Gynécologie - ObstétriqueB 158 1579 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 2 0 0 0 , 5 0 Mobile fœtal Le crâne fœtal est le segment le plus important car pos- sédant les diamètres les plus élevés, nécessairement adaptés au bassin maternel. Il est constitué de différents os séparés par des sutures et des fontanelles. Les os du crânes sont au nombre de 7. On définit, en avant les 2 os frontaux, séparés par une suture, latéralement les os pariétaux et temporaux, et en arrière l’os occipital. Les sutures séparent les os du crâne non symphysés en lui attribuant une certaine mobilité (fig. 1). La suture antéro-postérieure est médiane, elle débute à la base du nez et relie l’occiput. La suture transversale sépare les pariétaux des frontaux. La suture pariéto-occipitale sépare les bords postérieurs des pariétaux de l’os occipital. Les fontanelles permettent le repérage de la présentation. On définit la fontanelle antérieure ou bregma, losangique, à laquelle aboutissent les sutures antéro-postérieure et transversales, et la fontanelle postérieure, en forme de lambda, à laquelle aboutissent les sutures antéro- postérieure et pariéto-occipitales. L’accouchement recouvre l’ensemble des phénomènes qui aboutissent à la naissance du nouveau-né et à la sortie des annexes. Celui-ci se divise habituellement en 3phases : la dilatation du col de l’utérus, l’association engagement-descente, l’expulsion fœtale et la délivrance. Le travail est défini par l’ensemble des modifications qui permettront l’ex- pulsion du fœtus regroupant, ainsi, la phase de dilatation et la phase d’expulsion. Ces phénomènes sont régis par l’adaptation des dimensions du mobile fœtal, des dimensions du bassin maternel et des contraintes de ses parties molles, à la dynamique des contractions utérines. La nature de l’accouchement est définie par sa présentation, le sommet étant la présentation céphalique. Mécanique obstétricale La mécanique obstétricale étudie les modalités de la progression du mobile fœtal dans la filière génitale maternelle. Accouchement normal en présentation du sommet DR Gauthier D'HALLUIN, PR Guillaume MAGNIN Service de gynécologie-obstétrique et biologie de la reproduction, hôpital Jean-Bernard, 86021 Poitiers Cedex. • La présentation du sommet est une présentation céphalique bien fléchie. C’est dans cette position que la tête fœtale présente les plus petits et donc les plus favorables diamètres pour traverser la filière pelvienne. L’occiput et la fontanelle postérieure sont les repères anatomiques pour définir la présentation. • Un accouchement correspond à l’adaptation mécanique du mobile fœtal, essentiellement défini par les diamètres du crâne (diamètre transversal ou bipariétal, et diamètre antéro- postérieur ou sous-occipito-bregmatique), et de la filière pelvi-génitale, représentée par le bassin maternel, exploré par les mesures des détroits supérieur et moyen; à l’adaptation dynamique des contractions utérines. Points Forts à comprendre Crâne fœtal, vue supérieure. 1 Bregma ou grande fontanelle Occipital Pariétal Frontal Lambda ou petite fontanelle Les diamètres importants sont le bipariétal, 9,5 cm environ, représentant le diamètre transversal de la présentation et le sous-occipito-bregmatique, 9,5 cm environ, représentant le diamètre antéro-postérieur d’une tête bien fléchie. Ce diamètre augmente avec la diminution de la flexion et c’est pourquoi le pronostic de l’accouchement, lorsqu’il existe une déflexion de la tête fœtale (présentation du bregma, présentation du front) est moins bon voire franchement mauvais (fig. 2). Le thorax et les hanches présentent 2 autres segments moins importants du mobile fœtal, car de diamètres souvent inférieurs. Bassin osseux Un des éléments de la filière pelvi-génitale – le bassin osseux – décrit un segment de tore, avec ses orifices d’entrée et de sortie (détroit) et sa cavité. Le détroit supérieur ou orifice supérieur est le plan d’engagement de la présentation. Il est limité en avant par la partie postéro-supérieure de la symphyse pubienne, latéralement par les lignes innominées et en arrière par le promontoire. Ses dimensions sont représentées par le diamètre promonto-rétro-pubien (PRP) en moyenne de 10,5 cm et le diamètre transverse médian (TM), en moyenne de 12,5 cm. La somme de ces 2 diamètres définit l’indice de Magnin ( normale Ȅ 23 ) (fig. 3). ACCOUCHE ME NT NOR MAL E N P R É S E NT AT I ON DU S OMME T 1580 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 2 0 0 0 , 5 0 Diamètre du crâne fœtal. 2 Diamètre du bassin maternel . 3 Bregma Pariétal 9,5 cm Sous-occiput Épines sciatiques au niveau desquelles on mesure le diamètre du détroit moyen Ligne d’engagement Ligne de dégagement 9,5 cm Vue de profil Diamètre sous-occipito-bregmatique Bassin, vue de face TM : diamètre transverse médian BE : diamètre bi-épineux ou diamètre bi-sciatique Bassin, vue de profil PRP : diamètre promonto-rétropubien Vue supérieure Diamètre bipariétal TM BE PRP • Les variétés postérieures : l'occipito-iliaque gauche postérieure (OIGP) (3 %) et l’occipito-iliaque droite postérieure (OIDP) plus fréquente (33%). • Ces variétés s’engagent différemment dans le bassin : engagement dans le diamètre oblique gauche : OIGA et OIDP ; engagement dans le diamètre oblique droit : OIGP et OIDA. Accouchement normal du sommet Définition L’accouchement est dit normal si la grossesse a été unique et normale ; s’il a lieu à terme ; au-delà de 37 semaines d’aménorrhée ; le fœtus est de proportion normale ; le travail a été normal ; il a été eutocique, sans anomalie fœtale, ni manœuvre obstétricale, ni extraction instrumentale ; la délivrance a été naturelle et complète. La présentation normale est la présentation du sommet ou céphalique bien fléchie. On distingue plusieurs phases dans l’accouchement (fig. 5). L’excavation est la cavité osseuse dans laquelle la pré- sentation effectue la descente et la rotation. Le diamètre moyen est exploré par la mesure du diamètre bi-épineux ou bi-sciatique (en moyenne 11 cm ). Le détroit inférieur ou orifice inférieur représente la ligne de dégagement de la présentation. Il est limité en avant par le bord inférieur de la symphyse pubienne, latéralement par les ischions et en arrière par la pointe du coccyx. Parties molles Elles définissent le diaphragme musculo-membraneux périnéal situé à l’orifice inférieur de la cavité osseuse. Types d’accouchements Fonction du terme On ne parle d’accouchement que pour l’expulsion d’un fœtus considéré comme viable, soit après 22 semaines d’aménorrhée (SA) et (ou) pesant au moins 500 g, selon les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé. Avant ce terme, il s’agit d’un avortement tardif. L’accouchement est dit prématuré s’il survient avant 37 semaines d'aménorrhée, à terme s’il survient entre la 38 e semaine et la 42 e , et post-terme s’il survient au-delà de la 42 e semaine. Fonction du déroulement L’accouchement peut également être défini en fonction de son mode de survenu. Spontané si le déclenchement s’effectue de lui-même, provoqué s’il bénéficie d’une intervention médicale. Il est dit naturel s’il se déroule selon sa propre physiologie, sans aucune thérapeutique, il est dit dirigé dans le cas contraire. L’accouchement eutocique est un accouchement au déroulement parfaitement normal, il est dit dystocique dans le cas contraire. Fonction de la présentation La présentation définit la partie première du mobile fœtal. La présentation du sommet est une présentation céphalique, fléchie et fera, seule, l’objet de cette question. Elle est la plus fréquente (96%) et la plus eutocique. Afin de pouvoir décrire les différentes variétés de présentation du sommet, il est utile de repérer l’occiput du fœtus grâce à la petite fontanelle ou lambda. La position de ce repère par rapport au bassin maternel définit les variétés de présentations (fig. 4). • Les variétés antérieures : l’occipito-iliaque gauche antérieure (OIGA), la plus fréquente (57 % des accou- chements) et l’occipito-iliaque droite antérieure (OIDA) plus rare (4%). Gynécologie - Obstétrique 1581 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 2 0 0 0 , 5 0 Différentes présentations du sommet et leurs variétés. OIGA : occipito-iliaque gauche antérieure. OIDA : occipito-iliaque droite antérieure. OIGP : occipito-iliaque gauche postérieure. OIDP: occipito-iliaque droite postérieure. 4 OIGA 57 % Coccyx Occiput OIDA 4 % OIDP 33 % OIGP 6 % Variétés antérieures Variétés postérieures Phase de latence (ou 1 re phase) Elle précède la phase active du travail. Pendant la phase de latence, le col se modifie (raccourcissement et début de la dilatation jusqu’à 3 cm). C’est au terme de cette phase de latence que débute le travail proprement dit. Il est important de ne pas confondre cette phase de latence où les contractions utérines ne sont pas régulières et efficaces, avec le travail car toute intervention pendant cette phase pour accélérer son déroulement est inefficace et inutile. Sa durée est évaluée en moyenne à 7 h pour la primipare et à 5 h pour la multipare. Phase active (ou 2 e phase) La phase active est divisée en 2 parties. La première partie de la phase active commence à la fin de la phase de latence et se poursuit jusqu’à la dilatation cervicale complète. Elle correspond à la dilatation du col effacé. La seconde partie de la phase active s’étend de la phase de dilatation complète à la naissance de l’enfant par les voies naturelles. Elle correspond à l’expulsion proprement dite. 1. Première partie • Début de travail : son diagnostic est défini devant la coexistence de 3 éléments : le col se modifie c’est l’effacement, le segment inférieur se distend c’est l’ampliation et le myomètre se contracte, ce sont les contractions utérines (CU). Ces modifications cervicales surviennent dans cet ordre chez la primipare. Par contre chez la multipare, ayant déjà accouché, l’effacement du col et l’ampliation du segment inférieur s’effectuent en même temps. Elles s’associent souvent à des pertes glaireuses plus ou moins sanglantes, c’est la perte du bouchon muqueux. Cette étape correspond souvent à l’entrée en salle d’accouchement. Les contractions utérines deviennent régulières, fréquentes et douloureuses, environ toutes les 5 min. L’évaluation des modifications cervicales peut s’effectuer grâce au score de Bishop qui minimise les appréciations subjectives (tableau I). Le col est dit favorable lorsque le score de Bishop est Ȅ 7, ce qui correspond au score habituellement observé en début de la phase active. • L’examen d’entrée, à l’admission, permet d’orienter la patiente vers la salle d’accouchement dans des conditions optimales. L’interrogatoire vient compléter le dossier obstétrical. Il recherche les antécédents et reconnaît les facteurs de risque. Il s’assure du terme ACCOUCHE ME NT NOR MAL E N P R É S E NT AT I ON DU S OMME T 1582 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 2 0 0 0 , 5 0 Évolution de la dilatation du col en fonction du temps chez la pri- mipare, d’après la courbe de dilatation de Friedman. 5 2 4 6 8 10 12 14 16 2 4 6 8 10 Score 0 1 2 3 Dilatation Effacement (longueur) Consistance Position Présentation fermé 0-30 % (3 cm) ferme postérieure mobile 1-2 cm 40-50 % (2 cm) souple intermédiaire appliquée 3-4 cm 60-70 % (1 cm) molle centrée fixée Ȅ5 cm Ȅ80 % (0 cm) — — engagée Score de Bishop TABLEAU I Temps en heures D i l a t a t i o n e n c m Phase de latence Phase active Expulsion • Le monitorage maternofœtal permet la surveillance continue du travail et le contrôle de la contractilité utérine et du rythme cardiaque fœtal (RCF), souvent effectuée par le même appareillage (cardiotocographe). La tocographie est l’enregistrement et la surveillance continue des contractions utérines. Essentiellement effectuée par voie transabdominale ou externe, elle peut être réalisée par voie interne ou intra-amniotique dans certaines conditions. Elle permet de mesurer l’intensité relative des contractions utérines, leur durée et leur fréquence, afin d’évaluer la dynamique utérine. C’est devant une anomalie des contractions utérines que la voie intra-amniotique est utilisable. La surveillance du rythme cardiaque fœtal passe par l’enregistrement continu de celui-ci. Il est réalisé par voie transabdominale mais peut être effectué par une électrode de scalp posée sur la tête fœtale, dans certaines indications. Le rythme cardiaque fœtal répond à une analyse codifiée permettant de s’assurer du bien-être fœtal durant le travail. Il correspond à un rythme de base entre 120-160 battements par minute, à des accélérations, au maintien des oscillations. Quelques ralentissements précoces, peu profonds peuvent être observés. D’autres éléments peuvent compléter la surveillance fœtale. La réalisation d’un pH au scalp du fœtus peut être utile devant des anomalies de rythme. L’utilisation d’oxymétrie de pouls fœtal est en cours d’évaluation. 2. Seconde partie Elle comprend 3 étapes successives : l’engagement de la présentation, sa descente et sa rotation et, pour finir, son dégagement. Nous rappelons que, seule la présentation normale du sommet, c’est-à-dire tête fléchie, fait l’objet de cette question. précis de la grossesse. Il précise les contractions utérines, la notion de perte de liquide (perte des eaux) ou d’écou- lement glaireux (bouchon muqueux). L’examen clinique comporte la prise de la température, de la tension artérielle et la mesure du poids. L’examen obstétrical comporte la mesure de la hauteur utérine et la recherche de la présen- tation. L’inspection du périnée recherche des cicatrices ou des lésions à types de condylomes ou d’éruption herpétique. Le toucher vaginal (TV) permet de préciser l’état cervico-isthmique en recherchant la situation cer- vicale : postérieure, centrée, ou antérieure ; la longueur du col : long (environ 3 cm), mi-long (1,5 cm), ou effacé, il peut être également défini en fonction du pourcentage d’effacement ; la dilatation du col en centimètres, à l’orifice externe et à l’orifice interne, de fermé à dilatation complète (10 cm) ; l’ampliation du segment inférieur ; la hauteur et l’orientation de la présentation : tête haute et mobile, tête appliquée ou tête fixée ; le palper intro- ducteur permet d’effectuer une confrontation céphalo- pelvienne et de vérifier l’adéquation du volume du pôle céphalique avec les dimensions du bassin, intégrité des membranes et aspect de la poche des eaux ; appréciation clinique du bassin et des parties molles. L’enregistrement du rythme cardio-fœtal permet d’apprécier la bonne vitalité fœtale et la tocographie enregistre les contractions utérines. Au terme de cet examen, une échographie fœtale peut être nécessaire pour préciser la présentation, la quantité de liquide amniotique voire réaliser une biométrie. Un bilan biologique avec un contrôle des plaquettes, de l’hémostase et de la recherche d’agglutinines irrégu- lières (RAI), et des différents examens manquant au dossier sera effectué. Une perfusion avec un garde veine est posée, permettant l’hydratation, l’apport calorique, et facilitant l’injection de thérapeutiques utilisées pendant le travail. • La surveillance classique en salle de naissance, durant toute la phase de travail, est consciencieuse et effectuée en salle de naissance pour des raisons de sécurité maternofœtales. Elle sera retranscrite sur le partogramme. La tension artérielle est contrôlée toutes les 2 h. La température est vérifiée toutes les 3 h ou au moindre doute. Elle peut s’élever en fin de travail, tout en restant inférieure à 38 ˚C. L’aspect du liquide amniotique est noté. Il doit rester clair, limpide ou opalescent. La surveillance de la dilatation s’effectue par le toucher vaginal, en dehors de la contraction utérine. Il est réalisé régulièrement (1 fois par heure environ) et est consigné sur le partogramme. On y précise les différents éléments de description (position, longueur ou effacement, consistance, et dilatation). Le toucher vaginal est réalisé dans des conditions asep- tiques. La surveillance de la présentation est assurée par le toucher vaginal permettant de préciser la présentation et sa hauteur. L’occiput fœtal et la suture antéro-postérieure sont les repères de la présentation, les épines sciatiques définissent le niveau zéro (fig. 6). Gynécologie - Obstétrique 1583 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 2 0 0 0 , 5 0 Hauteur de la présentation. 6 Niveau 0 Épine sciatique Ligne d’engagement • L’engagement est défini par le franchissement du détroit supérieur par la présentation. Décrire une présen- tation « engagée » est capital pour la prise en charge obstétricale, puisque de sa situation découleront les indications d’extractions éventuelles. Le signe clinique le plus utilisé est le signe de Farabeuf : au toucher vaginal, la présentation est dite engagée si 2 doigts introduits sous la symphyse et dirigés vers la 2 e pièce sacrée sont arrêtés par celle-ci. Ce signe est critiquable s’il existe une bosse sérosanguine. Le palper abdominal peut être une aide au diagnostic, par la recherche du signe de Le Lorier (la présentation est consi- dérée comme engagée uniquement si l’on ne peut placer 2 doigts entre l’épaule antérieure fœtale et le bord supérieur de la symphyse pubienne), mais il n’est plus guère utilisé. • La descente et la rotation s’effectuent de façon conco- mitante. La cavité osseuse du bassin est souvent comparée à un segment de Tore (fig. 7) avec un orifice d’entrée, le détroit supérieur, et son axe d’engagement, un orifice de sortie, le détroit inférieur et son axe de dégagement, et entre un segment de cylindre à concavité antérieure. La progression de la présentation, ou descente, s’effectue selon l’axe d’engagement ombilico-coccygien dans un premier temps. Puis, du fait du contact avec le sacrum, l’axe de la descente s’horizontalise. La rotation est une nécessité anatomique. En effet le sommet engage son grand diamètre sous-occipito- bregmatique (fig. 2) dans un axe oblique du bassin, plus favorable. Le diamètre de dégagement, quant à lui, est imposé par la forme générale du périnée, d’axe antéro- postérieur. Dès lors, la rotation du sommet est donc nécessaire afin de faire coïncider le diamètre sous- occipito-bregmatique avec le diamètre pubo-coccygien. Les variétés de présentation antérieure devront donc effectuer 45˚ de rotation, tandis que les variétés de présen- tation postérieure devront réaliser une rotation de 135˚. Les repères mentionnés pour définir une présentation sont suivis tout le temps de la descente et de la rotation. • Le dégagement correspond plus exactement à la phase d’expulsion proprement dite (fig. 8). Il associe des phénomènes dynamiques, représentés par les contractions utérines qui atteignent leur maximum et les efforts de poussée de la mère ; des phénomènes mécaniques, représentés par les spécificités du bassin osseux (qui ont permis la réalisation des étapes précé- dentes), par la déflexion de la présentation autour du point fixe sous-symphysaire et par le franchissement du plancher périnéal ; des phénomènes plastiques subis par le fœtus, qui sont négligeables. Les efforts de poussée sont effectués lorsque la patiente est installée en position obstétricale, les fesses au bord de la table d’accouchement. Ils sont synchrones des contractions utérines, et dirigés. Ils s’effectuent soit en inspiration bloquée soit en poussée soufflante. Il est rappelé que l’accouchement s’effectue dans des conditions d’asepsie, associant une tenue pour l’accou- cheur, une désinfection de la vulve après son rasage et des champs stériles. La vessie doit être vidée par miction spontanée ou par sondage vésical. Le dégagement de la présentation du sommet s’effectue le plus souvent en occipito-pubien (98%). Les variétés antérieures ou postérieures ont donc réalisé une rotation complète amenant l’occiput sous la symphyse, entraînant un changement d’axe de descente. Celui-ci, initialement orienté en bas et en arrière, va pivoter autour du pubis, en raison de la concavité sacrée, pour être dirigé en haut et en avant pour le dégagement, répondant à la flexion première de la tête puis à sa déflexion (fig. 8). Afin de contrôler l’expulsion, l’opérateur va poser sa main gauche (droite pour les gauchers) sur le sommet de la tête fœtale, pour éviter une sortie trop brutale. Ensuite, l’opérateur dégage les bosses pariétales et frontales. La déflexion progressive de la tête permet de sentir le menton fœtal en arrière de l’anus, par la main droite. Dans le même temps, le périnée se distend et s’amincit : c’est l’ampliation. C’est à cette étape que l’accoucheur peut être amené à réaliser une épisiotomie (section des tissus périnéaux) souvent effectuée en médio-latérale droite. Le dégagement se continue progressivement, très lentement afin de faire glisser l’anneau vulvaire sur le massif fœtal, permettant de découvrir les yeux, le nez, la bouche et enfin le menton. À l’inverse, lors de l’expulsion en occipito-sacrée (2 %), c’est le front qui bute initialement sur la symphyse pubienne, tandis que l’occiput suit la face antérieure du sacrum, augmentant la flexion de la tête. Ce mode de dégagement est plus long et sollicite beaucoup le périnée postérieur. Une fois la tête dégagée, la présentation initie une rotation dite de restitution, souvent accompagnée par l’accou- cheur qui l’accentue à 90 voire 135˚, afin d’en faciliter le dégagement, en saisissant la tête à 2 mains et en amenant l’occiput du côté du dos. Pour effectuer le dégagement complet de la tête, il est parfois nécessaire de libérer un circulaire du cordon simplement ou en le sectionnant entre 2 pinces. ACCOUCHE ME NT NOR MAL E N P R É S E NT AT I ON DU S OMME T 1584 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 2 0 0 0 , 5 0 Segment de Tore. Progression intrapelvienne et rotation autour de la symphyse. 7 Axe d’engagement Axe de dégagement • La surveillance materno-fœtale est maintenue tout le long de la deuxième phase, selon les mêmes modalités. L’analyse du rythme cardiaque fœtal sera tout aussi rigoureuse, afin de déceler une éventuelle intolérance à la phase d’expulsion (ralentissements ou bradycardies fœtaux lors des efforts expulsifs), permettant la mise en œuvre de moyens d’extraction adaptés. Délivrance (3 e phase) C’est l’expulsion des annexes fœtales : le placenta et les membranes de l’œuf. Elle permet d’assurer la vacuité utérine. Elle évolue en 3 phases, survenant après une période de rémission d’environ 15 min : • le décollement : sous la dépendance de la rétraction physiologique de l’utérus après l’expulsion de l’enfant ; • l’expulsion : sous l’influence des contractions utérines, qui permettent en association souvent avec l’accou- cheur, la migration dans la filière génitale et sa sortie; • l’hémostase : assurée par la rétraction utérine – efficace uniquement si l’utérus est totalement évacué – et des phénomènes de coagulation sanguine. Il est important de maintenir une vigilance extrême durant cette dernière phase du travail, en raison des complications à type d’hémorragies dites de la délivrance, une des causes principales de mortalité maternelle. La délivrance est réalisée de façon manuelle, ou artifi- cielle si elle dépasse 30 min. Le dégagement des épaules commence par l’épaule antérieure qui est progressivement tractée vers le bas. Puis l’épaule postérieure est dégagée en inversant la traction vers le haut. • La durée totale de cette phase active varie donc entre 7 h 30 et 11 h 30, selon la parité de la gestante. La vitesse moyenne attendue de la dilatation du col est de 1 cm par heure. La durée du travail peut être favorablement modifiée par la réalisation d’une amniotomie précoce (rupture artificielle des membranes) et par l’administration d’ocytocique à la pompe (ocytocine, Syntocinon), c’est le travail dirigé. La durée de la seconde partie de la phase active varie en fonction de nombreux facteurs comme la parité, le poids du fœtus voire de la gestante, de la présentation et l’existence d’une analgésie locorégionale. Elle est évaluée à environ 1 h pour la nullipare, et 30 min pour la multi- pare. Il est habituel de ne pas dépasser 120 min. La phase d’expulsion proprement dite ne doit dépasser 20 à 30 min. • La prise en charge de la douleur de l’accouchement fait l’objet de multiples méthodes : préparations à l’ac- couchement, acupuncture, analgésies médicamenteuses, anesthésie péridurale… Celle-ci est la plus répandue dans la prise en charge obstétricale moderne. Elle requiert une consultation au cours du dernier mois de grossesse et la présence d’un anesthésiste en salle de travail. Gynécologie - Obstétrique 1585 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 2 0 0 0 , 5 0 Dégagement de la tête. 8 ቢ Tête en détroit inférieur ባ Début de la flexion et ampliation périnéale ቤ Diamètre sous-occipito-bregmatique à la vulve ብ Tête dégagée Le placenta et son cordon sont soigneusement examinés afin de s’assurer de leur intégralité et de leur normalité. L’examen se porte sur la face fœtale en s’assurant de l’intégrité des membranes qui doivent dépasser le centi- mètre sur le pourtour du délivre, de l’absence de cotylédon aberrant. La face maternelle ne doit pas présenter de cotylédon manquant, et s’assure de l’absence d’hématome rétroplacentaire. Enfin, l’examen s’achève par l’explo- ration du cordon, dans sa longueur (50-70 cm), dans son insertion, et ses vaisseaux qui doivent présenter 2 artères et 1 veine. Après l’accouchement, la patiente est gardée en salle de travail pour un durée de 2 h, où elle bénéficie d’une surveillance étroite clinique (rétraction utérine et saignements) et hémodynamique (pouls et tension). L’ensemble de la surveillance et des informations cli- niques et paracliniques concernant la mère et son fœtus est scrupuleusement noté sur le partogramme. Prise en charge du nouveau-né L’accueil du nouveau-né en salle de naissance se propo- se de : s’assurer de la bonne adaptation à la vie extra- utérine et de la normalité du nouveau-né ; faciliter l’ins- tauration de la relation mère-enfant. L’adaptation du nouveau-né se juge dès le clampage du cordon qui est réalisé à une vingtaine de centimètres du bébé. Pour les services qui peuvent effectuer un pH artériel au cordon, il est nécessaire d’utiliser 2 clamps du côté fœtal et un du côté maternel afin de le réaliser dès la section (pH normal > 7,20). Le score d’APGAR permet d’évaluer la vitalité du nouveau-né (tableau II). Il est réalisé à 1 et 5 min de vie, afin d’estimer ses qualités d’adaptation. Un nouveau-né normal a un score supérieur à 7 à 1 et 5 min de vie. Plusieurs gestes sont effectués dès les premières minutes de vie : vérification des 3 vaisseaux du cordon; prévention de l’hypothermie ; désobstruction bucco- pharyngée; identification de l’enfant ; pesée et mensura- tion; désinfection oculaire pour la prophylaxie de la gonococcie ophtalmique ; administration de vitamine K1 pour la prévention de la maladie hémorragique du nouveau-né. Puis l’enfant est rapidement confié à sa mère et l’allaitement, s’il est maternel, est débuté en salle de naissance. I ACCOUCHE ME NT NOR MAL E N P R É S E NT AT I ON DU S OMME T 1586 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 2 0 0 0 , 5 0 • L’accouchement est défini par le type de la présentation. • Le travail définit l’ensemble des phénomènes qui conduisent à l’accouchement d’un fœtus. • Il est organisé en 3 phases successives : la 1 re phase correspond à la dilatation cervicale; la 2 e phase correspond à l’engagement de la présentation, à sa descente et sa rotation puis à son dégagement dans la filière pelvi-génitale; la 3 e phase enfin correspond à la délivrance. • L’évolution est essentiellement jugée par le toucher vaginal qui apprécie : la longueur du col, sa situation, sa dilatation, l’ampliation du segment inférieur et la hauteur de la présentation. • La surveillance est maternelle (pouls, tension, température, saignements, tocographie) et fœtale (rythme cardiaque fœtal, aspect du liquide amniotique) ; elle est prolongée en salle de travail 2 h après l’accouchement. • L’évolution et la surveillance du travail sont consignées sur le partogramme. • Le nouveau-né reçoit les premiers soins et son aptitude à la vie est évaluée afin d’adapter une éventuelle prise en charge pédiatrique. Points Forts à retenir Score 0 1 2 Battements cardiaques Mouvements respiratoires Tonus musculaire Réactivité à la stimulation Coloration absents absents nul nulle bleu ou pâle < 100/min lents, irréguliers faible : légère flexion des extrémités faible : grimace corps rose, extrémités bleues > 100/min vigoureux avec cri fort : quadri-flexion, mouvements actifs vive : cri, toux totalement rose Score d’APGAR TABLEAU II Examen clinique 1. Interrogatoire Il représente une partie très importante de la consultation. Il convient tout d’abord : – de déterminer les caractères de la douleur : type, inten- sité, siège, irradiations, circonstance d’apparition, profil évolutif, périodicité par rapport aux règles ; – de rechercher des signes associés gynécologiques ou non ; – d’étudier les antécédents et les facteurs de risque de la pathologie suspectée ; – mais aussi d’évaluer le profil psychologique de la patiente : contexte affectif, couple, désir de maternité, ainsi que son allure générale, tout en établissant une rela- tion de confiance avec celle-ci. C’est pourquoi, l’examen clinique doit être minutieux, dans le calme et en comité restreint. Successivement : pouls, tension, température. 2. Examen de l’abdomen Il est pratiqué à la recherche de : cicatrice, statique géné- rale, météorisme, sensibilité, irritation péritonéale. 3. Examen gynécologique • Inspection : – de la vulve : trophicité, prolapsus, cicatrice ; – du périnée : trophicité, ulcération, lésions inflamma- toires cutanées ; – de l’anus : condylomes, fissure. • Spéculum : aspect du col : frottis cervico-vaginaux. • Toucher vaginal : taille, consistance, position, sensibi- lité du corps et du col de l’utérus ; culs-de-sac : sensibi- lité, masse, nodule. • Toucher rectal : toujours indispensable. Les examens complémentaires ne sont pas systéma- tiques, mais orientés selon la pathologie suspectée, en fonction de l’interrogatoire et de l’examen clinique. Au terme de l’examen, parfois aucun diagnostic ne peut être fait. Il faut alors penser à une symptomatologie fonc- tionnelle, d’où l’importance d’avoir évalué auparavant le contexte psychologique de la patiente. Des choix parmi les causes doivent être faits car toute la gynécologie pourrait être énoncée. L’exhaustivité étant difficile, nous les présenterons selon une démarche logique en fonction des données de l’examen clinique. Douleurs aiguës Elles surviennent en général dans un contexte évocateur. Contexte infectieux 1. Cervico-vaginite Elle est en général de diagnostic facile : les douleurs sont bas situées, souvent associées à une dyspareunie et (ou) à des leucorrhées pathologiques. Les signes cliniques retrouvés sont variables selon le type de germe retrouvé sur le prélèvement bactériologique : – Candida : prurit, leucorrhées blanches caillebotées, muqueuse inflammatoire ; – Trichomonas : leucorrhées verdâtres, spumeuses ; – Gardnerella : leucorrhées grises avec une odeur carac- téristique et désagréable (sniff test) ; – herpès : vésicules en bouquet, muqueuse inflammatoire. La bactériologie des urines est toujours indispensable. Un cancer du col doit être recherché en présence d’une cervico-vaginite de façon systématique: biopsie au moindre doute. 2. Infection haute associée Il faut toujours rechercher une infection haute associée (salpingite ou annexite). Les germes en cause sont : Gynécologie - Obstétrique A 17 1465 L A R E V UE DU P R AT I CI E N ( P a r i s ) 1 9 9 8 , 4 8 Algies pelviennes de la femme Orientation diagnostique Dr Sophie CHASSET, Dr Franck LÉONARD, Pr Roland TAURELLE Service de gynécologie-obstétrique, hôpital Boucicaut, 75730 Paris cedex 15. • Motif fréquent de consultation aussi bien en médecine générale qu’en gynécologie (10 % des cas). • Trois questions clés se posent toujours au praticien : l’origine de la douleur est-elle gynécologique ou non ? S’agit-il d’une douleur organique ou fonctionnelle ? Quelle est l’importance du facteur psychologique dans la symptomatologie ? Points Forts à comprendre Chlamydiæ (40 à 60 %), gonocoque (10 à 15 %). • Le tableau typique est celui d’une douleur pelvienne le plus souvent bilatérale à irradiation postérieure, augmen- tée à l’effort, associée à des métrorragies (endométrite), des leucorrhées pathologiques, une fièvre modérée (38,5°C). On peut rechercher un contexte favori- sant : nouveau partenaire, partenaires multiples pouvant présenter des signes d’urétrite. • Le diagnostic n’est pas toujours aisé ; en effet, il n’y a pas obligatoirement de parallélisme entre la clinique, la biologie et l’exploration échographique ou chirurgicale. • Le traitement consiste en une antibiothérapie adaptée précédée d’une cœlioscopie s’il existe un doute diagnos- tique (sans oublier de traiter le partenaire). Parfois le tableau clinique est d’emblée celui d’une pel- vipéritonite nécessitant une hospitalisation et une sur- veillance attentive de l’évolution sous traitement : pyo- salpinx, abcès du Douglas, péritonite secondaire par diffusion ou rupture d’un abcès pelvien. Contexte hémorragique 1. Grossesse extra-utérine La douleur est souvent unilatérale à irradiation posté- rieure, associée plus ou moins à des métrorragies sépias, des lipothymies, une aménorrhée. Il faut rechercher à l’interrogatoire des facteurs de risque [antécédents de chirurgie tubaire, de salpingite, de grossesse extra-utérine (GEU), microprogestatifs…]. • À l’examen : l’utérus est augmenté de volume mais inférieur à ce que voudrait le terme théorique ; le cul- de-sac correspondant est douloureux, empâté. La dou- leur du Douglas est particulièrement évocatrice. • Les examens complémentaires sont : – les hCG qualitatifs pour affirmer la grossesse ; – les hCG quantitatifs (ascension inférieure à la nor- male). L’échographie endovaginale : vacuité endo-utérine, masse pelvienne suspecte, sac latéro-utérin, épanche- ment dans le Douglas. • Le traitement est le plus souvent cœliochirurgical ou bien médical (méthotrexate) selon les cas. 2. Menace de fausse couche ou fausse couche en cours La douleur est utérine à type de contractions, associée à des métrorragies plus ou moins abondantes avec des caillots. À l’examen, le col est modifié, l’utérus augmenté de volume. L’échographie confirme le diagnostic : œuf clair, débris trophoblastiques si l’expulsion a déjà eu lieu. Le traitement est variable, selon le terme et le contenu utérin (chirurgical ou médical). 3. Grossesse intra-utérine évolutive Il peut exister des douleurs semblables à des contractions utérines et des saignements d’abondance variable. L’uté- rus a un volume en rapport avec le terme, le col est plus ou moins fermé ; parfois un gros ovaire porteur du corps jaune pose un problème de diagnostic différentiel avec une grossesse extra-utérine. L’échographie montre une grossesse évolutive avec un décollement trophoblastique dont l’importance variable oriente le pronostic évolutif. Le traitement est symptomatique : repos, antalgique, antispasmodique. Le pronostic de la grossesse dépend de l’importance du décollement et de son évolution. Présence d’une masse pelvienne 1. Kyste ovarien Il peut se tordre, se rompre, saigner. La douleur est bru- tale, unilatérale, associée à des vomissements s’il s’agit d’une torsion qui constitue une véritable urgence chi- rurgicale. Il existe une douleur exquise latéro-utérine au niveau du pédicule ovarien avec ou sans perception de masse pelvienne. • Dans les autres cas, l’examen retrouve une douleur ou une défense pariétale, le cul-de-sac vaginal est sensible avec présence d’une masse plus ou moins volumineuse. • L’échographie oriente le diagnostic : – torsion : augmentation du volume, diminution du flux sanguin ; – rupture : épanchement intrapéritonéal, kyste affaissé par rapport à un éventuel examen antérieur ; – hémorragie : contenu échogène hétérogène, aspect de sédimentation avec le temps. Le traitement repose sur les antalgiques ou la cœliosco- pie selon les cas. 2. Fibrome en nécrobiose ou tordu La douleur est paroxystique, souvent associée à un météorisme et à une fièvre modérée. À l’examen, l’utérus est douloureux en un point exquis, de consistance ferme, à contours irréguliers. À l’écho- graphie, on retrouve une image arrondie, hypoéchogène ou hétérogène s’il y a une nécrobiose. Le traitement associe des antalgiques et des anti-inflam- matoires, puis la chirurgie dans un second temps en cas d’inefficacité. Douleurs chroniques Elles sont en général de diagnostic plus difficile. Douleurs rythmées 1. Dysménorrhées Elles peuvent être primaires, c’est-à-dire exister dès l’apparition des premières règles, ou secondaires (sur- venant plus tardivement). Il faut également préciser si elles sont précoces (dès les premiers jours des règles) ou bien tardives, apparaissant après 2 ou 3 jours, plus ou moins persistantes ensuite. • Dysménorrhées primaires – Dysménorrhées spasmodiques : elles n’ont pas de support organique ; cependant, plusieurs interprétations physiopathologiques ont été faites : 1466 L A R E V UE DU P R AT I CI E N ( P a r i s ) 1 9 9 8 , 4 8 AL GI E S P E L V I E NNE S DE L A F E MME . anomalie de la contractibilité du myomètre : augmentation de l’intensité des contractions utérines, dysrythmie… . ischémie relative pendant les contractions, . facteur hormonal : seuls les cycles ovulatoires sont dysmé- norrhéiques avec retard à l’ouverture du col et sécrétion dys- harmonieuse ou en excès de prostaglandines qui sont syn- thétisées par l’endomètre : prostaglandines E2 (PGE2) et I2 (PGI2) utérorelaxantes, vasodilatatrices ; thromboxane A2 (TXA2) et prostaglandine F2 (PGF2) : vasoconstrictives et utérotoniques. Les patientes sont surtout des adolescentes (la fréquence diminue après 25 ans), de bon niveau socio-économique, vivant une période de stress. Les douleurs peuvent être légères mais aussi invalidantes, obligeant la patiente à rester au lit. Le traitement varie selon l’intensité des douleurs : antispas- modique, antalgique simple ou, en cas d’échec : antiprosta- glandine (Naprosyne, naproxène) et parfois prise en charge psychothérapeutique. – Malformations utérines : dans le cas d’ hémi-vagin- borgne, de cornes utérines rudimentaires, le sang s’élimine de façon retardée. Cela se traduit par des douleurs maxi- males le premier jour des règles, s’atténuant ensuite pro- gressivement. Il faut toujours rechercher d’autres malformations associées, notamment rénales. L’examen clinique est insuffisant pour le diagnostic et il faut faire appel à l’échographie, à l’hystérosalpingographie ou à la cœlioscopie. Il peut exister une « dysménorrhée sans règle » s’il y a une imperforation hyménéale. Elle est de diagnostic évident si l’examen clinique est minutieux. • Dysménorrhées secondaires – L’endométriose externe entraîne une dysménorrhée secondaire tardive. Elle est définie par la présence en dehors de la cavité utérine de « tissus endométrial ». Le plus souvent il s’agit d’une femme ayant entre 20 et 30 ans présentant une dysménorrhée qui peut être associée à une dyspareunie profonde et à une infécondité (les consulta- tions de stérilité sont souvent à l’origine de sa découverte). Parfois les douleurs peuvent prendre un caractère perma- nent. L’examen clinique doit être fait pendant les règles ; il repro- duit la douleur mais les signes objectifs sont rares (nodules, rétroversion fixée), le toucher rectal est indispensable. Le diagnostic est fait en cœlioscopie, celle-ci montrant des nodules bleutés, des adhérences, un endométriome. S’il s’agit d’une endométriose profonde, la chirurgie amé- liore de façon durable les douleurs (80 % des cas) et peut être efficace sur l’infécondité (60 % des cas). – L’adénomyose correspond à la présence de foyers de muqueuse endométriale dans le myomètre (invagination). Les patientes sont en général des femmes d’une quarantaine d’années qui ont des antécédents d’endométropathie, et il existe souvent une myomatose associée. La dysménorrhée est souvent associée à des ménométrorragies .L’hystérosal- pingographie aidera au diagnostic : diverticules, rigidité seg- mentaire, image en parapluie (rétroversion fixée), tuba erecta.. Il faut éliminer les hyperplasies muqueuses et les polypes intracavitaires par l’échographie et l’hystéroscopie tout en sachant qu’ils peuvent être responsables par eux-mêmes des douleurs. Le traitement le plus efficace est l’hystérectomie, les traite- ments médicaux étant le plus souvent voués à l’échec. – Modifications anatomiques acquises : les synéchies après curetage ou les sténoses du col après électrocoagula- tion peuvent être à l’origine de dysménorrhées, car elles entraînent une rétention partielle de sang menstruel avec éli- mination retardée de celui-ci. Le diagnostic peut être fait en échographie (EVAC : écho- graphie avec accentuation de contraste) ou en hystéroscopie pour les synéchies, et par exploration du col à la bougie pour les sténoses. Ces deux examens (hystéroscopie et exploration du col) per- mettent également un traitement efficace en cas de lésions récentes. 2. Syndrome intermenstruel Il s’intègre le plus souvent dans le cadre de la dystrophie macropolykystique des ovaires. Les douleurs surviennent en milieu de cycle lors de l’ovulation, mais peuvent être aussi per- ou prémenstruelles. Il existe une irrégularité menstruelle avec des cycles longs et parfois une stérilité. L’hirsutisme est rare. Les patientes sont en général neuroto- niques, vivant une situation conflictuelle. Il n’existe parfois aucun antécédent, mais dans certains cas une annexite res- ponsable d’adhérences pelviennes altérant le fonctionne- ment des ovaires est présente. Ces adhérences seront mises en évidence par la cœlioscopie. À l’examen, le volume des ovaires est variable selon le cycle : normal après les règles, nettement augmenté avant leur sur- venue. Le traitement repose sur le blocage de l’activité ovarienne. Douleurs permanentes 1. Séquelles d’infection Elles sont présentes dans 20 % des cas après une salpingite. La douleur est sourde, continue, non modifiée par les règles. Une dyspareunie profonde peut exister, traduisant la sclé- rose inflammatoire et parfois une rétroversion fixée. L’examen clinique est peu contributif. La cœlioscopie retrouve des adhérences, un hydrosalpinx, un épanchement du Douglas. Le traitement est très difficile. La chirurgie ne devrait être proposée qu’avec la plus grande circonspection. 2. Troubles de la statique pelvienne Les douleurs sont permanentes, augmentées par la position debout prolongée ; elles sont parfois associées à une dyspa- reunie et à des signes urinaires ou digestifs s’il existe une compression. L’examen clinique recherche une malposition utérine, un prolapsus et une cœlioscopie éventuelle peut retrouver une désinsertion ligamentaire (syndrome de Masters et Allen : rupture du feuillet postérieur du ligament large) souvent asso- ciée à une varicocèle pelvienne. Gynécologie - Obstétrique 1467 L A R E V UE DU P R AT I CI E N ( P a r i s ) 1 9 9 8 , 4 8 3. Douleurs révélant une tumeur pelvienne Il peut s’agir d’un cancer pelvien, d’un fibrome ou d’une autre masse pelvienne, la douleur est permanente, sourde. L’exa- men clinique peut retrouver la tumeur, sinon il faut s’aider de l’échographie ou d’une autre imagerie (scanner IRM). Dyspareunies Elles nécessitent un classement particulier. Ces sont des douleurs provoquées par le rapport sexuel, le rendant ainsi difficile. Elles sont de plusieurs types : superfi- cielles, profondes, de présence. 1. Dyspareunies superficielles Les plus fréquentes sont les vulvovaginites infectieuses : sur- tout l’herpès, mais aussi les Candida, Trichomonas, Gardne- rella et autres germes. Elles concernent aussi les traumatismes obstétricaux (épisio- tomie) et chirurgicaux (myorraphie postérieure, colpectomie étendue), les dermatoses type lichen scléreux, ezcéma ainsi que les malformations de l’hymen. 2. Dyspareunies de présence Elles sont surtout dues aux atrophies (ménopause, syndrome sec) mais aussi aux cervico-vaginites et aux inflammations chroniques du col. 3. Dyspareunies profondes Elles peuvent être dues à une infection génitale haute ou à ses séquelles. Elles sont retrouvées dans les rétroversions utérines idiopa- thiques ou secondaires à une endométriose. Lorsqu’il s’agit d’une rétroversion sans pathologie associée, la relation de causalité est difficile à établir du fait de la fréquence de cette anomalie et de la rareté des troubles qu’elle entraîne. L’épreuve du pessaire peut être utile. 