales. L 'homme du bourg n'est pas eitadin. les auberges. le plus rustre le sait et il sait que 1'homme du bourg dont il est le paysan a aussi son citadin. elles échappent tant a l'ancienne aristocratie paysanne. pour que le tracteur soit rentable. enseignement) ou rnilitaire (gendarmene. au d roa Ia d ' crotte. Aux attitudes du citadin parvenu que le « bourgeois » adopte souvent a son endroit. .a plus que des notables «tertíaíres » qui peuvent fournir des exemples d'innovation dans le domaine de la consommation. 75. . soit une propriété de 30 a 40 hectares. Du fait qu'il monopolise les fonetions urbaines. La CUMA compte en 195825 adhérents. roa. des artisans et commercants. Plus généralement. Centre d'études techniques agñcoles (en 1960). comme paysans. les administrations. qu 'aux notables du bourg plus soucieux de s' assurer la direction des affaires locales par des mesures plus ou moins démagogiques que de travailler a une rénovation en profondeur de l'éeonomie rurale". L' opposition entre le bourg el les hameaux 109 que les notables citadins conservaient les pouvoirs traditionnels. Ayant perdu la quasi-totalité de ses grands propriétaires terriens.108 Célibat el condition paysanne noulhes (sorte d'oignon). laparous ou lagas (tiques). Mais il s'en faut qu'il le soit suffisamment pour les entrainer soit par ses initiatives. plus ágés. Ce sont surtout des «étudiants» (íous estudians). pour la plupart originaires du bourg. par quelles médiations le fait de résider au bourg ou dans les hameaux et les earaetéristiques économiques. dans les occasions institutionnalisées de reneontre entre les sexes Étant donné la séparation tranchée entre Ia société rnaseuline et la soeiété féminine. il reste a détenniner sil es! un aspect de cette opposition qui soit en corrélation plus étroite avec la vocation au eélibat. formant une masse sombre. en exercices el chansons d'une forme a une aultre. et aussi quelques natives de Lesquire qui travaillent 'a Pau ou a Paris. Ce qu' il s' agit de comprendre mieux. pourquoi il se montre aussi peu adapté. 1. Au centre de la piste. parfois avec recherche. en danses. comment il se peut que 1'influence de la résidence ne s'exerce pas de la méme facón sur les hommes et sur les femmes. bref. sociales et psyehologiques qui en sont solidaires peuvent agir sur le méeanisme des éehanges matrimoniaux. tandis que de jeunes garcons se poursuivent et se bousculent entre les couples de danseurs. Le bal de Noel se tient dans I'arriere-salle d'un café. Parmi les danseuses. bonnes ou vendeuses. en gestes. un groupe de spectateurs. en ses lois. une dizaine de couples dansent avec beaucoup d' aisanee les danses a la mode. XLII!. les bals qui se tiennent périodiquement au bourg ou dans les villages voisins sont devenus la seu le occasion de reneontre socialement approuvée. Des jeunes filies el mérne des filleltes ~'une douzaine d'unnées dansent entre elles. Il y a aussi quelques parachutistes sürs deux-mémes et de jeunes citadins ouvriers ou employés . Elles ont tous les dehors de la eitadine. étant donné la disparition des intermédiaires et le reláchernent des liens sociaux traditionnels. si le fait d'étre né au bourg ou au hameau est « eondition néeessitante » ou « eondition permissive » du eélibat. aussi déeoncerté. que de laisser prendre liberté a la jeunesse de changer en accoustrements. n' estime peste au monde plus dornmageable a sa cité. plus précisément. la recherche du partenaire est iaissée aujourd'hui. 111 Tandis que dans la société ancienne le mariage était surtout l' affaire de la famille. deux ou trois d' entre eux sont coiffés du chapeau tyrolien et portent blue-jeans el blouson de cuir noir. si l' approche historique permet de voir daos la restructuration du systeme des échanges matrimoniaux sur le fondement de l' opposition entre le bourg et les hameaux une manifestation de la transformation globale de la société. on le sait. cest-á-dire les éleves de eours eomplémentaires ou des colléges des villes voisines. Essais. observent sans parler. Debout au bord de la piste. Si les données de la statistique et de l'observation autorisent a établir une corrélation étroite entre la vocation au célibat et la résidence daos les hameaux. Par suite.Le paysan el son corps 4 Le paysan et son eorps Platon. . plusieurs jeunes fiIIes venues du fin fond des hameaux les plus reculés. ils foumissent une oceasion privilégiée de saisir la racine des tensions et des eonflits. et. s'il existe des différenees signifieatives entre les gens du hameau qui se marient et ceux qui son! condamnés au eélibat.» « MONTAIGNE. e'est pourquoi le paysan des hameaux est intrinsequement défavorisé dans eette eompétition. habillées et coiffées avec élégance. couturieres. a J'initiative de l'individu. ils n' ont plus l' áge. ils n'ont rien a faire. Dans ce domaine comme ailleurs. Ce nest pas le lieu d'analyser les habitudes motrices propres au paysan béarnais. rnais ils n'en jouent paso Et puis les jeunes ne savent pas dan ser la valse..). un villageois. ils chahutent un peu. les uns pour bavarder avec les amis. les autres pour épier. Dans la salle du café. Par lui. le paysan lourdaud. Les modeles traditionnels des eonduites de féte se sont perdus ou bien ont eédé la place a des modeles urbains. il n'y a que des jeunes. tu peux croire . » Ainsi. Et toi. ont fait place les danses importées de la ville. » Mon compagnon. deux eélibataires s 'en vont lentement. (gros propriétaire) . Aux danses d' autrefois qui portaient la marque paysanne dans leur nom (la crabe. Mais dans les petits bals comme celui de la Noel ou du Premier de I'an. ca nous a passé . il ne faut pas t' en faire pour nous. n fait un tour de danse. jusqu'a minuit.. tout le monde es! « sur la Promenade » el tout le monde danse. ne dansent pas davantage.Oui. I"initiative appartient aux gens du bourg. Ils son! tDUS la... ils regardent cette ~uto comme ils regardaient les filies tout a l'heure. tandis qu ' a coté l' orchestre joue des twists et des cha-cha-cha.» Un autre: «Oh! tu sais. 00 les remarque moins. Or il faut admettre que les techniques du corps constituent de véritables systemes. Ces bals sont faits pour les jeunes. le regard sur les filles inaccessibles. vers leurs fermes éloignées. par petits groupes. Et puis ils repartiront lentement. Ils y vonl seulement lors de la grande féte du village. et s'ils dansaient. c'est le fils An. il va s' asseoir et ne dansera plus. lou mounchicou. Les hornmes de leur áge qui sont déja mariés ne vonl plus au bal. Il résiste. eux . «Alors vous ne dansez pas? . cet habitus. nous ne somrnes pas malheureux ! » Á la fin du bal. Elle lui a fait faire un tour de danse pour lui faire plaisir. enfin. » Le villageois t « Oui. et Le paysan et son corps 113 boivent en bavardant.l 112 Célibat et condition paysanne Cornme happés par la tentation d'entrer daos la danse. mais ils sont et se savent « immariables ». me dit-on. On n'en sort pas.. Ce ncst pas pour moi. » Tout rentre dans l'ordre. dans leurs rythmes. pourquoi tu ne dan ses pas? Moi je te promets. méme les «vieux ». Certains chanteront a tue-téte de vieux airs béarnais. cancaner el faire mille conjectures sur les mariages possibles. on Yerra. etc. Puis ils iront dans la salle de l' auberge et boiront face a face.Et tu crois que ce soir il y aura des filies plus ágées ? . ils avancent el resserrent l' espace laissé aux danseurs. aussi longtemps qu"ils pourront. puis je reviendrai. une « marche» : une jeune filIe s' avance vers le coin des célibataires et tache d'entrainer 1'un d'eux vers la piste. tDUS les célibataires. Une nouvelle danse. ils s' arrétent. trois célibataires sont attablés. leur musique et les paroIes qui les aecompagnaient. Jau hranlou. dans la lumiere et le bruit du bal. prolongeant a perte de voix des accords dissonants. Ces jeunes-lá pourraient étre mes filies . qui dénonce le paysanás. solidaires de tout un contexte culture!. Et puis danser n'est plus de mon áge. un peu comme font les vieux quand ils dansent le jour du comice. L'observation . et regarde en riant ses copains. ils auraient une femme. la filie qui est venue le chercher esl une voisine. ce petit bal de campagne est l'occasion d'un véritable choc de civiIisations. accentuant a dessein sa maladresse et sa lourdeur. en aparté: «Tu parles! ils n'ont jarnais dan sé l » Un autre: «Moi.. ses danses. Les célibataires. «Celuí-Iá. Une belle valse. Ces soirs-la. le comice agricole. j'attends minuit! J'ai donné un eoup dceil tour a I'heure. . Ce son! des bals oü ron vient pour danser. De temps en temps. si j' avais une femme je danserais. le vais aller manaer b un morceau. or ils ne danseront pas el ils le savent. e' est-a-diré ceux qui ne sont pas mariés . La danse finie. ca je danserais. paree qu'hommes el femmes du village sont tous venus. sa musique.Non. géné et ravi. ses techniques du eorps qui fait irruption dans la vie paysanne. Et puis ils ne sont pas pressés. Ils vont trainer comme ca. san s guere parler. e'est tout le monde citadio. avec ses modeles eulturels. Une voiture démarre . lIs resteront la. « Tu vois. cornrne pour dissirnuler leur gene. Ce jour-lá. celui qui traine de gros sabots ou des bottes pesantes lors méme qu'il a mis ses souliers du dimanche . de mérne les danses modernes de la civilisation urbaine : en exigeant l' adoption de nouveaux usages corporels. habiles a percevoir l' habitus du paysan comme véritable unité synthétique. Revue internationaíe d' erhnopsychofogie normale et pathologique. l'aiguillon sur 1'épaule. J . Sociologie et Anthropologie. sans jamais s'enlacer".-L. Curt Sachs (Weltgeschichte des Tanzcs. Que I'on pense ades danses telles que le charleston ou le cha-cha-cha dans lesquelles les deux partenaires se font face. Le sport foumit une uutre occasion de vérifier ces analyscs. on marchait sur les pieds ou ailleurs. comme sils avaient les genoux cagneux. Le paysan et son cotps 115 lisation paysanne 79. Berlín. cest-a-dire «empaysanné ». c'était la vitesse. Cf. Sans doute. Tanger. avant méme de jouer. Mauss. marche toujours sur un sol inégal. Les jeux. comme au bal. de méme queles danses d' autrefois étaient solidaires de toute la civi77. n'est pas a son affaire au bal ". nO 2. les « étudiants » et les carrerens sont préparés. ce sur quoi I'action consciente na pas prise.114 Célibat et condition paysanne populaire saisit parfaitement cette hexis qui sert de fondement aux stéréotypes. difficile et boueux . En effet. 366. «Ba. Ayant assisté des leur prime enfance a des parties. 00 attaquait et 00 marchait. Éditions intemationales. «Les paysans d' autrefois. ils ont. en se retoumant de loin en loin pour appeler les bceufs qui le suivent. 1. la course. 78. p. La encore. les habitus corporels étant ce qui est vécu comme le plus naturel. il avait 1'habitude de prendre une bonne avance sur I'orchestre. l'ethnographie spontanée du citadin appréhende les techniques du corps comme un élément d'un systeme et postule implicitement l' existence d 'une corrélation au niveau du sens.-M. le paysan a peine a adopter les rythmes de la dan se moderne. elles réclament un véritable changement de « nature ». Est-il ríen qui soit plus étranger au paysan? Et que ferait-il de ses grandes mains qu'il a coutume de tenir largement ouvertes? De plus. 380) oppose les sociétés féminisées oü l'on danse plut6t sur place. mais d'une part. pas de musiques a deux. Jou Jete-harres (le lancer de barres). On peut se risquer asuggérer que [a répugnance adanser que manifestent beaucoup de jeunes paysans pourrair sexpliquer par la rési~tancc devant cette sorte de «féminisation» de toute une image profondémcnt enfouie de soi-méme el de son corps. sport citadin. Pelosse. il est clair que le paysan empaysanit. avec les bras recourbés. 80. celui qui. p. Socíologie el Aruhropotogie. L'observation critique des citadins. a tenir leur place dans un jeu qui demande de ladressc. le 15 aoüt. féte patronale du villagej. met l' accent sur la lenteur et la lourdeur de la démarche. 11 s'est vite trouvé relézué au rang de spectateur. lors méme qu'il foule le goudron de la carrére.'avoir 79. mais ce qui importait. par demi-pas saccadés. 1'homme de la brane c'est. a trois ou a quatre temps. vol. de l'élégance. et d' autre part. pour l'habitant du bourg. par tout leur apprentissage culturel. on trouve presque exclusivement des « citadins » du bourg. celui qui va toujours a grands pas lents. que ron pratiquait autrefois. et sautillent. la mauvaise coupe du vétement ou la maladresse de l' expression . J. 10u. les quilles demandaient avant tout des qualirés athlétiques et donnaienr aux paysans I'occasion de montrer leur vigueur.) Pour expliquer cette attitude. L. en se trémoussam. les jours de féte (tou die de Nou5te-Dan~e. de l'astuce. la simple observation et les entretiens en témoignent. comme lorsqu'il marche. aux sociétés adescendance par les majes qui mettraient leur plaisir dans le déplacement. 1933. a dansé quelques paso-dobles et quelques javas.1' sauts (les sauts).« Contribution a l'étude des usages traditionneIs ». entre la lourdeur de la démarche. Dans l'équipe de rugby. 11 n'ajamais caché son dépit de . marchaient toujours les jambes arquées. Pour Jui. le sens du jeu. disait un vieux villageois. ne s'agit-il pas d'une véritable description anthropologique 77. Pour qui a en mémoire 1'anecdote de Mauss concemant les mésaventures d'un régiment britannique doté d'une fanfare francaise. elle indique que e'est sans doute au niveau des rythmes que l'on trouverait le principe unificateur (confusément saisi par l'intuition) du systeme des attitudes corporelles caractéristiques du paysan. il évoquait la posture du faucheur. cité par Mauss. autant que de la force. »(P. » (P. Ce que l'on nomme « allure paysanne » est saTIS doute le résidu irréductible dont les plus ouverts au monde moderne. On dit de lui : n' ey pas de hére. mal rasé. « sombre (escu). Donner son corps en spectacle.) 66 % des célibataires ne savent pas danser (contre 20 % des hornmes rnariés) . un tiers d'entre eux va néanmoins au bal. d 'un physique tres agréable. En effet. Il n' est pas exagéré de prétendre que la prise de conscience de son corps est pour lui l' occasion privilégiée de la prise de conscience de la condition paysanne.) Voir aussi texte cité. aux gestes et aux attitudes. comme eorps empaysanit. «Il n'est pas de foire » (pour aIler a la foire 00 mettait ce que l'on avait de plus beau). Cette conscience malheureuse de son corps. qui 1'entraine as'en désolidariser (a la différence du citadin). la répugnance a danser nest qu'une maoifestation de cette conscience aigué de la paysannité qui s'exprime aussi. p. Par suite. daos les relations entre les sexes. maladroit (desestruc). Le paysan et son corps 117 toute leur formation eulturelle. 11 vient a percevoir son eorps eomme eorps marqué par l 'empreinte sociale.jusqu'á deux heures du matin. peu sociable el bOUITu. comme symbole de la condition économique et sociale. particulierement daos .» (P. mal fagoté. aller inviter autre chose que des "paysannes". 82. C'est pourquoi. sans jamais pouvoir prétendre cependant. eomme l'uutre soit. ne parviennent pas a se défaire 82. a dansé eonvenablement. parfois grossier (a cops groussé}. dans le rire et 1'ironie sur soi. Ainsi. e'est toute l'hexis corporelle qui est l' objet premier de la perception. qui l'incline a une attitude introvertie. « la tenue» est immédiatement percue par les autres. embarrassé de son corps. Ceci est partículiérement vrai. racine de la timidité et de la gaucherie. lors méme qu'il s'agit d'un simple stéréotype. bon gré mal gré. En outre. le paysan est eonduit ainrérioriser l'image de lui-méme que forment les autres. Mais il n'a jamais su danser convenablement (cf texte cité). ni son physique n'aurait dü I'empécher de trouver une femme. jugent les hommes selon des critéres étrangers : estimés selon cet étalon. promptes a eonclure de l'apparenee extérieure a la personnalité profonde. Rien. aux véternents et a l'ensemble de la tenue. qui a su modemiser sa ferme. lui interdit les attitudes simples el naturelles en présence des filies. pIutót que d'esquisser une analyse méthodique des techniques corporelles. le paysan est irnmédiatement percu comme le hucou (le chat-huant). Il a toujours regardé les autres. pour le paysan. qui a une belle propríété. il est embarrassé de son corps. et daos son eorps. ils sont dépourvus de valeur. peut-étre. ni son intelligence. « Ba.-M. C. empaysanné. i1 n'est pas sortable. 118. C. La crainte du ridicule et la timidité sont liées au contraire a une conscience aigue de soi et de SOn eorps. plus ouvertes aux idéaux citadins. ni sa siruation. mol a mot. C'est le cas typique du garcon aqui ont manqué les oceasions d'approcher le~ filies.) «Co. les filies.). comme dans la danse. aune conscience fascinée par sa corporéité.» (P. il est géné et maladroit daos toutes les situations qui exigent que l' on sorte de soi ou que 1'00 donne son eorps eo spectacle. particulierement attentives et sensibles du fait de 81. portant la traee des attitudes et des aetivités associées a la vie paysanne. grineheux (arrebauhiec). a la fois en elle-méme et au titre de signum social. cas de Pi. C. En effet. Ainsi. cest-a-díre. par sa seule classe. Plaeé dans une telle situation. el partículierement par les filies. peu aimable avec les femmes (chic amistous dap las hennes) » (P.116 Célibat et condition paysanne jamais pu danser convenablemenl. esr un garcon intelligent. les plus dynamiques el les plus novateurs daos leur activité professionnelle. Iui interdit la danse. on l'a vu. Or. C'est paree qu'Il saisit son corps eomme empaysanné quil a eonscienee d 'étre paysan empaysanné. L. suppose que l' on accepte de s 'extérioriser et que I'on ait une conscience satisfaite de l'image de soí qu' on livre aautrui. l' hexis corporelle esr avant tout signum social Rl. il a paru préférable de rapporter limage qu'en forme le eitadin et que le paysan tend a intérioriser. Toute une eatégorie de célibataires répond a cette descriptton. C'est paree qu'il le saisit eomme eorps de paysan qu'il a de son corps une eonscienee malheureuse. Pour peu qu 'H soit maladroit. Le manque de rapports et de contacts avec les personnes du sexe opposé est fait pour donner des complexes au plus osé. comme il me voyait fatigué. pour me soulager. les moissonneurs avancaient sur un rango Mon pére qui travaillait a coté de moi. La timidité. puis on rentre en pensant que ceux qui dansent s' amusent bien. assez rares. peut aussi arréter. tout cela creuse un fossé entre une filIe et un garcon de valeur. En outre. C.ons. lalAC. le pece et le fils éprouvaient une certaine gene a se trouver ensemble au café. Ainsi. surtout quand on n'est pas un "fonceur"? 11 n'y a que le bal. Un des meilleurs moyens de cótoyer les femmes (le seul qui existe ala campagne) est le bal. l'embarras de son corps. point de salut. ca devient grave. rnais elle peut étre aggravée dans le cas contraire. La peur du ridicule. «Pi. sans doute paree qu"il pouvait arriver que . C'est d'abord pour le paysan 1'occasion d'éprouver. la fille est tout entourée de mystere. se font avant le service militaire. le fait de sortir d'un trou. la condition économique et sociale influence la vocation au mariage principalement par la médiation de la conscience que les hornmes prennent de cette situation. C'est en tout cas trop peu pour pouvoir courir les bals al' extérieur avec quelque chance de succes. sans rien dire. Des sorties mixtes avec des filles du mérne mouvement. parfois un peu de fausse fierté. Danser une ou deux danses par bal. Les filles restent en cercle fermé au cours de ces sorties. . La chose est encore plus grave quand l'individu est d'un natureI un peu timide. quand on moissonnait encore a la faucille. l'affection entre les parents et les enfants s'exprime beaucoup plus par des attitudes et des gestes concrets que par des paro les.. Le paysan et son corps 119 apprentissage qui ne le conduisit pas plus loin que la java. au moins une danse. c'est peu. cest-á-dire tous les quinze jours ou tous les mois.) Les norrnes culturelles qui régissent l' expression des sentiments contribuent a rendre difficile le dialogue. c'est tres peu. Par exemple. une fine est une fine. avec cette grande différence qu 'il y a entre les deux sexes. n'insista paso On va chercher une voisine qui nose pas refuser.. Ces promenades. on a l'impression que rien ne peut se tramer entre les participants des deux sexes.118 Célibat el condition paysanne les histoires drólcs dont le héros malheureux est toujours le paysan aux prises avec le monde citadin.. forme d'orgueil. En effet le paysan qui prend conscience de soi a de bonnes chances de se saisir comme paysan au sens péjoratif. quelques jeux timides. Bien qu'il y ait des chants communs. la timidité peut étre vaincue lorsqu'on est au contact pennanent des femmes. Comment enchainer une conversation et la diriger sur un sujet embarrassant? C'est cent fois mieux au cours d'un tango . On ne peut étre le camarade d'une fille que quand on connait la camaraderie et qu' 00 la comprendo Pour la majorité des jeunes gan. 00 peut en trouver une vérification daos le fait que panni les célibataires on distingue soit les paysans les plus empaysannés soit les paysans les plus conscienls el les plus conscients de ce qu'il reste en eux de paysan'". comment approcher une filie qui vous plait ? Comment saisir une occasion. du fait de la séparation entre les sexes. C'est comme ca qu'on devient un de ceux qui regardent les autres danser. Nombre de gcrcons du bourg sont objectivement aussi bal~urds que certains paysans des hameaux mais ils n'ont pas conscrence d'étre tels. plus fort que jamais. 11 es! naturel que la renconlre avec la jeune fine porte le malaise au paroxysme. c'est comme ca que le fossé se creuse. On les regarde jusqu 'adeux heures du matin. Pi.) 11 n'y a pas si longtemps. « Autrefois. Apres quelques essais timides el un 83. a participé a des sorties organisées par le curé. B. Pas trop de plages a ca~se des maillots provocants. La camaraderie entre garcons et filles n' existe pas a la campagne. » (P. Si on a envie de se marier. une ou deux par an. et un fossé qui n' est pas facile a franchir. coupait dans ma rangée. avec tout ce que les filIes comprennent de mystérieux. » (A. Hors du bal. serait considéré comme trop «enmonsieuré ».l 120 Célibat et condition paysanne l' on racontát en leur présence des histoires grivoises ou que l' 00 eüt des propos lestes. a la civilisation.) Si les femmes son! beaucoup plus aptes et plus promptes que les hornmes a adopter les modeles culturels urbains. «Pour danser. le paysan est de la derniere discrétion lorsqu "il s 'agit de sa propre vie sexuelle el surtout affective. L'attrait et 1'emprise qu'exercent les nouveaux produits ou les techniques nouvelles de confort. au cours d'une danse. p. 55-56 el 66M67. aux différents sens du terme. une gene insupportable. qu'il s'agisse du vétement ou des techniques du COrpS86. En premier lieu. rude et batailleuse. avant tout. depuis l' hexis corporelle jusqu' a la cosmétique. Il faut pouvoir parler d'autre chose. Principes de phonologie. sont frappés d'une sorte de cécité culturelle (au seos oü les Iinguistes parlent de « surdité culturelle »85) en ce qui eoneerne « la tenue» dans son ensemble. tandis que les hornmes. tout contribue. ou. cit. paree que. Il n' est pas rare d' entendre une fillette de 10 ans discuter avec sa mere ou avee ses camarades de la coupe d'une jupe ou d'un corsage. le monopole du jugement de goüt. 1959) parle de cultural deaf-muteness. statutairement. Loe. Cette attitude est eneouragée et favorisée par tout le systeme culturel. Mettant tous leurs espoirs en lui. au contraire. Mouton et Cie. Emst Pulgram (lntroduction to the Spectrography of speech. identifiée. trop efféminé. S 'il se plait atenir ou aentendre les discours les plus libres. S. Et ils ne sont pas nombreux a en étre capables. Dans une société dominée par les valeurs masculines. L. de mettre un pied devant l'autre. ce qui eür déterminé. du mariage qu'elles attendent le remplissement de leurs vceux. » (R. Un homme trop attentif a SOn vétement. de la ville. les femmes sont beaueoup plus aptes apercevoir et a intégrer dans leur comportement les modeles citadins. Et ce n' est déjá pas si faciIe pour certains. De facon générale. Le paysan el son corps 121 modele s'impose d'en haut. La mode vient de Paris. Ce type de conduite est rejeté par les garcons. elles sont plus fortement motivées que les hommes du fait que la ville représente pour elles l' espoir de l' émancipation. cela tient a différentes raisons convergentes. daos les magazines férninins et les romans-feuilletons. Elles ont. chez 1'un el l' autre. les idéaux de courtoisie ou les divertissements citadins tiennent en grande partie au fait que l' on y reconnaí't la marque de la civilisation urbaine. La maladresse verbale qui vient sajouter a la maladresse corporelle est éprouvée daos la gene. apres avoir dansé et en dansant. Le vétement constitue un aspect important de I'allure globale. le langage stéréotypé de la sentimentalité citadine. Il s' ensuit qu' elles donnent un exemple privilégié de cette « imitation prestigieuse » dont parlait Mauss ~4. a sa tenue. a tortou a raison. de la « nature » est banni de la conversation. Troubetzkoy. Mais il y a plus: les femmes sont préparées par toute leur formation eulturelle aétre attentives aux détails extérieurs de la personne et plus particulierernent a tout ce qui eoneerne «la tenue ». Il s'ensuit que. Voir aussi N. que des travaux agricoles et du temps qu'il fait. 86. surtout quand celle-ci a appris. C'est done. La paysanne parle bien la 85. il ne suffit pas de savoir faire des pas. elles circulent de bas en haut. paree qu'il est découragé par la sanction sociale. en raison des normes qui dominent leur prime éducation. niaux. elles sont fortemenr motivées a s 'adapter en adoptant les dehors de la citadine. le 84. Tout ce qui est de l'ordre de l'intirnité. seIon la logique mérne des éehanges matrimo. afavoriser I'attitude bourrue et grossíere. p. Il faut aussi savoir discuter un peu avec les filles. La méme pudeur dominait les rapports entre les freres el les sceurs. les sentiments ne sont pas choses dont il est bienséant de parler. ce qui revient au méme. Les femmes aspirent fortement a la vie citadine et eette aspiration n' est pas déraisonnable. tant corporels que vestimentaires. tant par le garcon que par la fille. C'est dans ce domaine que se manifeste le mieux la e cécité culturelle » des hommes a I'égard de certains aspects de la civifisation cita- . 369. a travers elle. nombre de familles mettaient leurs filies en apprentissage. a ses yeux. Ce que paysans er paysannes percoivent. ce quí ne peut qu 'accroítre l'attraction exercée par la ville et le décalage entre les sexes 88. Par elles. eonséquence de la pénétration différentielle seIon les sexes des modeles culturels urbains. la plupart des magasins sadressent toutes les classes. pour la paysanne. le grand magasin. el d' autre part qu' elle emprunte la ciladine les signes extérieurs de sa condition. n' en voie. que le bon coté.~ ~ -s• 0 SE 6 ~ 12 ~ .~ -c ~ Ci ~ ~ 0 g . si bien qu'une certaine uniformité a ce! égard tend a s'établir. Et l' 00 comprend qu'il en soit ainsi. tout le monde les porte dans la rue et les gens des différentes classes se confrontent. Bien que certains soient réservés en fait a quelques-uns.) De facón générale.mieux averties de ce qui se fait . le fait pour un garcon d'avoir des sceurs ne peut qu'accroit~e ses ~han~es de mariage.» (P.~ '"". a a Le paysan el son corps 123 De tous temps. « Quant aux vétements. comme on dit. Restant plus que les hommes davantage la radio. -'" . 1955.]. Le temps est loin de la bergere qui n' avait d'autre ambition que d'épouser un «bon fils de paysan ». La ville c'est d'abord. les filles empruntent aussi des modeles de relations entre les sexes et un type d 'homme idéal qui est tout l'opposé du paysan « empaysanné ». Ainsi se constitue tout un systeme d' attentes que le paysan ne saurait remplir. cest-á-dire ce qu 'elle connait en elle. On assiste a la revanche du monsieur. est done fonction de leur systemc culturel respectif. a la maison. en particulier daos le dornaine technique el économique.122 Cellbat el condition paysanne langue de la mode citadine paree qu'elle l'entend bien et elle 1'entend bien paree que la « structure » de sa langue culturelle l'y prédispose. Sexc ~ . A la ville. Du fait de la dualité de cadres de référence. 87. des chansons a la mode transmises par la radio 89.~~ ~ ~ . il peut connaitre d 'autres jeunes filles : 1I amve aussi qu'tl apprenne adanser avec elles. le citadin. I1 y a unité de marché pour les aliments et dans une certaine mesure pour les vétcments S7 ». on leur fait poursuivre leurs études jusqu'au brevet plus aisément qu 'aux garcons. il est normal que la jeune paysanne associe la vie urbaine a un certain type de vétements et de coiffures. bref. p. tant chez le citadin et dans le monde citadin que chez les autres paysans.~ . les femmes jugent leurs eompagnons paysans selon des criteres qui ne leur laissent aucune chanceo On comprend des lors que nombre d' agriculteurs dyna88. des films racontés. ils tombent a. Esquisse d' une psychologie des classes sociales. ~ ~ Masculin Féminin 9 17 2 O 2 5 t 2 t 2 4 3 2 2 21 31 Total 26 2 7 3 3 7 4 52 89. s' observent. que l'on voit des paysans bien habillés. Daos l'assortiment des couleurs.cóté.des sceurs . les femmes écoutent . 11 sensuit que tandis que les femmes adopten! d 'abord les signes extérieurs de « 1'urbanité ». des feuilletons. Répartition des éleves du cours complémentaire de Lesquire selon le sexe et la catégorie socio-professionnelle des parents en 1962 : Catégoríe socío-professíonnetíe des parents dine. de l' affranchissement. par la médiation des hebdomadaires féminins. La plupart des célibataires portent le costume confectionné par le tailleur du village. remarque Halbwachs. 174. chez une couturiere par exemple. Étant donné le caractere unilatéral et superficiel de sa perception de la ville. C. Depuis la création du cours complémentaire. les hornmes empruntent des modeles culturels plus profonds.soccupent de la questron. Ce n'est que lorsque dans la famille la mere est a la page ou rmeux quand . pour les mieux préparer au mariage et aussi paree qu'elles étaient moins indispensables a la ferme que les garcons. signes manifestes. par la se comprend d'une part que la ville exerce sur elle une véritable fascination et. París. Halbwachs. au sortir de l' école. e Certains sessaient a porter des ensembles sport. e' es! a croire que daos ce domaine. telles que le conseil municipal?": aujourd'hui le célibat apparait de plus en plus comme une fatalité. Tout ca. Nous leur avons dit: "Vous n'avez pas honte! Au lieu de vous rnarier. 11 s'est marié avec une filie plus jeune qui n'était jamais sortie. 14 %. "J'aurais voulu vous faire entrer et vous faire honneur.. « Ca. . bien qu'elle en soit morte d'envie. Il vit seul. Les filles ne veulent plus venir a la campagne. sinon il est diminué. Que ce soit nous qui devions faire ya." I1s baissaient la tete et s'en allaient. surtout lorsque au rayonnement de la grande maison sajoute le rayonnement d'une forte personnalité. en tant que voisine.) On le yerra plus concrétement a travers le récit d'une femme qui. et les responsabilités réservées aux adultes. c'en est fin¡ des bals. etc. Quand il y a une daune.l 124 eélibat et condition paysanne migues puissent rester célibataires. Certains ont équipé leur maison. Il faudrait une femme pour faire ca..» (P. son! a ranger parmi les irnmariables. de nouvelles cultures.. Il n 'y aura plus personne. elles doivent tout décider. a couru tous les bals. Mais maintenant la terre est fichue. Il lui a fait trois gosses en trois ans. 00 a souvent yu des jeunes gens de mauvaise réputation changer subitement leur eonduite et eomme on dit « se ranger ». il a pourtant une belle propriété. J' aurais aimé faire une famille." Il soufflait sur un feu allumé dans la cour pour faire la lessive. C.. il est intelligent. Lors méme qu'il contribue aconférer un certain prestige. B. a travers un témoignage : «le suis allé chez Mi. j'ai beaucoup de désordre. sont la pour les aider.) Autrefois. appartenant toutes a des paysans aisés. des sorties noctumes. Po. sans doute panni les plus intelligents et les plus dynamiques du pays. » (M. ils sorteo! beaucoup. panni les membres de la JAC el de la CUMA en particulier. comme par exemple la préparation des fétes. chez deux eélibataires de 40 et 37 ans. il parvient a simposer malgré 90. Il a une maison bien entretenue entourée de sapins. aleurs défauts et a leurs imperfections. Dans la nouvelle élite rurale. qui distinguait nettement les responsabilités laissées aux jeunes.. P. Nous les avons foutus dehors. . Il a perdu son pere et sa mere aux environs de 1954 et il a maintenant 50 ans environ. Ils ont introduit des nouvelles méthodes.) Le fait que 42 % des fennes comptant des célibataires (dont 38 % possédées par des paysans pauvres) soient en déclin contre 16 % seulement panni les exploitations possédées par des gens mariés. le suis désespéré vous savez. On dit: "C'est dommage. c'est fini. l' aurais arrangé un peu. «Nous leur avons dit : "Nous en avons trouvé de la pagare l" Ces oiseaux (aquets piocs) ! Et rien que de leur toucher la vais selle ! C'érair sale! Nous ne savions pas oü regarder. Elle ne sort pas. C. son! modemisées. cest-a-dire aux non mariés. On le verra.. conséquence de l' absence d' avenir a long tenne. les imbéciles se débrouillent rnieux que les autres. Le mariage marque une rupture dans l'existence. est allée «faire le pele-poro ». ils s 'habillent correctement. Du jour au lendemain. « Lorsqu 'ils appartiennent a une grande famille. le . les femmes. montre qu "il existe une corrélation évidente entre I'état de 1'exploitation et le célibat. Mais vous savez. On ne s'habille méme plus..» (P. de ce coté de la maison [e' est la coutume de faire quelque chose dans la maison quand on marie l' ainé]. le modernisme daos le domaine technique ne favorise pas nécessairement le mariage. le célibat détennine en beaucoup de cas une attitude de démission et de renoncement. "J'ai honte que vous me voyiez dans cette tenue. une fois encore. Mais quand il n'y a pas de femmes. » (A. «Des garcons comme La.) Le paysan el son C01pS 125 tout. 11 naurait pas ['idée de l'emmener une fois au bal ou au einéma. on leur trouve des excuses. mais le déclin de la propriété peut étre effet autant que cause du célibat. le célibataire n'était jarnais vraiment un adulte aux yeux de la société. C'est ainsi que parmi les exploitations oü l'on rencontre des célibataires.-B. beaucoup ne sont pas mariés. Vous ri'étes jamais venu.. voisines ou parentes. Pi." Quand il a une forte personnalité. en sorte qu'il a cessé de paraítre imputable aux individus. daos le quartier Houratate. Quand on est seu!. Pourtant. Vécu comme une mutilation sociale. la constitution de l' objel de recherche comme tel suppose aussi la sélection d 'un aspect. puisant peut-étre dans une longue tradition de célibat les ressources de résignation qui lui sont indispensables pour supporter une existence sans présent et sans avenir. «lis n'ont pas de goüt pour le travail. s' adressant un camarade de son fils : « Il va falloir lui dire qu'fl trouve une femme. la possibilité de perpétuer le lignage. » Les jugements de la sociologie spontanée sont par essence partiels el unilaléraux. paree que le fail social. Les jugements de l'opinion sont souvent séveres mais ils rejoignent les conclusions des célibataires eux-mémes. La tache prerniere de la sociologie est peut-étre de reconstituer la totalité a partir de laquelle se laisse découvrir l'unité de la conscience subjective que 1'individu a du systeme social et de la structure objective de ce systeme. Qu'allez-vous faire quandje n'y serai plus? Je ne puis pas ro'en occuper votre place. par essence.. elle vient de temps en temps. Si. d' autre part.» (8. Cependant. gráce au privilege que lui fournit sa situation d' observateur renoncant a « agir le social» pour le penser. cette sélection ne peut pas ne pas se saisir comme telle. Sans doute. pour exprimer sa détresse. B.Célibat el condition paysanne 126 TI' ai plus de goüt pour travailler la terreo Bien sur ma sceur est venue. quel qu'il soit. Conclusion a a a 91. « le les engueule. il se doit de réconcilier la vérité du donné objectif que son analyse lui fait découvrir et la certitude subjective de ceux qui le vivent. Elle vienl avec son mari el sa petite filie. parce qu'il apparait comme un écheveau de relations qu'il faut déméler une a une. Nous sommes tous les deux seuls comme des perdus. Quand il décrit par exemple les contradictions internes du systeme des échanges rnatrirnoniaux.. se tenir pour provisoire et se dépasser par l'analyse des autres aspects."" » (A. disait une mere dont les deux fils déja ágés ne sont pas encare mariés. Mais.) «Les jeunes filles ne veulent plus aller a la campagne . cest qu'il ne peut pas ne pas saisir sa condition comme déterminée par une nécessité qui pese sur l'ensemble de la classe paysanne.) Le drame du célibataire est souvent redoublé par la pression de la famille qui se désespere de le voir demeurer dans cet état. Mais elle ne peut pas rester ici.) Sans doute chacun rnet-il sa fierté el son poinl d'honneur a dissimuler le désespoir de la situation. dépositaires du patr imoine. incapable de sauvegarder les fondements mémes de son ordre. Elle est mariée avec un employé de la SNCF. 84 ans). Des lors. La terre est foutue. le célibataire dit que « la terre est fichue ». il ne fait que thématiser . il aurait fallu qu'il se marie en méme temps que toi. bref. Le célibat des hommes est vécu par tous comme l'indice de la crise mortelle d'une société incapable d'assurer aux plus novateurs et aux plus audacieux d' entre les ainés.. moi !"» (Vve A. en mérne temps que de faire place al' adaptation novatrice... je leur dis : "Vous en avez peur des femmes! Vous Hes tout le lemps la barrique. conscience qui. Le sociologue s'efforce d'une part de ressaisir et de comprendre la conscience spontanée du fait social. C. P. lors mérne que ces contradictions n'affleurent pas cornme telles ala conscience de ceux qui en sont victimes. et.d . ne se réfléchit pas. se donne comme pluralité infinie d'aspects. 11 y en a cinquante comme ca qui ne se marient paso Ce sont des sacs a vino Si vous les voulez pour boire a la carrere. d' appréhender le fait dans sa nature propre. le t'assure que e'est terrible. » (rapporté par P. le célibat est l' occasion privilégiée d' éprouver la misere de la condition paysanne. Et une autre. entretiens altemativement en béamais et en francais.. les principaux renseignements les concernant. marié.. né a Lesquire. 88 ans. La sociologie ne mériterait peut-étre pas une heure de peine si elle avait pour fin seulement de découvrir les ficelles qui font mouvoir les individus qu'ellc observe. paysan . niveau du C. réside au bourg mais a passé toute sa jeunesse dans un harneau. L. entretiens en béamais.P. R. P.. A.. réside au bourg. entretiens en béamais. ~.. 