4. Vaginisme Il représente une entité à part qui correspond à une contrac- ture-réflexe des muscles du périnée secondaire à la douleur et le plus souvent d’origine psychologique (conflit avec le parte- naire). Douleurs non gynécologiques Elles peuvent être d’origine : • urinaire : il faut rechercher des signes fonctionnels en faveur d’une infection urinaire haute ou basse (brûlures, pollakiurie, douleurs lombaires) ou d’une lithiase (douleur de type colique néphrétique, antécédents personnels ou familiaux de lithiase). La bactériologie des urines est faite au moindre doute de même que l’échographie rénale ; • digestive : – sigmoïdite (femme d’âge moyen avec une notion de consti- pation, de rectorragie, d’épisodes identiques, symptomatolo- gie d’appendicite chronique à gauche) ; – une appendicite pelvienne ou rétrocæcale, cette dernière étant de diagnostic difficile car les signes ne sont ni localisés ni francs ; – des troubles fonctionnels intestinaux : en présence d’un bal- lonnement abdominal, d’une constipation, chez une patiente ayant souvent un profil psychologique particulier (stress) ; • il peut s’agir d’une cause ostéo-articulaire comme des lombo-sacralgies à irradiation abdominale ; • il ne faut pas négliger les causes psychiatriques : conver- sion hystérique, dépression, lorsque véritablement aucune ori- gine organique ne peut être retenue ; on entre dans le cadre des algies essentielles. Algies essentielles Si aucune cause n’est retrouvée, on peut alors penser à une origine psychosomatique (désarroi psychique méconnu dans son expression verbale mais se manifestant par le corps) ce qui est loin d’être rare et pouvant revêtir tous les types. . En effet, le pelvis est chez la femme la caisse de résonance du psychisme, un centre géométrique de la sensibilité, symbole de procréation, sexualité, féminité. Il faut toujours rechercher un événement pouvant être à l’ori- gine de la douleur : chômage, décès, conflit conjugal, affectif. Il est donc nécessaire de bien écouter la patiente et de lui mon- trer que sa pathologie est prise en compte réellement, ce qui nécessite l’instauration d’une relation de confiance avec une consultation très personnalisée. La prise en charge peut être faite par le gynécologue ou le médecin traitant s’il se sent le désir et la compétence d’abor- der des problèmes psychosomatiques. Il faut savoir demander l’avis d’un collègue spécialisé et, le cas échéant, passer la main au psychologue si on ne se sent pas apte, et ne pas penser qu’il s’agit d’un échec du savoir du médecin. n 1468 L A R E V UE DU P R AT I CI E N ( P a r i s ) 1 9 9 8 , 4 8 AL GI E S P E L V I E NNE S DE L A F E MME • L’interrogatoire reste l’élément le plus important du diagnostic. Il faut savoir être patient, notamment avec les douleurs chroniques de diagnostic difficile, et ne pas sombrer dans un interventionisme sans limite. • Ne pas laisser la patiente se décourager, celle-ci étant lasse de souffrir, et ne trouvant pas souvent un interlocuteur valable. • Ne pas invoquer la psychosomatique, alors qu’il existe une cause organique évidente et curable. Points Forts à retenir Blanc B, Boubli L. Douleurs pelviennes chroniques, aiguës, cycliques. Gynécologie. Paris : Pradel, 1993 : 138-55. Chapron C, Benhamou D, Belaish Allart J, Dubuisson JB. La douleur en gynécologie. Paris : Arnette Blackwell, laboratoire Cassenne, 1997. Papiernick E, Rozenbaum H, Belaish Allart J. Gynécologie ; Paris : Flammarion, 1990 : 308-18. POUR EN SAVOIR PLUS Gynécologie - Obstétrique A 18 1709 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 2 0 0 0 , 5 0 β de la FSH (follicle stimulating hormone) et de la LH, et de leur sous-unité α commune au niveau des cellules gonadotropes. La structure normale du récepteur à la GnRH à la surface des cellules gonado- tropes hypophysaires est donc également essentielle à la biosynthèse et à la sécrétion des sous-unités des gonadotrophines. • Au niveau hypophysaire, l’intégrité des cellules gonadotropes suppose non seulement des récepteurs à la GnRH fonctionnels, mais aussi l’expression normale des gènes de sous-unités α et β des gonado- trophines, ainsi que la formation de dimères biolo- giquement actifs. • Au niveau ovarien, les cellules folliculaires de la granulosa et de la thèque interne doivent être normalement sensibles à la FSH et à la LH. Cette bonne réceptivité ovarienne suppose l’intégrité des récepteurs aux gonado- trophines à la surface des cellules cibles ovariennes et l’absence d’immunoglobulines circulantes empêchant l’interaction gonadotrophine-récepteur. Par ailleurs, l’ovulation n’est possible qu’en présence d’un nombre suffisant de follicules primordiaux au niveau ovarien, constituant ce que l’on appelle la réserve ovarienne. L’épuisement précoce du capital folliculaire ovarien peut être induit par des lésions chromosomiques, des anomalies génétiques, une irradiation ou une exposition toxique. À chaque cycle, un follicule est recruté, sélectionné, devient dominant sous l’action de la FSH puis ovule sous l’effet du pic de LH. Le phénomène de l’ovulation est ainsi finement coordonné par les stéroïdes et les peptides ovariens, et toute atteinte enzymatique des voies de la stéroïdogenèse ovarienne peut induire des troubles de l’ovulation et une amé- norrhée. • La desquamation cyclique de l’endomètre nécessite l’intégrité anatomique des dérivés mullériens. Elle n’est possible que si une sécrétion suffisante d’œstradiol (E2) en phase folliculaire a permis la prolifération cellulaire de la muqueuse endométriale. La transformation sécrétoire de l’endomètre sous l’effet de la progestérone en phase lutéale le rend apte à la nidation embryonnaire. Enfin, la chute des concentrations circulantes d’œstradiol et de progestérone en fin de phase lutéale provoque des modi- fications vasculaires et la desquamation de la couche superficielle de l’endomètre, c’est-à-dire les règles. Ainsi, les étiologies des aménorrhées secondaires peuvent-elles siéger à tous les niveaux de l’axe hypothalamo-hypophyso-ovarien ou de l’endomètre. Définition et physiologie L’aménorrhée secondaire correspond à l’arrêt des règles pendant plus de 3 mois chez une femme antérieurement bien réglée. L’existence de cycles ovulatoires suppose l’intégrité anatomique, fonctionnelle et moléculaire de chacun des étages de l’axe gonadotrope. • Au niveau hypothalamique, elle nécessite la présence de neurones à GnRH (gonadotrophin releasing hormone) ayant migré normalement depuis la placode olfactive jusqu’au noyau arqué pendant la vie embryonaire. Ces neurones ont une activité électrique pulsatile synchronisée (générateur hypothalamique) dont la fréquence varie au cours du cycle permettant de délivrer la GnRH dans le système porte hypophysaire selon un mode pulsatile. L’activité des neurones à GnRH est reflétée par la sécrétion pulsatile de LH (luteinizing hormone) dans la circulation périphérique. Le bon fonctionnement de ces neurones à GnRH nécessite une masse grasse et des apports nutritionnels suffisants. La déconnexion hypo- thalamo-hypophysaire aboutit à la diminution des ARNm (acide ribonucléique messager) des sous-unités Aménorrhée secondaire Orientation diagnostique DR Delphine LÉVY, PR Anne GOMPEL Service de gynécologie, L’Hôtel Dieu, 75181 Paris Cedex 04. • L’existence de cycles menstruels réguliers est le reflet du bon fonctionnement de la mécanique ovulatoire et de l’intégrité de la cible utérine. • L’existence d’une aménorrhée pathologique témoigne d’une atteinte de l’axe hypothalamo- hypophyso-ovarien ou d’une anomalie anatomique de la filière génitale. • L’aménorrhée peut être précédée de troubles du cycle avec irrégularités menstruelles ayant la même valeur sémiologique. • La distinction classique entre aménorrhées primaire et secondaire est un peu artificielle car certaines de leurs causes se recoupent. • L’interrogatoire, l’examen clinique et un nombre limité d’examens complémentaires sont les étapes clés de la démarche diagnostique. • L’existence de facteurs psychologiques ne doit pas empêcher l’exploration étiologique complète d’une aménorrhée. Points Forts à comprendre Démarche diagnostique L’interrogatoire et l’examen clinique peuvent orienter vers certaines causes, mais les examens complémen- taires sont souvent indispensables pour permettre le diagnostic étiologique d’une aménorrhée secondaire. Éliminer une grossesse Le diagnostic de grossesse est à éliminer en premier. Il faut toujours y penser et interroger la patiente sur d’éventuels rapports non protégés potentiellement fécondants ou sur le type de contraception. L’existence de signes cliniques de grossesse (nausées, mastodynies, polydipsie, somnolence diurne, impression que les règles vont arriver) sont à rechercher par l’interrogatoire. L’examen clinique retrouve un col fermé et un utérus de taille variable selon l’âge de la grossesse. La prise matinale de la température est en faveur du diagnostic si elle est supérieure à 37 ˚C. Le dosage des β−hCG plasmatiques ou la pratique d’une réaction immuno- logique de grossesse (RIG) permettent le diagnostic. Interrogatoire • Une prise médicamenteuse, en particulier de neuro- leptiques, de la pilule ou d’un autre traitement hormonal (progestatif pouvant atrophier l’endomètre notamment) doit être recherchée. • Le mode d’installation de l’aménorrhée, brutal ou progressif doit être déterminé ainsi que les circonstances déclenchantes éventuelles : rupture sentimentale, décès d’un parent ou d’un proche, accouchement récent hémorragique, absence de montée laiteuse, accident de la voie publique. L’aménorrhée peut avoir été précédée de spanioménorrhée dont il faut dater le début par rapport à la puberté. • Une maladie générale, endocrinienne ou systémique peut être responsable de dénutrition: un diabète insulino- dépendant, une méningite, une sarcoïdose, une pathologie systémique ou tumorale qui aurait nécessité une chimio- et (ou) une radiothérapie (pelvienne ou hypophysaire). • Des variations pondérales à type de prise mais sur- tout de perte de poids (typiquement > 10 % du poids total), à l’occasion d’un régime volontaire, ou un trouble du comportement alimentaire doivent retenir l’attention. Une enquête nutritionnelle détaillée est systématique. Une évaluation de l’activité sportive (fréquence et intensité) doit également faire partie de l’interrogatoire. • L’existence de bouffées de chaleur oriente vers une insuffisance ovarienne, avec épuisement du capital folliculaire. L’interrogatoire recherche aussi des signes de carence œstrogénique: dyspareunie, baisse de la libido, frilosité, asthénie. • Une interruption volontaire de grossesse (IVG), un curetage utérin ou des douleurs pelviennes cycliques orientent vers une cause utérine. • L’âge de la ménopause de la mère ou des sœurs doit être demandé. Examen clinique • Il permet d’évaluer l’imprégnation œstrogénique : trophicité des muqueuses, présence d’une glaire cervicale et sa filance. Sa présence à distance d’un saignement menstruel correspond à l’absence de progestérone, et peut être le signe d’une dysovulation. En revanche, son absence en phase folliculaire indique une carence œstro- génique. • Des signes d’hyperandrogénie doivent être recher- chés : hirsutisme, acné, séborrhée, signes de virilisation. • Une galactorrhée, dont la spécificité en faveur d’une hyperprolactinémie est médiocre, doit être recherchée. • Des signes évoquant un déficit hypophysaire associé (thyréotrope et corticotrope, notamment) doivent être pris en compte. Examens complémentaires • Le dosage de β-hCG élimine une grossesse. • Le dosage de FSH et de LHplasmatiques, par méthodes radio-immunologiques, constitue l’examen clé d’orien- tation diagnostique : – si FSH et LH sont élevées, il s’agit d’une insuffisance ovarienne. L’absence de sécrétion d’œstradiol n’exerce plus de rétrocontrôle négatif sur celle de LH et de FSH. En l’absence de croissance folliculaire, l’inhibine B, freinatrice de la FSH, n’est pas non plus sécrétée. Ces examens sont alors complétés par l’étude du caryotype à la recherche d’une mosaïque dans le cadre des dysgénésies gonadiques ; – si FSH et LH sont basses ou normales, l’ovaire est indemne et il peut s’agir d’une anomalie utérine (synéchie) ou centrale. Le bilan est alors complété par un dosage de prolactine et, si elle est élevée, une imagerie par résonance magnétique hypophysaire et un champ visuel. Si l’imagerie par résonance magné- tique montre un macro-adénome ou que l’adénome n’est pas à prolactine, l’exploration des autres fonctions hypophysaires est nécessaire. En l’absence d’image hypophysaire, un test à la TRH sur la pro- lactine peut, s’il est « bloqué », faire évoquer un microprolactinome. • Le test aux progestatifs permet d’apprécier la sécrétion ovarienne d’œstradiol. Il consiste en l’administration d’un progestatif pendant 10 jours. Le test est dit positif si l’arrêt du progestatif provoque une hémorragie de privation dans les 5 jours qui suivent. Un test négatif est le signe d’une carence œstrogénique sévère. • Testostérone totale, ∆4 androstènedione et test au Synacthène sur la 17-hydroxyprogestérone (17-OHP) ne sont dosés qu’en présence d’hyperandrogénie clinique ou familiale. • Le test à la GnRHne permet pas de localiser le niveau de l’atteinte : il peut être positif en cas d’atteinte hypo- physaire, s’il reste suffisamment de cellules gonado- tropes, ou négatif dans les atteintes hypothalamiques (comme le syndrome de Kallmann de Morsier). Il ne sert donc qu’à apprécier l’ampleur du déficit. AMÉ NOR R HÉ E S E CONDAI R E 1710 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 2 0 0 0 , 5 0 diol plasmatique plus élevé (50-60 pg/mL). Le diagnos- tic est fait sur la biopsie d’ovaire, indiquée en cas de désir de grossesse. Elle montre la persistance de nom- breux follicules bloqués au stade primordial. À l’inverse, s’il s’agit d’une ménopause précoce, on ne retrouve aucun follicule sur la biopsie d’ovaire. Une mutation du récepteur de la FSH a été identifiée dans des familles finlandaises atteintes d’insuffisance ovarienne primitive avec caryotype normal 46,XX. Plus récemment, une mutation moins sévère du récepteur de la FSH a été mise en évidence en France. L’insuffisance ovarienne était marquée par une aménorrhée secondaire et une sécré- tion d’œstradiol non nulle ; cette mutation autorisant une croissance folliculaire jusqu’au stade antral était incom- patible avec la sélection et la maturation folliculaire jusqu’au stade préovulatoire. En cas de désir de grossesse, seul le don d’ovocyte est possible. Syndrome des ovaires polykystiques Il constitue l’une des causes les plus fréquentes d’an- ovulation et donc d’aménorrhée. Son mécanisme est encore très discuté : il s’agit plus probablement d’une anomalie primitivement ovarienne que d’un dysfonc- tionnement hypothalamo-hypophysaire. Chez certaines patientes, il existe un hyperinsulinisme avec insulino- résistance qui pourrait jouer un rôle pathogène au niveau ovarien. La description de formes familiales de syndro- me des ovaires polykystiques évoque l’existence d’une prédisposition génétique, mais celle-ci est vraisembla- Étiologie Synéchies utérines Le diagnostic de synéchies utérines est orienté par les antécédents d’interruption volontaire de grossesse, de curetage utérin, de chirurgie pour myome, de césarienne ou de tuberculose pelvienne beaucoup plus rare, ainsi que par l’installation progressive de l’aménorrhée après une période d’oligoménorrhée. Ce diagnostic est confirmé par une courbe de température biphasique et l’hystéro- graphie ou l’hystéroscopie montrant le siège de la syné- chie : l’atteinte de l’isthme est toujours responsable d’une aménorrhée. Insuffisance ovarienne Les causes d’insuffisance ovarienne sont évoquées devant l’existence de bouffées de chaleur qui n’existent pas au cours des insuffisances hypothalamo-hypophysaires. • Une dysgénésie gonadique peut survenir chez des femmes jeunes après un certain temps de cycles spontanés, fonction directe du capital folliculaire. Ces formes de dysgénésies gonadiques se situent soit dans le cadre de mosaïques du caryotype (XO/XX, XY/XX, etc.), soit avec un caryotype normal. Des cycles spontanés et même des grossesses ont été rapportés dans le cadre de dysgénésies complètes comme le syndrome de Turner. Le traitement substitutif œstroprogestatif séquentiel est entrepris dès le diagnostic. En cas de désir de grossesse, un don d’ovocyte est maintenant possible. • Une ménopause précoce survient par définition avant l’âge de 45 ans. Elle peut être iatrogénique et facilement identifiée à l’interrogatoire (radiothérapie ou chimiothé- rapie). Lorsqu’elle est idiopathique, elle correspond à un capital folliculaire diminué soit avec une notion familiale, soit par une forme mineure de dysgénésie gonadique à caryotype normal. Ce diagnostic est à distinguer du syn- drome des ovaires résistants aux gonadotrophines, notamment en cas de désir de grossesse. Plus rarement, elle peut résulter d’une atteinte ovarienne auto-immune de type ovarite lymphoplasmocytaire aboutissant à une fibrose ovarienne. Dans 10 à 20% des cas, l’atteinte ovarienne est associée à d’autres maladies auto-immunes telles que l’insuffisance surrénale ou l’hypothyroïdie de type Hashimoto qu’il convient de rechercher. Biolo- giquement, il existe une élévation de la FSH dosée au 3 e jour du cycle, associée à une diminution du taux d’œs- tradiol et du taux d’inhibine B circulant qui est le reflet direct de la réserve ovarienne en follicules primordiaux. Il est important de noter que ce tableau biologique ne témoigne pas nécessairement d’une atteinte ovarienne irréversible : en effet, l’élévation des gonadotrophines après une cure de chimiothérapie peut n’être que transi- toire et la reprise ultérieure de cycles ovulatoires reste possible, habituellement dans la 1 re année. • Le syndrome des ovaires résistants aux gonado- trophines est une entité rare. Il revêt le tableau clinique d’une ménopause précoce, avec parfois un taux d’œstra- Gynécologie - Obstétrique 1711 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 2 0 0 0 , 5 0 Hypothalamus (%) KAnomalies du rapport poids/taille, de l’état nutritionnel 15 KExercice physique 10 KStress 10 KInfiltration (craniopharyngiome, sarcoïdose, histiocytose) <1 Hypophyse KAdénome à prolactine 18 KAutre adénome hypophysaire (sauf ACTH) 1 KSyndrome de Sheehan < 1 KMaladie de Cushing < 1 Ovaire KMénopause précoce 10 KSyndrome des ovaires polykystiques et dystrophies ovariennes 30 Utérus KSynéchies 5 Autres KHyperplasie surrénale à révélation tardive < 1 KHypo ou hyperthyroïdie < 1 KTumeurs ovariennes < 1 Principales causes et fréquences d’aménorrhée secondaire TABLEAU I blement multigénique et hétérogène. On distingue sou- vent le syndrome des ovaires polykystiques typique, avec un tableau clinique complet (le classique syndrome de Stein-Leventhal) et qui est en réalité rare, de la dystrophie ovarienne cliniquement dissociée, se limitant à une anovulation chronique sans hyperandrogénie clinique ou biologique évidente. Le diagnostic est alors plus difficile et, souvent, d’exclusion, reposant sur l’aspect micropolykystique des ovaires à l’échographie. Cliniquement, une spanioménorrhée existait souvent depuis la puberté avant l’installation de l’aménorrhée, associée à une acné, un hirsutisme, un surpoids et parfois un acanthosis nigricans. Classiquement, l’écho- graphie endovaginale retrouve 2 gros ovaires avec de nombreuses formations «kystiques » en couronne et sur- tout une hypertrophie du stroma ovarien. Biologiquement, l’hyperandrogénie est retrouvée chez environ la moitié des patientes : élévation de la ∆4 androstènedione plasmatique, avec augmentation paral- lèle de la testostérone (par conversion périphérique). La diminution de la SHBG (sex hormone binding globulin) est en général secondaire au surpoids. La concentration d’œstradiol est typiquement normale en phase folli- culaire, mais acyclique, assurant une imprégnation œstrogénique suffisante avec hyperœstrogénie relative du fait de l’anovulation. Le test aux progestatifs est d’ailleurs constamment positif. La LH est élevée, répondant excessivement à la GnRH, tandis que la FSH est normale. À l’inverse, toute atteinte partielle de l’axe gonadotrope avec anovulation chronique et sécrétion acyclique d’œs- tradiol peut être responsable d’un tableau clinique voisin de la dystrophie ovarienne (anovulation chronique sans hyperandrogénie). La petite taille des ovaires à l’écho- graphie oriente alors vers l’origine gonadotrope de l’anovulation. Toute hyperandrogénie sévère peut être responsable d’une aménorrhée. Une concentration plasmatique de testostérone supérieure à 1,5 ng/mL impose la recherche d’hyperthécose, de tumeur ovarienne ou surrénale. Un déficit en 21-hydroxylase surrénale à révélation tardive peut être responsable d’une aménorrhée par atrophie endométriale. Le taux de 17 hydroxyprogestérone de base est alors quelquefois supérieur à 2 ng/mL en début de phase folliculaire, le diagnostic est confirmé par l’élévation de la 17 hydroxyprogestérone supérieure à 20 ng/mL après stimulation par le Synacthène. Causes hypophysaires 1. Tumorales Les plus fréquentes sont les adénomes à prolactine qui représentent 65 % des tumeurs hypophysaires. Près de 20 % des anovulations sont secondaires à une hyperpro- lactinémie. Il peut s’agir aussi de craniopharyngiomes plus souvent responsables d’aménorrhées primaires mais non exceptionnels à l’âge adulte, d’adénomes chromophobes ou d’adénomes sécrétants d’autre nature (Cushing ou acromégalie, adénomes gonadotropes, exceptionnels adénomes à TSH). L’interrogatoire peut retrouver l’existence de céphalées, de troubles visuels ; l’examen clinique, l’existence de galactorrhée. Le dia- gnostic d’adénome à prolactine est fait par l’élévation du taux de prolactine de base (> 20 ng/mL) et surtout la réponse bloquée à la stimulation par la TRH: lors d’une réponse normale, le taux de base est multiplié par 3 ; une réponse insuffisante est en faveur d’un adénome à prolactine. Il peut cependant s’agir d’un adénome d’autre nature qui est responsable d’un « syndrome d’interruption de tige » : la compression de la tige pituitaire par l’adénome empêche la dopamine d’arriver jusqu’aux cellules lactotropes et d’exercer son effet freinateur physiologique. Il existe alors une discordance entre le volume de l’adénome et le taux de prolactine: l’élévation de la prolactine reste en règle modeste dans les macro-adénomes d’autre nature alors qu’elle est proportionnelle au volume de l’adénome s’il s’agit d’un prolactinome. C’est pourquoi l’imagerie par résonance magnétique hypophysaire doit être systématique au cours de l’exploration d’une aménorrhée. De plus, la prolactine peut être normale alors même qu’il existe un macro-adénome intrasellaire. L’imagerie par résonance magnétique indique le volume de l’adénome : micro- adénome ȅ 7 mm, macro-adénome > 1 cm. Il peut être intrasellaire, suprasellaire de degrés 1, 2 ou 3, ou avec extension infrasellaire et effraction du plancher sellaire. Enfin, elle permet d’identifier un envahissement éventuel des sinus caverneux. Un champ visuel complète l’exploration à la recherche d’une hémianopsie ou d’une quadranopsie. S’il existe un macro-adénome, l’explo- ration des autres lignées hypophysaires est systématique à la recherche d’un adénome mixte à hormone de croissance ou GH (growth hormone), ou d’un déficit d’une des lignées cellulaires hypophysaires à traiter, sans oublier la recherche d’un diabète insipide. Le mécanisme par lequel l’hyperprolactinémie induit une anovulation n’est pas univoque. Il semble que l’effet antigonadotrope de la prolactine s’exerce de manière prédominante au niveau hypothalamique. Des récepteurs à la prolactine ont été mis en évidence au niveau des neurones à GnRH, elle pourrait donc exercer un effet direct sur la sécrétion de GnRH par l’oscillateur arqué. L’hyperprolactinémie diminue la fréquence des pulses de LH (peut-être sous l’effet des opioïdes centraux ou plus directement du tonus dopaminergique) et l’administration pulsatile de GnRH exogène permet de rétablir une pulsatilité normale de la LH malgré la persistance de l’hyperprolactinémie. 2. Non tumorales • Le syndrome de Sheehan correspond à une nécrose hypophysaire brutale et typiquement complète au cours d’un accouchement hémorragique. Il se présente dans les suites immédiates de l’accouchement par une insuffi- sance hypophysaire complète, avec absence de retour de couche, de montée laiteuse, pâleur et asthénie. Cependant, il existe des formes dissociées ou des formes avec une certaine récupération fonctionnelle. C’est l’anamnèse qui permet le diagnostic étiologique. AMÉ NOR R HÉ E S E CONDAI R E 1712 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 2 0 0 0 , 5 0 ainsi la sécrétion de GnRH et des gonadotrophines. Le rôle de la leptine (diminuée chez ces patientes) et celui du neuropeptide Y ont également été évoqués pour le mécanisme de l’anovulation chez les athlètes. Il faut noter que les aménorrhées après prise de pilule peuvent être d’origine psychogènes, mais dans 1 tiers des cas environ, elles sont en rapport avec un adénome à prolactine qu’elles révèlent. Le diagnostic d’aménorrhée psychogène est de toute façon un diagnostic d’élimination et n’est porté qu’avec une imagerie par résonance magnétique normale. En pratique, devant une aménorrhée supposée psycho- gène, on effectue un test aux progestatifs permettant de chiffrer le degré de l’imprégnation œstrogénique. La survenue de règles après un traitement de 10 j par un progestatif du groupe prégnane signe l’imprégnation de l’endomètre par l’œstradiol et témoigne de la persistance d’une certaine activité ovarienne. Le test au citrate de clomifène permet de chiffrer la profondeur de l’atteinte hypothalamique selon la réponse obtenue (ovulation, règles ou absence de réponse). Répétons que le test à la GnRH ne permet pas de localiser le niveau de l’atteinte, il ne sert donc qu’à apprécier l’ampleur du déficit. I • Les autres causes hypophysaires non tumorales comptent les traumatismes, séquelles d’infections méningées, d’arachnoïdites, chirurgicales ou radiothéra- piques, maladies infiltrantes telles que la sarcoïdose, l’histiocytose X. • Une hyperprolactinémie peut être iatrogénique, secondaire à une prise médicamenteuse. La liste des médicaments potentiellement hyperprolactinémiants est longue. Les agents induisant une déplétion dopami- nergique hypothalamo-hypophysaire sont tout particu- lièrement susceptibles d’induire une hyperprolactinémie : α-méthyldopa, phénothiazines, butyrophénones, benza- mides, imipraminiques, amphétamines. À ceux-ci, on peut ajouter les œstrogènes, les opiacés, la cimétidine, les inhibiteurs calciques (tableau II). Gynécologie - Obstétrique 1713 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 2 0 0 0 , 5 0 • La liste des causes possibles d’aménorrhée secondaire est longue, mais, en pratique, seules quelques-unes de ces causes sont très fréquentes et à ne pas méconnaître avant de débuter un traitement œstroprogestatif. L’adénome à prolactine, la polykystose ovarienne et l’aménorrhée hypothalamique psychogène couvrent près de 85% des consultations pour aménorrhées secondaires. • Plusieurs mécanismes moléculaires ont été récemment identifiés comme des causes d’aménorrhée, tels que la mutation des récepteurs de la FSH au niveau ovarien ou des récepteurs de la GnRH au niveau hypophysaire. • Le diagnostic étiologique d’une anovulation chronique et son traitement approprié sont essentiels, car elle peut être responsable d’une hyperœstrogénie relative ayant des conséquences délétères à long terme sur certains organes cibles tels que l’utérus ou le sein. • Un nombre restreint d’examens complémentaires, associés à un interrogatoire et un examen clinique bien orientés, permet le diagnostic étiologique d’une aménorrhée secondaire dans la très grande majorité des cas. • Beaucoup des consultations pour aménorrhée secondaire sous-tendent un désir de grossesse dont il faut tenir compte au cours de l’exploration et du traitement. Un bilan d’infertilité est parfois nécessaire en complément de celui de l’aménorrhée. Points Forts à retenir Adalate, Agréal, Aldomet, Anafranil, Atarax, Azantac, Buspar, Cimétidine, Colchimax, Deroxat, Diazépam, Dogmatil, Dolosal, Droleptan, Equanil, œstrogènes, œstroprogestatifs, Floxyfral, Fonzylane, Halcion, Haldol, Imovane, Isoptine, Largactil, Laroxyl, Ludiomil, Lysanxia, Melleril, Méprobamate, Mépronizine, Métoclopramide, Morphine, Myolastan, Nifédipine, Nocertone, Noctran, Phénergan, Plitican, Primpéran, Prozac, Raniplex, Rimifon, Rivotril, Séropram, Stilnox, Survector, Tagamet, Tégrétol, Témesta, Tercian, Théralène, Tiapridal, Tofranil, Tranxène, Urbanyl, Valium, Vérapamil, Xanax. Médicaments hyper-prolactinémiants TABLEAU II Causes hypothalamiques et supra-hypothalamiques Elles constituent ce que l’on appelle habituellement les aménorrhées psychogènes. Elles peuvent survenir dans le cadre d’une anorexie mentale, à l’adolescence. Typiquement, une jeune fille qui se trouve trop grosse débute un régime qui dépasse la perte de poids accep- table et, en raison d’une dysmorphophobie, poursuit son amaigrissement volontaire se trouvant toujours trop grosse ou devenant incapable de se nourrir normalement. Les règles disparaissent à partir d’un certain degré de perte de poids. Outre l’amaigrissement majeur qui permet le diagnostic étiologique, il existe souvent une réapparition du lanugo, une acrocyanose, une attitude cyphotique et surtout, dans le cadre d’une dysorexie, une parotidomégalie. L’acrocyanose est fréquente au cours de ces aménorrhées, sans que son mécanisme ne soit compris. Les dysorexies se différencient de l’anorexie par des comportements de compulsion boulimiques suivis de vomissements volontaires éventuellement associés à une prise de laxatifs et (ou) de diurétiques pouvant être responsables de troubles ioniques sévères. L’aménorrhée peut toutefois être isolée, sans perte de poids, ou survenir après un traumatisme psychologique que l’on doit rechercher par l’interrogatoire. On rapproche de ces aménorrhées celles survenant chez des filles faisant du sport de manière intensive (marathon, danse, etc.). On fait intervenir le rôle des opioïdes centraux dont le «tonus » serait élevé chez ces patientes et inhiberait Gynécologie - Obstétrique B 149 1923 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 1 9 9 9 , 4 9 Le cancer du col de l’utérus est, à l’échelle mondiale, le 2 e des cancers touchant les personnes du sexe féminin, mais la situation est complètement différente entre pays industrialisés et en voie de développement. Dans les pays pauvres, le cancer du col est toujours le premier sur la liste des causes de mortalité par cancer. Dans les pays riches, le nombre des morts qui lui sont imputables a diminué de moitié dans les 40 dernières années. Cette évolution est liée à une baisse de l’incidence, liée elle- même au dépistage et au traitement des états précancé- reux (cancers in situ). Les pratiques de dépistage ont également abouti à une répartition différente des formes anatomo-cliniques du cancer avéré (cancer invasif). Les formes de début, qui restent les seules que l’on puisse facilement guérir, sont aujourd’hui plus fréquentes. Épidémiologie Incidence L’incidence du cancer du col est en France de 20 cas pour 100 000 par an et le nombre des morts serait de 2 000 par an. Dans les pays en voie de développement, l’incidence du cancer du col est beaucoup plus élevée (jusqu’à 50 pour 100 000 dans certains pays d’Amérique latine). Il existe une relation arithmétique inverse entre le produit national brut et l’incidence de la maladie. Au sein d’une même nation, on a pu calculer qu’existait également une relation de même nature entre le revenu annuel du ménage et l’incidence de la maladie. Facteurs de risque On sait depuis fort longtemps que le cancer du col est lié à l’activité sexuelle. On ne l’observe jamais chez la femme vierge et il survient d’autant plus volontiers que l’activité sexuelle a commencé à proximité plus grande de la période pubertaire. Les études épidémiologiques des dernières décennies concordent toutes pour établir un lien entre le nombre de partenaires sexuels et le risque. La qualité des partenaires en question intervient également et on a été amené à définir le « mâle à risque » dont la dangerosité se définit par le nombre de nuits passées chaque année hors du domicile conjugal. Plus accessoirement, interviennent le nombre de grossesses et la pratique contraceptive qui sont constamment Cancer du col de l’utérus Épidémiologie, anatomie pathologique, diagnostic, évolution, principes du traitement, dépistage PR Daniel DARGENT Service de gynécologie, hôpital Édouard-Herriot, place d’Arsonval, 69437 Lyon Cedex 03. • Le cancer du col est un cancer sexuellement transmis. On connaît aujourd’hui la nature de l’agent pathogène : l’un ou l’autre des virus HPV (Human Papilloma Virus) dits oncogènes (HPV 16, 18, 31, 33, etc. ). • Entre l’infection virale initiale et la naissance du cancer invasif s’intercale une série d’événements intermédiaires. L’infection conduit à la transformation de la cellule. La cellule transformée prolifère d’abord en surface : cancer in situ. Le cancer in situ se transforme finalement en cancer invasif. À chacune de ces étapes, à l’exclusion de la dernière, un retour en arrière est possible. La fréquence du cancer chez les femmes infectées par un HPV oncogène est au maximum de 1/1 000. • Le cancer in situ et, a fortiori, les autres néoplasies intra-épithéliales (dysplasies modérées et légères) ne deviennent cancer invasif qu’après 5 à 15 ans d’évolution. Ces néoplasies sont cliniquement asymptomatiques. L’examen paraclinique qui permet de les détecter est facile et efficace : c’est le frottis vaginal. • Le cancer in situ et, a fortiori, les autres néoplasies intra-épithéliales ne sont pour la plupart pas destinés à « dégénérer ». On doit néanmoins les traiter dans la perspective d’une éradication des cancers invasifs, théoriquement possible. • Le volume et l’extension du cancer invasif doivent être déterminés avec précision avant de prendre une décision thérapeutique. L’imagerie par résonance magnétique est le plus performant des examens paracliniques. La laparoscopie prend une place croissante. • Le cancer invasif se traite différemment selon qu’il est encore confiné au col ou qu’il en a dépassé les limites. Les chances de guérison sont également très différentes. Quand le cancer a un diamètre inférieur à 4 cm, la chirurgie et (ou) la radiothérapie permettent de sauver près de 9 malades sur 10. Au-delà de la limite de 4 cm, le traitement fait appel à la radiothérapie (et depuis peu à la chimiothérapie concomitante). Les chances de survie diminuent en même temps que le volume et l’extension de la tumeur augmentent. Points Forts à comprendre incriminés dans les études unifactorielles mais ne le sont pas toujours dans les études multifactorielles. Il est intéressant de noter que la contraception orale semble augmenter le risque alors que les préservatifs protègent. Au total, le cancer du col utérin apparaît comme un « cancer sexuellement transmis » (voir : Pour appro- fondir 1). Anatomie pathologique Le col utérin peut être le siège de sarcomes dont le type le plus fréquent est la tumeur mixte mullérienne. Il peut aussi être le siège de tumeurs secondaires et (ou) de lymphomes. Ces entités ne sont pas étudiées ici. Seuls sont envisagés les carcinomes, parmi lesquels les carcinomes épidermoïdes sont les plus fréquents, les carcinomes glandulaires étant les plus rares. Carcinome épidermoïde Le carcinome épidermoïde du col utérin a des caracté- ristiques voisines de celles de tous les carcinomes épidermoïdes (peau, bronche, œsophage, etc.). Il évolue en 2 phases : carcinome in situ et carcinome invasif. 1. In situ Le carcinome épidermoïde in situ revêt au microscope un aspect très stéréotypé : empilement sans ordre de cel- lules apparentées aux cellules de la couche basale du revêtement épithélial normal. Ces cellules présentent toutes les caractéristiques nucléaires et cytoplasmiques que l’on connaît pour symptomatiques de la transfor- mation cancéreuse. Mais la membrane séparant l’épi- thélium cancéreux du conjonctif est bien identifiable et ne présente aucune solution de continuité. Le carcinome épidermoïde in situ (fig. 1) représente la forme la plus caractéristique de ce que l’on appelait autrefois les dysplasies sévères et que l’on appelle aujourd’hui les néoplasies intra-épithéliales de type 3 (CIN 3), par opposition aux néoplasies intra-épithéliales de type 1 et 2 (CIN 1 et 2) nommées dysplasies légères et modérées. Les néoplasies intra-épithéliales de type 1 et 2 se distinguent de celles de type 3 par la persistance d’un modelage épithélial normal aux 2 tiers supérieurs (CIN 1) ou au tiers supérieur (CIN 2) de l’épithélium pathologique, les couches profondes étant seules concernées par la prolifération épithéliale atypique. Dans nombre de cas, on voit se mêler aux cellules épithéliales normales et atypiques des cellules creuses caractéristiques de l’infection par les virus du papillome (HPV). Ces koïlocytes sont d’autant moins nombreux que la prolifération atypique est plus prononcée. Quand n’existe aucune atypie nucléaire, on parle de « condylome plan ». Beaucoup voient dans ces différents aspects un continuum qui, partant du condylome plan, aboutirait au carcinome invasif (voir : Pour approfondir 2). 2. Invasif Le passage du carcinome in situ au carcinome invasif se fait en plusieurs étapes. Dans le tout premier temps, on voit la membrane basale s’effilocher, puis les cellules cancéreuses migrer à l’intérieur du conjonctif. Ce pro- cessus de migration suscite initialement une réaction lympho-plasmocytaire et les cellules, pénétrant en pro- fondeur, présentent des signes de maturation plus ou moins avancée. On parle d’invasion stromale débutante. Ultérieurement, on voit s’organiser des colonnes et (ou) des lobules de cellules tumorales pénétrant progressive- ment le stroma. Les phénomènes de néo-angiogenèse permettent le développement du tissu cancéreux qui bourgeonne à la surface du col en même temps qu’il infiltre le conjonctif sous-jacent. Dépendant du point où se trouve la jonction pavimento- cylindrique au moment où commence le processus d’in- vasion, le développement du cancer se fait sur l’exocol (fig. 2) ou sur l’endocol. On parle de cancer de l’exocol ou de cancer de l’endocol à tort, tous les cancers épider- moïdes naissant à la jonction de l’exocol et de l’endocol. Dans le premier cas, le plus fréquent, le bourgeonnement tumoral ne rencontre pas d’obstacle. La tumeur se développe dans la cavité vaginale « en bouchon de champagne » et (ou) s’ulcère en son centre du fait des processus de nécrose qui invariablement accompagnent les processus de prolifération rapide : on parle de tumeur bourgeonnante (tumeur en chou-fleur) et (ou) ulcéro- bourgeonnante. Dans le cas d’un développement endo- cervical (fig. 3), la prolifération se fait essentiellement vers la profondeur. Le massif cervical prend la forme d’un petit tonneau : on parle de col « en barillet » (voir : Pour approfondir 3). 3. Classification C’est sur l’extension locale et locorégionale uniquement qu’est basée la classification des cancers du col utérin qui est le plus souvent utilisée : celle de la Fédération internationale de gynécologie-obstétrique dont les défi- nitions sont données dans le tableau. CANCE R DU COL DE L ’ UT É R US 1924 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 1 9 9 9 , 4 9 Carcinome in situ du col utérin : empilement sans ordre de cellules néoplasiques. Membrane basale intacte. 1 1925 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 1 9 9 9 , 4 9 Cancer à développement exocervical. Cliché par imagerie par résonance magnétique (IRM) correspondant. 2 Stade 0 Carcinome in situ Stade I – Cancer limité au col de l’utérus K I A : Cancer « préclinique » (pas de tumeur visible ou palpable) I A1 : infiltration du conjonctif sur moins de 3 mm de profondeur et 7 mm de large I A2 : infiltration du conjonctif sur 3 à 5 mm de profondeur et moins de 7 mm de large K I B : Cancer cliniquement visible ou palpable I B1 : diamètre < 4 cm I B2 : diamètre > 4 cm Stade II – Cancer étendu aux structures juxta-utérines K II A – Pas d’atteinte du paramètre K II B – Atteinte du paramètre Stade III – Cancer étendu jusqu’aux limites de la région pelvienne K III A – Extension au tiers inférieur du vagin sans atteinte de la paroi pelvienne K III B – Extension à la paroi pelvienne et (ou) hydronéphrose ou rein muet Stade IV K IV A – Extension à la muqueuse vésicale et (ou) à la muqueuse rectale K IV B – Métastases à distance (cavité péritonéale, foie, poumons et autres). Classification des cancers invasifs du col utérin Fédération internationale de gynécologie obstétrique (FIGO) TABLEAU Cancer à développement endocervical (cancer en barillet). Cliché par IRM correspondant. 3 4. Classification histologique Les carcinomes épidermoïdes invasifs peuvent revêtir plusieurs aspects histologiques. La classification de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) distingue les carcinomes kératinisants (présence de globes cornés), les carcinomes non kératinisants à grandes cellules et les carcinomes non kératinisants à petites cellules. Cette classification n’a guère de signification pronostique. La classification en 4 grades allant du grade 1 (cancer bien différencié) au grade 4 (cancer indifférencié) n’en a guère plus. Adénocarcinome et autres tumeurs épithéliales malignes Les adénocarcinomes sont les plus fréquentes des tumeurs épithéliales malignes non épidermoïdes. Leur fréquence relative tend à augmenter en même temps que la fréquence globale des tumeurs épithéliales malignes diminue. Elle se situe aujourd’hui entre 10 et 30 %. Les adénocarcinomes primitifs du col utérin se dévelop- pent à partir de l’épithélium cylindrique endocervical. Les virus HPV sont impliqués dans leur histoire naturelle au même titre qu’ils le sont dans l’histoire naturelle des carcinomes épidermoïdes. Le virus HPV 18 serait le plus souvent en cause. La phase infiltrante est précédée d’une phase de prolifération intra-épithéliale dont les aspects varient de la néoplasie intra-épithéliale glandu- laire de type 1 à celle de type 3 ou carcinome glandulaire in situ. Une forme de transition a été décrite sous le nom d’adénocarcinome micro-invasif. Sur le plan topographique, les adénocarcinomes primitifs du col utérin se développent en principe sur la partie de l’organe située au-dessus de l’orifice externe mais il faut rappeler qu’il n’y a pas toujours concordance entre l’ap- parence anatomo-clinique et la réalité histologique : si la jonction pavimento-cylindrique est située en position « externe », c’est sur l’exocol que se développe en partie ou en totalité l’adénocarcinome primitif. À noter égale- ment que s’associent volontiers néoplasie épidermoïde et néoplasie glandulaire. Les tumeurs infiltrantes à double contingent (carcinome adéno-squameux, carci- nome muco-épidermoïde) ont une agressivité plus grande. La formule histologique la plus commune est celle de l’adénocarcinome mucineux mais des variantes histo- logiques existent dont la signification pronostique est mal définie. La gravité plus grande des carcinomes dits à petites cellules ou indifférenciés, dont il n’est pas possible de définir l’origine épidermoïde ou glandulaire, de même que celle des carcinomes neuro-endocrines est en revanche connue. Diagnostic Le cancer du col utérin évolue cliniquement en 2 phases. Dans la première phase, les symptômes anatomiques décrits précédemment ne donnent lieu à aucun symptôme fonctionnel ou palpatoire et (ou) visuel. À cette phase dite préclinique succède la phase clinique. Ces 2 phases ne se superposent pas rigoureusement aux 2 phases de l’évolution anatomique. Le carcinome in situ (et a fortiori les CIN 1 et 2) est cliniquement asymptomatique, ainsi que les cancers micro-invasifs (stade IA) ; les cancers du stade IB le restent longtemps. Les problèmes de diagnostic sont très différents dans les 2 phases de l’évolution clinique. Phase préclinique Dans la phase préclinique, le problème qui se pose est celui de la détection et de la caractérisation des symp- tômes anatomiques qui, en l’absence de symptômes cliniques, sont les seuls symptômes perceptibles. La cytologie exfoliatrice permet le dépistage, la colpo- scopie permet le repérage et la biopsie orientée. Elle est suivie ou non d’une conisation qui permet le diagnostic définitif. 1. Cytologie exfoliatrice La cytologie exfoliatrice a été décrite par le Roumain Babès et l’Américain Papanicolaou en 1943. Dans les néoplasies intra-épithéliales, les phénomènes de diffé- renciation qui caractérisent le modelage de l’épithélium normal font défaut. Les ponts intercellulaires sont absents. L’épithélium pathologique manque de cohésion et il suffit de frotter le col pour récolter une quantité significative de cellules atypiques sur l’identification desquelles repose le diagnostic cytologique. Le taux des faux négatifs se situe, pour le carcinome in situ, autour de 10 à 15 %. Il est plus élevé pour les néo- plasies intra-épithéliales de type 2 et, a fortiori, pour celle de type 1 et les condylomes plans. Il en est de même pour les faux positifs qui sont exceptionnels pour les néoplasies intra-épithéliales de types 2 et 3 mais ne sont pas rares pour celles de type 1 et les condylomes plans. Depuis la conférence tenue à Bethesda en 1992, les réponses du cytopathologiste sont données en distinguant 5 grandes catégories : frottis non satisfaisant (matériel trop pauvre en particulier au niveau de l’endo- col et de la zone intermédiaire), lésion épidermoïde de bas grade (condylome plan et (ou) CIN 1), lésion épider- moïde de haut grade (CIN 2 et CIN 3), cancer épider- moïde infiltrant et atypies cellulaires de signification indéterminée (en anglais ASCUS). Un « préleveur » entraîné ne doit pas avoir un taux de prélèvement non satisfaisant supérieur à 10 % et un laboratoire bien rodé ne doit pas avoir un taux d’ASCUS supérieur à 5 %. Les nouvelles méthodes de prélèvement et de traitement du matériel récolté (prélèvement en milieu liquide) sem- blent, sous condition d’une validation pas encore obtenue à ce jour, augmenter les performances de la méthode. Les lésions intra-épithéliales glandulaires peuvent, comme les lésions épidermoïdes, être détectées par la cytologie exfoliatrice. Les résultats sont rendus dans les mêmes termes que ceux utilisés pour définir les symp- tômes des lésions épidermoïdes (en remplaçant simple- ment l’adjectif épidermoïde par l’adjectif glandulaire). CANCE R DU COL DE L ’ UT É R US 1926 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 1 9 9 9 , 4 9 mulation en réalité est inadéquate et il convient de dire plutôt que la colposcopie n’a de valeur que dans les cas où la muqueuse endocervicale saine peut être identifiée clai- rement (jonction pavimento-cylindrique visible). 3. Conduite du diagnostic • Le diagnostic d’un cancer du col en phase précli- nique est par définition la conséquence d’une pratique de dépistage. C’est la cytologie exfoliatrice qui est en la matière la ressource principale. Toute femme chez qui on détecte par le frottis une lésion épidermoïde ou glan- Les faux négatifs sont beaucoup plus nombreux, ce qui explique que la plupart des carcinomes glandulaires in situ ne soient découverts que fortuitement, parce qu’ils sont associés à une néoplasie intra-épithéliale épider- moïde. Cela explique également que la fréquence relative des adénocarcinomes invasifs soit en augmentation : les précurseurs du cancer épidermoïde invasif sont bien mis en évidence par le dépistage systématique alors que les précurseurs de l’adénocarcinome invasif échappent souvent au dépistage. 2. Colposcopie La colposcopie a été inventée par l’Allemand Hinselmann en 1927. Il s’agit de l’examen du col à l’aide d’une loupe binoculaire couplée à un éclairage coaxial. Le conjonctif et ses vaisseaux sont vus à travers l’épi- thélium de surface. L’épithélium malpighien est relati- vement épais : l’exocol est rose pâle. L’épithélium cylin- drique est moins épais : l’endocol est rose plus foncé. Après application d’acide acétique à 5 %, cet épithélium devient opaque : la muqueuse endocervicale blanchit alors que la muqueuse exocervicale ne se modifie pas. La surface de la muqueuse endocervicale est par ailleurs hérissée de micropapilles qui séparent les glandes : la muqueuse, après application d’acide acétique, apparaît comme une juxtaposition de micropapilles blanches « en grains de raisin ». Quand l’endocol est éversé, on parle en colposcopie d’ectopie. Cette ectopie est vouée à la transformation (métaplasie). Dans la transformation normale, la muqueuse apparaît comme une muqueuse rose pâle surplombant des îlots de papilles endocervicales qui se raréfient du centre vers la périphérie. Si l’épithélium métaplasique est néoplasique, la réaction acidophile est forte car les cellules qui composent cet épithélium pathologique sont très riches en protéines. On parle de transformation atypique (fig. 4). La zone pathologique rouge et congestive devient blanche après l’application d’acide acétique. C’est en fonction de la rapidité et de l’intensité de la réaction acidophile que l’on distingue les transformations atypiques de grades 1 et 2. Les détails anatomiques vus à la loupe sont également pris en compte dans la définition et spécialement l’aspect des vaisseaux qui ponctuent (base) ou quadrillent (mosaïque) la surface examinée. La transformation atypique de grade 1 correspond soit à une métaplasie normale immature sans atypie soit à une néoplasie intra- épithéliale de type 1. La transformation atypique de grade 2 correspond à une néoplasie intra-épithéliale de types 2 ou 3. Le cancer infiltrant donne lieu à des images de micro-bourgeonnements et (ou) de micro-ulcérations mais ces symptômes sont relativement tardifs. La sensibilité de l’examen colposcopique est proche de l’absolu : il n’y a pas de néoplasie qui ne donne lieu à un aspect de transformation atypique. Mais la condition sine qua non est que la lésion soit développée au moins en partie sur l’exocol. Les lésions endocervicales échap- pent. De ce fait, le taux des faux négatifs, qui est en théorie de 0 %, dépasse en pratique les 20 %. Cette for- Gynécologie - Obstétrique 1927 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 1 9 9 9 , 4 9 Aspect colposcopique d’un cancer in situ : transforma- tion atypique de grade 2. Zone rouge congestive (A), forte réaction après application d’acide acétique (B), absence de réaction après application de Lugol (C). 4 A B C dulaire de haut grade doit être soumise à la colposcopie. Quand le frottis détecte une lésion de bas grade avec ou sans signe d’infection virale ou, a fortiori, des atypies de signification indéterminée, on a intérêt également à demander une colposcopie. Pour éviter les surcoûts liés à la colposcopie et aux gestes qui en découlent, on peut accepter une attitude expectative avec contrôle cytolo- gique 3 à 6 mois après l’examen initial. Le « typage viral » peut en théorie aider à la sélection dans la mesu- re où seules les infections impliquant des virus « onco- gènes » sont dangereuses. Le rendement de cette pra- tique reste incertain. • La colposcopie, contrairement au frottis dont la pra- tique devrait être mise entre toutes les mains (y compris celles de paramédicaux spécialement entraînés), reste l’apanage de spécialistes. Les principes en sont simples mais la pratique exige une grande expérience, aussi bien pour l’identification de la lésion que pour sa caractérisa- tion et pour le choix du point où la (les) biopsie(s) doi(ven)t être faite(s) : au centre de la lésion, si cette dernière apparaît uniforme ; au centre des différentes lésions, si le col paraît porteur de lésions différentes jux- taposées. La colposcopie permet également de sélec- tionner les patientes chez lesquelles on doit d’emblée recourir à la conisation (jonction pavimento-cylindrique non vue). • Le résultat de la biopsie orientée conditionne la suite de la prise en charge. Si l’on est en présence d’une métaplasie immature sans atypie, d’une néoplasie intra- épithéliale de type 1 et (ou) d’un condylome plan, il est recommandé de détruire les lésions. Le laser CO 2 est la meilleure des solutions. Si l’on est en présence d’une néoplasie intra-épithéliale de types 2 ou 3, on doit faire une conisation. Il en est de même quand on découvre sous la membrane basale une invasion stromale débu- tante. Il en est de même aussi quand la jonction pavi- mento-cylindrique n’est pas visible. Dans toutes ces situations, l’objectif est de rechercher et (ou) de définir avec précision une invasion conjonctive associée à la néoplasie intra-épithéliale de surface (5 à 15 % des cas quand on est en présence d’une CIN 3). Pour faire la conisation, on peut utiliser le bistouri froid, le laser ou l’anse diathermique. L’opération se fait sous anesthésie générale légère ou sous anesthésie locale. La pièce opératoire a la forme d’un cône dont l’axe vertical se confond avec l’axe du col. Cette pièce doit être traitée en coupes multiples (coupes semi-sériées) si l’on veut répondre avec sûreté à l’objectif désigné plus haut. Après l’examen de la pièce de conisation, 2 situations peuvent se rencontrer. Si l’on est en présence d’un can- cer invasif du stade IA2 ou, a fortiori, du stade IB, le traitement radical s’impose (voir plus loin). Si l’on est en présence d’un cancer invasif du stade IA1 ou en pré- sence d’une simple néoplasie intra-épithéliale, la coni- sation peut suffire sous une condition : que les marges de la pièce opératoire soient libres de toute lésion. Dans le cas contraire, une réintervention est généralement indiquée dont la nature dépend de la topographie des lésions résiduelles potentielles. Cancer symptomatique 1. Diagnostic positif Le diagnostic positif quand une femme est porteuse d’un cancer du col symptomatique ne pose guère de problème. Il suffit de ne jamais oublier que toute perte vaginale anormale, répétitive et rebelle, qu’elle soit rouge sang ou qu’elle ne le soit pas, qu’elle soit provo- quée ou qu’elle ne le soit pas, peut être symptomatique d’un cancer du col même si l’on se trouve dans un contexte où les saignements d’une autre nature sont fréquents (contraception orale, contraception intra- utérine, grossesse, préménopause…) et même si la patiente est atteinte d’une pathologie bénigne qui semble a priori suffire pour expliquer la sémiologie (fibrome, infection…). L’autre condition est évidem- ment de pratiquer systématiquement le toucher vaginal et l’examen au spéculum. Quand le toucher vaginal et l’examen au spéculum révèlent la présence d’une lésion exocervicale bourgeon- nante ou ulcéro-bourgeonnante, il ne faut pas se contenter d’un frottis que les phénomènes de saignement et de nécrose peuvent rendre faussement négatif. Il faut, sous contrôle de la vue, faire directement la biopsie. Si le toucher montre un col hypertrophique et dur et si l’examen au spéculum est négatif, le frottis, et spéciale- ment le frottis endocervical, a une grande valeur. Le curetage endocervical guidé ou non par une hystéro- scopie vient compléter l’exploration et trancher le problème du diagnostic. 2. Diagnostic d’extension Que le cancer invasif soit mis en évidence sur une pièce de conisation ou par l’examen clinique conforté par la biopsie, la question du diagnostic d’extension a une importance prééminente dans les choix thérapeutiques. L’extension locale, locorégionale et ganglionnaire lym- phatique doit être évaluée. La mise en œuvre des diffé- rentes investigations à entreprendre dépend du contexte clinique. • Extension locale : l’évaluation préthérapeutique du volume tumoral a une importance décisive. L’estimation clinique est très aléatoire. Le scanner (la tomodensito- métrie) précise bien le volume du col mais évalue mal les dimensions de la tumeur. Il manque par ailleurs les coupes sagittales. L’imagerie par résonance magnétique (IRM) est l’examen de choix. La comparaison entre les clichés pris en modes T1 et T2 montre souvent de façon claire ce qui, dans l’hypertrophie du col, revient à la tumeur et au tissu sain. Le rehaussement que l’on peut obtenir en injectant un sel de gadolinium dans une veine du pli du coude augmente le contraste et il est finale- ment possible, dans tous les cas ou presque, de mesurer avec une précision de l’ordre du millimètre les 3 dimen- sions de la tumeur et de calculer son volume. • Extension locorégionale : l’atteinte du dôme vaginal, des paramètres, du trigone vésical et des uretères termi- naux et, plus rarement et plus tardivement, de l’ampoule CANCE R DU COL DE L ’ UT É R US 1928 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 1 9 9 9 , 4 9 la lymphadénectomie aortique que dans les cas où les ganglions pelviens sont atteints. Dans la 2 e situation, la fréquence des atteintes ganglionnaires est beaucoup plus importante y compris dans le territoire lombo-aortique. L’atteinte des ganglions lombo-aortiques a une incidence forte sur les choix thérapeutiques alors que l’atteinte des ganglions pelviens n’en a pas. On a donc intérêt à faire d’emblée la lymphadénectomie lombo-aortique. Principes du traitement Les modalités du traitement du cancer du col varient en fonction de la présentation anatomo-clinique. On peut de ce point de vue distinguer 3 situations : le cancer in situ et le cancer avec invasion stromale débutante, le cancer au début et le cancer avancé. Il existe entre ces 3 situations des chevauchements. Cancers in situ et cancers in situ avec invasion stromale débutante Le cancer in situ peut être traité par la simple conisation à condition que les marges du spécimen opératoire soient libres. Il en est de même pour le cancer in situ avec invasion stromale débutante à la condition qu’il n’y ait pas d’embole lymphatique. Si les marges du spéci- men ne sont pas libres, il faut généralement compléter le traitement : nouvelle conisation le plus souvent. Cancers au début Dans les cancers au début, deux méthodes thérapeu- tiques sont à disposition : la chirurgie dite radicale et la radiothérapie. On peut également combiner les deux méthodes : c’est le principe de l’association radio- chirurgicale qui a la faveur de la plupart des spécialistes français. 1. Chirurgie radicale La chirurgie radicale pour cancer du col utérin peut se faire par les voies abdominale ou vaginale. L’opération abdominale s’appelle opération de Wertheim. Elle extirpe les ganglions lymphatiques régionaux, les paramètres et une partie du vagin en même temps que l’utérus lui- même (hystérectomie « élargie »). L’opération vaginale s’appelle opération de Schauta. Elle a la même extension locorégionale que l’opération de Wertheim mais il faut, pour extirper les ganglions lymphatiques, recourir à une intervention supplémentaire. Cette intervention peut se faire par une double incision iliaque extrapéritonéale. Elle peut se faire également sous cœlioscopie (cœlio- Schauta). Quelle que soit la voie d’abord utilisée, l’hys- térectomie radicale est la copie de l’opération inventée par Halsted pour traiter le cancer du sein. On sait que l’opération de Halsted est actuellement remplacée, dans la plupart des cas, par une opération « radicale conservatrice » dans laquelle on enlève uniquement la tumeur et les ganglions satellites. On peut rectale doit être recherchée systématiquement dès que le diamètre apparent de la tumeur atteint ou dépasse les 4 cm. L’examen clinique complété par la cystoscopie reste l’examen de base. On doit faire cet examen sous anes- thésie générale ou sous rachianesthésie. On a intérêt également à confronter plusieurs points de vue (celui du chirurgien et celui du radiothérapeute) pour diminuer le plus possible l’incidence des biais de sous-évaluation et de surévaluation. Quoi qu’il en soit, on sait que 15 % environ des stades I sont sous-évalués et 30 à 60 % des stades II surévalués. L’urographie intraveineuse est considérée comme obligatoire. On peut s’en passer si l’on demande systé- matiquement le scanner. À noter que le scanner et l’imagerie par résonance magnétique n’ont pas une grande valeur s’agissant d’évaluer le septum vésico- vaginal et le septum recto-vaginal. Dans ces domaines, se sont les explorations écho-endoscopiques qui sont les plus fiables. • L’extension ganglionnaire lymphatique doit être recherchée systématiquement à partir du stade IA2 (et même du stade IA1 si existent des emboles lympha- tiques visibles au sein de la tumeur ou à proximité). La lymphangiographie bipédieuse est l’examen para- clinique le meilleur. Il n’est pas fiable à 100 % et sa réalisation est délicate et coûteuse en « temps-médecins ». Elle a été pratiquement abandonnée au profit du scanner et (ou) de l’imagerie par résonance magnétique dont les capacités se limitent à la mise en évidence d’éventuelles adénomégalies sans pouvoir préjuger de leur nature. Si l’hypertrophie ganglionnaire est importante, la ponction stéréotaxique peut résoudre le problème. Dans le cas contraire, on reste dans l’incertitude. La lymphadénectomie est la seule issue si l’on veut connaître avec certitude l’état des ganglions lympha- tiques régionaux. Elle ne pouvait se faire que par laparo- tomie et, en tant que telle, intervenait après que la décision thérapeutique a été prise alors que l’on doit idéalement avoir connaissance de l’état des ganglions avant de prendre cette décision. Depuis la fin des années 1980, il est possible de faire la lymphadénectomie sous cœlioscopie. Cette intervention a minima n’est pas nécessaire si une ponction stéréotaxique a montré l’existence de métastases. Dans tous les autres cas, on a intérêt à la réaliser avant d’entreprendre le traitement. La cœlioscopie fait désormais partie de l’opération de stadification initiale. • L’opération de stadification se fait sous anesthésie générale. L’examen clinique en est le premier temps. La cystoscopie n’est pas nécessaire si la tumeur semble appartenir au stade IB1. La cœlioscopie qui suit permet de faire la lymphadénectomie pelvienne et (ou) lombo- aortique. L’utilisation la plus rationnelle de la méthode est celle dans laquelle on sépare les formes de début (stade IB1 et moins) et les formes avancées (stade IB2 et plus). Dans la 1 re situation, le taux des envahissements ganglionnaires est de l’ordre de 10 % et cet envahisse- ment est presque toujours limité aux ganglions pelviens : on fait la lymphadénectomie pelvienne et on ne passe à Gynécologie - Obstétrique 1929 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 1 9 9 9 , 4 9 faire de même pour le cancer du col. La condition, comme dans le cancer du sein, est que le trait de section passe à plus de 1 cm des limites de la lésion. C’est le principe de la « trachélectomie élargie » qui est applicable dans les cas où le pôle supérieur de la tumeur est situé à plus de 1 cm au-dessous de l’orifice interne du col. Une telle opération laisse en place le corps utérin et les annexes et préserve les possibilités de grossesse. 2. Radiothérapie • La curiethérapie endocavitaire est le temps essentiel de la radiothérapie. Elle est destinée à traiter la tumeur elle-même et les tissus qui l’entourent, soit le centre du pelvis en allant jusqu’aux « points A », points situés à 2 cm en dehors de l’axe du col et 2 cm au-dessus de l’orifice externe du col. Cette curiethérapie est donnée par l’intermédiaire d’un applicateur qui comporte une sonde utérine et un dispositif endovaginal, à l’intérieur desquels on introduit les radio-éléments (autrefois le radium, aujourd’hui le césium). L’applicateur est installé sous anesthésie générale. Les radio-éléments sont intro- duits après que la patiente a été placée en isolement. L’irradiation peut être donnée en bas débit de dose (0,15 Gy par heure) ou en haut débit de dose (2 à 3 Gy par heure). Dans la première technique, elle dure 2 à 6 jours. Dans le seconde, elle dure 5 à 20 heures, mais elle doit être donnée en plusieurs séances avec nécessité d’autant d’anesthésies générales. Les 2 méthodes ne sont à ce jour pas départagées tant en ce qui concerne l’efficacité que la tolérance et les coûts. La dose totale à délivrer sur le volume cible est de 60 Gy au maximum. Le traite- ment, de ce fait, est administré en peu de temps. On parle de « brachythérapie » par opposition à la radio- thérapie externe qui est administrée sur plusieurs semaines. • La radiothérapie externe est administrée par l’inter- médiaire des photons de très haute énergie émis par les accélérateurs de particules (22 Mev). La cavité pelvien- ne (jusqu’à L4-L5) en représente le volume cible. Ce volume inclut la zone centro-pelvienne au niveau de laquelle est donnée la brachythérapie. On la protège en utilisant des caches. Le volume à irradier est atteint par 4 « portes » : 1 champ ventral, 1 champ dorsal et 2 champs latéraux. Chaque champ est irradié à l’occasion de chacune des séances qui s’étalent sur 6 semaines à raison de 5 séances quotidiennes par semaine. La dose totale dépend de l’extension régionale et de la place faite à la brachythérapie. On doit donner une dose de l’ordre de 70 à 85 Gy au niveau des points A. Une série d’études publiée en 1999 prouve qu’une chimiothérapie, basée sur les sels de platine, administrée en même temps que la radiothérapie externe, en améliore significativement l’efficacité. Cette « chimiothérapie concomitante » est devenue un standard. 3. Indications thérapeutiques Un essai prospectif et randomisé, publié en 1997, a montré que les chances de survie étaient identiques que l’on utilise la chirurgie radicale ou la radiothérapie. Les complications iatrogéniques sont plus fréquentes quand on traite par la chirurgie. Elles sont aussi d’un type dif- férent : complications per- et postopératoires com- munes, fistules urinaires et, à distance, perturbation de la vidange vésicale (dénervation parasympathique) pour la chirurgie, entérites et rectites radiques (forme majeure : fistule recto-vaginale) pour la radiothérapie. Les com- plications de la chirurgie sont plus facilement évitables et curables que les complications de la radiothérapie. La différence essentielle entre les 2 modes de traitement se situe au niveau de la fonction ovarienne. La radio- thérapie la supprime. La chirurgie permet de la conserver (l’annexectomie n’est pas indispensable dans le cadre de l’hystérectomie élargie pour carcinome épidermoïde au début). Un autre avantage de la chirurgie est de pouvoir être réalisée en utilisant les techniques invasives au minimum : la cœlioscopie permet de sélectionner les patientes non atteintes de métastases ganglionnaires lymphatiques et de les traiter par l’opération de Schauta, assurant au total un traitement radical sans laparotomie. On peut par ailleurs, pour certaines tumeurs de petites dimensions, conserver le col utérin (trachélectomie élar- gie). La logique voudrait que les femmes jeunes soient traitées préférentiellement par la chirurgie. L’association radio-chirurgicale combine une radio- thérapie à doses faibles et une chirurgie modérément élargie. Elle vise à offrir les mêmes chances de guérison en diminuant les risques propres de chacune des méthodes thérapeutiques. Mais elle a sur la fonction ovarienne le même impact définitivement délétère. Cancers avancés • La radiothérapie est le traitement électif des formes avancées du cancer du col. Deux options sont offertes : irradier d’emblée la totalité du pelvis ou limiter l’irradia- tion externe première à une dose de 20 Gy avant de pratiquer une curiethérapie puis de délivrer une surim- pression latéro-pelvienne. La dose aux points A peut dépasser 90 Gy. La chimiothérapie concomitante aug- mente manifestement l’efficacité de cette radiothérapie. Quand une atteinte des ganglions lombo-aortiques est soupçonnée ou, mieux, démontrée (intérêt de la lympha- dénectomie lombo-aortique sous cœlioscopie), le volume cible doit être étendu à la région prérachidienne. • La chirurgie est réservée aux patientes qui ne présentent pas de métastase à distance (y compris métastases ganglionnaires lymphatiques lombo-aortiques : intérêt de la cœlioscopie) et dont les lésions locorégionales n’ont pas disparu après l’achèvement de la radiothérapie, tout en restant « opérables ». On peut être amené à pratiquer chez ces patientes une « exentération pelvienne » ou pelvectomie et à enlever, en même temps que les organes génitaux, la vessie et (ou) le rectum. Si les lésions sont fixées à la paroi pelvienne, une telle opération n’est pas possible. On peut parfois la tenter néanmoins en réalisant sur le résidu laissé en place sur la paroi pelvienne une radiothérapie intra-opératoire. CANCE R DU COL DE L ’ UT É R US 1930 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 1 9 9 9 , 4 9 Prévention Prévention primaire La prévention primaire du cancer du col est en théorie possible depuis que l’on sait que l’infection par HPV est le premier maillon de la chaîne des événements condui- sant à la transformation des cellules normales. La vacci- nation anti-HPV devrait permettre l’éradication de la maladie. On en est pour le moment à la phase expéri- mentale. Deux voies de recherches sont ouvertes. La première consiste à utiliser comme stimulants spéci- fiques les protéines de structures L1 et L2 de la capside des virus oncogènes. La seconde est basée sur l’utilisa- tion de l’ADN des virus oncogènes. Il faudra de longues études portant sur un grand nombre de sujets pour quan- tifier les éventuels effets bénéfiques de ces vaccinations. Prévention secondaire La prévention secondaire repose comme on le sait sur la détection précoce, qui permet de réduire la mortalité. Dans le cancer du col, une telle détection précoce est en mesure de réduire également l’incidence de la maladie puisque le frottis vaginal dépiste non seulement le cancer au début mais également les états précancéreux dont l’élimination pourrait en théorie conduire à l’éradication de la maladie. Il faudrait pour cela que la sensibilité du frottis soit de 100 % et que n’existent pas de « cancers de l’intervalle ». Ni l’une ni l’autre de ces conditions ne sont remplies. Pour augmenter l’efficacité de la prévention secondaire, certains proposent de recourir au frottis annuel plutôt qu’au frottis triennal (c’est le standard international). Cette politique n’est pas la bonne. En répétant un exa- men dont la sensibilité n’est pas de 100 %, on augmente peu le taux de détection et on augmente considérablement les « coûts à marge ». On n’empêche pas non plus l’éclo- sion des « cancers de l’intervalle » qui se développent sans passer par une phase d’évolution intra-épithéliale. Le vrai challenge dans la prévention secondaire est celui de la couverture totale de la population à risque. C’est parce que les femmes qui sont les plus exposées échap- pent aux examens réguliers que la mortalité par cancer du col reste relativement élevée. L’organisation d’un dépistage systématique est une nécessité. Prévention tertiaire La prévention de la mortalité par cancer du col utérin repose in fine sur le traitement des cancers que l’on a détectés d’une façon ou d’une autre et sur la surveillance des malades traitées. Cette surveillance doit être régulière : 3 à 4 fois par an pendant les 2 premières années puis tous les 6 mois pendant les 3 années suivantes et enfin 1 fois par an. L’interrogatoire et l’examen clinique représentent l’essentiel des consultations de surveillance. L’intérêt du frottis vaginal n’est pas démontré. Les examens paracliniques autres (échographie, scanner, imagerie par résonance magnétique) ne doivent être demandés que sur signe d’appel. I Évolution Cancers au début (stade IA et IB1) • Le cancer in situ et le cancer in situ avec invasion stro- male débutante (stade IA1) sont curables à 100 % si l’on exclut les formes avec emboles lymphatiques qui doivent être mises à part. Les seuls échecs sont le fait de formes où un tel envahissement est passé inaperçu (importance des coupes semi-sériées). Il faut aussi tenir compte du fait que le traitement est le plus souvent un traitement conserva- teur. Le col restant en place et les conditions qui ont conduit au cancer restant identiques, les patientes guéries d’un cancer in situ ont un risque de faire un nouveau cancer qui est 4 fois plus important que la moyenne. • Les cancers du stade IA2 et du stade IB1 peuvent être guéris dans la proportion de 85 à 90 %. Pour les tumeurs de moins de 2 cm de diamètre (stade IA2 et petit stade IB1), le taux des guérisons est voisin de 100 % quelle que soit la méthode thérapeutique employée (y compris la trachélectomie élargie). Pour les « gros stades IB1 », des récurrences peuvent survenir. Elles sont soit locales (centro-pelviennes) soit latérales (paroi pelvienne latérale) soit intermédiaires (paramétriales). Les premières sont généralement « rattrapables », surtout si elles surviennent tardivement. Les autres ne le sont pratiquement pas de même que les métastases à distance. Cancers avancés Les taux de succès dans les cancers avancés sont globa- lement médiocres. Ils dépendent du volume tumoral et du stade. Pour les tumeurs des stades IB2 et pour les tumeurs des stades II « limitées » (diamètre tumoral < 6 cm), on obtient environ 60 à 70 % de succès. Pour les tumeurs des stades II « avancées » (diamètre tumoral > 6 cm) et pour les tumeurs du stade III, les taux de survies sans récidive à 5 ans se situent à 30 %. On tombe à 10-15 % pour les stades IVA. Pour les stades IVB, les chimiothérapies à base de platine permettent d’obtenir un taux de réponse de 30 %. Mais la durée de ces réponses dépasse rarement 1 an. Cancer du col et grossesse L’association cancer du col et grossesse pose le problème du sort de l’enfant à naître. C’est la raison pour laquelle cette forme clinique est évoquée ici. La situation est rare mais non exceptionnelle. Le diagnostic n’est pas toujours facile. Le traitement dépend du stade et de l’âge de la gros- sesse au moment du diagnostic. Pour les cancers in situ, il n’y a aucun inconvénient à attendre. Les indications de la conisation doivent être posées avec parcimonie (risque d’avortement iatrogénique). Si l’on fait la conisation et que l’on découvre un cancer au stade IA, on peut s’abstenir d’intervenir. Pour les cancers au stade IB et pour les can- cers plus évolués, la question se pose de la conduite à tenir vis-à-vis du produit de conception. Il est admis que l’on peut le sacrifier quand on est au 1 er trimestre et qu’il faut attendre la période de viabilité quand on est au 3 e trimestre. Pour le 2 e trimestre, aucune standardisation n’est possible. Gynécologie - Obstétrique 1931 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 1 9 9 9 , 4 9 CANCE R DU COL DE L ’ UT É R US 1932 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 1 9 9 9 , 4 9 1 / Agents infectieux et cancer du col de l’utérus L’agent responsable de cette transmission est resté longtemps inconnu. On a incriminé le smegma qui est le produit de la desquamation de la muqueuse du gland accumulé sous le prépuce de l’homme non circon- cis. L’accusation s’étant révélée fausse, on a incriminé le virus herpé- tique n o 2 (HSV2). Les études unifactorielles continuent à l’accuser. Mais les études multifactorielles démontrent qu’il s’agit d’un biais : le portage de HSV2 est plus fréquent chez les sujets infectés par les virus du papillome (HPV) qui sont les véritables agents de la transmission. La mise en cause des virus du papillome a été subodorée par le pathologiste canadien Meisels (1977) qui a décrit les altérations cyto- logiques liées à l’infection par les HPV (lyse cytoplasmique péri- nucléaire donnant aux cellules des couches intermédiaires un aspect en coquille d’huître ou koïlocytes) et a établi que ces altérations étaient fréquemment retrouvées chez les personnes atteintes d’un cancer in situ du col utérin. Le lien entre les virus HPV et la genèse du cancer a été formellement établi quand le biologiste allemand Dürst (1988) a mis en évidence, au sein du génome de cellules obtenues à partir d’échantillons de cancer du col, un virus jusque-là inconnu qui a été baptisé HPV16 : plus de 50 % des séquences de ce nouveau virus n’existaient pas dans les 15 virus HPV utilisés pour les expériences d’hybridation qui ont permis d’identifier HPV 16. Depuis la découverte inaugurale de Dürst, on a identifié un grand nombre d’autres virus oncogènes qu’on a baptisés HPV 18, 31, 33, 35, 39, etc. Le virus HPV 16 est impliqué dans la genè- se du cancer du col dans 60 % des cas. Les 40 % restants sont générés par des virus HPV d’un autre type. On considère en effet aujourd’hui que tous les cancers du col sont la conséquence d’une infection par HPV, les rares cas HPV-négatifs étant le fait de virus du papillome non encore identifiés. Les virus HPV, quand ils pénètrent dans la cellule épithéliale en voie de maturation, peuvent rester à l’extérieur du génome ou s’intégrer à lui. Dans l’une comme dans l’autre situation, les gènes E5, E6 et E7 du génome des virus dits oncogènes expriment des protéines de même nom. La protéine E5 suscite une hyper expression des facteurs de croissance. La protéine E6 coopère avec la protéine E7 pour immor- taliser la cellule infectée par le biais d’une interaction avec les diffé- rentes protéines impliquées dans le contrôle du cycle normal : protéine du rétinoblastome et protéine 53 essentiellement. La cellule immortalisée acquiert ensuite les capacités de migration et de fixation à distance qui caractérisent la céllule cancéreuse. Mais une telle éven- tualité est rare et tardive. Il faut pour que le phénotype de la cellule soit transformé que les altérations portent sur les deux allèles du gène en cause. Pour 10 000 femmes infectées par le HPV16, 1 à 10 seulement développeront un cancer. • Les virus HPV immortalisent les cellules qu’ils infectent en empêchant qu’agissent les protéines qui régulent normalement le cycle cellulaire : anti-onco-protéines RB et p53 essentiellement. Les mutations du génome des cellules immortalisées aboutissent à la transformation cancéreuse. • Les néoplasies intra-épithéliales (CIN 1, 2 et 3 ou dysplasies et cancers in situ) se développent préférentiellement sur la partie basse du canal endocervical dont la muqueuse de type glandulaire se transforme en surface en une muqueuse de type malpighien quand le col est éversé. • Les néoplasies intra-épithéliales sont, entre autres, caractérisées par le défaut de différenciation des cellules qui les composent. Ce phénomène se définit par l’absence de ponts intercellulaires. Il suffit de frotter pour recueillir un matériel cellulaire abondant dont l’examen microscopique révèle la nature. C’est le principe du frottis. • Le frottis permet le dépistage des néoplasies intra-épithéliales. La colposcopie permet leur visualisation. Elle oriente la biopsie et (ou) permet de poser les indications de la conisation. La conisation suffit pour le traitement si la lésion est bien purement intra-épithéliale et si les marges du spécimen sont libres (résection in sano). • Le traitement des cancers invasifs doit concerner la lésion et les tissus qui l’environnent. Dans les formes de début (diamètre < 4 cm), on peut traiter soit par une hystérectomie dite élargie (utérus + dôme vaginal + paramètres + ganglions pelviens) soit par une association de curiethérapie (qui traite la région centro-pelvienne) et de radiothérapie externe (qui traite les régions latéro-pelviennes). La chirurgie est, chez les femmes jeunes, préférable. Elle permet de conserver les ovaires et, si la tumeur respecte la partie haute du col, de conserver également le corps de l’utérus et les trompes (trachélectomie élargie). Dans les formes avancées la chimio-radiothérapie est l’unique ressource. • L’origine virale du cancer du col étant démontrée, il n’est pas interdit d’espérer qu’une vaccination permette un jour d’éradiquer la maladie. Points Forts à retenir Gynécologie - Obstétrique 1933 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 1 9 9 9 , 4 9 2 / Caractéristiques topographiques du carcinome épidermoïde in situ La topographie des carcinomes épidermoïdes in situ est univoque. La lésion est généralement située à cheval sur l’orifice externe du col, mais elle se développe toujours sur le versant endocervical de la jonction exocol-endocol originelle. Au moment de la puberté, cette jonction est située sur le versant périphérique du col. Les modifications écologiques induites par la poussée hormonale suscitent une transformation (métaplasie) de l’épithélium cylindrique « exposé » dans la cavité vaginale. Cette transformation donne, par étapes, naissance à un épithélium paramalpighien. Au terme du processus de métaplasie, il n’est plus possible de distinguer le point où se faisait initialement la jonction pavimento-cylindrique. Le seul témoin en est, en profondeur, la persistance de cavités tapissées d’un épithélium cylindrique : les « glandes » qui n’ont pas été intéressées par le phénomène de métaplasie. Le cancer du col utérin se développe tou- jours sur le versant endocervical de la « dernière glande », celle qui est le plus bas située et qui repère la jonction pavimento- cylindrique originelle. Les caractéristiques topographiques du carcinome épidermoïde in situ sont d’une grande importance théorique. Le fait que le carcinome in situ se développe au point où ont lieu les phénomènes de métaplasie conforte l’hypothèse pathogénique basée sur les données épidémio- logiques et biologiques évoquées précédemment. On comprend que les rapports sexuels en période pubertaire ou post-pubertaire immé- diate représentent un facteur de risque majeur : c’est pendant cette période de la vie que les phénomènes de métaplasie sont à leur apogée avec l’accélération des mitoses qu’ils impliquent et la facilitation consécutive de l’intégration au sein du génome des cellules des virus introduits par voie sexuelle. Sur le plan pratique, on peut retenir que la position de la jonction pavimento-cylindrique originelle est extrêmement fluctuante. Située sur le versant vaginal du massif cervical au moment de la puberté, elle a tendance à monter avec l’âge. Elle s’extériorise à nouveau au début de chaque grossesse. Elle reprend ensuite son ascension progressive et vient se placer sur le versant interne du massif cervical au moment de la ménopause. Le carcinome in situ peut donc, selon les cas, être développé sur l’exocol exclusivement, à cheval sur l’exocol et l’endocol ou dans l’endocol exclusivement. Étant développé au niveau d’une muqueuse qui était au départ de type endocervical, le carcinome épidermoïde in situ peut s’étendre dans les anfractuosités qui creusent le conjonctif en cette partie du col, anfractuosités que l’on appelle – à tort – les glandes endocervicales. Cette extension à la surface des glandes ne doit pas être confondue avec une invasion véritable. La distinction entre les 2 phénomènes, en fait, n’est pas toujours facile quand on ne dispose que d’un échantillon de petites dimensions. POUR APPROFONDIR 3 / Cancer invasif : extension locorégionale et ganglionnaire Extension locorégionale Quel que soit le mode initial de développement, le cancer, quand il est parvenu à la limite du col, envahit les structures du voisinage. Il le fait plus vite quand il est au départ un cancer à développement endo- cervical : à volume égal, il est plus fréquent de voir un cancer dit de l’endocol se propager aux structures péri-utérines. Les premières structures intéressées sont le dôme vaginal et la portion juxta-utérine des ligaments que les anatomistes appellent aujourd’hui ligaments paracervicaux et que les cliniciens continuent à appeler paramètres. Cette atteinte du tissu cellulaire pelvien (les paramètres ne sont rien d’autre qu’une condensation du tissu cellulaire pelvien autour des vaisseaux et des nerfs destinés à l’utérus) a une signification pronos- tique plus grave que celle du dôme vaginal. Elle se fait généralement de façon discontinue sous forme d’emboles développés initialement dans les pelotons vasculaires lymphatiques et dans les microganglions dispersés dans la racine des paramètres. Extension ganglionnaire lymphatique Le phénomène des emboles vasculaires lymphatiques a une importance cruciale dans l’extension du cancer du col utérin. Les emboles que l’on trouve à proximité de la tumeur ont une valeur pronostique reconnue. Ils ouvrent la route à l’extension paramétriale. Ils préludent également à l’extension ganglionnaire lymphatique pelvienne et lombo-aortique. Les premiers ganglions touchés sont les ganglions dits interiliaques : ceux localisés contre la paroi pelvienne latérale dans la bifurcation de l’artère iliaque commune. Sont touchés ensuite les ganglions lombo-aortiques. On sait qu’en l’absence d’atteinte des ganglions pelviens, le risque d’atteinte des ganglions lombo-aortiques est quasi nul. Il existe, dès les premières phases de l’extension locale, une corrélation entre cette extension et le risque d’atteinte ganglionnaire lymphatique. Le risque est nul dans les cancers in situ avec invasion stromale débutante si du moins il n’existe pas d’emboles lymphatiques en périphérie. Passée cette limite, le risque augmente progressivement. Quand la limite entre le col et le paramètre est franchie, le risque passe de 15 à 30 %. Quand la tumeur atteint les limites de la région pelvienne, plus d’une malade sur 2 est atteinte de métastases ganglionnaires lymphatiques. Il en est de même quand se trouvent infiltrées les parois des organes que jouxtent en avant et en arrière le dôme vaginal. Il en est de même, aussi, quand les uretères se trouvent comprimés avec urétéro-hydroné- phrose, rein muet ou, forme extrême, anurie, que la vessie soit ou non atteinte et que les paramètres soient ou non massivement infiltrés. I 77 L A R E V UE DU P R AT I CI E N ( P a r i s ) 1 9 9 9 , 4 9 Gynécologie - Obstétrique B150 Épidémiologie • L’incidence annuelle est de 15 à 20 pour 100000, des variations géographiques existent avec de faibles inci- dences notées en Extrême-Orient (1,6 pour 100000) et de plus fortes aux États-Unis (38,5 pour 100000). L’alimen- tation serait la clé de ces variations. • Terrain de prédilection de survenue de ce cancer : – la femme ménopausée avec un pic de prévalence à 59ans ; – cancer familial identique ; – cancers génétiquement liés (sein, ovaire, côlon). • Le facteur causal essentiel est l’hyperœstrogénie rela- tive ou absolue. Par conséquent, les états favorisant ce déséquilibre sont : – une puberté précoce ; – une ménopause tardive ; – la nulliparité ; – un traitement hormonal substitutif mal conduit (sans pro- gestatifs) ; – une pilule séquentielle ; – un syndrome de Stein-Leventhal, tumeur ovarienne œstrogéno-sécrétante, les inductions de l’ovulation ; – l’obésité (par augmentation de l’œstrone sérique) ; – l’hypertension et le diabète : facteurs de corrélation de terrain avec l’obésité ; – une hyperplasie endométriale, conséquence de ce désé- quilibre. • Autre facteur de risque : le tamoxifène par action para- doxale à fortes doses, et en traitement de longue durée. Diagnostic 1. Circonstances de découverte • Métrorragies : classiquement spontanées et indolores suvenant chez la femme en péri- ou postménopause. Bien que le cancer endométrial ne soit pas la cause la plus fré- quente de métrorragies périménopausiques, c’est le pre- Cancers de l’endomètre Épidémiologie, diagnostic, évolution, principes du traitement DR Michel DI NOLFO, PR Roland TAURELLE Service de gynécologie-obstétrique, hôpital Boucicaut, 75015 Paris • Le cancer de l’endomètre est le cancer gynécologique le plus fréquent avec une incidence annuelle estimée à 15/100000. • Il est le moins grevé de mortalité, ce bon pronostic étant imputable à la précocité habituelle du diagnostic. Points Forts à comprendre mier diagnostic à éliminer. • Leucorrhées sales survenant dans le même contexte, évo- quant une pyométrie. • Douleurs pelviennes traduisant en général une forme évo- luée. • Découverte fortuite : imagerie, examen anatomopatho- logique d’une pièce d’hystérectomie, frottis cervico-vagi- nal de dépistage. • Le cancer n’est que rarement révélé par une métastase prévalente ou des signes de compression pelvienne. 2. Conduite clinique • L’interrogatoire recherche des facteurs de risques, une altération de l’état général , d’autres signes fonctionnels, des tares associées. • Examen physique – Gynécologique : patiente en position gynécologique, ves- sie vide : • inspection de la trophicité vulvo-vaginale témoin de l’im- prégnation œstrogénique ; • l’examen au spéculum permet d’apprécier l’état du col et recherche un saignement endo-utérin; • le toucher vaginal recherche un utérus augmenté de volume, mou et sensible, caractérisant une forme déjà évo- luée ; • le toucher rectal recherche un envahissement des para- mètres, de la cloison rectovaginale, et des nodules au niveau du cul-de-sac de Douglas traduisant une carcinose périto- néale. – Général : • recherche d’adénomégalies métastatiques (sans oublier le ganglion de Troisier), d’une hépatomégalie tumorale, d’une ascite ; • palpation des seins ; • examen physique complet (cardiaque, etc.). Les constatations de l’examen clinique sont consignées par écrit dans le dossier avec schéma daté. 3. Investigations paracliniques • Cytologie : les frottis cervico-vaginaux doivent être réa- lisés, leur positivité témoigne d’une lésion étendue ou d’une lésion cervicale associée. La cytologie endométriale sera réalisée par frottis endo- métrial par cytobrush par exemple. Ces 2 examens sont réa- lisés au cabinet en simple consultation. • Histologie : la biopsie d’endomètre (canule de Novak, pipelle de Cornier) permet d’affirmer le diagnostic mais sans l’éliminer si cette dernière est négative. Si le col est infran- 78 L A R E V UE DU P R AT I CI E N ( P a r i s ) 1 9 9 9 , 4 9 CANCE R S DE L ’ E NDOMÈ T R E chissable, on réalise un curetage biopsique sous anesthésie générale. L’hystéroscopie, qui peut être pratiquée en ambulatoire si le col est perméable, permet une exploration visuelle de la cavité utérine, de voir les lésions et de pratiquer des biopsies dirigées. Elle permet aussi de juger de l’extension en surface du pro- cessus tumoral. Une cartographie biopsique pourra être faite en cas de doute. Classiquement, la tumeur est exophytique, sanguinolente et friable; plus rarement, on retrouve une forme ulcérée tradui- sant une forme très agressive. Cet examen tend aujourd’hui à remplacer la classique hystérosalpingographie. Il va sans dire que ces prélèvements sont réalisés en dehors de toute infection génitale. • Imagerie – L’échographie endovaginale retrouve une épaisseur de la muqueuse utérine anormale (supérieure à 7 mm pour les deux faces chez la femme ménopausée non traitée). L’accentuation du contraste (EVAC) permet de bien situer la lésion. Le point essentiel de cet examen est d’évaluer l’extension au myomètre en profondeur. En outre, elle permet de chercher une lame d’as- cite, des adénomégalies iliaques, de vérifier les annexes, et les ovaires. – Le doppler montre une vascularisation anormale au niveau de la tumeur et une diminution importante des index utérins. – L’imagerie par résonance pelvi-abdominale fournit des ren- seignements similaires à l’échographie endovaginale, avec une sensibilité et une spécificité à peine supérieures, d’un coût beau- coup plus élevé; mais cet examen a l’avantage de moins dépendre de l’opérateur et donc d’être d’interprétation plus sûre. – Radiographie du thorax, échographie hépatique sont réali- sées de façon systématique à la recherche de métastases. – Urographie intraveineuse, la cystoscopie et la colonoscopie ne sont réalisées que sur signe d’appel. – Des travaux récents montrent l’intérêt pronostique du dosage de la protéine P53 et du CA-125 sériques, du dosage des récep- teurs hormonaux sur la pièce, de la détermination de la ploï- die et de l’index de prolifération sur la pièce opératoire. 4. Formes histologiques • Les hyperplasies endométriales sont de véritables états précurseurs du cancer endométrial. Elles regroupent celles qui sont sans atypies (simples, glan- dulokystiques et adénomateuses) et répondent en général au traitement hormonal, et celles avec atypies cellulaires qui devront être traitées de façon radicale par la chirurgie car, si certaines régressent, 40 % vont persister et évoluer vers le carcinome. • Les adénocarcinomes (80 %) ne comportent qu’un contingent cellulaire glandulaire. On distingue parmi ces cancers des formes plus ou moins différenciées. • Les adéno-acanthomes (10 %) comportent un contingent glandulaire malin et des plages malpighiennes bénignes. • Les carcinomes adénosquameux (2,5 %) ont des plages glandulaires et malpighiennes malignes. Leur pronostic est très péjoratif, de même que celui des carcinomes adénos- quameux. • Carcinomes (2,5 %). • Les cancers à cellules claires (2,5 %) dont l’aspect évoque les tumeurs urothéliales. • Les cancers papillaires séreux (2,5 %) dont l’aspect est proche de celui des cancers épithéliaux de l’ovaire, ren- contrés surtout chez la femme âgée, leur pronostic est dans l’ensemble mauvais. • Les sarcomes (point de départ conjonctif). On distingue 3 grades de différenciation : du grade I le mieux différencié au grade III le moins différencié et donc de plus mauvais pronostic. 5. Formes cliniques • L’endométriose stromale qui se caractérise par une pro- lifération de la seule composante choriale de l’endomètre dans le myomètre susceptible d’envahir les vaisseaux lym- phatiques et sanguins est en réalité un sarcome de l’endo- mètre très rare dont le diagnostic repose essentiellement sur l’histologie. • Le cancer de l’endomètre découvert de façon fortuite sur une pièce d’hystérectomie est rare mais non excep- tionnel et pose le problème de son traitement si l’on a pra- tiqué une chirurgie partielle. Une intervention secondaire suivie de curiethérapie est indiquée dans tous les cas au minimum. • Les formes associées à un cancer de l’ovaire qui posent le problème de savoir si le cancer primitif est ovarien ou si la tumeur ovarienne est secondaire à une lésion endomé- triale. 6. Diagnostic différentiel Il permet de déceler : – une atrophie ou hypertrophie endométriales ; – des polypes et léiomyomes sous-muqueux; – un cancer du col utérin, et surtout glandulaire de l’endo- col (adénocarcinome) ; – un cancer ovarien (si lésion annexielle associée). En fait, les autres causes de métrorragies à cet âge. 7. Classification de la FIGO* Stade I IA Tumeur in situ IB Invasion de moins de 50 % du myomètre IC Invasion de plus de 50 % du myomètre Stade II IIA Atteinte de l’épithélium endocervical IIB Atteinte du stroma cervical Stade III IIIA Atteinte du péritoine pelvien, des annexes ou cytologie péritonéale positive IIIB Métastases vaginales IIIC Métastases au niveau des ganglions pelviens et (ou) lombo-aortiques Stade IV IVA Atteinte vésicale et (ou) de la séreuse digestive IVB Métastases à distance y compris les ganglions intra- abdominaux ou inguinaux. * Fédération internationale de gynécologie - obstétrique 79 L A R E V UE DU P R AT I CI E N ( P a r i s ) 1 9 9 9 , 4 9 Gynécologie - Obstétrique Évolution Issu d’un endomètre normal ayant subi tous les stades évo- lutifs liés à l’hyperœstrogénie : endomètre normal, proli- fératif, hyperplasie sans atypie cellulaire puis avec atypie cellulaire, carcinome in situ (CIS), enfin cancer invasif. Le cancer de l’endomètre naît classiquement au niveau d’une corne utérine, son extension se fait dans 2directions : en surface, et en profondeur vers le myomètre. Dans un second temps le vagin, les trompes, les ovaires, puis les organes voisins sont intéressés par la néoplasie. L’exten- sion lymphatique se fait via les ganglions para-aortiques (corne utérine), alors que le corps et l’isthme sont drainés par les ganglions iliaques externes. L’extension hématogène plus tardive entraîne l’apparition de métastases dans les organes tels que le foie, les pou- mons ainsi que dans les os. Hélas ! les récidives post-thérapeutiques existent et se loca- lisent le plus fréquemment au niveau de la tranche vagi- nale, le vagin, les paramètres, le péritoine, les ganglions sans omettre les organes à distance. Pronostic • Âge : la survie sans récidive et la survie globale diminuent avec l’augmentation de l’âge lors du diagnostic. • Type histologique et grade histopronostique : les tumeurs les moins différenciées sont associées à une augmentation importante du risque de récidive locale ou à distance. En cas de tumeur mixte, le pronostic est altéré par le caractère agressif du contingent non adénocarcinomateux. • Degré de pénétration du myomètre: évalué par l’examen de la pièce opératoire ou à défaut par l’échographie ou l’ima- gerie par résonance magnétique ; quand celle-ci dépasse le tiers interne du myomètre, la survie diminue de façon signi- ficative. • Envahissement ganglionnaire. • Cytologie péritonéale: positive, elle majore le risque de récidive extrapelvienne (risque multiplié par 3). • Récepteurs hormonaux aux œstrogènes et à la progesté- rone: leur présence constitue un indice de bon pronostic. • Plus récemment le dosage de la protéine P53 sérique, la détermination de la ploïdie ainsi que de l’index de pro- lifération constituent des marqueurs participant à l’éva- luation du pronostic. Pronostic en fonction du stade FIGO (survie à 5 ans) : –Stade I 80 % –Stade II 60% –Stade III 30% –Stade IV < 10% Principes thérapeutiques 1. Méthodes • La chirurgie représente la technique de choix : – hystérectomie totale non conservatrice avec annexecto- mie bilatérale et collerette vaginale par voie abdominale avec cytologie péritonéale première et exploration de la cavité abdomino-pelvienne avec biopsie des lésions sus- pectes ; – ou hystérectomie totale non conservatrice avec annexec- tomie bilatérale et collerette vaginale par voie vaginale. La voie vaginale peut être exclusive ou précédée d’un temps cœlio-chirurgical de préparation; – le geste ganglionnaire : en fonction du stade, on effectue un curage sous-veineux iliaque externe, associé ou non à un curage para-aortique. • La radiothérapie, seule ou associée à la chirurgie, peut être réalisée de 2 façons : – curiethérapie utérovaginale préopératoire avec du césium 137 ou de l’iridium 192, ou curiethérapie vaginale post- opératoire. Elle délivre une dose de 50 Gy, réduite à 30Gy en cas d’association à une irradiation externe ; elle vise à limiter les récidives vaginales et de la partie proximale des paramètres ; – la radiothérapie externe délivre une dose de 45 Gy sur la partie distale des paramètres et les aires ganglionnaires iliaques et éventuellement lombo-aortiques ; elle peut être utilisée seule à la dose de 60 à 70 Gy. • La chimiothérapie, peu utilisée, fait appel aux antimito- tiques suivantes : sels de platine, anthracyclines, alkylants et taxanes. • L’hormonothérapie vise à inhiber l’action des œstro- gènes. On utilise soit le tamoxifène soit un progestatif for- tement anti-œstrogénique. 