84 ans. célibataire . ' F. réside dans un hameau. née a Lesquire. réside dans un hameau : marié. entretiens en béamais. L. mane. artisan. sait lire et écrire : cornmercant . a la facon des marionnettes. marié. lors mémeque ceux-ci. P. P. sait lire et écrire . Les informateurs J. veuf. réside dans un hameau : mariée. réside dans un hameau : veuf. sait lire et écrire. marié : CEP. P. né dans un village voisin . dans les déclarations des célibataires... niveau du Brevet élémentaire..128 Célibat et conditian paysanne l' expérience vécue de ces hornmes qui éprouvent concretement ces contradictions satis la forme de l'impossibilité de se manero S'il s'interdit d'accorder erédit a la conscience que les sujets fonnent de leur situatíon et de prendre a la lettre l'explication qu'ils en donnent.. né a Lesquire. entretiens en béamais. si elle ne se donnait pour tache de restituer aces hornmes le sens de leurs actes.E. Conclusion 129 A. A. I'orthographe traditionnellement utilisée dans la littérature de langue béarnaise. né a Lesquire. pour noter les témoignages en parler local.. entretiens en francais. 81 ans. cadre moyen . CEP. né a Lesquire . entretiens en francais.. née a Lesquire. né a Lesquire. paysanne. jouent un jeu dont ils ignorent les regles. entretiens en béamais. 42 ans. L. paysan . niveau du CEP . né dans un village voisin : réside au bourg. bref. 88 ans.. . entretiens en béamais. niveau du Certificat d'études primaires (CEP). veuf. réside au bourg. 85 ans. L. on a préféré adopter.. paysan. né aLesquire : réside au bourg. entretiens en francais. 35 ans. Vve A. B. niveau du Brevet élémentaire . né a Lesquire. marié . né a Lesquire. entretiens altemativement en francais et en béamais. Plutót qu'une transcription phonétique. On trouvera. 88 ans. sait lire et écrire . réside au hameau. 65 ans. paysan. ' J. 60 ans. A. réside au bourg.-P. 32 ans. B. cadre moyen . si elle oubliait qu'elle a affaire a des hommes. C.-M. sait lire er écrire. paysanne. L. cornmercant . il prend assez au sérieux cette conscience pour essayer d 'en découvrir le fondement véritable. par ailleurs. entretiens en francais avec quelques échappées en béarnais.. el il ne se tient pour satisfait que lorsqu'il parvient a embrasser daos l'unité d'une compréhension la vérité irnmédiatement donnée a la conscience vécue et la vérité laborieusement acquise par la réflexion savante. réside au hameau. 45 ans. L. c'est que les eoutumes locales. ala différenee de ce qui se passait dans la plupart des provinces méridionales de la Franee. dans certaines régions. écrit Pierre Lue. 3-4]. la constitution d'otages en matiere de cautionnement. dans le cadre de la famiI1e et dans le cadre de la communauté et différents problemes d'économie rurale tels que le crédit et la vie d' échanges. aux XIYC et XyC siecles.Appendice 1 ApPENDICE 1 Notes bibliographiques" La survivance daos les provinces pyrénéennes. la structure de la famille béamaise et les regles qui président a la conservation et ala transmission de son patrimoine : et dans une dcuxieme partie. 131 [4 et 5J ont écrit des eommentaires des Fors de Béarn.-C. en ce qui conceme le Béarn. Béam el Pays basque. des documents de jurisprudence qui abondent á partir du xvr' siecle et. Luc [12]. Lavedan. de Maria [1 el 2]. les études juridiques ou historiques n' ont eu d 'autre fondement que les eoutumiers. Les hisroriens du droit sont venus a découvrir que les textes de coutume devraient étre utilisés avec prudence du fait qu 'ils présentent un droit relativement théorique. Si le Béam a suscité lintérét des juristes el des historiens. A partir des registres des notaires. J. Fougeres [IIJ se contente. groupe des lecons souvent tres corrompues de textes d'époques di verses qui devraicnt étre l'objet de tout un travail critique. des jurisles béamais.. «Le droit béarnais [. alors que ces pratiques étaient tombées en désuétude. Bourdieu. les procédés lechniques et juridiques de I'cxploitation du sol. Le modele de ce type de recherches est foumi par P. en partieulier sur les questions de dot et de coutumes successorales. plus volontiers encare. Bigorre. y sont. les auteurs modemes se sont attachés surtout al'étude du For réformé de 1551. avant détre livrés a l'analyse. des cornmentaires que les jurisconsultes des XVII C et XVIIJ C siecles ont donnés de ces différents textes. comme 1'observait Rogé [7 et 8J. e' est-á-diré les Fors de Béarn. d'un droit coutumier original dont les regles ne pouvaient se maintenir qu' en violation manifeste des principes el de la législation du Code civil TI'a pas manqué de susciter la curiosité des historiens el des juristes. Les actes notariés leur sont apparus comme une source capable de foumir des renseignements sur la pratique réelle. p. el offre ce grand intérét d 'étre un droit témoin. enferant des regles périmées et omettant des dispositions vivantes. Labourt [3] el Mourot * Rédigées en collaboration avec M. tres faiblement influencé par le droit romain. d' emprunts aux ouvrages antérieurs.siecle. Bien qu'elles prennent pour base le For réformé et la jurisprudence des demiers siecles de la monarchie. le mort-gage. C'est ainsi par exemple que la prestation du serment probatoire avec les co-jureurs. la faculté de paiement en nature des obligations stipulées en argent. apparait cornme un droit essentiellement coutumier.. La comparaison entre les inforrnations qui ont pu étre obtenues par la seule enquéte ethnographique sur le passé n: . l' étude de Laborde sur la dot en Béam [9] el celle de Dupont [10] sur le régime successoral béamais présentent un grand intérét. d'un usage courant. depuis deux siecles et davantage » [12. Pendant longtemps. Or la seule édition des Fors. tout á fait médiocre [6]. C'est ainsi que des le xvnr. il étudie d' abord les eonditions de vie des populations rurales et le régime des terres. Faute d'une telle édition. La these volumineuse de A. y ont résisté au eontact avee le droit romain. la famille instable. jusque dans ces derniers ternps. au produit net de son travail. b b a un concours exceptionnel de circonstances favorables. exemple de famille-souche du Lavedan en 1856. les études de Saint-Macary [14].l 132 Célibat et condition paysanne de la société béarnaise el les données que les historiens el juristes ont pu tirer des documenrs (coutumiers el acles notariés) pourra servir de fondement a une rétlexion méthodologique sur les rapports entre l' ethnologie. en sappuyant sur des actes notariés du XVIII C siecle et du XIXC siecle. el la famille-souche. Les différents auteurs attribuent ades causes tres diverscs la permanence de 1"institution familiale et des coutumes successorales qui en sont inseparables. le seul ausurper totalement ses droits. il ménage jusqu 'a la plus extreme vieillesse le bonheur de retrouver au foyer paternel les souvcnirs de la premiere enfance. qui. dans leurs efforts pour imposer les lois et les usages de la monarchie centralisatrice. Frédéric Le Play. on peut opposer. elle condamne ce demier a renoncer toute sa vie. 11 tous. par exemple. les intendants. puis de ses enfants. caractéristique de la société modeme. il (ce régime successoral) confere la considération qui s' attache au foyer el al' atelier des aícux . la famille-souche est morte. Loin de la. Bonnecaze. Cela explique que. allié a une conception tres réaliste des avantages économiques er sociaux attachés a l'organisation de la famille-souche. l'esprit d'indépendance et le refus de se fondre dans la communauté se maintiendront jusqu'a la Révolution. Le Play présente une monographie de la famille Melouga. Appendice I 133 comrne un spécimen attardé d'une puissante et féconde organisation sociale. en balance de lourds devoirs. Un siecle apres le rattachement a la France.) et 11 montrer les avantages qu'elle procure achaeun de ses membres :« A l'héritier. Le Béarn a été le seul État féodal a s' affranchir entierernent de l' autorité du roi de France et le vicomte de Béarn. en faveur de ses freres. D'autres ont expliqué la persistance des modes de vie et des coutumes par le jeu des facteurs géographiques et historiques.» (p. 11 savoir la famille patriarcale. aux membres qui se marient au-dehors. sous l 'influence de la loi et des moeurs : «La famille Melouga était restée.» (p. l'histoire et plus précisément l'histoire du droit. mais elle a dü subir. 298) Aux théoriciens de l'école de Le Play. se heurtaient toujours a la défiance el a lhostilité . 114) Dans une deuxierne partie. la famille-souche agricole ne sacrifie pas l 'intérét des cadets a celui de l' ainé. Le Code fait son ceuvre. a situé le modele de la famille-souche. il donne la quiétude du célibat avec les joies de la famille. Pour J. Elle obtient le sacrifice de lintérét matériel par une compensation d'ordre moral: par la considération attachée a la possession du foyer patemel. idéal selon lui de l'institution familiale qu'il opposait au type instable né de I'application du Code civil [13]. il assure l'appui de la maison-souche avec les charmes de l'indépendance. outre les données de l' enquéte ethnographique. a montré la survie des coutumes successorales et des regles matrimoniales en dépit du Code civil. Apres avoir défini trois types de famille. le nivellement progresse: la famille-souche se meurt. » [15] Cette « áme » serait caractérisée par un mysticisme profond qui s'exprime dans le culte de la maison et dans I'esprit de sacrifice aux valeurs du groupe. un épilogue de E. » (p. Frédéric Le Play s"attache a décrire cette derniere (p. 36-37)" En instituant 11 chaque génération un héritier. de toutes les anciennes provinces. l'influence de la loi et des mceurs qui l ' avaient épargnée arace .« le maintien de la conception organique de la famille par les populations rurales du Béarn na d'autre source que l'áme béarnaise elle-mérne dont elle est le reflet. le Béarn soit celle qui a vécu le plus en marge du royaume de France. a son tour. a ceux qui préférent rester au foyer paternel. C'est aussi daos les montagnes du Béam et de la Bigorre que l'adversaire le plus célebre du Code Napoléon. Cheysson décrit la disparition de cette famille. 29 et suiv. L'histoire rurale des populations de piedmont est beaucoup moins connue. sous bien des aspects. l' ouvrage de P. Si la stabilité remarquable du domaine rural béamais parait liée aux co~tumes successorales et matrimoniales. eomme le pensait Mare Bloch. La prolongation de cette résistance nationale supposait une forte cohésion interne. Sur certains aspects particuliers de l'histoire des classes rurales. une des raisons de la cohésion interne des petites communautés paysannes ? Bien qu'il soit consacré surtout a l'histoire politique et institutionnelle. . l' évolution de la société béamaise jusqu 'a la Révolution francaise. Laborde [20 et 21].-B. les pasteurs des vallées montagnardes el les paysans de piedmont. La paysannerie de piedmont comptait encore au Moyen Age une importante proportion de serfs comme le montrent les ouvrages de Paul Raymond [22 et 23]. P. Toutefois I' ouvrage de Pierre Luc. on pourra consulter les travaux de J. le Parlement de Pau et les États de Béarn. Aussi a-t-il paro nécessaire de rechercher daos les travaux déjá publiés les éléments d'une telle étude. Tucoo-Chalaa met l'accent sur son originalité . Si. doté d'une législa- . bien que eontraires. a travers 1'extension des fors et des privileges et a travers le progres des libertés communales. Elle pennet de suivre. Tucoo-Chalaa [19] apporte une contribution capitale a 1'histoire de la société béamaise de ce temps et en particulier a 1'histoire des classes rurales intégrée daos 1'histoire générale de la vicomté. déja cité [12]. La nécessité de protéger le domaine foncier contre le morcellement est certainement due pour une grande part au fait que les populations montagnardes ont imposé aux paysans de piedmont des servitudes rigoureuses sur toutes les terres incultes qui auraient pu pennettre 1'extension du patrimoine par le défrichement. des teehniques agricoles et de la eondition des populations rurales aux xrv. «ces deux sortes de liens ne sont pas antinomiques.siecle. L'histoire du Béarn ri'a jamais été faite daos cette perspective. lis n' ont é t é libérés que dans le cadre du mouvement des bastides qui n' a pris de l' ampleur que tardivement. Mais cette étude aurait gagné a étre replacée dans un contexte historique et a reeourir a la méthode eomparative. on ne peut rendre raison de la pennanence de ces coutumes elles-mémes que par l' étude de la seigneurie et de la communauté des besis (lou besiat ou besiau). L'histoire des institutions du Moyen Áge fournit de précieux enseignements sur la naissance de la nation béamaise. au début du xrv. les auteurs se sont surtout attachés a la vie rurale et al'organisation sociale des populations pyrénéennes. étant donné les lacunes de la documentation..l_ 134 Celibat el condition paysanne des organes représentatifs de la cornmunauté béarnaise. faute de pouvoir. En ce qui conceme le Moyen Age. Tout incline done apenser que e'est daos une histoire originale que l' on doit trouver la raison de la permanence de modeles culturels profondément originaux. Sans prétendre présenter une étude exhaustive de la seigneurie rurale. présentaient des organisations sociales distinctes mais caractérisées 1'une el l' autre par un fort degré d'intégration. présente un tableau détaillé de la vie rurale. la fonnation de ce petit État indépendant. ne faudrait-il pas chercher dans l' étude de la seigneurie rurale caractérisée Appendice 1 135 par ses dimensions modestes et par une organisation simplifiée (l' enchevetrement des droits féodaux paraissant y avoir été moindre qu'ailleurs). présenter une véritable synthese. se renforcent l'un l'autre ». Et en effet. rnais. ainsi que de bonnes bibliographies.et xv siecles. les deux groupes qui fonnaient la popuIation béarnaise. iI fait apparaitre que l'opposition de genres de vie et d'intéréts qui sépare les montagnards et les paysans de piedmont domine toute l'histoire rurale du Béarn et explique. auteur d'un manuel d'histoire du Béarn bien documenté et enrichi des résultats de recherches personnelles [16]. On trouvera une documentation abondante daos la premiere partie des travaux de Théodore Lefebvre [17] et Henry Cavaillés [18]. ongme féodale el «ríérnocratique » des Etats. Apres de longs siécles de stabilité démographique (il n'avait pas souffert de l'hémorragie de population entraínée par la guerre de Cent Ans). la formation d'une classe de manouvriers. S'ils sont lSSUS en effet de 1'ancienne COUT féodale qui était elle-méme une institution particulierernent puissante el influente gráce a 1'indépendance des vassaux nobles al' égard du suzerain. mais celles-ci n'avaient-elles pas trouvé un sol favorable daos l'esprit d'indépendance qui animait les communautés en raison des privileges el des libertés diverses dont les vicomtes de Béarn les avaient dotées des les XII~ et XIII" siecles ? Ainsi la vigueur des anciennes institutions féodales. Les données de base sur l'histoire des institutions sont rassemblées par P. el cornme l'expression d'une société fortement intégrée. le libéralisme du suzerain et l'importance des droits et libertés acquis par les communautés et les bourgs ont concouru. si I'on se réfere aux chiffres cités par J. » 11 n'existe aucune étude d'ensemble sur l'évolution de la société et de l' économie rurale béarnaise aux derniers siecles de l' Ancien Régime et pendant la Révolution. tandis qu 'en d 'autres régions l'économie et la société rurales ont été bouleversées par les débuts de la révolution agricole. les cadets qui formaient le petit peuple des domestiques et des ouvriers restaient attachés a l'organisation sociale tradiC .136 eélibat et condition paysanne tion remarquable qui assurait aux Béamais la possibilité de participer largement aux affaires publiques. 28 et 29]. 11 semble que ce soit pendanl cette période que se manifeste le mieux la stabilité de la société béarnaise. en Béarn. comme dans dautres provinces. une place égale aux nobles et aux roturiers. l'Espagne en particulier. ont possédé des institutions aussi libérales que le petit État indépendant du Béarn. . Tout porte a croire le contraire puisque l'on sait qu'il se traduisit par un mouvement d'émigration vers l'étranger. qui devait jouer un role si important dans le gouvernement et l' administration du pays. des la fin du Moyen Áge.-B. Le problerne est de savoir si cet accroissement fut assez important pour entrainer. et qu'il apparaít d'autre part que cette société. TucooChalaa. Lafond. ne füt-ce que par leur role daos le maintien de la langue béarnaise et des coutumes locales. Des institutions telles que les États de Béarn. qui devait exercer une influence si grande sur la législation et animer la résisá Appendice 1 137 tance a l'assimilation au royaume de France. l'échelle de la communauté. les transformations techniques et économiques paraissent avoir contribué a renforcer la cohésion interne de la société et aen raffermir les bases économiques. ceux d'entre les enfants qui allaient gagner leur vie cornme salariés gardaient des liens étroits avec le domaine familial. place des institutions. Les travaux les plus récents et les plus synthétiques sur cette période sont ceux de Maurice Bordes [27. étant donné sa structure.}miere la double. Tucoo-Chalaa daos le chapitre Xlll de I'Histoire des institutions au Moyen Áge satis le titre « Les institutions de la vicornté de Béarn (x-xv" siecles) » [25]. conclut L. En effet. contesté sur certains points par P. Plus anejen. Ainsi. Cadier. Il mel en ll. l'ouvrage de Léon Cadier [26] reste néanmoins I'ouvraze de référence pour toute la période de mise en B . le long processus de transformation de cette COUT en une assemblée représentative des trois ordres de la Province ne peut se comprendre qu' en référence au développemen~ des libertés municipales el bourgeoises. mais. pouvait intégrer ce léger excédent : lors mérne que le dornaine foncier ne pouvait plus nourrir toute la famille. «Peu de provinces de l' Ancienne France. ou. le Béarn vit lui aussi sa population s'accroltre dans la seconde moitié du XVIII siecle. Le fait qui domine I'histoire rurale du XVIII': siecle est l' expansion démographique. dans des proportions moindres que d' autres régions [31]. les assemblées de besis el leurs jurats apparaissent a la fois comme une force d'intégration de la société. a I' établissement de cette institution libérale qui accordait. Nous sommes en Béarn. enclos par des haies d'épines tondues. avec beaucoup de péchers et autres arbres fruitiers. et parfois rnéme des cornmunaux. les divers modes de faire-valoir indirect. 00 comprend que. avec des barrieres pour passer d'une clóture a l'autre. Godefroy contribuérent a améliorer considérablement le niveau de vie. coupées ras et bien entretenues. Maitre de son domaine. ailleurs. Parallelement. Il est visible dans !eur~ maisons et leurs étables. tentatives qu'cncourageaient les intendants et les autorités locales (en particulier d'Étigny). Un paysan ne peut penser au bien-étre de son porc si son propre bonheur dépend d 'un bail de neuf ans. ] chaque communauté ou presque possédait aupres de sa "plainc" toute en terre arable.. mérne dans leurs poulaillers et leurs toits a pores. favorisé par les édits de Clos. la coutume successorale et matrimoniale avait préservé le domaine foncier contre le morcellement qui a pu. parfaitement bien enclose. báties aneuf. « Pris la route de Moneng (Monein a 10 kilometres de Lesquire) et tombé sur un spectaele qui. 00 assiste ades entreprises de défrichement des terres incultes. tout en pierres. était si nouveau pour moi que je pouvais apeine en croire mes yeux. mais aucune étude n 'indique quelle fut en cene affaire I'attitude des communautés [36 et 37]. en France. faire obstacle au mouvement des enelosures [30]. du méme coup. de beaux chénes épars dans les haies et de jeunes arbres soignés avec cette délicieuse attention que l' on peut seule attendre d 'un prop~iétaire. TI 'aient jamais pris une grande importance. Ces landes constituaient de grands pacages naturels dont l'existence a rendu possible la suppression de la vaine páture et par la des jacheres sur les terres labourées. elle s'attacha surtout aacquérir les terres nobles. de graminées. de l'industrie el du cornmerce. Ainsi se comprend qu' Arthur Young ait pu. dans les cours qui s'étendent devant leurs portes. dans leurs haies. ses "coteaux" couverts de fougeres. La comparaison entre les tableaux de I' économie béarnaise présentés par 1'intendant Lebret en 1703 [34] et par le préfet Serviez [35J ala fin du siecle montre limportancc de la transfonnation des techniques et des cultures corrélative ace mouvement. Tout le pays est entieremenr entre les mains de petits propriétaires. le paysan put l' enclore relativement tót. J'introduction des plantes fourragéres et surtout du mais mentionnée des 1644 par L. comme le montre l 'abbé Roubaud dans son tableau de I'économie béarnaise en 1774 [32]. Marc Bloch a montré avec quel égoismc les seigneurs béarnais lutterent contre les servitudes collec- Appendice 1 139 tives. De chaque maison dépend une exploitation.138 Céíibat el condition paysanne tionnelle.. en 1787. avec des toits en tuiles. rencontrer en Béarn le spectacle d 'une prospérité unique dans le rayaume de France. apres avoir investi longtemps ses revenus satis forme de bétail. en raison de la structure du terroir. La lenteur de l' accroissement de la population contribue a expliquer aussi le faible développement des villes et. a quelques milles du berceau d'Henry IV. sa~s qu~ l~s fermes soient assez petites pour rendre la population vicieuse et misérable. De plus. tout autour des champs de blé. et cela de facón d'autant plus sensible que l'accroissement démographique avait été relativement faible [17]. daos ces conditions. Du fait qu'elle resta toujours peu nombreuse. la classe bourgeoise ne s'empara jamais d'une par! importante du patrimoine paysan el cela d' autant moins que. Une succession d'un grand nombre de maisons de paysans bien construites. ayant chacune son petitjardin. propres et confortables. pour des raisons de prestige. Les hommes sont bien habillés avec des bonnets rouges. Un air de propreté. dans leurs petits jardins. el en particulier le fennage. de chaleur et de bien-étre est répandu sur le tout. avec des bordures de gazon. « En Béam [. Les paysans doivent-ils ces bénédictions a ce bon prince? Le génie bienveillant de ce bon monarque . d'ajoncs nains. oü chaque année les paysans venaient déblayer la place de quelques champs voués a une prompte disparition » [331. La suppression des jacheres. droit personnel dans les villes. [4] Mourot (J. conféré avec les coutumes de Béarn. réglait tres strictement l' accession au titre de besi. législation inédite du XII' au XIlII'siécle. La commune était un besiau. Les Fors et Coutumes de Béarn (ouvrage manuscrit. était dans les campagnes un droit réel attaché a la possession par héritage d'une maison et du méme coup d'un domaine. 1'amélioration des conditions de vie semble avoir renforcé les bases économiques de la société paysanne et eontribué amaintenir une classe de petits propriétaires daos laquelle 00 trouve saos doute une hiérarchie mais non point les oppositions brutales que l' 00 observe en d' autres régions. de glandée. (1841-1843).J Ainsi. surtout. les jurats. qui appartenaient en général aux « grandes familles » paysannes. et d'une maniere plus générale a sa situation marginale. 15). Il. Autant de signes d'une grande intégration sociale. dus au développement des villes. de fougere dans les biens communs. notes et introduction. p.). Sans doute retrouvait-on dans ces assemblées le reflet de la hiérarchie sociale. Pau. cest-a-dire «un ensemble de voisins qui possédaient le droit de voisinage ». de coupe de bois. Laborde. Mémoires et Éclaircissements sur le for et coutume de Béarn (ouvrage manuscrit. Joubert.» [38. Fors de Béarn. cela tient peut-étre au fait qu'elle est demeurée a l'écart des grands mouvements économiques contemporains. des augments et des institutions contractuelles. en effet. bibliotheque municipale de Pau).). p. ait pu conserver a peu pres intact son héritage de regles coutumieres. avec traduction en regard. de Soule et la jurisprudence du Parlement (cité par L. Le droit de voisinage ne pouvait étre acquis par le nouveau venu (le pouhlan) qu'avec agrément de l'assemblée de communauté. soucieuse de maintenir un nombre constant de besis et de propriétés. et son appendice : «Mémoires sur les coutumes et observances non écrites de Béarn » (ouvrage manuscrit. d. avaient des devoirs et des charges mesurés a leurs droits et a la considération que la Appendice 1 141 colIectivité leur accordait. de Navarre.). 00 comprend qu'une société aussi fortement organisée pour la défense de ses propres fondements. .140 e élibat et condition paysanne semble encore régner sur le pays. BellinMandar. cette société a toujours manifesté une conscience aigué de ses valeurs et une volonté résolue de défendre les fondements de son ordre économique et social.). Traité des dots suivant les principes du droit romain. [6] Mazure (A. ibid. atravers les bouleversements introduits par la Révolution et par le Code civil [14]. Rares.) et Hatoulet (J. Chaque besi avait le droit de pacage. Il avait le privilege de prendre part aux assemblées de la communauté et d ' étre seul éligible aux fonctions de responsabilité. Le droit de voisinage. chaque paysan a la poule au pot.-F. Laborde. avec celui de l' avitinage (cité par L. Mémoires sur les dots de Béarn. Mais. apres prestation de serment et versement d'une somme d'argent [39 et 31]. l. [5] Mourot (J. de soutrage. [3] Labourt. [2] De Maria. Si la société béamaise a pu sauvegarder son originalité. La Dot dans les fors el coutumes du Béarn.-F. Archives départementales des Basses-Pyrénées). Traité des biens paraphernaux. s. Vignancour. t. sont les sociétés oü cette volonté se soit exprimée d'une facón aussi consciente et aussi institutionnalisée. Archives départementales des Basses-Pyrénées). Ouvrages consacrés a la coutume héarnaise [1] De Maria. Paris. la communauté. 146 et 147. Pau. Paris.). [23] Raymond (P. 1878. 1928. aux [13] Le Play (F. VI de l'inventaire sommaire des Archives des Basses-Pyrénées. "La fondation de la bastide de Bruges en Béarn ». Toulouse.-B.). 778 p. «Textes additionnels aux aneiens Fors de Béarn ». these. 1927. [IOJ Dupont (G.). 1938..).. 1923-1924. Pau. in Revue d' histoire el d' archéologie du Béarn et du Pays basque. these. Paris. Le Play et Delaire.). La Dot dans les fors et coutumes du Béarn. «La désertion de la terre en Béarn el daos le Pays basque ». Colin. Les Anciens Fors de Bearn.). Bordeaux. L'Organisation de la [amille selon le vrai modele signalé par l' histoire de toutes les races el de tous les temps.142 Célibat el condition paysanne [7] Rogé (P. t. [8] Brissaud (J.). 1931. fondation des bastides en Béarn aux XIlI c . E.). in Bulletin de la Société des sciences. Revue d' histoíre et d' archéologie du Béarn el du Pays hasque. enrichie de documents nouveaux par Ad. de I'Adour el des Nesles. [18] Cavailles (H. Précis d'histoire du Béarn.-B.). 1873. et tirage a part. Le Play et C. Col in. «Les régimes matrimoniaux en Béam avant el apres le Cede civil». A. [9J Laborde (L. VII. [17] Lefebvre (Th. [14] Saint-Macary (J. 1884. . Pau. Bordeaux. Z" éd. Paris. Ses destinées dans le droit civil contemporain. «Yie rurale et pratique juridique en Béam XIY c el XyC siecles ». mémoires originaux des facultés de draft el des lettres. F. La Philosophie du Code Napoléon appliqué au droit de lafamille. n° 111). [22] Raymond (P. e XIV siecles ». Pau. [12J Luc (P. Les Modes de vie dans les Pyrénées atlantiques orientales. [11] Fougeres (A. des lettres etdes arts de Pau. in-8°. A.). Paris.). 1933.). [20] Laborde (J. in-8°. 1909. du t. Études d' histoire du Béarn el de la région pyrénéenne [16] Laborde (J. avec un épilogue et trois appendices par MM. «Les Droits de famille et les successions au Pays basque et en Béam. Toulouse. A. Le Béarn sous Gaston Phébus. 3' éd. 2' série. «Enquéte sur les serfs en Béam sous Gastan Phébus ». turnes du Béam ».). [21 J Laborde (J. inAo. série B. La Vie pastorale et agricole dans les Pyrénées des Caves. Paris. 1942. «Du régime successoral dans les cou- Appendice / 143 /l. «Affranchissement des besiaux. Gaston Phéhus et la Vicomté de Béarn (1343-/391). Bordeaux. these. 1908. these. Cheysson. 1942. Toulouse.-B.) er Rogé (P. 1924. dénomhrement des maisons de la vicomté de Béarn. Xlllpl. 414p. 1877-1878 ettirage apart.. extrait [15] Bonnecaze (J.). 1943. Focillon. 1905 (Bulletin de l' université de Toulouse. d' apres les anciens textes ». 1941.) et Lorber (P.343 p.). 152 fig. 1914. Paris.). [19] Tucoo-Chalaa (P.). Jannet. these de droit. ). in-8". des lettres el des arts de Pau. 2 vol. t.). « Les institutions de la vicomté de Béam.). en pochette. 1931. 1: Les Institutions seigneuriales.). Paris.e. XII. chapo XlII. 2' éd. 1957. sa vie passée el présente. Cochevaux. in Bulletin de la Société des Sciences. 1-263. víílage béarnais.). Les États de Béarn depuis leur origine jusqu' au commencement du XIV" siécle.) et Fawtier (R. 691 p. [37] De Boilisle.).). Paris. XXXIII. (38] Young (A.. Colin. 207-226. XXXVII. Correspondanee des contróleurs généraux des finances avec les intendants des provinces. XV. Paris. 1955. Paris. VII pI. 3 vol. t. tñese complémentaire de lettres. in-8°.2 vol. «Recueíl de lettres de 1'intendant d'Étigny ».xv. .. Histoire de la lépre en France. A. 1788 et 1789. Paris.). in-q". Cadier. traduit et édité par Henri Sée. (s. des arts el des finances}. p. Appendiee 1 145 [32] Roubaud (Abbé). 1957.). Colin. 1909. le commerce et l'industrie en Béarn en 1774» (Extrait du Journal de l' agriculture. 1955. PUF. Auch. XXXIX. A. des lettres el des arts de Pau Pau. (34] Bloch (M. in Bulletin de la Société des sciences. Paris. J. a [27] Bordes (M. (35] Serviez. D' Étigny et l' Administration de l' intendance d'Aueh (1751-1767). publiée sous la direction de Lot (F. (36] Durand (H.). 1905. these de lettres. Cochevaux. an X. [39] Tucat (J. d..). Histoire des biens communaux en Béarn et dans le Pays basque. Espoey. Voyal!. 1947. t. [30] Habakkuk (H. 2e série. [31] Lafond (J. Pau. Statistiques du département des BassesPyrénées.). [26] Cadier (L.). t. 1955 (contient une importante bibliographie).. Contribution l' étude de l' enseignement el de la vie intellectuelle dans les pays de l' intendance d'Aueh au XVIIJ" siécle. 1909. Dr. p. «Farnily structure and economic change in nineteenth century Europe ».144 Célibat el condition paysanne [24] Fay (H. Paris. Les Caracteres originaux de F histoire rurale francaise. 1958. (x" . 55-150. The Journal of Economie History.-B. 1909. 83 p.. 1: Lépreux et cagots du Sud-Ouest. p. Pau. in Histoire des institutions au Moyen Al!.siecles) ». t. 1956. 140 p. Paris. des Lettres et des Arts de Pau. [25] Tucoo-Chalaa (P. 3 vol. dépl. ' [33] Bloch (M. 1911. [28] Bordes (M. 1 034 p.). du commerce.. Mémoire publié par Soulice dan s le Bulletin des sciences. impr. 1888. «L'agriculture. [29] Bordes (M. Paris. Auch. Londres.).es en Franee en 1787. «Essaí sur le Béam pendant I'administration de d'Étigny». Bref. on ne pouvait pas vendre le vin. Ici. Le vin du Midi était payé 4 sous et le vin d'ici avait monté. entrainant un grand mouvement d' exode rural: « On semait du blé.4 Entre 1836 et 1954.» Jusqu'en 1914. Avant 1905. un nouveau départ. La. Le vin du Midi de seconde cuvée de l'eau. pas d' engrais. Le mars était tres beau.-P.9 11. ne fut mérne pas payé. La daune était déja endettée de 1 800 franes ehez un autre créancier. on sait qu' entre 1884 et 1893 plusieurs mauvaises années se sont succédé. comparable en importanee á celui des années 1881-1891 . Les greves des vignerons du Midi cntrainerent un véritable bouleversement.7 %). avec l'arrivée des engrais. les femmes 12 sous. « 1894 et 1895 furent de tres bonnes années.5 14. Les hommes chargeaient les paniers. Le vin n' a pas cessé de monter. lOO francs le litre. 11 y avait la gelée. il Yeut de tres bonnes années. tout va mieux. (gros propriétaire du bourg) prend des ouvriers sans les nourrir : les hornmes 1 franc par jour. Puis il faít saisir la propriété.7 2. 11 se brouille avec son débiteur. était créancier de 500 francs. le taux de décroissance demeure a peu pres constant. Entre 1921 et 1946. C'est ainsi que la décroissance de la population globale atteint 16 % entre 1881 et 1891. A partir de 1905. á l' exception de 1932. Il avait plu le premier mai. Il fallait faire la chaine pour remonter la terre de la vigne dans de petits paniers. "les 147 mangeurs de pauvres" (lous minjurs de prauhes) qui en obligeaient plus d 'un a vendre.1 2. Les paysans étaient la proie des créanciers. L'exode rural es! directement lié a la erise de l'agriculture. 1893 fut encare une tres mauvaise année.4 %). A.6 2.-P.7 2. En 1892. le mouvement d'exode rural reprend." (J. de mauvais outils. « Autour de 1905. 00 ne retrouvait méme pas de la semence. » (J. une bonne barrique de vin se vendait a 25 ou 30 franes le litre. Il a eu 30 ouvriers. Les paysans font la greve contre les trafiquants. Il fait envoyer un cornmandement pour faire payer.4 2 0. Beaucoup étaient obligés d'ernprunter. Pendant ces années. la population de la eommune a déeru de moitié. Apres 1945. Or. la décroissanee se ralentit tres fortement (1.) Entre 1891 et 1896. le blé était beau. la pluie. Depuis. II n'y eut pas de p1uie jusqu' á ee que le mars füt rarnassé. Il avait trop de monde. tres mauvaise année. les femmes les passaient de main en main. arrivait a Oloron a 1 sou le litre. Les gens vivaient bien. Il n'a pas recruté plus. On a parlé longtemps de la « sécheresse de 1893" (la séquére de 93). Bo.) La guerre de 1914-1918 détermine une nouvelle chute brutale (11.l Appendice 11 ApPENDICE JI Évolutíon de la population entre 1836 et 1954 Année Bourg Hameau % Bourgl hameau Toral 1836 1866 1881 1891 1896 1901 1906 1911 1921 1931 1936 1946 1954 499 2330 21 471 407 374 322 328 293 259 262 258 303 258 1997 1666 1665 1056 1624 1601 1408 1371 1363 1277 1093 24 24 23 19 20 18 18 19 19 19 18 2829 2541 2468 2073 2039 1978 1952 1894 1667 1633 1621 1580 1351 Décroíssanee (%) 10. les réeo1tes sont bonnes. l'exode rural se ralentit á nouveau.9 1. A.8 16 1. l'araire (arel). Il Y a 94 morts a la guerre pour l'ensemble de la commune. Bo. Le facteur essenriel de l'hémorragie démographique est le départ vers les villes bien que la baisse de la natalité joue aussi son role (ef. Les cantons qui ne mordent pas sur une zone urbaine ou ne possedent pas un centre industriel actif ont perdu des habitants.). . 11 ya pres de 6 kilornetres de chez nous a la carrere '. La décroissance que l' on peut constater a Lesquire est un phénomene général dans l' ensemble des cantons ruraux du Béam. une grosse choyn~ [pain ~e 2 kg] en travers du guídon. Oh ca m'cmbétait de me changer et de faire le chemin . ouvriers sont devenus extrémement rares.. . ayant longtemps servi ~es dlm~~ches et jours de marchés. 10 % pour Aramits. Cependant on partait autrefois faute de terres.Nous sornmes trap loin. le boulanger-épicier vient jusqu'a la grange de Pé.. -. 9 % pour Lembeye. La commune de Lesquire est une des plusaffectées par l'émigration puisque la décroissance est de 14 % contre 1l % pour Accous.2.va prés de 6 kilométres de nouste a la correre.: mais nous I'avons manqué de peu. alors qu'aujourd'hui les bras manquent. les sacoches b~urrées de provísions (épicerie. ~. un vieux costume usagé. mais imputable a des causes toutes différentes.148 Célibat et condition paysanne (14. le matin vers 9 heures.. un béret déformé par les mtemp~nes. . L. Fils el filles de truque-tarrocs aus cams dous Gules (casseurs de mottes sur les champs des autres) sont partis a la recherche d'une vie plus aisée OU.4 %).-M. Une dégaine alou~dle. va me chercher le pain et l' épicerie t. . Oh que menbestíabe ~ cm chanya et de ha lou cami . Elle m'a dit: "Toi tu peux counr a bicycletre. Autrefois chassé de la campagne par la misere. tout au moins. 11 pousse une bicyclette boueuse aux couleurs rernies.) Le phénomene le plus nouveau est l' exode des jeunes filies qui ne veulent plus des métiers de paysannes. Entre 1946 et 1954. bcn mé coucítle tou [la é las etncenes. » (P. d'un gain plus sur.Vous navez pas d'épicier ambulant qui visite votre coin? . mes que se labcm manquat per prim ... le département des BassesPyrénées a gagné 4 200 habitants cependant que les villes s'accroissaient du double. mais j'ai bien déjeuné avant de partir. ApPENDICE Uf Dialogue entre un villageois et un célibataire 11 débouche sur la place de I'église un peu apres midi.. Le Béarn a toujours été un pays que désertent les cadets. T~ qué pots courre en bicyclete. etc.Oh non ." . ce qui permet de mesurer la décroissance globale des campagnes. le paysan est maintenant attiré par la ville... Nous cassons la croüte a la fourchette. (fu·.. « Vous n' allez pas diner de bonne heure ? . tableaux sur la taille des familles).. « Fermiers. des pantalons rayés effilochés par le bas. métayers.C'est vous qui venez faire les commissions? .Eh oui. laissant voir des chaussettes décolorées dans des sabots en caoutchouc. maman a 80 ans. . s'occuper du linge. P. Oui.11 avait mal au cceur de se débarrasser des bétes.e SOlfl1 partits. Ha Iuts dcns la maVSOI/. tiene la porte uherte. 8. ces Ju. Mais cette guerre el la captivité. nous n'avons plus personne pour faire les commissions 6. n' abem pos arres mey (as ha las coumissious. pour me seconder!. Il avait l'impression que les raisons données pour le eongé (loa coanyet) ri'étaient pas "valables". .En effet. mais la guerre nous a fait perdre beaucoup de temps . Remi. . Depuis la mort de son oncle que voulez-vous qu 'ji fasse seul dans cette maison ? A 40 ans il ne peut pas prendre ou trouver une femme. . . Qu' abet raísou. ... . Un kilornetre de chemin cesr un travail important. est partie.. Despuch qué lafamille déou lu. Et puch que souy (out sout . Il ne pouvait pas tenir indéfiniment tout seul el trouver une femme s'imposait..Vous TI' avez pas de voisin qui vienne au bourg? . On Ieur a rendu un grand service de les obliger a vendre leur petite propriété pour une bouchée de pain. une famille nombreuse qui remplissait ce coin.En effet! La ferme Di.. Ouey nc bolín pas me). .Dans le quartier il n'y a plus personne "? 3. était occupée jusqu'a marterou [la Toussaint] par le fils El. Si j'étais plus jeune . quatre frcres el une sceur. Que s' ere organisat. d'l/ paysa la hemncs. la. Quey tropfier et cabourrut coum. est perdu ala terreo Faire a manger.Il est trap fier et tétu comme un Basque ! Il a tout vendu et il est parti a Pau. u hasquou! Qua d' a benut tout et quey partit ta Pau tribailha dens ue entreprése. lis ont eu du mal a payer ces machines et le reste . Tres adroit et actif ..Ta qui ha tour aco . 10. Faire les marchés.. guider el garder le bétail.le me demande comment un homme seul pouvait tenir dans ce coin si isolé. 4. 11 s'était organisé. Aujourdhui les femmes ne veulent plus d'un paysan lO! 6. L' endret que y gauyous bien qué hére en penen.Pensez done . allait lui surveiller l'étable quand il venait faire ses provisions au bourg ou faire sa partie de cartes le samedi soir. Et puis je suis tout seul.. .tou purmé bcsi .11 n' est pas alié devant le conseil paritaire? . vous avez raison". tenir la porte ouverte. 9. .II s'y plaisait beaucoup : l 'endroit est riant (gauyous) quoique tres en pente.La so déu Mouli queou biené ha la bugade. Sa maison tombe en ruines et n' aura plus bientót de piéce habitable..Mais c'est le quartier de la désolation ! . Toulouse. . 5. avaient des bicyclettes et des motocyclettes. Une camiasse (mauvais chemin) ravinée par les eaux. L'autre voisin. Guida e guarda lou bestia. et Mo. ..11 aurait fallu trouver une compagne .. Un homrne seul.. Pour quífaíre tout ~'a 7 ? . tout seul. Cornment vouliez-vous qu'ils aillent au bourg! Nous avons 800 rnetres de mauvais chemin presque impraticable.J'en ai eu l'intention a mon retour de prisonnier. 7. vit seul avec sa mere de 80 ans. Je n'ai que la.. travailler dans une entreprise". D' ailleurs ces jeunes gens gagnent de bons salaires et sont toujours bien mariés a Pau. il ne serait pas possible de le remettre en état? . . méme une vieille auto en dernier lieu. Les jeunes. Les terres bien préparées lui promettaient de bonnes récoltes.Oui.Ce chemin. . II a abandonné sa perite propriété dont il a hérité indivis avec la. Sa soeur du moulin venait lui faire la lessive '. il pleurait quand 1'huissier lui a apporté le congé! .. il aurait fallu! Mon pere travaillait avec plus de goüt".Il avait une volonté de fer. MOTI voisin la. vient ouvrier chez moi. .. Ha lous marquats. je suis seul avec ma mere.. Dens !ou quanie n'y soun pas arres mey? Appendice 1Il 151 . Faire la lumiere dans la maison..Depuis que la famille de Ju. Lou mé pay que trihailhahe dap mey de gous. .150 Célibat et condition paysanne .Ils ont bien fait de partir.Lui aussi a quitté la terre ? .. le premier voisin.Il avait peur du changement ? . . 13. Rien de fixe.le eomprends que le goüt du travail se perd dans ees eonditions [." Aussi toutes les filles quittent "la case" pour la ville tres vite eontre un salaire de 20 000 franes. 20. pourtan ne seren pos malerouses dap garcous seríous coum hous. le vous fais padre votre temps . S' en ya ahans des poude equipa! Qu' ey poudut croumpam ue «[aucheuse mécanique » et que coupí pertout per tan penen qué sie (300000) mes que cau tira de dret ra s' en sourti.Vous n' en avez jamais fréquenté ? -11 Y avait beaueoup de filies autrefois dans mon quartier . se disen Iou mounde. . si petit soit-il. Mes perqué? ..Mais pourquoi ? Pourtant elles ne seraient pas malheureuses avec des garcons sérieux comme vous 11••• .C'est dornmage bien sur! . .une belle jeunesse ! Ma sceur s'est mariée assez jeune avec un bon ainé du quartier Rey. le vous ai fait perdre votre temps . Il faut reconnaitre que le semé n'est pas toujours récolté. bien logées. bien nourries.'!. 16. c'est le eas de la famille Ju.. Venez me voir si ca vous fait plaisir mais quand le temps sera plus beau..que cau hére de patience dat lous hieilhs qui tousrem tienen Jous sos. les hommes de mon áge. Cclles qui restaient regardaient la "position". 15. 11. .. 19. demi-litre de vin). Vous avez du travail vous aussi. et de beaueoup de jeunes filies. Mais il faut faire les rentes. Ailhous que toque « U mes» per tan petit que sie . Et puch a tor ou a raisou lou mestíé de paysa quey hére descridat. OU la coutume veut que les gens de son quartier changent de ehaussures. 21. de 1'argent. Et il en faut. équilibrent leurs charges sur les motos ou les bicyclettes avant d'affronter la longue distance qui les sépare de leur maison. . s'en vont.. pour si en pente que ce soit. 12. et puis atort ou araison le métier de paysan est tres décrié". 18. disent les gens [9. cette guerre..Oui.. Elles n'ont plus la boue aux sabots et elles peuvent aller au cinéma 16. pour pouvoir s'équiper! J'ai dü acheter une « faucheuse mécanique » et je coupe partout. rembourser assez vite le capital. Jou génie rural. venez me voir sip he pJasé mes cuan Lou tems síe me}' heroy. mais apres ? le m'échappe.. Il faut beaucoup de patience avec les vieux qui toujours tiennent les sous. 17. Pendant ce temps toutes les femmes de notre áge se sont casées en ville. mérne sans le chereher. Tout 93. Lou semia n' ey pas toustemt Lou récoultat . Oui.Le mal est vieux. mais il faut marcher droit pour s'en sortir". N' an pas mey « la hangue » aus esclops et que podin ana tau cínéma. Mes quet aydats? 14. monsieur. » Il disparait dans l'impasse derriere la maison La. ."11 faut te marier". les filIes l' entendent chez elles. Pour nous. .152 e élibat et condition paysanne Appendice 1II 153 . puis la captivité nous a génés pour faire un foyer. de pintou.. le "portail" (symbole de 1'importanee de la maison). mes aprés ? Qué m' escapi .mus ave: du travaíl vous aussí. Que coumpreni que lou gous deu trihail ques per hens aqueros counditious. Quet cau maridar. . qu' espiaben Japousíssíou. Que tírerey tan qui pousqui.Oui c'est pénible d'entendre dire certaines choses qui découragent. 00 discute et souvent on se dispute: "Le voisin a acheté le tracteur 15. quelques-unes a la eampagne. Maman va penser que je me suis attardé a boire " (apintoua' s.. J'irai de l'avant tant que je pourrai. . . le Crédit agrieole. tou pourtau autan coum I' homi. Vous eomprenez que ceux qui peuvent trouver mieux. arré dé fixe . Ailleurs il touehe un mois.Au revoir.. Lou besi qu:a croumpat Lou tractur. Elles savent ce qui se passe dans une fenne! Elles entendent leurs parents se plaindre. autant que I'homme ". le génie rural!". Mama qué ha pensa quém souy apintouat.Mais vous étes aidés u ? . Jou Crédít agricole. Elle aimait danser et s' amusait sérieusement au bal. l'amour? Qu'est-ee que ca veut dire ? On rentre crevé. elle préfere se marier avee un facteur.» (L. on n' a méme plus le temps de s' aimer. paree qu' 00 est trap fatigués. un des plus riches du pays. Et pourtant on se dispute paree qu'il y a trop de soucis. On trime toute la joumée. plus d affection. Quest-ce que tu as. un faeteur ou mémc un gendarme. calcule ce que tu gagnes. hé ? Tu erais que tous ces champs et ces vignes t' appartiennent ? Tu te erais riche? Eh bien. tu te erais maitre de ta ferme. cest fini maintenant les vieilles méthodes. Il n'y a plus de sentirnent. tu es l' esclave de ton tracteur. Et puis 11 y a les vieux. j'ai été I'autre jour chez Ra. il n yen a pas une qur voudra venir ici. avec toutes ces terres ? Oui. Et apres ? Calcule ce que tu gagnes. tu as des millions de bien s au soleil.". Suppose que tu aimes une filIe: tu erois qu 'elle voudra venir ici. C. je vais te dire. pouvoir aeheter quelque chose qui l~ur plaít sans étre ~bligées de rendre des comptes. Tu comprends. oui. le lui ai dit : "Toi. qui TI' a pas toujours le carnet el le crayon es! foutu. rassasiée de peine (harte de mau)? Les filies de paysans eonnaissent la vie de paysan : elles la eonnaissent trop pour vouloir d'un paysan.Appendice IV ApPENDlCE IV Autre dialogue entre un villageois et un paysan «Tu vais. Calcule ce que tu donnes par heure de travail a ton pere. a ta sceur qui t" aident. On voudrait les eajoler. 4 ou 5 millions. Non.. Tu verras que tu prendras ton portefeuille et que tu le jetteras dans la cour. Personne ne voudrait leur faire de la peine. les earesser. Oü est-il. pour trimer toute la joumée et rentrer le soir pour aller traire les vaehes. Les jeunes femmes veulent avoir leur indépeodanee. Et se lever tous les matins a 5 heures? Móme si elle t' aime. prends un papier el un crayon. a ta mere. tu entends? Oui. Quand la vie est trop dure. le paysan qui ne calcule pas. Tu erais que cest une vie ca ? 11 n'y a pas une filie lSS q~i en veuille de cette vie.) . les femmes de la maison ou les voisines me demandaient pour guider les vaches dans les champs ou faire les cornmissions ! Mon salaire de 10 francs par an était souvent « engagé d 'avance» (crubat d' abance) ! Le plat de résistance était la demi-sardine salée avec des fois une pomme de terre cuite al'eau. oü ils avaient une petite propriété qu'ils avaient dú vendre pour régler des dettes.» Un autre cadet de petite famílle (entretien en béarnais) Né en 1895. a la "terre mayrane'' (la terre des aíeux). L'école? La plupart du temps. 1'ai eu de beaux ventres de peur el de faim (de bets bentes de pou y de hami). A I'áge du régiment. « A.00 o' a retenu ici que les détails significatifs. En 1916. je les aime bien depuis quarante ans que je les travaille alors que les propriétés voisines sont abandonnées. au quartier. j'ai fait la premiére communion dans cette maison. je n 'avais pas d'argent pour m 'habiller! .Pourquoi ne vous étes-vous pas marié ? . Quand j'aurais pu sortir. Pourquoi? j'étais géné d' avoir a fixer un salaire avec mes parents ou avec la nouvelle famille de l'aíné.Appendice V ApPENDICE V L' histoire exemplaire d' un cadet de perite [amille 157 enfants. J' ai passé deux ans daos la famille. la vie était tres dure.. le n' aimais pas danser. j'ai quitté la maison. Mes parents n 'étaient pas tres débrouillards et gagnaienl difficilemenl leur vie. Et puis je me trouvais heureux comme ca.n aurait fallu que je trouve une hériticre. Je me porte bien etje suis tres heureux de pouvoir m'occuper. rnon retour. né le 16 novembre 1896 it Sao : « De nos lemps. j'ai é t é «placé » comme mes freres.me considerent comme le chef de la propnété.ils sont grands maintenant . 00 a fait beaucoup la tete apres la guerreo Moi je ne dansais pas mais on faisait des parties de cartes interminables el des "réveillons" daos les cafés. Aussi. qui « se donnaient » pour deux sous. La ve uve et ses enfants . Aller faire quoi ailleurs? le touche la retraite du combattant et depuis soixante-cinq ans la retraite des vieux travailleurs. Les autobiographies font une part énorrne au service militaire et a la guerreo J. le suis parti pour me faire domestique daos la parenté. chez le frere ainé du mari de la sceur . j'ai été réformé pour faiblesse de constitution. le n ' avais pas d' argent pour m 'installer a mon compte. le gardais les bétes dans les bois. meres de nombreuses familles. Lo. est le premier cadet d'une famille de sept enfants vivant sur une petite propriété (20 ha environ). Mon tour est venu a I'áge de 7 ans etje suis venu gagner mon pain ala maison Ba. aux travaux des champs. 1'étais l'avant-dernier d'une famille de six enfants. aux l 1. J' étais attaché acette maison. En 1923. tout jeune. Il a fréquenté I'école jusqua I'áge de 12 ans. Ils étaient métayers it la maison Ha. 11 est mort en 1960. il avait mon áge el il était seul a la tete dune grande propriété. Avec ca elles achetaient le pain. mon frere ainé était marié. plus ils se plaignent (mey e n' an mey es plagnen)! Vers I'áge de 12 ans. Ah l Ies gens d'aujourd'hui ne connaissent pas leur chanceo Plus ils en ont. Lou. Il était rentré malade de la guerre el avait une nombreuse famille. sans étre géné par personne. atravailler. Ces champs. . il esl prisonnier el travaille daos les mines d'Essen jusqu'en 1918 l. Quelle misere ! J' ai connu quelques femmes. jolie et un peu prétentieuse. «Il n' osait pas s'opposer aux volontés de sa femme.jai exploité ma petite propriété avec l'aide de quelques ouvrieres. Ils étaient envoütés par la mere qui prend toutes les décisions. La mere s' opposait au mariage paree que le gendarme était d'une trap petite famille. La fille fréquentait un gendarme. il buvait un peu. Les bétes sont saerées.l 158 Célibat el condition paysanne La petite propriété que j'habite depuis longtemps je 1'ai eue gráce a mes grands-parents. On leur faisait sentir qu'ils étaient d'une grande famille. Elle allait au marché ehaque lundi et jeudi pour se tenir au eourant de la ehronique loeale et pour faire valoir le renom de la famille aPau. Effacé. Elle a été pour ainsi dire séquestrée pendant deux ans sous prétexte qu' elle était malade. distingué. lis avaient donné 2 000 francs de dot a ma mere a eondition qu'ils soient employés exclusivement al'achat de terres qui ne pourraient pas se vendre de son vivant. A ce moment-Iá. or les granges sont tombées les unes apres les autres. elle mene un train de vie un peu trap large. Nous avons passé des veillées terribles avec quelques eopains de quartiers. j'ai dú leur donner leur part alors que j' avais peiné el sué sang el eau sur cette terreo «Le mariage? Il TI'y avait pas un sou. les réformés. Mes freres el sceurs me harcelaient pour obtenir leur parto Ils ont dú attendre la rnort de la mere en 1929. Il épouse une femme plus jeune (en partie gráce asa pension de guerre) et de tres grande famille. Une maison dirigée par une femme est vite par . noueyteya en las auberyes). Normalement un homme doit penser a la grange plus qu' a la maison. les fils se rangent a lavis de la mere. «Les enfants sont tres tenus. Comme il y avait de I'argent (la pension). On appelait ainsi les gens qui ont été « récupérés » en 1916. Pour les affaires importantes. Partant de la. parfois a Pau. » ApPENDICE VI Autorité excessive de la mere et célibat Famille Sé. 11 a d'elle quatre enfants. « Le pere appartenait a une grande famille. Au retour. Cornment se marier? (Quin se cale marida?) Nous allions passer les nuits daos les auberges de Lesquire (qu' anabem. eélibataires cornrne moi ou mal mariés. Souvent l' étable et la grange sont plus soignées et plus importantes que 1'habitation . tres bien élevé. J'ai été parmi les fameux cupelés. l'autorité de la mere s' affirme. C'est déshonorant pour un homme et ce n' est pas dans les regles. On a parlé de mariage possible de lainé (48 ans) avec une jeune filIe du quartier. Elle fréquentait assidüment les marchés. La fenne n' est pas tenue. II y a aussi beaucoup de célibataires qui disent: "Tant que maman est la 1" La vieille prend une importance exagérée. Les vieilles disent: "Il faudrait qu'ils se marient. » (A. en 1959. Les hommes commencent a prendre 1'habitude de faire un peu de cuisine. lIs donnent une impression de fatalité. il TI' est pas question pour eux de mariage. buvant un bon coup de temps en temps. il y a des "gouttieres" sur le toit.) Famille la. Papotage. qui veille a ce que les hommes aient une tenue correcte. ambition disproponionnéc avec l'état actuel de la propriété. le les ai vus. ils partent un peu plus tard au travail. le "rayonnement". Mais surtout il avait été "assommé" par la guerre et n'avait aucun caractere a la maison. La maison. d'origine basque.160 Ceíibat el condition paysanne terreo 11 Y a des décisions gu 'une femme ne peut pas prendre el ne sait pas prendre. la maison est vide. La situation flnanciere est difficile. etc. «Les conflits viennent toujours des femmes. tres brave. Il avait dü partir. Le temps semble tout consumero Les trois freres sentent chaque jour davantage leur impuissance a réagir malgré une aide extérieure. « Dans ces conditions tout va a vau-l'eau. B. lis viennent d' acheter une faucheuse. le chef d'une exploitation de 30 hectares dont 10 hec- . est mal entretenue. C'est elle qui fait les repas. B. Les prés son! mal entretenus." Mais e'est une facon de se faire valoir. Tres autoritaire. Ils ne sortent pas. « Le pere était pensionné. ils font eux-rnémes leur lessive. C'est la femme qui tient Appendice VI 161 une ferme. autrefois importante. l' atoé est devenu. L'outillage est rudimentaire et les revenus insignifiants. cultiver les relations. II y a la perte de temps. Le matériel passe avant la maison. » (A. pour se tenir au courant des nouvelles. II avait une mauvaise santé. le mariage de I'un ou l'autre des trois freres est impossible. a la mort de sa mere. Les fils ont reconstruit avec l'aide d'un macón une partie de leur grange. l' autre JOUT. Dans ces conditions il n'est pas question de rnariage. pleins de jorres.) Né en 1922.. Une femme ne peut pas avoir l'ceil sur ces choses. la pension du pere ayant disparu á sa mort (en 1954). « 115 sont victimes de l' éducation. L'entretien de l' outillage est tres important. lIs ont peur de recourir au Crédit agricole paree qu'ils sont déja endettés et puis mama ne hou pas (maman ne veut pas). Ils ne peuvent pas acheter quoi que ce soit. L'intérieur est abandonné et négligé. ces femmes introduisent a la maison des préoccupations autres. les dépenses. La présence de la mere réduit l'urgence du mariage. Les arbres mal soignés. en plus des travaux des champs. lis ri'ont pas la rnoindre personnalité. La mere garde la volonté de défendre le prestige de la grande famille. Un des garcons réussit a se marier a G. ils étaient en train de réparer tant bien que mal une herse en bois ! La maison es! mal entretenue. lIs ont eu peine a payer les obséques de la mere (en 1959). jouer a la daune cdauneya). le lundi et le jeudi. la réputation mauvaise. Actuellement. Les belles-filles virtuelles ont peur des conflits avec les vieilles. lIs sont écrasés sous les décombres. Actuellement. C'est un brave garcon mais trap sage et trop gauche en face de cette petite Basquaise explosive et remuante! Pourtant ils ont une jolie propriété aux abords d'un grand bois. et puis quand la femme sen va. La rennne continué a aller vendre quelques douzaines d' ceufs pour avoir le prétexte d' aller a Pau. Sa femme prit un ascendant sur toute la maisonnée. de 22 ans sa cadette. roman-feuilleton. La mere régente plus ou moins le budget. il était tres gros. essieux qui toument mal. La filIe finit par se marier. lIs se démoral isent peu a peu . 1I n' est pas question d' amé1iorer le matériel.. C'est la pagare. II arrive aussi qu'elle freine . les achats . o . Nous ne sornmes pas fiches. Sizun . il est envoyé en AlIemagne comme STO en 1943. la fraction rurale de la zone d' étude a été répartie seIon la catégorie 1. administrateur de 1'INSEE) a fait apparaitre une forte sous-nuptialité des hommes dans l'ensemble de la zone d' étude. Cleguerec. Callac. ctans le Finistere. Pour le "pele-poro". Nous allions parfois dans la salle de ba! pour regarder. Guéméné-sur-Scorff. les cornmunes ayant plus de I 000 habitants agglomérés au chef-lieu. Maél-Carhaix. SaintNicolas-du-Pelem . Et comment se marier? Nous TI'avons jamais dansé. a l'intérieur de la zone retenue. Carhaix. HueIgoat. . Nous avons de gros soucis. Il est ernployé comme tourneur daos une usine de Saxe. Huelgoat. Callac.» Il est libéré en 1945. Le Faouet. comptant plus de l 000 habitants agglornérés au chef-Iieu. les voisins viennent nous aider. Moi je fais la cuisine. Gourin. Cette recherche (menée en collaboration avec M. Les communes ci-apres. Le Faouet. on a séparé. Rostrenen . Sur les 123 eommunes de la zone d:étude on. les frais de réparation de toitures. « Ala mort de ma mere. Faute de pouvoir distinguer plus précisément la population agglomérée et la population éparse. on a choisi d'étudier seize cantons du centre de la Bretagne (soit 135 433 habitants) dont la population a diminué de plus de 10 % entre le recensement de 1948 et celui de 1954 '. Pleyben: dans le Morbihan. Cháteauneuf-du-Pann. Guéméné-sur-Seorff. Pleyben. B?urbnac. Enfin. La vie nest pas tres gaie.. Rostrenen. Carhaix.162 Célibat el condition paysanne tares en beis et fougeraies. Goucrec. Corlay. Les voisins et surtout les voisines remuent le couteau dans la plaie sous tous les prétextes. nous nous sornmes retrouvés tous les trois seuls. je répare le linge et je fais la lessive. dans le Finistere.t été exclues de l'étude : dar:s les Cótes-du-Nord.toutes I urales et caracrérisées par leur faible densiré (45 habitants au kilometre carré en moyenne). a fréquenté l'école communale jusqu'a l'áge de 13 ans. » l ApPENDICE VII Un essai de généralisation le célibat dans seize cantons ruraux de Bretagne Afin de vérifier si les phénomenes constatés en Béarn présentent un caractere de généralité. puis travaillé la propriété familiale jusqu'á son service militaire.e? a done ~etenu 114. « Le travail est bien plus dur qu'aux champs. CIaude Seibel. Incorporé daos les chantiers de jeunesse en 1942. Ce TI' es! pas une joumée tres arnusante. dans le Morbihan. avec l'aide de ses deux freres cadets. Chateauneuf-du-Faou. L~s cantons retenus sont les suivants : dans les Cótes-du-Nord. Gourin. 164 Appendice VII Célibat et condition paysanne Proportions de célibataires: comparaison entre la Bretagne centrale el la ville de Reunes de la Bretagne intérieure¡ Zone d' études (16 canrons eS? du chef agrícotes es? du chef masculin Sexe mascutin Sexe féminin 41936 100.7 2.7 3.0 67253 100.2 féminin Population totale Pourcentage 46122 100.2 0.2 1.6 3.3 0.0 32.6 22086 43.0 28473 42.1 .6 51.4 % 2.8 7.6 41.9% 42.8 \.1 % 34.1 % 38.3 3.4 1.7 % 1.0 Célibataires dont : enfants chef ménage autres parents pensionnaires et domestiques 53.0 68180 100.0 61514 100.5 % 40.8 59.\ 64.6% 3.7 7836 37.7 0.2 0.3 % 40.3 0.5 7.9 4.\ 0.0 51203 100.l 40 1.9% 53.7 1.2 % 17.0 29.4 100.0 44.7 43.8% 1.3 % 64.1 100.4 % 33.5 1.4 % l.8 0.7 69.4 % 39.9 0.2 % 0.8 O 6.4 5.4 1.4 8.1% 4.8 0.0 1.5 39.2 0.5 45.2 19865 43.\ 3.9% 5.0 30.4 8134 31.8 57.4 47.6 3.6 2.7 0.5 % 1.5 % 24.7 % 1.4 2.2 % 38.6 5.6% 1.8 2.9 0.9 i.4 4.8 100.5 % 2US 1.2 1.4 0.3 56.0 26244 100.8 % 10390 JO 228 44.4 3.2 3.5 1.4 4.4 13.1 2.\ 26730 100.3 14.4 6.7 6.5 4.8 0.2 0.0 i.8 % 27.5 5.2 2.5 69.6 0.0 26702 2.9 2.9% 29.5 2.8 17500 41.1 1.2 0.8 0..4 % 43.2 1.0 31.7 19838 47.7 50.6 2.Al IL 4.0 6.7 3.7 % 27.4 25634 37.4 43.7 0.5 % 0.5% 3.7 4.7 66.3 % 4.7 0.6 43.9 0.0 48.9 0.3 2.0 3.6 58.3 % 35.3 0.9 % 0.6 100.0 6.3 3.1 Célibataires dont : enfants chef ménage autres parents pensionnaires et domestiques Mariés dont : chef ménage épouse enfants autres Veufs et divorcés Ensemhle Sexe féminin Sexe Popularion de 18 11 47 ans Pourcentage du total Vil/e de Rennes Ensemhle Sexe masculin Sexe dont .3 % 0.4 0.9 4.6 0.3 O 6 0.2 0.4 1.6 % 17.4 50.7 2.5 \.1 \.6 0.4 0.1 0.4 7.3 0.8 2.0 38.6 0.7 0.0 4.9 1.8 0.7 1.1 100.5 % \.3 0.6 3.9 .0 52% 38.9 45.2 1.8 65.4% 48.4 % 36.7 0.5 3.6% 1 \.8% 2.9% 2.0 26 % 18.4 35.8 4.8 0.5 3.6 3.8 % 2 60.2 24.3 20637 44.2 100.6 2.8 2.8 29961 44.7 39.6 44.2 % 10.7 0.3 % 2.4 JO 096 47.1 1.8 % 43.3 100.chefménage épouse enfants ascendants autres Veufs et divorcés don' : chef ménage ascendant autres non agrícotes Sexe féminin Sexe masculin Mariés 165 38.0 21 131 100.3 42. 2. Bien que les explications proposées apropos de Lesquire aient toutes chances de rendre raison du phénomene global. Ainsi. on pourra se reporter a la revue Population. formant une ligne de facades continuo. . 00 observe des faits identiques a ceux que l' on constatait a Lesquire: les hornmes qui vivent de l'agriculture et résident dans des régions reculées ont une chance sur deux de res ter célibataires . vendanges. Les rnaisons ont presque toutes gardé la porte en plein cmtrc destinée a laisser le passage aux charrettes chareécs de foin. particulíerement. Au-dela. alors que la comparaison entre les deux graphiques montre cambien différente est la situation des hommes el des femmes 2. 11 une plus grande échelle et dans une région différente.9 % de fils du chef de famille et 5 % de domestiques . 2.166 Célibat et condition paysanne socioprofessionnelle du chef de famille (voir tableau pages précédentes). le taux de célibat des femmes ne paralt pas indépendant (relativement au moins) de la résidence el de la catégorie socio-professionnelle. Puis.7 % contre 52. le jardin. fenaison.3 % (sur 41. échappent aux déterminismes qui tiennent a la résidence ou a la profession. avec l'étable. soit 28. .0 % contre 38. Les maisons du bourg se pressent.8 %) 11 Rennes pour la méme classe d'áge. reste que l'on ne saurait conclure de 1'identité des effets a l'identité des causes ct qu'une analyse sociologique des conditions particulieres s' impose. 26. du bétail. Illeur incombe de guider l'artelage pendant les labours. le pourcentage de célibataires déclarés comme fils du chef de famille est particulierement élevé dans la population agricole. p. On voit que. soit 32. Outre qu'elles ont la charge de la basse-cour ct. les femmes.Les íabours. la porcherie. la grange. Toujours plus faible que chez les hommes.dont 38. n" 2. le pourcentage des célibataires de sexe masculin ágés de 18 a47 ans atteint 52 % . Pour la comparaison avec les données valables pour la France entiere. elles.esquire. située derriere la maison. les fem~es prennent une part importante aux travaux des champs. Dans la cour inténeure.7 % (sur 11. 1962. t . . Ph. táche particulíeremenr péniblc quand il sagit de dresscr les bétes.contre 38. Les courbes du graphique de droite font apparaitre une concordance remarquable entre les taux des différentes catégories. Pour la tranche d'áge de 29 11 38 ans. 232 et suiv.on~ de la grand-rue.0 % daos les catégories agricoles. le I.Vue aéríenne de la partie ouesr du hourg de l. dans la population agricole. Ph. le pressoir er le fenil. morsson. bande de terrain de la largeur de la maison et longue d 'une centaine de metres délimirée des deux córés par une rangée de vigne en hautain.9 % daos la population non agricole et 29.0 %) contre 5.2 % dans la ville de Rennes.9 % dans les catégories non agricoles.Ie poulailler et le c~apier. Ph. La maison d'habitation el les granges fermcnt la cour sur les quatre calés. Ph. 5.Une fcrme isolée des coteaux.Le centre du bourg. . .La partie es! du bourg de Lesquíre. 6. . Ph. 3. . Ph. 4.UI/e grande maison abandonnée. . donnant a l'ensemble l'apparence d'une forteresse. eux. méme les vieux. . paree que les hommes et les fernmes du village sont venus. mais on les remarque moins. Comme happés par la teruation d'entrer dans la danse. 7. ne dansent pas davantage. . et tout le monde danse. les autres pour épier. Le jour du comice agricole. ils avanceru parfois et resserrent I'espace laissé aux danseurs. Debout au bord de la piste. Ph.Le bal du comice agricole. cancaner et faire mille conjectures sur les mariages possibles.. Ph. les uns pour bavarder avec les amis. Le hal du comice agricole. 8 . Les célibataires. un groupe de spectareurs plus ágés observent sans parler.! i I Ph. tous les célibaraires. tout le monde est « sur la Promenade ». . lis sont tous la.Le ha! du comíce agrieo/e. 9. .DEUXIÉME PARTIE Les stratégies matrimoniales dans le systeme des stratégies de reproduction .. » a K. Éhauche d' une critique de l' économie politiqueo Le fait que les pratiques par lesquelles les paysans béarnais tendaient a assurer la reproduction de la lignée en mérne temps que la reproduction de ses droits sur les instruments de production présentent des régularités évidentes. il suffira de citer I'emploi euphémistique que fait Radcliffe-Brown (qui disait encore father-ríghr et mother-right pour patriarcat et matriarcat) du terme de jural: « Le terme. appartient la terreo Elle en hérite. observe Louis Dumont. est difficile a traduire. MARX. 11 faut rompre en effet avec le juridisme qui hante encore aujourd'hui toute la tradition ethnologique et qui tend a traiter toute pratique comme exécution : exécution d'un ordre Oil d'un plan dans le cas du juridisme naif. des outils et des problemes. Entre cent preuves du fait que l'ethnologie n'a pas emprunté seulement a la tradition juridique des concepts. le fils premierné. n' autorise pas ay voir le produit de l' obéissance a des regles. qui fait comme si les pratiques étaient directement déductibies de regles juridiques expressément constituées et légalement sanctionnées ou de prescriptions coutumieres assorties de sanctions morales ou religieuses 1 . exécution d 'un 1. On va voir qu'il ne veut pas dire seulement "légal" ou "juridique". 11 sagit des . mais une théorie de la pratique qui n'esr jamais aussi manifeste que dans la relation qu'elle établit entre les « noms de parenté » et les «uttitudes de parenté ».« Le bénéficiaire du majorat. qu'il sagisse de celles qui visent a assurer la transmission du patrimoine dans son intégralité et le maintien de la famille dans la hiérarchie économique et sociale. paree qu' elles ont régi les pratiques de tous temps (ou. toutes les infonnations qui se rattachent directement a des noms propres évoquant et résumant (out un systeme dinformations préalables). la situation d'étranger qui implique l'effectuation réelle de toutes les ruptures que le sociologue soucieux de-ne pas a'enfermer dans les illusions de la familiarité doit opérer décisoirement) tendent l'empécher d'accéder la vérité objective de cette appréhension objectivante : lacces acette connaissance du troisieme genre suppose en effet que ron se donne le moyen d'apercevoir ce qui fait que la connaissance objective du monde social est radicalement irréductible al'expérience premiere de ce monde en construisant la vérité de toute expérience indigene du monde social. » (F. nous I'appellerons la parole. Pour ne citer que Saussure:« La partie psychique n'est pas non plus tout entiére en jeu : le coté exécutifreste hors de cause. En fait. 11 s'agit en somme des relations qu i sont l'objet de prescriptions précises.) u . c'est-a-dire réinventer inconsciemment ou imiter consciemment. en gros. comme allant de soi ou comme plus convenables ou simplement plus comrnodes. dépourvu de la maltrise pratique des regles quil s'efforce de saisir dans les pratiques et dans les discours. malgré la comcidence de leurs fonctions. « de mémoire perdue »). invité par l 'ínterrogation de l'ethnologue u opérer un retour rét1exif et quasi théorique sur sa pratique avec. a p. linformateur le mieux informé produit un discours qui cumule deux systemes opposés de lacunes : en tant que discours de la familiaríté. de droits et devoirs coutumiers. Du fait que l'indigene est d'autant moins enclin a s'abandonner au laogage de la familiarité que celui qui l'interroge lui paralt moins familier avec l'univers de référence de son discours (ce qui se trahit daos la forme des questions posées.dont ses pratiques ou ses discours représcntent autant d'actualisations partielles . seull' habitus cornme systerne de schemes qui orientent tous les choix sans accéder jamais a l'explicitation tions des elieux communs ». particulieres ou générales.» (L Dumont. dans la meilleure hypothese. daos le cas du structuralisme. qui restaure.) l1 va de soi qu'une telle théorie de la pratique naurait pas survécu dans une tradition ethnologique qui parle plutót le langage de la regle que celui de la stratégíe. satis le voile de l'inconscient. p. ou de celles qui visent a garantir la continuité biologique de la lignée et la reproduction de la force de travail. 1971. París. l"assistance de l'ethnologue. quil sagisse des personnes ou des choses. 00 comprend que soient si rares les ethnologues capables de soupcormer la distance entre la rcconstruction savante du monde indigene et l'expérience indigene de ce monde qui ne se livre que dans les silences. en tant que díscours pour étranger. Mouton. Payot. 40.T'indigene n 'appréhende jamais le systeme des relations objeetives . de Saussure.que par profiís. car l' exécution n 'est jamais faite par la masse. done successivement dans les situations d'urgcnce de la vie quotidienne. comme disent les anciens coutumiers. il passe sous silence rout ce qui va sans díre paree que cela va de soi. l' habitus) qui constitue le principe générateur et unificateur des pratiques est le produit des structures que ces pratiques tendent areproduire en sorte que les agents ne peuvent que reproduire. Paris. Aussi. sur le relations qui "peuvent étre définics en parlant de droits et de devoirs". il ne peut demeurer completement intelligible quá condition d'exclure toutes les références directes a des cas particuliers (c'est-á-dire. Les eonditions mémes qui conduisent l'ethnologue a une appréhension objectivante du monde social (et en particulier. les ellipses et les lacunes du langage de la familiarité. A la différence de lobservateur. ignorantes ou informées). Cours de tínguistique générale. toujours individuelle et i'individu en est toujours le maltre . si elle n'était en affinité avec les présupposés qui sont inscrits daos la relation entre !'observateur et son objet et qui s "imposent dans la construction méme de l'objet aussi longtemps qu'ils ne sont pas cxplicitement pris pour objet. les stratégies déja éprouvées qui. elle est. Et du fait que toutes ces stratégies. formelles.37-38. qu"il y ait sanction légale ou seulement sanction morale éventuellement supplémentée par une sanction religieuse. paraissent inscrites dans la nature des choses. la théorie de la pratique du juridisme naif en représentant la relation entre la langue et la parole ou entre la structure et la pratique. lntroductíon dcux théories d' anthropologie socia/e.l 170 Les stratégies matrimoniales modele inconscient. 1960. sont loin d' étre automatiquement compatibles. le systéme des dispositions incu1quées par les conditions matérielles d'existence et par l'éducation famiHale (Le. c'est-a-dire sous la forme de rclations qui ne se donnent qu 'une a une. voué a une circulation restreinte a un univers d'mterconnaissance quasi parfaite oc tous les individus sont des noms propres et toutes les situa- a Les stratégies matrimoniales 171 modele de la relation entre la partition musicale et I"exécutíon-. 2. .on indiscutable des que 1'00 cesse de traiter les regles successorales ou matrimoniales comme des Les stratégies matrimoniales 173 normes juridiques. a la facón des historiens du droit qui. héritées le plus souvent du droit romain. mais l'aboutissement d'une stratégie. lors rnéme qu'il vient au demier rang par la naissance. produisent des faux problemes tels que ceux qu' engendrerait ici la distinction canonique entre les systemes de succession unilinéaires et les systémes bilatéraux ou cognatíques '. mettant en ceuvre les principes profondément intériorisés d'une tradition particuIiere. devait nécessairement leur apparaitre comme le trait distinctif de ce systeme par référence aux taxinomies de la tradition ethnologique. plus inconsciemment que consciemment. p. 209-210). n'' 9. cest-á-dire prévenu. Ainsi. Ce renversement de la représentation traditionnellement admise s'impose de fac. et des procédures effeetivement proposées par les utilisateurs de leurs services) portaient aeanoniser sous forme de regles formelles les stratégies successorales et matrimoniales. en particulier. peut reproduire. en partieulier. qui. conservateurs d'une tradition savante. en chaque cas. de mérne la plupart des analystes ont caractérisé le systeme successoral béamais par le « droit d 'aínesse intégral ». mais au premier garcon. pose a toute famille un probleme particulier qu' elle ne peut résoudre qu ' en jouant de toutes les possibilítés offertes par les traditions successorales ou matrimoniales pour assurer la perpétuation du patrimoine. eombinaison des précautions juridiques produites par les notaires professionnels. simples enregistrements des ratés du systerne (actuels ou potentiels). restent encore fort éloignés de la réalité des pratiques ou ala facon des anthropologues qui. soit que l' on transgresse le « principe de la prédominance du lignage ». l' essentiel. de toutes les stratégies mises en ceuvre pour défendre les intéréts (socialernent définis) de la lignée OU. qui ne représente qu'une stratégie matrimoniale parmi d'autres. fondement de la continuité de la lignée. Les erreurs inhérentes au juridisme oe sontjamais aussi évidentes que dans les travaux des historiens du droit et de la eoutume que toute leur formation ct aussi la nature des documents qu 'ils utilisaient (rels. pour confier aux femmes la perpétuation du patrimoine. (ef. Tout cornrnande au contraire de poser que le mariage n' est pas le produit de l' obéissance une regle idéale.10. 00 peut recourir ades stratégies que les taxinomies du juridisme anthropologique porteraient a tenir pour incompatibles. notes bib1iographiques. füt-ce au prix d'un manquement a des « normes » qui n'existent comme telles que pour le juridisme des ethnologues. De méme que les ethnologues ont réduit au mariage avec la cousine parallele le systeme matrimonial des sociétés berberes et arabes paree que ce type de mariage. les actes notariés. atravers leurs taxinomies réifiées.12 et 14.172 Les stratégies matrimoniales complete et systématique peut fonder la casuistique indispensable pour sauvegarder. et pas la plus fréquente. Le mariage de chacun de ses enfants. la transgression du príncipe de la préséance masculine que constitue l'octroi aux femmes non seulement d'une part dhéritage mais du statut dhéritier (hérété. Seule en effet la nécessité de maintenir a tout prix le patrimoine dans la lignée peut conduire a la solution du désespoir qui consiste a confier a une femme la charge d ' assurer la transmission du patrimoine. pouvant favoriser aussi bien la fille que le garcon. Comme si tous les moyens étaient bons pour remplir cette fonction supréme. 