2. Indications • Cancer in situ: l’hystérectomie totale avec ovariectomie bilatérale suffit si l’étude histologique confirme le carac- tère non invasif de la tumeur. • Stade I – Malade opérable : le traitement débute par une colpo- hystérectomie avec annexectomie bilatérale et curage sous- veineux, ce dernier pouvant être discuté pour les bas grades histologiques. L’intervention est classiquement réalisée par laparotomie, mais la voie vaginale éventuellement cœlio- préparée avec lymphadénectomie laparoscopique est une alternative intéressante. Une curiethérapie vaginale déli- vrant 20 Gy est effectuée 6 à 8 semaines plus tard si elle n’a pas été effectuée en préopératoire. Une radiothérapie externe est indiquée en cas d’envahissement ganglionnaire, d’envahissement dépassant le tiers interne du myomètre ou de tumeur de grade III. – Malade inopérable : une radiothérapie exclusive est réa- lisée. L’irradiation externe intéresse la cavité pelvienne et les aires ganglionnaires lombo-aortiques en cas de suspi- cion de dissémination (lésion de grade III, invasion pro- fonde du myomètre…). La curiethérapie utéro-vaginale complète l’irradiation 2 à 3 semaines plus tard. • Stade II L’extension au col aggrave le risque de récidive locale. – Malade opérable : la curiethérapie utéro-vaginale est sui- vie 6 semaines plus tard d’une colpohystérectomie élargie avec curage iliaque complet. Une lymphadénectomie lombo-aortique peut être réalisée en cas d’atteinte gan- glionnaire iliaque et pour certains, elle est systématique. La radiothérapie externe postopératoire (45 Gy) complète le traitement. En cas de ganglions envahis ou d’infiltration massive du col, une chimiothérapie peut être proposée, de 80 L A R E V UE DU P R AT I CI E N ( P a r i s ) 1 9 9 9 , 4 9 CANCE R S DE L ’ E NDOMÈ T R E même s’il existe un risque important de diffusion métasta- tique. – Malade inopérable : une radiothérapie exclusive est réa- lisée, associant curiethérapie et irradiation externe. Une chimiothérapie peut être associée. • Stade III Le traitement se rapproche de celui des cancers de l’ovaire. – Malade opérable : la chirurgie de réduction tumorale est complétée par une irradiation externe et une chimiothéra- pie en cas d’atteinte péritonéale ou ovarienne. – Malade inopérable : à la radiothérapie, on associe la chi- miothérapie et l’hormonothérapie par tamoxifène ou pro- gestatif. • Stade IV Seule une chirurgie palliative peut être réalisée. Les pel- vectomies gardent peu d’indication à l’heure actuelle. L’ir- radiation externe, la chimiothérapie et l’hormonothérapie complèteront le traitement. 3. Surveillance post-thérapeutique L’examen clinique est quadriannuel la première année puis bisannuel ; il est bien entendu complet. Il recherche des signes de récidive locale ou à distance et les complications imputables au traitement. Les examens paracliniques réalisés sont les suivants : radio- graphie pulmonaire, ACE, CA-125. Les autres seront demandés sur signe d’appel (urographie intraveineuse, tomodensitométrie, imagerie par résonance magnétique, biologie hépatique…). Concernant le traitement hormonal substitutif, il est rai- sonnable d’attendre un délai post-thérapeutique de 5 ans. I Le terrain de prédilection est la femme ménopausée. Les métrorragies sont la circonstance habituelle de découverte de ce cancer. La chirurgie représente la méthode thérapeutique de choix. Points Forts à retenir 787 L A R E V UE DU P R AT I CI E N ( P a r i s ) 1 9 9 8 , 4 8 Gynécologie - Obstétrique B 153 Cancers du sein Epidémiologie, anatomie pathologique, dépistage, diagnostic, évolution, principes du traitement Pr Serge UZAN, Dr Rodolphe GAUDET Service de gynécologie-obstétrique et médecine de la reproduction, département des tumeurs du sein (Pr S. Uzan), hôpital Tenon, 75020 Paris • Cancer fréquent, avec une incidence annuelle de 25 à 30 000 nouveaux cas, le cancer du sein est la première cause de décès féminin par cancer (23 %). • L’âge moyen du diagnostic est de 55 ans et, quel que soit le mode de découverte, seule l’histologie apporte la certitude diagnostique. • La prise en charge thérapeutique doit être multidisciplinaire, et l’amélioration du pronostic passe par un dépistage le plus précoce possible, avant la dissémination métastatique. Points Forts à comprendre Facteur de risque (voir : pour approfondir / 1) 1. Risque familial Il est un des plus importants. Une histoire familiale de can- cer du sein est un facteur de risque dont l’importance est variable : – risque relatif (RR) > 4 en cas d’existence chez une femme de la famille d’un cancer du sein bilatéral ; – risque relatif de 2 à 3 en cas d’existence d’un cancer chez une parente au premier degré (mère, sœur, fille) ; – risque relatif de 1,5 en cas de lien de parenté au second degré (cousine, grand-mère, tante). Le risque familial est d’autant plus élevé que la maladie s’est déclarée de façon plus précoce chez la parente. Si la femme est porteuse d’un ou plusieurs gènes de prédispo- sition familiale au cancer du sein (type BRCA 1 ; Breast Cancer gene 1), le risque relatif est de 10. 2. Risque histologique Il concerne : – antécédents personnels de cancer du sein (risque relatif > 4) ; – hyperplasie atypique, canalaire ou lobulaire (risque rela- tif de 4 à 5, en l’absence d’antécédent familial). – hyperplasie sans atypie, adénoses (risque relatif < 2) ; – pas de risque pour la mastose sclérokystique et les adé- nofibromes. 3. Risque hormonal • Facteurs endogènes (risque relatif de 2). Ce sont : puberté précoce ; cycles anovulatoires ; nulli- gestité ; première grossesse tardive ; absence d’allaite- ment ; ménopause tardive. • Facteurs exogènes L’absence d’impact des traitements hormonaux substitu- tifs ou de la contraception orale est remise en cause actuel- lement, en particulier en fonction de la durée d’exposition. 4. Risque environnementaux Ils sont représentés par des conditions socio-économiques élevées, et des facteurs alimentaires (obésité, régime riche en graisses animales, alcool). 5. Risque radique Il est classique, et constitue une situation à risque relatif de 3. Épidémiologie Fréquence Le cancer du sein est le plus fréquent des cancers féminins avec de 25 à 30 000 nouveaux cas par an en France, 23 % des cancers de la femme sont des cancers du sein. Statis- tiquement, on estime qu’une femme sur 11 développera un cancer du sein au cours de sa vie. L’incidence annuelle, régulièrement croissante (1,5 % par an), est estimée à envi- ron 80 pour 100 000 femmes. L’âge moyen du diagnostic est de 55 ans, et 60 % des patientes ont entre 45 et 75 ans. Il est rare avant 40 ans (10 %). C’est une maladie grave, responsable d’environ 10 000 décès par an. Le cancer du sein représente la première cause de mortalité chez les femmes de 35 à 55 ans. Il occupe le premier rang de mortalité par cancer chez la femme. L’in- cidence annuelle de décès par cancer du sein est de 20 à 25 pour 100 000 femmes. La survie globale, tous stades confondus (avec des écarts importants selon les stades) est d’environ 65 % à 5 ans. Ainsi le cancer du sein constitue un problème majeur de santé publique, justifiant la mise en place et la poursuite des actions de prévention, de dépistage et de recherche thé- rapeutique. 788 L A R E V UE DU P R AT I CI E N ( P a r i s ) 1 9 9 8 , 4 8 CANCE R S DU S E I N Dépistage But D’intérêt majeur, son objectif est de dépister le cancer à un stade précoce, au mieux infra-clinique et surtout avant l’at- teinte ganglionnaire afin d’améliorer le taux de survie et de permettre une chirurgie conservatrice (voir : pour appro- fondir / 2). Deux types de dépistage peuvent être envisagés : le dépis- tage de masse, visant 65 à 70 % d’une tranche d’âge de la population totale ; et le dépistage individuel orienté par l’âge et les facteurs de risque. Technique L’autopalpation et l’examen clinique sont certes utiles, mais ne sont plus recommandés comme des techniques de dépis- tage, même si l’examen clinique des seins reste un élément essentiel de l’examen systématique. Le dépistage de masse comporte un à deux clichés par sein avec double ou triple lecture. Les campagnes les plus effi- caces concernent la tranche d’âge 50-65 ans avec une mam- mographie tous les 2 ans. Le dépistage individuel commence plus tôt (5 ans avec le premier cas de cancer familial) et sa fréquence dépend de l’« intensité » du risque. Diagnostic Circonstances de découverte Elles sont variées : – tuméfaction découverte par la patiente ou lors d’un exa- men systématique ; – mammographie systématique ou de dépistage ; – écoulement mamelonnaire séreux ou sanglant ; – anomalie du mamelon : maladie de Paget (ulcération, pru- rit, lésion eczématiforme) ; rétraction du mamelon ; – déformation du sein par une masse tumorale ou par le « capiton » d’une attraction cutanée ; voire une tumeur infiltrant ou ulcérant la peau ; – sein inflammatoire ; – rarement une adénopathie ou une métastase, et beaucoup plus rarement une gêne fonctionnelle (mastodynie). Examen clinique Il comporte trois étapes. 1. Interrogatoire Il précise : l’âge, la profession, le statut familial ; les anté- cédents médico-chirurgicaux et gynéco-obstétricaux (fac- teurs de risque, ménopause, traitement hormonal, antécé- dent d’irradiation…) ; les antécédents familiaux du cancer du sein (intérêt de réaliser un arbre généalogique s’il existe plus d’un cas) ; le délai passé depuis le premier symptôme ; le mode évolutif ; le caractère douloureux ou non ; s’il existe d’anciens clichés de mammographie ou des échographies. 2. Examens cliniques (voir : pour approfondir / 3) • À l’inspection, il recherche : une asymétrie, une défor- mation du contour mammaire, une modification du galbe (fossette, tuméfaction) ; une anomalie de surface : ride cuta- Anatomie pathologique Carcinomes primitifs du sein Ce sont des adénocarcinomes (tumeurs épithéliales malignes à différenciation glandulaire). 1. Carcinomes in situ Il sont soit canalaires (galactophore) soit lobulaires (unité terminale ducto-lobulaire) et présentent tous les critères cytologiques de la malignité, sans dépasser la membrane basale ni infiltrer le tissu conjonctif sous-jacent. Ils n’ont pas de risque métastatique. 2. Carcinomes infiltrants On distingue : – carcinome canalaire infiltrant de forme commune (forme la plus fréquente (81 %)) ; – carcinome canalaire infiltrant avec composante intraca- nalaire prédominante (4 %) ; – carcinome lobulaire infiltrant (10 %), volontiers bilaté- ral ; – formes particulières : carcinome mucineux ou colloïde (1 %), de la femme âgée, de bon pronostic ; carcinome médullaire, de bon pronostic ; carcinome tubuleux, de bon pronostic ; carcinome adénoïde hystique ou cylindrome, de bon pronostic ; carcinome papillaire (très rare). 3. Cancers inflammatoires Ils sont liés à des emboles lymphatiques disséminés avec invasions multiples atteignant le derme profond. Ils pré- sentent un haut risque métastatique. 4. Maladie de Paget du mamelon (2 %) Cette lésion correspond à une extériorisation au niveau du mamelon d’un carcinome mammaire sous-jacent, de nature canalaire, in situ et parfois infiltrant. Elle se manifeste par une érosion ou une lésion eczémati- forme du mamelon et correspond à une infiltration des couches épidermiques par les cellules carcinomateuses. Autres tumeurs malignes du sein 1. Sarcomes primitifs du sein Ils se subdivisent en 2 catégories : – sarcomes phyllodes et sarcomes stromaux : rares (< 1 %), ils peuvent survenir à tout âge et il n’existe pas de terrain prédisposant tant sur le plan des lésions mammaires pré- existantes que des facteurs hormonaux ; l’évolution est don- née par l’extension locale ; l’extension ganglionnaire est exceptionnelle ; – angiosarcomes : de pronostic défavorable. 2. Lymphomes malins non hodgkiniens du sein 3. Métastases mammaires Elles sont rares et peuvent témoigner d’un cancer primitif de nature variable : mélanome, ou cancers pulmonaire, digestif, uro-génital. Microcalcification type V, suspecte de malignité (comédocarcinome) : cliché agrandi. 3 Opacité nodulaire maligne en mam- mographie. 2 Opacité stellaire typique en mammo- graphie avec très fines microcalcifications (et une calcification vasculaire). 1 789 L A R E V UE DU P R AT I CI E N ( P a r i s ) 1 9 9 8 , 4 8 Gynécologie - Obstétrique née, peau d’orange, signes inflammatoires ; un nodule cutané ou une ulcération dans les cas avancés ; une ano- malie du mamelon : rétraction, déviation de son axe, sur- élévation, érosion. • À la palpation, on retrouve le plus souvent une tumeur unique, unilatérale et indolore. Les arguments en faveur de la malignité sont : le caractère mal limité ; la dureté ; l’adhérence à la peau soit sponta- née réalisant une fossette, soit lors du pincement avec signe du capiton ; une peau d’orange ; l’adhérence au plan pro- fond (muscle grand pectoral) qui se recherche par la manœuvre d’adduction contrariée de Tillaux : la mobilité du nodule en l’absence de contraction musculaire et sa fixité lors de la contraction signent l’adhérence au grand pectoral ; l’existence d’adénopathies dures voire fixées. L’examen de l’autre sein doit être systématique car 10 % des cancers sont bilatéraux d’emblée. 3. Examen gynécologique (frottis cervico- vaginaux) et général complet Examens complémentaires 1. Mammographie (fig. 1 à 4) (voir : pour approfondir / 4) Examen essentiel, réalisé dans les 10 premiers jours du cycle, elle est bilatérale et comparative avec des clichés de face, de profil et des prolongements axillaires. Son inter- prétation est parfois difficile chez les femmes jeunes (seins denses) et pour les tumeurs très postérieures ou du pro- longement axillaire. Elle est très évocatrice de la malignité si elle retrouve les anomalies suivantes. • Opacité stellaire : c’est la traduction mammographique la plus classique du cancer du sein. Elle est constituée d’un centre dense associé à une collerette de spicules plus ou moins longues. Il peut s’y associer des microcalcifications, un halo clair périlésionnel, un épaississement et (ou) une rétraction cutanée en regard de la lésion, une désorganisa- tion architecturale, des adénopathies axillaires à centre dense. • Opacité nodulaire arrondie ou ovalaire, à contours régu- liers ou non. Elle peut parfois simuler une lésion bénigne (carcinome médullaire). Elle peut aussi présenter un bord en queue de comète, correspondant à des spicules locali- sés. Une opacité à limites apparemment nettes doit faire rechercher des signes évocateurs de malignité : densité éle- vée, perte partielle du contour, microcalcifications dans ou au voisinage de l’opacité. • Une désorganisation architecturale : aspects de désaxa- tion et de convergences des travées fibreuses. • Microcalcifications : elles peuvent être associées à une opacité tumorale ou, à l’inverse, être isolées. Elles sont alors le seul marqueur radiologique d’un cancer infracli- nique. Les aspects possibles des microcalcifications sont Microcalcification type V avec guide en place pour microbiopsie sous stéréotaxie. 4 Échographie mammaire avec image typique- ment suspecte : grand axe vertical, image irrégu- lière, atténuation postérieure avec cône d’ombre. 5 790 L A R E V UE DU P R AT I CI E N ( P a r i s ) 1 9 9 8 , 4 8 CANCE R S DU S E I N très polymorphes. Il faut rechercher des critères de mali- gnité parmi les suivants : forme vermiculaire, irrégulière, polymorphisme, taille et densité différentes, nombre impor- tant, regroupement en foyer, foyer de forme triangulaire à sommet mamelonnaire. Elle peut parfois retrouver : une image d’aspect bénin, homogène et bien limitée ; un kyste à paroi épaisse ; une lésion multifocale ; une lésion controlatérale ; l’absence d’anomalie radiologique, dans 3 % des cas. 2. Échographie Examen de complément indispensable de la mammogra- phie dès lors qu’il existe une anomalie clinique, radiolo- gique ou une suspicion de cancer, elle permet une meilleure définition chez la femme jeune aux seins denses. L’image échographique maligne typique est celle d’une masse hypoéchogène, hétérogène, solide, à cône d’ombre postérieur, non compressible, à contours irréguliers et pré- sentant des dimensions antéro-postérieures supérieures à ses dimensions transversales (à grand axe vertical) (fig. 5). Il existe parfois des végétations à l’intérieur d’une tumeur nécrosée d’aspect kystique. 3. Cytologie Intéressante en cas de tumeur palpable, de nodule mam- mographique et surtout échographique, elle est réalisée par ponction à l’aiguille fine de la masse. Sa fiabilité repré- sente une spécificité supérieure à 95 % et une valeur pré- dictive positive de cancer de 99 %. Néanmoins sa négati- vité n’élimine pas le diagnostic (5 à 10 % de faux négatif). Sa performance est améliorée lorsqu’elle est pratiquée sous contrôle échographique. Elle est toutefois non significative dans 5 à 10 % des cas. 4. Anatomopathologie Seule l’étude anatomopathologique affirme avec certitude le caractère néoplasique de la lésion. Elle est le préalable indispensable à toute attitude thérapeutique, ainsi qu’au bilan d’extension. elle permet, en outre, de préciser les caractéristiques histologiques de la tumeur, de réaliser la gradation histopronostique de Scarff, Bloom et Richard- son (SBR) (voir : pour approfondir / 5) et, enfin, d’effec- tuer une évaluation des récepteurs hormonaux aux œstro- gènes et à la progestérone par dosage biochimique et (ou) par immunohistochimie. Plusieurs méthodes peuvent être employées : – le forage biopsique (tru-cut, forage biopsique), sur une tumeur palpable ; – la microbiopsie sous repérage en cas de lésion infracli- nique (on utilise la stéréotaxie en cas de lésion radiolo- gique, et le repérage échographique en cas de lésion visible en échographie) ; – la biopsie/exérèse chirurgicale avec examen histologique extemporané. 5. Radiographie numérisée Sa résolution spatiale est très inférieure à celle obtenue en mammographie traditionnelle. Elle peut cependant se révé- ler utile dans la recherche de microcalcifications ou d’al- térations structurales dans les seins très denses. Elle per- met d’améliorer la surveillance des seins opérés et en particulier des seins porteurs de prothèses (aide au dia- gnostic de rupture prothétique et aide à la détection de petits cancers juxtaprothétiques). 6. Galactographie Elle est systématiquement pratiquée devant un écoulement mamelonnaire à la recherche d’un refoulement, d’une lacune irrégulière ou d’une amputation d’un galactophore. 7. Écho-doppler couleur L’étude par écho-doppler couleur de la vascularisation ne permet pas de prédire de façon fiable la malignité d’un nodule. 8. Imagerie par résonance magnétique Encore réservée à certains centres, elle semble prometteuse, en particulier dans les cas de diagnostic difficile, notam- ment lorsque le couple mammographie-échographie est le moins performant : récidive après traitement conservateur, récidive sur reconstruction, apparition de zones carcino- mateuses au sein d’une mastopathie à risque. L’imagerie par résonance magnétique (IRM) présente aussi un intérêt diagnostique dans la recherche de la multifoca- lité d’une lésion maligne déjà décelée. Enfin, certains l’utilisent pour étudier la réponse à la chi- miothérapie. Sa valeur prédictive négative est excellente : l’absence de rehaussement du signal une minute après injection de gado- linium élimine quasi totalement le diagnostic de malignité (moins de 3 % de faux négatifs). 9. Triplet diagnostique En cas de triplet concordant (tumeur cliniquement maligne + mammographie typique + cytologie positive), le dia- gnostic de cancer est fiable dans 99 % des cas. Si le triplet est discordant, la vérification histologique s’impose. Formes cliniques 1. Cancers infracliniques Leur nombre augmente du fait du dépistage. Il peut s’agir : soit de cancers in situ, découverts à l’occasion de micro- calcification, qui peuvent être multifocaux et/ou bilatéraux (en particulier pour les lobulaires in situ) ; soit de petits cancers invasifs ou micro-invasifs. 2. Cancers avec écoulement mamelonnaire L’écoulement suspect est typiquement uni-orificiel, san- glant et unilatéral. Mais il peut être pluriorificiel ou sim- plement sale. L’examen cytologique avec frottis de l’écou- lement peut orienter le diagnostic en montrant des cellules néoplasiques. La mammographie, l’échographie et la galac- tograophie doivent être systématiques, permettant de visua- liser une petite lésion. Mais seule l’exérèse chirurgicale du galactophore pathologique avec examen histologique affirme le diagnostic de cancer. 3. Formes topographiques On distingue les formes suivantes : – cancer des glandes mammaires accessoires (du prolon- gement axillaire au sillon sous-mammaire) ; 791 L A R E V UE DU P R AT I CI E N ( P a r i s ) 1 9 9 8 , 4 8 Gynécologie - Obstétrique – cancer du prolongement axillaire : caractérisé par sa loca- lisation le long du bord inférieur du grand pectoral et par leur adhérence précoce à la peau, il faut le différencier d’une adénopathie axillaire ; le pronostic et le traitement sont identiques à ceux d’une tumeur des quadrants externes du sein ; – cancer du sillon sous-mammaire : de diagnostic parfois difficile chez la femme obèse aux seins lourds, il répond souvent à une tumeur de petite taille adhérent à la peau et (ou) au plan profond ; – cancer des quadrants externes : diffusant vers les gan- glions axillaires ; – cancer des quadrants internes ou central : diffusant vers les chaînes axillaires et mammaires internes ; – cancers bilatéraux ; – cancers multifocaux. 4. Formes selon le terrain • Chez l’homme : il est 100 fois plus rare que chez la femme, mais grave avec extension lymphatique précoce. • Chez la femme enceinte : sa fréquence est de l’ordre de 1 à 3 cancers pour 10 000 grossesses (2 % de l’ensemble des cancers du sein). La grossesse ne semble pas en soi aggraver le pronostic de ces cancers, mais il faut préciser que les cancers survenant en cours de grossesse sont déjà diagnostiqués à un stade avancé, que l’âge médian de survenue est de 35 ans, que l’atteinte ganglionnaire est plus fréquente et qu’il s’agit souvent de formes peu différenciées (SBR 3, récepteurs hormonaux négatifs). Ces éléments sont des facteurs pro- nostiques péjoratifs indipendants de la grossesse. Étant donné qu’il existe souvent un important retard au dia- gnostic du fait d’une grossesse et des difficultés cliniques d’examen liées aux modifications gravidiques mammaires, il importe de ne pas différer les explorations, et ce quel que soit le stade de la grossesse. Rappelons que la palpation des seins doit systématiquement être effectuée dès le pre- mier examen de grossesse. Sur le plan thérapeutique, la chirurgie est toujours possible. La radiothérapie est déconseillée et sera effectuée en post- partum. La chimiothérapie, sauf nécessité vitale (cancer inflammatoire en poussée évolutive, forme métastatique), ne sera administrée qu’à partir du 2 e trimestre (risque téra- togène au 1 er trimestre). L’interruption thérapeutique de grossesse est à réserver aux formes graves nécessitant une prise en charge thérapeu- tique urgente. Si le cancer survient dans la seconde moitié du 2 e trimestre, ou au 3 e trimestre de la grossesse et que la femme souhaite mener celle-ci à terme, il importe de trai- ter la patiente sans retard et d’effectuer l’accouchement une fois la viabilité fœtale établie. 5. Formes anatomiques On distingue : – maladie de Paget du mamelon ; – squirrhe atrophique de la femme âgée : d’évolution lente, avec adénopathies tardives, cette forme est caractérisée par l’importance de la réaction fibreuse entraînant une rétrac- tion progressive avec disparition de la glande mammaire, puis une ulcération plaquée sur le gril costal ; – cancers en poussée évolutive : ils correspondent à une entité clinique regroupant les carcinomes présentant des signes cliniques d’inflammation au niveau de la peau sus- jacente (rougeur, chaleur, douleur, œdème) (voir : pour approfondir / 6). Ils représentent 5 à 10 % des cancers quel que soit l’âge et contre-indiquent une prise en charge chi- rurgicale première. Diagnostic différentiel 1. Devant un nodule du sein • L’adénofibrome, tumeur bénigne de la femme jeune, ferme, mobile et indolore, répond à la mammographie à une image régulière avec parfois des macrocalcifications, et dont la taille clinique est identique à la taille radiolo- gique. • Le kyste, tumeur rénitente, douloureuse, est variable sui- vant le cycle, anéchogène à l’échographie ; la ponction ramène un liquide citrin de cytologie négative, et affaisse le kyste. • L’hématome et la cytostéatonécrose post-traumatique sont envisagés selon le contexte ; la mammographie peut révéler des calcifications, mais celles-ci sont souvent arci- formes et situées en périphérie de la lésion traumatique. • L’abcès du sein peut poser des problèmes diagnostiques avec les formes inflammatoires de cancer. Néanmoins, le cancer du sein peut simuler toutes ces formes ou y être associé. Ainsi, tout nodule du sein doit faire l’objet d’une exploration minutieuse et complète pour écarter une suspicion de malignité. 2. Devant un écoulement mamelonnaire L’ectasie galactophorique et le papillome sont de diagnos- tic histologique sur pièce d’exérèse chirurgicale. 3. Devant des microcalcifications Il importe de définir le type, le nombre, l’aspect et la dis- position des microcalcifications : la classification de Legal est la plus couramment employée. Néanmoins seule l’ana- lyse histologique permet d’affirmer un diagnostic de béni- gnité ou de malignité. Évolution Bilan d’extension 1. Extension locorégionale Elle est jugée sur l’examen clinique et les explorations radiologiques, permettant de classer la tumeur selon sa taille et l’existence ou non d’adénopathies satellites. Elle est complétée par l’exploration chirurgicale. L’apprécia- tion clinique de l’évolutivité locale permet la codification PeV (poussée évolutive) de valeur pronostique. 2. Extension générale La réalisation d’un examen clinique complet et de divers examens paracliniques permet d’orienter la recherche de métastases : 792 L A R E V UE DU P R AT I CI E N ( P a r i s ) 1 9 9 8 , 4 8 CANCE R S DU S E I N – hépatiques (bilan biologique avec dosage de la gamma GT et des phosphatases alcalines, transaminases, bilirubine et échographie hépatique) ; – osseuses (scintigraphie osseuse corps entier, radiogra- phies osseuses orientées par des signes fonctionnels) ; – pulmonaires et pleurales (radiographie pulmonaire de face et de profil, scanner thoracique si anomalies) ; – cutanées (examen clinique) ; – cérébrales (examen neurologique complet et scanner sur signe d’appel) ; – ovaires (échographie pelvienne pour le cancer lobulaire). Le dosage initial des marqueurs tumoraux (CA 15-3) a sur- tout un intérêt lors de la surveillance ultérieure. 3. Évolution du terrain Elle permet de préciser l’état général de la patiente, et recherche une éventuelle contre-indication à un traitement. Pronostic 1. Facteurs pronostiques L’analyse des facteurs pronostiques permet d’identifier les patientes à haut risque métastatique et (ou) de récidive locale. Ils sont subdivisés en trois classes. • Éléments cliniques et morphologiques de mauvais pro- nostic : – taille anatomique de la tumeur (> 3 cm) ; – caractère multifocal ou bilatéral ; – envahissement histologique des ganglions axillaires (sur- tout si leur nombre est supérieur à trois et s’il existe une rupture capsulaire) ; – âge (< 40 ans) ; – grade histopronostique (SBR) coté à III ; – type histologique de la tumeur ; – présence d’emboles lymphatiques ou vasculaires ; – envahissement cutané ou pariétal profond ; – dissémination au mamelon si mastectomie. • Éléments évaluant l’activité proliférative tumorale : le taux des récepteurs hormonaux systématiquement utilisés, est corrélé au degré de différenciation de la tumeur ; ils définissent des indices de bon pronostic et une hormono- sensibilité de la tumeur. L’étude du cycle cellulaire par cytométrie de flux permet de déterminer deux critères : l’index d’ADN et le pour- centage de cellules en phase S de synthèse d’ADN sont de plus en plus utilisés. Les oncogènes et anti-oncogènes : C-erb b2, c-myc. • Éléments évaluant le potentiel invasif tumoral On peut évaluer : – protéases : cathepsine D (sélectionne en cas de taux élevé les patientes à haut risque métastatique, notamment chez les N-) ; inhibiteurs et activateurs du plasminogène ; – collagénases. 2. Survie La survie globale est de 65 % à 5 ans, et de 50 % à 10 ans (tous stades confondus). Elle dépend de nombreux facteurs pronostiques et théra- peutiques et l’on peut schématiquement individualiser trois grands groupes : – un groupe de très mauvais pronostic dont la survie sans récidive à 5 ans est inférieure à 30 % (cancers inflamma- toires et cancers à forte invasion axillaire avec plus de 8 ganglions histologiquement envahis) ; – un groupe de très bon pronostic dont la survie sans réci- dive à 5 ans est proche de 95 % (cancers de moins de 1 cm, de grade SBR I, sans invasion axillaire, et a fortiori can- cers in situ) ; – un groupe de pronostic intermédiaire, représentant la majorité des cancers du sein, et dans lequel la survie est corrélée au T, au N, au SBR et aux paramètres biopatho- logiques (récepteurs hormonaux, ploïdie, phase S…). Principes du traitement Méthodes Le cancer du sein est à considérer comme une maladie hété- rogène à la fois locale et générale. Schématiquement, le traitement devra avoir pour but le contrôle locorégional (rôle de la chirurgie et de la radiothérapie) et la prévention ou le traitement des métastases (rôle de la chimiothérapie et de l’hormonothérapie). La prise en charge thérapeutique ne se conçoit qu’en équipe pluridisciplinaire. 1. Traitement locorégional • Chirurgie : le traitement chirurgical aura trois objectifs : – la confirmation du diagnostic : examen histologique extemporané de la pièce de tumorectomie ; – le recueil des principaux éléments du pronostic ; – le traitement locorégional proprement dit : la mammec- tomie radicale modifiée selon Patey, retire la totalité de la glande mammaire, la plaque aréolo-mamelonnaire et conservant les muscles pectoraux ; on y associe un curage axillaire homolatéral. Dans certains cas, la mammectomie est complétée par une radiothérapie ; la chirurgie limitée (tumorectomie, quadrantectomie) associée à un curage axil- laire homolatéral (étages inférieur et moyen du creux axil- laire) est de plus en plus fréquente. Elle est toujours suivie d’une irradiation complémentaire. Elle est pratiquée chez une femme prévenue du risque de mammectomie. • Radiothérapie : l’irridiation externe utilise des photons de haute énergie : Cobalt 60 (puissance énergétique de 1,25 MeV) ou accélérateurs de particules (6 MeV). Cette irradiation doit inclure la totalité de la glande mammaire (traitement conservateur) et (ou) de paroi thoracique (mam- mectomie), ainsi que les aires ganglionnaires (axillaires, sus- et sous-claviculaires et la chaîne mammaire interne). L’irridiation de base délivre de 45 à 50 Gray en 5 à 6 semaines. En cas de traitement conservateur, le lit tumo- ral est susceptible de recevoir un complément soit par une radiothérapie externe localisée, soit par une irradiation interstitielle (curiethérapie par des fils d’iridium 192 implantés localement). 2. Traitement général Il comporte deux volets volontiers associés : la chimiothé- rapie et l’hormonothérapie. Le rôle du traitement général 793 L A R E V UE DU P R AT I CI E N ( P a r i s ) 1 9 9 8 , 4 8 Gynécologie - Obstétrique est d’éradiquer la maladie micro-métastatique infraclinique potentiellement présente au moment du diagnostic. Sché- matiquement, 40 % des cancers du sein sont virtuellement guéris après un traitement locorégional exclusif. Les trai- tements systémiques sont donc administrés à des patientes sélectionnées comme étant à haut risque métastatique (fac- teurs pronostiques). • Chimiothérapie : les protocoles, à type de polychimio- thérapie, varient selon les équipes mais les agents les plus utilisés sont : le 5FU, le cyclophosphamide, le méthotrexate, les anthracyclines et les taxoïdes. Les indications sont les suivantes : – formes métastatiques, permettant d’améliorer la survie (médiane légèrement inférieure à 2 ans) ; – chimiothérapie néoadjuvante : avant tout traitement loco- régional dans les formes évoluées (en particulier si un trai- tement conservateur est recherché), ou en poussée inflam- matoire ; – chimiothérapie adjuvante afin de diminuer la fréquence des métastases, son efficacité n’a été démontrée que chez les femmes ayant des facteurs de pronostic défavorable. Auparavant réservée aux patientes préménopausées, elle est aujourd’hui également utilisée en postménopause. • Hormonothérapie : elle est employée pour les tumeurs présentant des récepteurs aux œstrogènes. On utilise des anti-œstrogènes (tamoxifène) de façon isolée chez les patientes ménopausées ou associés chez les femmes non ménopausées à une castration chimique (analogues de la LH-RH luteiniging hormone - releasing hormone), chirur- gicale (ovariectomie bilatérale) ou radiothérapique (irri- diation ovarienne bilatérale). Ces molécules en se fixant sur le récepteur des œstrogènes (avec une grande affinité) provoquent une inhibition compétitive, bloquant l’action des œstrogènes sur le sein et l’os, d’où la nécessité d’une castration (spontanée ou provoquée). Il faut noter l’action agoniste de ce traitement sur la muqueuse endométriale. L’hormonothérapie est aussi utile en cas d’échappement thérapeutique. Indications thérapeutiques (voir : pour approfondir / 7, 8) 1. Tumeurs limitées • Les tumeurs de petit volume : T1, T2 < 3 cm, N0, N1, M0, peuvent bénéficier d’un traitement conservateur asso- ciant tumorectomie, curage axillaire et irradiation post- opératoire. • Les tumeurs T2 > 3 cm sont traitées par mammectomie, curage axillaire et irradiation postopératoire. Cette attitude est discutée, certaines équipes proposant une chimiothéra- pie néoadjuvante pour réduire le volume tumoral afin de réaliser un traitement conservateur. • S’il existe un envahissement axillaire histologique ou des facteurs de mauvais pronostic, on associe une chi- miothérapie adjuvante et (ou) une hormonothérapie (avec castration en préménopause). 2. Tumeurs évoluées : T3, T4, N2, N3, PeV2, PeV3, M0 Elles bénéficient d’une chimiothérapie néoadjuvante, sui- vie du traitement locorégional (mammectomie + curage + irradiation), puis chimiothérapie adjuvante (+ ou - hormo- nothérapie). 3. En cas de métastases On associe au traitement locorégional, une chimiothérapie néoadjuvante puis adjuvante et une hormonothérapie. Le traitement local des métastases sera fonction de leur siège (radiothérapie, chirurgie de stabilisation d’une fracture…). 4. Formes particulières • Carcinome canalaire in situ : le traitement se limite en principe au traitement locorégional. La fréquente multifo- calité des lésions invite à un geste chirurgical très large (mammectomie), d’autant préférable qu’il s’agit d’une lésion de haut grade et de taille supérieure à 2 cm. En cas de cancer in situ très localisé et peu agressif, on peut pro- poser un traitement conservateur radiochirurgical. • Carcinome lobulaire in situ : l’absence de transforma- tion infiltrante de cette forme histologique conduit à une attitude thérapeutique très peu agressive. L’exérèse de la lésion suivie d’une surveillance attentive est désormais reconnue par la plupart des auteurs. Cependant, certains complètent par une radiothérapie. • Tumeur phyllode : l’évolution des tumeurs phyllodes est Tumorectomie +examen histologique extemporané Négatif : STOP Positif Curage axillaire Histologie complète Mastectomie Si taille >ou si composante intracanalaire étendue (>2,5 cm) N – bon pronostic N + ou facteurs de mauvais pronostic Chimiothérapie Radiothérapie Ménopausée Non ménopausée Hormonothérapie d'autant que récepteurs + / tamoxifène / 5 ans Rien Si facteurs pronostiques très défavorables Castration Hormonothérapie Stratégie thérapeutique : forme typique - tumeur < 3 cm 794 L A R E V UE DU P R AT I CI E N ( P a r i s ) 1 9 9 8 , 4 8 CANCE R S DU S E I N • Malgré l’amélioration de la prise en charge diagnostique et thérapeutique, le cancer du sein reste une maladie grave dont le pronostic a peu évolué en 30 ans : 65 % de survie à 5 ans et 50 % à 10 ans. • Un dépistage systématique des lésions au stade infraclinique est souhaitable afin de traiter les patientes avant la dissémination métastatique. • Une vérification histologique de tout nodule clinique et (ou) d’anomalie radiologique est indispensable. • La forme histologique la plus fréquente est l’adénocarcinome canalaire infiltrant. • Le cancer du sein est hormonodépendant (intérêt dans la recherche des facteurs de risque et du traitement). • Le traitement en équipe pluridisciplinaire associe un traitement locorégional (chirurgie et radiothérapie) et un traitement général [chimiothérapie et (ou) hormonothérapie] visant à éviter ou à retarder l’apparition des métastases. Points Forts à retenir POUR APPROFONDIR 1 / Cancer du sein et groupes à risque Groupe à haut risque (RR > 4) • Antécédent personnel de cancer du sein • Antécédent personnel d’hyperplasie atypique • Syndrome de prédisposition familiale au cancer du sein • Antécédent familial de cancer du sein bilatéral et (ou) préménopausique ambigüe, parfois toujours bénigne, parfois récidivante sur le plan local, exceptionnellement métastatique. La récidive locale est le plus souvent la règle, essentiellement fonction de l’étendue de l’exérèse chirurgicale initiale, mais aussi du grade histologique de la tumeur. Le traitement est chi- rurgical, soit tumorectomie large, soit mammectomie dans les tumeurs de très grande taille. Surveillance L’examen clinique rigoureux, la mammographie et le dosage du CA 15-3 constituent les trois éléments de base de la surveillance du cancer du sein traité. Pour de nom- breuses équipes les autres examens ne sont prescrits qu’en présence de signes d’appels cliniques ou biologiques. Il faut aussi nuancer cette surveillance en fonction de la sévé- rité du pronostic. Enfin, pour certains, radiographie pul- monaire, échographie abdominale et scintigraphie osseuse sont pratiquées systématiquement. Quelle que soit la prise en charge thérapeutique, la sur- veillance doit être poursuivie à vie. Le rythme de la surveillance est adapté en fonction des élé- ments pronostiques initiaux : – en cas de pronostic péjoratif, on pratique un examen cli- nique tous les 4 mois pendant 2 ans, tous les 6 mois pen- dant 3 ans, puis 1 fois par an ; – dans les autres cas, la surveillance clinique a lieu tous les 6 mois pendant 2 ans, puis 1 fois par an ; – dans tous les cas, une mammographie est pratiquée tous les ans ; quant au CA 15-3, il n’existe pas de consensus sur la périodicité de sa surveillance (1 à 3 fois par an selon le pronostic et le délai écoulé depuis le traitement) 1 . Par ailleurs, la prescription de tamoxifène doit faire prati- quer une surveillance spécifique, en particulier gynécolo- gique annuelle avec échographie pelvienne endovaginale (vérification de l’endomètre) et hystéroscopie en cas d’ano- malie, notamment des métrorragies 2 . Au point de vue thérapeutique, les traitements hormonaux œstroprogestatifs restent classiquement contre-indiqués. Il n’existe pas d’attitude consensuelle sur le délai entre trai- tement d’un cancer du sein et survenue d’une grossesse, on admet que la grossesse n’aggrave pas le risque de rechute locale ou métastatique. Il paraît raisonnable d’at- tendre que la probabilité de ce risque devienne plus faible, c’est-à-dire en moyenne 3 à 5 ans (et ce pour des formes de bon pronostic). Le dépistage chez les descendantes et les collatérales est utile avec conseil génétique, en cas de suspicion de forme familiale. I Pev + Pev – Histologie / TC* Chimiothérapie Traitement conservateur privilégié dans la stratégie histologie / TC* Chimiothérapie Régression taille Taille reste >3 cm Quadrantectomie +curage II I Mastectomie +curage ± Complément chimiothérapie Radiothérapie Chimiothérapie Hormonothérapie soit adjuvante (I) soit 2 e ligne si échec néoadjuvante (II) (castration si non ménopausée) tamoxifène * Histologie / TC : histolgoie par tru cut 1. Pour de nombreux auteurs ce bilan est également biologique : NFS, VS, transaminases, phosphatases. 2. Surveillance également des traitements utilisés en particulier chi- miothérapie Stratégie thérapeutique : forme avec lésion > 3 cm 795 L A R E V UE DU P R AT I CI E N ( P a r i s ) 1 9 9 8 , 4 8 Gynécologie - Obstétrique Groupe à risque modéré (RR 2 à 4) • Antécédent familial de cancer du sein unilatéral postménopausique • Première grossesse tardive ou nulliparité • Obésité postménopausique • Antécédent personnel de cancer de l’ovaire ou de l’endomètre • Mastopathie proliférative bénigne • Antécédent d’irradition Groupe à risque faible (RR 1 à 2) • Consommation d’alcool • Premières règles avant 12 ans • Traitement hormonal substitutif après un certain délai d’utilisation ? • Contraceptifs oraux ? • Niveau socio-économique élevé • Facteurs alimentaires 2 / Histoire naturelle du cancer • Maladie locale Il y a passage du stade d’hyperplasie simple à celui d’hyperplasie aty- pique, puis carcinome in situ et enfin carcinome invasif par rupture de la membrane basale et invasion du tissu conjonctif sous-jacent. Cette « séquence » n’est pas toujours retrouvée et ne semple pas obligatoire. Le temps de doublement de la tumeur est d’environ 3 mois, et il faut entre 6 et 12 ans pour qu’une tumeur atteigne un volume décelable. La bilatéralisation (10 %) est soit présente d’emblée (délai d’apparition entre les deux tumeurs inférieur à 24 mois), soit successivement. • Maladie régionale L’envahissement ganglionnaire est un reflet du potentiel métastatique de la tumeur, ce qui lui confère un important caractère pronostique. Il est fonction du siège de la tumeur : axillaire pour les tumeurs externes, de bas en haut avec atteinte successive des trois étages puis vers le creux sus- claviculaire ; mammaire interne et axillaire pour les tumeurs centrales ou internes . • Maladie générale La précocité des métastases, souvent à un stade infraclinique, témoigne du caractère généralisé du cancer du sein (emboles lymphatiques et vas- culaires), et du peu d’influence du traitement locorégional sur le taux de survie de certaines formes. Ces éléments rendent compte de l’intérêt de la chimiothérapie associée au traitement locorégional en cas de facteurs de mauvais pronostic. Les sites métastatiques les plus fréquents et par ordre décroissant sont : le foie, l’os, les poumons et la plèvre, les glandes surrénales, la peau et le cerveau. 3 / Examen clinique Il doit être minutieux, bilatéral et comparatif, femme nue jusqu’à la cein- ture, les bras levés puis le long du corps, patiente assise puis couchée, à jour frisant. Il est ensuite consigné sur un schéma daté précisant le siège et les mensurations de la tumeur (avec éventuellement des photographies). • L’inspection est réalisée avec un bon éclairage, en modifiant les angles de vue. • La palpation est effectuée main à plat, plaquant le sein contre le gril costal et à bout de doigts à deux mains. L’exploration se fait quadrant par quadrant, sans oublier le prolongement axillaire. La recherche d’un écou- lement mamelonnaire est systématique. Enfin, la palpation des aires gan- glionnaires de façon bilatérale doit être un reflexe lors de tout examen des seins : chaîne axillaire (doigts en crochet dans le creux axillaire et le long de la paroi thoracique) et chaîne sus-claviculaire. La négativité de la recherche clinique d’envahissement ganglionnaire n’élimine pas le diagnostic de cancer ou d’envahissement histologique. 4 / Références médicales opposables (RMO) en imagerie mammaire La RMO : thème n° XXII concerne l’imagerie mammaire. L’intitulé de ce thème est le suivant : Mammographies dans le dépistage individuel du cancer du sein 1. Il n’y a pas lieu, lors du dépistage individuel concernant les femmes asymptomatiques dont l’examen clinique est normal, sans pathologie bénigne du sein connue et suivie, en l’absence d’orientation fournie par la mammographie, d’associer à celle-ci une échographie systématique. 2. Il n’y a pas lieu, chez une patiente asymptomatique, même si elle pré- sente des facteurs de risque de cancer de sein, de répéter une mammo- graphie qui s’est révélée normale, plus d’une fois l’an. Il faut signaler à l’aide de la lettre R les actes et prescriptions pour toute situation où un médecin demande ou pratique une mammographie et (ou) une échographie mammaire. Le médecin prescripteur et le radiologue sont tous deux responsable de la RMO et doivent tous deux la signaler. Si le contexte clinique le justifie, on peut toutefois pratiquer une mam- mographie, même en présence d’un bilan d’imagerie considéré comme normal et datant de moins d’un an. La réalisation d’un bilan radiologique de contrôle 4 à 6 mois après la découverte d’une image douteuse, afin de vérifier sa stabilité n’entre pas dans le cadre de la RMO. De même si le radiologue; au vu de la mam- mographie, juge qu’une échographie est nécessaire à l’établissement d’un diagnostic, il ne doit pas hésiter à la réaliser. 5 / Classification histopronostique de Scarff Bloom et Richardson (SBR) Elle est fondée sur le degré de différenciation de la tumeur, l’anisonu- cléose et l’activité mitotique, chacun coté de 1 à 3 ; l’addition de ces cotes aboutit à un total de 3 à 9 permettant de classer la tumeur dans trois grades, I (total de 3, 4, 5), II (total de 6 ou 7), et III (total de 8 ou 9) de pronos- tic de plus en plus défavorable. 