1"intégrité du patrimoine. masco et hérétére. soit que l'on tende minimiser ou rnéme annuler. garcon ou fille. a a a 3. cher a Fortes. fém. telle ou telle des solutions typiques que nornme explicitement cette tradition. atoé ou cadet. dans le cas de force majeure constitué par l' absence de tout descendant maje et dans ce cas seulement : on sait que le statut d'héritier n'échoit pas au premier-né. méme el surtout lorsqu'ils sappuient sur I'étude des actes notariés.) es! la mieux faite pour retenir l'attention de l'observateur averti. paree que les lunettes de leur culture juridique les condamnaient a appréhender comme un trait distinctif de ce systeme ce qui nest qu'une transgression des principes OU se manifeste encore la force des principes. ce qui revient au méme. sont a la généalogie construite ce que le réseau des ehemins réellement entretenus. On rappelle souvent combien il est difficile de rétablir une relation qui TI'apas été maintenue en état par des échanges réguliers de visites. les conséquences néfastes pour le patrimoine des concessions inévitables au régime bilatéral de succession. dit-on. manifestant par la que la « fratemité » (thaymath) joue un róle infiniment plus réel que la référence a l'origine commune. pratiquées et. fréquentés. ce systéme de relations ausage alternatifne représente lui-méme qu'une partie". plus généralemenl. de lettres. oü s'exprime plutót I'effort pour justifier idéologiquement une unité menacée que le sentiment d'une solidarité vivante. comme on dit. pour prolonger la mélaphore. est al'espace géométrique d'une carte comme représentation imaginaire de tous les chemins et tous les itinéraires théoriquement possibles . ne peuvent a la fois les maintenir en état de fonctionner et en dissimuler la fonction qu'en les « cultivant » conrinüment. Les stratégies matrimoniales 175 effectivement et actuellement connues. plus ou moins large selon la circonstance. surtout dans les sociétés sans écri- ture. le groupe qu 'unit la thaymath représente seulement une section. ou mieux. par le mariage de leur fille avec le fils Y. que par le travail de construction de l' ethnologue. et. disait un informateur. la part des parents « utiles » parmi les « parents théoriques » que décline la généalogie ne ces se de croitre. «Thaymath est d'aujourd'hui. les relations généalogiques ne larde- raient pas a disparaitre. selon lafonction impartie a ces relations. petits-neveux et arriere-neveux pour apercevoir que si les plus grands ont aussi les plus graudc-. (« On ne peut pas avoir l'air d'y aller seulement pour demander un service »}: de méme que l'échange de dons dissimule sa vérité objective en étalant dans le temps des actes dont le «ríonnantdonnant » démasque de maniere cynique la réversibilité par le seul fait de les juxlaposer dans la synchronie. le clan est attaqué: c'est une solidarité actuelle et active entre des individus unis par des liens de parenté réels. seul capable de faire exister tota simul. l'espace hodologique des cheminements et des pareours réellement effeetués. de méme la continuité des relations entretenues en tout temps comme pour elles-mémes dissimule la fonction objective des relations que dévoilerait en toute clarté une utilisation discontinue des assurances qu' elles enferment en tout caso Du fait que l'entretien des relations incombe évidemment a ceux qui.e. et thodjadith. Les relations de parenté 4. done faciles aemprunter. i. a partir de n'importe quel point. cest-á-dire a la sauvegarde ou a l'augmentation de son capital matériel ou symbolique. soit. On invoque thaymath lorsqu'il s'agit de sopposer a un autre groupe. l"ensemble des descendants d'un méme ancétre réel ou mythique. Il suffit en effet de se demander pourquoi et comment viennent aux pur-sants tous ces neveux. » 00 oublie trop que les arbres généalogiques n'existent comme tels. Les Kabyles distinguent explicitement entre les deux points de vue qui peuvent étre pris sur les relations de parenté selon la situation. a savoir thaymath. familles tandis que les - . « Ils se son! découverts tres parents avec les X. l'ensemble des freres. le réseau complet des relations de parenté aplusieurs générations dont l' ensemble des relations entre parents conternporains. telles des chemins abandonnés. par exemple si. ce sont les neveux qui font le népotisme. «entretenues ». si elles ne recevaient un entretien continu. frayés. de 1'unité totale de solidarité théorique que désigne thadjadith comme ensemble des relations de parenté généalogiquement fondées. ayant le plus a en attendre. a mesure que I' on s' éleve dans les hiérarchies reconnues par le groupe : bref. sous la forme d'un schéma spatial susceptible d' étre appréhendé uno intuitu et parcouru indifféremment dans n'importe quel sens. Le. pouvant remonter jusqu'ü la troisieme ou la quatrieme génération . thadjadith est d'hier ». de cadeaux. en totalité dans la simultanéité. etc. reconnues. sans qu'il soit besoin de rien faire pour cela. lors mérne qu' elles ne sont utilisées que de maniere discontinue. que l' on fasse subir aux relations objectivement inscrites daos l' arbre généalogique toutes les manipulations nécessaires pour justifier ex ante ou ex post les rapprochements ou les alliances les plus conformes a I'mtérét de la lignée. depuis que ces demiers son! devenus "grands".174 Les stratégies matrimoniales füt-ce par des artifices juridiques. la mémoire des cousinages et la propension a les entretenir étant fonction des profits matériels ou symboliques que l' 00 peut trouver a « cousiner »5. entre les deux Gaves. repérée prin5. 00 voit que la valeur de ce eoup (mesurée selon les criteres du systérne) dépend de la qualité du jeu. le mode de succession spécifie en fonction de criteres tels que le rang de naissance. Les autres auraient dit aussitót : "11 est prétentieux. eelui-ci COmmandant a son tour les ambitions matrimoniales de son détenteur au mérne titre que le montant de l' adot exigé par la famille du futur conjoint dépend de l'importance de ses biens. » (J. puis reprise en 1970 et 1971. C'est daos les relations entre les sexes et a I'occasion des mariages que saffirmait le plus vivement la conscicnce de la hiérarchie sociale : e Au baI. les chances matrimoniales qui sont génériquement attachées aux descendants d'une mérne famille en fonction de la position de cette famille dans la hiérarchie sociale. II veut faire danser la grande ainée. En d' autres termes. mais c 'était rare. e 'est-á-diré de la donne comme ensemble des cartes recues. faire une donation. e' est dire que l' utilisation des généalogies comme idéologie tendant a justifier les structures politiques en vigueur (dans le cas par exemple de la tribu arabe) n'est qu'un cas particulier et particulierement significatif des fonctions qui peuvent étre imparties aux structures de la parenté. Les stratégies matrimoniales 177 cipalement. A. Il s'ensuit que. leur acharnement au travail ou leur manque de serupules et qui ne savent pas manifester les vertus que l' on est en droit d' attendre des grands. étant donné que les stratégies matrimoniales visent toujours. en ce domaine comme ailleurs. L 'enquére qui a servi de base a ces analyses a été menée en 1959 et 1960. a la valeur éeonomique de son patrimoine. l'économie régit les éehanges matrimoniaux. au cceur du pays des coteaux. par la médiation de l' adot. elles sont commandées en chaque cas par la valeur du patrimoine matériel et symbolique qui peut étre engagé dans la transaction et par le mode de transmission du patrimoine qui définit les systémes dintéréts propres aux différents prétendants a la propriété du patrimoine en leur assignant des droits différents sur le patrimoine selon leur sexe et leur rang de naissance. les mariages tendant a se faire entre familles de rnéme rang au point de vue économique. e'est que. Bref. inversernent. el de la maniere.-P. d'utiliser ces cartes. la grande propriété ne suffit-elle pas a faire la grande famille : on n 'aecorde jamais leurs lettres de noblesse ades maisons qui ne doivent leur élévation ou leur richesse qu'á leur apreté. Du fait que la part de patrimoine traditionnellement héritée et la eompensation versée au moment du mariage ne font qu'un. au double sens.) e . dont la force est définie par les regles du jeu. Sans doute. e' est la valeur de la propriété qui commande le montant de l' adot (de adoutá. plus ou moins habile. Si elle a pour fonction premiere et directe de procurer les moyens d' assurer la reproduetion du lignage. doter)." Des domestiques qui présentaient bien allaient parfois faire danser les héritieres.Les stratégies matrimoniales 176 « parents pauvres » sont aussi les plus pauvres en parents. a faire un « beau mariage » et pas seulement un mariage. done la reproduction de sa force de travail. particulierement la dignité du maintien et le sens de I'honneur. L'opposition 6. la qualité de grande famille peut survivre a lappauvrissement'. dans le village que nous appellerons Lesquirc et qui est situé en Béam. * Si l' on admet que le mariage de chacun des enfants représente pour une famille l'équivalent d'un coup dans une partie de cartes. 7. le capital va au capital. un cadet de petite volée (u caddet de perite garhure) n 'allait pas beaucoup trébucher la cadette de chez Gu. la générosité et I'hospitalité. c'est-a-dire a maximiser les profits et/ou a minimiser les coüts économiques et symboliques du mariage comme transaction d'un type tres partieulier. au moins daos les familles les plus favorisées. [gros paysan]. mais non exclusivement. la strarég¡e matrimoniale doit aussi assurer la sauvegarde du patrimoine et cela dans un univers éeonomique dominé par la rareté de 1'argent". par la médiation de l' adot. Bref'.. les différences économiques empéchent en fait les alliances. que la position de sa famille dans la hiérarchie des groupes de statut assigne objectivement á chaqué individu (« Madeleine. » a a . pres d'Au. 3 % et 10. 9 %. Il a fait de ses deux fils. tendent a exclure les mariages entre familles trop inégales. mais aussi par son capital symbolique qui se mesure á la valeur de l'ensemble des parents. Ces groupes de statut ne sont ni totalement dépendants ni totalement indépendants de leurs bases économiques et si la considération de l' intérét économique n 'est jamais absente daos le refus de la mésalliance. L. regardaient le portail (lou pourtalé) plus que I'homme. la « grande maison » se désigne aussi par le portail monumental qui donne acces dans la cour. grand commercant de Pardies. au terme d'une sorte de calcul irnplicite d'optimum visant a rnaximiser le profit matériel et symholique susceptible d'étre procuré par la transaction matrimoniale dans les limites de l 'Indépendance économique de la famille. c'est tres petit »). puis il était parti a la SNCF a Paris. résidence des fenniers. Cependant.11 sensuit que le entere économique n 'est pas de nature a déterminer par soi seul des discontinuités marquées. «Les filies. 11 a épousé la fille La. ccst-a-dire legitimes. les différences statutaires qui marquent l'opposition entre les deux groupes de familles sont vivement ressenties. est tres grand. ce que j'ai dü faire! le ne pourrais pas le faire pour les autres ») tandis qu'un aíné de «grande maison » peut repousser un parti plus avantageux au point de vue éconornique pour se marier selon son rango Mais la marge de disparité admissible reste toujours restreinte et au-delá d'un certain seuil. aurait dü aller chez M. des métayers et des petits paysans . a l'intérieur du champ des partenaires possibles. Le pere de la fille venue chez Po.-Si. l'autre un inspecteur de la SNCF. entraine l 'impossibilité (de droit) de certains mariages tenus pour mésalliances. l'un un médecin a Paris (interne des hópitaux).. d ' Abos venu a Saint-Faust se marier dans une bonne propriété. soit respectivement 12. déelare un célibataire. Le privilege accordé a lainé. une « petite maison » peut se saigner aux quatre veines pour marier une de ses filles a un «grand ainé » (« Pour la mettre la. avait gardé la "case" (la maison) a Abos: il était instituteur. II n'en va pas de rnéme dans le cas d'un mariage lointain : «Celui qui se marie loin. cadette de chez P. cest-á-dire a la valeur sociale (se Ion les criteres indigenes} de l'ensemble de ses parents a plusieurs générations. les propriétés de 15 a 30 hectares au nombre de 96 et les propriétés de plus de 30 hectares au nombre de 31. dans les deux lignées et sur plusieurs générations". les toutes petites propriétés (moins de 5 hectares) et les grands domaines (plus de 30 hectares) constituent une proportion tres faible de I'ensemble. asavoir les propriétés de moins de 15 hectares au nombre de 175. est le frere de ce bonhomme. mais aussi a tout un ensemble de signes. Le "grand" de la famille. était un cadet de La. » On a pu vérifier en maints autres cas que les agents possédent une information généalogique totale a I'échelle de laire de mariage (ce qui suppose une mobilisation et une actualisation permanentes de la compétence): il s'ensuit que le bluff est a peu pres impossible (« Ba. tout individu pouvant étre tour instant rappelé sa vénré objective. te1s que l'apparence extérieure de la maison : on distingue des maisons a deux étages (maysous de dus soulés} ou «maisons de maitre » (maysous de meste) et les maisons a un seul étage. ou i l est trompé (sur la valeur du produit).178 Les stratégies matrimoniales qui sépare de la masse des paysans une « aristocratie » distinete non seulement par son capital matériel. » 8. frere de celui-ci. par son style de vie qui doit manifester son ¡ l La distinction tres fortement ressentie entre « les grandes maisons » el les « petits paysans » (lou paysaruots¡ correspond-elle a une opposition tranchée daos le domaine économique? En fait. simple retraduction mais dans sa famille. se combinent avec les principes qui accordent la suprématie aux hommes et le primat aux ainés pour définir les stratégies matrimoniales. dit le proverbe. Voici comment calculait un infonnateur invité aexpliquer pourquoi iI considérait un mariage récent comme un « beau mariage >} : « Le pére de la filie qui esr venue (se marier) chez Po. bien que 1'histograrnme représentant la distribution de la propriété fonciére pennette de distinguer trois groupes. les inégalités de richesse tendent a déterminer des points de segmentation particuliers.. Métayers tbourdes-mieytadés] et fenniers (bourdes en afferme¡ sont tres peu nombreux. Les stratégies matrimoniales 179 respeet des valeurs d'honneur (aunou) et par la considération sociale dont elle est entourée. les clivages ne sont jamais brutaux entre ces trois catégories. J'ai entendu dire tout ~a par ma mere. ou i l trompe. ou F. La grande famille est reconnaissable non seulement a 1'étendue de son domaine. »). Les principes qui.. réduit a des regles formelles. on le Yerra. les stratégies complexes et subtiles par lesquelles les familles. est souvent identifié a tort a une dot. ici encore. Ces calculs étaient assez exacts et de ce fait acceptés par tous. nle nombre total d'enfants. en faisant apparaltre ce qui n "était qu 'une eompensation de I"équite comme un droit véritable sur le patrimoine. La part des eadettes est de 3 750 franes. servietres.mettre dans 1'impossibilité de doter les cadets . elles-mémes réductibles a des formules quasi mathérnatiques. cela évidemment daos les limites de la pennanence du mode de production. substituant la matrice cadastrale aux généalogies. soit 7 500 Frenes. et exccptionnellement sous la forme d'une parcelle de terre (simple mort-gage toujours susceptible détre dégagé moyennant le versement d'une somme fixée a I'avance). on accorde le quart. s'abandonncr a la tentation de faire un mariage trop manifestement au-dessus de sa condition. en prenant pour base de lévaluation le prix de vente d 'une propriété du quartier ou d'un village voisin. la part du eadet est de (P .>' (J. On procédait a une estimation aussi précise que possible de la propriété. qu¡ peut se convertir en 3 000 franes versés en cspcccs er 750 franes de linge et de trousseau. el la préséance reconnue aux membres máles de la lignée. de bois ou de fougeraies. ¡ 'estimation fut de 30 000 fra~cs (vers I?OO). tendaienr a produire le besoin de leurs propres services par le seul fair de formuler les stratégies matrimoniales ou sueeessorales dans le langage et . Tout concourt a suggérer que c'est la transformation des attitudes économiques et I'introduetion de nouvelles valeurs qui. afavoriser une stricte hornogamie en interdisant aux hornmes les «rnariages de has en haut » que pourrait susciter la recherche de la maximisation du profit matériel et symbolique : l' atoé ne peut se marier ni trap haut.fa mere et six enfants. saos s'exposer a une condition dominée et humiliante.P/4)/n. a porté les paysans béarnais a recourir toujours davantage aux armes offertes par le systemc juridique et aux services des juristes qui. la part de l'alné étant alors de P/4 + (P. moins encare que l' atoé. Restent 22 500 francs a diviser en six parts. chemises. mais aussi et surtout paree que sa position daos la structure des relations de pouvoir domestique s'en trouverait menacée. toujours apporté par la mariée. paree qu'il est en général octroyé au moment du mariage. Dans la mesure oü il offrait aux familles paysannes une des occasions les plus importantes de réaliser des échanges monétaires en mérne temps que des échanges symboliques propres aaffirmer la position des familles alliées daos la hiérarchie sociale et a réaffinner du méme coup cette hiérarchie. consciernmcnt ou non.P/4)/n. il ne peut davantage. presque toujours en especes afin d'éviter l' émiettement de la propriété. quant au cadet.) 10..l 180 Les stratégies matrimoniales généalogique du primat absolu conféré au maintien de I'intégrité du patrimoine. affronter les risques et les coüts matériels et symboliques de la mésalliance. seu les compétentes (au double sens du tenne) en ces rnatieres. un garcon et crnq filies. la conservation ou la dilapidation du capital matériel et symbolique. pour la propriété Tr. essaient de naviguer entre les risques contraires : chaque cadet ou cadette a droit a une part déterminée du patri- Les stratégies matrimoniales 18i moine ". une procédure offrant seulement un recours ultime au chef de famille soucieux de sauvegarder J'mtégrité du patrimoine 10. ehoisis par les différenres parties. de peor de se déshonorer par la mésalliance et de se. Égale au tiers de la propriété lorsque la famille eompte deux enfants. ni trap bas. A lalné. qui peut. torchons. bien qu'il ne soit pas autre chose que la contrepartie accordée aux cadets en échange de Ieur renoncement la terreo Mais il faut. présenterait comme les normes d'application universelle d'un «régime successoral » tout aussi irréeI que les modeles mécaniques des échanges matrimoniaux. était sans doute au principe de la dynamique et de la statique de toute la structure sociale.-P. se garder du juridisme qui. A. non seulement par crainte d' avoir a restituer un jour l' adot.. draps de lit. La rareté a 9. en reeourant en cas de lirige ades experta loeaux. On saccordair sur le prix de la e joumée » (joumade¡ de champs. 11 y avait le pere. lou cabincr (I'armoire). « Par exemple. édredons. Le discours juridique. auquel les infonnateurs empruntent volontiers pour décrire la nonne idéale ou pour rendre compte de tel cas singulier traité et réinterprété par le notaire. le mariage qui pouvait détenniner I' augmentation. P désignant la valeur attribuée a [a propriété. concourent. l'adot qui. en dépit de la possibilité foumie par la coutume d'échelonner les paiements sur plusieurs années el parfois jusqu'a la mort des parents.) 13.. cas de dissolution de l'union dont les contrats stipulent qu'il entraine la restitution de dot. est inconnue de la société paysanne. le versement de la compensation se révélait parfois impossible : on était alors contraint d' en venir au partage lors du mariage d'un des cadets ou a la mort des parents.) sont le produit de l'imagination juridique. Chez An. au fait que la richesse el le statut social se mesuraient d'abord ala taille de la propriété) fait que. En fait. par des dons en argent liquide ou par des ventes vivaient parfois dans la méme maison. fidelement conservés par la mémoire collectivc. 11. en rassemblant I' argent nécessaire au rachat des terres vendues pour payer les adots ou données satis forme d' adots 11. partagée entre trois enfants. Bien qu'on n'ait pas songé. telles les ventes de bétail. Mais la propriété familiale eüt été fort mal protégée si l' adot et. toujours prévus dans les contrats. (11 existait des spécialistes appelés barades qui venaient des Landes et creusaient les fossés divisant les propriétés. Ainsi.jusqu'á la mort des « vieux ». I'un ou I'autre de Ses enfants. L. La piece avec cheminée revenait toujours en ce cas a I'ainé. » (P. le pere était libre de décider a sa guise du montant de la soulte octroyée aux cadets. ce sont les parents la logique du droit savant et de les charger ainsi de virtualités contraires a leur principe. Ou. du méme coup.-P. ou de ceux que produit par anticipalion le pessimisme juridique et qui. étant confiées ala vieille maitresse de maison et « serrées» dans l'annoire -lou cabinet -). deux ou trois ménages Les strategíes matrimoniales 183 qui. on savait que telles maisons avaient des droits et on allait les leur proposer. par la. i l y a des piéces de terre qul ne sontjamais rentrées. ~ _ _J I . en dehors des cas que le droit et ses notaires ont a connaitre. en tout cas.~) C'est-á-dire que « quand on vendait ces terres. la propriété et la maison Bo.) «Parfois. a plus forte raison. c'est-a-dire les cas pathologiques. etc. « collocation ».-P. Le partage créait des difficultés terribles. mais pas toutes. avec l'espoir de restaurer un jour l'unité du patrimoine. a procéder aune interrogation systématique visant adéterminer la fréquence des partages au cours d'une période donnée. Ainsi. En application du principe selon lequelles propres appartiennent moins a l'mdividu qu'au Iignage.Tun des cadets devait faire le tour du quartier pour conduire ses chevaux dans un champ éloigné qui lui avait été attribué. comme on dit. unanimement considéré comme une calamité 12. afin d' en rester maltres. Mais il arrivait aussi qu'ils ne pussent racheter la maison. Dans le cas de la propriété Qu.. 00 peut douter que les regles juridiques se soient jamais appliquées ala lettre. Tout incline a supposer que les protections innombrables dont les contrats de mariage entourent l'adot et qui visent a en assurer «J'Inaliénabilité. sachant qu'en nombre de familles le jeune ménage était totalement dépossédé.. la séparation des conjoints. C'est le cas des propriétés Hi. sont statistiquement exceptionnels 13 : en effet. Di. a dus souíés) furent partagées entre les héritiers qui n'avaient pu saccorder a I'umiable : depuis lors elle est toute «croisée de fossés et de haies » (toute crouizade de barats y de plechs). le chef de famille a toujours la liberté de jouer avec les « regles» (a commencer par celles du Code civil) pour favoriser. (grande maison adeux étages. le mariage avaient dépendu totalement et dans tous les eas de la valeur du patrimoine el du nombre des héritiers légitimes et si l'on n'avait connu d'autres moyens pour écarter la menace du partage.182 Les stratégies matrimoniales extreme de l' argent liquide (qui tenait. A. Certaines ont pu erre rachetées ensuite. certains ainés mettaient la propriété en vente (pour s'en faire eux-mémes les acheteurs). A. c'est-á-dire d'acquitter les adots sous forme de terres. » (J. le retrait lignager donnait a tout membre du lignage la possibilité de rentrer en possession de biens qui avaient pu étre aliénés. chacun ayant son coin et sa part des terres. vers 1830.) « A la suite des partages. l'imprescriptibilité et I'Insaisissabilité » (cautions.» (J. les proportions n'étant fixées par aucune regle. de tout controle Sur les finances familiales (les produits de toutes les transaclions importantes.« font l'alné » et différents infonnateurs affirment qu'á une époque plus ancienne. pour une par! au moins. voire exceptionnels et. on raconte que. au rnoment de l'enquéte. il semble que les exemples en soient rares. «La "maison mere" (la maysou mayrane) conservait des "droits de retour" (lous drets de retour) sur les terres données en dot ou vendues. de toute information et.) 12.. plus ou moins secréternent. on l'a vu. dans le cas oü un cadet pouvait facilement favoriser par son mariage la réunion de deux propriétés voisines). de 1'héritier. comme on le voit clairement aujourd 'hui. groupe monopoliste défini par 1'appropriation d 'un ensemble déterminé de biens. du renom et des intéréts du groupe. quel que soit leur rang de naissance. soit lainé des agnats. un véritable héritier. Tout se passe comme si toutes les stratégies s'engendraient partir d'un petit nombre de principes implicites. en a a 14. celles qu i se traitaient sur le marché. qu'en dernier recours.g. 1'héritier étant toujours. effectuée le plus souvent a l' amiable (ce qui TI' exclut pas qu' elle soit scellée par un centrar devant le notaire). ce droit ne peut incomber (a la mort des parents) qu'a un hornme. implique non seulement des droits sur la propriété mais aussi le droit proprement potitique d'exercer l'autorité al'intérieur du groupe et surtout de représenter et d'engager la famille dans ses relations avec les autres groupes 15. des transactions importantes. parfois par testament (beaucoup firent ainsi. fait que si les droits de propriété peuvent parfois se transmettre par l' intermédiaire des fernmes et si l' on peut abstraiternent identifier la famille (la «maison »).un neveu par exemple -. Les stratégies matrimoniales 185 tant que telle. elle tend en tout cas. soit a la mort des parents. au moment de partir la guerre) : apres une estimation de la propriété. Le chef de famille détenait une autorité morale si grande et si fortement approuvée par tout le groupe que 1'héritier selon la coutume ne pouvait que se soumettre a une décision dictée par le souci d' assurer la continuité de la maison et lui donner la meil1eure direction possible. et iI se trouvait ainsi investi de I'autorité sur les ressourees monétaires de la famille et par la sur toute sa vie éeonomique. L 'alné se trouvait automatiquement déchu de son litre s'Il venait a quitter la maison. le chef de famil1e définissait les droits de chacun. qui pouvait ne pas étre le plus ágé 14. lorsque leur mariage était l' occasion de cette procédure.le cadet ne pouvait acquérir quelque indépendance éeonomique qu'en se constituant (e. mérne plus jeune. - . Le premier. pas toujours avec soeces. cest-a-dire défaut de tout deseendant mále. par l'existence d'un seul garcon. Le chef de famille pouvait sacrifier a lintérét du patrimoine la reale coutumiere qui voulait que le titre d'héritier revint nonnalement aupremier-né des garcons : tel était le cas lorsque I'ainé était indigne de son rang ou qu'il y avait un avantage réel a ce qu'un autre enfant héritñt (e. Le plus souvent confiné a la maison (ce qu¡ contribuait a réduire ses ehances de mariage).« faire vente »). c'est-a-dire un parent fút-il relativement éloigné . a accréditer l' existence de la regle. «Texception confirme la regle ».Les stratágies matrimoniales 184 fictives (ha berue. recevaient une soulte dont les autres recevraient l'équivalent soit au rnoment de leur mariage. ou a a a 15. Rien ne serait plus naif que de se laisser prendre au mol de « partage » que l' 00 emploie parfois pour désigner les «arrangements» de famille destinés a éviter le partage de la propriété. g. al' ensemble des détenteurs de droits de propriété sur le patrirnoine. Dans la logique du systerne. en 1914. En fait. le statut d'héritiere ne peut incomber a une femme. celui des enfants qui reste a la terreo Et l'on voit méme aujourd'hui de vieux chefs de famille sans enfants chercher. ce qui se comprend si l' on sait que le statut de « mairre de maison » (capmaysoué). comme le voulaient les anciens grammairiens. dépositaire et garant du nom. avec le produit d'une pension de guerre) un petit pécule envié et respecté. indépendamment de leur sexe. a I'occasion du mariage de I'un des enfants. Le chef de «maison » avait le monopole des relations extérieures et. les filles se trouvant vouées au statut de cadettes. qui accepte de res ter acultiver la propriété. Mais e' est encore se laisser prendre au piege du juridisme que de multiplier les exemples de transgressions anomiques ou réglées des prétendues regles successorales : s' il n 'est pas sür que. le primat des hornmes sur les femmes. en particulier. iI faut prendre au sérieux les pratiques qui témoignent que tous les moyens sont bons pour protéger 1'intégrité du patrimoine et pour écarter les virtuatités de division de la propriété et de la famille cornme ensemble de relations concurrentes d' appropriation du patrimoine qui sont enfennées en chaque mariage. el des cadets qui souscrivaient saliven! de bon gré des dispositions plus avantageuses pour 1'héritier que celles du Code et méme de la coutume et qui. a savoir «l'institution de l'héritier ». dit un informateur. pour mettre en place une structure génératrice de pratiques conformes a l'impératif fondamental du groupe. en cas de réponse positive. deux ou trois tetes de bétail qui.186 Les strategies matrimoniales défaut. 18. . une ou plusieurs tetes de bétail. au mépris des sentiments. que la terre done hérite de celui qui en hérite. 17. surtout de grande maison. il suffit de poser l 16. données en gasalhes (contrat a I'amiable par lequel 00 confie a un ami sur. rapportaient de bons proñts. les produits étant partagés entre les contraetants. Parmi les subterfuges employés pour favoriser un enfant. lopposiuon entre ainés et cadets n 'est pertinente que dans les familles dotées d'un patrimoine et elle perd toute signification chez les pauvres. C'est ainsi que les parents quí. droit d 'ainesse » n 'est que laffirmation transfigurée des droits du patrimoine sur lalné. le mari de 1'héritiere. le primat de l' ainé sur les cadets. un des plus courants consistait a Iui octroyer. on devrait se dcmander si. Mais il serait naif de croire que. quand il n'y a rien a brouter »}. Le fils voulait se 19. ses parents jouissaient des revenus des biens apportés par leur gendre et en exercaient I'administration tanr qu 'ils étaient en vie. se sentaient tenus dinterdire les mésalliances et d 'imposer. bien avant son mariage. a savoir la perpétuation de lintégrité du patrimoine. d'obtenir de lainé quil paye la rancon de son privilege en subordonnant ses intéréts propres a ceux de la lignée : «T'ai vu renoncer a un mariage pour 100 francs. en d 'autres cas. le groupe en question constitue réellement une uniré au moins sous le rapport directement considéré et. imparti aI'ainé. etc. Affirmer 1'indivisibilité du pouvoir sur la terre. Le deuxieme principe. il suffit de considérer les formes que revét la gestión de l'ado!. En identifiant les intéréts du chef de famille désigné aux intéréts du patrimoine. bref. Le probleme se pose ici avec une acuité particuliere puisque la survie de la maison et de son patrimoine dépend de son aptitude a maintenir I'intégration du groupe.. ni davantage les ruses destinées a assurer la satísfaction des intéréts individuels dan s les limites des convenances sociales. en devenant le mandataire de la lignée. la descendance une fois assurée. ouvriers agricole ou domestiques (<< Il n'y a ni ainé ni cader. tend a faire du patrimoine le véritable sujet des décisions économiques et politiques de la famille 17. malgré le travail d'inculcation exercé par la famille et continüment renforcé par tout le groupe qui rappelle sans cesse aI'ainé. des pratiques ou des intéréts. petits propriétaires. ainsi que les bénéfices et les pertes sur la viande). pouvaient eux-rnémes jouer avec la couturne pour satisfaire leurs inclinations (en permettant par exemple el leur enfant favorí de se constituer un petit pécule) [9. il pouvait s 'en servir pour doter les cadets (les limites a son droit de jouissanee étant évidemment plus strictes sagissant de bien s immobiliers et en particulier de terres). doit en certains cas sacrifier jusqu'a son norn de famille a la « maison » qui se l' est approprié en lui confiant sa propriété 16. les unions les mieux faites pour sauvegarder la structure sociale en sauvegardant la position de la lignée dans celle structure. la famille. par quels moyens se trouve obtenue cette unification des représentations. Toutes les fois que l'on donne pour sujet a une phrase des noms coílectifs tels que la société. Les échecs de l'entreprise dinculcation et de reproduction culturelle font que le systeme ne fonctionne jamais comme un mécanisme et qu'il TI'ignore pas les contradictions entre les dispositions et les structures qui peuvent étre vécues comme des conflits entre le devoir et le sentiment. De son coté. Les stratégies matrimoniales 187 l' équation fondamentale qui fait que la terre appartient a l' ainé et que I' ainé appartient ¡¡ la terre. le mari détenait le droit d'en user et. les privileges et les devoirs attachés a son rang. comme le voudrait un usage rigoureux de cette classe de concepts. Pour se convaincre de l'autonomie relative des droits politiques par rapport aux droits de propriété. l'identification sopere toujours et toujours sans conflits et sans drames. Preuve que le o. on a plus de chances de déterminer son identification au patrimoine que par n 'importe quelle norme expresse et explicite. Bref. apres en avoir estimé la valeur. la femme ayant sur les bien s dotaux apportés par son mari des droits identiques a ceux d'un homme sur la dot de sa femme. e'est affirmer 1'indivisibilité de la terre et détenniner I'aíné as'en faire le défenseur et le garant IS. Bien que la femmc restát théoriquement propriétaire de l' adot (1'obligation d'en restituer 1" équivalent en quantité et en valeur pouvant toujours venir a prendre effet). héritier par les femmes qui. bien souvent. du point de vue des normes mémes du systeme qui fait de la eontinuité de la lignée la valeur des valeurs. 11 était trop "enmonsieuré" (enmoussurit. L'ainé est souvent gáté par la mere jusqu'a ce qu"il parle de mariage . ce qui lui pennettait de se faire un peu d'argent. il y avait einq cadettes. soit une vache.. Toute la eruauté de cette situation téralologique.» (J. C'était un homme important. ne pouvait pas partir. le plus grand de Lesquire. Pour les cadettes.» (J. n 'avaient rien et ne pouvaient pas sortir. Comme ca. soit deux moutons. les droits de l'héritier sur la propriété restaient virtuels. recueilli . seul moyen de s'opposer a un mariage refusé.. 20. Mais le pere avait choisi une filie mariée a un voisin pour accroitre son patrimoine. il fallut rendre la dot entiere a la veuve qui sen retourna ehez elle. furent tres mécontentes de ce choix. iI faut que tu rarnenes des satis pour payer (pour) les deux autres. l'autorité parentale. 22.. tenu d'étre a la hauteur de son rang. avec une dot de 2 000 francs également. en attendant. il nétait pas capable daller gagner sa vie. . on m'avait donné une vache que j'avais confiée a un ami en gasalhes. Et puis. Les autres cadettes. que va-t-elle apporter? Son sexe 7" Le garcon se maria avec une filIe E. une des cadettes avait été mariée a La. au risque de se voir déshérités au profit d 'un autre frere ou sceur. pouvait se retoumer contre sa fin légitirne et conduire au célibat. en rupture avec toutes les normes du groupe : « L' ainé de chez Ba. les ainés qui ne pouvaient ni se révolter contre l' emprise de leurs parents. se trouve eontenue dans ce témoignage. Elle n'a rien. les parents faisaient un régime de faveur pour l' atoé. a l' occasion du départ pour le service militaire. eomme celui-ci. qui constituait l'instrument principal de la perpétuation de la lignée lorsque les intéréts des parents coincidaient avec ceux de la lignée.) De plus. vers 1910. ils firent revenir la cadette qui était mariée chez S. » Ceux qui voulaient se marier contre la volonté des parents rr'avaient d'autre ressource que de quitter la maison. monsieur). A. qui n' avait pas un sou.. el recut une dot de 5 000 franes. Il ne pouvait pas partir. Certains (cadets) allaient gagner un peu d'argent de poche au dehors. va-t-en!" Chez Tr. ils se placaíent quelque temps comme cocher ou cornme joumalier.. "Cornment vas-tu payer les cadets? Si tu veux te marier avec celle-la. fait passer sans transition de la c1asse des héritiers démunis a celle des propriétaires légitimes : iI s' agit en effet d' obtenir des héritiers qu'ils aceeptent les servitudes el les sacrifices d'un état de minorité prolongée au nom des gratifications lointaines attachées au majorat. Les jeunes travaillaient et les vieux gardaient la monnaie. II avait été le premier du hameau a porter la veste. un conseiller municipal. JI mourut sans enfants 20. Quand vint le moment de marier l' atoé. Les ainés. ils ne láchaient rien ". en sorte qu'il ne disposait pas toujours des moyens de tenir son rang et avait moins de liberté que les cadets ou que les ainés de rang inférieur : « Le pére "coulait" les sous tres doucement. ríen. Peu apres le mariage de l ' alné. Le pere tui dit : "Tu veux te marier? J' ai payé (pour) les cadettes. tres souvent. A. ils avaient un peu d'argent. "Tu auras tour" (qu' at aberas tout). 21.-P. lainé de grande maison pouvait moins que tout autre recourir acette solution extreme. Il se mil a boire et devint décrépit.-P. pas de viande. de moussu. dont ils pouvaient disposer comme ils voulaient. cas le plus fréquent. 00 tui donnait le bon morceau de "salé" el tout le reste. (propriété voisine) pour prendre la place de I'ainé. souvent prononcée ironiquement paree qu'elle apparait comme le symbole de I'arbitraire et de la tyrannie des « vieux ».» Ainsi. La suite de l'histoire n'est pas moins édifiante'« A la suite de disputes. Mais. conduit au principe des tensions spécifiques engendrées par tout mode de transmissíon du pouvoir el des príviléges qui. trois cadettes étaient déja mariées. on donnait au cadet un petit pécule (u cabau) : soit un petit coin de bois qu'il pouvait exploiter. Le garcon aimait une fille de La. La femme nest pas faite pour étre mise au vaisselier (lou bachéré) (cest-a-dire pour étre exposée). lIs ne pouvaient mérne pas sortir. Le mariage ne marcha pas bien. ni renoncer a leurs sentiments ". et. Au moment de la guerre..188 Les slratégies matrimoniales marier. 85 ans en 1960. Cette formule.) Les stratégies matrimoniales 189 tant que les parents étaient vivants. Parfois. qui vivaient plus loin. Ainsi moi. disaient les parents. Ce que l' on n'obtient pas toujours sans peine de l'héritier. c'était une honte (u escami. d'un vieux célibataire (1. .' Nous n'étions pas riches. faut-il se garder d'oublier. en fait et en droit. né en 1885. tu ne dois pas te marier. cest-a-dire du hasard biologique qui fait que le premier-né est un garcon ou une filie. dit le proverbe.. le chálit -l'arcalhéyr -. cest qu'elle représente dans tous les cas une mauvaise carte.. privilégié du systeme. j'aurais pu partir. a tort ou a raison. C'était un bon parti (u bou partir). le pouvoir domestique est confié (apres la mort des parents au moins) a un étranger. oü l' autorité doit s' affirmer expressément pour réprimer les sentiments individuels.190 Les stratégies matrimoniales Mais I'étude de ces cas pathologiques. circulant de bas en haut. avec la complicité du hasard biologique qui fait que le premier-né est un garcon. a Chambéry [. "Non. A. paree qu'on ne peut souhaiter. puis je rentrais vers minuit.). c'est-á-dire un affront qui jette dans le ridicule aussi bien I'auteur que la victime).. ni qu' elle reste a la maison. alors que ma mere et ma sceur étaient la. sans jamais sortir. (artisan du bourg. etc. » Et le témoignage de I'infonnateur rejcint celui de I'intéressé : « P.. bien que." JI ne me dit pas ses raisons.lou ménadje garnit -. je donnais parfois un coup d'ceil au baI. done la doter. Mais autrefois. toujours excep- tionnels. II aurait fallu nourrir une bouche de plus. Elles dominaient la maison. avec mon pere. ne doit pas faire oublier tous les cas oü la norme peut demeurer tacite paree que les dispositions des agents sont objectivement ajustées aux structures objectives. au Sschasseurs alpins. Bien sur. M.) í Les stratégies matrimoniales 191 dispensant de tout rappel aux convenances. cette «convenance » spontanée en béamais.. cest-a-dire fille unique (cas fort rare puísqu'on espere toujours avoir un « héritier ») ou ainée d'une ou de plusieurs sceurs. le n'avais plus de penchant pour les autres [. comme inciterait a le faire l' autonomisation des stratégies matrimoniales. En effet. II avait une sceur et une mere qui savaient tout ce qui se passait dans le village. on jouait aux cartes. comme pour un garcon. 00 veillait entre garcons. apres son mariage. en cas de mariage avec un cadet. se marier au-dessus de sa condition : héritiere. II ne fallait pas étaler devant les gens les conflits familiaux [. Mon pere s'opposa formellement. e'est-á-diré l'équipement domestique: le "buffet". elles se liguerent avec le pere. lui sest laissé dominer. J'ai cessé de danser. lorsque. comment l' obtenir des cadets que la loi de la terre sacrifie? Sans doute. dans le premier cas..