6 / Classification clinique des signes évolutifs locaux PeV0 : absence de signe inflammatoire PeV1 : doublement du volume tumoral en moins de 6 mois PeV2 : signes inflammatoires en regard de la tumeur et affectant moins du tiers de la peau du sein PeV3 : signes inflammatoires étendus à tout le sein (mastite carcinoma- teuse). 7 / Classification TNM-UICC (Union Internationale Contre le Cancer) Elle recueille cliniquement les informations concernant la taille de la tumeur, les adénopathies satellites, l’existence de métastases. • Tumeur : T Tx : détermination de la tumeur primitive impossible T0 : tumeur cliniquement imperceptible Tis : présence de carcinome in situ ou de maladie de Paget sans tumeur décelable T1 : tumeur inférieure à 20 mm T1a : moins de 5 mm T1b : de 5 à 10 mm T1c : de 11 à 20 mm T2 : tumeur de 20 à 50 mm T3 : tumeur supérieure à 50 mm T4 : tumeur mammaire quelle qu’en soit la taille avec : T4a : extension à la paroi thoracique T4b : extension à la peau T4c : extension à la paroi et à la peau T4d : tumeur inflammatoire • Atteinte ganglionnaire : N Nx : appréciation ganglionnaire impossible N0 : pas d’adénopathie perceptible cliniquement N1 : présence d’une ou plusieurs adénopathies axillaires homolatérales mobiles N1a : présumées non atteintes N1b : présumées atteintes N2 : adénopathies axillaires homolatérales fixées entre elles ou à d’autres structures N3 : atteinte mammaire interne homolatérale • Atteinte métastatique : M Mx : détermination impossible de l’extension métastatique M0 : absence de métastase M1 : présence d’une métastase ou d’une adénopathie sus-claviculaire 796 L A R E V UE DU P R AT I CI E N ( P a r i s ) 1 9 9 8 , 4 8 CANCE R S DU S E I N Contesso G, Bertin F, Mathieu MC, Terrier P. Anatomie patho- logique des cancers mammaires - Éditions techniques - Encycl Med Chir (Paris-France), Gynécologie, 865 B10, 1991, 17 p. Espie M, Gorins A. Le sein. Paris : Eska, 1995. Merviel P, Antoine M, Seror JY, Richaud S, Uzan S. Stratégie dia- gnostique et thérapeutique à l’égard des microcalcifications mam- maires - Encycl Med Chir (Paris-France), Gynécologie, 810 G35, 1995, 4 p. Rouesse J, Martin PM, Contesso G. Le praticien face au cancer du sein. Paris : Arnette, 1997. Saglier J, Antoine EC. Cancer du sein : questions et réponses au quotidien. Paris : Abrégés Masson, 1996. Uzan S, Merviel P, Seror JY et al. Place des microbiopsies dans la stratégie diagnostique et thérapeutique à l’égard des microcalci- fications mammaires - In XI° JTA, Fort-de-France, 11-18 janvier 1996. Paris : AGPA, 1996 : 283-90. Cancer du sein (Monographie) Rev Prat (Paris) 1998 ; 48 : 19-78. POUR EN SAVOIR PLUS 8 / Classification en stades Elle regroupe les patientes en fonction du TNM. Stade 0 Tis N0 M0 Stade 1 T1 N0 M0 Stade IIA T0 N1 M0 T1 N1 M0 T2 N0 M0 Stade IIB T2 N1 M0 T3 N0 M0 Stade IIIA T0 N2 M0 T1 N2 M0 T2 N2 M0 T3 N1, N2 M0 Stade IIIB T4 tous N M0 tous T N3 M0 Stade IV tous T tous N Gynécologie - Obstétrique B 155 451 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 2 0 0 0 , 5 0 • Innocuité : la méthode contraceptive ne doit pas exposer une femme à des risques à court et long termes, supérieurs aux bénéfices attendus. Les incidents doivent être tolérables et peu fréquents. La méthode doit être réversible, sans inconvénient sur la fécondité et sur la descendance. • Acceptabilité : la méthode contraceptive doit être simple d’utilisation, bien acceptée pour que l’observance soit bonne. Il est donc indispensable d’établir la pres- cription en fonction des valeurs morales, religieuses, de la sexualité, du profil psychologique et du niveau de compréhension. • Coût : le coût doit être acceptable pour l’individu et la collectivité. Contraception hormonale : les œstroprogestatifs La pilule œstroprogestative est la méthode contraceptive la plus utilisée (environ 50 % en France) [voir : Pour approfondir 1]. Modes d’action L’efficacité contraceptive des pilules combinées est assurée par 3 verrous principaux: – le blocage de l’ovulation est contrôlé par l’effet anti- gonadotrope du progestatif essentiellement et dans une moindre mesure de l’éthynil-estradiol (EE) ; la prise hormonale exogène assure donc un rétrocontrôle négatif sur l’hypothalamus (diminution des libérations de LH-RH), l’hypophyse (diminution des sécrétions de FSH (follicule stimulating hormone) et LH (luteinizing hormone) avec disparition des pics préovulatoires) et, enfin, l’ovaire (absence de maturation folliculaire) ; – l’atrophie endométriale rend l’endomètre impropre à toute nidation; – la modification du mucus cervical rend la glaire cervicale inapte à l’ascension des spermatozoïdes dans le canal cervical par des modifications biochimiques dues au progestatif ; il s’appauvrit en acide sialique et devient visqueux et épais. Un quatrième effet, de moindre importance, est le ralen- tissement de la motilité tubaire. Les pilules séquentielles agissent par l’intermédiaire du blocage de l’ovulation, l’action sur la glaire cervicale et l’endomètre étant moins intense. La contraception est l’ensemble des méthodes destinées à la prévention de la grossesse. Elle concerne près de deux tiers des femmes en France. La contraception doit être temporaire et réversible par opposition à la stérilisa- tion définitive et irréversible. Elle doit être bien tolérée, sans risques majeurs, et peu coûteuse. Elle peut s’appliquer à chaque rapport sexuel (préservatifs), à une période du cycle (abstinence périodique) ou de façon permanente (pilule œstroprogestative et DIU pour dispositif intra-utérin). Critères d’une contraception satisfaisante La contraception doit répondre à 4 critères. • Efficacité : elle est exprimée par l’indice de Pearl (nombre de grossesses survenues chez 100 femmes exposées pendant 12 cycles) : R = nombre de grossesses x 100 x 12/nombre total de mois d’exposition. L’indice de Pearl est exprimé en pourcentage années/femme (% AF). L’efficacité peut également être exprimée en taux actuariel ou en pourcentage de grossesses par rapport aux cycles d’exposition. Contraception Méthodes,contre-indications,surveillance PR Patrice LOPES 1 , DR Antoine MENSIER 2 1.Service de gynécologie et médecine de la reproduction,hôpital Femme-Enfant.CHU de Nantes,44093 Nantes Cedex. 2.Clinique Notre-Dame-de-Grâce,44000 Nantes. • L’efficacité d’une contraception s’évalue par l’indice de Pearl qui est le nombre de grossesses observées pour 100 femmes prenant cette contraception pendant un an. • Les différentes méthodes contraceptives : naturelle, barrière, hormonale, mécanique, permettent de personnaliser la contraception à chaque couple. Chaque méthode comprend des risques et des bénéfices dont il faut effectuer la balance pour chaque couple. • Il faut savoir différencier pour la contraception hormonale les œstroprogestatifs combinés (mono-, bi- ou triphasique) aux œstroprogestatifs séquentiels. • En France, le terme micropilule s’adresse aux pilules progestatives pures microdosées. Points Forts à comprendre Efficacité La pilule œstroprogestative est la contraception la plus efficace. L’indice de Pearl est voisin de 0,15 à 0,45 % année/femme quelle que soit la composition normo- ou minidosée des pilules. Pour les pilules séquentielles, l’indice de Pearl est de 0,4 à 0,7 % années/femme. Le début et la régularité de la prise de la pilule œstropro- gestative sont essentiels. En cas d’oubli de moins de 12 h, il faut prendre le comprimé dès le constat de l’oubli pour les pilules normo- ou microdosées et continuer la plaquette. Il n’est pas utile, ni souhaitable (risque de grossesse) de faire un arrêt de quelques mois tous les 2 ou 3 ans. L’autorisation des parents n’est pas nécessaire pour une mineure et la prescription est gratuite dans les centres de planning familial. Prescription Elle est précédée d’un examen clinique avec recueil des antécédents en particulier cardiovasculaires et thrombo- emboliques familiaux. En l’absence de facteurs de risque, il n’est pas utile de demander des examens com- plémentaires. L’ordonnance doit être claire : première prise du comprimé le 1 er ou 2 e j du cycle avec un arrêt de 7 j entre 2 plaquettes. Les pilules de dernière génération (Mélodia, Minesse) ont une période sans pilule de 4 j seulement (4 comprimés placebo). La réduction de la période sans pilule permet de réduire l’élévation du taux de FSH et d’empêcher la croissance folliculaire (tableau I). En cas d’oubli de plus de 12 h, il faut tenir compte de la semaine de prise de pilule : CONT R ACE P T I ON 452 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 2 0 0 0 , 5 0 Éthynil-estradiol (µg) Progestatif Jours Pilules combinées Normodosées monophasiques ❑ Gynovlane* 50 2 mg a. de noréthistérone 21 ❑ Milli Anovlar* 50 1 mg a. de noréthistérone 21 ❑ Planor 50 2 mg norgestriénone 21 ❑ Stédiril* 50 0,5 mg norgestrel 21 Normodosées biphasiques ❑ Gynophase* 50 1/2 mg a. de noréthistérone 11/10 Minidosées monophasiques ❑ Diane 35 (hors AMM) 35 2 mg a. cyprotérone 21 ❑ Ortho-Novum 35 1 mg noréthistérone 21 ❑ Minidril* 30 0,150 mg lévonorgestrel 21 ❑ Trentovlane* 30 1 mg a. de noréthistérone 21 ❑ Cilest 30 0,250 mg norgestimate 21 ❑ Cycléane 30 30 0,150 mg désogestrel 21 ❑ Effiprev 30 0,250 mg norgestimate 21 ❑ Minulet 30 0,075 mg gestodène 21 ❑ Moneva 30 0,075 mg gestodène 21 ❑ Varnoline 30 0,150 mg désogestrel 21 ❑ Cycléane 20 20 0,150 mg désogestrel 21 ❑ Harmonet 20 0,075 mg gestodène 21 ❑ Méliane 20 0,075 mg gestodène 21 ❑ Mercilon 20 0,150 mg désogestrel 21 ❑ Mélodia 15 0,060 mg gestodène 24 (4 cp ❑ Minesse 15 0,060 mg gestodène placebo) Minidosées biphasiques ❑ Adépal* 30/40 0,150/0,200 lévonorgestrel 7/14 ❑ Miniphase* 30/40 1/2 mg a. de noréthistérone 11/10 Minidosées triphasiques ❑ Phaeva ❑ Tri-Minulet 30/40/30 0,05/0,07/0,1 mg gestodène 6/5/10 ❑ Triella* 35/35/35 0,5/0,75/1 mg noréthistérone 7/7/7 ❑ Trinordiol* 30/40/30 0,05/0,075/0,125mg lévonorgestrel 6/5/10 Pilules séquentielles ❑ Ovanon 50/50 0/2,5 mg lynestrol 7/15 ❑ Physiostat 50/50 0/1 mg lynestrénol 7/15 L'astérisque désigne le remboursement Sécurité sociale. Pilules disponibles en France (dictionnaire Vidal) TABLEAU I Indications Le choix de la pilule œstroprogestative se fait plus parti- culièrement chez la femme qui, en plus de l’efficacité contraceptive, peut bénéficier de certains avantages médicaux de la pilule : pathologie fonctionnelle de la femme jeune (troubles du cycle, algoménorrhée), acné, séborrhée, ou excès de pilosité. Contre-indications Elles sont détectées par l’interrogatoire et l’examen clinique lors de la consultation préthérapeutique (tableau II). – au cours de la 1 re semaine, il faut prendre la dernière pilule oubliée, jeter les précédentes, continuer la plaquette et associer une contraception par préservatif pendant 7 j ; – au cours de la 2 e semaine, il faut prendre la dernière pilule oubliée, jeter les précédentes, continuer la pla- quette et associer une contraception par préservatif pendant 7 j si l’oubli concerne plus de 2 pilules ; – au cours de la 3 e semaine, il faut prendre la dernière pilule oubliée, jeter les précédentes, continuer la pla- quette et enchaîner sur une nouvelle plaquette sans intervalle libre. Si l’oubli concerne plus de 3 pilules, des hémorragies de privation surviennent habituelle- ment et l’on recommande d’attendre un intervalle de 5 à 7 j pour reprendre la plaquette suivante. Surveillance La 1 re consultation est faite 3 à 6 mois après la prescrip- tion, puis tous les 6 à 12 mois selon les patientes. L’interrogatoire apprécie la tolérance du contraceptif oral et l’examen clinique doit comporter au minimum un examen gynécologique complet avec frottis cervical utérin, une palpation du foie et une prise de la tension artérielle et du poids. Le bilan biologique de contrôle peut comporter une glycémie à jeun, une cholestérolémie totale et une triglycéridémie. Effets secondaires 1. Effets sur l’hémostase Ils vont dans le sens d’une hypercoagulabilité par action de l’éthynil-estradiol. On estime que l’incidence des accidents thrombo-emboliques est de l’ordre de 4/100 000 chez les non-utilisatrices d’œstroprogestatif, 10/100 000 pour les pilules contenant du lévonorgestrel, 21/100 000 pour les pilules contenant du désogestrel et du gestodène, 60/100 000 chez la femme enceinte. 2. Effets métaboliques Les effets sur le métabolisme glucidique sont dus à l’éthynil-estradiol, mais aussi à l’activité androgénique de certains progestatifs. Ils vont dans le sens d’une diminution de la tolérance au glucose et d’une élévation des insulinémies. Les effets sur le métabolisme lipidique de l’éthynil- estradiol entraînent une augmentation de tous les para- mètres lipidiques (triglycérides, cholestérol total, HDL (high density lipoproteins), LDL (low density lipopro- teins), VLDL (very low density lipoproteins) avec un rapport cholestérol total/HDL conservé). Cette augmen- tation est proportionnelle à la dose d’éthynil-estradiol. 3. Effets tensionnels Il existe une stimulation du système rénine-angiotensine par le biais d’une augmentation de la synthèse hépatique de l’angiotensinogène. On observe une hypertension artérielle sous pilule chez 5% des utilisatrices. L’éthynil- estradiol est le principal responsable mais le progestatif semble jouer lui aussi un rôle. Gynécologie - Obstétrique 453 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 2 0 0 0 , 5 0 Absolues ❑ Grossesse et allaitement ❑ Antécédents thrombo-emboliques artériels ou veineux ❑ Hypertension artérielle, coronaropathie, valvulopathie ❑ Atteintes cérébro-vasculaires ❑ Pathologies oculaires d’origine vasculaire, glaucome ❑ Tumeurs malignes du sein et de l’utérus ❑ Affections hépatiques sévères ou récentes ❑ Troubles enzymatiques congénitaux (Dubin-Johnson, Rotor) ❑ Tumeurs hypophysaires ❑ Hémorragies génitales non diagnostiquées ❑ Connectivites, porphyries, otosclérose Relatives ❑ Tabac ❑ Diabète, hyperlipidémie, obésité ❑ Varices ❑ Interventions chirurgicales et alitement prolongé ❑ Tumeurs mammaires bénignes ❑ Hyperplasie et fibrome utérin ❑ Galactorrhée avec ou sans augmentation de la prolactine ❑ Insuffisance rénale ❑ Cholestase et prurit gravidique ❑ Prise simultanée d’inducteur enzymatique barbiturique, rifampicine, hydantoïne…) Risques 1. Risques d’échec Ils sont surtout observés chez les femmes qui oublient la prise régulière, et en cas de prise simultanée de traitement inducteur enzymatique hépatique (anti- convulsivants, barbituriques, tranquillisants). Contre-indications aux œstroprogestatifs TABLEAU II 2. Risques majeurs • Accidents thrombo-emboliques veineux : le risque relatif de complications mortelles est multiplié par 3 à 5. La thrombose peut survenir sur n’importe quel territoire vasculaire par action de l'éthinyl-estradiol ou du proges- tatif sur l’hémostase. • Accidents artériels : le risque relatif est de 3 à 4 pour les accidents coronaires, et de 4 à 9 pour les accidents vasculaires cérébraux. L’éthynil-estradiol et les proges- tatifs en sont responsables mais leurs fréquences sont considérablement aggravées par les facteurs de risques classiques des maladies vasculaires (tabac, dyslipidémie, hypertension artérielle, diabète, obésité et âge). Le risque d’accident neurologique grave est estimé à 15 pour 100 000 utilisatrices. Il est probable que ces risques diminueront avec l’utilisation de produits faiblement dosés. Le tabac est responsable d’une mortalité 7 fois plus élevée des patientes fumeuses sous pilule. • Risques hépatiques : les œstroprogestatifs sont responsables d’ictère cholestatique (1/10 000), d’une augmentation de la fréquence (x 30) de certaines tumeurs hépatiques (adénome du foie, hyperplasie nodulaire focale et certains hépatocarcinomes), d’une augmentation de la lithiase biliaire cholestérolique (x 2) et de complications vasculaires hépatiques (syndrome de Budd-Chiari x 2, 5). L’éthynil-estradiol serait à l’origine de ces complications. • Risques tumoraux : la prise d’œstroprogestatifs aug- mente de 25% environ l’incidence du cancer du sein. Ce risque est augmenté lorsque la prise a débuté avant l’âge de 20 ans. Le risque disparaît 10 ans après l’arrêt de la pilule. Les œstroprogestatifs séquentiels risquent d’en- traîner une hyperplasie endométriale s’ils sont donnés durant une longue période. La pilule œstroprogestative réduit significativement le risque du cancer de l’ovaire. • Accidents oculaires : ce sont essentiellement des occlusions artério-veineuses et des neuropathies optiques rétrobulbaires. 3. Risques mineurs Certains symptômes doivent faire interrompre ce mode de contraception: apparition de céphalées ou de migraines, vertiges, modification de la vision ou exacerbation d’une comitialité. Il en est de même pour l’augmentation de volume ou une nécrobiose d’un fibrome. D’autres peuvent céder en modifiant la nature de l’œstro- progestatif : nausées, augmentation du poids, tension mammaire, irritabilité, dépression, chloasma, jambes lourdes, acné, séborrhée, hypertrichose, saignements intermenstruels, oligoménorrhée, aménorrhée, modifi- cation de la libido, candidose vaginale et irritation ocu- laire par des lentilles de contact. Bénéfices Ils sont nombreux : – diminution du risque de cancer de l’ovaire ; – diminution du risque de cancer de l’endomètre ; – diminution du risque de salpingite ; – prévention de la grossesse extra-utérine ; – prévention de la carence martiale ; – régularisation des cycles menstruels ; – diminution des risques de kyste fonctionnel de l’ovaire ; – amélioration de l’algoménorrhée ; – diminution du risque de mastopathie bénigne ; – prévention de l’ostéoporose ; – réduction du risque de fibromes utérins et de polypes endométriaux. Contraception hormonale : les progestatifs Modes d’action Différents types de progestatifs sont utilisés (voir : Pour approfondir 2). Les progestatifs normodosés et injec- tables agissent par leurs propriétés antigonadotropes bloquant l’axe hypothalamo-hypophysaire, leurs effets atrophiants sur l’endomètre et par modification de la glaire cervicale. L’indice de Pearl est de 0,5% année/femme pour la voie orale et de 0,5 à 1% pour la voie injectable. Les microprogestatifs agissent essentiellement par modification de la glaire, un effet atrophiant endométrial variable et dans environ 50 % des cas une inhibition de l’ovulation. L’indice de Pearl est de 1 à 1,6% année/femme. Effets secondaires Les effets secondaires des progestatifs normodosés s’observent particulièrement avec les norstéroïdes qui diminuent la fraction HDL du cholestérol et sont à l’origine de perturbations du métabolisme des hydrates de carbone. Par ailleurs, on peut observer tous les effets secondaires de produits androgéniques en particulier vasculaires et virilisants. Les progestatifs de 3 e génération comme les 19-norprogestérone seraient dépourvus de ces effets. L’endomètre peut être le siège d’une dysmaturation source de saignements intermenstruels voire d’une atro- phie avec aménorrhée secondaire. Avec les microprogestatifs, un état d’hyperœstrogénie relative par conservation des sécrétions basales de FSH et de LH est observé avec, pour conséquences, des dystrophies ovariennes, mammaires et des irrégularités menstruelles. Ce type de produit augmenterait la fréquence des grossesses extra-utérines. En cas d’oubli d’un comprimé, prescription 28 j sur 28, il est nécessaire d’assurer la contraception par une méthode locale sup- plémentaire. Indications Toute demande de contraception orale d’une patiente ayant des contre-indications à l’éthynil-estradiol peut conduire à la prescription de progestatifs (en tenant CONT R ACE P T I ON 454 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 2 0 0 0 , 5 0 Description Plusieurs types de dispositifs intra-utérins sont disponibles (tableaux IV et V). Les dispositifs intra-utérins inertes sont apparus vers le début des années 1960, constitués de polyéthylène. Ils ne sont plus commercialisés en France mais encore largement distribués dans les pays en voie de développe- ment. Les dispositifs intra-utérins bio-actifs contiennent des substances bio-actives telles que le cuivre ou cuivre- argent ou de la progestérone. L’adjonction de ces pro- duits a permis de diminuer la taille des dispositifs intra- utérins, d’augmenter leur efficacité et parfois d’élargir leurs indications (progestérone, lévonogestrel). Modes d’action Ils assurent la contraception au niveau endométrial par : – un traumatisme direct de l’endomètre avec présence d’un corps étranger ; – l’existence d’une réaction inflammatoire non spéci- fique et par une modification de la perméabilité vascu- laire locale. Une des conséquences de cette réaction inflammatoire serait le retard de quelques jours de la compte des effets métaboliques délétères de certains progestatifs). Nous réservons cette prescription, en dehors de cas particuliers, aux patientes qui présentent une pathologie gynécologique nécessitant l’emploi d’un progestatif (tableau III). La contraception microprogestative est à réserver aux femmes ayant une contre-indication à toute prise hormonale à dosage classique (haut risque vasculaire) et au stérilet. C’est une méthode acceptable dans le post- partum. Contre-indications L’emploi des progestatifs est limité par des antécédents thrombo-emboliques et une altération grave de la fonction hépatique. Il n’y a aucune contre-indication théorique à l’emploi des microprogestatifs. Contraception par dispositif intra-utérin Le dispositif intra-utérin représente la 2 e méthode de contraception en France (environ 20 %). L’indice de Pearl est de 1% année/femme. Gynécologie - Obstétrique 455 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 2 0 0 0 , 5 0 Spécialité Nomenclature Dosage Prescription Progestatifs normodosés ❑ Lutényl* a. de nomégestrol 5 mg/cp 1 cp de J5 à J25 ❑ Surgestone* promégestone 0,5 mg/cp 1 cp de J5à J25 ❑ Lutéran 5* a. de chlormadinone 5 mg/cp 1cp matin et soir 21 j sur 28 ❑ Lutométrodiol* diacétate d’éthynodiol 2 mg/cp 2 cp par jour en continu ❑ Norluten* noréthistérone 5 mg/cp 2 cp de J5 à J25 ❑ Orgamétril* lynestrénol 5 mg/cp 2 cp de J5 à J25 ❑ Primolut-Nor* noréthystérone 10 mg/cp 1 cp de J5 à J25 Microprogestatifs ❑ Exluton lynestrénol 500 µg/cp en continu ❑ Microval* L-norgestrel 30 µg/cp en continu ❑ Milligynon a. de noréthistérone 600 µg/cp en continu ❑ Ogyline norgestriénone 350 µg/cp en continu Progestatifs injectables ❑ Dépo-Provera* médroxyprogestérone 150 mg/amp 1 injection intramusculaire tous les 3 mois ❑ Noristérat* noréthistérone 200 mg/amp 1 injection intramusculaire tous les 3 mois Seuls les microprogestatifs,le Primolut-Nor et les solutions injectables (sauf la Dépo-Prodasone) ont l’indication contraception,la responsabilité revient donc au médecin prescripteur.DictionnaireVidal 1999.L'astérisque désigne le remboursement Sécurité sociale. Principaux progestatifs pouvant être utilisés comme contraceptifs TABLEAU III maturation endométriale. Tous ces effets sont majorés par l’adjonction de cuivre qui pourrait avoir une action cytotoxique sur les spermatozoïdes et sur le blastocyste. Par ailleurs, il a été décrit une augmentation de la contractilité du myomètre et une modification de la motilité, du milieu et de l’épithélium tubaire. Outre ces actions, le dispositif intra-utérin à la proges- térone possède d’autres propriétés contraceptives : une modification du mucus cervical qui le rend impropre au passage des spermatozoïdes ; une modification endométriale avec réaction pseudo-déciduale et atro- phie glandulaire rendant l’endomètre non fonctionnel ; une diminution importante du nombre de cellules ciliées. La contraception par le dispositif intra-utérin est donc assurée par un effet anticonceptionnel direct mais aussi par un effet antinidatoire complémentaire. Le dispositif intra-utérin au lévonorgestrel (Mirena) s’accompagne d’un passage du progestatif par voie systémique, mais les actions métaboliques sont limitées. Indications et contre-indications Les indications sont : – toute femme ayant eu un ou plusieurs enfants et ne désirant pas de contraception par œstroprogestatif ou ayant une contre-indication à une prise hormonale ; – un état psychiatrique ne permettant pas l’observance d’une prise de contraception orale ; – enfin, c’est une possibilité thérapeutique après cure chirurgicale de synéchie utérine. Le dispositif intra-utérin au lévonorgestrel est particuliè- rement indiqué chez les femmes ayant des ménorragies fonctionnelles. Les contre-indications figurent dans le tableau VI. Pose Il est conseillé de poser le dispositif intra-utérin en fin de règles ou en période préovulatoire. Dans le post- partum, la pose un mois après l’accouchement est plus facile et ne s’accompagne pas d’expulsion plus fréquente. CONT R ACE P T I ON 456 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 2 0 0 0 , 5 0 Nom Structure Durée Taille Remboursement Sécurité sociale (% TIPS) Mirena Réservoir 52 mg de lévonogestrel (20 µg/j) 5 ans Unique 65 % Progestasert Réservoir de 38 mg de progestérone naturelle 18 mois Unique NR Dispositifs intra-utérins libérant un progestatif TABLEAU IV Nom Structure Durée Taille Remboursement Sécurité sociale (% TIPS) Gynefix 330 mm2 de Cu Polypropylène + Nœud d’ancrage 5ans Unique NR Gynelle Cadre polyéthylène, nylon monobrin Unique 65 208 mm2 275 375 mm2 2-4 ans 375 4 ans Gyne T Cadre polyéthylène 200 2-4 ans Unique 65 380 10 ans MLCu Polyéthylène, fil nylon Standard 65 250 250 mm2 3 ans Mini 375 375 mm2 5 ans Short Nova T Polyéthylène, fil nylon 4 ans 200 mm2 Unique 65 Sertalia Polyéthylène, fil polypropylène 5 ans Unique 65 UT 380 Polyéthylène 3-5 ans Standard 380 mm2 Short 65 Dispositifs intra-utérins au cuivre TABLEAU V Risques au cours de la pose • Hystérométrie impossible : il faut essayer à une autre période du cycle ou envisager une insertion sous anesthésie. • Malaise vagal : l’injection de 2 ampoules de 0,25 mg de sulfate d’atropine par voie sous-cutanée doit résoudre très rapidement le problème, l’indication d’un transfert en milieu hospitalier étant rapidement posée dès l’appa- rition de signes de choc. • Perforation utérine (1,2 pour 1 000 insertions) : elle peut être évidente dès la pose (douleurs importantes, métrorragies) mais aussi silencieuse et de découverte retardée. En cas de doute, un contrôle échographique ou le transfert en milieu spécialisé s’impose. Risques tardifs • Saignements : ils sont l’inconvénient le plus fréquent des dispositifs intra-utérins (15 % des patientes) et sont la cause de retrait. Il peut s’agir de ménorragies (hyper- ménorrhée et macroménorrhée) et métrorragies, qu’elles soient pré- ou post-menstruelles, de milieu de cycle ou, enfin, post-coïtales. L’apparition de métrorragies doit faire évoquer en premier une grossesse intra- ou extra- utérine, une infection génitale ou une perforation utérine secondaire. Une fois ces diagnostics éliminés, un bilan étiologique sera effectué, analogue au bilan de métrorragies classique visant avant tout à rechercher une néoplasie génitale passée jusqu’alors inaperçue. Si ce bilan est négatif, l’utilisation d’acide aminocaproïque (Hémocaprol) ou d’acide tranexamique (Exacyl) peut être tentée, avant d’envisager le retrait du dispositif. • Douleurs : ce sont essentiellement des dysménorrhées, toute autre douleur devant avant tout faire évoquer une autre complication. Il est préférable de ne pas utiliser d’anti-inflammatoire pour traiter ces algies. • Perforations utérines secondaires : suspectées sur la disparition des fils, elles sont affirmées sur l’échographie et surtout un cliché abdominal qui localise le dispositif intra-utérin. Il est alors nécessaire d’effectuer une cœlio- scopie voire une laparotomie pour le récupérer. • Complications infectieuses : le risque infectieux pel- vien est multiplié par 3 par rapport aux non-utilisatrices. Le mode de révélation peut être un tableau aigu (endo- métrite, salpingite, pelvipéritonite) mais aussi un état infectieux chronique, pourvoyeur de stérilités tubaires secondaires. L’infection à Actinomyces peut se révéler sous une forme pseudo-tumorale. • Grossesse extra-utérine : les dispositifs intra-utérins n’augmentent pas le risque de grossesse extra-utérine mais protègent mieux du risque de grossesse intra-utérine que de grossesse extra-utérine. Le risque de cette dernière est évalué à 3 à 4 % des grossesses sur dispositifs intra- utérins. La clinique est souvent atypique. Surveillance La première consultation a lieu après les règles qui sui- vent la pose puis tous les 6 à 12 mois, avec interrogatoire orienté vers la recherche de signes infectieux, d’algies, ou de troubles du cycle. L’examen clinique vérifie la présence 1. Obligations légales « L’insertion des contraceptifs intra-utérins ne peut être pratiquée que par un médecin. Elle est faite soit au lieu d’exercice du médecin, soit dans un établissement hospi- talier ou dans un centre de soins agréé. » Loi n° 74-1026 du 4 décembre 1974. Par ailleurs, l’obligation de disposer d’une installation particulière est régie par l’arrêté du 2 avril 1972. En résumé, il est nécessaire de disposer d’une table gynécologique avec une instrumentation gynécologique stérile. En outre, l’équipement doit com- porter un appareillage de perfusion de solutés macromo- léculaires et d’analeptiques cardiovasculaires. Le médecin doit pouvoir faire face à un choc vagal (oxygène). 2. Obligations médicales Il est nécessaire d’informer la patiente des avantages et des inconvénients de cette méthode, en particulier du risque infectieux, du risque de grossesse et des inter- actions médicamenteuses (anti-inflammatoires non sté- roïdiens, aspirine, tétracyclines). La prescription d’anti- biotiques par voie générale ou locale avant ou après la pose n’est pas indiquée. Un examen clinique antérieur permet d’éliminer les contre-indications locales au dispo- sitif intra-utérin. Après la pose du dispositif intra-utérin au lévonorgestrel, il faut prévenir la patiente de la fré- quence des spottings qui diminuent progressivement dans les 3 mois. Après 6 mois, les règles sont peu abondantes et une aménorrhée peut être notée dans 20% des cas. Gynécologie - Obstétrique 457 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 2 0 0 0 , 5 0 Absolues • grossesse • nulliparité (exception possible pour des patientes psychiatriques) • infections génitales aiguës en cours ou récentes (pelvipéritonite, salpingite, endométrite, cervicite ou vaginite) • antécédents de grossesse extra-utérine • utérus hypotrophiques ou malformés • polypes endo-utérins et les myomes sous-muqueux • méno- ou métrorragies • cancers du tractus génital • cardiopathies valvulaires à risque d’endocardite infectieuse • troubles de l'hémostase • traitements immunosuppresseurs et patientes immunodéprimées • maladie de Wilson et allergie au cuivre pour les dispositifs intra-utérins au cuivre Relatives • diabète mal équilibré • patiente à risque d'infection génitale • antécédent de grossesse extra-utérine • utérus cicatriciel (risque de perforation) • sténose du col (dilatation possible sous anesthésie générale) • anémie, dysménorrhée ou ménorragies (intérêt du dispositif intra-utérin à la progestérone ou au lévonogestrel) • post-partum ou post-abortum immé- diat (attendre 1 mois) • traitements anti-inflammatoires au long cours et dysplasies cervicales Contre-indications aux dispositifs intra-utérins TABLEAU VI des fils au spéculum et recherche des signes infectieux. La disparition des fils est un incident qui peut traduire soit une expulsion du dispositif intra-utérin passée inaperçue (la confirmation est alors portée par l’échographie ou un cliché radiologique abdominal) soit une grossesse intra- utérine, soit une perforation utérine silencieuse. Autres contraceptions Contraceptions « barrières » 1. Diaphragmes Il s’agit d’un dôme en latex, mis en avant de l’orifice cervical. Une gelée spermicide est appliquée sur la face convexe du diaphragme. L’indice de Pearl est d’environ 5% années/femme. L’examen anatomique de la femme est important dans le choix de la taille et il est nécessaire qu’elle ait parfaitement compris la technique de pose pour que cette méthode soit efficace. Les capes cervicales sont des produits similaires. 2. Spermicides Les plus courants sont le chlorure de benzalkonium et le nonoxynol 9. Diverses formes galéniques sont dispo- nibles : ovules, comprimés gynécologiques, crème, gel et éponges. Tous ces spermicides doivent être placés avant le rapport sexuel. Il est recommandé, hormis pour les éponges qui peuvent être gardées durant 24 h et permettent plusieurs rapports sexuels, de placer une nouvelle dose de spermicide en cas de rapports multiples. Il est strictement interdit d’utiliser un produit moussant vulvo-vaginal avant ou après leur utilisation car le savon dissocie le principe actif. Le taux d’échecs, avec une méthode adéquate, varie de 0,3 à 5% année/femme. Les avantages de ces méthodes sont leur innocuité presque totale et leur simplicité. Les spermicides peuvent être des facteurs préventifs de maladies sexuellement transmissibles (MST). Ils peuvent être prescrits comme méthode principale de contraception pour les femmes de plus de 45 ans, dans le post-partum ou en raison d’une activité sexuelle épiso- dique. Ils ne doivent pas être prescrits chez les patientes jeunes et de fertilité normale et dans tous les cas où une grossesse est contre-indiquée, en raison de leur inefficacité relative pour des patientes non motivées. Méthodes naturelles • Le retrait a un taux d’échec de 17 à 25% années/ femme. • La méthode Ogino-Knaus repose sur l’abstinence lors des jours de fécondabilité théorique (7 au 17 e j du cycle). Le taux d’échec est de 15% années/femme. • La méthode des températures repose sur l’observation du décalage thermique progestéronique qui suit l’ovulation. Les rapports sont interdits du 1 er j des règles au 3 e j de l’élévation de la température. L’indice de Pearl est de 2 à 6 % années/femme mais la méthode est astreignante et entachée de sources d’erreurs. Son inefficacité augmente avec le temps et la lassitude des couples. • La méthode Billings repose sur l’auto-observation de la glaire cervicale. L’abstinence est à observer pendant les 4 j qui suivent le jour « sommet » d’une glaire brillante, élastique et filante. Là encore, c’est une méthode très astreignante avec des sources d’erreurs importantes. Le taux d’échec varie de 1 à 40 % années/femme. Stérilisation tubaire Très utilisée dans les pays anglo-saxons, elle est limitée en France par le risque évoqué par certains médecins et les compagnies d’assurances d’assimilation du geste à une mutilation volontaire et est donc légalement interdite en dehors des cas où une grossesse mettrait en jeu la vie de la patiente. Elle est réalisée par laparotomie (double ligature et résection tubaire) ou, plus fréquemment, par cœlioscopie (pose de clips ou d’anneaux). Le taux d’échecs, variable suivant les méthodes, est estimé à 0, 3% année/femme. Contraception masculine Elle repose essentiellement sur l’utilisation de préservatifs. La vasectomie est pour l’homme l’équivalent de la stéri- lisation tubaire de la femme. L’indice de Pearl lors d’uti- lisation de préservatif ou condom est de 0,8 à 8 % années/femme en cas de respect des conditions d’emploi. Ils sont également un moyen efficace de lutte contre la propagation des maladies sexuellement transmissibles. Leur emploi est limité par l’acceptation psychologique du couple et leur coût. Contraception post-coïtale Elle est définie comme une contraception utilisable dans les jours qui suivent un rapport pouvant être fécondant. Elle fait appel aujourd’hui essentiellement au lévo- norgestrel, aux œstroprogestatifs et aux dispositifs intra-utérins. La prise de 1 comprimé de Norlevo ou de 2 comprimés de Tétragynon à répéter 12 h plus tard dans les 72 h qui suivent un rapport sexuel non protégé, aurait un taux d’échec de 0,2 à 7,4 %. La pose d’un dispositif intra-utérin dans les 7 j qui suivent un rapport est pos- sible avec un taux d’échec de 0,1 %. Ces méthodes ne sont à employer qu’en l’absence de contre-indication. L’utilisation de progestatifs macrodosés et d’œstropro- gestatifs minidosés serait également possible ainsi que l’emploi du RU 486 en contraception post-coïtale tardive. Contraceptions particulières Adolescentes La contraception locale doit être encouragée comme facteur protecteur des maladies sexuellement transmis- sibles. Elle fait appel en priorité à l’association avec un préservatif et en cas d’échec (rupture ou glissement du préservatif) à la prise de la pilule du lendemain. Le recours aux œstroprogestatifs minidosés (20 ou 30 µg) en l’absence de contre-indication est ensuite indiqué aux couples stables. Le dispositif intra-utérin n’est pas recommandé compte tenu du risque d’augmentation du risque infectieux. Les consultations permettent une CONT R ACE P T I ON 458 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 2 0 0 0 , 5 0 ruption volontaire de grossesse pour l’établissement de la contraception ultérieure. Une pilule séquentielle, en l’absence de contre-indication, est prescrite pendant un cycle afin de diminuer le risque de synéchie utérine post-curetage (efficacité non démontrée) avant de démarrer un autre type de contraception plus adaptée à la femme. Contraception en cas de situation particulière 1. Diabète Si l’effet diabétogène des œstrogestatifs minidosés est pratiquement inexistant au sein de la population générale, une augmentation de l’insulinorésistance, minime chez les patientes insulinodépendantes, est préoccupante chez les diabétiques non insulinodépendantes et les patientes présentant une intolérance aux hydrates de car- bone. Par ailleurs, les œstroprogestatifs augmentent les facteurs de risque vasculaire de ces patientes. Le choix d’une contraception chez la patiente diabétique doit tenir compte de l’âge, du nombre d’années d’évolution du diabète, de son caractère insulinodépendant ou non, de la parité et d’un bilan clinique et métabolique recher- chant spécialement une micro- ou macro-angiopathie. La méthode de choix est le dispositif intra-utérin en l’absence de contre-indication. Une femme jeune dont le diabète, sans répercussion clinique, date de moins de 10 ans et sans facteur de risque associé peut bénéficier d’une contraception œstroprogestative minidosée voire de microprogestatifs avec une surveillance clinique et métabolique accrue. En cas de mauvaise tolérance, une contraception macroprogestative peut être instituée avec, par exemple, de l’acétate de chlormadinone (Lutéran 5). Le risque de grossesse avec une contracep- tion locale rend sa prescription difficile. 2. Hyperlipidémie Toute hyperlipidémie apparue sous œstroprogestatif [cholestérol total > 2,5 g/L et (ou) triglycérides > 1,5 g/L] doit faire, tout au moins temporairement, arrêter cette contraception et nécessite un diagnostic précis. En accord avec le lipidologue, une prescription d’une pilule à 15 ou à 20 µg d’éthynil-estradiol peut être autorisée avec, en cas de récidive, le passage vers un progestatif macrodosé (acétate de chlormadinone), microdosé ou un dispositif intra-utérin. La connaissance d’une hyper- lipoprotéinémie antérieure, en dehors des hyper- HDLémie isolées, reste une contre-indication aux œstroprogestatifs dans la majorité des cas. 3. Hypertension artérielle Elle contre-indique formellement l’emploi des œstro- progestatifs et des progestatifs norstéroïdiens. On utilise surtout l’acétate de chlormadinone (Lutéran 5) ou des dérivés norprégnanes (Surgestone, Lutényl) sous sur- veillance tensionnelle. L’emploi de microprogestatifs ou d’un dispositif intra-utérin est bien sûr autorisé. information sur les maladies sexuellement transmis- sibles, en particulier les papillomavirus et le virus de l’immunodépression acquise (sida), et la réalisation de frottis cervicaux. Il est licite de pratiquer un bilan étiolo- gique d’une irrégularité menstruelle avant de prescrire une pilule, cette prescription masquant les signes cliniques et exposant au risque d'aménorrhée post-pilule. Il faut encore insister sur le rôle négatif du tabac dans cette association qui joue en plus un rôle néfaste dans la genèse des dysplasies cervicales. Contraception après 40 ans La prescription ou la poursuite d’une prescription anté- rieure des œstroprogestatifs est possible dès l’instant où il n’existe aucune contre-indication absolue ou relative. Il est nécessaire d’exercer une surveillance accrue tant clinique que biologique et de renoncer en cas de tabagisme. En cas de pathologie gynécologique indiquant une prise progestative, la prescription d’un progestatif, au mieux un dérivé de la norprogestérone du 5 e au 25 e jour, est indiquée au prix parfois de troubles du cycle comme des métrorragies ou une aménorrhée par atrophie. L’emploi d’un dispositif intra-utérin est limité par ses effets secon- daires du fait de l’existence de pathologies bénignes utérines fréquentes à cet âge. La stérilisation tubaire est une solution adaptée mais reste limitée en raison des réserves émises plus haut. Contraception en post-partum L’allaitement constitue une bonne méthode de contra- ception si le nombre de tétées de 20 min est de plus de 5 par jour. Dans ces conditions, aucune contraception complémentaire n’est utile dans les 3 mois qui suivent l’accouchement. L’ovulation est possible moins d’un mois après un accouchement si la patiente prend un traitement anti- prolactinémiant. Il est nécessaire d’exposer les risques de grossesse aux patientes qui se croient bien souvent protégées jusqu’au retour de couches ou pendant l’allai- tement. Les méthodes hormonales contenant de l’éthynil- estradiol sont déconseillées avant le retour de couches et chez les femmes qui allaitent. Les microprogestatifs sont acceptables à partir du 30 e jour. En l’absence d’al- laitement, les œstroprogestatifs sont au mieux prescrits au retour de couches, afin de ne pas ajouter les effets délétères de ces produits sur l’hémostase à ceux existant en cours de grossesse. Il est préférable d’attendre 3 semaines après l’accouchement. Un dispositif intra-utérin peut être posé un mois après l’accouchement. Les autres méthodes du post-partum sont le préservatif et les sper- micides en évitant ceux qui contiennent du nonoxynol-9 en raison de son passage dans le lait maternel. Contraception en post-abortum La contraception du post-abortum ne pose pas de pro- blème particulier mais il est important de prendre en considération l’histoire antérieure ayant mené à l’inter- Gynécologie - Obstétrique 459 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 2 0 0 0 , 5 0 4. Maladies de l’hémostase Elles contre-indiquent formellement l’emploi d’œstro- progestatifs et des macroprogestatifs. Les microproges- tatifs sont, pour certains, autorisés. Outre les affections classiques prédisposant aux thromboses, il faut garder en mémoire les thrombopathies des syndromes hémato- logiques myéloprolifératifs et certaines affections auto- immunes avec présence d’anticoagulant circulant. Le dispositif intra-utérin est autorisé dans toutes ces indica- tions mais contre-indiqué dans les affections prédispo- sant aux hémorragies comme les déficits en facteurs de la coagulation ou les thrombopénies ou thrombopathies. 5. Affections cardiaques Le dispositif intra-utérin est contre-indiqué chez les patientes avec risque d’endocardite infectieuse, ou sous traitement anticoagulant. Tous les œstroprogestatifs sont contre-indiqués en raison du risque de décompensation secondaire par augmentation de la rétention hydrosodée et troubles de la coagulation. Il en est de même pour les progestatifs norstéroïdes. L’emploi de dérivés de la 17 OH-progestérone et des progestatifs microdosés est possible. 6. Insuffisance rénale chronique Elle contre-indique l’utilisation d’œstroprogestatifs en raison du risque métabolique et vasculaire. Chez la femme non dialysée, la pose d’un dispositif intra-utérin est possible ainsi que l’utilisation de progestatifs comme l’acétate de nomégestrol, la promégestone ou l’acétate de chlormadinone. Les microprogestatifs sont également autorisés en connaissant les troubles du cycle fréquem- ment rencontrés chez ces patientes et qui ne facilitent pas leur emploi. Pour la femme dialysée, le dispositif intra-utérin est contre-indiqué en raison des héparinisations nécessaires au cours des hémodialyses. 7. Mastopathies bénignes Les microprogestatifs sont interdits du fait de l’insuffisance lutéale secondaire possible. Les dispositifs intra-utérins sont recommandés mais n’auront pas d’action thérapeu- tique au niveau du sein. Les macroprogestatifs en dis- continu (norprégrane) sont indiqués pour leurs actions sur la glande mammaire. Les dérivés norstéroïdiens peuvent être utilisés mais temporairement en raison de leurs effets secondaires. La prescription d’œstroprogestatifs est possible, action bénéfique du progestatif, mais doit être réalisée pour des patientes dont on connaît l’histo- pathologie mammaire. Ils ne peuvent être prescrits dans les mastopathies proliférantes et a fortiori avec atypies. 8. Pathologie bénigne de l’utérus Hyperplasie endométriale, fibrome et endométriose contre-indiquent l’utilisation des dispositifs intra-utérins (hémorragies) exception faite du dispositif intra-utérin au Lévonorgestrel, une contraception par œstroprogestatifs (réceptivité hormonale utérine) et les microprogestatifs (mauvais contrôle du cycle). Les progestatifs norprégnanes semblent être les plus adaptés. 9. Maladies systémiques Les œstroprogestatifs sont formellement contre-indiqués en raison des poussées évolutives de la maladie qu’ils induisent. Le dispositif intra-utérin (risques infectieux) et les microprogestatifs (inefficacité) le sont également en raison de la corticothérapie fréquemment associée. Là encore, les progestatifs ont une place de choix avec en particulier l’acétate de chlormadinone et l’acétate de cyprotérone. I CONT R ACE P T I ON 460 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 2 0 0 0 , 5 0 • La diversité des méthodes contraceptives permet à chaque patiente de faire le choix de la méthode que lui convient le mieux. • Le médecin doit rechercher les contre-indications à la méthode souhaitée et justifier le choix. • L’information des principaux risques et des effets indésirables inhérents à chaque méthode est essentielle si l’on veut réduire le nombre d’interruptions volontaires de grossesses en France. Points Forts à retenir 1 / Composition et différents types de pilules œstroprogestatives combinées • L’éthinyl-estradiol (EE) est le seul œstrogène utilisé en France. Il s’agit d’un produit dérivé du 17 β-œstradiol, par l’adjonction d’un radical éthynil en C17. • Les progestatifsutilisés sont soit des dérivés de la nortestostérone (groupe estrone : noréthistérone, norgestriénone et le lynestrénol, soit des dérivés de la progestérone (groupe prégnane : lévonorgestrel et norgestrel, désogestrel, gestodène et norgestimate). L’acétate de cyprotérone est un dérivé de la 17-hydroxyprogestérone, qui est réservé aux états d’hyperandrogénie modérée. Tous ces progestatifs ont un fort pouvoir antigonadotrope mais l’utilisation des molécules de dernière génération a permis de diminuer les effets androgéniques délétères des progestatifs de 1 re génération. • Les pilules œstroprogestatives combinées : la concentration en éthynil-estradiol définit les pilules normodosées (50 µg) et minidosées (< 50 µg jusqu’à 20 µg). La dose d’éthynil-estradiol et de progestatif peut être constante tout au long du cycle (monophasiques), varier en 2 plateaux (biphasiques), ou encore en 3 plateaux (triphasiques). Les pilules séquentielles comportent un premier palier avec de l’éthynil- estradiol seul, puis une phase associant l’éthynil-estradiol et un progestatif. 