-L. ·'A quoi bon une femme? II Y en a déjá deux a la maison. l'urmoire. Apres mes deux ans de scrvice militaire. le fils alné qui allait s'installer avec sa femme dans une maison indépendante. D'autres se seraient dressés contre leur pere. elle ignore les obstacles sociaux qui s'imposent au garcon et qu'elle puisse. cadette. J'aí fréquenté une jeune fille de Ré . célibataire. elle est rentrée et vit toujours avec moi. du .. Elle apportait une dot de 10 000 francs avec le trousseau. on peut confier la succession a un enfant unique."» (J. auraient cherché a aller gagner un peu d'argent au dehors . le sommier. Les jeunes filies de mon áge étaient routes mariées. ]. A. ). ni qu'elle parte au loin. que les stratégies de fécondité peuvent aussi contribuer a résoudre la difficulté en la faisant disparaítre. c'était pour jouer aux cartes. J'a¡ été tres touché. les parents peuvent agir sur la donne en limitant le nombre de cartes lorsqu 'ils sont satisfaits de celles qu'ils ont recues : de la l'importance capitale de l'ordre d'apparition des cartes. Nous avions décidé de nous marier en 1909. ]. elle ne peut assurer la conservation et la transmission du patrimoine qu' en exposant la lignée puisqu'en cas de mariage avec un ainé. La relation qui unit les différentes especes de stratégie de reproduction que sont les stratégies de fécondité et les stratégies matrimoniales fait que. ágé de 86 ans en 1960) o 'avait jamais de sous pour sortir : il ne sortait jamais. On aurait supposé qu'il y avait une brouille grave..je suis rcvenu a la maison.-P. la « maison » se trouve en quelque sorte annexée a une autre et que. on peut limiter la le nombre d'enfants et non dans I'autre caso Si la venue au monde d'une filIe nest jamais accueillie avec enthousiasme (« quand on nait une filie dans une maison. Quand il parla de se marier. Quand je sortais le dimanche.. J'a¡ été mobilisé en 1905.). il tombe une poutre maitresse »). mais il me les laissa entendre: "Nous n'avons pas besoin de femme ici. Ma sceur n'a quitté la maison que pendant six mois. le consentement du pere et de la mere était indispensable (a la fois "juridiquemenr" et maténellernent . seu le la famille pouvait assurer "le ménage gami" . A l'époque. on ne peut que la marier. artisan résidant au bourg: « L'ai travaillé aussitót apres l'école a l'atelier. Une fois veuve. elle aurait pu se marier. le beau-pere peut se contenter de payer les intéréts de l' adot apporté par son gendre qui peut espérer rentrer dans sa maison apres réconciliation. Plus le montan! de l' adot est élevé. etc. dans certaines grandes familles qui avaient les moyens de se pennettre ce surcrolt de charge.) De facón générale. Tu as recu une dot par contrat. Lorsque 1'héritier est fils unique 24. 00 évitait de toucher a Yadot. iI revenait dans la famille de celui qui I'avait apporté. Ses parents lui disent : "Tu prends 20 000 franes. Elle est devenue cadette el. d 'un adot aussi élevé que possible. faire arranger la maison. entrée d'argent sans eontrepartie (autre qu 'un déficit en allianees) si la recherehe de la maximisation du profit matériel ou symbolique qui peut étre attendu du mariage. de crainte que l'un ou I'autre des époux ne vint a mourir avant que les enfants ne fussent nés 25. quel que soit son rang : 1'héritier peut étre enfant unique ou non. Certains contrats de mariage prévoient qu'en cas de séparation. Versé nonnalement au pere ou a la mere du conjoint et. il peut avoir un frere (ou plusieurs) ou une sceur (ou plusieurs) ou un frere el une sceur (ou plusieurs freres et/ou sceurs dans des proportions variables). Les stratégies matrimoniales 193 faire une bonne affaire. que I'on gardát une des filies a la maison. par soi. c Chez L. de D. comme toutes les cadettes. il faut assurer les dépenses de la féte. 11 arrivait. Comme era la dot restait." C'est que le mariage coüte cher. On n'a pas fait grand-chose pour qu'elle se marie.. c'est-á-dire au cas oü il n 'avait plus ses parents. seules sont pleinement reeonnues les unions oü la dissymétrie que l' arbitraire culturel établit en faveur de l'homme est redoublée par une dissymétrie de méme sens entre les situations économiques et sociales des époux. daos ce demier cas. rien ne s' oppose a ce qu 'une ainée de petite famille épouse un eadet de grande farnille. bonne saos salaire toute sa vie. le conjoint survivant en conservait I'usufruit ou bien. restitution de dot qui peut étre exigée dans le cas OU le mari ou l'épouse vient a mourir avant la naissanee d'un enfant et qui fait peser des craintes disproportionnées avec sa probabilité : «Supposons un homme qui se marie avec une fille de grande famille. tu erois 23. » (P. I'adot devait s'intégrer au patrimoine de la famille issue du mariage. des chances tres inégales de réussite a stratégie équivalente. Le risque que l'on peut appeler politique est sans doute plus directemcnt pris en compte dans les stratégies. a I'héritier lui-méme. En fait. entre tous les mariages que la nécessité éeonomique impose. . serait-ee par des stratégies de bluff (toujours tres difficiles et tres risquées dans un univers d'intereonnaissanee quasi parfaite). en effet. L. Bien que. de bas en haut. paree qu'il touche un des principes fondamentaux de toutes les pratiques: la dissymétrie que la tradition eulturelle établit en faveur de 1'homme et qui veut que I' 00 se place au point de vue masculin pour jugerd'un mariage (« de haut en bas » signifiant toujours implicitement entre un homme de rang inférieur et une femme de rang supérieur) fait que. Elle se charge des parents. 00 I'a abétie. Elle lui apporte une dot de 20 000 franes.. autorise différentes stratégies. tout restait. ne trouvait sa limite dans les risques éeonomiques et politiques qu' enferme un mariage disproportionné ou. cornme on dit. ou de la mort de I'un d'eux. Il va t'arriver un accidento Cornment vas-tu rendre si tu dois le faire? Tu ne pourras pas. Soit maintenant le cas oü la deseendance comporte au moins un garcon. Le risque économique est représenté par le tournadot. le pouvoir domestique soit rela25. iI passait dans les mains des enfants. en cas de disso1ution de I'union. comme on 1'a vu. inégalement faciles et inégalernent rentables. Marie était l'aínée. » 24. Tu vas en dépenser une partie. et plus la position du conjoint adventice s'en trouve renforcée. la stratégie matrimoniale n'aurait pas d'autre enjeu que I'obtention. que. tu te mets dehors. Le risque de voir disparaltre la lignée par le célibat de I'ainé est apeu pres nul daos la période organique du systeme. lorsqu'il y en avait. par le mariage avee une riche cadette. mis a part les obstacles économiques.l 192 Les stratégies matrimoniales fait que la force de travail qu' elle peut foumir TI' est pas ala mesure de la charge gu'elle impose 23. Chaeun de ces jeux qui offre. alors qu 'un aíné de petite famille ne peut épouser une cadette de grande famille . dans le cas contraire. par exception seulement. on avait coutume de dire: «Elle ne veut pas abandonner la louche ». D'une femme autoritaire. l' adot d'une jeune filie issue d'une famille tres riche. Il est significatif que. tant daos la vie sociale que dans le travail et les affaires domestiques et.ainsi. surtout lorsqu'íl existe une dissymétrie en faveur de 1'héritiere. quand ce n 'est pas dans la séparation pure et simple des résidences. de fait. les propriétés un moment réunies se séparent souvent des la génération suivante. Et. la mere étant d'autant plus en mesure de suivre la voie ouverte par son Les stratégies matrimoniales 195 Le risque de dissymétrie n'est jamais aussi grand que dans le cas oü l' ainé épouse une cadette de famille nombreuse : étant donné l'équivalence approximative (dont témoigne l' amphibologie du mot adot) entre I"adot versé al' occasion du mariage et la part du patrimoine. il réunit deux propriétés. le déséquilibre initial est tel parfois que c'est seulement a la mort de sa bolle-mere que l'on pourra dire de lajeune bru : « Maintenant lajeune est daune. done de renforcer par la sa position dans la famille.que toute l'histoire matrimoniale de la lignée est engagée daos chaque mariage.194 Les stratégies matrimoniales tivement indépendant du pouvoir économique. qu'elle a apporté une dot plus importante. 26. Peut-étre paree que la question des fondements économiques du pouvoir mariage. L'évocation de la transaction matrimoniale est I'argument ultime daos les conflits pour le pouvoir domestique: « Quand on a apporté ce que tu as apporté . ee qui est en jeu. la mere lui dit : <de ne te donne pas encorelalouche. chacun des enfants recevant I'une d'elles en héritage. la mere ne fait que défendre les intéréts de la lignée eontre les usurpations extérieures 211. la mere qui. id comme ailleurs. le montan! de l' adot constitue un des fondernents de la distribution de I'autorité au seín de la famille et. C'est dire . entre les patrimoines qui ont des ehances de s'apparier.» 28. la belle-fille est occupée ailleurs. Dans le contlit ouvert ou larvé a propos de la résidence. » (dap ~·o qui as pourtat). en associant deux voisins. donne un tour avec la louche pour tremper la soupe. en particulier.. Pour rappeler la bel1e-fil1e a son rang. puis toume la louche vers le chef de famille (aíeul. c'est la disparition d'une «rnaison » et du nom qui lui est attaché?". toutes ehoses égales d'ailleurs. Le « mariage de bas en haut » menace la préémi- nence que le groupe reconnait aux membres majes. quand tout le monde est assis. done. y verse le potage et les légumes . mais tres nombreuse. Pendant ce temps.» 27. de la force dont disposent la belle-mere et la bru dans le conflit structural qui les oppose 26 . 29. en défendant son autorité. Sauf dans le cas oü. c'est-a-dire de marier son fils dans son village ou son quartier d'origine. cest-a-dire ses intéréts de rnaitresse de maison. deux des plus grandes familles de Lesquire s 'étaient trouvées réunies par le mariage de deux héritiers qui continuaient a vivre chacun dans son domaine (« on ne sait pas quand ils se réunissaienr pour faire les enfants »] : . dans tous les cas attestés. pendant que le pot bout elle met « les soupes » de pain dans la soupiere. dans la mesure oü l' autorité et la prétention a l'autorité dépendent autant du capital matériel et syrnbolique de la famille d' origine que du montant de la doto Le mariage de I' ainé avec une ainée pose avec la plus extreme acuité la question de I'autorité politique dans la famille.et on en yerra d'autres preuves . elle apporte la soupiere sur la table. consciente qu 'elle plierait plus facilement ason autorité une jeune filIe de basse extraction qu 'une de ces jeunes filles de grande famille dont on dit qu'elles « entrent (en) maitresse de maison » (qu'ey entrade daune) daos leur nouvelle famille ". e'est la domination de I'une ou l'autre lignée. Le maniement de la louche est l'apanage de la rnaitresse de maison: au moment de passer atable. pere ou oncIe) qui se sert le premier. En fait. Ainsi. ee type de mariage tend a installer les conjoints dans I'instabilité entre les deux foyers. L'équilibre qui s' établit alors en apparence entre la valeur de l' adot apporté et la valeur du patrimoine de la famille peut dissimuler une discordance génératrice de conflits. pouvait user de tous les rnoyens en son pouvoir pour empécher un mariage « de haut en bas » était la premiere a s'opposer au mariage de son fils avec une femme d'une condition trop haute (relativement). en d'autres cas. en tant que maitresse de l' intérieur. le poids relatif des conjoints dans la structure du pouvoir domestique est au principe des stratégies matrimoniales de la famille. symbole de I'autorité sur le ménage.. peut n' étre pas supérieur a celui d'une cadette unique de famille moyenne. OU l' abondanee. le capital économique et symbolique qu 'une famille peut engager dans le mariage de 1'un de ses enfants dépendant pour une bonne part de la position que cet éehange oeeupe daos l' histoire matrimoniale de la famille ". les représentations et les stratégies y sont plus proches de la vérité objective. pour parler comme Max Weber. pourrait ri'étre qu'un cas particulier de la sociologie politique : la position des conjoints dans les rapports de force domestiques el. nous le garderons. suscitent une faim de terre qui ne peut que profiter au patrimoine. TI' es! jamais indépendant du capital matériel el symbolique (dont la nature peut varier selon les époques el les sociétés) qu'ils ont apporté. Dans le cas des cadets. l' adot des filies est a peu pres toujours supérieur a eelui des garcons. sinon le plus confonne aux intéréts de la lignée. le premier cadet cene de la mere. si saliven! livrée aux baos sentiments. a obtenir de la famille de l'épouse un adot suffisant pour payer 1"adot des cadets et/ou des cadettes sans étre obligé de recourir au partage ou d'hypothéquer la propriété et sans faire pour autant peser sur le patrimoine la rnenaee d'une restitution de dot exeessive ou impossible. tandis que la mariée devait plier le doigt de maniere a éviter que le marié puisse enfoncer complétement l' anneau nuptial.« Si c'cst un chapan. Il sensuit que ron est moins pressé de marier le cadet (sinon. la société béamaise suggere que la sociologie de la famille. leurs chances de succes daos la concurrence pour l'autorité familiale. dans la mesure d' abord. qui a épousé la filie Da. si cest un coq.) 30.l 196 Les stratégies matrimoniales domestique y est abordée avec plus de réalisme qu'ailleurs ". Malgré les apparenees. la sceur la plus ágée. 00 l'a vu. On raconte que pour assurer son autorité sur le ménage. en ce cas : o: 11 a mis au joug la jeune génisse (r anouille¡ avant la aénisse (la bimeí. que ehaque transaetion matrimoniale ne peut étre comprise que comme un moment daos une série d' éehanges matériels et symboliques. contre la tradition anthro- l'uiné de leurs enfants (né vers 1890) a recu la propriété du pere. cest du mariage de l'héritier que dépend pour une bonne part le montant de l' adotqui pourra étre versé aux eadets. les deux autres cadettes une maison au bourg. c'est-a-dire pour le monopole de l' exercice légitime du pouvoir daos les affaires domestiques. voire la surabondance de main-d' ceuvre. et que. et le plus conforme ases intéréts. le mané (lou nobi) devait poser le pied sur la robe de la mariée. C'est le cas lorsque le premier marié absorbe toutes les ressaurces de la famille. » . Ou bien Iorsque la cadette se marie avant lalnée. il est partout jamais chez lui. si possible au moment de la bénédiction nuptiale. le marier aune héritiere : s'il se marie dans une famille de méme rang (ce qui est le cas le plus fréquent). c'est qu'il n 'ya pas d'autre issue. done le mariage qu'ils pourront faire et méme sils pourront se marier: aussi la bonne stratégie consiste-t-elle. Les stratégies matrimoniales 197 pologique quí traite chaque mariage eomme une unité autonorne. L. et e'est le eas le plus normal. Mais 1'héritier unique Teste malgré tout relativement rareo Daos les autres cas. On peut. une fenne héritée d'un oncle prétre. dans les grandes familles. ce qui tend a accroitre leurs chances de mariage. du méme coup. 11 fait navette d'une propriété a l'autre. nous le mangerons . et le plus rapidement possible. » (P. bref s'il apporte un bon adot et s'il s'impose par sa fécondité et son travail. C'est dire en passant. le eas de laíné qui a une sceur (ou des sceurs) est tres différent de celui qui a un frere (ou des freres) : si. le premier cadet) que de marier la eadette ou méme l' ainé. c'est-á-dire lorsquil se 31. peut-étre. désormais plus difficile a «placer» sur le marché matrimonial parce que suspecte d 'avoir quelque défaut caché: on disait du pere. Le proverbe décrit avec beaucoup de . comme 1'indiquent spontanément tous les infonnateurs. la stratégie peut étre plus complexe.. L'interrogation sur le mariage entre ainés suscite toujours la méme réprobation et dans les mémes termes: «C'est le cas de Tr. II faut que le maltre soit Ji. il est honoré et traité comme le véritable maitre": dan s le cas contraire. 11 est toujours en chemin. que de marier ces bouches inutiles.éalisme la situation du cadet. » 32. en ce eas. Le rang du mariage dans l'ensemble des rnariages des enfants dune mérne famille peut aussi avoir un poids détenninant. » (J. Mais il était souvenr condarnné au cél ibat : « Étant le cadet." Il vivait dans le malaise. lean de la maison Tinou) 33. Il était considéré comme la cinquieme roue de la charrette. Un tres bon domestique gagnait 250 a 300 francs par an avant 1914. A. Dans tous les autres cas . ou le célibat et la condition de domestique. avec la généralisation des échanaes monétaires el l'améhoration de la situation du marché de la main-d'ceuvre uericolc qui résulte de I'exode rural et de 1'apparition de quelqucs emplois non agricoles. ce qu i facilitait le passage devant le maire.« mariage de la faim avec la soif » (auxquels les plus pauvres ne pouvaient échapper qu' en se placant avec leurs femmes cornme «domestiques apension ».» (P. artirée par une copme. 11 ne pouvait fréquenter les anciennes relations de sa femme.) «H. a 10 ans. [a maison.) La condition du journalier. MOl. puisque son mariage est plutót moins coüteux que le sien et son célibat incomparablement plus utile. Tous ces types qui font des mariages de bas vers le haut sont marqués pour la vie.-P. Nous étions aussi pauvres I'un que l'autre..-P. Du méme coup. par sa situation économique. s'est améliorée.tés pou~ partir.) tout l'hiver et les jours de pluie. Quoiqu'il soit aussi bien fait pour assurer la continuité du lignage et la transmission du patrimoine que le mariage entre l'ainé et la cadette. le mariage entre le cadet et l'ainée n'est completement admis que lorsque. On lui disait : "Tu aurais dú prendre une bonne petite paysanne. le domestique (lou baytet) engagé pour l'année est nourri. il doit tout sacrifier a la nouvelle maison dont ses beaux-parents entendent « rester maitres ». ville ou vers I' Amérique et 1'espoir d'un métier et d'un établissement. blanchi. il pouvait espérer achcter une maison avec 10 ou 12 années de salaire et. évidemment. j'ai éré placé tres tót. stérile. domestique daos une maison. logé. comme domestique a Es. chez soi ou chez les autres (pour les plus pauvres) 34.» (J. elle aurait été d'une autre aide pour toi. né en 1898. au moins en valeur relative. domestique agricole. son travail et que1quefois son nom (lean Casenave devenant par exemple « Van dou Tinou ». elle se rabat sur son domestique Pa. autrefois plus misérable que celle du domestique. Il était toujours géné et aussi génant pour la famille. L. mérne dans les plus grandes maisons. c'est elle qui reste la patronne. comme on dit "le mariage de la faim avee la soif". L "ainé bien sur avait le "ménage garni" (lou menadje garnit) des parents. Cet homme est toujours resté de chez Pa.198 Les stratégíes matrimoniales Les stratégies matrimoniales 199 marie «de has en haut ». Il n'avait méme pas assez d'autorité pour imposer la fidélité de sa femme. le cadet soit infiniment préférable a la cadette. qui dépense a peu pres tout ce qu 'H gagne (<< jusqu 'en 1914.. Étant donné d'une part que tres rares étaient ceux qui ne reculaient pas devant les aléas du mariage avec une cadette. e 'était elle qui dirigeait et qui se payait du bon temps.) (Recueilli en béarnais. son adot. le matértel agricole. elle tenait l'harmonium a l'égfise. haylets a pensiou) et d'autre part que la possibilité de fonder un foyer tout en restant dans la maison paternelle était un privilege réservé a1'ainé. pendant ce temps.)« Une filIe de grande famille épouse un de ses domestiques. en der34. Elle jouait du piano. A. A la différence de l'ouvrier journalier qui ne trouve des «jour- . il ne restait a ceux qui ne parvenaient pas a épouser une héritiere gráce a leur adot parfois augmenté d'un petit pécule laborieusement amassé (/ou cabau) que l'émigration vers la nées • (journaus¡ quá la belle saison et demeure souvent sans travail 33. que la famille est plus étendue : le mariage de rrois ou quatre cadettes crée en effet. c'est souvent comme ca. parfois appelé esterlou. des difficultés a peu pres insurmontables.dont le mariage entre le domestique et la « patronne » n'est que la limite -les impératifs culturels les plus fondamentaux sont transgressés: «Lorsqu'un petit cadet vient s'installer chez une grande héritiere. Sa mere avait beaucoup de relations et recevait des gens de la ville. S "il érait tres économe. La jeune filie que je fréquentais est partie en ville.Ia jeune filie n'artend paso Elle a plus de faeili. était passionné de sa terreo Il souffrait quand la pluie n'arrivait paso Et la gréle! Et tout le reste! Il finit par se marier avec la patronne. C'est lui qui travaillait. raí fréquenté lá-bas une jcune filie. avec d'autres garcons qui étaient dans mon cas. la basse-cour. un sou par jour et nourri ») pour acheter du pain ou de la farine. pouvant aller jusqua cntrainer le morcellement de la propriété. Si le mariage s'était fait. se placer en ville comme bonnc. Apres différentes tentatives de mariage. je m'amusais a ma facón. On comprend que du point de vue de la famille. L'avantage que présentent les garcons est d'autant plus grand. c'esr-á-dire le eheptel.» (N. qui est souvent obligé de prendre des travaux a forfait (o pres-heyt¡ pour joindre les deux bouts (fa jUlIfa). Il n'était pas du méme monde. C'est dire que tout le systéme repose. ca aurait été.. la situation du domestique et les rapports de dépendance qu'clle implique tendent a paraltrc insupportables. etc . avcc la dot d 'une jeune filie et un pcu d "argcnt emprunté. acquérir une ferme et des terres. le « gendre » détient une autorité qui le met en mesure de s'imposer comme le chef de sa nouvelle famille. . je me suis retrouvé dans la famille du frére le plus ágé. ] J'étais gáté par mes freres. surtout peutétre.. I'áge moyen au mariage est de 31 ans et demi pour les hommes et de 25 ans pour les femmes. je l'aidais. A. D'abord. consciemment ou inconsciemment portées aretenir au service de la maison. cest-á-dire du systeme) la limite «Idéale » du domestique qui. celui qui partait gagner sa vie a la ville ou qui allait chercher fortune en Amérique et celui qui restait a la maison. ce laisser-faire suffit aaffaiblir tres considérablement leurs chances de mariage. Puis j'ai fait la guerreo A mon retour. C'est alors que je me suis rendu compte de mon isolement dans cette famille. a 70 ans. chez Ch. « 11 y avait de vieux cadets dans des maisons situées a deux heures de marche (7 a 8 kilometres) du bourg.-P. JI y en a encore quelques-uns. sans mon frere ni ma mere qui me gátaienr tanto Par exemple. a la famille el. Et puis. au quartier Le. grands mutilés. qui étaient restées étendues sous l'orage et qui auraient été rentrées si j'avais été la. aux enfants de 1'ainé. La vie serait plus agréable pourmoi. 38.. pour la plupart. Apres sa mort en 1929. assez typique : ({ J'étais le demier d'une famille de cinq. » (J.» 37. le cadet dans une maison. qui venaient a la messe au bourg. le cadet casanier représente (du point de vue de la famille. le jour des fétes seu lement et qui. 00 y met peu d'empressement. dans un univers de dirigisme matrimonial. ce « domestique sans salaire » 36. tous trois pensionnés. domestiques. avee la complicité des familles. Bref. ce ri'est pas assez de dire que I'on n'est pas pressé de marier les cadets. pouvaient ineliner nombre de cadets a accepter cette vie qui. je I'accompagnais aux foires et aux marchés. s'en excluent eux-mémes par la taille excessive de leurs familles. le troisieme amputé d'une jambe.. au moins pour un temps. bien a moi. le quatrieme un peu abruti par la guerreo [.. Du fait que tout 1'incite a investir et mérne a surinvestir dans une famille et un patrimoine qu' il a toutes les raisons de considérer comme les siens. II doit étre toujours sur la breche. voit sa vie privée envahie et comme annexée par la vie familiale de son patron. 00 peut méme aller jusqu'á subordonner la remise de la dot a la condition que le cadet consente a travailler aupres de l'ainé pendant un certain nombre d'années. On lui fait des reproches qu'un patron n'oseraitjamais faire a ses domestiques. «donne la quiétude du célibat avec les joies de la famille »38. depuis le mariage manqué jusqu'a l' accoutumance insensible qui faisait « passer l' áge » du mariage. peut-étre me marier. Le cadet avait en principe la jouissance viagere de sa parto A sa mort. journaliers. Je garde un tres bon souvenir de cette période. moins ils ont envie de sortir r.C'esr l'alné qui sortait. Par des voies opposées. tout petits propriétaires. J'avais laissé passer l'ñge de me marier.. a la lerre. n 'a jamais assez travaillé. qui se trouve consciemment ou inconsciemment encouragé a investir une part impor- 35. contribuaient ala sauvegarde du patrimoine 37. apportant sa force de travail sans accroitre la charge du ménage el sans entamer la propriété. Moins ils sortent. ou passer avec lui de véritables contrats de travail ou mérne lui faire espérer une augmentation de sa part. lis étaient les soutiens de la maison. j'érais souvent cafardeux et mes moments de liberté. négative. le mariage tardif qui tend a limiter la fécondité : ainsi pOllr la période de 1871 a 1884. je quitterais vite la famille pour me placer. 11 y avait sans doute mainte autre facon pour un cadet de devenir célibataire.. Entre autres. je trouve une famille amoindrie : un frere tué. mon frere m'a reproché la perte de quelques charges de foin. je les passais a boire avec des copains qui. contre respectivement 29 ans et 24 ans pour la période 1941-1960.) . elle revenait a l'héritier. 11 suffira d 'un térnoignage. selon la formule superbement fonctionnaliste de Le Play. souvent traité comme « membre de la famille ». chez Sa. n "étaient jamais allés a Pau ou a Oloron.j'aura¡s une familJe indépendante. Avant la guerre de 14 (né en 1894). L' adhésion inculquée des J'enfance aux valeurs traditionnelles et ala division coutumiere des taches et des pouvoirs entre les freres.. un jour oü j'avais pris la liberté d'aller a Pau. Celui qui avait une maladie de poitrine ne pouvait rester seul. sur les stratégies de fécondité 35 : on peut en voir une preuve.. lis me donnaient de 1'argent. puis chez L.l 200 Les stratégies matrimoniales Les stratégies matrimoniales 20l nier ressort. et. Les jeunes filies de mon áge étaient parties ou mariées. étaient dans mon casoJe vous assure que si je pouvais revenir en amere. en tout cas exc1us du jeu. a la maison. daos le fait que les plus pauvres. j'ai été domestique chez M. 36. l'ulné. l' attachement au patrimoine familial.]. s'il était demeuré célibataire. done prédisposé a la réussite. Ainsi le cadet est. On raconte que parfois. c'est-a-díre la valeur du patrimoine el le montant de l ' adot. C' es! en outre que la prime éducation. saufaccident. entité collective définie par son unité économique. les descendances trop nombreuses et trop chargées en filles. les criteres réellement pertinents dans la logique du systeme. en un mot des goüts qui s'appliquent. la santé et la beauté des filles. le rnariage du cadet avec la veuve de l'uiné dont il hérite (levirat) était relativement fréquent. B.age la sécurité économique el affective assurée par la parücrpation ala vie de la famille 39. la victime structurale. Et tout se passe comme si les discordances les plus patentes.). on demandait a un vieux cadet demeuré célibataire de se marier afin d'ussurer la continuité de la lianée (J. de l'intérét collectif et de 1'intérét indíviduel. comme la vertu. cet amour de son propre destin social. qui réunit les partenaires socialement prédestinés par les voies apparemment hasardeuses et arbitraires d'une éleetion libre.) Les stratégies matrimoniales 203 ceptes du discours éthique et pédagogique. celles qui font juger scandaleux le mariage entre un homrne pauvre et une héritiere riche mais laide.de. elle tend a exclure les conflits du devoir et du sentiment.-P. tendent a éearter la mésalliance : ici comme ailleurs. On comprend cambien est artificielle et tout simplement cxtrinseque I'interrogation sur les rapports entre les structures et les sentiments: les individus et méme les familles peuvent ne reconnaitre que les criteres les plus ouvertement avouables. les manage~ ~e ce type ont été assez nombreux : « On aITange~lt l_e~ choses. Si le systeme peut fonctionner dans la grande majorité des eas sur la base des criteres les moins pertinents du point de vue des prineipes réels de son fonctionnement. » (A. c'est d'abord que I'édueation familiale tend a assurer une corrélation tres étroite entre les criteres primaires du point de vue du systéme et les earaetéristiques primordiales aux yeux des agents : de mérne que l' ainé de grande maison doit plus que tout autre incamer les vertus qui font « I'homme d'honneur» (homi d'aunou) et le «bon paysan ». de la raison et de la passion. dans le cas oü I'ainé n'avait pas d'enfant ou venait a mourir sans descendance. La maitrise qui saffirme dans l'art des stratégies matrimoniales n' accede pas al'ordre du discours paree que. qui.Les stratégies matrimoniales 202 tante de son temps el de ses affections privées daos sa famille d'emprunt el en parliculier dans les enfanls el qui doit payer la plupart du temps du renoncement au m~ri. c'est-a-dire socialement désignée. elles-mémes transcrites et transfigurées dans les recommandations et les pré- a 39. par exemple. dans I mteret . tend a ímposer des schemes de perception et d'appréciation. l' amour heureux. sous ces travestissements. entre autres objets. comme la norme destinée a les résoudre ou a les sunnonter. On ne faisait pas de sentiment. si l' 00 permet l'expression. Et les jeunes acceptaient. a cause des enfants. Apres la guerre de 1914~ 1918. en dehors méme de tout calcul proprement économique ou social. aux partenaires sexuels et qui. de méme la < grande héritiere » ou la « bonne cadette » ne saurait se pennettre la petite vertu qui es! Iaissée aux filles de petite famille. les parents poussaient en ce sens. entité collective el unité économique. représentaient le minimum d'aléa qui est nécessaire . * * * Tout se passe comme si les stratégies matrimoniales visaient corriger les ratés des stratégies de fécondité : il est toutefois des jeux avec lesquels ou contre lesquels le meilleur joueur ne peut rien.­ ral. ou de beaucoup son aínée. done résignée. n'est autre chose que cette sorte d'amor fati. A. renforcée par toutes les expériences sociales. En ~ene. d 'un systeme qui entoure d~ tout un luxe de protections la «rnaison ». Sans qu'il sagisse d'une véritable institution. naissent des « ratés » de cette sorte d'instinct socialement produit qu'est l'habilus inculqué par les conditions d'existence. la dignité et l' ardeur au travail des garcons. dans le cas particulier. sans pour autant cesser de repérer. cest-a-dire l'amour socialement approuvé.la famille. des stratégies permettant de concilier. analogues a celle que limagination juridique invente pour toumer le droit et réductibies ades regles formelles et explicites. Paree qu' il estle produit des structures qu'il tend areproduire et paree que. dispensent de l' explicitation.l 204 Les stratégics matrimoniales pour assurer la dissimulation et la méconnaissance de 1'harmonie préétablie et la transfiguration du des ti o en libre choix. d' équilibrer et parfois d' annuler les contraintes. de Ieur sexe. les différents agents apportent aux antinomies pratiques engendrées par des systémes d' exigences qui ne sont pas automatiquemenr compatibles. que tout groupe met en ceuvre pour transmettre ala génération suivante.on oppose tout un systeme de parades et de « coups » pareils a ceux de l' escrime ou des échecs. en particulier. phénoménalement tres différentes. de leur rang dans la famille. c'est-a-dire de l'ensemble des stratégies de reproduction biologique. ni méme des stratégies pédagogiques. Les contraintes qui pesent sur chaque choix matrimonial sont si nombreuses et entrent daos des combinaisons si complexes qu 'elles excédent en tout cas la conscience des agents . maintenus ou augmentés. cest-á-dire aux anciens. Les stratégies proprement matrimoniales ne sauraient done étre dissociées saos abstraction des stratégies successorales. par exemple. il implique la soumission « spontanée » al' ordre établi et aux ordres des gardiens de eet ordre. l' érnigration ou le eélibat des cadets que. qui.. la limi- Les stratégies matrimoniales 205 tation des naissances. . de I'invocation et de l' imposition de la regle. Loin d'étre de simples procédures. telles. en fonction de leur position dans la hiérarchie sociale. etc. ces stratégies sont le produit de l' habitus. « spontanément » réglées. comme maitrise pratique du petit nombre de principcs implicites a partir desquels s' erigendrent une infinité de pratiques qui peuvent étre réglées sans étre le produit de l' obéissance a des regles. ni davantage des stratégies de fécondité. plus précisément. A toutes les menaces que le mariage fait peser sur la propriété et a travers elle sur la famille qu'il a pour fonction de perpétuer -les dédommagements accordés aux cadets risquant toujours de déterminer le morcellement du patrimoine que le privilege accordé al' ainé avait pour fonction d' éviter a tout prix . aussi De peuvent-elles se laisser enfermer daos les regles mécaniques que la représentation implicite de la pratique comme exécution de normes explicites et expresses ou de modeles inconscients oblige ainventer de toutes pieces et en nombre infini pour rendre raison de la diversité infinie des pratiques et.mérne si elles sont maitrisées sur un autre made -. eet hahitus enferme le prineipe des solutions. culturelle et sociale. les pouvoirs et les priviléges qu'il a lui-méme hérités. d'un droit coutumier original qui. Luc [12]. Luc. Bourdicu. aux XIV': el xv. Les actes notariés leur sont apparus cornme une souree capable de foumir des renseignernents sur la pratique réelle. le mort-gage. des juristes béamais. cest-á-dire Les Fors de Béarn. Bigorre. il étudie d'abord les conditions de vie des populations rurales et le régime des terres. Le modele de ce type de recherches est foumi par P. Apres avoir défini trois types de famille. dans certaines régions. et différents problemes d'économie rurale tels que le crédit et la víe d' échanges. la structure de la famille béamaise et les regles qui président ala conservation et a la transrnission de son patrimoine . d'emprunts aux ouvrages anréricurs. a résisté au contact avec le droit romain. alors que ces pratiques étaient tornbées en désuétude. depuis deux siecles et davantage » [12. les procédés techniques et juridiques de l'exploitation du sol. d'un usage courant. les étudesjuridiques ou historiques n'ont eu d'autre fondernent que les couturniers. La these volumineuse de A. groupe des Iecons souvent tres corrornpues de * Rédigées en collaboration avec M. a savoir la famille patriarcale. des commentaires que les jurisconsultes des xvrr et xvnr siecles ont donnés de ces différents textes. Labourt [3] et Mourot [4 et5]. J. Frédéric Le Play. tres faiblement influencé par le droit romain. écrit P.-C. 3-4]. plus volontiers encore. dans le cadre de la famille et dans le cadre de la cornmunauté. l'étude de Laborde sur la dot en Béam [9] et celle de Dupont [10] sur le régime successoral béarnais présentent un grand intérét. les auteurs modernes se sont attachés surtout a l' étude du for réformé de 1551. A partir des registres des notaires. des documents de jurisprudence qui abondent a partir du xvr siecle et. a situé le modele de la famille-souche. p. «Le droit béarnais (.. et. apparait comme un droit essentiellement coutumier. enferrnant des regles périmées et omettant des dispositions vivantes. avant d'etre Iivrés a l'analyse. la faculté de paiement en nature des obligations stipulées en argent y sont. cornme l'observait Rogé [7 et 8]. la constitution d' otages en matiere de cautionnement. Faute d'une telle édition. Lavedan. TI' a pas manqué de susciter la curiosité des historiens el des juristes. Pendantlongtemps.siecles. Béam el Pays basque. la famille .Notes bibliographiques Notes bibliographiques* La survivance dans les provinces pyrénéennes. et offre ce grand intérét d'étre un droit témoin. 207 textes d'époques di verses qui devraient étre J'objer de tout un travail critique. onr écrit des commentaires des Fors de Béarn en particulier sur les questions de dot et de couturnes suceessorales. de Maria [1 et2]. C'cst ainsi parexemple que la prestation du serment probatoire avec les co-jureurs. ala différence de ce qui se passait dans la plupart des provinces méridionales de la Franee. Or la seule édition des fors. idéal selon lui de l'institution familiale qu'il opposait au type instable né de l'application du Code civil [13]. dans une deuxierne partie. C'est dans les montagnes du Béam et de la Bigorre que l'adversaire le plus célebre du Code Napoléon. Les historiens du droit sont venus a découvrir que les textes de couturne devraicnt étre utilisés avec prudence du fait qu 'ils présenrent un droit relativernent théorique. Fougeres [1 1] se contente.. Bien qu' elles prennent pour base le for réformé etla jurisprudence des demiers sieclcs de la monarchie. tout a fait médiocre [6]. C'est ainsi que des le XVIII' siecle. en ce qui concerne le Béam. la famille-souche est morte. a montré la persistance des coutumes successorales et des regles matrimoniales en dépit du Code civil [15]. Hatoulet. législation inédite du xr au xur siécle. these.208 Les stratégies matrimoniales instable. Toulouse. Mazure et 1. de Navarre. these de droit. p. a son tour. Laborde. Laborde. Pau. [SJ J.) et amontrer les avantages qu'elle procure achacun de ses membres t « A l'héritier. « Les droits de famille et les successions au Pays basque et en Béarn. La Dot dans les fors et coutumes du Béarn. bibliotheque municipale de Pau). [6] A. Paris. outre les données de I'enquétc ethnographique. Toulouse. conféré avec les coutumes de Béarn. Dupont. mémoires originaux des facultés de droit et des lettres. un épilogue de E.» (p. série B.d. Paris. Cheysson décrit la disparition de cette famille. notes et introduction. les études de Saint-Macary [14]. comme un spécimen attardé d'une puissante et féconde organisation sociale. Paris. [4] J. 29 et suiv. jusque dans ces demiers temps. en faveur de ses freres. «Textes additionnels aux Anciens Fors de Béarn ». puis de ses enfants. Archives départementales des Basses-Pyrénées). caractéristique de la société moderne. 1905 (Bulletin de l' université de Toulouse. s. 1938. il donne la quiétude du célibat avec les joies de la famille. en balance de lourds devoirs. Joubert. Toulouse. Elle obtient le sacrifice de lintérét matériel par une compensation d'ordre moral: par la considération attachée a la possession du foyer pateme!. Luc. «Du régime successoral dans les couturnes du Béam ». mais elle a da subir. Fors de Béarn. Le Code fait son ceuvre . elle condamne ce dernier arenoncer toute sa vie. 1914. Bordeaux. Mémoires et Éclaircissements sur lefor et coutume de Béarn (ouvrage rnanuscrit.« Vie rurale et pratique juridique en Béarn aux XIYC et XyC siecles ». 1908. [11] A. Mourot. » (p. exemple de famille-souche du Lavedan en 1856. il ménage jusqu'a la plus extreme vieillesse le bonheur de retrouver au foyer patemelles souvenirs de la premiere enfance. Les Fors et Coutumes de Béarn (ouvrage manuscrit. Paris. infraí. en s'appuyant sur des actes notariés du xvur siecle et du xix-siecle.-F. et son appendice : «Mémoires sur les couturnes et observances non écrites de Béarn » (ouvrage rnanuscrit. au profit net de son travail. sous l'influence de la loi et des mceurs : « La famille Melouga était restée. . [12] P. Laborde. avec traduction en regard. la famillesouche agricole ne sacrifie pas 1'intérét des cadets acelui de I'ainé. La Dot dans les [ors et coutumes du Béarn. 114.) « En instituant achaque génération un héritier. Traité des biens paraphernaux. Bellin-Mandar. Mémoires sur les dots de Béarn. [7] P. Loin de la. il (ce régime successoral) confere la considération qui s'attache au foyer et a l'atelier des aíeux . d'apres les anciens textes ».) Dans une deuxierne partie. Rogé. aux membres qui se marient au-dehors. 15). qui. de Soule et lajurisprudence du Parlement (cité par L. Le Play présente une monographie de la famille Melouga. Notes bibliographiques 209 [IJ De Maria. these. Brissaud et P. on peut opposer. 1909. [3] Labourt. Archives départementales des Basses-Pyrénées). Traite des dots suivant les principes du droit romain. et la famille-souche. Mourot. [10] G. [9J L. 36-37. Vignancour. [2J De Maria. Rogé. 298) Aux théoriciens de l' école de Le Play. [8] J. le nivellement progresse : la famille-souche se meurt. 1943. Frédéric Le Play s 'attache a décrire cette derniére (p. I'influence de la loi et des moeurs qui l'avaient épargnée gráce a un concours exceptionnel de circonstances favorables. des augments et des institutions contractuelles avec celui de l' avítinage (cité par L. Fougeres. n" 111).» (p. atous.-F. Les Anciens Fors de Béarn. aceux qui préferent rester au foyer patemel. [1841-1843]. il assure I'appui de la maison-souche avec les charmes de l'indépendance. 1928. Paris. enrichie de documents nouveaux par Ad. F. «Les régimes malrimoniaux en Béam avanl el apres le Code civil ». La Philosophie du Code Napoléon appliqué au droit de la fami!!e. avec un épilogue et trois appendices par MM. 1942. these. 1884. Le Play el C. Paris. Bordeaux. Bordeaux.210 Les stratégies matrimoniales [13] F. Focillon. TROISIÉME PARTIE Reproduction interdite La dimension symbolique de la domination économique . Jannel. Le Play. E. L' Organisatíon de lafamille selon le vrai modéle signalé par l' histoire de toutes les raees et de tous les temps. 2 e éd.. Le Play el Delaire. «La désertion de la terre en Béarnet dans le Pays basque ». [14] J. Bonnecaze. Ses destinées dans le droit civil contemporaín. Cheysson. [15] J. Saint-Macary. these. 3' éd. A. 1942. 32-135. bien qu 'il présente toutes les incertitudes des premiers pas. Le Judatsme antíque. a la fois rnoins tortueux et torturé l. je pourrais montrer cornment la réappropriation d'une expérience sociale plus ou moins refoulée qu'il a favorisée a sans doute rendu possible. me parait enfermer le principe de plusieurs des développements majeurs de ma recherche ultérieure : je pense par exemple a des notions comme habitus. stratégie ou domination symbolique qui. e Célibat et condition paysanne ». sans parvenir toujours a l'explicitation complete. » MAX WEBER. J'ai en effet une affection particuliere pour ce travail ancien I qui. avril-septembre 1962. Bourdieu. orientent tout le texte ou aI'effort de réf1exivité qui l'inspire de bout en bout et qui sexprime. non sans quelque najveté. )'instauration d'un rapport a la culture. La proposition qui m'est faite de revenir. p. J . si longtemps apres. 5-6. Études rurales.« Le paysan ne devient "stupide" que la oü il est pris dans les rouages d'un grand empire dont le mécanisme bureaucratique ou liturgique lui demeure étranger. Et si je ri'étais pas retenu par la crainte de paraitre sacrifier a la complaisance. P. savante ou «populaire ». sur le probleme du célibat me ravit et me trouble ala fois. dans sa conclusion. au titre de socioanalyse préalable. p. la rupture avec la vision structuraliste qu 'il a fallu opérer. cornme j'en avais eu l'intention. etc. oü je m'efforcais de décrire la logique des échanges matrimoniaux dans la société d'autrefois. sans avoir le goüt ni le loisir de ro 'y replonger completement. ce qui est encare valide. 4-5.214 Reproduction interdite que celui que les intellectuels de toute origine entretiennent d'ordinaire avec tout ce qui touche au peuple et á la culture. transmettre les principes fondamentaux des corrections el des additions que j'aurais souhaité apporter? L 1 Addenda el corrigenda le ne reviendrai pas sur la premiere partie. Mais je ne puis pas me défendre d'un certain malaise au moment de réouvrir. de concevoir les rapports entre les structures de la parenté et les structures économiques. rang de naissance. La comparaison entre la tentative initiale pour enfermer dans une formule d'allure formelle la relation. entre les structures économiques (saisies au travers de la distribution des propriétés selon la taille) et les structures matrimoniales. notamment dans les procédures d'mterrogation et d'observation et dans le . alors dominante. apres tan! de travaux importants. 1105-1127) avait été concu pour prendre la place de l' ancienne description de la logique des échanges matrimoniaux telle qu ' elle se présentait avant la crise dont le célibat des héritiers est la manifestation la plus visible: bien qu' elle ait été pensée contre la maniere. l' article intitulé « Les stratégies matrimoniales dans le systerne des stratégies de reproduction » (Annales. daos le fatras de ce chantier abandonné.). au premier rang desquels ceux qui sont rassemblés ici ? Cornment sans refaire de fond en comble l' article initial. et la reconstruction finale de l'ensemble des contraintes (ou des facteurs déterminants) qui orientent les stratégies matrimoniales offre une bonne occasion d'observer. les dossiers oü ont donni si longtemps les pieces et les morceaux que j' avais écrits au début des années 1970 en vue de la publication en anglais (due á l'initiative amicale de Julian Pitt-Rivers) d'une version révisée et augmentée de l'article d'Études rurales: comrnent déterminer. juillet-octobre 1972. dans le détail concret de la recherche. cette analyse laissait en effet échapper la logique pratique des stratégies par lesquelles les agents visaient a tirer le meilleur parti possible de leurs « atouts » spécifiques (taille de la propriété. matérialisée par l'ador. s'est imposée apropos de sociétés qui. en position centrale. longtemps exclues en fait de la grande tradition ethnologique. Sociology 23 (1). dans l'ensemble. rang dans la famille et localisation . mieux que les autocritiques fracassantes. les filles de bonne famille quittant méme la terre dans une proportion légerernent plus élevée que les autres. refaire les calculs en prenant pour population-mere non plus (comme dans I'article de 1962) l'ensemble des personnes résidant a Lesquire au moment de I'enquéte. mais 1'ensemble des cohortes eoneemées (ef. de la peine qu'elles ont demandée.du domicile) en rnéme temps que les ehanees de mariage des migrants et des restants selon ees mémes variables. C'était se donner le moyen d'établir les taux d'émigration différentiels selon différentes variables (sexe. Sociology 23 (1). que les états successifs du travail qut a été nécessaire pour les obtenir ou les correetions et les additions apparemment minimes qui. et que si. Quant aux chances de . Morgan. en lieu et place des structures hypostasiées par la vision structuraliste. in Choses Jites. as usual. qui travaille lui-méme dans ce domaine. P. «De la regle aux stratégies ». En fait. Strategies and sociologists : a comment 00 Crow ». du chemin parcouru. David H. apres tout purement subjective. Chez les filies. p. les effets du droit d'ainesse ne sont plus perceptibles chez les petits propriétaires. une fois sur2. faisant de nécessité vertu.au bourg ou au hameau . fort difficiles et longues aétablir (les informations sur les érnigrés devant étre recueillies oralement aupres de toute une série d'infonnateurs). Quant a I'analyse statistique des chances différentielles de mariage ou de célibat. On peut aussi donner une idée du mouvement de la recherche en évoquant l'état historique de la problématique par rapport 11 laquelle elle s'est instituée (cf. 25-29). en anthropologie.« The use of the concept of 'strategy'in recent sociological literature ». on n'observe aucune relation significative entre l'émigration et la taille de la propriété ou le rang de naissance. comme les communautés paysannes de l' aire européenne. Les découvertes scientifiques ont souvent le privilege ambigu. H. p. la probabilité d'émigrer est nettement plus faible chez les ainés que chez les cadets (61 % contre 42 %). Margan. pour plus de rigueur. et. ees statistiques. les chances de rester a la terre s'accroissent avec la taille du patrimoine. 1-24). dans une mise au point a propos d'un article qui décrivait l'émergence et la diffusion récente du concept de stratégie en se limitant. Paris. tableau en annexe). chez les hornmes. Editions de Minuit. Ce n'est pas par hasard en effet si l'introduction d'un point de vue qui place les agents. 1987). février 1989. D. au moins ades fins pédagogiques. Addenda el corrigenda 217 montée la distance sociale. de devenir évidentes des qu 'elles sont acquises. que. oü l' excédent des hommes atteint des proportions impressionnantes. février 1989. rappelle que les premiers usages de ce concept et le nouveau « paradigme » qu'ils introduisent en ethnologie et en sociologie sont apparus dans la sphere de la sociologie et de I'histoire de la famille et de la maisonnée (cf. J. constitue en parti méthodologique. on a dú. en les précisant. on ne peut trouver meilleure attestation. sauf a évoquer l'expérience. Il est remarquable que.216 Reproduction interdite langage employé. l'extériorité un peu hautaine de l' observateur objectiviste cédant la place a la proximité (théorique et pratique) que favorise la réappropriation théorique du rapport indigene a la pratique. Le progres théorique el méthodologique est lui-mérne inséparable d'une conversion du rapport subjectif du chercheur a son objet. eatégorie socioprofessionnelle du pere. el leurs stratégies. pour étre en mesure de produire une théorie adéquate de la pratique et de comprendre les" choix » matrimoniaux des agents comme étant le produit des stratégies raisonnables mais non voulues d'un habitus objectivement ajusté aux structures '. surtout dans les hameaux. les conclusions déjá acquises : on peut en effet avancer (avec la prudence qu'impose I'exiguué des effectifs) que les chances de départ sont beaucoup plus fortes chez les femmes que chez les hommes. sont assez proches pour rendre possible. o. a la production anglo-saxonne (O. année de naissanee. Crow. Bourdieu. confirment. font voir le lent cheminement de la conversion intellectuelle. une relation de proximité théorique a la pratique qui s' oppose aussi bien it la participation fusionnelle a l'expérience vécue des agents que poursuit certaine mystique populiste qu'a l'objectivation distante que certaine tradition anthropologique. toutes choses égales par ailleurs.5 Moyens H F 75' 100* • . avec le départ de I'atné. l'arbitraire de la définition sociale pouvait se trouver masqué: c'était presque inévitablement I'aíné biologique qui était traité et agissait en ainé social. et comporter une fraction re1ativement importante d'ouvriers. et tres semblables aux hameaux. 4. parmi les restants. En fait. selon le domicile. on se situait au-dcssus de l'ágc moyen de mariage des hcmmes (29 ans) et des femrncs (24 ans) e! pros de la limite supérieure de la" mariahilité » ton nc compre que 4 ou 5 cas de mariage aprcs 35 ans). leur habitat dispersé et leur structure socioprofessionnelle.5 57 15. c'est l' effet des transfonmations globales de l' espace social er.5 17. Ce que la statistique des relations entre ce systeme de facteurs plus ou moins étroitement connectés entre eux et les chances d' émigrer et d'accéder (plus ou moins jeune) au mariage appréhende. en fonction de la taille de la propriété. soit 22 % au bourg et 17. l' émigration el le célibat sont étroitement liés entre eux (daos la mesure notamment oü les chances de rester célibataire sont considérablement renforcées par le fait de rester. le rang de naissance. il ressort que partout s'observenr les régularités déjá observées a Lesquire. daos les petites communes reculées et isolées. pour les agriculteurs.5 22 82 43 55. de « grands ainés » OU. surtout daos les hameaux) el étroitement liés au rnéme systeme de facteurs (le sexe. c'est-á-dire en héritier.5 23.• Autres professions H F 58.218 Reproduction interdite mariage elles sont. Addenda el corrigenda 219 La part des restants et.5 22 49. en tout cas. parmi ceux-ci. plus précisément.5 % dans les hameaux) acelui des partantes (24 %): ce qui se comprend puisqu'elles sont affrontées a un marché moins difficile. enfin.5 (+ domestiques) * Chiffres nuis ou trop pents (ct donnés 11. el qui frappe les intéressés comme un scandale. Oloron. la taille 3. le domicile. des célibataires. Dans la situation traditionnelle. plus élevées chez les habitants du bourg que chez les habitants des hameaux 4. tandis qu'elle diminue daos celle des communes qui se trouve étre proche d'une ville ouvriere. anal agues a ceux des hameaux de Lcsquire. . l. est que. En adoptan! (en 1970) 1935 comrne limite supérieurc des cohortes retenues. Mais le fait le plus important. la catégorie socioprofessionnelle d'origine et. le sexe et la taille de la proprlété parmi les personnes nées a Lesqulre avant 1935 I Bourg Resranrs Hameau Restanrs Restants Restants célihataires célibataires Petits propriétaíres H F 28. on mesure en quelque sorte la résultante tangible . panmi ces derniers. des héritiers de patrimoines importants pouvant se trouver ainsi condamnés au célibat 5. un cadet par la naissance peut se trouver investi du statut d'héritier. par leur éloignement de tout centre urbain. D'une série de tableaux statistiques établis a partir des listes nominatives pour les années 1954. nettement plus fortes chez les partants que chez les restants 3 et.2 70. et. 43 33.5 36. de l' unification du marché des bíens symholiques te] qu'il s'est exercé différentiellement sur les différents agents selon leur attachement objectif (maximum chez les aínés de grandes familles) el subjectif (c'est-á-dire inscrit dans les hahitus et les hexis corporelles) au mode d'existence paysan d'autrefois.5 14 50 33. La notion d'ainé ou d'héritier doit étre prise au sens social et non au sens bio1ogique. daos les hameaux. litre indicatif). L'héritier n'est plus seulement celui qui reste parce qu'il est I'ainé mais aussi celui qui est l'aíné paree qu'il est resté. l'intensité du célibat masculin atteignant des taux tres élevés.5* 50' .5 33.celles qui sont restées au pays ayant un taux decélibat Iégerement inférieur (18 % globalement. 1962 et 1968 pour les différentes communes du canton de Lesquire. de la propriété. Aujourd'hui.5 37 56.11 n'en va pas de méme chez les filIes .5 * Ensemble H F 54 33. Dans les deux cas. les probabilités de mariage ne varient pratiquement pas. 5. ou du rang de naissance.• Gros H F 100* 40* .5 15.5 50 61. au bourg ou dans les hameaux). les choix politiques ordinaires étaient en grande partie opérés par référence au contexte immédiat. rural).220 Reproduction interdite de laforce d' attraction exercée par le champ social désormais unifié autour des réalités urbaines dominantes. aux normes citadines. Cette fermeture objective et subjective rendait possible une forme de particularisme culturel. plus ou moins assurée. mais aussi et surtour symbolique. et une sorte de localocentrisme.satis l' effet de tout un ensemble de facteurs aussi différents que l' amplification des déplacements favorisée par l' amélioration des moyens de transports. la généralisation de l' acces a une forme d' enseignement secondaire. fondé sur la résistance. done du marché matrimonial. la faible dépendance al'égard du marché. en matiere de langue notarnment.et dans les représentations. surtout en matiere de consommation. c'est-a-díre en fonction de la position occupée . etc. L'unification du champ social. 2 « Du monde dos el l' univers infini » En reprenant le titre de l'ouvrage célebre d' Alexandre Koyré. en matiere de religion el de politique : par exemple. renforcé par la précarité des moyens de transport (chemins et véhicules) qui tendait aréduire l'aire des déplacements et a favoriser 1'enfermement dans un monde social a base locale. dont l'unification du marché des bien s symboliques. ont accompagné l'ouverture objective et subjective du monde paysan (et. d'appréciation el daction constitutives de leur habítus. neutralisant progressivement l' efficacité des facteurs qui tendaient a assurer l' autonomie relative de ce monde et a rendre possible une forme particuliere de résistance aux valeurs centrales: soit. . est un aspect. gráce au privilege donné a1'ascese de l'autoconsommation (dont l'homogamie est un aspect) el I'Isolement géographique. s'accomplit a la [Oi5 daos l'objectivité . dans l'ordre économique. imposant ala fois l'interdépendance et 1'interconnaissance par-dela les différences économiques ou culturelles.que parce qu'elle saccomplit dans et par la subjectivité des agents qui accordent une reconnaissance a la fois extorquée et acceptée a des proces sus orientés vers leur propre soumission.entrainant des phénomencs d' élimination différentielle dont le célibat des héritiers est I'exemple le plus significatif . plus généralement. pour ne nornmer que les plus importants. on voudrait seulement évoquer l'ensemble des proces sus qui. On serait tenté de dire qu' elle ne s'accomplit dans I'objectivité . avec l'ouverture des isolats. et de lajorce d' inertie que les différents agents lui opposent en fonction des catégories de perception. qui résulte de l'autonomie relative. fréquenter réguliercment l' église. propres au champ poli tique central. Bien qu'elle se masque toujours. Pour rendre compte completemenr de eette alíodoxia. de ses dominants et de ses dominés et de ses eonflits de « classes ». de l'industrie alimentaire (dans le cas particulier. Les catégories de droite ct de gauche. Du fait que Ieurs dépenses d'exploitation dépendent de l' évolution générale des prix. et indépendamment de toute volonté humaine . le fait que la dépendance universelle a l'égard du jugement des autres prend une forme tres paruculiére dans ces mondes a huis clos ou chacun se sent sans ccsse sous le regard des autres et condamné acoexister avec eux pour la vie (c'est l'argument o: i! faut bien y vivre ! » invoqué pour justifier la soumission prudente aux verdicts collectifs et la résignation au conformisme). qu'est imputable la singularité constante des prises de POS¡tion politiques des paysans et. a partir d'un certain niveau de la hiérarchie locale. Ce qui a pour effet d'incliner 7.et en particulier l'indexation des prix-. de portail. industriels notamment. plus généralement. n' avait pas d' effct pratique sur la représentation que les paysans avaient de leur monde et de la position qu'ils y occupaient". L'unification du marché des biens écanomiques et symboliques a pour effet premier de faire disparaitre les conditions dexistence de valeurs paysannes capables de se poser en face des valeurs dominantes comrne antagonistes.) et ene ne peut faire face aux investissements nécessaires pour modemiser l' équipement productif et améliarer les rendements que par le recours a des emprunts propres ti compromettre l'équilibre financier de l'entreprise agricole et a l' enfenner dans un type déterminé de produits et de débouchés. il faut prendre en considération tout un ensemble de traits caraetéristiques de la condition paysanne et rurale. engrais. elle dépend aussi de plus en plus étroitement du marché des produits agricoles et. la politique des pnx depend fondamentalement du poids de la paysannerie dans le rapport des forces politiques et de I'intérét que représente pour les domi- . n'ont pas du tout le méme sens dans le macrocosrne et dans le microcosrne local (si tant est qu'elles en aient un dan s ce contexte). de rang social). aux yeux mémes de eeux qui en so~t n::sponsables. des unités a base locale. comme le suggere Marx. globalcment. la réussite de I"enncprisc semblant dépendre des eonditions climatiques plus que des structures de la propriété ou du marché. et non a la dispersion spatiale. on se devait en quelque sorte d'etre pratiquant et conservateur et pour un « gros» paysan. La dépendance limitée et masquée cede progressivement la place a une dépendance profonde et apercue. la place qui revenait autrefois aux aléas de la nature : a travers 1'intervention économique des pouvoirs publics . et surtout que leurs revenus dépendent de plus en plus de prix garantis (comme celui du lait ou du tabac). cte. avec la métaphore du sac de pomm~s de terre. au 6. On a souvent décrit la logique et les effets du renforcement de la domination de l'économie de marché sur la petite agriculture (dans laquelle se rangent les plus «gros» des paysans de Lesquire). Pour la production. celle qui assure le ramassage du lait). des ruraux. sous des justifications teehniques. etc. propre a susciter des réactions politiques qui a fait son apparition dans le monde quasi naturel de I'économie paysanne 7. porter au curé le vin de messe. C'est a I'al!odoxia structurale. plus précisément. dont les effets sonr loin d'avoir disparu. Pour la commercialisation. était une question de pourtalé.222 Reproduction interdite dans la hiérarchie au sein du microcosme dos qui tendait a faire écran au macrocosme social et 11 la position relative que le microcosme. I'exploitation agricole dépend toujours davantage du marché des marchandises industrielles (machines. au moins subjective. etc. dans la réalité et dans leur vision du monde. Autrement dit.). y occupait (ainsi. « Du monde dos a l' univers infini » 223 rnoins subjectivement. voire reconnue. la position occupée dans l' espace social par ce microcosme doté de ses hiérarchies sociales propres. qu 'on ne peut ici qu 'évoquer : le fait que les contraintes inhérentes a la production se présentent sous la forme de rapports naturels plutót qu'~u travers de rapports sociaux (les horaires et les rythmes de la production semblant déterminés exclusivement par les rythmes de la nature. et pas seulement comme autres (pour évoquer la vieille opposition platonicienne de I' enantion el de l' heteron qui suffirait a éclaircir bien des discussions confuses sur la « culture populaire »). sur lesquels ils n'ont pas de prise. c'est une action politique. les aléas de la conjoncture des prix tendent a tenir. par exemple. tout en conservant la propriété nominale el aussi la responsabilité de l'appareil de production. a une unification du marché des biens symboliques propre a détenniner le déelin de l' autonomie éthique des paysans et. e 'est-á-diré dans la mesure OU le monde elos et fini s 'ouvre et oü viennent progressivement atomber les écrans subjectifs qui rendaient impensable toute espece de rapprochement entre les deux universo En d' autres termes. voire contradictoire. Par un effet non voulu de la politique technocratique. que ces petits propriétaires convertis en quasi-salariés se font de leur condition et qui s'exprime souvent daos des prises de position politiques ala fois révoltées el conservatrices. notamment. propriétaires de moyens de production (bátiments el équipements) qui peuvent représenter un capital investi tres irnportant (mais impossible a réaliser en fait en argent liquide). Mais on ne peut se satisfaire completement de ce modele que si I' on oublie les conditions préalables de son fonctionnement. avec toutes les incitations a l'auto-exploitation qui en découlent. par soi seule. La représentation dédoublée. La volonté technoeratique d'intensificr l'cxode rural pour réduire les gaspillages et pour jeter sur le marché de l'emploi industriel les travailleurs et les capitaux aetuellement «détoumés » par la petite agriculture s'affirmerait-elle aussi brutalement si la petite bourgeoisie citadine avide d'ascension et soucieuse de respectabilité n'était venue relayer. done rentable en un autre sens (et néeessaire. ils ne tirent souvent d'un travail dur. mais politiquernent súre. que des revenus inférieurs a ceux d'un ouvrier qualifié. pour eonserver a la campagne ses charmes esthétiques). de son isolement par rapport aux autres forces sociales) DU s'expriment toutes ses contradictions? «Du monde e/os el l' unívcrs infini . l' effet de l' écart entre les revenus dans l' agriculture et hors de l' agriculture ne peut s' exercer que dans la mesure oü la comparaison. l' émigration hors du secteur agricole est fonction du rapport entre les salaires dans l'agriculture et dans les secteurs non agricoles et de l' offre d' emploi dans ces secteurs (mesurée au taux de non-emploi industriel). les maitres de l'organisation de leur activité (a la différence de I' ouvrier qui apporte sur le marché sa force de travail. taux d'emploi) est plus grand el d'aulre par! que les agents opposent aux forces du champ une inertie ou une résistance qui varie selon différents facteurs. une paysannerie qui se trouve ainsi renvoyée vers des formes de manifestation a la fois violentes el localisées (du fait. devient possible et socialement acceptable et oü elle toume a l' avantage du mode de vie citadin dont le salaire n'est qu'une dimension panni dautres . ils ont été conduits a contribuer. On admet que. a travers notamment les contraintes qui pesenr sur les prix et sur le proces de pro- l nants le maintien a I'existence d'une agrieulturc préeapitaliste coüreuse. On pourrait ainsi proposer un modele mécanique simple des flux migratoires en posant d 'une part qu 'il existe un champ d' attraction avec des différences de potentiel d'autant plus grandes que l'écart des situations économiques (niveau de revenu. qui n'ont rien de mécanique : ainsi. les avantages associés a . ce soru des produits qu'ils vendent).» 225 duction lui-méme. au moins en appaTerree. mais dont la coloration anti-étatique doit encare beaucoup a l'illusion de l'autonomie qui est le fondement de l'auto-exploitation. quoique de plus en plus qualifié. Restés. comme on I'a découvert dans les années 1980. trouve son fondement daos les ambiguítés objectives d'une condition profondément contradictoire. a déterminer les transfonnations profondes dont le monde rural a été le lieu. par la. comrne acte conscient ou inconscient de mise en relation. La subordination croissante de l' économie paysanne ala logique du marché n'aurait pas suffi. notamment en matierc d'aides et de crédit.224 Reproduction interdite aune vision plus politisée du monde social. par une relation de causalité circulaire. dans le systeme des allianees politiques. contraignant et peu gratifiant symboliquement. de maniere tres générale. par leurs investissements de tous ordres. si ce processus n'avait été lui-méme lié. a commencer par 1'émigration massive. le dépérissement de leurs capacités de résistance et de refus. a I'instauration d'une production aussi fortement socialisée en fait que celle des économies dites socialistes. a partir d' un certain seuil. pour et par le travail ou le mariage. parfois jamais achevé (comme en témoignent les efforts. mieux disposées a l'égard de l'éducation et des promesses de mobilité qu' elle enferme. chacun des départs loin de la terre et de la maison. done moins tenues par le souci du patrimoine « maintenir ». simultanément ou successivement. visibles et désirables. Les agents qui opposent la plus faible résistance aux forces d'attraction externes. cadets ou cadettes pauvres. d'étre ignorés (passivement ou activement). a travers les intéréts et les dispositions «Du monde clos a l' univers infini » 227 associées a cette position. ils sont appréhendés en fonction de catégories de perception el d'appréciation qui font que. était encere un hommage rendu aux valeurs centrales et reconnu comme tel". Chacun des agents concemés passe. sont ceux qui sont les moins attachés objectivement et subjectivement a la terre et a la rnaison. La déroute symbolique des valeurs paysannes est aujourd'hu¡ si totale qu 'ji faut rappeler quelques exemples typiques de leur affirrnation triomphante. qui. par conséquent. cessant de passer inapercus. ils deviennent perceptibles et appréciables. La á 8. La banalisation que crée l'accoutumance porte en effet a oublier l' extraordinaire travail psychologique que suppose. La propension a parcourir plus ou moins vite la trajectoire psychologique qui mene au renversement de la table des valeurs paysannes dépend de la position occupée dans l'ancienne hiérarchie. qui durent toute une vie. Ainsi. pour « se rapprocher» du pays). Ou cet autre cr¡ du cceur a propos d'une grande famille . marie sa filie avec un ouvrier ! » (en réalité un petit propriétaire de Saint-Faust travaillant comme employé a la Maison du paysan). qui percoivent plus tót et mieux que les autres les avantages associés al'émigration. circulaient de bas en haut. par des phases de certitude de soi. les étapes d'un éloignement psychique toujours difficile a accomplir (l'occupation d'une profession de facteur ou de chauffeur a mi-temps au bourg fournissant par exemple le tremplin pour un départ vers la ville) et. en tant qu 'objets symboliques d' échange. La révolution symbolique est le produit cumulé d'innombrables conversions individuelles. Et de fait. l' attraction du mode de vie urbain ne peut s 'exercer que sur des esprits convertis a ses séductions: cest la conversion collective de la vis ion du monde qui confere au champ social entrainé daos un processus objectif d'unification un pouvoir symbolique fondé daos la reconnaissance unanimement accordée aux valeurs dominantes. Les femmes qui. la restructuration de la perception du monde social qui est au cceur de la conversion individuelle et collective ne fait qu'un avec la fin de lautarcie psychologique. si. qui faisait du monde elos et fermé de l'existence familiere une référence absolue. et se trouvaient de ce fait spontanément inc1inées a se montrer empressées et dociles al'égard des injonctions ou des séductions citadincs. paree que femmes. Référence si totalement indiscutée que l'éloignement sélectif de ceux qui. Par exemple. des émigrés forcés. d' anxiété plus ou moins agressive et de crise de l' estime de soi (qui s 'exprime dans la déploration rituelle de la fin des paysans et de la « terre » : «la terre est foutue »). devaient abandonner la terre. Moins attachées que les hommes (et les cadets eux-rnémes) a la condition paysanne et moins engagées dans le travail et dans les responsabilités de pouvoir. C'est encore l'ordre ancien qui définit I'ordre dans lequel on s'éloigne de lui. tout spécialement dans la phase initiale du processus. collectivement entretenue. et il faudrait évoquer l' effort de préparation. elles importent au cceur du monde paysan le regard citadin qui dévalue et disqualifie les «qualités paysannes ». s'entrainent mutuellement dans une course de plus en plus précipitée. cette dénonciation de la dérogeance prononcée juste avant la Deuxieme Guerre mondiale par la femme d'un «grand héritier » de Denguin a propos d'un autre «grand héritier » : «X. les occasions propres a favoriser ou a déc1encher la décision.226 Reproductíon interdite l'existence urbaine TI 'existent el TI 'agissent que s'ils deviennent des avantages percus el appréciés. avec les cadets. sont. cadets ou pauvres. le cheval de Troie du monde urbain. le petit bal de la Noel. par faire tous les frais de la révolution symbolique qui touche I' ordre ancien en un point stratégique.228 Reproduction interdite conversion collective qui conduit a des départs de plus en plus nombreux el qui finira par affeeter les survivants eux-rnérnes est inséparable de ce qu'il faut bien appeler une révolution copemicienne : le lieu central. comme disent les traités de « méthodologie ». douloureux. de maniere particulierernent dramatique. le marché matrimonial constitue pour les paysans une occasion particulierement dramatique de découvrir la transformation de la table des valeurs et l'cffondrement du prix social qui leur est attribué. irnmuable. d' Arbus dont la filie unique avair été mariée a un fonctionnaire : « Dap u emplegat! » (Avec un employé 1). Aboutissement d'un processus a 9. qui apparait. dominé. vorre profondément btatsee. la reproduction de la main-d 'ceuvre agricole et. essayer d'éclaircir ce que l'on appelle d'ordinaire intuition. faute d' opérer atemps les conversions el les reconversions nécessaires.11 faudrait. par la. au tenue d'un long travail de construction théorique. du fait que l' exploitation agricole est située dans un environnement économique et un marché du travail qui la condamne a n' avoir de maind'ceuvre que domestique. n'est plus qu'un point quelconque dans un espace plus vaste. avec toutes leurs propriétés sociales. paree que chargée de toutes les résonances affectives el de toutes le~ col?rati~ns ~motionnell~s qu'implique la participation sympathique a la snuauon et au pomt de vue. pire. a propos de cer exemple. comme la réalisation paradigmatique de tout le processus conduisant a la crise de I' ordre paysan du passé 9 Le bal esl en effet la forme visible de la nouvelle Jogique du marché matrimonial. tres directement. se trouve resituée dans un espace social plus large au sein duquel les paysans dans leur ensemble occupent une position dominée. Et ceux-Ia méme qui tenaient les positions les plus élevées dans ce monde soudain relégué finiront. avec ses hiérarchies (l ' opposition par exemple entre les «gros» el les « petits » paysans). La commune. poinl de départ de toute la recherche. des victimes . oü ce sont les personnes. sous une forme sensible. C'est ce que révélait. inférieur. 3 L' unification du marché matrimonial En tant que marché tout a fait particulier. le marché matrimonial. siege d'une hiérarchie elle aussi irnmuable el unique. de l' entreprise paysanne. La scéne concrete a travers laquelle se désigne le probleme est un véritable paradigme comportementat qui condense. qui sont concretement mises a prix. toute la logique d'un processus complexe. Et il n 'est pas indifférent que le caractere hautement stenific~tif de la scene ne se livre d 'abord qu 'a une perception inréressée. étendu en cours de route ades objets empiriques phénoménalement tout différents. ce marché commande en effet. un point bas. et celles-Iá seulement. I'cxistence d'un marché n'implique nullement que les transactions n'obéissent qu'aux lois mécaniques de la concurrence. concretement. de tout ce que les familles paysannes ont a offrir. toujours tres marquée. que ID. Les informateurs opposent explicitement les deux modes d'instauration des relations conduisant au mariage : la négociation entre les familles. a pour rancon la soumission aux lois du marché des individus abandonnés a eux-mémes. les lois de la concurrence s'imposent aeux « en dépit de l'anarchíe. sur la base souvent de liens antérieurs. du fait de la sympathie spontanément accordée au modele « Iibéral » qui. c'est-a-dire plus précisément entre les « marchés régulés s (regulated markets) et le «marché autorégulé » (self-regulatíng market) (d.(appelé trachur ou taiamé).Hes de rencontre . Beacon Press. les valeurs et les intéréts de la « maison » et de son patrimoine avaient plus de chances de triompher contre les fantaisies ou les hasards du sentirnent 12. Boston. et aussi a des qualités person. inséparablement. 1974. ~e rééd. Cela d'autant plus ~ue toute l' éducation familiale prédisposait les jeunes gens a se soumettre aux injonctions parentales et a appréhender les prétendants selon des catégories de perception proprement paysannes : le « bon paysan » se reconnaissant au rang de sa maison. et que l'on a coutume d'oublier.comme tous les travaux collectifs _. de « I'anarchie . son langage. de la tradition.les sexe~. et de l'espacement des occasions traditionne. dont l'occasion est a peu pres toujours le ba!. daos el par l' anarchie » 11. dans les limites d 'un marché restreint.12. Polanyi entre « les marchés isolés » (isolated markets) et «I'économie de marché» (market economy). Polanyi. 1967). the Political and Economic Origine ofour Time. Les grands héritiers condamnés au célibat son! les victimes de la concurrence qui domine dorénavant un marché matrimonial jusque-la protégé par les contraintes et les controles. n'a sans doute fait que croitre du fait du relachement des liens sociaux traditionnels. l'effet le plus spécifique .g. En détenninant une dévaluation brutale de tous les produits du mode de production et de reproduction paysan. quasr iOstItutlonnal~se ou spontané. Selon le mot de Engels. il donne a voir. Nombre de mécanismes institutionnels ten~ent en e~fet aassurer au groupe la maitrise des échanges et a ~e proteger contre les effets de « 1'anarchie » que rappelait Engels. L' unification du marché matrimonial 231 ce soit la terre et la vie a la campagne ou l' étre méme du paysan. ses manieres. subordonné aux nonnes el aux intéréts du groupe. libere les amoureux des impératifs de la Raison d'État domestique.ou la marieuse . l'unification du marché neutralise les rnécanismes sociaux qui lui assuraient. son maintien et jusqu'a son «physique ». La distinction que fait K. souvent mal tolérés. a la taille de sa propriété et a la dignité de sa famille. les agents « ont perdu le controle de leurs propres interrelations sociales». K. le taissezfaite ~u ~ouveau régime matrimonial ne peut que renforcer I'avantage des ciradins. apporte une précision importante a l'analyse marxlste.et le plus dramatique . p. La liberté que donne l ' interaction directe entre les intéressés. de la «production socialisée » (socialized production) dans laquelle « le produit gouverne les producteurs » (the prod~ct govems the producers): l'existence d'un marché ne suffit pas a fat~e l'économie de marché aussi longtemps que le groupe conserve la martrise des mécanismes de I'échange. particulierement dans les hameaux. comme dans la comédie classique. En rnatiere de mariage comme en toute autre espece d'échange.de I'unification du marché des échanges symboliques et la transformation qui. lié. un monopole de fait. C'est ainsi que. L'institution la plus typique de rancien régime matrimonial était eVld~~m~nt ~e mar~e~r . ainsi affranchis des pressions familiales et de toutes les considérations économiques ou éthiques (e. Dans un univers oü la séparation entre .230 Reproduction interdite travers lequel les mécanismes autonomes el autorégulés d'un marché matrimonial dont les limites s'étendent bien au-delá du monde paysan tendent a se substituer aux échanges réglés du petit marché local.« réputation » de lajeune filIe). . du fait que l'initiative du mariage revenait non aux intéressés mais aux familles. daos ce domaine comme ailleurs. 56-76. . et le contact direct. accompagne le passage du marché local al' économie de marché 10. dans l'ancien régime matrimonial. prop:e a lui !oumir toutes les femmes nécessaires a la reproduction sociale du groupe. son véternent. The Great Transformation. 