2 / Différents types de progestatifs utilisés comme contraceptifs • Progestatifs macrodosés : au groupe estrone, puissant antigonado- trope mais pourvu d’effets métaboliques délétères, on préfère le groupe prégnane et tout particulièrement les dérivés de la 19-norprogestérone, l’acétate de nomégestrol (Lutényl) et la promégestone (Surgestone) et un dérivé de la 17 OH-progestérone, l’acétate de chlormadinone (Lutéran 5). L’affinité de ces molécules pour le récepteur progestéronique est élevée, elles n’ont aucune action androgénique et elles ne modifient pas les bilans métaboliques. L’administration est en général discontinue. Ces molécules n’ont pas l’autorisation de mise sur le marché pour la contraception. • Progestatifs microdosés : ils font appel à des dérivés norstéroïdes et leur administration est continue au cours du cycle (28 j sur 28). • Progestatifs injectables : peu répandus en France, ils sont réservés aux indications psychiatriques (ce type de contraception fait appel à des dérivés de la 17 OH-progestérone et de la nortestostérone). POUR APPROFONDIR Gynécologie - Obstétrique B 148 2161 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 1 9 9 9 , 4 9 Il n’y a pas de fibromes avant la puberté et ils régressent après la ménopause sauf en cas de traitement œstro- génique ou de dégénérescence sarcomateuse. L’âge auquel se manifestent les myomes est le plus souvent situé entre 30 et 50 ans. Leur apparition ne semble pas être favorisée par la grossesse, la multiparité, ni la prise des pilules œstroprogestatives. La pilule aurait même plutôt un effet protecteur. 2. Symptomatologie d’appel La plupart des myomes (50 à 80 %) sont asympto- matiques. Du fait d’un meilleur suivi gynécologique de la population et de la diffusion de l’échographie abdomino-pelvienne, ils peuvent être découverts à l’examen systématique, en cours de grossesse ou lors de l’exploration d’une autre pathologie ou d’une infertilité. • Saignement anormal ; il peut s’agir de : – ménorragies : ce sont des règles anormales par leur volume (hyperménorrhée) ou leur durée. Les ménor- ragies sont plutôt rencontrées en cas de fibrome sous- muqueux ; – métrorragies : ce sont des saignements anormaux survenant en dehors des règles qui doivent faire évoquer une lésion associée ; – ménométrorragies : l’association des deux. • Douleurs pelviennes : elles peuvent être une simple gêne à type de pesanteur, parfois augmentée en période prémenstruelle. Elles peuvent aussi être en rapport avec la compression d’un organe de voisinage : – vessie pouvant entraîner une pollakiurie, une dysurie, l’aggravation d’une incontinence, et exceptionnel- lement une rétention aiguë d’urines ; – rectum avec constipation ; – rarement urétérale, évoluant à bas bruit vers l’hydro- néphrose, dans les fibromes inclus dans le ligament large. Son origine peut être vasculaire ischémique : nécrobiose d’un fibrome, torsion d’un fibrome pédiculé. • Augmentation du volume de l’abdomen : parfois très importante, elle peut être le seul symptôme. • Leucorrhées : il s’agit de pertes anormales. 3. Examen clinique • État général : une fièvre, rarement élevée, peut accompagner la nécrobiose d’un fibrome. • Inspection et palpation abdominale : elle peut être normale. Elle met parfois en évidence une masse pouvant déformer l’abdomen, dure, à contours arrondis, Diagnostic Diagnostic positif 1. Terrain Il existe une prédisposition familiale et ethnique aux fibromes utérins qui sont 2 à 3 fois plus fréquents chez les femmes noires (prévalence de 50 % à l’âge de 30 ans). En outre, les fibromes sont palpés plus tôt, sont plus volumineux, grossissent plus vite et restent plus long- temps asymptomatiques chez les femmes noires que chez les caucasoïdes. Fibromes utérins Diagnostic, évolution, traitement DR Lionel DESSOLLE, PR Émile DARAÏ Service de chirurgie gynécologique, Hôtel-Dieu, 75181 Paris Cedex 04. • Les fibromes utérins, myomes ou léiomyomes sont les tumeurs bénignes les plus fréquentes de l’appareil génital féminin. Ils sont constitués de tissu conjonctif et de tissu musculaire lisse. • Leur prévalence, qui augmente avec l’âge, est estimée entre 20 et 50 % chez les femmes en âge de procréer et dépasse 70 % à l’examen histologique sur les pièces d’hystérectomie. • La majorité restent asymptomatiques. Seuls les fibromes ayant un retentissement clinique méritent un traitement, dont les principes reposent sur la chirurgie et sur l’hormonosensibilité des myomes. • La palette du chirurgien gynécologue s’est élargie grâce aux progrès de l’endoscopie opératoire et la chirurgie actuelle est moins sou- vent radicale. Les analogues de la GnRH indui- sent une hypo-œstrogénie qui cause une dimi- nution significative de la taille des fibromes mais des effets généraux limitent leur utilisation prolongée. • Des progrès sont attendus d’une meilleure compréhension de la physiopathologie des fibromes grâce à la biologie moléculaire et à la génétique. • Les indications thérapeutiques dépendent des caractéristiques anatomo-cliniques des myomes, du terrain et d’un éventuel désir de grossesse. Le bilan doit être complet pour prendre en compte tous ces paramètres. Points Forts à comprendre de taille variable, qui peut remonter au-dessus de l’om- bilic. Elle repère d’éventuelles cicatrices de chirurgie antérieure. • Examen au spéculum : il permet d’observer le col utérin, de visualiser et quantifier un saignement ou des pertes anormales, d’apprécier l’accessibilité à une chirurgie vaginale et de réaliser à titre systématique des frottis cervico-vaginaux de dépistage. Il peut être normal, montrer une déviation cervicale par la masse ; rarement, il permet de découvrir un fibrome pédiculé accouché par le col. 4. Toucher vaginal Réalisé vessie vide, combiné à la palpation abdominale et éventuellement complété par un toucher rectal, il explore systématiquement le col et le corps utérins, les annexes et les paramètres, le cul-de-sac de Douglas, les parois vaginales. Il peut être non contributif ou paraître normal en cas d’obésité, ou en cas de fibromes dont la taille ou la localisation ne déforment pas les contours utérins. L’utérus est généralement augmenté de volume, il reste ferme, ses contours sont parfois lisses, réguliers, parfois bosselés avec en surface une ou plusieurs saillies rondes, indolores, fermes voire dures, solidaires du corps utérin à la mobilisation. Néanmoins, en cas de fibrome sous-séreux pédiculé, la masse peut sembler indépendante de l’utérus et avoir les caractères sémiologiques d’une tumeur annexielle. 5. Examens complémentaires • Échographie pelvienne : c’est l’examen de 1 re inten- tion. Réalisée par voie abdominale et vaginale, elle est interprétée en fonction du moment du cycle où elle est réalisée et de la prise d’éventuels traitements hormonaux. Elle suit un schéma d’analyse systématique. On analyse d’abord l’utérus en déterminant sa position, ses dimensions, ses contours et l’aspect du myomètre. On recherche des images anormales dans la cavité utérine. On s’intéresse ensuite à l’aspect de l’endomètre : visible sous la forme d’un liseré échogène dont l’épaisseur varie au cours du cycle. Linéaire juste après les règles, il atteint sur ses 2 faces une dizaine de millimètres en fin de phase proliférative et constitue un repère pour localiser les myomes. Dans certaines indications, son étude peut être sensibilisée par l’instillation de quelques millilitres de sérum dans la cavité utérine, ce qui décolle ses 2 faces, permet de les mesurer indépendamment et de mieux repérer certains processus à développement endocavitaire. Cette technique est appelée échosonographie de contraste. On examine les ovaires : position, taille, échostructure, présence de kyste. On recherche des images annexielles anormales et un épanchement péritonéal au niveau du cul-de-sac de Douglas. Dans certains cas, l’examen est complété par l’étude au doppler des vascularisations locales (artères utérines, ovaires, kyste, endomètre, myome). L’utérus myomateux est généralement augmenté de taille (hauteur > 8 cm, largeur > 6 cm, épaisseur > 4 cm), ses contours sont souvent déformés, son échostructure est hétérogène. Les myomes se présentent sous la forme d’images arrondies, dont l’échogénicité avoisine celle du myomètre, bien limitées par un liseré plus échogène qui correspond à une pseudo-capsule. Le centre peut être remanié par divers phénomènes dégénératifs et apparaître hypo- échogène, d’échogénicité hétérogène ou être le siège de calcifications (hyperéchogènes). L’échographie permet de préciser : – le nombre de myomes et leur taille (intérêt de la voie abdominale) ; – le type de myomes : interstitiel (le plus fréquent) situé au sein du myomètre et ayant tendance à faire protru- sion dans la cavité utérine, devenant sous-muqueux (au contact de l’endomètre), sous-séreux sessile ou pédiculé faisant saillie à la surface de l’utérus ; – leur localisation antérieure ou postérieure, fundique, isthmique (à la zone de jonction entre le col et le corps utérin), cornuale pouvant avoir un retentissement sur une trompe, ou latérale pouvant s’inclure dans le ligament large, être confondus (notamment en cas de pédicule fin) avec une tumeur annexielle et exception- nellement comprimer l’uretère ; – l’existence d’une déformation de la cavité utérine. La vascularisation des myomes se fait par de multiples petits vaisseaux nourriciers qui traversent le plan de clivage de façon plurifocale. Il n’y a pas de pédicule vasculaire proprement dit. L’évolutivité d’un fibrome peut être pré- dite par l’étude au doppler de sa vascularisation. • Hystéroscopie diagnostique : elle consiste à introduire un système optique dans la cavité utérine dilatée par du sérum physiologique ou du gaz. Grâce à la miniaturisation du matériel, elle est réalisable sans anesthésie au cabinet car il n’est pas nécessaire de dilater le col utérin. C’est actuellement l’examen de référence pour l’explo- ration des saignements anormaux. Elle analyse systématiquement le défilé cervico- isthmique, la taille et la morphologie de la cavité utérine, l’aspect des orifices tubaires (position, perméabilité), l’aspect de l’endomètre et son épaisseur corrélés au moment du cycle et au statut hormonal, l’existence et la nature d’un processus intracavitaire (polype, fibrome, rétention ovulaire, cloison, synéchie, lésion suspecte de malignité) ainsi que les possibilités d’exérèse endo- scopique par hystéroscopie opératoire. Elle est moins sensible pour le diagnostic d’adénomyose. Les fibromes interstitiels et sous-muqueux sont habi- tuellement visibles sous la forme d’un bombement de la muqueuse utérine à l’intérieur de la cavité qu’ils déforment plus ou moins. Ils peuvent obstruer un ostium tubaire ou le défilé cervico-isthmique. Les possibilités d’exérèse par résection hystéroscopique dépendent de leur nombre, de leur position, de leur caractère sessile ou pédiculé, de leur taille et du degré de protrusion dans la cavité utérine dont témoigne l’angle de raccordement à la paroi. F I B R OME S UT É R I NS 2162 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 1 9 9 9 , 4 9 • Examens biologiques : la numération formule san- guine peut montrer une anémie microcytaire secondaire à des hémorragies répétées. L’exploration du métabolisme du fer peut monter un syndrome carentiel. Des formes rares avec polyglobulie ont été décrites, en rapport avec une sécrétion d’érythropoïétine par les myomes. En cas de fibrome en nécrobiose, une hyperleucocytose est fréquente. Mais ces signes ne sont ni sensibles ni spéci- fiques. Il n’y a pas de marqueur biologique des fibromes utérins présentant un intérêt diagnostique. Diagnostic différentiel 1. Devant une masse pelvienne ou une augmentation du volume utérin, on évoque plusieurs causes Une grossesse normale débutante peut être associée à une pathologie fibromateuse : il faut toujours y penser pour prévenir tout geste iatrogène sur la grossesse. Une grossesse extra-utérine de la corne, quoique très rare, peut ressembler cliniquement à un fibrome de même topographie. Le diagnostic repose sur le dosage des bêta-hCG (human chorionic gonadotropin) et l’échographie. Une tumeur bénigne (fibrothécome) ou maligne de l’ovaire peut être dure, fixée, de volume variable parfois très important et se présenter comme un fibrome pédiculé latéral, inclus dans le ligament large ou même posté- rieur, en cas de bascule dans le cul-de-sac de Douglas. On doit rechercher une ascite, une carcinose péritonéale, des signes cliniques de localisation secondaire. Là encore, l’échographie est primordiale, complétée du dosage des marqueurs du cancer de l’ovaire (antigène carcino- embryonnaire, CA 125 et CA 19.9) et d’une imagerie par résonance magnétique abdomino-pelvienne. L’adénomyose (une infiltration du myomètre par de l’endomètre et des lacunes sanguines) se présente, le plus souvent chez une multipare, sous la forme d’un uté- rus globalement augmenté de volume, dur, souvent accompagné d’une dysménorrhée secondaire et de saigne- ments anormaux. L’échographie l’évoque, l’hystéroscopie ou l’hystérosalpingographie précisent le diagnostic qui reste histologique. L’adénomyome ou endométriome utérin se présente sous la forme d’un nodule d’adéno- myose situé dans le myomètre, qui peut être confondu avec un myome interstitiel. Le diagnostic, suspecté par le chirurgien devant l’absence de plan de clivage, est histologique. Certaines tumeurs plus rares de l’utérus (sarcome) ou d’origine extragynécologique seront suspectées sur l’imagerie et au cours de la chirurgie mais le diagnostic revient toujours à l’anatomopathologiste. 2. Devant des saignements anormaux Il faut éliminer un cancer et une grossesse. Étant donnée la fréquence des fibromes, il ne faut pas s’arrêter à ce diagnostic. • Hystérosalpingographie : réalisée en phase folliculaire, en dehors d’une grossesse, d’une infection et de la période hémorragique, elle consiste à radiographier le pelvis avant et à différents temps après l’injection intra-utérine d’un produit de contraste et son évacuation, ce qui permet d’analyser la morphologie de la cavité utérine, les trompes (perméabilité et morphologie) et habituellement le passage péritonéal du liquide radio-opaque. Un cliché de profil est réalisé systéma- tiquement. Le risque essentiel de l’hystérographie est infectieux. Ses indications se sont réduites avec les progrès de l’échographie et de l’hystéroscopie. Elle n’est plus systé- matiquement demandée en cas de fibrome mais reste indiquée pour l’exploration complémentaire des trompes en cas de stérilité, pour étayer un diagnostic d’adéno- myose suspecté à l’échographie et pour le diagnostic des malformations utérines. Le premier temps de l’examen est un cliché sans prépa- ration qui peut être normal ou monter l’opacité propre d’un fibrome, la déviation d’organes de voisinage ou des calcifications. Les myomes sous-séreux sont habituellement sans retentissement sur la cavité utérine. Ils peuvent être visualisés, mais pas toujours, lors du passage péritonéal du produit de contraste qui en dessine les contours. Les myomes interstitiels, les plus fréquents, se manifestent surtout par des signes indirects (c’est la déformation qu’ils entraînent qui est visualisée : cavité utérine agrandie ou soufflée, déviée, modification du trajet des trompes voire obstruction de celles-ci) et parfois des signes directs (image d’empreinte arrondie à bords réguliers dans la cavité, augmentation de la distance entre les cornes, allongement unilatéral d’une corne). Les myomes sous-muqueux donnent des images directes de lacunes intracavitaires, dont l’aspect (régulier, arrondi ou semi-lunaire) dépend du degré de protrusion dans la cavité utérine. • Imagerie par résonance magnétique (IRM) : c’est l’examen le plus sensible pour le diagnostic et la locali- sation des fibromes. En raison de son coût et de son accessibilité inférieure à celle de l’échographie, il n’est pas demandé en 1 re intention. Il est néanmoins utile : – lorsque les conditions anatomiques limitent les performances de l’échographie ; – lorsque, devant une masse latéro-utérine, l’écho- graphie-doppler ne peut préciser s’il s’agit d’un kyste ovarien suspect ou d’un fibrome compliqué d’une transformation œdémateuse ou kystique, d’une nécro- biose ou d’une dégénérescence sarcomateuse. • Tomodensitométrie : le scanner n’est pas un examen performant pour l’étude des viscères pelviens. Sa réso- lution en densité n’est pas bonne, sauf pour les calcifi- cations. La ceinture osseuse donne des artefacts gênants. C’est une prescription inutile en cas de fibrome. • Échographie rénale et urographie intraveineuse : elles sont envisagées lorsqu’une compression urétérale est suspectée en cas de volumineux myomes latéraux ou inclus dans le ligament large. Gynécologie - Obstétrique 2163 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 1 9 9 9 , 4 9 Chez toute femme en âge de procréer, qui saigne et (ou) qui a mal au ventre, on doit éliminer une grossesse extra-utérine. Les fausses couches précoces sont plus fréquentes en cas de fibrome utérin. Devant des métrorragies péri- ou post-ménopausiques, on doit traquer une pathologie maligne endométriale et (ou) ovarienne. L’hystéroscopie est l’examen de choix pour l’endomètre car elle permet de réaliser des biopsies sous contrôle de la vue pour une étude histologique. C’est elle qui affirme le diagnostic de polype, d’hyper- plasie ou d’adénocarcinome endométrial. Les ovaires sont systématiquement explorés par échographie, com- plétée au besoin par un dosage des marqueurs tumoraux (ACE, CA 125 et CA 19.9) et par une imagerie par résonance magnétique du pelvis. 3. Devant des douleurs pelviennes fébriles Le diagnostic différentiel de la nécrobiose aseptique est l’infection utéro-annexielle. Le terrain, l’existence de leucorrhées anormales, prélevées pour examen cyto- bactériologique, l’échographie et l’évolution sous traitement permettent de trancher. Évolution 1. Changements dégénératifs au sein des fibromes Du fait d’altérations circulatoires, d’infection ou d’ex- ceptionnelle transformation maligne, des modifications dégénératives peuvent changer l’aspect macroscopique et microscopique des fibromes. • L’œdème, après obstruction veineuse partielle, entraîne un ramollissement de la tumeur, une dissociation des fibres musculaires et peut donner l’aspect d’un pseudo- kyste. • La dégénérescence hyaline survient habituellement par ischémie dans les myomes de 4 à 5 cm. Le tissu conjonctif normal est remplacé par du matériel acellulaire acidophile aux colorations usuelles. Une obstruction artérielle plus complète donne lieu à une dégénérescence mucoïde ou myxomateuse : l’œdème est diffus et la consistance devient gélatineuse. La nécrose centrale peut conduire à la formation d’une cavité par liqué- faction du tissu. • La dégénérescence graisseuse voit un remplacement du tissu conjonctif par des lobules graisseux. Elle peut être suivie de nécrobiose ou de calcification. • Dans la nécrobiose, les fibres musculaires sont entourées d’un stroma œdémateux où les vaisseaux apparaissent dilatés et sont responsables de la couleur « hortensia » des myomes en nécrobiose. Si la nécrose est focale, elle évolue vers une fibrose cicatricielle ; si elle est importante, elle ressemble à un magma nécrotique. La dégénérescence avec calcification est le stade ultime après nécrobiose ou dégénérescence graisseuse. Des cristaux se sont déposés dans le noyau central du myome et entre les fibres musculaires qui ont perdu leur intégrité. Les calcifications peuvent être centrales, péri- phériques ou dispersées. La dégénérescence sarcomateuse est exceptionnelle, avec une incidence estimée entre 0,04 et 0,29 %. Elle s’observe généralement au centre de la tumeur qui devient molle, friable, avec des hémorragies. Le diag- nostic histologique repose sur le nombre de mitoses et d’atypies cellulaires. On parle de tumeur maligne lorsqu’il existe plus de 10 mitoses par champ. 2. Évolution clinique • Quiescence : le plus souvent, les fibromes restent stables et asymptomatiques. • Croissance : les mécanismes qui gouvernent la crois- sance des myomes sont encore incomplètement connus. On a observé des modifications génétiques, des anomalies de certains facteurs de croissance et de leurs récepteurs qui se traduisent par des proliférations cellulaires et vasculaires, ainsi que des perturbations de la matrice extracellulaire. Il existe des similitudes entre la genèse des myomes, celle des cicatrices chéloïdes et des plaques d’athérome. En outre, les fibromes sont des tumeurs sensibles à l’environnement hormonal : un état d’hyperœstrogénie relative favorise leur croissance. C’est le cas physiologiquement en périménopause, mais aussi en cas de traitement hormonal (contraceptif ou substitutif) mal équilibré. Par contre, en cas de fibromes asymptomatiques, il n’y a pas de certitude qu’un traite- ment hormonal substitutif (THS) de la ménopause bien équilibré favorise leur croissance ou leur complication. L’existence de fibromes ne doit pas contre-indiquer le traitement hormonal substitutif de la ménopause dont les effets bénéfiques sont bien documentés. La grossesse s’accompagne souvent d’une augmentation de volume des fibromes et de phénomènes de nécrobiose aseptique. • Régression : c’est le plus souvent le cas après la ménopause, en l’absence de traitement œstrogénique ou de dégénérescence sarcomateuse. • Complications : voir paragraphe suivant. • Récidive : en cas d’exérèse incomplète mais aussi après traitement complet. Seule l’hystérectomie prévient toute récidive. 3. Complications • Hémorragies : elles peuvent être responsables d’anémie sévère et d’une gêne socioprofessionnelle. • Douleur : elle peut être le résultat de la torsion d’un fibrome pédiculé, de la dilatation induite par un myome faisant protrusion dans la cavité ou dans le défilé cervico- isthmique, de phénomènes de nécrobiose, de dégéné- rescence, ou simplement de la croissance d’un myome. • Compression d’un organe de voisinage : vessie, rectum, uretère, vaisseaux pelviens. • Accidents thromboemboliques : favorisés par une anémie, une polyglobulie ou une compression veineuse. • Infertilité : la responsabilité des fibromes en cas d’infertilité est controversée mais ils sont susceptibles de retentir sur plusieurs étapes nécessaires à l’obtention d’une grossesse (l’ovulation, le transport des gamètes et F I B R OME S UT É R I NS 2164 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 1 9 9 9 , 4 9 Le traitement est limité à 3 mois, réservé aux fibromes responsables d’une anémie et pour préparer une inter- vention chirurgicale (résection hystéroscopique, myo- mectomie, hystérectomie). On utilise essentiellement des préparations d’action retard au rythme d’une injection tous les 28 jours, par exemple de triptoréline (Décapeptyl LP 3 mg) ou de leuproréline (Enantone LP 3,75 mg). Il existe également des préparations dont l’efficacité est de 3 mois et qui ne nécessitent qu’une seule injection. 3. Domaine de la recherche Les travaux actuels visent à mieux comprendre les mécanismes qui gouvernent la genèse et la croissance des myomes afin de trouver des cibles spécifiques au niveau des facteurs de croissance ou de leurs récepteurs puis probablement des gènes impliqués. Traitements chirurgicaux 1. Traitement conservateur • Les myomectomies consistent à enlever le(s) myome(s) en conservant l’utérus. Elles doivent toujours être envisagées en 1 re intention pour préserver la fertilité des patientes en âge d’avoir des enfants et dans tous les cas où l’on peut éviter le traumatisme psychologique d’une hystérectomie. On peut, selon les caractéristiques du fibrome, pratiquer une myomectomie par résection hystéroscopique, par cœlioscopie, par voie vaginale ou par laparotomie. Récemment, la myolyse a été préconisée : elle consiste à dévasculariser un fibrome (par exemple en coagulant au laser ses vaisseaux nourriciers) pour le laisser se nécroser et être résorbé. De la même façon, l’embolisation artérielle définitive chez des patientes refusant une hystérectomie est en cours d’évaluation. • La résection hystéroscopique concerne les myomes à développement endocavitaire, essentiellement sous- muqueux, dont la taille n’excède pas 5 cm et la portion interstitielle est inférieure à 50 % du volume total. Une distance de plus de 5 mm entre le bord externe du myome et la séreuse utérine constitue une marge de sécurité à respecter. Les hystéroscopes opératoires utilisés actuellement ont un diamètre de 9 mm qui nécessite une dilatation cervicale. La cavité utérine est remplie avec du glycocolle. On utilise une anse électrique coulissant le long du système optique qui permet de découper le myome en copeaux, sous contrôle de la vue et toujours du fond de l’utérus vers l’isthme. Les copeaux sont récupérés pour examen anatomopathologique. Les risques de l’hystéroscopie opératoire sont la perforation utérine (qui impose de réaliser une cœlioscopie pour contrôler les organes pelviens) et le passage intravascu- laire de glycocolle (qui peut donner une hyponatrémie, un œdème cérébral, des complications neurologiques) dont la prévention passe par le contrôle de la durée opératoire, des pressions et des débits d’entrée et de sortie de liquide. Les complications infectieuses et les hémorragies sont très rares. de l’œuf, la nidation, le maintien de la grossesse). Les mécanismes invoqués sont une altération de la qualité de l’endomètre, des anomalies de la contractilité, de la vas- cularisation, de l’anatomie utérine et des perturbations des rapports tubo-ovariens. • Complications obstétricales : le risque de voir un fibrome se compliquer au cours de la grossesse est estimé entre 10 et 40 %. On note une augmentation du nombre de fausses couches précoces et de saignements du 1 er trimestre, de douleurs pelviennes (surtout par nécro- biose aseptique), du risque d’accouchement prématuré, de retard de croissance et d’hématome rétroplacentaire, de complications de l’accouchement à type de présentation anormale, un taux plus élevé de césariennes, d’hémorragies du post-partum et d’hystérectomies d’hémostase ainsi que d’accidents thromboemboliques. • Dégénérescence sarcomateuse : elle est exceptionnelle. Traitement Traitements médicaux Bien que les mécanismes qui gouvernent la genèse et la croissance des fibromes ne soient pas complètement compris, il est clair que les œstrogènes jouent un rôle stimulant la croissance des myomes. Le but des traite- ments médicaux utilisés actuellement est de corriger l’hyperœstrogénie relative favorisant la croissance et l’activité des fibromes. Ils permettent de réduire voire de supprimer la symptomatologie fonctionnelle, d’obtenir une réduction de volume des fibromes mais jamais de faire disparaître la tumeur. 1. Progestatifs Ils permettent d’équilibrer la sécrétion œstrogénique s’ils sont administrés après l’ovulation ou de la réduire s’ils sont donnés avant l’ovulation. Dans 60 à 80 % des cas, ils font disparaître les signes fonctionnels (méno- métrorragies) mais ils ont un effet inconstant sur la réduction de volume des myomes. Les progestatifs les plus utilisés sont les dérivés de la norprogestérone : promégestone (Surgestone) à la dose de 0,500 mg/j et acétate de nomégestrol (Lutényl) à la dose de 5 mg/j, administrés du 14 e au 25 e jour du cycle. 2. Analogues de la GnRH (gonadotrophine releasing hormone) Ils sont actuellement le principal traitement médical des fibromes. Ils créent une hypo-œstrogénie responsable d’une réduction du volume des myomes et d’une diminution des phénomènes hémorragiques. L’effet de ces produits est réversible à l’arrêt du traitement. Ils entraînent une aménorrhée et des effets secondaires en rapport avec l’hypo-œstrogénie : bouffées de chaleur, sécheresse vaginale, troubles de la libido et, en cas d’uti- lisation prolongée (plus de 6 mois), une possible ostéo- porose. Le coût de ces produits est aussi très élevé. Gynécologie - Obstétrique 2165 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 1 9 9 9 , 4 9 • La myomectomie par cœlioscopie est une technique difficile qui nécessite des équipes entraînées et un matériel performant. Elle est réservée à certaines indications bien précises : myomes sous-séreux ou sous-séreux et inter- stitiels dont le nombre n’excède pas 3 et la taille 8 cm. La suture de l’utérus est difficile, posant le problème de la solidité de la cicatrice utérine en cas de grossesse ulté- rieure. La durée opératoire est augmentée mais les suites sont plus simples : la douleur, la durée d’hospitalisation et de convalescence sont diminuées. • La myomectomie par laparotomie concerne les limites des techniques endoscopiques : myomes nombreux, volumineux ou profonds. Le risque de cette chirurgie est essentiellement hémorragique. On doit donc veiller à avoir corrigé une anémie avant l’intervention, au besoin sous le couvert d’un traitement de 2 ou 3 mois d’analogue de la GnRH, qui permet souvent de passer un cap, d’arrêter une hémorragie et d’administrer une supplé- mentation martiale. Si le taux d’hémoglobine de la patiente est normal, on peut prévoir une autotransfusion. Il est possible aussi de réduire le saignement opératoire par une embolisation vasculaire préopératoire des myomes (des particules résorbables sont lâchées dans les pédicules nourriciers des myomes après cathétérisme sélectif). Cela est réalisé seulement par certaines équipes de radiologie interventionnelle. • La myomectomie vaginale est réservée à certains cas où les fibromes sont peu nombreux et facilement accessibles par cette voie. La myomectomie est une intervention très adhésiogène. Des adhérences postopératoires intéressant les annexes (notamment après exérèse de fibromes postérieurs) peuvent retentir sur la fertilité. Les adhérences post- opératoires pourraient être moins fréquentes après cœlioscopie qu’après laparotomie. La myomectomie laisse en place un « utérus cicatriciel », fragilisé par l’intervention. En cas de grossesse ultérieure, il existe un risque faible de rupture au niveau de la cicatrice. 2. Traitement radical Il s’agit de l’hystérectomie qui peut être totale (emportant le col utérin) ou subtotale (laissant le col utérin en place), associée ou non à une annexectomie (ablation des trompes et des ovaires). L’hystérectomie peut être réalisée selon les cas par laparotomie, par voie vaginale (elle est de cette façon toujours totale), assistée éven- tuellement par cœlioscopie, ou par cœlioscopie seule. Les ovaires sont retirés chez les femmes ménopausées en prévention du cancer ovarien ou lorsqu’il existe une anomalie macroscopique constatée en peropératoire. Ils sont conservés dans les autres cas pour préserver la fonction endocrine des gonades. La patiente est toujours prévenue avant l’opération de toutes les éventualités. Les avantages de la voie vaginale sur la laparotomie sont une réduction des douleurs postopératoires, de la durée d’hospitalisation et de convalescence ainsi que l’absen- ce de cicatrice abdominale. Elle nécessite une bonne accessibilité vaginale (meilleure chez la multipare), que l’utérus ne soit pas trop volumineux et qu’il descende bien à la traction sur le col lors de l’examen sous anes- thésie générale. Une variante est l’hystérectomie cœlio- assistée où les gestes sur les annexes et divers temps de dissection et d’hémostase vasculaire sont réalisés par cœlioscopie. L’ablation de l’utérus est réalisée par voie vaginale. Dans l’hystérectomie cœlioscopique tous les temps opératoires jusqu’à l’ouverture du vagin sont réa- lisés par cœlioscopie. L’utérus est extrait par le vagin, éventuellement après morcellement. La cœliochirurgie peut être proposée lorsque l’utérus est peu mobile à la traction sous anesthésie générale ou s’il existe une disproportion entre la filière génitale et le volume utérin. La laparotomie est indiquée en cas de volumineux utérus dont l’abord par voie vaginale ou cœlioscopique est contre-indiqué. Indications thérapeutiques 1. Arguments décisionnels Les éléments à prendre en compte pour décider du traitement sont : – la symptomatologie et sa gravité ; – les caractéristiques anatomiques des myomes : nombre, taille, type, localisation ; – l’évolutivité des myomes ; – l’âge, le statut hormonal ; – la parité, le désir d’enfant ; – l’existence d’une stérilité ; – l’existence d’une pathologie associée gynécologique ; – le terrain : antécédents chirurgicaux, contre-indication à l’anesthésie ou à certaines voies d’abord chirurgicales. Finalement, l’interrogatoire, la clinique, l’échographie, l’hystéroscopie et le taux d’hémoglobine sont les éléments clés de la décision. 2. Traitement médical exclusif Le but du traitement médical est d’améliorer les signes fonctionnels et d’éviter les complications. Il ne permet pas de faire disparaître les fibromes. En l’état actuel des connaissances, les analogues de la GnRH ne constituent donc pas un traitement définitif. Ils seraient plutôt un moyen de passer un cap difficile, de différer une intervention ou d’en modifier les conditions par une réduction de volume des myomes pratiquement constante. 3. Traitement médical préopératoire Son intérêt est discuté mais l’administration de 2 ou 3 mois d’analogues de la GnRH avant chirurgie peut être proposée pour traiter une anémie avant l’inter- vention, pour limiter le saignement peropératoire et lorsque la réduction du volume des myomes simplifie le geste opératoire ou permet d’utiliser une technique endoscopique. L’arrêt des hémorragies permet de réaliser un bilan endoscopique fiable et de planifier l’intervention. F I B R OME S UT É R I NS 2166 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 1 9 9 9 , 4 9 En dehors d’une torsion, d’un épisode de nécrobiose ou d’une compression d’un organe de voisinage, un fibrome est rarement douloureux. Il faut éliminer une autre étiologie avant de pratiquer l’exérèse d’un fibrome ou de l’utérus pour douleurs pelviennes. En cas de stérilité, la responsabilité des fibromes est controversée. Il faut faire un bilan complet avant de décider d’opérer et tenir compte du fait que la myo- mectomie (surtout en cas de localisation postérieure) entraîne très souvent des adhérences postopératoires au niveau des annexes qui peuvent altérer la fertilité. Si le bilan ne retrouve aucun autre facteur associé, la myomectomie est envisageable, surtout en cas de myome sous-muqueux, volumineux, déformant la cavité utérine. Dans ces circonstances, on obtient 60 % de grossesses à 1 an. En cas de fibrome rapidement évolutif en préménopause ou de fibrome évolutif sous traitement hormonal substitutif de la ménopause, une intervention le plus souvent radicale est proposée pour permettre d’instaurer ou de poursuivre le traitement substitutif. I 4. Traitement chirurgical Les indications opératoires, réservées aux fibromes symptomatiques, doivent être posées avec discernement. Il faut éviter d’opérer à tort des fibromes qui ne sont pas responsables des symptômes dont se plaignent les patientes. Une intervention non justifiée peut être préju- diciable notamment par son retentissement sur la fertilité. Le chirurgien doit maîtriser toute la panoplie des techniques disponibles afin d’offrir à sa patiente celle qui est la mieux adaptée à son cas. Il doit penser comme un chirurgien mais aussi comme un accoucheur, préserver voire améliorer la fertilité des femmes en âge d’avoir des enfants. Il doit respecter au maximum l’intégrité de l’appareil génital dont l’amputation provoque toujours un traumatisme psychologique et tenir compte des préoccupations esthétiques des patientes pour ce qui est des cicatrices. • Certaines indications sont faciles à poser : torsion d’un fibrome pédiculé ou volumineux fibrome sous- séreux pédiculé à risque de torsion ; compression d’un organe de voisinage par un myome volumineux ; gros utérus polymyomateux avec pesanteur pelvienne chez la femme de plus de 40 ans. • En cas de ménométrorragies, il est facile d’incriminer un fibrome sous-muqueux et d’évaluer s’il est accessible à une résection hystéroscopique. L’indication est plus délicate pour un myome interstitiel qui ne vient pas au contact de l’endomètre. L’adénomyose est une cause fréquente de saignements après 40 ans, son diagnostic est difficile et elle peut être associée à des myomes interstitiels. C’est une indication d’hystérectomie soit d’emblée soit après échec d’un traitement progestatif. Gynécologie - Obstétrique 2167 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 1 9 9 9 , 4 9 • Les fibromes sont des tumeurs bénignes très fréquentes. La plupart restent asymptomatiques. Le diagnostic repose sur la clinique et l’échographie abdomino-pelvienne. • Devant des saignements anormaux, il faut faire un test de grossesse et éliminer une pathologie associée endométriale (hystéroscopie avec biopsies) et (ou) ovarienne. • Seuls les fibromes symptomatiques doivent être traités, ce qui correspond seulement à 20 à 30% de ces tumeurs. Les traitements médicaux actuels les plus efficaces sont les analogues de la GnRH. Ils provoquent une hypo-œstrogénie responsable d’une diminution du volume des myomes et d’une réduction des phénomènes hémorragiques. Leur effet est réversible à l’arrêt et la durée du traitement doit être limitée. • Toutes les techniques chirurgicales ont des indications spécifiques dans la pathologie fibromateuse utérine. Le chirurgien doit maîtriser toutes les voies d’abord et proposer à sa patiente la plus adaptée à son cas. Les indications sont précises et doivent respecter certains principes : d’abord ne pas nuire, c’est-à-dire opérer à bon escient les fibromes compliqués et dépassant les possibilités des traitements médicaux ; opérer en limitant le risque hémorragique et après avoir corrigé une éventuelle anémie ; préserver la fertilité des patientes en âge de procréer. Points Forts à retenir Hystérectomie totale. Coupe sagittale. Volumineux fibrome sous séreux pédiculé. Physiopathologie 1. Moyens de défense • La femme enceinte a un statut immunitaire particu- lier puisqu’il permet : – l’allogreffe fœtale ; – la réapparition de certains anticorps (Ac) de type IgM sur des immunités antérieurement acquises ; – la production d’anticorps anti-érythrocytaires (A B O -Rh - Kell), Il existe une hyperleucocytose à polynucléaires neutro- philes malgré l’hémodilution. • Le fœtus est, lui, immature dans ses réactions immu- nitaires et anti-infectieuses ; il bénéficie néanmoins : – de défenses croissantes avec le terme de la gestation ; – des barrières que représentent la membrane placentaire et les enveloppes de l’œuf (chorion et amnios) ; – du rôle bactéricide du liquide amniotique ; – du passage transplacentaire d’anticorps protecteurs d’ori- gine maternelle. 2. Limites des moyens de défense • La membrane placentaire est perméable aux anticorps et aux virus (pour certains comme le VIH en fonction du terme), imperméable aux bactéries et aux parasites. • L’évolution de la grossesse ou certaines agressions per- mettent néanmoins le passage transplacentaire de ces élé- ments figurés et la contamination fœtale. • La présence de foyers bactériens dans les lacs sanguins maternels au contact du placenta ou dans les caduques proches des membranes amnio-choriales peut permettre un passage massif. • Le pôle inférieur de l’œuf au contact de l’orifice interne du col de l’utérus est une zone de fragilité et de rupture des membranes, source de contamination ascendante. 3. Conséquences de l’hyperthermie • En dehors de son retentissement maternel, elle induit une tachycardie fœtale qui peut évoluer vers une souffrance fœtale aiguë (SFA) voire une interruption de la grossesse. • Elle stimule la contractilité utérine (de même que les toxines qui ne traversent pas la barrière placentaire), entraî- nant un risque majeur de menace d’accouchement préma- turé (MAP). 4. Effets de l’agent pathogène • Virus : – pendant le 1 er trimestre, ils peuvent entraîner une embryo- pathie grave, dont la rubéole apporte le meilleur exemple, et l’interruption de la grossesse ; – la contamination ultérieure est source de fœtopathies qui peuvent entraîner ; . des séquelles définitives en particulier neurologiques [par- vovirus B19 - cytomégalovirus (CMV)], . la naissance d’un enfant contaminé [ictère, hépatospléno- mégalie, retard de croissance intra-utérin (RCIU)], . la naissance d’un enfant initialement sain mais conta- miné au long cours (VIH, hépatite B). Lors de l’accouchement, les sécrétions vaginales déglu- ties sont également source d’une contamination grave et immédiate comme l’herpès ou, à long terme, l’hépa- tite B. L’ensemble de ces risques témoigne de l’importance des vaccinations antivirales des adolescentes, de la prévention Gynécologie - Obstétrique A 19 1615 L A R E V UE DU P R AT I CI E N ( P a r i s ) 1 9 9 8 , 4 8 Fièvre en cours de grossesse Orientation diagnostique PR Jean-Louis TABASTE Service de gynécologie obstétrique II, CHU Dupuytren, 87042 Limoges cedex. • L’hyperthermie en cours de grossesse est avec la survenue de métrorragies la cause la plus fréquente de consultations pour une femme enceinte. • L’examen initial doit : – dépister les risques immédiats d’interruption de la grossesse ; – évaluer sur l’anamnèse et la clinique l’étiologie la plus vraisemblable ; – pratiquer les examens complémentaires de confirmation ; – instituer une thérapeutique de principe à visée antipyrétique et le plus souvent antibiotique à large spectre, en tenant compte des contre- indications liées à l’entité fœto-maternelle, associée à celle du risque de prématurité. Points Forts à comprendre des maladies sexuellement transmissibles et de la mise à l’écart des enfants, pendant la grossesse pour certaines professions exposées. • Pyogènes : quel que soit le terme de la grossesse, ils peu- vent être responsables d’un retard de croissance intra-uté- rin ou d’une mort fœtale in utero (MFIU) ; 3 sont particulièrement à redouter : – Listeria monocytogenes d’origine alimentaire (produits « trop naturels », charcuterie, saumon) responsable d’une septicémie maternelle très fœticide ; – Escherichia coli responsable de la majorité des infec- tions urinaires hautes, basses ou asymptomatiques ; – streptocoque du groupe B : il relève d’une contamination vaginale avec transmission fœtale lors de la rupture pro- longée des membranes ou de l’accouchement, responsable de complications méningées souvent mortelles. • Parasites : – endémie mondiale, le paludisme est responsable de fausses couches, d’accouchements prématurés de retard de croissance intra-utérin, et de morts fœtales in utero liées à l’anémie et aux poussées fébriles. La chimioprophylaxie en pays d’endémie et la contre-indication de vacances en pays impaludés s’imposent ; – l’infestation toxoplasmique est responsable d’em- bryofœtopathies d’autant plus rares, mais graves, qu’elle est précoce au cours de la grossesse ; son risque justifie la surveillance sérologique et les conseils alimentaires des femmes enceintes séronégatives. Au total, la multiplicité des causes, la fréquence des formes asthéniques, asymptomatiques ou trompeuses de certaines affections, la gravité du retentissement maternel et fœtal doivent faire redouter toute fièvre maternelle. Clinique et paraclinique Malgré des causes et des risques différents, la prise en charge initiale ne doit pas varier dans sa rigueur. 1. Interrogatoire – Il précise le terme de la grossesse, les modalités du suivi jusqu’alors. – Il vérifie les notions de vaccinations, de maladies infec- tieuses antérieures, de sérologies obligatoires. – Il recherche les possibilités de contamination récentes (entourage, alimentation). – Il analyse les prodromes éventuels, l’évolution des signes, les bilans réalisés et les traitements institués. 2. Examen clinique Il doit être complet : • du retentissement maternel du syndrome infectieux ; poids, tension, détresse respiratoire, signes toxi-infec- tieux ; • recherche des signes extragynécologiques : examen ORL, adénopathies, hépatosplénomégalie, signes cutanés ; • l’examen abdominal explore : fosses lombaires, fosses iliaques et région sus-pubienne ; les douleurs abdominales alléguées ou constatées siègent le plus souvent à droite ; • l’examen obstétrical comporte : – la vérification de la vitalité embryofœtale avec enregis- trement continu dès que le terme le permet : la tachycardie est constante ; – l’existence de contractions utérines ; – l’examen au spéculum s’assure de l’absence de lésions cervicales, de métrorragies, permet le prélèvement des leu- corrhées à visée bactériologique ; – le toucher vaginal analyse : les modifications du col (lon- gueur, dilatation, orientation). La modification du segment inférieur, d’éventuelles douleurs des culs de sac latéraux et des points urétéraux inférieurs. 3. Examens complémentaires • Sanguins : – numération globulaire : l’élévation des polynucléaires neu- trophiles signe l’infection à pyogènes, celle des lymphocytes orientant vers une virose ; – CRP dont l’élévation est plus fiable chez la femme enceinte que la vitesse de sédimentation ; – hémoculture d’emblée ou dès que la température dépasse 38,5˚C ; – les sérodiagnostics obligatoires en cours de grossesse anté- rieurement négatifs seront renouvelés mais leurs résultats ne seront pas immédiats de même que ceux du cytomégalovi- rus et du parvovirus B19. • Urinaires L’étude à la bandelette : hématies, leucocytes, protéines, nitrites orientent vers une infection urinaire, étiologie fré- quente, confirmée par la cytologie urinaire, l’identification du germe, le compte des colonies (> 10 5 ) puis l’antibio- gramme. • Autres prélèvements bactériologiques : ils seront pratiqués au niveau ORL et anal. • Place de l’imagerie obstétricale : par voie abdominale ou vaginale, elle est indispensable pour vérifier . – la vitalité et (ou) le bien-être fœtal (score de Manning) ; – le terme ou l’apparition d’un retard de croissance intra-uté- rin depuis le précédent contrôle ; – le volume du liquide amniotique en cas de rupture suspec- tée ou avérée des membranes. L’échographie abdominale permet d’éliminer une dilatation excessive du bassinet maternel qui est physiologiquement prédominante à droite, une anomalie du parenchyme rénal, une éventuelle pathologie hépato-vésiculaire. La radiologie est contre-indiquée, en particulier lors du 1 er trimestre de la grossesse. Plus tard, l’abdomen sans prépara- tion à la recherche d’une lithiase serait gêné par les ébauches osseuses. En cas de forte suspicion de lithiase, 2 à 3 clichés d’urographie intraveineuse peuvent être réalisés. À l’issue de ce bilan L’orientation diagnostique est le plus souvent évidente mais, en l’absence de confirmation bactériologique immé- diate, une thérapeutique de première intention s’impose : – réanimation hydroélectrolytique par voie veineuse ; – antipyrétiques dérivés du paracétamol ; 1616 L A R E V UE DU P R AT I CI E N ( P a r i s ) 1 9 9 8 , 4 8 F I È V R E E N COUR S DE GR OS S E S S E – antibiothérapie à large spectre basée sur l’amoxycilline ou les macrolides en cas d’allergie ; – la contractilité utérine évidente ou non doit être systémati- quement combattue par la progestérone ou ses dérivés natu- rels au 1 er trimestre, les antispasmodiques, les bêtastimulants en seconde moitié de grossesse par voie orale ou parentéra- le en fonction des risques constatés. Causes Elles sont à envisager en fonction de leur fréquence et de leur gravité potentielle. 