11. il avait su conserver le controle de sa reproduction en assurant la quasi-totalité de ses échanges matrimoniaux al'intérieur d'un « marché pertinent » extrémement réduit et socialement homogene : I'homogénéité des conditions matérielles d'existence et. plus précisément. particulierernent lorsque le pere manque d'autorité paree qu'il a fait un mariage de bas en haut). comme dans les harneaux de Lesquire. Ainsi. Dans les hameaux de l'aire principale des mariages. N'ayant jamais corrou «autre chose ». I'autorité des beaux-parents qui «ne veulent pas se démettre » et tout spéeialement la tyrannie tradirionnelle de la vieille daune qui entend conserver la haute main dans la maison. hameaux). dure a la peine el préparée aaccepter la condition qui lui était offerte. bourgs. mais dans les limites de l'homogénéité sociale (ou. et de bas en haut. pas plus en ce domaine qu'ailleurs. les fílles des hameaux voisins el de toute la zone des collines étaient plus disposées a s'accommoder de l' existence qui leur était promise par le mariage. au moins symboliquement. le monde paysan n'a jamais connu l'autonomie et l'autarcie totales dont les ethnologues le créditent souvent. avec l' accroissement de l' espace des mariages possibles. elle exprime tout simplement la nécessité oü sont les plus dérnunis d'étendre l'aire géographique de prospection. le marché matrimonial autrefois controlé et quasiment réservé est désonnais ouvert a la concurrenee la plus brutale et la plus inégale. a l'intérieur de l'aire commune. La maitrise du groupe sur les échanges s' affirmait dans la restriction de la taille du marché matrimonial mes urée en distance géographique et surtout en distance sociale. par l'utilisation des mémes autobus (qui drainaient la population des différents quartiers dans des directions différentes et donnaient occasion a des contacts entre les utilisateurs). ne serait-ce qu'en prenant pour objet le village. a un accroissement des chances de mariage. Si. L'um/ication du marché matrimonial 233 Ce monde dos oü l' on se sentait entre soi et chez soi s 'est peu apeu ouvert. par des rivaux mieux nantís. ensemble économiquement el socialement tres hornogene de communes composées. elles avaient moins de chances aussi de juger leurs partenaires éventuels selon des criteres hétérodoxes. Enfin el SUrtout. la compétence et l' ardeur au travail. tout d'abord paree que. Loin que l'extension réeente de l'aire matrimoniale des paysans des hameaux marque I'acces a un degré de liberté supérieur et eonduise. Les différents quartiers de Lesquire avaient. selon la logique méme du systerne. le paysan des hameaux est cantonné dans Son aire et eoncurrencé. est en effet le meilleur garant de la perpétuatíon des valeurs fondamentales du groupe. ee sont elles qUÍ circulent. elles répugnent aépouser un paysan qui leur promet cela méme qu' elles veulent fuir (entre autres choses. avanl19l4. par conséquent. pour maintenir cette hornogénéité) et de . Plus promptes que les hornmes a adopter les modeles et les idéaux urbains. elles ont plus de chances de trouver un parti hors du monde paysan. des habitas. Comme l' atteste la présence. 13. d'un petit bourg encore fortement paysan et de fermes dispersées sur les coteaux et les basses montagnes 13. des secteurs propres. nées el élevées daos une aire relativement fermée aux influences extérieures.232 Reproduction interdite nelles eornme I' autorité. Tandis que le citadin peut choisir entre différents marehés matrimoniaux hiérarchisés (villes. tandis que la bonne épouse était avant tout la « bonne paysanne ». les femrnes regardent de plus en plus vers la ville plutót que vers leur hameau ou vers les hameaux voisins. définis par la fréquentation privilégiée des mémes marchés et des mémes fétes ou. dans les petits bals de campagne. mieux. de jeunes citadins auxquels Ieur aisance et leur allure donnent un avantage inestimable SUr les paysans. le marché matrimonial des paysans des hameaux de Lesquire s'étendait a la région comprise entre les Gaves de Pau el d'Oloron. 11 s'ensuit que les éehanges matrimoniaux entre les hameaux paysans et les bourgs ou les villes ne peuvent étre qu' a sens unique. jusqu'a J'intérieur de celle-ci. comme Lesquire. sont souvent si miraculeusement ajustées qu'elles peuvent faire croire au calcul rationnel. entourés et courtisés. les branches ou les professions. le principe universel mais vide de l'homogamie. qu'á condition d'apercevoir qu'il existe différents marchés hiérarchisés et que les prix que les différentes catégories des ({ mariables » peuvent recevoir dépendent des chances qu'Ils ont d'accéder aux différents marchés et de la rareté. selon I'¡ntuition du sens commun (« qui se ressemble s 'assemble »). voire de recourir aux stratégies du désespoir que la dureté des ternps impose aux plus démunis. vers les hameaux les plus reculés du Pays basque ou de Gascogne 14 Comme il arrive régulierement lorsqu 'un ordre social bascule. dans les Baronnies. En fait. et les ratés du comportement qui en résuItent. sont-iIs l'oecasion de retours critiques et de conversions. peuvent au contraire venir a contresens lorsque. lorsqu il est en phase avec le monde. a l'état implicite. L' unification du marché matrimonial 235 d' opérer a temps les révisíons nécessaires. les plus défavorisés peuvent étre condamnés aétendre l'aire géographique pour compenser la restriction sociale de I'aire sociale dans laquelle ils peuvent trouver des partenaires. n'engendre pas automatiquement la prise de conscience . Tandis que les plus favorisés peuvent étendre l'aire géographique et I'aire sociale des mariages (dans les limites de la mésalliance). fait de lattracticn du semblable sur le semblable. l'hahitus toume en quelque sorte a vide. dit-on de l'un d'eux).tIOn nouvelle des principes anciens qui les portent a agir a eontretemps. daos les théories cornmunes du « choix du conjoint » et qui. postulant l'homogénéité des fonctions de l'homogamie (sans voír qu'elle peut avoir des sens opposés selon qu 'elle est le fait des privilégiés ou des dépossédés). que I'on peut comprendre les « foires aux célibataires » dont la premiere fut organisée a Esparros. Saos prétendre proposer ici une théorie générale des échanges matrimoniaux daos les sociétés socialement différenciées. Telles ces meres qui s' oecupent de chercher un parti pour leur fille alors qu'il faudrait songer au garcon ou de celles. C'est ce qui fait que. Les réponses de l' habitus qui. on voudrait indiquer seulement que la description des processus d'unijicotion du marché matrimonial n 'implique aucunement 1'adhésion au modele du marché matrimonial unifié qui est a l'ceuvre. la trajectoire qui conduit de l'ancien au nou- . et le temps néeessaire pour eomprendre le nouveau eours des choses est sans doute dautant plus grand que l'attachement objectif et subjectif al' ancien monde les intéréts et ~es invesrissernents dans les enjeux qu'il prop~se. qui est la leur sur ces marchés (et qui peut étre mesurée ala valeur matérielle ou symbolique du bien matrimonial contre lequel ils ont été échangés). les différents agents parcourent. celle des stratégies du désespoir. C'est le cas de ces héritiers de bonne famille qui s'enferment dans le célibat apres plusieurs tentatives infructueuses aupres des filles de leur rano-b ou de • ceux qur.234 Reproduction interdite diriger leurs attentes. Soit qu'ils obéissent au sens de la hauteur statutaire qui leur interdit de déroger el 14. Sans doute le décalage entre les habitus et les structures. le ~rívile~e s'inverse. laissent passer leur rnoment. on ne peut comprendre les variations que l'on observe dans les chances au mariage des différentes catégories sociales. affronté aun monde différent de celui qui I'a produit. francs de toute dépendance. done la valeur. a 1'inverse de leurs sceurs. C'est dans cette logique. C 'est-á-diré de la recherche de l'homogamie. le t?umant des années 1950 oü le mariage est eneore chose facile pou~ les ~< gros» paysans (« Beaucoup de filIes pour lesquelles JI a fait la fine bouche feraient bien aujourd'hui son affaire". en 1966. encore plus nombreuses. les anciens dominants eontribuent a leur propre déclin. tant bien que mal) comme autant d'univers séparés. sí souvent. surtout de maniere insensible. qu'á condition d'abandonner l'hypothese d'un marché du travail unique et unifié et de renoncer a agréger artificiellement des données hétéroclites pour rechercher les lois structurales de fonctionnement propres aux différents marchés. a des vitesses différentes seIon les intéréts qu'ils ont investis dans l'aneien et le nouveau systeme. Mais la crise . Soit qu'ils appliquent a la slt~a. projetant sur un monde d' oú elles ont disparu l' attente des structures objectives dont il est le produit. Mais il ne s'agit pas pour autant de succomber a Pillusion opposée qui consisterait a traiter les différents marchés matrimoniaux (par exemple le marché « paysan » qui continue a fonctionner. De méme qu'on ne peut rendre raison des variations de salaires selon les régions. sont plus importants. qui repoussent eomme des mésal1iances des mariages qu'elles auraient dü accuei~~ír comme des miracles. c'est-a-díre du prix que recoivent les produits de leur éducation. avec des avancées et des reculs. consciernment ou inconsciemrnent. mais refoulée. C'est le méme mécanisme qui est au principe de la conversion de I'attitude des paysans a l'égard du systéme d'enseignement. qu'il 237 déplore par ailleurs comme une calamité sociale. a I'état fossilisé de 1 . qui s'exprime daos des prophéties prophylactiques. et de l'exode rural. Selon une logique analogue a celle qui commande les processus d'inflation (ou. La statistique établit ainsi que les fils de paysans. qu 'il avait couturne de marier de bas en haut. redouble les effets de la mise en question qui le provoque: la crise des «valeurs paysannes ». accomplies a la faveur de la solitude anonyme du marché. est cette sorte de dédoublement de la conscience el de la eonduite qui porte a agir successivement 00 simultanément selon les principes contradictoires de deux systemes antagonistes. qui est elle-méme au principe de ses stratégies matrimoniales. sous l'effet de la violence symbolique.de la forme « la terre est foutue » -. donc l 'accord du groupe avec lui-méme. pire. a un degré d'intensité supérieur. En donnant ses filles. comme la manipulation de la langue francaise ou la maitrise du caIcul économique. qu'il ne veut pas. ressentie a1'échelle individuelle. dan s leur antagonisme rnéme. objers. aboutit ace résultat collectif el non voulu. au prix d'une révision des valeurs et des représentations associées a l'un el a l'autre. Tout se passe bien comme si le groupe symboliquement dominé conspirait contre lui-méme. Et l'effet le plus caractéristique de la erise révolutionnaire. il contribue a instaurer les conditions du célibat des héritiers. tandis que les filles de paysans s'unissent souvent a des non-paysans. manieres. chaque famille ou chaque agent contribue a la dépréciation du groupe dans son ensemble. que le groupe ne veut pas pour ses filles ce qu'il veut pour ses garcons ou. et de tout son étre. la dualité des stratégies matrimoniales porte au jour la dualité des criteres que le groupe emploie pour estimer la valeur d 'un individu. épousent des filIes de paysans. Paree que l 'école apparait comme seule capable d 'enseigner les aptitudes que le marché économique et le marché symbolique exigent avec une urgence sans cesse accrue. Ces stratégies matrimoniales manifestent. En recourant a des stratégies strictement opposées selon qu' elles ont a donner ou aprendre des femmes. la représentation citadine de la valeur actuelle et escomptée du paysan. ehaeune d'elles est divisée contre elle-méme : alors que 1'endogamie attestait 1'unicité des criteres d' évaluation. qui est au principe de ces trahisons isolées. instrument principal de la domination symbolique du monde citadin. La soumission aux valeurs de l' école renforce et 15. mérne s'il veut de ses filles pour ses garcons. redouble la crise de la valeur du paysan. L'effondrement de lacertitudo sui que les paysans étaient parvenus a défendre envers et contre toutes les agressions symboliques. la fuite des femmes et le eélibat des hommes. sur le marché des biens matérieIs et symboliques. des prévisions a fonction d' exorcisme . don! eelles de l' éeole inlégratriee. qui trouve dans l'anarchie des échanges du marché matrimonial l ' occasion de s'exprimer. de ses biens. donc sa propre valeur en tant que classe d'individus. a des citadins. au fond. les familles paysannes trahissent que. En agissant comme si sa main droite ignorait ce que fait sa main gauche. La baisse progressive du eours des langues vemaculaires sur le marché des échanges symboliques n'est qu'un eas particulier de la dévaluation qui affeete tous les produits de I'édueation paysanne: l'unification de ce marché a été fatale a tous ces produits. les phénomenes de panique). il manifeste qu'il reprend a son compte. l'image citadine du paysan simpose jusque dans la conscience du paysan. Toujours présente. de ses garcons pour ses filles. rejetés dans l'ordre du vieillot et du vulgaire ou artificiellement conservés par les érudits iocaux. La défaite intérieure. vétements. de ses produits. lorsqu'ils parviennent a se marier. la résistance jusque-Ia opposée a la scolarisation et aux valeurs scolaires s'évanouit 15.236 Reproductton interdite L' unification du marché matrimonial veau régime matrimonial. cette violence donl on esl a la fois l'objet et le sujet. s'jl avait un écart d'áge plus grand avec son fils. Ainsi. Ce serait oublier que les deux tenues de la relation sont le produit du mérne principe. comme autrefois. Elle s ' opere dans les confrontations concretes au sein méme de la famille. leur reussite scolaire respective. un exploitant agricole ay~nt un fil. réside dans folklore.. leur distribution par sexe. les produits de l'éducation paysanne. l. il faudrait pouvoir ~rendre en compte a la fois la taille de l'exploitat!on. 11 pourrait la lui laisser a 60 ans.e.s d~ 25 ans et possédant 20 hectares ne pourra pas se mettre a la retraite a 60 ans pour laisser sa ferme a son fils. La corrélation qui unit les taux de scolarisation et les taux de célibat des agriculteurs (agrégés au niveau de la région) ne doit pas étre lue comme une relation causale. Les paysans entrent dans les musées des arts et tradit~o~s populaires. le nombre d'enfants. le paysan est sans cesse obligé de compter dans sa pratique avec la représentation de Iui-méme que les citadins lui renvoient. voire d'« étudiants ». L'unification des marchés économique et symbolique (dont la généralisation du recours au systeme d'enseignement est un aspect) tend. l'école remplit sa fonction d'instrument de domination symbolique. L' unífication du marché matrimonial 239 l' effondrement de I' écran des relations sociales a base locale qui contribuait a leur masquer la vérité de leur posi. tion dans I'espaee social: le paysan appréhende sa condition par comparaison avec celle du petit fonctionnaire ou de J'ouvrier.es. qui s' exprime aussi bien dans la scolarisation des enfants que dans l' émigration ou dans I'abandon des langues locales. ou dans ces sortes de réserves de culs-terreux e~~a~lles que sont les écornusées. qui l'aurait bien repris. Par la. au sein méme de la région.e systeme des facteurs explicatifs qui dé. etc. il pourrait la eouper provl~Olr~­ ment en deux. Etant donne 1 hétérogénéité des exploitations agricoles. les femmes rappelIent les criteres dominants de la hiérarchisation sociale. n' ont que peu de prix : le paysan devient «paysan »..238 Reproduction interdite accélere le reniement des valeurs traditionnelles qu 'elle suppose.er. et en particulier les manieres paysannes de se tenir avec les femmes. le cycle de Vl~ de}a famille. il ne fait pas de doute qu 'il détient par soi un pouvoir de détoumement qui peut suffire a triompher des stratégies de renforcement par lesquelles les familles visent a faire porter les investissements des enfants sur la terre plutót que sur l' école .n!n. . un des facteurs de la démoralisation paysanne.lorsque I'école elle-méme n'a pas suffi a les décourager par ses sanctions négatives. En accordant pratiquement la préférence aux citadins. coupés de la société paysanne par tout leur . La prolongation de la scolarité obligatoire et l' allongement de la durée des études placent en effet les enfants d'agriculteurs en situation de «collégiens ». n n'est guere possible de ressaisir. dans les relations de concurrence réelle dans lesquelles les paysans se trouvent mesurés aux non-paysans. La comparaison n'est plus abstraite et imaginaire. contribuant a la conquéte d'un nouveau marché pour les produits symboliques citadins : lors méme en effet qu' elle ne parvient pas a donner les moyens de s' approprier la culture dominante. a l'échelle de I~ ~égion. 16.ent J.tnmoniales des agriculteurs. On voit immédiatement I'accélération que le systerne d' enseignement peut apporter au processus circuIaire de dévaIuation. Selon la logique du racisme qui s'observe aussi entre les c1asses. elle peut au moins mculquer la reconnaissance de la légitimité de cette culture et de ceux qui détiennent les moyens de se l'appropricr. avec les émigrés et surtout. ~'il avait une exploitation plus grande. peut-étre. A cette aune. on l'a VU. méme si l' éducation peut contribuer a son tour arenforcer l' efficacité des mécanismes qui produisent le célibat des hommes 16. a transformer le systeme de référence par rapport auquelles paysans situent leur position dans la structure sociale. au moment oü ils sortent de la réalité de l'action historique.~t:ategles ma. a l'occasion du mariage. et il reconnait encore dans les démentis qu'illui oppose la dévaluation que le citadin lui fait subir. au sens que I'injure citadine donne a eet adjectif. Cet effet de déculturation s' exerce rnoins par la vertu du message pédagogique lui-mérne que par l'intermédiaire de l' expérience des études et de la condition de quasi-étudiant. En premier lieu. de la relation entre les déterminismes objectifs et l'antieipation de leurs effets. les paysans scolarisent plus et plus longtemps leurs filIes ". plus ils ont de chances de quitter l'exploitation agricole. 86. L' unification du marché matrimonial 241 Outre qu'ils ont pour effet de couper les agriculteurs de leurs moyens de reproduction biologique et sociale. la reproduction par 1'individu singulier de la position occupée par la lignée daos la structure sociale. Rennes. ces mécanismes tendent a favoriser l'apparition. 348). lorsqu'elle se contente de porter au jour et de divulguer largement. Cette nouvelle expérience tend adéréaliser pratiquement les valeurs transmises par la famille et atourner les investissements affectifs et économiques non plus vers la reproduction de la lignée mais ven. Il ne fait pas de doute que 1'infonnation économique. L'effet de démoralisation qu' exerce une représentation pessimiste de 1'avenir de la classe contribue au déclin de la elasse qui le détennine. 1966. ils se faisaient les compliees de leur destin objectif. al'accomplissement des phénomenes qu' elle décrit.240 Reproduction interdite ~lyle de vie et. une fois encore. Lambert. série « Etudes »j). C'est paree qu 'ils ont intériorisé leur avenir objectif. octohre 1971. done plus portées aretenir au moins de l' enseignement scolaire les signes extérieurs de la civilité eitadine. Enfin. secondaire ou supérieur. Et la prophétie technocratique qui annonce la disparition des paysans ne peut que renforeer cette représentation en conférant sens et cohérence aux multiples indices parcellaires que leur livre I'expérience quotidienne. eontribue. cette forme rationnelle de la prophétie. Plus les enfants d'agriculteurs sont restés dans le systeme d'enseianement. e'es! surtout par l' intermédiaire de laction qu'elle exerce sur les filIes que l'école atteint les fils d 'agriculteurs destinés areproduire la famille et la propriété paysanne : I'action de déculturation trouve un terrain particulierernent favorable chez les filIes dont les aspirations tendent toujours as'organiseren fonction du mariage et qui sont de ce fait plus attentives et plus sensibles aux modes et aux manieres urbaines et al' ensemble des marqueurs sociaux définissant la valeur des partenaires potentiels sur le marché des bien s symboliques. (cf. d 'une image catastrophique de leur avenir colIectif. Y. jusqu ' aux « intéressés » eux-rnémes. les lois de l'économie de marché qui condamnent les petits agriculteurs. Il s'ensuit que la concurrence économique et politique entre les classes s'opere aussi par lintcrmédiaire de la manipulation symbolique de l' avenir: la prévision. Résultats d' une enquéte exploratoire en lIle-et-Vi/laine. Pa. « Héritage social et chances dascension ». Ourre quils onr été préparés explicitement ou implicitement a exercer un métier non agricole ou a vivre dans le milieu urbain. ceux qui ont suivi l'enseignement technique ou général. Pradene. La paysannerie représente un cas-Iimite et. 1971). La démoralisation n'est jamais autre chose qu 'une forme particuliére de self-fulfilling prophecy. ils subissent un manque agagner d'autant plus important en entrant dans I'agriculture que . par l' effer de la dialectique de l' objectif et du subjectif. in Darras. ils sont les plus aptes a avoir une honne connaissance de ['offre d'emplois non agricoles et a se déplacer verx les zones oü les perspectives de revenus sont les plus fortes (cf. En 1962. est propre a favoriser l' avenement de l'avenir qu'elle prophétise. les petits artisans et les petits commercants. Daucé. legouzo. par leurs rythmes temporels 17. p. p. 156-166 (supplément. G. P. en particulier. particulierernent significatif.41.« Environnement économique des exploitations agricoles francaises ». sont les plus enclins a se détourner de l'agriculture par opposition a ceux qui n'ont recu qu'une fonnation primaire ou un enseignement agricole. Ici encare. Si les taux de scolarisation des garcons el des filles sont assez proches pour les 10-14 ans et pour les 20-24 ans.mi les enfants d'agriculteurs.certains seuils de surface d'exploitation et de capital ne sont pas attemts. a ce titre. 18. Éditions de Minuit. et la repréLe Partage des bénéfices. 17. Et il est significatif que.1 % des filles d'exploitants agricoles ñgées de 15 a 19 ans étaient scolarisées contre 32 % seulement des garcons (cf M. Statistiques agrico/es. INRA. La F ormation des enfants d' agriculteurs et leur orientation hors de l' agriculture. dan s la conscience des paysans. . eomme si. on remarque que les filles de 15 a 19 ans et notamment celles dont le pere dirige une exploitation de plus de 10 hectares sont heaucoup plus fortement scolarisées que les garcons. De fait. qut place dans un groupe traité en boue . certaines revendications féministes (eomme le jeu avec he 01" she du nouveau discours universitaire anglo-saxon) ou certaines formes de revendications régionalistes. qui conduit a la débandade. que les paysans ont des actions qui tendent a menacer leur reproduction. qui conduit ala recherche collective d'une solution col1ective de la erise. Irwin Co. soit la mohilisation. ment de 1'entreprise agricole en sa forme traditionnelle ". R. bien souvent. vers la fa~ss~ con~r~tlsa~~on.partleuh~r.s' organ~­ ser en vue de lui opposer une riposte collective. si J'on aceepte la théorie sclon laquelle la reproduction biologique de la famille agricole fait partie des conditions du fonctionne. plus généralement. au tenne d 'un cycle de la mode intellectuelle. ~alS ce n'est pas I'intérét.le monde ~st mene par la passion. Illinois. bolique) des eonduites en apparence aussi parfaitement {( pass ionnelles » que les luttes linguistiques. D. 6. Smith. c'csr la distinction classique entre les passions et les intéréts. je me sens en droit de rappeler que les désespoirs ou les indignations des premiers íntéressés désignent souvent des problernes que la recherche.Reproduction interdite 242 sentation que s'en font les dominants.daos la panique des subterfuges individuels.ede la passion ou du sentiment (cf. autour des années 1960. dans le ressentiment réactionnaire et la représentation de 1'histoire comme complot 19. a I a. En fait. paree quils ne disposent p~s d~s schemes d 'explication qui leur permettraient de eompre. 19. . a un moment oü certain discours populiste chantait l'émergence d 'une nouvelle élite paysanne.ém. I A .Je. Daos l~ eas.ant de l'unification du marché: eeei contre les différentes formes d eeonomisme qui. L'enjeu du conflit sur les représentations de lavenír TI 'es! autre que I' attitude des classes en déclin face ace déclin : soit la démoralisation. 1232-1244.efu. p. etc. semblait concentrer toute J'angoisse des familles rurales. Kerblay. Cf. d'mtéréts symboliques tout a fait tangibles et propres afonder en ratson (sym- a l 4 « Opinions du peuple saines» Ayant assez dit en quelle suspicion il faut tenir la sociologie spontanée et étant plus que jamais porté a réeuser toutes les formes de «bavardage quotidien » sur le quotidien qui ont de nouveau cours aujourd 'hui. Cajanov ». et qUIJett~ l~s tr?ls quart~ des eonduites humaines dans labsurdité.et de se mobiliser colíectívement pour la modifier.) le pnncipe de leurs dlffle. ce qui est absurde. laliénation économique qui c?nduit a la violence réactionnaire de la révolte conservatnce cst en meme temps une aliénation logico-politique : les agents en déclin se t?~m~nt ver~ le racisme ou.. p.hlens symboíiques. réduisent les revendications proprement symboliques.sUlte~<. 11 est eertain que la revendication régionali~te ~u natlOnah~te co~stltue une riposte spécifique et sensée la dommatl~n ~ymbohque resu!t. V. qui sont toujours plus ou moins confuséme~t en~agée~ d~ns les ~. F.. Homewood.~per . Annales.ultes actuelles et potentielles. oetobre-décembre 1964. communistes. 20. Ce qui peut faire la différence. au lieu de se r. Richard D. qui fait oub~ier l'existence. ignore ou esquive. C'est le cas du célibat des héritiers qui. hélas ! qui mene le mond~. réelle ou redoutée. ~'écono?"ie et d~ la rationalité et faute de eomprendre comme telle 1 economie des. comme sommation de fuites individuel1es. Kerblay.bsurdlt. De maniere générale. D.ou­ vements linguistiques. Chayanov on the Theory of Peasant Economy. au lieu de fuir la dégradation. eds. ou nationalistes. A. novembre-décembre 1966.ssalre UU1fs. 411-460). 1966 (et en particulier l'introduetion de B.:dre la sltu~tlOn. parue aussi in Cahiers du Monde russe et soviétique V (4). e'est fondamenralement la possession des instruments symboliques permettant au groupe de se donner la maitrise de la erise et de. qui ont le pouvoir de contribuer ale faire par leurs décisions. ~e départ des uns ou des autres signiñera un désastre économique. E. régionalistes. «Une théorie néopopuliste de l'économie paysanne: L'École de A. francs-macons. Thorner. V. B. au nom d'une définition restreinte de... Thorner.. par exemple cett: déclar~tlon typrque de Raymond Cartier dans París-Match du 21 aout 1971 a propos des revendications des catholiques irlandais : « Ricn n 'est plus ~bsurde. »). 21.ou encore. contrainte ou soumission volontaire. Bien que je n'aime guere I'exercice. apres avoir lu ces analyses. le célibat des ainés a réalisé ce que les seuls effets de la domination économique el de la dégradation. si l' on veut. juillet 1967). 22. cette unité indissociable d'un patrimoine el d'une maisonnée : nombre des moyens propriétaires qui. d'une véritable compréhension (que l'on peut dire.entre autres raisons. dans un autre ordre. constitue la condition sine qua non. tant sur le plan technique que sur le terrain des associations ou des syndicats. paree qu'elle peut faire croire que celIe-ci peut n'avoir eu d'autre principe que la recherche de la différence -. plus de la moitié d'entre eux étaient célibataires et la population paysanne marquait un net déclin du fait du déficit des naíssances résultant du célibat et du retard au mariage. André Brun conclut que «les "sorties" d'agriculteurs exploitants sont essentieIlement le résultat de la mortalité et des retraites » (cf. Statisrique agricole. qui consiste a passer en revue. pour s'en distinguer. Mais l' opposition entre l' infrastructure et la Opinions du peuple saines » 245 superstructure ou entre l'économique et le symbolique n'est que la plus grossiere des oppositions qui. loin de représenter une fuite idéaliste vers les spheres éthérées de la superstructure.244 Reproduction interdite « on comprend que la crise qui affecte l'institution matrimoniale. 001 été les grands bénéficiaires de la légere concentration des terres rendue possible par le dépérissement des petites propriétés el qui se sont montrés les plus modemistes. et pas seulement en ce cas. en enfermant la pensée des pouvoirs dans des alternatives fictives. manipulation centraliste ou automystification spontanéiste. menace l' existence méme de la « maison » paysanne. on est convaincu que la domination symbolique qui s'exerce a la faveur de l'unification du marché matrimonial a joué un róle détenninant dans la crise spécifique de la reproduction de la famille paysanne. cIé de voüte de tout le systeme des stratégies de reproduction. empéchent de eomprendre completement la logique infiniment subtile de la violence symbolique qui s 'instaure dans la relation obseure a elle-méme entre les eorps socialisés et les jeux sociaux dans lesquels ils sont engagés 22. au moins relative. Si. des revenus agricoles. je voudrais faire remarquer toute la différence qui sépare la théorie de la violence symbolique comme méconnaissance fondée sur l'ajustement inconscienr des structures subjectives aux structures objectives de la théorie foucaldienne de la domination comme discipline et dressagc . 1 . la génération directement touchée par la crise des années 1960 arrive a son tenue et une part tres importante des propriétés vont disparaltre avec leur propriétaire. Supplément 28. En 1989.« Perspectives sur le remplacement des chefs d'exploitation agricole d'apres I'enquéte au l/lOe de 1963 ». 001 été touchés par le célibat : en laissant tant de terres sans héritiers. En 1968. 50 % des asriculteurs avaient plus de 45 ans. les métaphores du réseau ouverr el capillaire d'un concept comme celui de champ. Au terme d'une étude sur les facteurs de disparition des exploitations agricoles. matérial iste) des phénomenes de domination. n'auraient pu réussir ". on doit reconnaitre que l'attention portée a la dimension syrnbolique des pratiques. selon les statistiques nationales. typiquement scolaire. toutes les théories concurrentes de I'analyse proposée . a Lesquire. la taílle de leur propriété). s s Gros (> JO ha) NR 18 2 6 10 18 2 6 8 12 126 20 29 3 7 10 25 234 51 73 10 15 25 40 413 2 4 1 1 2 8 41 2 2 2 2 10 35 4 6 3 4 18 76 1 .Annexe Distrtbutíon des personnes nées daos les hameaux de Lesquire avant 1935 selon Ieur. concernant les domestiques el ouvriers agricoles. 4 4 2 1 3 4 8 18 1 5 6 8 75 31 44 7 8 15 15 179 1 1 3 18 9 10 1 1 2 10 90 11 1 1 2 13 108 Femmes mariées 3 7 26 36 2 12 14 Ensemble femmes 3 5 32 45 2 16 Ensemble 7 34 64 105 13 Hommes célib. 4 1 11 16 12 9 51 72 8 Ensemble femmes 16 10 62 88 8 Ensemble 23 26 121 170 9 30 60 185 275 22 Hommes 14 1 12 27 1 Femmes 8 3 10 21 22 4 22 48 p A R Pemmes maríées 10 Restés + Partís D "ee " f. 3 E f: Alné Hommes célib. 2 4 8 14 Hommes mariés 5 12 51 38 1 Ensemble homrnes 7 16 59 82 1 lO Femmes célib.) n'oTIIpu erre détaillées ici. . leur sexe."".ans el co'mmer~a~ts ct les employés (facreurs. 13 62 2 18 8 10 108 T 1 58 2 T s Total Ens. s Ensemble 1 1 1 ~ U:S donnéc. les arti. gendarme" etc.résidence en 1970 (el pour les agriculteurs. el leur statut matrimonial (a Lesquire 00 ailleurs). la profession de le~r pere leur rang de narssance Agri Professíon du pere Petit NR R « cuíteurs Moyen 15 ha) Aíné Cadet Ens. Cadet Autres* 14 18 35 5 44 16 3 2 5 2 Hommes mariés 1 12 14 27 6 4 10 3 1 4 5 46 Ensemble hommes 4 26 32 62 11 15 26 6 3 9 7 1 6 7 104 Femmes célib. NR (15-30 ha) Ainé Cadet Ens. rnots d'ordre qui contribuent a produire l' ordre social en informant la pensée de ce monde et en produisant les groupes qu 'ils désignent et qu 'ils mobilisent. dans des contextes tres différents. qui trinque. La représentation du monde social TI' est pas un donné OU. en un sens plus spécifique. e'est que la vérité du monde social est un enjeu de luttes : paree que le monde social est.POST-SCRIPTUM Une classe objet Pague paysá l " (Paie paysan r¡ S'H Y a une vérité. Selon I'étymologie populaire. qui a tort. . achaque moment. Elle est déposée daos les mots communs. pour dire simplement qu'il faut payer les pots cassés ou. que e 'est toujours le faible. représentation et volonté . la construction sociale de la réalité sociale s' accomplit dans et par les innornbrables actes de construction antagonistes que les agents operent. le paysan. le pauvre. ce qui revient au mérne. dans leurs * Expression béarnaise qui est utilisée.. mais le produit d'innombrables actions de construction qui sont toujours déjá faites et toujours ti refaire. un reflet. paree que la représentation que les groupes se font d'eux-rnémes et des autres groupes contribue pour une part importante a faire ce que sont les groupes el ce qu'ils foot. qui paye. termes performatifs qui font le sens du monde social autant qu'ils l'enregistrent. il s'agirait de l'exclamation que l'on profere quand l'Etat impose de nouvelles charges. un enregistrement. pour une part. qui se fait rouler. Bref. . sans doute fondée dans le cas particulier. 3. Mais cela ne nous apprend rien sur la facon dont ces institutions sont nées. de partir en guerre avec des formules générales contre l' esclavage et autres choses sernblables. aux différentes variantes au goüt du jour de I'histoire des idées et en particulier a celle qui se donne des airs de radicalisme critique en pourfendant des adversaires morts et enterrés. Paris. des instruments de production de ces instruments) el du fait aussi que les instruments qui soffrent irnmédiatement aeux tout préparés. toute la philosophie sociale qui se trouve inscrite dans les oppositions les plus ordinaires de l'expérience ordinaire du monde social (ville/ campagne.folklurban. l'histoire sociale des sciences sociales est a peu pres totalement dépourvue d'intérét. e'est pourquoi I'histoire sociale des représentations sociales du monde social fait partie des préalables critiques de la science du monde social qui véhicule. foncuonne gráce ades petits-bourgeois répressifs pour transforrner les ouvriers en bourgeois plus bourgeois que les bourgeois '.250 Une classe ob]es Post-scriptum luttes individuel1es ou collectives. par la philosophie sociale qu'ils véhiculent a l'état implicite. 251 Cette sociologie historique des schemes de pensée et de perception du monde social s' oppose. ) pourronr se reporter au~ pages 111 et 135.» Faute d'étre capable de ressaisir les nécessités qui conferenr aux institutions et aux conduites leur nécessité historique. Paris.).. 1959. Éditions sociales. geors et a leurs réves de pouvoir. mise au point par des petits-bourgeois. aux pages 140 et 145 Pour la ~e~on de savoir-vivre bourgeois aux instituteurs petits-bour. les éouipe~Je11ls de ~O! malisation. luttes bien sur tres inégales puisque les agents ont une maitrise tres variable des instrurnents de production de la représentation du monde social (el. plus encare. produits historiques des luttes historiques que l' amnésie de la genese étemise et réifie. L 'histoire sociale ou la sociologie hístorique ne vaudrait (peut-étre) pas une heure de peine si elle ne sinspirait de cette intention de réappropriation de la pensée scientifique par elle-rnéme qui est constitutive de I'intention scientifique la plus actuelle et la plus active l.. CERFI.. 2.~ éq~.. et en particulier le langage ordinaire el les mots de seos commun. F. « JI ne coüte pas grand-chose. 1971 p: 213-2. rural/urbain. p. l ecole prtmasre. 153~155. et de déverser sur une telle infamie un caurroux moral supérieur.éné~/?gie de.14. Ce qui. tres inégalement favorables a leurs intéréts se Ion la position qu'ils occupent daos la structure sociale. Qu~rrie? C. sur les causes pour lesquelles elles ont subsisté et sur le role qu'eltes OO! joué dans I'histoire l. L 'inconscient. ele. disait Engels. disait a peu pres Durkheim.) pour penser le monde social ou dans les divisions seIon Iesquelles elle s'organise (sociologie rurale el sociologie urbaine. etc. tant dans ses intentions que dans ses méthodes. en dehors de toute référence aux ceuvres qu'ils ont produites. Cela signifie concrétement que lorsqu'elle se mue en une accumulation positiviste d'inforrnatioos plus ou moins anecdotiques sur les spécialistes d'autrefois. cette invention des prétres ~t des pasteurs. en particulier dans les oppositions qu'elle mel en ccuvre (Gemeinschaftl Gesellschaft. Malheureusement on o' énonce Ia rien que ce que tout le monde sait. Ceux qur trouveraienr le « résumé » sornmaire (ou « primaire » .pemenls collectífs. ele. a savoir que ces institutions antiques ne correspondent plus anos conditions actuelles ni aux sentiments que déterminent en nous ces conditions. Cf. Editions sociales. 1975. A. . Paris. 1 . luí fournit un masque qui devient d' a~l1eurs assez transparenj lorsque. Bngels. P? aurait pu citer aussi Antonio Gramsci. CEUI'''CS choi~ SICS. c'est l'histoire : il ri'y a pas d'autre moyen de s'approprier completement sa propre pensée du monde social que de reconstituer la genese sociale des concepts. pour le portrait de I'instituteur co~me scribouillard ~bruti par le remplissage des registres ou comme petit-bourgeo¡s onamsre el sado-masochisre. pour imposer la représentation du monde social la plus conforme a leurs intéréts . la « recherche » historique qui devrait foumir les moyens de traquer l'inconscient de c1asse. par exemple. 1. sont. on entend demontrer que l'Ecole. en ce cas comme ailleurs. spontanées ou organisées.). rend possible et. Anli-Dühring. l'indignation bourgeoise contre les pelits-bourgeois et contre les prolétaires qu'ils embourgeoisent avec leurs écoles ou leurs syndicats. cu. 1 . en repla~ant les institutions et les pratiques dan s le systeme .'exigences qui en résuite dispensent ala fois de toute enquete syste~alJque.l 'innovation est. La "liberté sexuelle". en dénoncant.) 4. gáchent les chances de leurs m.Le psvchiatriquc ot ! éducatif. passé et annulerait l'objet dindignation re~rospectlv. les conditions s.qur. ailleurst'I'assistanciel"] apartir de ragenccment stratégioue ~e. cit. e'est.ociales de production des catégories sociales de percepuon et de représentation du monde naturel ou social qui peuvent étre au principe de la réalité méme de ce monde lorsque.bien faltes pour donner les apparences de la « grande culture» _ et le ch~ssé-cro!sé d.. 199-200). l'exigence relatlO~~elle.lque )~ ~ elles références decousues et décontextualisées au passé . outre les dispositions de l' habitus bourgeois.rhllosophlque . pour fondér le survol objectiviste qui évacue completeme.vlvre. Pour que l'histoire sociale ait la valeur d'une psychanaIyse de l' esprit scientifique et de la conscience sociale.elles recorvent leur sens et leur nécessité sociologique. Editions de Minuit.252 Une classe objet Post-scriptum 253 autres raisons parce qu'elles se définissent précisémenr contre l'arrierc-garde « dépassée »(.l. 11 suffit de savoir au prix de quels efforts les historiens (cf 1. Gallimard/Julliard. París. Donzelot. chez Anne Querrien et chez tous les auteurs de la méme veine.. suppose tout autre chose que la consultation de quelques textes pittoresques rencontrés au hasard des catalogues de la Bibliotheque nationale. 14.. la psycho-pédagogie seronr diffusés suívant les mérnes mO. Ozouf. m~ltatlon promotlOnnelle et la culpabilisation conséquente des familles qtn. cest-á-dire par un travail a proprement parler interminable. c?nstltuer~lt le passe comme. comme tel autre 5. 151) pour se convaincre que.dont . ~résent .5). l' ignorance des conditions sociales de production des agents et des institutions qu 'ils font fonctionner OU. les familles "démunies". comme autrefo¡s. Nous les maures d' écoles. qu'elles vont exercer leur mis- sl.propres a produire l'effet de « grande cnt.e. plus précisément. Donzelot.embres'1?ans le lancement du Planning familial retentit l'écho dun discours vleux de plus de ~eux siécíes [. et F. La Políce des familles. Paris. Furet et J. Ozouf. le judicíairc. s.e!on le mémc interventionnisme technocratíoue dont 0/1 a ~. c'est sur les Iarnilles o. l ' (cest nous qui soulig~o~s) (J. Cette histoire en survol reumt ~outes les ~onditions d'un haut rendement symbolique sur le ~arche des produits culturels: le va-et-vient incessant entre les alluSI?~S complices au. ~< Et natureílement. Éditions de Minuit. Et.. le controle des naissances..dahtes. 93-94.nstances qui le composent. op. par leur résistance. nécessaire. 2 vol. la dame d' oeuvres qui lisait le baron de Gerando a I'áge de l'assistante sociale qui cite son Lacan. 1967. 1978) ont pu répondre atelle question tranchée en passant (p. L 'intention méme de ressaisir les raisons d' étre. C'est ainsi que les histoires a faire peur des grand-meres bourgeoises deviennent l'histoire a dormir debout des pelites filles en rupture (de ban) avec la bourgeoisie.5 tlols. cornme chez Jean-Baptiste de la Salle et Freinet selon Anne Querrien. J.~e ~utl:efOls pour ~endre les caisses d'épargne et la scolarisation : l.uvfler~s. Donzelot. Paris.nt I etude des agents et les recherches parfois interminables qu'elle ~mpose. op. 1977. 5.qui ne ferair qu 'óter au discours sa h~uteur . p. p. transformée en tableau artistiquement construit quoi qu'on en puisse penser. Lire et Écrire. il faut ~u':lle reconstruise completernent. Mais ce n'est pas tout : l'indignation rétrospective est aussi une maniere de justifier le présent. il suffit de a'en remettre a cette sorre de finalisme du prre qur réduit I'~istoire au devenir quasi mécanique d'instances inremporelles et impersonnelles aux 110m s ailégoriques : « Bref essaye~' ~e comprendre r cffet sociaíement décisi/ du travait socia! [a~p~le.entre 6".. cette histoire libérée (du travail de recherche historique) contribue a légitimer le demier état des institutions de domination qui doivent la par! la plus spécifique de leur efficacité au fait qu' elles restent profondément méconnaissables . « le produit de la volonté de ne pas se fatiguer » (p.sur le présent . En effet. la maniere forte al' áge de la maniere douce. outre qu'elle est exclue par le mépris de classe.et de toute recherche approfondie sur le ~asse . " (J.onn~flat dans la propagation de ces nouvellcs normes qui les font si bien . l'indifférence aux formes spécifiques que revét l' exploita(ion dans les différentes catégories d'exploités et tout spécialement chez les petits-bourgeois dont 1'aliénation spécifique réside dans le fait qu 'ils sont souvent amenés ase faire les complices ala fois contraints et consentants de l' exploitation des autres el d'eux-mémes". dans la littérature ou la peinture (sans parler de la musique). en particulier gráce ala véritable généalogie sociale des catégories de perception du monde naturel que nous a donnée Erwin Panofsky " -. ils sont toujours exposés a devenir étrangers a eux-mémes. Les dominants ont. écrivains. cest-á-dire par une théátralisation et une esthétisation de leur personne et de leur conduite qui visent a manifester leur condition sociale et surtour aen imposer la représentation. le dominant est celui qui parvient a.) . que le poi nt de vue sur le monde naturel el. celui de contróler leur propre objectivation el la production de leur propre image: non seulement en ce quils détiennent un pouvoir plus ou moins absolu sur ceux qui contribuent directement ace travail d'objectivation (peintres. a cesser d'étre les sujets du jugernent qu'ils portent sur eux-mémes. Une classe objet 255 neutralisée du monde social qui parle de ce monde sur un mode lel que tout se passe comme si elle n' en parlait pas. La Perspectíve commeforme symbolioue. du moins aussi longtemps qu' on ne lui demande rien d' autre que ce qu' elle est originairement prédisposée a offrir. fatum. Dominées jusque dans la production de leur image du monde social et par conséquent de leur identité sociale. The Country and the City 7 . qu 'íl s 'agisse du «paysage naturel » du landscape gardening ou de la psychologie apparernment anhistorique des Tomaos de Jarre Austen et de George Eliot lels que les analyse Raymond Williams. de sa propre appropriation et que la perspective cesse d' étre un point de vue ordonnateur sur le monde pour devenir l' ordre mérne du monde. imposer les normes de sa propre perception.ce que l'on sait depuis longternps. Chatto and Windus. fonctionne comme une dénégation (au sens de Freud) des rapports sociaux. a s' approprier sa propre objectivation en réduisant sa vérité objective a san intention subjective. a fortiori. une des dirnensions fondamentales de l'aliénation réside daos le fait que les dominés doivent compter avec une vérité objective de leur classe qu 'ils n 'ont pas faite.254 Post-scriptum et en paysage architecturalement aménagé. 1975. 8. Le mérite du tres beau livre de Rayrnond Williams. Panofsky. culture sans cultivateurs. a porter sur eux-mémes un regard et un jugement d 'étrangers. sans doute paree qu'elle ne s'estjamais donné ou qu'on ne lui ajamais donné le contrediscours capable de la constituer en sujet de sa propre vérité. ceuvre d' arto Le rnystere du « channe éternel » de l'art bourgeois s'évanouit si 1'0n voit que tout ce qui. Au contraire. 1973. avec cette classe-pour-autrui quí s'impose a eux comme une essence. le centre de perspective de la vue qu'ils prennent d'eux-mérnes. Londres. mais aussi qu'ellc es! indissociable d'un rappor! au monde social. un destin. les classes dominées ne parlent pas. est l' exernple par excellence de la classe objet. elles sont parlées. etc. cest-a-dire une évocation 7. E. Paris. la classe paysanne. structure structurée sans travail structurant. The Country and the Citv. c'est-á-dire comme décor. sur le monde social dépend de la hauteur sociale d'oü il est pris. finalité sans fin. R. comme on disait autrefois. Éditions de Minuit. livre sous une forme objectivée la vérité du rapport bourgeois au monde naturel et social qui. contrainte de former sa propre subjectivité a. Williams. paysage sans paysans. est de rappeler non seulement que la perception du monde naturel lui-méme TI'a rien de naturel>. prédispose 1'ceuvre d'art a étre réactivée sinon indéfiniment. partir de son objectivation . produit le paysage comme paysage. C'est ainsi que la représentation bourgeoise du monde. Entre tous les groupes dominés. comme le regard distant du promeneur ou du touriste. Bref. joumalistes. la nature elle-méme impose les nonnes de sa propre perception. entre autres privileges. a étre percu comme il se percoit. cest-á-dire avec la force de ce qui est dit avec autorité : saos cesse invités a prendre sur eux-mémes le point de vue des autres. mais aussi en ce qu'ils ont les moyens de préfigurer leur propre objectivation par tout un travail de représentation. de sa maison et de ses bétes avec des accents de rédaction d'école primaire. pour les citadins et aussi pour eux-mémes. . l'une ou 1'autre des figures du paysan. Ce n'est pas d'aujourd'hui que les paysans. leur demandent par exemple de retoumer a leurs langues vemaculaires au moment oú les exigences tacites des marchés économique. on ne peut mérne ~as.256 Post-scriptum Une classe objet pe (et tres proche en cela des victimes du racisme). n' ont pas dautre choix que de jouer. ces membres d'une classe dépossédée du pouvoir de définir sa propre identité.squ' ~l ne d. propnetalf~ terrien en térnoizne. et que les díscours me~es q~1 exaltent leurs vertus ou celles de la campagne ne sont JarnaIs qu'une maniere euphémis~e ou . agnculteur. dont on raille les efforts pour parler le francais en l'écorehant (francimandeja) et aqUI sa lourdeur.o~t ce qu'ils sont puisque le mot le plus ordinaire pour les de~l~ner peut fonctionner. son inadaptation au monde citadin valent d'etre le héros favori des histoires dróles les plus typiquement paysannes. le «péquenot ». portés par la logique de leurs intéréts spécifiques. parlant de sa terre. qui assignent aux paysans leurs réserves. aussi longtemps que leur existence sera économiquement et symboliquement rentable.s pui. aujourd'hui. plus brutalement que jamais. de les abandonner. s~ m~l­ adresse. la forme fondamentale du profit de distinction.détourn~e de ~arl~~ ~~s vices des ouvriers et de la ville.ne. le gros pays~n empaysanné.e ou de se définir en réaction contre elle: 11 est sl~mfl. le «bouseux »'. done parfois réactionnaire.oit d' exister dans le discours qu' aux conflits qui se reglent a son propos. qui sait prendre J J . les divisions les plus irréductibles subjectivement pouvant s'organiser objectivement en une division du travail de domination : la folklorisation.s paysans" en eux~ mérnes et pour eux-mémes. qui soient plus condamnés en un mot a I'« inauthenticité » que ces « simples» en qui toutes les traditions conservatrices cherchent le modele de l' existence « authentíque ». dans la langue méme avec laquelle 11 se parle et se pense. mjure _ le recours a l'euphémisme. a leurs yeux m~mes. le «eul-terreux ». La formation d' une identité foncierement heteronome. On comprend qu'il est sans doute peu de groupes qui entretiennent des relations moins simples avec leur propre identité. celle du paysan respectueux qui fait daos le populisme populaire. san s cesse affrontés a la domination inséparablement économique et syrnbolique de la bourgeoisie urbaine. dire qu'ils s. le «plouc ». son ignorance. est l' accompagnement nécessaire de la dépossession et de l'expulsion. qui met la paysannerie au musée et qui convertit les demiers paysans en gardiens d'une nature transfonnée en paysage pour citadins. i~s ~'?nt d' autre choix que de reprendre a leur co~pte la d~f1mtl~n (dans sa version la moins défavorable) qUl. les différents secteurs du champ de pro- 257 duction idéologique lui proposent au mérne moment les images de lui-rnérne les plus incompatibles.leur es~ l~~ose. Il est eertain que 1'on ne pense a peu pres jamais le. matrimonial et scolaire leur imposent. le e péouze » q~i parle ~vec un « accent du terroir » a son correspondant a peu pres exaet (en béarnais) dans le paysanas empaysanit. . Mais peut-étre la contradiction est-elle plus apparente que réelle. Paradoxe particulieremenr éclatant dans l' ordre de la culture et surtout de la langue oü certaines fractions des intellectuels. Simple pretexte a preJuoes favorables ou défavorables. Ainsi. Ce sont en effet les lois du profit différentiel. est d'autant plus difficile que les images avec lesquelles elle doit compter sont elles-mérnes eontradictoires comme les foncnons auxquell es ceux qui les produisent les font servir. réactionnelle. Affrontés a une objectivation qui leur ann~nce ce q:'ils sont ou ce qu'ils ont a étre. ou celle du paysan heideggerien qui pense écologiquement. oü ils auront le loisir de danser et de chanter leurs bourrées et leurs gavottes. cornme ~.:atlf que la représentation dominante soit présente au sem m~me du discours dominé. pour la plus grande satisfaction des ethnologues et des touristes citadins. le paysan est l' objet d' attentes par définition contradictoire. ils ont toutes les chances d' apparaltre. la fenneture de l'horizon culturel. les paysans (auxquels il faut ajouter les fractions du monde rural qui en représentent en quelque sorte la limite. 2-5. 17-18. oriente souvent atort la révolte. Mouton. « Une classe objet ». foumirent quelques années plus tard ses partisans les plus acharnés a la contre-révolution vendéenne". venue 00 ne sait d' oü. 1960. il reste que l'étroitesse du champ des rapports sociaux. qui épate autant les citadins par son habileté a découvrir les champignons ou a tendre des lacets que par ses talents de rebouteux ou ses croyances d'un autre áge. tót ou tard. . ou encare celle du paysan empaysanné qui assume. Bourdieu. On sait l'histoire exemplaire de ces paysans du Bocage qui. paree que la forme spécifique de la domination qu'ils subissent fait qu'ils sont dépossédés aussi des moyens de s"approprier le sens et les profits de leur révolte : sans prétendre y voir des invariants d'une condition paysanne dont seule la cécité citadine ignore l'immense diversité. 9. du « cul-terreux ». d' abord contre le clergé et ses propriétés. l' ignorance de toutes les formes d' organisa- I l 259 tion et de discipline collective. antithcse absolue des habitants du bourg) paraissent voués a ces combats d 'arriére-garde contre les révolutions qu 'ils ont parfois servies. comme daos tant de révolutions réeentes. Paris . et tan! d' autres traits de leurs eonditions d'existence prédisposent les paysans a cette sorte d'individualisme anarchiste qui leur interdir de se penser eux-mémes comme membres d'une classe capable de se mobiliser en vue d'imposer une transfonnation systématique des rapports sociaux. Actes de la recherche en scíences sociales. Obligés de se constituer contre. cornme réactionnaires. grande accapareuse de terres et de révoluuons. 1 10. non saos un soupcon d'ironie el de mépris. faute d'avoir pu s'imposer eomme/orce révolutionnaire 10. novembre 1977. P. du bon sauvage OU mérne celle du braconnier. le role du « simple ». C'est pourquoi. El la constitution de l'identité collective pose aux paysans (el a la scíence sociale) des problemes qui ne sont pas plus simples que ceux de l'identité individuelle. Bois. ensuite contre la bourgeoisie urbaine.La Haye. qui. des structures économiques et sociales aux opinions politiques depuis l'époque révolutionnaíre. Cf. en favorisant la fausse contextualisation. porteurs des revendications les plus radicales en 1789. p. mérne quand ils jouent leur role de force de révolution. . P. Paysans de FOuest. les exigences de la lutte individuelle contre la nature et de la concurrence pour la possession du sol.258 Post-scriptum Une classe objet son temps el cultiver le silence et qui étonne les résidents secondaires par sa profonde sagesse. parfois un peu sorcier. comme les travailleurs des foréts. 218-219. 7'8. 17. 97-105. 232.et distribution dans l'espace géographique.195.59. .des anciens. 51. 186 n.55. 55-56. autorité bourg. 26. 75-76. 184 n. 184.64.217-218.des cadets.224. 184 n. 95-106.el le cadet. 108-111.. 47-48. ainé (aynat).203-205. 59.matériel el symbolique.69 n. endogamie. . 31.72. . 50.48.des parents. ... 67. 109.235-236. . 232-234.familiale. aussi échanges matrimoniaux. 28.43.88-93. v.des héritiers.morale.41-42. 73. 59-62. 108-110. 229.201. 113. 69. 238. 174. célibat. . * Cet index ainsi que l'index des noms qui suit ont été réalisés par Valérie Janicot.55. 197. 24. 79. . 71. 51.199-200. 124-126. 186-188. 94-95.du marié. 218.46. 69 n.. 46. 218-219. aristocratie paysanne. 192 n. 86-88. . 42. . 33. . 83-84. 29. 60-61.218.el le hameau.des arnés. capital.. 196 n.178. 215. 50.39. . 244.des cadets el sauvegarde du patrimoine..233..51.230. 74.81. 74-75. 84-85. aussi rang de naissance.. . 38-39. 178 n. anomie. 79-82. 23-24. . 111-114. 69 n. 59.86.83. 37.189 n. . 26. 74. 43. aussi hameau.166.77-81. 82.243. 12. 70.80.45-46. 43. 56. 67-68. 110..115 n. 46.189-190. v.195-197. 118-119.74 n" 179.. 176. taux oe-: 56-57.des bornmes.218 n. . 37. 205 . 45. 60-62. 195-196. v. 84.180. ba1.63-64.des femmes.. opposition entre le .Index des concepts" aire matrimoniale.178.72.. opposition entre 1'. 79.-79. fonction sociale du -. 81-82. 22. 33. transmission du -. 213. 220. 12. 31. 75. 67-68. aussi lignée. cxode rural. 36.234 n. 196-197. indivisibilité . 22. 39. 216. 51. 31. Iiens de voisinage. 219-220. éducation. -« de haut en bas ». 51. 195 n. hexis. 223. 110. 104 O. homogamie. v.197. .41. honneur impératifs d'-.222. 257. aussí modeles urbains. 132. 206. 74-75.de jouissance. 46-47.185. 56.chez les femmes. v. 51. 23. hameau. 37.202. 121. 50.201. existence de la -.185.. do! (ador). 36. 235. aussi stratégie matrimoniale. 130. 40. 25-28. 193-194.74-75.184. 19.23. 33. 186.(daunes. émigration.. 82.236.242 n. 199-201. 55.225-228. 72.121.paysanne. 71.scolaire. 23. 217. 35-36.des biens symboliques. endogamie. 13.comme entité collective et unité économique.240. domination .37. généalogie.77-79. v. 45. 174. héritiere.228-233. -matrimooial. v. . 41. 219-220.et répartition de la propriété fonciere.72-73. 63. mariage .172. 24.-chez les hommes.208.et économie.sur la terre.231. 20.237. 64. 28. 71. exhérédation. 22. aussi maison . 19.244.238. 252. 70. 185.134. 239..238. 24. 69 n. 192-194. 53. 257.197. 84-85. bouleversement des -. aussi stratégie matrirnoniale. . maltresse de . 34.. v. 26. parrirnoine.. 193. v. aussi structures sociales. 237-240. 237 O. 23. 236. 43. 232. 28. restructuration des -. 64. _ de retour (tournedot). aussi régime successoral . 70. continuité de la -. 32. 192. petite -r.120. 73. 116-117. valeurs d'-. 53. 174-176. 169. 180181. relations de parenté.206.72. 121. aussi bourg.(capmaysouév..201. 36.. 95. v. 185. 1 I i maison (maysau). 203. 13. 239. 183-185. 68-69.28-29. 113-115.56. aussi enseignement. densité sociale. modele de la . . fonction économique et sociale du-. v. . 179180. lndex habitus. 230.244.. marché .. 177. continuité du -.corporelle. 130. 20. 27 O. 2224. 186 n. . 32. 47.218n. .215.comme signum social. 198. 63.196. inréréts de la -. 78-79. 220. 189. 46. 20. urbanité. .207-208. 177 n. 51. 34. 172. 187.70-71.203. rayonnement d'une -. Le Bal des célibataires logique des -. 64. 146-147. 71. 179. 182. 205. sauvegarde de la -. 177. 178. . 195. aussi généalogie . 34.. modeles des échanges syrnboliques.de la terre. tauxd'-. droit .194. 73.20.romain. 263 lignage.masculine.193-194.25.70-71. 24. 78-81.économique. 116-118. lignée. 213. économie de -. aussi aire matrimoniale.d'atncssc intégral. 171.. aussi doto héritier droit de 1'-.262 culture urbaine. 39 n. 227. héritage. 244. v. v. . 257.192. v.140. 41. 191. 172. 215. .177-178 n. relations de parenté. 71. 27 n.d'ainesse. v.227. 217.extérieur.237238.225. 132. 40. aussi éducation scolaire. 180. 218 n. 73-74.205.181. . systeme des -. 68-70.74. 19. aussi famille.. . 172. 54. 257. 114. 37-38. 24. 12. 223-225.233. . aussí marché matrimonial.177. 172. 203. enseignement.37. reproduction de la -.63. 63.189. 171. chef de . 232-234. 23.140. 26. . 182 n. 177.coutumier. 71. v. fonctions de la -. 241. 185. v. .188. 192 n.de propriété. 217 . 59-62. 236-237.176. famille división de la -. aussi héritage. 219. . 234 n. aussi maison. 28-29. 19. conscíence de la -.191.217 .patriarcale. 181 n. grande -. .222.74. 67. v. 199. 46.81-85. v.108-111. 185. v. statut de 1'-. 87-90. 33.197. 202-204. statut de 1'-. 70. principe de la prédominance du-. 39. 83.186. 83. 27 n. 207. 177. 185. 51. 34. 83.symbolique.souche. 29.131. 56. 40-41. 183 n.180. 23.26. détermination du montant de la -. 75-76. aussi échanges matrimoniaux. 32. 14. 36-37. 180. v. 123. fonction des -. 32. . 179.scolaire. mariage entre -. 71.. 25. . échanges matrimoniaux.176.221. 236237. 35. 95. 50. 224 n. 83 n.218-219. 65. 186 O.97-105.240.. 65.sur le patrimoine. 73. 33. institution de 1'-..comme transaction économique. 127. I 1I '1' - . 244..34. . 132133. hiérarchie sociale. 233. . 173. 186n.42. systeme de succession.familiale. 186.« de bas en haut ».179-180.. 77-86. 36. sauvegarde du -. systemes de succession.209.207. Le Bal des célibataires réflexivité. régime successoral. Bois. K. 131. 28.187. 169-170 n. Cadier... 66-68. v. 176. intégrité du -.. Lebret..240. 172. E.. 230 n. 213. . 131. 119. Labourt. ci. Dupont. M. A.207. 173. 71.. 56..206207. 131. 192. 240 n.sociales.209.: v. Cavaillés..185. 230.G.195. aussi culture urbaine.. 10.H. 123. J.. L. 114.130.172-174. 191-192. J. aussi taux de nuptialité. aussí régime successoral. 46. modeles urbains. 238 n. 120.J. J. 33.233.-B. patrimoine. 176. Hatou1et.50. aussi hiérarchie sociale. taux de nuptialité. 144.56.218-219. 143. 240 n. 118. 176177. 37 v .244. 143. 19. 185.. 252 n-253 n. A. 23. J.. 28-29. lignée. . 202.. Mazure.. Panofsky. Le Play. 110. aussi mariage. 25..204. 116. 20l.210.209. . 11. Brissaud. v. . 65. Mauss.209. 137.-B.-F.. 180. Maria. Fay. régime successoraL inégalités de -. 132. émiettement du -. urbanité. 240 n. 177 n. B. Gramscí. H. Kerblay.209. M. 23..43. Pelosse. v.. 47-48.206.232. 41-42.249.. 188-190. J. Durand. intention de -. 204. G...matériel et symbolique. 180 -181. 184-185. 221. 179180.206. profit.123. 12. 230 -231.... 14. 22-24.. regle. 12. 191.249. Donze1ot.201. A. 243 n. urbanisanon.. M. continuation du -. v. P. aussi homogamie. 37. systémes de succession. M. 142. 216 n. 130. M. de. Mourot. 171. E. 122. v. Daucé.222 n.. 137. J. 134. v. 114 n.203. Fortes. 144. 138-139. 54.34. Crow. 244 n. 251 n. v.. 135. 236. H. 140.matrimoniales.255257. 216 n. coüts matériels et syrnboliques de la -.71. 174~ 176. 144. Lévi-Strauss. Morgan... 185. Lambert. 28.208. 131. 133. 139. J.215. 10.domestique. Lafond. 10. 179-180. valcur du -. 141.de reproduction. 258. 216 n.238239. aussi Iignage. v. 201. 0. Enge1s. 120. A. 169. Halbwachs. Y.45. Polanyi. 215. menace sur 1'-.. -de fécondité. 209. 173. 134. Luc. 134.comme objectivation scientifique. 142143. 130. .14I. 39. J. 138. 176.181 n. H.207-208. 136-137. 24. 176-177. 144. F. M. 51. 145.231 n..254. 55. 179. Marx. SI. aussi stratégies de fécondité.. 26. P.217.177. 47.202. 25. pouvoir . L. 142. Jegouzo.184..111. 193-196. 207. M. Chiva.234 n. Lefebvre. aussi alné . 205.210. 130.51. aussi généalogie. K. Bonnecaze.195. 215. .de.. structures . Cheysson.209. 142. 17-18. Dumont. Praderie. 180..209. 122.203. aussi stratégie. . v. 251. 213. 142. A.. 83.. odre social.225-226. Th. 172·173. 42. oom. 55. 182. 132-133. 172-173. Bloch. Koyré. 254. 191192. F. aussi lignage. attachement au-. Laborde. r.. 205. 130-131. 26. 109. P. Bordes. 221. séparation des -.. Index des noms sexe relations entre les -..180-181. J.-L. 206. 93..de naissance. v.200. H. 240 n. 141. 131. aussí rang de naissance . nonnes.264 mésalliance. 71. Maget.55.. 235. D. v. 134.20 n. 187. L. 9.. Fougeres. aussí regle.207-208. relations de parenté. Godefroy. 24. 144. 113. 141.. 145. 12.234-235. erise de I' -. objectivation.209. stratégies. 141. Montaigne. Habakkuk. v .. 194 n. 169.207. 183-185. Brun. 191. 180. rang. 23..économiques. F. Pulgram. 86. Le Bal des célibataires Serviez. A. A.. 13. 130 141 Appendice JI Évolution de la population entre 1836 et 1954 . 169 n. 163. Le systeme des échanges matrimoniaux daos la société d'autrefois 15 '" . 121 n. P" 135. 196. 210.. . WiIliams. 143. Cl. 97 n. Young. Querrien. . E. . 142.. 143144.208. Raymond. 121 n.. 171 n.213. 115 n. 138. 145. 243 n. L'oppostíon entre le bourg et les hameaux 86 4. Williams. R... Saint-Macary. J. Exergue . 9 PREMIERE PARTlE - Célibat et condition paysanne . 154 I I 1 .S. .. lM. Table Van Gennep. Contradictions internes et anomie 55 3. . A. 146 Appendice JlI Dialogue entre un villageois et un paysan 149 Appendice IV Autre dialogue entre un villageois et un célibataire . .. 133. 145. Rogé. . Thomer.207. N. . P. 138... 254.209. 139.. Le paysan et son eorps 110 Conclusion 127 Appendice I Notes bibliographiques Bibliographie thématique ..266 Proudhon. 19 2. Troubetzkoy. C. . . Roubaud (Abbé). 145. 7 Introduction .... .• 131. D. Seibel. 145. Tucat. 51 n. Saussure.. M . 135-136.. J. " l. Tucoo-Chalaa. Weber. 251 0-252 n. Sachs. .. Radcliffe-Brown. . 142. .. P. Une classe objet « « Libre Examen ». . Wacquant « Lihre Examen ». . La dimension symbolique de la domination économique .1998 el « Poínts Essaís ». 1994 Raisons pratiques Sur la théorie de l' action 1994 et « Points Essais 261 lndex des noms 265 n" 331.1998 La Misére du monde 209 el TROISIEME PARTIE - ». . 2000 Langage et Pouvoir symbolique «Points Essais N. . L "unification du marché matrimonial 229 4. 221 3. « Du monde elos n" 370. .. ». 1993 Poínts ». 159 Appendice VIl Un essai de généralisation : le célibat daos seize cantons ruraux de Bretagne " 163 DEUXIEME PARTIE . . . n" 507. . . 246 249 Libre-échange avec Hans Haacke coéditíon avec les Presses du réel «Libre Examen ». . .1997 el «Points Essais Index des concepts N.. D. . . . .1996 Méditations pascaliennes «Líber ». .Du méme auteur Appendice V L'histoire exemplaire d'un caclet de petite famille Un autre cadet de petite famille Appendice VI Autorité excessive de la mere et célibat 156 157 . n" 461. 1992 Les Regles de I'art Genese et structure du champ littéraire «Libre Examen ». n" 483. « Opiníons du peuple saines» 243 Annexe Post-scriptum . .. n? P466. . " 2.Les stratégies matrimoniales daos le systeme des stratégies de reproduction Notes bibliographiques 167 " AUX MEMES ÉDITlüNS Réponses Pour une anthropologie réfiexive en coll. 2001 . 2002 Les Structures sociales de l' économie « Líber N. 1998 lnterdíte. avec Loic J. Addenda et corrigenda 215 " a1'univers infini » . . . 2003 La Domination masculine «Líber ». . 1992 et Points Essaís « 206 Liste bibliographique Reproduction en collaboration 211 1. . 1996 Les Usages sociaux de la science Pour une sociologie clinique du champ scientific /NRA.2' édition. 1987 EN CüLLABüRATIDN L'Ontologie politique de Martin Heidegger Minuit. /980 Lecon sur la lecon Minuit. 1963 . 200/ Science de la science et réf1exivité Cours au College de France 2000-2001 Raisons d' agir. 1989 Language and Symbolic Power Polity Press.-P. 1998 Propos sur le champ politique Presses universitaires de Lyon. Camhridge. 20IJ4 Choses dites Minuit. 2003 Esquisse pour une auto-analyse Raisons d' agir.1980 Questions de sociologie Minuit. /977 La Distinction Critique sociale du jugement Minuit. /997 Contre-feux Propos pour servir a la résistance contre 1'invasion néo-libérale Roisons d' agir. 2000 Contre-Feux 2 Raisons d' agir. /958. Se édition 200/ Esquisse d'une théorie de la pratique précédée de Trois études d'ethnologie Kabyle Geneve . Seibel Travail et travailleurs en AIgérie EHESS-Mouton. n" 405. /961. /992 La Noblcsse d'État Grandes écoles et esprit de corps Minuit. /979 Le Sens pratique Minuit. 200/ Images d' Algérie Une affinité élective Actes Sud. /984. /982 Horno academicus Minuit.CHEZ D'AUTRES ÉDITEURS Sociologie de l' Algérie PUF.2000 (nouvelle édition revue par lauteur) Algérie 60 Structures économiques et structures temporelles Minuit. 199/ Sur la télévision suivi de L'Emprise du journalisme Raísons d' agir. Droz. J. /982 Ce que parler veut dire L'économie des échanges linguistiques Fayard. Darbel. « Points Essais ». /988 avec A. /972 Seuil. Rivet el C. 1968 La Reproduction Élérnents pour une théorie du systeme d' enseignei avec J. 1966. 1964. de Saint-Martin EHESS-Mouton.-e. 1969 Rapport pédagogique et cornmunication avec J. -c.L Le Déracinernent La crise de l'agriculture traditionnelle en Algér avec A. Schnapper Minuit. Chamboredon MoutoniBordas. Boltanski. avec L. Sayad Minuit. 1977 Les Étudiants et leurs études avec J. R.-e. Castel et J. 1968 Le Métier de sociologue avec J. 1964 Les Héritiers Les étudiants et la culture avec J. Darbel et D. Passeron Minuit. N° 52570-2 (04/021103685) . Passeron et M. Passeron et J.-e. Passeron et Michel Eliard EHESS-Mouton. 1970. Chamboredon Minuit.-e. 1965 L' Amour de l'art Les Musées d'art européens et leur public avec A. Passeron Minuit. 1964.-e. 1966 Un Artrnoyen Essai sur les usages sociaux de la phorographi.-e. 1989 RÉALISATION : CURSIVES A PARIS IMPRESSION : MAURY-EUROLIVRES Á MANCHECOURT DÉPÓT LÉGAL : MARS 2002. Droit constitutionnel. La Constitution. Le Pacte autobiographique. Les Assassins de la mémoire. par Hannah Arendt 308. Pour lire Jacques Lacan. Histoire de la révolution russe 2. Histoire de la révolution russe l. Les Démocraties. par Phifippe Julien 305. Événements 11 Psychopathologie du quotidien. L'Invention de la réalité sous la direction de Paul Watzlawick 326. L'Invention de l'Europe. par Philippe Bernoux 309. par Léon Trotsky 315. par alivia Duhamel 313. par Daniel Sihony 307. Histoire constitutionnelle de la France. La Méthode 4. La Naissance de l'histoire (tome 1). Événements 1 Psychopathologie du quotidien. par Vladimir Jankélévitch . Les Juifs. par Michel Bernard 318. par Daniel Sihony 306. par Gregory Bateson 310. La Société bloquée. par Philippe Lejeune 327. La Sociologie des entreprises. par Olivíer D 312. par Christian Gb 319. Vers une écologie de I'esprit 1. Que veut une femme ". par Camillo Sine 325. Le Corps. Octobre. par Francois Ch 323. par Edgar Morin 304. Introduction a I'étude de la parenté. La Naissance de l'histoire (tome 2). par Piare vídaí-Naquc 303. Introduction a la politique par Dominique Chagnollaud 321. Les idées.la Mémoire el le Présent par Piare vídal-Naquet 302. par Michel Crozier 317. par Serge André 314. par Léon Trotsky 316. par Emmanuel Todd 322.Collection Points SÉRIE ESSAIS DERNIERS TITRES PARUS 300. Introduction a une science du langage par Jean-Claude Mi/na 301. L' Art de batir les villes. Février. introduction et commentaíres par Cuy Carcussonne 320. par Olivier Duhamel 311. par Francois Ch 324. L'Imprescriptible. Les Origines du totalitarisrne Le systeme totalitaire. Le Capitalisme utopique. par Paul Ricaur Les Trois Monothéismcs.328. par Umberto Eco Esquisses pyrthoniennes. Essai d'autocritique et autres préfaces. Sur la nature ou sur 1'étant.. collectif dirigé par Cécile Wajsbrot 375. 1. 343. par Philippe Braud Le Destin des immigrés. par Oliver Sacks 338. par Nietzsche 385. La Justice. par lohn Locke 368. La Théorie comme fiction. Lectures 1. Raisons pratiques. par Jeremy Bentham Théorie de la justicc. Commencement. La Fidélité. La ToIérance. par Piare Bourdieu 332. par Miehel Crozier L'Urbanisme face aux villes anciennes par Gustavo Giovannoni 363. par Piare Bourdieu 371. par Jean-Píerre HI La Démocratie politique. par Hannah Arendt Entre-Deux. 340. par Erhard Fríedberg Introduction élémentaire au droit. par Edgar Morin 382. Essai sur le corps et la parole par Denis Vasse La Recherche de la langue parfaite dans la culture européenne. 350. par Gérard Genette 387. collectif dirigé par Catherine Audard 391. livre 1 : les écrits techniques de Freud par laeques Lacan 367. Le Pardon. Le Nouvel Age des inégalités . 355. par Denís Vasse 393. [~~t~a~tl~ts~~h. Autour du politique par Paul Ricteur 383. 352. essais d'herméneutique II par Paul Ricteur 378. L'Écriture poétique chinoise. Lumiere. Don Quichotte ou le roman d'un Juif masqué par Ruth Reichelberg . Etudes Sur le romantisme. par Bertrand Badie Le Pouvoir er la Regle. Soi-Méme comme un autre. par Pierre Pellegrin De I'ontologie. Le Ccurage. Mimologiques. L'Ombilic et la Voix. par Paul Rícceur 331. 342. une nouvelle science de la communication par Anne Reboul et Jacques Moeschler 372. 362. par Daniel Síbony Éloge du quotidien. La Pragmatique aujourd'hui. 341. Libertés el Droits fondamentaux . 360. Du texte a l'action. par Olívier Mongin La Nouvelle Question sociale. 358. par Louis René 335.. par Spinoza 381. par Mikhai1 Bakhtine 373.par Comelius Casto! 370. Intrcduction a une politique de 1'homme. la langue de 1'étre ? par Parrnénide 369. 356. Liberté par Roben Misrahi 336. La louissance de l'hystérique. par Jean-Pierre Richard 390. La Poétique de Dostofevski. L' Amérique latine. coilectif dirigé par Piare Michel Klein 376. 354. par Soren Kierkegaard 337. 357. par A!ain de Libera 330. par Gustave-Nicolas Fischer La Métaphore vive. L'Histoire d'Homere a Augustin préfaces et textes d' hlstoriens aruiques réunis el cornmentés par Francois Hartog 389. Les Regles de l'an. 345. Code de déontologie médicale. De la liberté du chrétien et Préfaces a la Bible 339. par Tzvetan Todorov Le Temps du désir. 349.'iDUS la directíon de Mireil/e Delmas-Marty el Claudc Lucas de Leyssac 329. Des yeux pour entendre. Le Respect.:e(bilingue) par Thomas d' Aquin el Dietrich de Freíberg (bilingu Les Deux États. par Daniel Sibony Paul Ricceur. 346. Madame du Deffand et son monde par Benedetta Craveri 379. par Emmanue! Todd La Psychologie sociale. Penser au Mayeo Age. Ethique. Machiavel el la Fragilité du politique par Paul valadier 334. 351. par Jean-Pauí Fítoussi et Piare Rosanvallon 377. par Maud Mannoni 394. Introduction a la sociologie politíque par lean Baudouin 366. par Philippe Braud Science politíque 2. L'Institution imaginaire de la société par Cornelius Castoríadis 384. par lohn Rawls De la naissance des dieux a la naissance du Christ par Eugen Drewermann L'Impérialisrne. 348. 344. par Píerre Rosanvallon 386. par Alain Rouquié 374. Les Carrefours du labyrinthe. Séminaire. collectíf dirigé par Oíivier Abel 364. Essai sur la peinture hollandaise du XVIII C siecle. par Francois Cheng 333. par Piare Rosanvallo Sur l'untisémitisme. par Hannah Arendt La Crise de I'intelligence. collectifdirigé par Claude Sahel 365. 361. collectifdírigé par Williarn Baranés et Marie-Anne Frison Roche 392. par Serge Leclaire 380.. L 'État. Identité et Différence. 353. 359. par Lucien Israel 388. 347. Les Miettes philosophiques. Rompre les charrnes. Nietzsche. une haine identitaire. L'Harmonie des langues. par Píerre Schoentjes Histoire et Vérité. par Daniel Sihony Qu'est-ce que la politique ?. Platon. par Daniel Sibony 432. par Paul Rícceur 402. par Raymond Plant Hume. Esquisse d'une théorie de la pratique par Piare Bourdieu 406. Schleiermacher 403. par J. par Emmanuel Mounícr 414. par Enzo Traverso Le Séminaire Livre 11. La Force d'attraetion. 470. par Emmanuel Mounier 413. Socrate.par Hannah Arendt Foi et Savoir. par Roiand Barthes 397. 469. 456. par Bemard Perret. Amour et Désespoir. 434. par Quentin Skinner Si tu m 'aimes. 459. Husserl et l'Enigme du monde. 457.parPierre Bourdíec Le Théátre romantique. par Terry Eagíetan 420. La Passion d'étre un autre. par Phiíippe Sollers L'Espace vide. par Cornelius Castoriadis 400. Ponta/is 401. 412. 435.. Introduction a une leeture. par Roland Barthes 396. par Cornelius Castoríadís Le Totalitarisme. Langage et Pouvoir symbolique. 462. 441. par Wil/iam Bourdon 427. par Daniel Sihony 429. 468. une critique de la philosophie. Droit humanitaire. Des différentes méthodes du traduire par Friedrích. par lean-Marie Beyssade Poétique de l"ironie. Le XVII" siecle des moralistes. Cuy 1 Entretiens Francis Ponge Philippe Sollers par Philippe Sollers . 437. par Raiph Walker 419. par Christine Iordis Essais sur le Politique. La Violence et la Paix. 449. Kant. par Jean-Marie Klink. de Pascal a Sartre par Benoít Denis 408. par Jacques Lacan Le Racisme. D. Précis de sémiotique générale. 458. 454. Marx. par Mony Elkaím C'est pour cela qu'on aime les libellules par Marc-Alain Ouaknin Le Démon de la théorie. Droit constitutionnel .395. 436. par Florence Naugrette Introduction a I'anthropologie structurale par Roben Deliége L "Intermédiaire. par Mario Bettati 416. Domaines de I'homme. ne m'aime pas. par John Rawts 428. Nouveau Dictionnaire encyclopédique des sciences du 1angage par Oswald Ducrot et Jean-Marie Schaeffer 398. 471. Littérature et Engagement. par Anthony Quinton Spinoza. par Bernard Wil/iams 422. d' Aristote a Tesauro par Yves Hersant Kant. par Michael Ayers Voltaire. 443. Le Grain de la voix. par Tzvctan Todorov Gens de la Tamise. 450. par John Cottíngham 418.-B. 460. et Bernard Mouralis Les Théories du pacte social. Sur le caractere national des langues par Wilhelm von Humholdt 426. par P. Justice et Démocratie. Entre mythe et politique. par Emmanuel Houss 425. Critique el Vérité. par Pie/Te Klossowski Freud. par Piare Legendre 430. 448. Histoire de la philosophie au xx'' siecle par Christian Delacampagne 404. 444. Hacker Hegel. 463. par Anthony Gottlíeb 421. Descartes. La Cour pénale intemationale. 473. 472. 447. par Paul Ricoeur Une charte pour l'Europe lntroduite et commentée par Cuy Braibant La Métaphore baroque. 2. 411. 433. Écrits sur le personnalisme. 466. par lean Terrel Machiavel. par l ean-Pierre Vernant 431. par John Gray Wittgenstein. Les Cheveux du baron de Münchhausen par Paul watztawíck 424. 455. par . 439. Entre dire et faire. par Piare Hassner 417. Marx. E. 438. par Peter Brook Étude sur Descartes. 453. par Leibniz 405.M. Lectures 2. 461. 445. par Ralph Walker Sade mon prochain. par l sabelle Ca 409. par Paul Zumthor Les Romanciers du réel. par Octave Mannoni . 452. 442. par Jacques Dubois Locke. par Yves Winkin Questions de littérature générale. Heidegger. 440. 464. par Jacques Derrida Anthropologie de la cornmunication.S. par Bérengére Parmen 407. par Michel Terestchenko 410. Les démoeraties par Olivier Duhamel 415.lacques t-acan 399.Francis Ponge Théorie de la littérature. Refaire la Renaissance. Les Pratiques de gestion des ressourees humaines par Francois Pichault et Jean Mizet . par Roger Scruton Le Monde morcelé. par Ronald Hayman 423. Encore. par Antaine Compagnon L'Economie contre la société. 467. 45 l. par Christian i Essai de poétique médiévale. Perversions. par Emmanuel Fra. 465. par Daniel Sibony . par Claude Lefort Événements 111. La Faiblesse de croire. Histoire de la pensée chinoise. par Germaine Ti11ion 514. La Mobilisation infinie. par Tzvetan Todorov 502. par David Hu" L'Existence du mal. L 'Existencc de Dieu. par Aristore 485. Champagne L'Enfant porté. 481. par Píerre Bourdieu 508. par Emanuela Scribano 488. par Oliva Sacks 496. par Hannah Arendt 501. Juger. par Daniel Sibony 497. Seuils.) 483. Les Purifications. par A ido Naourí L 'Ange et le Cachalot. par Francois fullien 494. La Peur du vide. par Lise Gauvin 513. La Propension des choses. 479. 476. par Francois Rigolot 487. Aristote. Les Catégories. par Edgar Morin 509. par Chrístine Detn 491. par Tzvetan Todorov 515. Élégie érotique romaine. par Simon Lcys L' Aventure des manuscrits de la mer Morte par Hershel Shanks (dir. Méditations pascaliennes. Le Réve. par Peta Slotcrdijk: 504. Poésie et Renaissance. par Patríck. Avec Shakespeare. La Construction sociale du corps. La Domination masculine. Ecrits sur le théátre. par Paul Watzlawick 511. par Paul Ricaur 495. par Piare Bourdieu 484. La Mémoire. Fiction et Diction. Sur 1"interaction. par Anne Cheng 489. V. par Olivíer Duhamel 498. par Paul Veyne 510. La Vie commune. Cultures et Mondialisation par Philippe d' lriharne (dir. Panorama des thérapies familiales collectifsous la directíon de Mony Elkai'm 500. Pierre Bourdieu et la théorie du monde social par Louis Pinto 486. Il était une fois 1'ethnographie. par Olivier Mongin 503. 475.) 482. par Michel de Certeau 505. Pouvoirs politiques en France. Penser la Bible. 478. Contre les professeurs. par Empédocle 499. la Transe er la Folie.474. par Roland Banhes 493. par Philippe Braud . 477. par Pierre Bourdieu L'Héritage refusé. I'Histoire. Violences poli tiques. par Paul Rícoeur et André La Cocquc 507. Éloge de l'individu. par Gérard Genette 512. 480. par Roger Bastide 506. La Fabrique de la langue. Un anthropologue sur Mars. par Sextus Empiricus 490. La Méthode t. le philosophe et les savoirs par Michel Crubellíer et Pierre Pellegrin 492. par Alain Cugno Le Bal des célibataires. I'Oubli. par Gérard Genette Systeme sceptique et autres systemes.
Copyright © 2024 DOKUMEN.SITE Inc.