1. Infection urinaire Elle est favorisée par l’insuffisance de boissons, l’hypotonie progestéronique des voies excrétrices et après le 3 e mois, la compression urétérale par l’utérus au niveau du détroit supé- rieur. Basse (cystite) ou asymptomatique, elle devrait être recher- chée systématiquement à la bandelette lors de chaque exa- men obstétrical ou de tout signe de menace d’accouchement prématuré. • L’absence ou l’insuffisance de traitement peut favoriser la survenue d’une pyélonéphrite avec : clochers fébriles, alté- ration de l’état général, brûlures mictionnelles, douleurs le plus souvent du flanc droit et sus-pubiennes, parfois petite paresse du transit. • À l’examen, la douleur du flanc et de la fosse lombaire vont de pair avec un utérus souvent contractile mais sans contracture limitée. Les urines sont troubles et concentrées. • La numération globulaire confirme l’infection à pyo- gènes, la cytologie urinaire prouve la pyurie et la pullulation microbienne. La réanimation hydroélectrolytique avec contrôle de la diu- rèse est entreprise avec antibiothérapie à large spectre, en attendant les résultats bactériologiques de l’uroculture et des hémocultures avec antibiogramme. • L’évolution spontanée aboutirait à l’abcès rénal dans un contexte toxi-infectieux et de perturbations graves de la fonction rénale. • L’évolution sous antibiotiques adaptés est le plus souvent favorable en quelques jours avec antibiothérapie prolongée et renouvellement fréquents de contrôles urinaires. • Sur le plan embryo-fœtal, on peut redouter une fausse couche spontanée, une mort fœtale in utero et, surtout, une menace d’accouchement prématuré. – L’utilisation des tocolytiques par voie veineuse est souvent nécessaire, mais ils ajoutent leur tachycardie à celle liée à l’hyperthermie materno-fœtale. – L’existence de signes de souffrance fœtale aiguë (SFA) amènera, quel que soit le terme, à envisager une naissance prématurée de sauvetage par césarienne ou voie basse selon l’état du col. – Passé 36 semaines d’aménorrhée, une naissance spontanée est souhaitable avec un travail généralement rapide. 2.Autres syndromes abdominaux fébriles • L’appendicite ne pose guère de problème diagnostique au 1er trimestre par rapport à la forme habituelle, mais une cœlioscopie peut être nécessaire. En revanche, à un terme plus avancé, elle se manifeste volontiers de façon asthénique avec des signes diffus de la fosse iliaque ou du flanc, une hyperthermie progres- sivement croissante avec troubles modérés du transit. Le syndrome subocclusif s’accompagne d’une contrac- ture plus ou moins étendue du bord droit de l’utérus. Plus tardivement, l’évolution se fera vers le tableau cli- nique local et général d’abcès appendiculaire L’hyperleucocytose à polynucléaire est constante, mais les explorations urinaires sont négatives. L’appendicectomie, avec ou sans drainage, s’impose sous couverture antibiotique et tocolyse avec un risque certain de prématurité. • Les coliques néphrétiques siègent habituellement, comme la pyélonéphrite, à droite. L’hyperthermie est absente ou modérée, et les douleurs sont calmées ou améliorées par les antispasmodiques par voie veineuse. Il n’existe, en général, pas de syndrome infectieux géné- ral ou urinaire bas et l’hématurie peut manquer. L’échographie rénale signe la dilatation pyélocalicielle. Certaines lithiases peuvent cependant évoluer à bas bruit vers un tableau infectieux ressemblant à celui de la pyélonéphrite par infection sus-jacente à l’obstacle. • Les cholécystites sont rares en cours de grossesse sur un terrain connu ou prédisposé (âge-obésité). La dou- leur et la contracture utérine haut situées peuvent orien- ter en l’absence d’ictère avec une confirmation écho- graphique et un risque de prématurité dans les formes graves ou lorsque la chirurgie est nécessaire. • Les ictères viraux sont rares en cours de grossesse. L’hépatite A d’origine alimentaire est à redouter dans l’immédiat avec risque d’hépatite fulminante. Le risque d’hépatite B doit être prévenu par le vaccin et la prise en charge fœtale. Comme l’hépatite C, elle donne rarement lieu à un ictère gravidique fébrile. 3. Autres pathologies abdominales Diarrhées et vomissements fébriles peuvent également relever d’infections intestinales d’origine alimentaire ou d’infections virales. L’hyperthermie et les troubles hydroélectrolytiques peuvent être au premier plan. La notion d’intoxication alimentaire ou de pathologie épidémique du même type dans l’entourage peut orien- ter le diagnostic confirmé par la coproculture et la séro- logie. Si l’accouchement se produit, il faudra protéger le fœtus, lors de la période d’expulsion, d’une contamina- tion de proximité. 4. Hyperthermie isolée De nombreux germes ou virus sont susceptibles d’en- traîner une telle symptomatologie. La notion d’épidé- mie, d’absence de vaccination, de migration estivale ou économique doit avoir valeur d’orientation. • La listériose évolue classiquement en 2 temps comme un syndrome grippal. L’hyperthermie initiale est volontiers modérée, inférieure ou égale à 38,5˚C, avec manifestations ORL. Après 4 à 7 jours, apparaît la forme septicémique Gynécologie - Obstétrique 1617 L A R E V UE DU P R AT I CI E N ( P a r i s ) 1 9 9 8 , 4 8 avec température à 39˚C ou plus, frissons. L’état général est modérément altéré. En seconde moitié de grossesse, cette pathologie est fœtici- de, justifiant la mise sous antibiothérapie de toute femme enceinte présentant un syndrome grippal. La biologie confirme un syndrome infectieux banal sans composante urinaire. Le bilan bactériologique central et périphérique confirme le diagnostic souvent après la disparition rapide du syndrome infectieux sous traitement spécifique (pénicilline ou déri- vés). En cas de naissance ou d’expulsion, la présence macrosco- pique de petites taches blanches sur la face maternelle du placenta confirme le diagnostic. Ce sont de micro-abcès en histologie et bactériologie. • Le paludisme sera évoqué sur des clochers fébriles typiques (rares). La notion d’immigration récente ou de séjour en pays d’endémie, surtout des réminiscences, sont toujours possibles. La splénomégalie est inconstante, l’anémie et l’hyperéosi- nophilie orientent, et le frottis sanguin et la goutte épaisse confirment en urgence le diagnostic. Les antipaludéens ne sont pas abortifs, les à-coups fébriles peuvent l’être ; le traitement spécifique, la réanimation per- mettent le plus souvent d’éviter la mort fœtale in utero, mais le retard de croissance intra-utérin est fréquent, surtout en pays d’endémie. • Les syndromes grippaux sont fréquents : banals ou épi- démiques, ils nécessitent des antipyrétiques et des antibio- tiques pour éviter les surinfections bactériennes plus fré- quentes. • Les grippes épidémiques donnent lieu aux symptômes les plus marqués : l’hyperthermie évolue avec le V grippal, migraines, myalgies, asthénies ; l’hyperlymphocytose et la négativité du bilan bactériologique en dehors d’une surin- fection trancheront. 5. Hyperthermie avec signe d’appel • La rubéole doit être systématiquement évoquée en cas d’exanthème cutané chez une femme séronégative dans un contexte saisonnier et de contact avec un enfant atteint. Le risque malformatif justifie la vaccination des adoles- centes ou la vérification du sérodiagnostic avant un début de grossesse. Dès la notion d’une éventuelle contagion, la vérification des IgM et des IgG doit être immédiate et peut justifier de l’uti- lisation de gammaglobulines spécifiques avant que les anti- corps se positivent. Mais les symptômes sont ambigus, et seule une vérification sérologique mensuelle ou en cas de risque s’impose. Au 1 er trimestre, l’interruption de grossesse est licite en rai- son des risques. Contractée en fin de grossesse, l’enfant peut naître porteur de la maladie. Il est surtout contaminant en pouponnière. • La varicelle a une éruption bulleuse caractéristique. En début de grossesse, elle n’entraîne pas d’embryopathie spé- cifique. Plus tard, comme toute les viroses fébriles, elle peut entraî- ner retard de croissance in utero voire mort fœtale in utero. À proximité du terme, toute notion de contage doit faire vérifier les anticorps maternels. S’ils sont négatifs, un déclenchement de l’accouchement peut être envisagé avant l’éruption. Quand elle se produit, fébrile, il est souhaitable d’attendre la montée des anticorps maternels protecteurs. • L’herpès donne rarement lieu, au cours de grossesse, à une primo-infection sévère en dehors des femmes immu- nodéprimées. C’est l’aspect et le prélèvement des vésicules qui, le plus souvent, confirment le diagnostic et fixent les précautions à prendre pour l’accouchement (primo-infection : excrétion virale d’environ 1 mois ; récurrence : excrétion d’environ 10 jours). • La toxoplasmose : la majorité des séroconversions en cours de grossesse sont asymptomatiques. Il faut suspecter cette maladie chez une femme séronégative devant une fièvre modérée avec asthénie et polyadénopathie diffuse. Le contrôle sérologique doit dont être systématique et l’uti- lisation des macrolides immédiate. 6. Circonstances particulières Certaines pathologies « chroniques » sont susceptibles de favoriser la survenue et la récidive d’accidents infectieux. • C’est le cas du diabète : – s’il est connu, la prévention et le dépistage seront au pre- mier plan, en particulier pour l’infection urinaire ; – s’il est méconnu, des infections urinaires à répétition, des mycoses, peuvent orienter, surtout dans un contexte de sur- charge pondérale ; la glycosurie et les épreuves de surchar- ge en sucre feront le diagnostic. • Hémopathies : maladie de Hodgkin et leucémies aiguës peuvent être diagnostiquées en cours de grossesse à l’oc- casion d’un syndrome infectieux à pyogène. Dans un tel contexte, la biopsie de moelle est souhaitable devant une formule sanguine perturbée. • VIH : les infections opportunistes sont le fait des stades cliniques avancés contre-indiquant, a priori, la grossesse. Les traitements par mono- ou bithérapie limitent bien sûr ce risque, mais on a déjà noté des effets rebond à l’arrêt, en vue d’une grossesse, de la trithérapie. 7. Hyperthermies d’origine obstétricales Elles traduisent la survenue d’une infection ovulaire ou endométriale. • Au premier trimestre, il faut éliminer l’existence d’un avortement ou d’une tentative inavouée bien que la loi sur l’IVG doive nous en protéger. La présence de métrorragies, de douleurs au toucher vagi- nal voire de lésions traumatiques du col doivent l’évoquer. • La rupture prématurée des membranes menace la mère par diffusion de l’infection endo-vaginale, mais c’est sur- tout le fœtus qui est menacé : – de prématurité car, dans la majorité des cas, l’expulsion se produit dans les 36 h ; – après 37 semaines, le déclenchement au bout de 12 h est licite ; – au-delà de 34 semaines, on peut tolérer 48 h de ruptu- re pour améliorer la maturité pulmonaire fœtale en l’ab- sence de signes infectieux maternels (hyperthermie, 1619 L A R E V UE DU P R AT I CI E N ( P a r i s ) 1 9 9 8 , 4 8 F I È V R E E N COUR S DE GR OS S E S S E NFS et CRP normales) et fœtaux (tachycardie, signes de souffrance fœtale aiguë) ; – à un terme plus précoce – voire très précoce – le maintien in utero peut être souhaitable sous surveillance rigoureuse ; . de la mère : température, NFS, CRP, prélèvements vaginaux maternels réguliers, . du fœtus : rythme cardiaque fœtal biquotidien, contrôle échographique du liquide restant, vélocimétrie doppler, croissance volontiers altérée (RCIU). La tocolyse aide à ce maintien in utero, l’utilisation des antibiotiques est adaptée au cas par cas. • Au total, en matière d’hyperthermie obstétricale, le catalogue étiologique est vaste. Le plus souvent, les risques materno-fœtaux sont minimes ou nuls. Néanmoins, les risques d’embryopathie ou d’infection materno-fœtale à pyogènes doivent inciter à la prise en charge la plus rigoureuse de l’affection et du risque de prématurité. À ce titre, au moindre doute, le transfert in board vers un service d’obstétrique avec unité de réanimation néo- natale s’impose. I Gynécologie - Obstétrique 1619 L A R E V UE DU P R AT I CI E N ( P a r i s ) 1 9 9 8 , 4 8 • L’hyperthermie favorise la contractilité utérine avec risques de fausses couches ou d’accouchements prématurés. • La membrane placentaire est perméable aux anticorps et aux virus et est, théoriquement, imperméable aux bactéries et aux parasites. • Les anticorps maternels protègent le fœtus, le liquide amniotique a des propriétés antiseptiques. • L’atteinte virale au 1 er trimestre entraîne des risques d’embryopathies. • Les infections maternelles à redouter sont : l’infection urinaire, la listériose, la contamination par le streptocoque B à membranes rompues. • Paludisme et toxoplasmose sont les parasitoses les plus répandues. • Les antibiotiques et antipyrétiques adaptés à la grossesse sont le traitement d’urgence associés à une lutte de principe contre la contractilité utérine. Points Forts à retenir De Tourris H, Henrion R, Delecour M. Gynécologie Obsté- trique. 6 e édition. Paris : Maloine, 1993. Giraud JR, Tournaire M. Surveillance et thérapeutiques obstétri- cales. Abrégés Masson. Merger R, Levy J, Merchior J. Précis d’obstétrique. Masson. Soutoul JH, Kamina P. Guide pratique des exploration fonction- nelles en obstétrique. Maloine, 1992. POUR EN SAVOIR PLUS Gynécologie-Obstétrique B 157 303 L A R E V UE DU P R AT I CI E N ( P a r i s ) 1 9 9 9 , 4 9 • au spéculum : col violacé, mou, avec une glaire assez abondante ; • au toucher vaginal : l’utérus apparaît augmenté de volume et ramolli, le corps utérin a une mobilité distincte de celle du col de l’utérus ; • les bruits du cœur peuvent être perçus à l’aide d’un détecteur de pouls fœtal à ultrasons, à partir de 10 semaines d’aménorrhée. Lorsque le diagnostic de grossesse est évident, il n’y a pas lieu de prescrire des examens biologiques. 3. Diagnostic moins évident Un problème se pose lorsque : • l’utérus est difficile à apprécier chez une patiente obèse ou en cas de rétroversion utérine ; • dans les cas douteux, on s’aide d’un dosage d’hCG β (human chorionic gonadotrophin) qualitatif qui confirme l’existence, d’un processus gravidique et d’une échographie si l’âge gestationnel paraît supérieur à 7 semaines d’aménorrhée. En préciser l’évolutivité En l’absence de signes cliniques inquiétants, il n’y a pas lieu d’en- visager d’examen complémentaire particulier. Dans certains cas (métrorragies, douleurs pelviennes, utérus trop gros ou trop petit à l’examen clinique, disparition des signes sympathiques de gros- sesse), on peut suspecter une anomalie d’évolution et l’examen le plus intéressant est alors l’échographie, qui permettra soit de confirmer l’évolutivité de la grossesse lorsque l’utérus apparaît gravide avec un sac gestationnel contenant un embryon doué d’une activité cardiaque ; soit de suspecter une anomalie de la grossesse (grossesse extra-utérine, arrêtée, ou môlaire). En préciser l’âge 1. Rappels • La nidation se fait à j + 7 par rapport à la fécondation. • La sécrétion d’hCG β par le trophoblaste devient détectable à partir de j + 9, le taux doublant tous les 2 jours en cas de gros- sesse normale. • En échographie, le sac gestationnel est visible à 5 semaines et demie, l’embryon à 6 semaines et demie. • La mesure de la longueur cranio-caudale permet d’évaluer l’âge gestationnel à plus ou moins 3 jours. • L’âge gestationnel est exprimé habituellement en semaines d’aménorrhée (depuis les dernières règles), éventuellement corri- Première consultation Extrêmement importante, elle poursuit plusieurs objectifs : affirmer la grossesse, en préciser l’évolutivité et l’âge, recher- cher les facteurs de risque, informer la patiente des formalités et des droits dont elle dispose, lui prodiguer des conseils de vie, prescrire des examens complémentaires, établir les for- malités administratives de déclaration de grossesse Affirmer la grossesse 1. Interrogatoire • Aménorrhée : très évocatrice chez une femme en période d’activité génitale habituellement bien réglée, elle est parfois plus difficile à préciser : si la date des dernières règles n’est pas connue avec certitude ; si la patiente présente des cycles irrégu- liers ; en cas de grossesse faisant suite à une période d’aménor- rhée ; en cas de grossesse survenant après un retour de couches ou après un arrêt de contraception orale ; en cas de saignement en début de grossesse ou lorsque l’interrogatoire ne permet pas d’obtenir des données très précises (nationalité étrangère). • Certains signes sympathiques de grossesse sont évocateurs, ils sont inconstants et variables d’une personne à l’autre : troubles digestifs (nausées, vomissements, hypersialorrhée), hypersomnie, fatigabilité, tension mammaire. • On peut parfois s’aider d’une courbe ménothermique qui permet de préciser l’ovulation et la date de fécondation, cette courbe est en faveur d’une grossesse si le plateau thermique dépasse 20 jours. 2. Examen clinique Il recherche des signes évocateurs : • seins tendus, sensibles, avec hyperpigmentation des aréoles ; Grossesse Diagnostic, surveillance clinique, indication des examens complémentaires, réglementation PR René-Charles RUDIGOZ Clinique gynécologique et obstétricale, maternité, hôpital de la Croix-Rousse, 69317 Lyon cedex 04 • La surveillance de la grossesse a pour but de dépister les facteurs de risque maternels et fœtaux et de réduire la mortalité et la morbidité périnatale. • Cette surveillance repose sur des examens cliniques régulièrement pratiqués, sur des examens, biologiques et échographiques et sur certaines mesures préventives. • Cette surveillance est réglementaire, un certain nombre d’examens et de formalités sont obligatoires. Points Forts à comprendre gé par l’échographie, le terme étant alors fixé à 40 semaines et demie d’aménorrhée ; exceptionnellement en semaines de gros- sesse ou semaines post-conceptionnelles, le terme étant alors à 38 semaines et demie d’aménorrhée. 2. Intérêts de la datation Elle donne la possibilité de : • déterminer le plus précisément possible la date de début de la grossesse ; • déterminer le plus précisément possible la date du terme, ce qui permet : de surveiller correctement la croissance fœtale ; de déter- miner les périodes à risque de prématurité, de surveiller correcte- ment et sans excès un éventuel dépassement de terme ; de faire bénéficier le plus précisément possible la patiente de ses congés légaux. 3. Modalités de la datation • Parfois cela est facile : antécédent de cycles réguliers, d’ovula- tion régulière ; pas de signe clinique anormal ; existence d’une courbe de température précise permettant de situer l’ovulation et donc la conception, date de début de grossesse précise en cas de traitement de stérilité, induction de l’ovaire, fécondation in vitro, etc. Pour déterminer le terme théorique, on ajoute en général à la date des dernières règles, 9 mois et 10 jours . Dans tous ces cas, une échographie réalisée vers 10, 12 semaines sera capable de mieux préciser l’âge gestationnel et permettra de corriger le terme dans 10 % des cas environ. • Parfois cela est difficile : cycles irréguliers, dernières règles imprécises ou inconnues ; symptômes cliniques anormaux faisant craindre une grossesse pathologique ; il faudra alors avoir recours à des examens complémentaires : dosage quantitatif de l’hCG β qui permet de confirmer la réalité du processus gravidique ; mais n’a que peu d’intérêt pour apprécier l’âge gestationnel. C’est sur- tout l’échographie qui est très intéressante, réalisée entre 7 et 12 semaines d’aménorrhée ; le meilleur critère pour évaluer l’âge gestationnel est la longueur cranio-caudale qui permet de préciser le terme à plus ou moins 3 jours près. Facteurs de risque de grossesses compliquées 1. Interrogatoire Il faut tenir compte des facteurs suivants : • antécédents personnels : médicaux (diabète, hypertension, néphropathie, cardiopathie) ; chirurgicaux (appendicectomie, occlusion intestinale ou autre) ; gynécologiques (stérilité, malfor- mation utérine) ; obstétricaux (nombre de grossesses antérieures, pathologie des grossesses antérieures, antécédent de fausse couche, de grossesse extra-utérine, d’interruption thérapeutique de grossesse) ; • antécédents familiaux : exposition in utero au Distilbène, mal- formations ; problèmes génétiques : traitements médicaux suivis par la patiente pouvant justifier une surveillance particulière (anti- vitamine K, anti-épileptiques, traitement psychiatrique) ; • terrain : profession de la patiente, déplacement, conditions socio-économiques. 2. Examen clinique Il précise le poids, la taille, la pression artérielle, l’état des membres inférieurs ; il comprend un examen cardiovasculaire, un examen pulmonaire, une recherche d’anomalies veineuses ainsi que du sucre et de l’albumine dans les urines. 3. Mesures préventives La mise au repos rapide est indiquée en cas d’antécédents d’ac- couchements prématurés ou de facteurs favorisants. Un cerclage du col utérin, en cas de béance cervico-isthmique anatomique, certaine ou probable, doit être réalisé si possible entre 13 et 16 semaines d’aménorrhée. Informer et prescrire les examens com- plémentaires 1. Dosage d’hCG Ce dosage n’a d’intérêt qu’en cas de doute sur le diagnostic ou l’évolutivité de la grossesse, mais en pratique la prescription n’est pas systématique. Si la patiente souhaite une confirmation préco- ce d’une grossesse débutante, il faut conseiller un test urinaire acheté en pharmacie. 2. Échographie Elle est réalisable par voie abdominale, la vessie pleine, mais elle est plus riche d’enseignements par voie vaginale. Examen en temps réel utilisant des sondes de fréquence élevée, 5 à 7 MHZ, elle permet d’affirmer la grossesse ; d’en préciser le siège, l’évo- lutivité, l’âge ; de dépister certaines grossesses pathologiques. • La grossesse est affirmée à partir de 5 semaines et demi d’amé- norrhée par la mise en évidence d’un sac gestationnel sous la forme d’une zone anéchogène entourée d’un halo hyperéchogène, visible dès lors qu’il mesure 3 mm, excentré dans la cavité utérine, et dès lors que le taux d’hCG est égal à 1 000 ou 2 000 unités (à distinguer d’un pseudo-sac gestationnel en cas de grossesse extra- utérine). La vésicule vitelline est une structure sphérique visible dans le sac gestationnel dès 5 semaines et demi ou 6 semaines d’aménorrhée. Elle confirme que la structure intra-utérine est bien un sac gesta- tionnel, ce qui permet d’éliminer un pseudo-sac ou un œuf clair. L’embryon est une formation hyperéchogène rectiligne ou incur- vée, visible dès 6 semaines d’aménorrhée, mesurant alors 3 à 4 mm et situé initialement à proximité immédiate de la vésicule vitelline. L’activité cardiaque est appréciée sous la forme d’une pulsation visible dans l’embryon dès 6 semaines d’aménorrhée. • Elle précise le siège intra-utérin et recherche une grossesse ecto- pique en cas de symptôme évocateur d’une grossesse extra-utéri- ne chez des patientes ayant subi certains traitements de stérilité. • Elle précise la vitalité par l’évolution avec modification des structures échographiques visibles à 2 examens successifs, par une bonne correspondance entre l’aspect échographique, l’âge gestationnel anamnestique ou le taux d’hCG, par la visualisation de mouvements fœtaux d’activité cardiaque. • Elle précise l’âge grâce à la date d’apparition de certaines struc- tures ou activités (sac gestationnel : 5 semaines et demi d’aménor- rhée, embryon : 6 semaines d’aménorrhée) ; par la mesure de cer- taines structures (longueur cranio-caudale : 30 mm vers 10 GR O S S E S S E 304 L A R E V UE DU P R AT I CI E N ( P a r i s ) 1 9 9 9 , 4 9 2. Supplémentation alimentaire • Une supplémentation calcique n’est pas systématique si l’ali- mentation lactée est suffisante. • Une supplémentation en fer est éventuellement justifiée car 40 % des femmes enceintes présentent une anémie ferriprive (25 à 30 mg par jour de fer). • Une supplémentation en vitamine D3 est intéressante pour la prévention des hypocalcémies néonatales (100 000 unités par voie orale en une seule fois, au 6 e mois). • Une supplémentation en acide folique est intéressante chez les femmes ayant déjà eu un enfant présentant une anomalie de fer- meture du tube neural ; 4 mg/j d’acide folique, si possible pendant le mois qui suit la conception et pendant les 3 premiers mois. La même précaution est proposée chez les patientes suivant un traite- ment anti-épileptique. La prescription systématique d’acide folique ne semble pas indis- pensable. • La supplémentation en fluor est discutée. • La supplémentation en oligo-éléments n’a a priori aucun inté- rêt. 3. Prendre contact avec la maternité Cela permet l’inscription, la préparation à l’accouchement, d’en- visager la consultation anesthésique en fin de grossesse et d’envi- sager les consultations spécialisées (cardiologie, néphrologie) si nécessaire. 4. Prévoir les examens échographiques ultérieurs • Au 1 er trimestre : à 11, 12 semaines pour la vitalité, la datation, la morphologie. • Au 2 e trimestre : à 22, 23 semaines pour une étude morpho- logique. • Au 3 e trimestre : à 32-34 semaines pour la présentation, la biométrie, la morphologie. 5. Prévoir les arrêts de travail •Dans les cas standard (voir : pour approfondir 2) •En cas de grossesse à risque : antécédent de prématurité, antécédent de fausse couche à répétition, antécédent de béance cervico-isthmique, il faut prévoir un arrêt de travail beaucoup plus précoce, éventuellement pendant toute la grossesse. Prescrire les examens biologiques obliga- toires ou conseillés 1. Examens obligatoires On doit prescrire : • groupage sanguin : groupage AB0 avec phénotype Kell, avec 2 déterminations et carte de groupage sanguin dispo- nible ; • recherche d’anticorps irréguliers : si ceux-ci s’avèrent positifs, en identifier le type et le titre ; • sérodiagnostic de la rubéole sauf si la patiente est connue pour être immunisée ; • sérodiagnostic de la toxoplasmose, sauf si la patiente est connue pour être immunisée; semaines, à 2 ou 3 jours près, bipariétal à partir de 11 semaines), et dépiste les grossesses pathologiques (extra-utérine, arrêtée, môlaire, multiple, associée à une pathologie gynécologique : fibrome, kyste de l’ovaire). • Une étude morphologique est possible dès 12 à 13 semaines d’aménorrhée permettant le dépistage de certaines malformations du pôle céphalique (anencéphalie, exencéphalie) ; de malformations cardiaques ou abdominales (hernie ombilicale, omphalocèle, laparoschisis) ; de l’absence ou de la présence de malformations d’un ou de plusieurs membres ; d’anomalies de la colonne vertébrale (spina bifida) ; d’anomalies urinaires (grosse vessie, gros reins). • Elle permet de rechercher des signes discrets pouvant témoi- gner d’un risque accru d’anomalies chromosomiques par la mesure de la zone claire rétro-nuquale qui théoriquement ne doit pas dépasser 3 mm ; lorsque cette zone dépasse 3 mm, la réalisa- tion d’un caryotype fœtal est à envisager. • L’examen échographique est fondamental au 1 er trimestre de la grossesse : il est très important de réaliser une échographie vers 12, 13 semaines d’aménorrhée permettant une étude morpholo- gique assez précise. Dans certains cas, il est également important d’en réaliser une plus tôt afin de préciser l’âge de la grossesse. 3. Auscultation cardiaque foetale Elle est effectuée à l’aide d’un détecteur de pouls fœtal à effet doppler qui permet de dépister les bruits du cœur dès 10, 11 semaines d’aménorrhée, témoignant ainsi de la vitalité embryonnaire. 4. Information et prescription des examens de diagnos- tic prénatal Dans certains cas : antécédent d’affection chromosomique ou génétique dans la fratrie, risques connus de maladies génétiques (mucoviscidose, thalassémie, etc.), on propose un geste de dia- gnostic prénatal, soit par prélèvement de villosités choriales réali- sable dès 11 semaines d’aménorrhée, soit par amniocentèse. • En cas d’âge maternel élevé (+ 38 ans), le risque d’anomalie chromosomique, et notamment de trisomie 21, est élevé. On doit proposer alors un geste de diagnostic prénatal permettant d’établir le caryotype fœtal. L’examen le plus couramment réalisé est l’am- niocentèse, pratiquée dès 14 semaines d’aménorrhée, avec un risque de fausse couche de 0,5 %. Cet examen permet d’obtenir un caryotype fœtal en une quinzaine de jours environ. Il doit être proposé mais n’est pas obligatoire. • Il est actuellement obligatoire d’informer la patiente de l’exis- tence de tests biologiques permettant d’évaluer le risque de tri- somie 21 par dosage de 2 ou 3 marqueurs biologiques (voir : pour approfondir 1). Conseils et programmation des examens ultérieurs 1. Conseils d’hygiène et diététiques Sont proposés la suppression du tabac et de l’alcool, une alimen- tation équilibrée, une activité physique normale sans excès ni défaut, la suppression des fromages à pâte molle au lait cru, afin de prévenir le risque de listériose. Gynécologie-Obstétrique 305 L A R E V UE DU P R AT I CI E N ( P a r i s ) 1 9 9 9 , 4 9 • sérologie de la syphilis par VDRL (venereal diseases expert research laboratory), TPHA (treponema pallidum haemag- glutination assay). 2. Examens conseillés et utiles Ils sont au nombre de 5 : • frottis cervico-vaginal si la patiente n’en a pas eu depuis plus d’un an ; • sérologie de l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), notamment si la patiente appartient à un groupe à risque ; • cytobactériologie urinaire si la patiente a des antécédents d’infection urinaire ; • glycémie en cas de facteur de risque de diabète ; • prélèvement vaginal en cas de leucorrhée. Remplir les formalités de déclaration de grossesse Elle doit être remplie avec soin et adressée par la patiente à la Caisse primaire d’allocations familiales, avant 14 semaines d’aménorrhée. Ce document comporte : la date de l’examen, la date présu- mée de début de grossesse qui servira à déterminer la date des congés prénataux, la date des autres consultations. Consultation des 4 e , 5 e , 6 e , 7 e et 8 e mois de grossesse Elles ont pour objectif de vérifier la bonne évolution de la grossesse, de s’assurer de la bonne croissance et de la vitalité du fœtus, de vérifier l’absence de pathologie maternelle, de surveiller l’état du col afin d’éviter le risque d’accouchement prématuré, en cas de pathologies, de prescrire des examens complémentaires ou des traitements prophylactiques ou une hospitalisation. Ces consultations comportent une surveillan- ce clinique et paraclinique systématique. Interrogatoire 1. Mouvements actifs du fœtus On commence à les percevoir : • à 4 mois et demi (21 semaines d’aménorrhée) en cas de 1 e grossesse ; • plus tôt, vers 18 semaines d’aménorrhée chez la multipare. Ils sont le signe d’une bonne vitalité. Ces mouvements peuvent être variables selon l’horaire. Les patientes signalent parfois des mouvements réguliers cor- respondant au hoquet fœtal. 2. Signes anormaux • Les métrorragies doivent être recherchées par un examen au spéculum d’une pathologie cervicale, d’un polype, d’une infection, pouvant justifier un prélèvement bactério- logique ;une anomalie placentaire par échographie peut-être objectivée : placenta praevia ou décollement prématuré du placenta normalement inséré ; des saignements modérés sont provoqués par la toilette ou les rapports sexuels. Il s’agit de saignements sans gravité dus à la fragilité toute particulière du col chez les femmes enceintes. • Les contractions utérines sont peu fréquentes, indolores, physiologiques au dernier trimestre de la grossesse. Les contractions intenses, douloureuses, de l’ensemble de l’utérus deviennent pathologiques si elles sont fréquentes et répétées. Il faut alors rechercher l’existence de modifications du col qui font évoquer le diagnostic de risque d’accouchement préma- turé ou de menace d’accouchement prématuré. • Les manifestations digestives (nausées, vomissements) diminuent habituellement à la fin du premier trimestre. Une symptomatologie de reflux gastro-œsophagien plus marqué le soir • Les signes urinaires (pollakiurie, brûlures mictionnelles) sont liés à la diminution de capacité vésicale. Une éventuelle infection urinaire est recherchée par test à la bandelette ou cytobactériologie urinaire. • Les douleurs inguinales bilatérales correspondent au syn- drome ligamentaire. • Les troubles vasculaires sont les conséquences de varices des membres inférieurs et d’hémorroïdes. Examen clinique 1. Examen général • La prise de poids doit être régulière au cours de la grossesse, environ 1 kg par mois. La prise de poids idéale pour l’ensemble de la grossesse est de 8 à 12 kg. En cas de prise de poids excessi- ve, on doit vérifier l’absence d’hypertension artérielle et d’albu- minurie, rentrant dans le cadre des toxémies gravidiques. Un ter- rain prédiabétique sera recherché. • La vérification de la tension artérielle doit être systéma- tique, en position couchée. Physiologiquement chez la femme enceinte, la tension artérielle est plutôt basse. L’hypertension artérielle de la femme enceinte se définit comme une pression systolique Ȅ140 mmHg et une pression diastolique Ȅ90 mmHg. En cas d’hypertension artérielle, rechercher des œdèmes des membres inférieurs, une prise de poids excessive, l’existence d’une albuminurie. • L‘examen général recherche œdèmes des membres infé- rieurs, varices et hémorroïdes. 2. Examen obstétrical • La palpation étudie la consistance de l’utérus, physiologi- quement mou, parfois plus dur lorsqu’il y a des contractions utérines. La mesure de la hauteur utérine est appréciée à l’ai- de d’un centimètre de couturière, placé sur le bord supérieur du pubis et allant jusqu’au fond utérin. Théoriquement, cette hauteur utérine augmente de 4 cm par mois, pour atteindre environ 32 cm à terme. La mesure du périmètre ombilical per- met d’apprécier la croissance fœtale et de dépister les retards de croissance intra-utérins ou les excès de développement. L’étude de la présentation, à partir du 7 e mois, repose sur la palpa- tion d’un pôle arrondi et dur, correspondant au pôle céphalique et GR O S S E S S E 306 L A R E V UE DU P R AT I CI E N ( P a r i s ) 1 9 9 9 , 4 9 d’un pôle arrondi mais plus mou, correspondant au pôle poda- lique ; le repérage d’une zone régulière assez ferme, séparée du pôle céphalique par un sillon correspondant au dos. Cette palpation permet de distinguer les présentations cépha- liques des présentations podaliques ou les présentation trans- verses. • L’auscultation au stéthoscope de Pinard ou à l’aide d’un appareil à ultrasons permet de vérifier l’existence et la fré- quence du rythme cardiaque fœtal, qui est normalement com- pris entre 120 et 160 battements /min. • Le toucher vaginal étudie la présentation fœtale : le pôle céphalique est arrondi et dur, alors que le pôle podalique est plus mou ; il permet d’étudier la formation du segment infé- rieur correspondant à l’ampliation de l’isthme utérin qui se forme progressivement et apparaît au 7 e mois de grossesse et doit en tout cas être formé, bien mince, aux 8 e et 9 e mois de grossesse ; il précise l’état du col, sa position, sa consistance : mou ou rigide, sa longueur, sa fermeture. Cet examen permet de dépister les modifications cervicales qui, lorsqu’elles sont associées à des contractions utérines, correspondent à une menace d’accouchement prématuré. Examens biologiques 1. Recherche du sucre et de l’albumine dans les urines Il s’agit d’une analyse obligatoire à chaque consultation de grossesse. 2. Recherche d’anticorps irréguliers Elle doit être réalisée chaque mois s’il s’agit d’une patiente Rhésus négatif ou d’une patiente porteuse d’anticorps irrégu- liers. Cette recherche doit être faite au moins une fois chez toute patiente enceinte au 7 e et au 8 e mois. 3. Sérologie de la toxoplasmose Elle est réalisée une fois par mois si la patiente est séronégati- ve. Le dépistage d’une bactériurie asymptomatique, obligatoire mais non recommandé, par la réalisation d’une cyto-bactério- logie urinaire vers le 5 e mois, permet de dépister les infections urinaires latentes et ainsi de diminuer la fréquence des accou- chements prématurés. 4. Dépistage du diabète gestationnel Il n’est pas obligatoire, mais recommandé par la réalisation d’un test de O Sullivan entre 24 et 28 semaines. 5. Dosage de la glycémie plasmatique Il est réalisé une heure après ingestion orale de 50 g de gluco- se. Si la glycosurie est supérieure à 7,7 mmol ou 1 g, le test est dit positif. Il convient alors de réaliser une hyper- glycémie provoquée par voie orale, après ingestion de 100 g de glucose. On estime qu’une patiente présente un état de diabète Gynécologie-Obstétrique 307 L A R E V UE DU P R AT I CI E N ( P a r i s ) 1 9 9 9 , 4 9 gestationnel si 2 des 4 valeurs suivantes sont anormales : à T0 (1,05 g ou 5,08 mmol) ; à T1 H (1,90 g ou 10,6 mmol) ; à T2 H (1,65 g ou 9,2 mmol) ; à T3 H (1,45 g ou 8,1 mmol). 6. Numération plaquettaire Elle est obligatoire et doit être faite systématiquement au 6 e mois de grossesse. Les résultats doivent être interprétés en fonction de modifica- tions physiologiques induites par la grossesse, avec hémodilu- tion, baisse de l’hématocrite et hyperleucocytose. Cet examen permet de dépister les états d’anémie. Le plus souvent, il s’agit d’une anémie microcytaire par carence martiale. Une hémoglobinopathie justifie la pratique d’une électrophorèse de l’hémoglobine à la recherche d’une thalassémie ou une drépanocytose. Cet examen permet en outre de découvrir l’existence d’une thrombopénie. Toute numération plaquettai- re inférieure à 150 000 doit être vérifiée. Si elle se confirme, cela justifie un bilan adapté. 7. Recherche de l’antigène HBs Elle est obligatoire et doit être fait systématiquement au 6 e mois de grossesse. Elle permet de dépister les porteuses du virus qui sont susceptibles de transmettre le virus au nouveau- né. La découverte d’un test positif impose une prise en charge adaptée du nouveau-né (injection de gammaglobulines et début précoce de la vaccination). Le dépistage de l’hépatite C n’est pas obligatoire, mais recommandé chez les patientes à risques. 8. Réalisation d’un prélèvement bactériologique vaginal Il est effectué pour rechercher une colonisation au strepto- coque B et n’est pas obligatoire, mais recommandé. Cet exa- men doit être réalisé entre 30 et 34 semaines afin de permettre une prise en charge adaptée au moment de l’accouchement (traitement antibiotique per-partum) afin d’éviter la transmis- sion du germe au nouveau-né. 9. Bilan de coagulation Il est obligatoire et systématiquement. Il est demandé au 8 e mois de grossesse, afin de dépister les coagulopathies, mais également dans le cadre du bilan pré-anesthésique. Il compor- te un dosage du fibrinogène (celui-ci est physiologiquement augmenté chez la femme enceinte), une numération plaquet- taire, un temps de saignement, un temps de céphaline activée et un taux de prothrombine. Échographies : Au cours d’une grossesse normale, une échographie doit être réalisée au 2 e trimestre, une autre au 3 e trimestre. En cas de nécessité, il ne faut pas hésiter à prescrire d’autres examens. 1. Échographie du 2 e trimestre : Il s’agit d’une échographie destinée à préciser la vitalité du fœtus et à réaliser une étude morphologique précise. 308 L A R E V UE DU P R AT I CI E N ( P a r i s ) 1 9 9 9 , 4 9 L’échographie doit être faite entre 21 et 23 semaines d’aménor- rhée à l’aide d’un appareil de bonne qualité, et pratiquée par un opérateur chevronné. Elle permet de dépister les principales mal- formations fœtales. Elle dépiste environ la moitié des malformations, mais sa sensi- bilité varie beaucoup selon l’organe étudié, de 17 à 74 %. Les malformations du pôle céphalique, les malformations digestives, urinaires sont parmi les plus faciles à diagnostiquer. Par contre, les malformations cardiaques ou les malformations des membres sont plus difficiles à diagnostiquer. 2. Troisième échographie au 8e mois de grossesse (entre 32 et 35 semaines d’aménorrhée). Elle permet d’une part de vérifier la bonne vitalité fœtale, d’autre part d’apprécier sa croissance en mesurant le diamètre abdominal transverse, le périmètre abdominal, le bipariétal et la longueur fémorale, et en rapportant les valeurs trouvées à des courbes de normalité. Il est ainsi possible de diagnostiquer un retard de croissance intra-utérin lorsque la croissance du fœtus est insuffisante, ou au contraire une macrosomie fœtale lorsque les dimensions sont supérieures à la normale. La combinaison de ces différentes mesures permet une évaluation du poids fœtal. L’échographie permet de préciser la présentation du fœtus, d’évaluer la position du placenta et la quantité de liquide amniotique. 3. Étude vélocimétrique Elle n’est pas systématique. • L’étude des flux utérins est intéressante en cas de pathologie maternelle vasculaire afin de prédire le risque d’hypotrophie fœtale. Le signe le plus intéressant est l’existence d’une incision proto- diastolique ou Notch. • L’étude des flux fœto-placentaires se fait avant tout par l’étu- de du flux sanguin ombilical. On observe en cas de souffrance fœtale chronique une augmentation des résistances placentaires. • L’étude de la vascularisation cérébrale fœtale n’est réalisée qu’en cas d’anomalie du doppler ombilical, et permet de distin- guer les cas normaux où la résistance est élevée, des cas anor- maux où la résistance cérébrale diminue, ce qui témoigne de la mise en place du système d’épargne cérébrale. Autres examens de surveillance Ils sont très rarement mis en œuvre au cours d’une grossesse normale : • le rythme cardiaque fœtal étudie le rythme de base des oscillations et la réactivité ; • le prélèvement de liquide amniotique étudie la maturité pul- monaire fœtale. Dernière consultation Très importante, elle permet d’évaluer le pronostic mécanique de l’accouchement. Interrogatoire Il recherche les mêmes signes que précédemment. Les mou- vements actifs du fœtus ont tendance à diminuer en fin de grossesse ; les contractions utérines ont au contraire tendance à devenir plus fortes, plus fréquentes. Les principaux signes anormaux sont constitués par l’existence de contractions uté- rines répétées, pouvant témoigner de l’imminence du proces- sus de l’accouchement. L’existence d’un écoulement de liqui- de vaginal clair posant le diagnostic différentiel entre infection cervico-vaginale, perte du bouchon muqueux, perte du liquide amniotique. Les métrorragies sont systématique- ment retardées. Examen clinique 1. Examen général Il évalue le poids, la pression artérielle, l’auscultation car- diaque et pulmonaire ainsi que l’étude de la circulation des membres inférieurs. 2. Examen obstétrical • La palpation permet une étude de la consistance de l’utérus et une vérification de la présentation qui est soit céphalique, soit podalique, soit transverse. • La mesure de la hauteur utérine, selon la technique précédem- ment décrite est de l’ordre de 30 à 34 cm à terme. En cas d’insuffisance, il faut suspecter un retard de croissance intra utérin ; en cas d’excès, soit un excès de liquide amniotique (hydramnios), soit un gros bébé (macrosome) ; en cas de doute, une évaluation échographique est recommandée. • Le toucher vaginal permet de compléter l’étude de la présenta- tion céphalique, pôle rond et dur, avec perception des fontanelles, ou au contraire, siège mou et mal défini. Il est possible d’étudier l’existence et la finesse du segment inférieur et surtout d’apprécier l’état du col, en évaluant différents paramètres : longueur, sou- plesse, position, ouverture ; ce qui autorise à définir le score de Bishop. Il précise la hauteur de la présentation : mobile lorsque le plan du bipariétal est situé très au-dessus du plan du détroit supérieur ; amorcée lorsque le pôle céphalique commence à descendre au- dessous du détroit supérieur, mais que le plan du bipariétal n’a pas encore atteint le plan du détroit supérieur ; fixée lorsque le plan du GR O S S E S S E 0 1 2 Longueur L 1/2 effacée Souplesse rigide 1/2 souple Position postérieure interm. centrée Ouverture fermée à 1 cm >=2cm Présentation mobile amorcée fixée Score de Bishop TABLEAU 309 L A R E V UE DU P R AT I CI E N ( P a r i s ) 1 9 9 9 , 4 9 Le pronostic mécanique de l’accouchement doit être précisément évoqué, des consignes claires figurer dans le dossier. Dans la majorité des cas, lorsque le pronostic mécanique est favo- rable, l’accouchement est prévu par les voies naturelles, un ren- dez-vous doit être fixé pour que la patiente consulte à terme si elle n’a pas accouché. Dans certains cas, une césarienne prophylactique doit être pro- grammée ; il convient alors d’en fixer la date et les modalités. L’indication peut être d’origine maternelle : pathologie sévère (cardiaque), bassin chirurgical, antécédent de déchirure grave du périnée. Elle peut être d’origine fœtale : placenta praevia recouvrant, souf- france fœtale ou maternofœtale, par exemple disproportion fœto- pelvienne ou présentation du siège associée à un bassin rétréci. On peut proposer une épreuve du travail lorsqu’il s’agit d’un enfant en présentation céphalique et que le bassin n’est pas stricte- ment normal, cette épreuve devra être surveillée attentivement. Les consignes pour l’accouchement doivent être fixées de maniè- re aussi claires et précises que possible avant même l’accouche- ment, afin de simplifier la tâche de l’équipe obstétricale de garde. Prévoir la surveillance à terme et après terme Il existe en effet, à ce moment-là, une diminution de la valeur fonctionnelle du placenta et une augmentation du risque de souf- france fœtale. Cette surveillance est rendue plus difficile lorsqu’il existe une incertitude sur la date exacte du terme. Habituellement, en cas de grossesse normale, l’examen com- plet est fait le jour du terme, puis à terme + 4 jours, et ensuite tous les 2 jours jusqu’à terme + 9 ; à partir de la moment là, on envisage un déclenchement systématique. En cas d’anomalie, un déclenchement plus précoce est envi- sagé. I bipariétal coïncide avec le plan du détroit supérieur ; engagée lorsque le plan du bipariétal est situé au-dessous du plan du détroit supérieur. Il permet d’étudier le bassin maternel, le toucher vaginal essayant d’atteindre le promontoire, d’étudier la largeur du détroit supé- rieur et de recherche une saillie des épines sciatiques, pouvant témoigner d’un rétrécissement du détroit moyen. • L’auscultation permet d’étudier le rythme cardiaque fœtal, le site d’enregistrement étant variable selon le type de présentation. • Le toucher vaginal, couplé à la palpation abdominale, permet de compléter l’étude du col et du segment inférieur et d’apprécier le pronostic mécanique de l’accouchement, réalisant la manœuvre du palper introducteur (toucher vaginal combiné à une pression exercée sur le fond utérin). Lorsque la présentation a tendance à descendre franchement, on dit que le palper introducteur est positif, dans le cas contraire, on dit qu’il est négatif ou indifférent. Examens paracliniques 1. Examens biologiques Ils consistent dans : • la vérification du sucre et de la l’albumine dans les urines ; • la vérification du bilan de coagulation si celui-ci n’a pas été pratiqué au 8 e mois ; • une dernière vérification de la sérologie de la toxoplasmose chez les patientes négatives. 2. Échographie supplémentaire Lorsque celle-ci est indiquée, elle permet de préciser la présenta- tion du fœtus en cas de doute ; de localiser exactement le placenta et de préciser la quantité de liquide amniotique ; d’étudier la bio- métrie fœtale, afin d’apprécier le pronostic mécanique de l’accou- chement, avec évaluation du poids fœtal. En cas de nécessité, un doppler ombilical ou doppler cérébral est réalisé. 3. Examens complémentaires non systématiques • La radiographie fœtale peut renseigner sur l’existence ou l’ab- sence de points d’ossification (point d’ossification fémorale infé- rieure de Béclard apparaissant à la 36 e semaine, point de Todt tibial supérieur apparaissant à 39 e semaine) ; cet examen n’est pra- tiquement plus réalisé. • Une pelvimétrie, soit radiologique, soit plutôt scanographique est réalisée lorsqu’il existe un doute sur le bassin, ou systémati- quement dans certains cas (présentation du siège). Consultation pré-anesthésique Elle est destinée à rechercher les facteurs de risques, à vérifier l’absence de problèmes biologiques et à donner une information sur les différentes techniques d’analgésie obstétricale. Elle sera réalisée au cours du 9 e mois si elle n’a pas été déjà programmée. Synthèse avant l’accouchement Son but est de vérifier que le dossier clinique, échographique et biologique est complet. Gynécologie-Obstétrique POUR APPROFONDIR 1/ Evaluation biologique du risque de trisomie 21 • Principe Il est possible d’évaluer le risque de trisomie 21 en dosant 2 ou 3 facteurs : alpha-fœto, hCG totales et estriol. en fonction des résultats de ces dosages et de l’âge, on peut alors, à l’aide d’un logiciel évaluer le risque couru par une patiente. L’établissement d’un caryotype fœtal par amniocentèse est pro- posé dès lors que le risque excède 1/250. Toutefois, ce test ne permet pas de faire le diagnostic de trisomie 21, il faut toujours recourir à un caryotype ; ne permet pas d’éliminer formellement la trisomie 21. Ce test n’est par ailleurs intéressant que pour la seule trisomie 21 et n’a aucun intérêt pour les autres aberrations chromosomiques. • Avantages C’est un examen simple, qui permet de dépister les 2/3 des triso- mies 21. 310 L A R E V UE DU P R AT I CI E N ( P a r i s ) 1 9 9 9 , 4 9 Congé de Maternité GR O S S E S S E Les consultations prénatales obligatoires sont au nombre de 7 : • la 1 re consultation (consultation de déclaration de grossesse) devant être passée avant la fin du 1er trimestre de la grossesse ; • les consultations suivantes devant être passées mensuellement aux 4 e , 5 e , 6 e , 7 e , 8 e et 9 e mois de la grossesse ; • toutes ces consultations sont importantes, mais les plus fondamentales sont la première et la dernière. Points Forts à retenir • Inconvénients Il conduit à un nombre relativement élevé d’amniocentèses comportant un risque de fausse couche. Ce test doit être fait précisément entre 14 et 18 semaines révolues d’aménor- rhée. Il doit être interprété dans un laboratoire biologique agréé. • Législation L’information est obligatoire (décret du 6.5.95), la patiente ayant le choix de faire réaliser ou non cet examen. Si le couple apparaît hésitant, on peut conseiller une consul- tation de conseil génétique. Si le test fait ressortir un risque élevé pouvant justifier l’am- niocentèse, celle-ci est alors prise en charge par l’assurance maladie. 2/ Congé de Maternité (voir Tableau ci-dessous) TABLEAU Votre Vous Votre Famille Accouchez Nouvelle Durée de votre repos maternité Actuelle de Famille Prénatal Postnatal TOTAL 0 enfant 1 enfant 1 enfant 6 semaines 10 semaines 16 semaines 0 enfant 2 enfants 2 enfants 12 semaines* 22 semaines 34 semaines 0 enfant 3 enfants ou+ 3 enfants ou+ 24 semaines 22 semaines 46 semaines 1 enfant 1 enfant 2 enfants 6 semaines 10 semaines 16 semaines 1 enfant 2 enfants 3 enfants 12 semaines* 22 semaines 34 semaines 1 enfant 3 enfants ou + 4 enfants ou+ 24 semaines* 22 semaines 46 semaines 2 enfants ou + 1 enfant 3 enfants ou+ 8 semaines 18 semaines 26 semaines 2enfants ou + 2 enfants 4 enfants ou + 12 semaines 22 semaines 34 semaines 2enfants ou + 3 enfants ou + 5 enfants ou + 24 semaines 22 semaines 46 semaines * La période prénatale peut être augmentée de Quatre semaines maximum, soit 16 semaines, sans justification médicale, la période postnatale est alors réduite d’autant ** La période prénatale peut être augmentée de Deux semaines maximum, soit 10 Semaines, sans justification médicale, la période postnatale est alors réduited’autant • Si votre situation n’apparaît pas dans ce tableau, renseignez-vous auprès de votre Centre de Paiement Une période suplémentaire de repos d’une durée maximum de deux semaines, soit 14 jours, peut être attribuée avant l’accou- chement, en cas d’état pathologique, résultant de votre grossesse. Le Médecin assurant la surveillance de votre Maternité déli- vrera dans ce cas la prescription de repos sur l’imprimé habituel d’arrêt de travail, en ajoutant la mention «Repos supplémen- taire de grossesse» Vous pouvez avoir droit au versement d’indemnités journalières • Quelles conditions devez-vous remplir ? - Vous devez cesser toute activité professionnelle pendant au moins 8 semaines - Vous devez être immatriculée depuis au moins 10 mois à la date prévue de votre accouchement - Vous devez justifier d’un nombre minimal d’heures de travail ou assimilé ou d’un montant minimal de cotisations Renseignez-vous auprès de votre Centre de Paiement pour connaître les conditions particulières vous concernant • Quelle sera la durée de votre indemnisation - Elle sera déterminée selon la composition de votre famille au début du repos prénatal (nombre d’enfants nés viables que vous avez eu ou nombre d’enfants à la charge de votre ménage) et du nombre d’enfants que vous attendez. 93 L A R E V UE DU P R AT I CI E N ( P a r i s ) 1 9 9 8 , 4 8 Gynécologie - Obstétrique B 165 La fécondité des femmes diabétiques est normale. Une à deux femmes enceintes pour mille ont un diabète perma- nent, antérieur à la grossesse. La majorité d’entre elles sont des diabétiques insulinoprives : diabètes insulino-dépen- dants de type I (DID) ; 25 % des diabètes non insulino- dépendants de type II (DNID) qui sont certes plus fréquents dans la population générale, mais moins fréquents à l’âge de la reproduction. De plus, une intolérance aux hydrates de carbone ou un diabète sont découverts chez 3 à 6 % des femmes enceintes : c’est le diabète gestationnel. L’amé- lioration spectaculaire du pronostic des grossesses diabé- tiques est un des meilleurs exemples de l’effet d’une col- laboration pluridisciplinaire. Diabète insulino-dépendant Complications 1. Devenir du diabète au cours de la grossesse Les hypoglycémies sont fréquentes dans le 1 er trimestre ; puis à partir de 17-20 semaines, les besoins en insuline aug- Grossesse et diabète (y compris le diabète gestationnel) Diagnostic, complications, principes du traitement Pr Catherine TCHOBROUTSKY Service de gynécologie-obstétrique, hôpital Antoine-Béclère, 92141 Clamart cedex Dans le diabète insulino-dépendant, les besoins en insuline diminuent souvent au 1 er trimestre de la grossesse, puis augmentent de plus en plus (à cause de la sécrétion d’hormones antagonistes de l’insuline, notamment l’hormone placentaire lactogène) pour s’effondrer après la délivrance du placenta. La rétinopathie peut s’aggraver. Pratiquement toutes les complications fœtales et néonatales des diabètes antérieurs à la grossesse (insulino- et non insulino-dépendants) sont corrélées à l’hyperglycémie maternelle : malformations congénitales, macrosomie, mort fœtale in utero, troubles métaboliques néonatals. Le diabète gestationnel (en fait le plus souvent simple intolérance aux hydrates de carbone), entité mal définie et hétérogène, survient généralement après 24-26 semaines d’aménorrhée et ne s’accompagne pas d’une augmentation du risque de malformations fœtales. Points Forts à comprendre mentent, soit progressivement, soit par paliers ; ils dimi- nuent brutalement (environ de moitié) dès l’accouchement. À distance, la grossesse n’aura pas modifié le diabète. Au cours de la grossesse et du fait de l’abaissement fréquent du seuil rénal du glucose, la glycosurie n’est pas un reflet fiable de la glycémie et ne doit pas être recherchée. Seule la glycémie doit être effectuée (et la cétonurie en cas d’hy- perglycémie). 2. Devenir des complications dégénératives du diabète • La rétinopathie : une flambée peut survenir, surtout lors- qu’il existe déjà des lésions en début de grossesse. Dans certains cas, une régression partielle peut s’observer dans le post-partum. • La néphropathie est beaucoup plus rare, mais des com- plications sont à prévoir au cours de la grossesse. Les com- plications fœtales sont fréquentes [retard de croissance intra-utérin, souffrance fœtale, mort fœtale in utero (MFIU)] ou prématurité induite pour éviter la mort du fœtus in utero. L’évolution maternelle peut sembler sérieuse : la protéinurie augmente dans la seconde moitié de la gros- sesse et une hypertension artérielle (HTA) apparaît presque toujours, ou s’aggrave si elle était présente avant la gros- sesse. L’insuffisance rénale, même si elle existait, ne s’ag- grave que rarement. À distance et dans la majorité des cas, l’état rénal reviendra à l’état antérieur. 3. Complications de la grossesse Certaines complications sont plus fréquentes au cours de la grossesse diabétique. • Infections urinaires : lorsqu’elles sont patentes, elles pré- disposent à la cétose et à l’acidocétose diabétique, qui sont graves pour la mère et peuvent entraîner la mort du fœtus in utero. Les bactériuries asymptomatiques doivent donc être recherchées tous les mois systématiquement et trai- tées. • Hydramnios et excès de liquide amniotique constituent une complication fréquente et classique de la grossesse dia- bétique. Elle s’observe surtout en cas de macrosomie fœtale. Sa physiopathologie est obscure (la diurèse fœtale est normale). • HTA : il peut s’agir d’HTA chroniques, antérieures à la grossesse, ou induites par la grossesse, compliquées par- • Mortalité in utero : elle était de l’ordre de 40 % jusque dans les années 1940-1950, elle a diminué progressivement pour être de nos jours de l’ordre de 1 à 2 % dans les centres spécialisés. Elle survenait le plus souvent chez des femmes dont le diabète était mal contrôlé, le fœtus gros, l’œuf hydramniotique, et de préférence dans les dernières semaines de la grossesse. Son étiologie n’a jamais pu être précisée mais sa relation avec le contrôle du diabète a permis de prendre des mesures préventives. Les autres causes (actuelles) de mort du fœtus in utero chez la patiente diabé- tique sont liées aux malformations et aux HTA maternelles. 5. Complications néonatales Mises à part les malformations congénitales et la macro- somie avec ses complications possibles, qui ont été traitées plus haut, les complications néonatales sont les suivantes. • Détresses respiratoires : l’hyperinsulinisme fœtal est res- ponsable d’un retard de maturation du surfactant pulmo- naire qui, en cas d’accouchement prématuré, est à l’origine d’un risque accru de maladie des membranes hyalines (MMH). L’accouchement prématuré provoqué avait été autrefois proposé pour éviter les morts du fœtus in utero et les difficultés obstétricales liées à la macrosomie : il a abouti à de nombreuses morts néonatales par maladie des membranes hyalines. L’accouchement à terme permet d’éviter cette complication. Plus fréquentes actuellement sont les détresses respiratoires transitoires (24-48 h) par retard de résorption du liquide intrapulmonaire. • Myocardiopathie hypertrophique transitoire : elle débute in utero, reconnue par l’échographie. Elle est le plus souvent asymptomatique à la naissance. Parfois, elle est à l’origine d’une tachypnée avec cyanose et d’une cardio- mégalie radiologique. Très rarement, elle peut entraîner une insuffisance cardiaque. Dans tous les cas, les signes régressent en quelques semaines, les signes échocardio- graphiques en quelques mois. • Troubles métaboliques : – l’hypoglycémie est très fréquente mais transitoire (quelques jours). Elle nécessite une surveillance pluriquotidienne et des apports glucidiques systématiques ; – l’hypocalcémie est fréquente et doit être dépistée et traitée avant l’apparition de signes cliniques ; – la polyglobulie est due vraisemblable- ment à une hypoxie chronique modérée. Elle entraîne une hyperviscosité, qui peut être à l’origine d’une détresse respiratoire voire (exceptionnellement) de thrombose rénale ; – l’ictère : la production de bilirubine est augmentée du fait de la polyglobulie et d’une érythropoïèse accrue. • La mortalité néonatale est actuellement basse et est due essentiellement, soit aux malformations congénitales, soit à la grande prématurité, parfois induite dans les néphropathies diabétiques. 94 L A R E V UE DU P R AT I CI E N ( P a r i s ) 1 9 9 8 , 4 8 GR OS S E S S E E T DI AB È T E fois de protéinurie (prééclampsie) qui aggravent considé- rablement le pronostic maternel et fœtal et peuvent obliger à l’interruption prématurée de la grossesse. 4. Complications fœtales • Avortements spontanés : des études récentes ont montré qu’ils étaient plus fréquents lorsque le diabète est mal contrôlé. • Malformations fœtales : la fréquence des malformations graves et létales, quelles qu’elles soient, est 2 à 3 fois plus élevée que dans la population générale. Elles ne sont pas dues à un facteur génétique, car les pères diabétiques n’ont pas plus d’enfants malformés que la moyenne. Leur sur- venue est plus fréquente lorsque le diabète est mal contrôlé dans les premières semaines de la vie embryonnaire. A contrario, leur fréquence est diminuée chez les femmes qui ont un contrôle correct du diabète, secondaire à une prise en charge préconceptionnelle. En début de grossesse, le dosage de l’hémoglobine glycosylée permet de juger du contrôle du diabète dans les semaines précédentes, et de prévoir un risque accru de malformations si elle est très élevée. • La macrosomie fœtale se caractérise par un poids supé- rieur au 90 e percentile des courbes de croissance intra-uté- rine, une hypertrophie du pannicule adipeux, une splanch- nomégalie du foie, du cœur et des surrénales, alors que le développement cérébral est de poids normal. Le bon contrôle du diabète diminue la monstruosité de l’apparence de ces nouveau-nés mais ne supprime pas la macrosomie qui per- siste chez 20 à 30 % des nouveau-nés de mère diabètique. Elle est à l’origine de difficultés obstétricales dont la plus grave est la dystocie des épaules : cette difficulté d’extrac- tion des épaules (alors que la tête est déjà sortie) peut entraî- ner une paralysie du plexus brachial, transitoire ou défini- tive, et aussi une asphyxie, à l’origine d’état de mal convulsif néonatal, de mort ou de séquelles neurologiques. 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0 o 9,3 % 9,4-11 % 11,1-12,7 % 12,8-14,4 % > 14,4 % HbA 1 Pourcentage de cas I Normal I Malformations majeures Relation entre l’hémoglobine glycosylée en début de grossesse et le taux de malformations dans le diabète permanent 95 L A R E V UE DU P R AT I CI E N ( P a r i s ) 1 9 9 8 , 4 8 Gynécologie - Obstétrique 6. Devenir à long terme des enfants de mère diabétique insulino-dépendante Le risque de développer un diabète dans les 30 premières années de la vie est de l’ordre de 1 % (risque multiplié par 5 à 10 par rapport à un enfant de mère non diabétique). Si le père et la mère ont un DID, le risque pour l’enfant est de 25 %. Principes du traitement 1. Traitement médical • La prise en charge préconceptionnelle est formellement recommandée pour : – diminuer le risque de malformations congénitales en contrôlant le diabète le mieux possible avant même la conception ; – faire un bilan maternel : fond d’œil. La découverte d’une rétinopathie proliférante doit faire instituer un traitement par laser, et faire surseoir transitoirement à la grossesse. Une hypertension artérielle doit être traitée. La présence d’une protéinurie doit faire craindre l’existence d’une néphropathie diabétique, qui aggrave considérablement le pronostic fœtal. La découverte d’une coronaropathie contre-indique une grossesse. • La base du traitement est le contrôle du diabète. L’ob- jectif que l’on tend à atteindre (ce n’est pas toujours pos- sible) est d’obtenir des glycémies à 0,80 g/L avant le repas et 1,20 g/L après les repas. Ce contrôle doit être aussi bon que possible dès avant la grossesse et doit être continué tout au long de la grossesse et tout au long des nycthémères, pour éviter la mort fœtale in utero et limiter la macrosomie. 2. Prise en charge obstétricale Elle consiste en une série de précautions. • Détermination précise du début de la grossesse par la mesure de la longueur cranio-caudale de l’embryon à l’échographie entre 8 et 12 semaines d’aménorrhée. • Dépistage des anomalies pendant la grossesse : – malformations fœtales, par l’échographie : une première vers 20 semaines ; une deuxième pour préciser la mor- phologie cardiaque et rénale entre 26 et 30 semaines ; – complications obstétricales : hydramnios, HTA, protei- nurie, etc. ; – souffrance fœtale ; à partir de 32 semaines, elle se fait par le compte subjectif des mouvements actifs par la mère, et par les enregistrements répétés du rythme cardiaque fœtal ; le doppler ombilical est normal dans les grossesses diabétiques non compliquées d’HTA et donc inutile ; – macrosomie, dont le diagnostic serait important pour choisir la voie d’accouchement : mais l’estimation du poids in utero est sujet à de grandes erreurs, que ce soit par la cli- nique ou par l’échographie ; la mesure échographique du diamètre (de la surface ou du périmètre) abdominal est l’élément le moins mauvais. • L’accouchement doit se faire à terme, c’est-à-dire après 38 semaines. Le mode d’accouchement est choisi en fonc- tion de critères obstétricaux. Un déclenchement programmé est possible si les conditions obstétricales sont favorables. Mais les statistiques montrent que la moitié de ces femmes ont une césarienne. • Dans le post-partum : – l’enfant doit être surveillé de très près, le plus souvent dans un service de néonatologie ; – les doses d’insuline maternelles doivent être diminuées de moitié ; – l’allaitement est encouragé ; – la contraception peut être assurée par une micropilule progestative en continu, donnée à partir du 10 e jour post- partum. • Les grossesses diabétiques compliquées doivent faire prendre des mesures spécifiques : – l’existence ou la survenue d’une HTA ou d’une protéinu- rie doivent faire renforcer la surveillance : les dopplers uté- rins et ombilicaux prennent ici de l’importance. Les rythmes cardiaques fœtaux doivent parfois être commencés à 26 semaines. On peut être amené à interrompre prématuré- ment la grossesse pour des raisons maternelles ou fœtales ; une corticothérapie à visée de maturation pulmonaire fœtale doit être effectuée si cette interruption doit être fait avant 34 semaines, avec ajustement des doses d’insuline ; – l’hydramnios ne nécessite pas en général de mesures thé- rapeutiques spéciales ; – la menace d’accouchement prématuré ne doit pas être traitée par β-stimulant, qui peuvent entraîner un coma aci- docétosique en quelques heures, sauf perfusion d’insuline concomitante à hautes doses. Les antagonistes calciques seront préférés. Diabète non insulino-dépendant • Il s’agit souvent de femmes plus âgées, multipares, sou- vent obèses. Mises à part les complications dégénératives qui sont rares, les autres complications maternelles et fœtales sont identiques à celles du DID. • Les principes de traitement sont calqués sur ceux du DID. La prise en charge préconceptionnelle est ici encore très importante, puisqu’il faudra arrêter les antidiabétiques oraux. Le régime seul ne permet le plus souvent pas de contrôler le diabète. Dans l’intérêt fœtal l’insulinothérapie sera instituée même en cas d’obésité. Elle pourra être arrê- tée immédiatement après l’accouchement. Diabète gestationnel On appelle ainsi tout diabète ou toute intolérance aux hydrates de carbone diagnostiquée au cours de la grossesse. C’est une entité hétérogène. Il peut s’agir : Glycémie fœtale La glycémie fœtale est le reflet exact (à un taux plus faible) de la gly- cémie maternelle. L’insuline maternelle – endogène ou exogène – ne traverse pas le placenta. Le pancréas fœtal sécrète de l’insuline à par- tir de la 12 e semaine. Une hyperglycémie au long cours entraîne une hyperplasie des îlots de Langerhans fœtaux et un hyperinsulinisme. Ces modifications rendent compte de la plupart des complications fœtales et néonatales. 96 L A R E V UE DU P R AT I CI E N ( P a r i s ) 1 9 9 8 , 4 8 GR OS S E S S E E T DI AB È T E • d’un diabète déclenché ou « extériorisé » par la gros- sesse. La grossesse est une situation diabétogène (surtout après 24-26 semaines) au même titre que l’obésité ou la prise d’œstroprogestatifs de synthèse, chez quelqu’un qui est génétiquement prédisposé. Seule l’évolution postgra- vidique dira si ce diabète est transitoire (mais sujet à une réapparition ultérieure) ou permanent ; – d’un diabète méconnu préexistant à la grossesse ; un dia- bète découvert au cours du 1 er trimestre a toute chance d’être un diabète non insulino-dépendant antérieur à celle-ci ; – d’un diabète insulino-dépendant, exceptionnel. Complications 1. Maternelles • Immédiates : – l’HTA est plus fréquente que dans la population géné- rale ; – une césarienne est plus souvent pratiquée. • À distance : 50 % des femmes deviendront diabétiques dans les 10 ans. Vraisemblablement beaucoup plus à long terme. 2. Fœtales et chez l’enfant à long terme • Fœtales et néo-natales. La macrosomie est présente dans 20 % des cas. Il est difficile de juger si la mortalité in utero est augmentée, car dès que le diagnostic est fait, des mesures thérapeutiques sont prises pour contrôler le dia- bète. Des études anciennes avaient montré l’augmentation de la mort fœtale en l’absence de traitement. Le risque de malformations congénitales n’est pas significativement augmenté (vraisemblablement parce que le trouble méta- bolique apparaît le plus souvent après l’organogenèse). La morbidité néonatale est moins fréquente mais identique à celles des autres types de diabète. • À distance : des travaux expérimentaux et des études cli- niques ont montré l’importance du diabète gestationnel dans l’apparition ultérieure d’un diabète de type II dans la descendance. Deux mécanismes ont été invoqués pour expliquer la transmission maternelle préférentielle : l’épui- sement pancréatique fœtal, soumis pendant la vie intra-uté- rine à l’hyperglycémie ; la transmission de DNA mito- chondrial, forcément maternelle. Il est vraisemblable que les deux mécanismes agissent de concert. Critères diagnostiques Le diagnostic repose sur la mise en évidence d’une hyper- glycémie. Le dosage de l’hémoglobine glycolysée ou de la fructosamine n’est pas assez sensible. Mais le spectre des glycémies, entre le sûrement normal et le franchement pathologique, est continu et toute définition de la norma- lité ou de l’anomalie ne peut être qu’arbitraire. Générale- ment, dans la littérature, le diagnostic repose sur une hyper- glycémie provoquée. La modalités de l’épreuve et les chiffres « anormaux » n’ont pas fait l’objet d’un consen- sus international, d’autant qu’il s’agit d’une épreuve peu reproductible. Trois définitions sont données comme exemples (en glycémies plasmatiques sur sang veineux total) : celle de O’Sullivan revue par le National Diabetes Data Group (NDDG), adoptée par la majorité des Améri- cains, la modification de Carpenter et Coustan, recom- mandée par le Collège national des gynécologues et obs- tétriciens français (tableau II), et celle de l’OMS (tableau III) qui précise bien qu’au cours de la grossesse, l’intolérance aux hydrates de carbone doit être considérée et traitée comme un diabète patent. Quel que soit le critère retenu, l’épreuve d’hyperglycémie provoquée (HPO) doit être effectuée après 3 jours d’apports adéquats en hydrates de carbone (250 g/j). Bon contrôle du diabète Les méthodes qui permettent d’approcher le bon contrôle du diabète sont la multiplication des injections d’insuline dans le nycthémère (3 à 4 par jour) ou la pompe à insuline ; une alimentation équilibrée à 30 kcal/j/kg répartie pour les hydrates de carbone en 3 repas et 3 collations, une autosurveillance des glycémies 6 fois par jour (3 fois préprandiales, 3 fois postprandiales). Deux éléments sont fondamen- taux pour la bonne application de ces méthodes : un enseignement de haute qualité dispensé par diabétologues, infirmières, diététiciennes, de préférence dans un centre habitué à la grossesse diabétique ; la motivation de la patiente. Les modalités pratiques consistent en : – une préparation de la grossesse planifiée (donc une bonne contra- ception). Cette prise en charge préconceptionnelle, outre la mise en route du bon contrôle, permet de dépister les rétinopathies et éven- tuellement de les traiter avant la grossesse, les néphropathies et les HTA ; – une surveillance de la grossesse au moins tous les 15 jours par un diabétologue entraîné, qui redressera les erreurs éventuelles de la patiente ; – une surveillance du fond d’œil au moins trois fois au cours de la gros- sesse : une angiographie et un traitement par le laser sont autorisés ; – la surveillance régulière de la pression artérielle, le dépistage d’une protéinurie et d’une bactériurie, et le traitement de cette dernière. Critères du diabète gestationnel Épreuve d’hyperglycémie provoquée après charge orale de 100 g de glucose. Deux chiffres au moins égaux ou supé- rieurs aux valeurs indiquées en g/L (ou mmol/L) définissent le diabète gestationnel 0 1 h 2 h 3 h 1,05 1,90 1,65 1,40 (5,8) (10,4) (9,1) (7,8) Critères de Carpenter et Coustan 0,95 1,80 1,55 1,40 (5,3) (10,1) (8,7) (7,8) D’après O’Sullivan : NDDG Critères diagnostiques du diabète gestationnel – à jeun < 1,2 – 2 h après charge orale > 1,4/L (8,0 mmol/L) en glucose (75 g) D’après l’OMS 97 L A R E V UE DU P R AT I CI E N ( P a r i s ) 1 9 9 8 , 4 8 Gynécologie - Obstétrique Dépistage L’hyperglycémie provoquée est une épreuve lourde, qu’on ne peut faire à toutes les femmes. On a donc proposé des tests de dépistage qui sont censés discriminer au mieux les femmes chez lesquelles une hyperglycémie sera trouvée, pour faire le diagnostic. Les questions à résoudre sont : chez qui faut-il dépister le diabète au cours de la grossesse ? comment ? et quand ? • Chez qui ? Il est admis par tout le monde qu’un diabète doit être recher- ché chez toutes les femmes qui ont un des facteurs de risque suivants : obésité, antécédent familial de diabète de type II, antécédent de gros enfant, glycosurie. On trouve approxi- mativement 10 % de diabètes gestationnels dans cette population. D’autres facteurs de risque existent : l’origine ethnique (fréquence accrue chez les Asiatiques, les femmes d’Afrique du Nord et du Proche-Orient) ; l’âge (augmen- tation du risque avec l’âge) ; une prise de poids anormale- ment élevée en cours de grossesse ; la survenue d’un hydramnios sans cause ; la survenue d’une macrosomie ou d’une hypertension artérielle. On a récemment proposé de le faire systématiquement à toutes les femmes enceintes parce qu’autrement on passe à côté de 40 % des diabètes gestationnels. C’est là un choix de santé publique. • Comment ? L’un des test les plus fréquemment employés est le test de O’Sullivan : il consiste à faire une glycémie 60 minutes (exactement) après l’absorption de 50 g de glu- cose quelle que soit l’heure de la journée ou du dernier repas. Si la glycémie est supérieure à 1,4 g/L, une HPO est indiquée. • Quand ? Les instances internationales recommandent un dépistage après 26 semaines d’âge gestationnel, au moment où la grossesse devient diabétogène. Cela ne permet pas de diagnostiquer les troubles métaboliques du début de gros- sesse. Il semble donc raisonnable de proposer aussi à toutes les femmes qui ont des facteurs de risque une glycémie à jeun et une glycémie postprandiale en début de grossesse. Principes du traitement • Les principes sont les mêmes que pour les autres formes de diabète et consistent à normaliser autant que possible les glycémies. • Très souvent, le régime seul permet d’y arriver. Ce régime consiste en 1 800 à 2 000 kcal/j, mais pas moins de La base du traitement de toutes les formes de diabète compliquant la grossesse est le contrôle aussi strict que possible de la glycémie. Dans les diabètes permanents antérieurs à la grossesse (diabètes insulino- et non insulino-dépendants), ce contrôle doit être entrepris avant la grossesse pour diminuer le risque de malformations fœtales. Cette prise en charge permettra aussi de faire un bilan des lésions dégénératives, et au besoin de les traiter. Ces grossesses doivent être surveillées dans un centre habitué à cette pathologie, avec une prise en charge pluridisciplinaire, comportant obstétricien, diabétologue, anesthésiste, pédiatre, diététicienne. À ce prix, le pronostic est bon. Le diabète gestationnel comporte beaucoup moins de risque. Points Forts à retenir 1 500 kcal/j, même chez les obèses (dans l’intérêt fœtal) avec un apport minimal en hydrates de carbone de l’ordre de 150 à 200 g/j répartis dans la journée en 3 repas et 3 collations. • Les glycémies à jeun et postprandiales doivent être sur- veillées au moins tous les 8 jours jusqu’à la fin de la gros- sesse pour ne pas laisser passer l’heure éventuelle de l’in- sulinothérapie. • L’insulinothérapie d’emblée ou secondairement peut être indiquée si les glycémies, malgré le régime, dépas- sent 1,05 g/L à jeun et 1,40 g/L en postprandial. Elle doit être arrêtée immédiatement après l’accouchement. • La surveillance de la grossesse et le mode d’accou- chement sont les mêmes que pour les autres formes de dia- bète. I Tchobroutsky C. Diabète et grossesse. In : Thoulon JM, Puech F, Boog G. Obstétrique. Paris : Ellipses Aupelf/Uref, 1995 : 343-56. Multicenter survey of diabetic pregnancy in France. Diabetes Care 1991 ; 14, 11 : 994-1000. Oats JN. Diabetes in pregnancy. Bailliere’s Clin Obstet Gynæcol 1991 ; 5, 2 : 257-505. POUR EN SAVOIR PLUS Gynécologie - Obstétrique B 161 2303 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 2 0 0 0 , 5 0 Infections pelviennes Les maladies sexuellement transmissibles (MST) et leurs complications (salpingites, pelvipéritonites) repré- sentent le facteur de risque principal de grossesse extra- utérine. Le germe le plus fréquemment en cause semble être Chlamydia trachomatis. Il existe une liaison forte entre la positivité de la sérologie à Chlamydia et le risque de grossesse extra-utérine. Les infections géni- tales expliqueraient 50 % des cas de grossesses extra- utérines par l’intermédiaire d’un mécanisme d’altération séquellaire de l’anatomie tubaire. La fréquence des formes frustes ou infracliniques de salpingites explique que la sérologie à Chlamydia est le témoin principal de l’antécédent d’infection pelvienne. Tabac Plusieurs études cas témoins ont objectivé une liaison très forte après prise en compte du rôle des maladies sexuellement transmissibles (facteurs de confusion possible) entre tabac et grossesse extra-utérine. Il existe un effet dose, c’est-à-dire que plus le tabagisme est important, plus le risque de grossesse extra-utérine est élevé. Plusieurs hypothèses physiopathologiques sont proposées : toxicité directe de la nicotine sur la motilité tubaire, action anti-œstrogénique de la nicotine. Actuellement, près de 20% des grossesses extra-utérines peuvent être attribuées exclusivement au tabagisme. Antécédents chirurgicaux pelviens L’antécédent de chirurgie tubaire ou de traitement chirurgical préalable d’une grossesse extra-utérine représente un risque important de grossesse extra-utérine. Cependant, la chirurgie tubaire est en général pratiquée pour traiter des pathologies tubaires ou une grossesse extra-utérine. Il est donc difficile de savoir si c’est le geste chirurgical qui est en cause ou les conditions qui ont amené à pratiquer ce geste chirurgical. Rôle des méthodes contraceptives L’utilisation passée d’un stérilet semble élever modéré- ment le risque de grossesse extra-utérine soit par l’inter- médiaire d’infections pelviennes associées, soit par un rôle propre encore mal compris. Si l’on étudie le risque de grossesse extra-utérine lié à l’utilisation d’une contraception au moment de la conception, il faut faire appel à un groupe témoin composé de femmes non enceintes. Dans ce cas de figure, aucune augmentation Au cours des décennies 1970 et 1980, la fréquence de la grossesse extra-utérine a doublé ou triplé dans les pays industrialisés. Au début des années 1990, l’estimation du taux d’incidence était de 12 à 14 p. 1 000 grossesses et environ 20 p. 1 000 naissances. En France, on estime que 15 000 femmes auront une grossesse extra-utérine (GEU) chaque année dont 2 à 5 vont mourir, 4 000 environ auront des problèmes de fertilité ultérieure et 1 000 devront recourir à l’assistance médicale à la procréation (AMP). Les progrès dans la stratégie diagnostique et la prise en charge thérapeutique diminuent la fréquence des ruptures cataclysmiques, le nombre des laparotomies et fait glisser, avec les années, la grossesse extra-utérine d’un traitement chirurgical avec hospitalisation vers un traitement médical en externe et moins coûteux. Étiologie La connaissance des facteurs de risque de grossesse extra-utérine va pouvoir d’emblée déterminer les femmes susceptibles d’avoir une grossesse extra-utérine. Grossesse extra-utérine Étiologie, diagnostic, évolution, traitement PR Hervé FERNANDEZ Service de gynécologie-obstétrique, hôpital Antoine-Béclère, 92141 Clamart Cedex. • La fréquence des grossesses extra-utérines est de 20 pour 1 000 naissances. • La connaissance des facteurs de risque (les infections pelviennes, les antécédents chirurgico-pelviens, la consommation de tabac, la notion de stimulation de l’ovulation, l’âge et le mode de contraception) permet de déterminer les patientes pour lesquelles il faut envisager une démarche diagnostique pertinente. • Le diagnostic est établi par la conjonction du dosage quantitatif de l’hCG plasmatique, du dosage de la progestérone et par la combinaison de l’échographie abdominale et vaginale. • La prise en charge thérapeutique des grossesses extra-utérines a été modifiée par le traitement par le méthotrexate possible dans 30 à 40% des cas. • La fertilité ultérieure ne dépend pas du traitement proposé mais essentiellement de l’âge inférieur à 30 ans et de l’absence de facteurs d’infertilité préalable à la grossesse extra-utérine. Points Forts à comprendre du risque n’est observée et, l’on note un taux élevé de grossesses extra-utérines de manière relative par rapport à l’ensemble des grossesses intra-utérines considérées comme échec de la contraception. Ce risque relatif est similaire pour les pilules œstroprogestatives et surtout les micropilules. Inducteurs de l’ovulation Le citrate de clomifène semble augmenter de façon très importante (multiplication par 4) le risque de grossesse extra-utérine indépendamment des techniques de pro- création médicalement assistées et des facteurs d’infertilité (maladies sexuellement transmissibles, pathologies tubaires) par l’effet d’une action anti-œstrogène. Âge Il semble associé à un risque accru de grossesse extra- utérine indépendamment du fait de l’allongement de la période d’exposition aux différents facteurs de risque. Stérilisation tubaire Lorsqu’une grossesse survient et que les cas sont com- parés à des femmes enceintes, le risque de grossesse extra-utérine est élevé. Les connaissances épidémiologiques apparaissent ainsi essentielles pour la prise en charge des patientes. En effet, la constatation chez une femme désirant une gros- sesse d’un ou plusieurs facteurs de risque de grossesse extra-utérine doit faire considérer la phase initiale de la grossesse comme étant à haut risque et donc faire mettre en route une procédure de diagnostic plus précoce de la localisation de cette grossesse. Cette connaissance des facteurs de risque peut égale- ment jouer sur le risque de récidive car certains d’entre eux sont modifiables, en particulier la diminution du tabac, la non-utilisation du citrate de clomifène chez des patientes ayant des antécédents d’atteinte tubaire. Localisation de la grossesse extra-utérine Il faut d’emblée séparer les localisations tubaires et extra-tubaires. La localisation tubaire représente 95 % des grossesses extra-utérines. Parmi les localisations tubaires, il faut distinguer les localisations proximales incluant les grossesses extra- utérines interstitielles ou cornuales (4 %) et les locali- sations isthmiques (15 %), et les localisations distales représentées essentiellement par l’ampoule qui est le lieu privilégié des grossesses extra-utérines (environ 70 %) et les localisations pavillonnaires (environ 5 %). Les autres localisations incluent : – les grossesses abdominales où l’implantation se fait sur le mésentère ou sur l’intestin grêle pouvant per- mettre à l’extrême une évolution jusqu’à terme ; – les localisations ovariennes (environ 2 %) des gros- sesses extra-utérines ; – et des localisations beaucoup plus rares comme l’atteinte cervicale ou d’autres organes de l’abdomen: foie et rate. Il existe par ailleurs des grossesses extra-utérines gémel- laires, bilatérales et hétérotopiques associant une gros- sesse intra-utérine et une grossesse extra-utérine. Les grossesses hétérotopiques doivent être recherchées sys- tématiquement à l’échographie car si leur fréquence est estimée à 15 pour 10 000 grossesses spontanées, elle peut atteindre 1 % avec les techniques d’assistance médicale à la procréation (AMP). Diagnostic Symptomatologie clinique L’ubiquité des présentations cliniques de la grossesse extra-utérine engendre un grand nombre d’erreurs de diagnostic et est source d’angoisse lors de la consultation de gynécologie. Les signes cliniques sont trompeurs car la triade amé- norrhée-douleurs abdominales-métrorragies correspond uniquement aux formes évoluées. La répartition de fré- quence des différents symptômes est présentée dans le tableau I. L’examen clinique ne retrouve que rarement une masse latéro-utérine et recherche essentiellement l’origine du saignement et l’existence d’une douleur provoquée. Cinq pour cent des patientes présentent actuellement un tableau clinique d’hémopéritoine et dans ce cas, un simple dosage d’hCG qualitatif urinaire positif indique un traitement d’urgence sans autre examen complémentaire. Dans 95% des cas, l’ubiquité du tableau clinique impo- se la réalisation d’examens complémentaires. GR OS S E S S E E XT R A- UT É R I NE 2304 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 2 0 0 0 , 5 0 Symptômes et signes physiques Fréquence (%) Douleur abdominale 87 à 99 Aménorrhée 61 à 79 Métrorragies 48 à 86 Signes sympathiques de grossesse 23 Syncope 6 à 37 Douleur scapulaire 5 à 22 Expulsion de la caduque 6 à 7 Douleur à la palpation abdominale 97 à 99 Douleur à la palpation annexielle 87 à 99 Signes d’irritation péritonéale 71 à 76 Masse annexielle 32 à 53 Augmentation du volume utérin 6 à 30 Choc 2 à 17 Fréquence des symptômes et signes physiques dans les grossesses extra-utérines TABLEAU I – analyse du corps jaune et de l’ovaire actif en sachant que la grossesse extra-utérine est habituellement située presque toujours au voisinage immédiat du corps jaune ; – analyse d’une masse annexielle anormale habituelle- ment voisine de l’ovaire, très proche de celui-ci (habi- tuellement moins de 1 cm). Cette masse peut être un sac gestationnel typique constitué par une couronne échogène ou une masse échogène hétérogène corres- pondant à un hématosalpinx; – hématocèle-hémopéritoine : ces images sont devenues plus rares, l’évaluation de l’hémopéritoine est faite par la mesure de l’épanchement dans le cul-de-sac de Douglas dans les 3 plans de l’espace. Traitement La conjonction de la symptomatologie clinique, des exa- mens biologiques et des données échographiques a per- mis de proposer des algorithmes et des scores indiquant une stratégie médicale pour la prise en charge des grossesses extra-utérines. Dans cette démarche, la cœlioscopie ne devrait plus avoir sa place comme méthode diagnostique et en tout cas elle ne sera effectuée dans ce but qu’après une démarche diagnostique complète laissant une place pré- pondérante au couple hCG-échographie, éventuellement réévalué à 48 h voire plus tardivement. Quant à la laparotomie, elle n’a plus aucune indication diagnostique. La qualité de la démarche diagnostique a donc ainsi permis d’affiner la stratégie thérapeutique, ce qui a fait évoluer la grossesse extra-utérine d’un traitement essentiellement chirurgical vers un traitement médical associant l’abstention thérapeutique et les traitements médicaux dans 1/3 des cas. Laparotomie Ces indications sont devenues exceptionnelles. Que le traitement soit radical ou conservateur, les essais thérapeutiques comparant laparotomie à cœlioscopie ont montré des résultats cliniques équivalents sinon supé- rieurs en particulier pour la fertilité ultérieure en faveur de la cœlioscopie. Le traitement cœlioscopique représente par ailleurs une économie majeure par diminution du temps d’hospitalisation et par une reprise plus rapide des activités profession- nelles. Elle offre aussi un moindre préjudice esthétique. Que reste-t-il alors comme indications à la laparotomie ? Ce sont essentiellement les contre-indications à la cœliochirurgie. Celles-ci sont représentées par l’instabilité hémodyna- mique liée à un hémopéritoine brutal et abondant le plus souvent supérieur à 1,5 L. Cependant, même dans ces situations d’urgence, l’habitude de l’équipe permet, lorsque toutes les conditions techniques sont réunies, de traiter ces patientes par cœlioscopie et c’est seulement dans les cas où l’anesthésiste contre-indique formellement cette dernière que la laparotomie est pratiquée. Examens biologiques 1. Dosage de l’hCG plasmatique L’hCG est sécrétée précocement dans le sang maternel à partir du cytotrophoblaste. Le développement des tech- niques radio-immunologiques, immunoradiométriques ou immuno-enzymométriques utilisant les anticorps monoclonaux a augmenté la sensibilité, la spécificité et la rapidité des dosages de l’hCG. En fonction du lieu d’action de l’anticorps monoclonal utilisé pour la méthode de dosage, l’hCG est dosée de manière totale (chaînes α et β liés + chaînes α ou β libres). Habituel- lement, l’hCG est dosée à partir d’anticorps monoclo- naux dirigés contre l’extrémité carboxyterminale existant sur la chaîne β. Dans l’expression des résultats de l’hCG, il est important que le laboratoire précise ses normes de dosages et si ceux-ci sont exprimés en fonction de la 1 re , de la 2 e ou de la 3 e classification internationale. En effet, le dosage entre la 1 re et la 3 e classification est équivalent alors que le rapport avec la 2 e classification est de 1,8. (Exemple : 1 000 mUI/mL suivant la 2 e classification est équivalent à 1 800 pour la 1 re et la 3 e unité internationale). En aucun cas le dosage quantitatif d’hCG ne permet d’évaluer le terme de la grossesse extra-utérine. 2. Dosage de la progestérone Durant les premières semaines de gestation, la progesté- rone est synthétisée par le corps jaune, stimulé par des facteurs lutéotrophiques émis par l’embryon implanté. Durant cette période, la progestéronémie reste stable, ce qui est un bon reflet de l’évolutivité de la grossesse. La demi-vie de la progestérone (de l’ordre de 10 min) fait qu’en cas de grossesse pathologique son taux décroît rapidement avant celui de l’hCG dont la demi- vie est de 36 h. Ainsi, la progestérone apparaît comme un paramètre précis de l’évolutivité d’une grossesse. Lorsque son taux est supérieur à 25 ng/mL, elle permet d’exclure le diagnostic avec une sensibilité supérieure à 97 %. Lorsque son taux est inférieur à 5 ng/mL, elle permet d’exclure le diagnostic de grossesse intra-utérine évolutive. 3. Échographie L’amélioration du plateau technique de l’échographie (amélioration des échographes, des sondes et disponibilité de sonde d’échographie endovaginale) a permis des progrès dans la sémiologie de l’image. La sémiologie échographique est cependant entièrement dépendante de l’information donnée à l’échographiste, ce qui implique que ce dernier connaisse le contexte clinique et le résultat des dosages d’hCG et de proges- térone plasmatique, ce qui permet de mieux définir les critères d’évolutivité de la grossesse extra-utérine. La sémiologie échographique conduisant au diagnostic de grossesse extra-utérine comprend l’analyse de 5 points successifs : – non-visualisation d’un sac gestationnel intra-utérin; – analyse de la caduque ; Gynécologie – Obstétrique 2305 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 2 0 0 0 , 5 0 La laparotomie peut en revanche être réalisée lorsque la cœlioscopie est rendue impossible en raison de cicatrices ou d’adhérences digestives antérieures, rendant l’accès tubaire inaccessible. La grossesse interstitielle, cervicale voire abdominale reste le plus souvent des indications de traitements chirurgicaux par laparotomie bien que des traitements médicaux puissent être proposés dans ces situations. Il n’existe actuellement plus aucune indication d’annexec- tomie dans le traitement des grossesses extra-utérines. Cœlioscopie Elle permet le diagnostic et elle autorise le traitement dans le même temps. Elle est essentiellement indiquée dans les localisations tubaires des grossesses extra- utérines. Elle permet de réaliser soit une salpingectomie, soit un traitement conservateur de la trompe. Le traitement radical par salpingectomie est réalisé dans des indications bien précises : patiente ne désirant plus de grossesse, existence d’une trompe rompue et altérée pour laquelle toute tentative de traitement conservateur s’avère impossible, patiente ayant un antécédent de grossesse extra-utérine ou de chirurgie tubaire sur la trompe homolatérale, existence d’une hémorragie incontrôlable soit initiale, soit survenant après une tentative de traitement chirurgical conservateur, ou lors d’un hématosalpinx de 6 cm de diamètre. Le traitement chirurgical radical est bien codifié par voie cœlioscopique et le risque de complications est habituellement faible, inférieur à 1 % essentiellement représenté par le risque de greffe trophoblastique. Le traitement cœlioscopique conservateur est indiqué dans les autres cas. Il consiste en une salpingotomie associée à l’aspiration de l’œuf. En fait, l’indication repose essentiellement sur 4 critères : – l’opérabilité de la grossesse extra-utérine ; – l’évaluation du risque d’échec ; – le désir de grossesse ultérieure ; – le pronostic de fertilité qui doit tenir compte de la probabilité d’une grossesse intra-utérine, du risque des récidives de grossesse extra-utérine. Après traitement conservateur, une surveillance du taux d’hCG à 48 h permet de déterminer un échec de la méthode estimé entre 5 et 10 %. La stagnation ou la réascension des taux de hCG (fig. 1) ou un taux à 48 h supérieur à 25 % du taux initial d’hCG observé avant le traitement chirurgical impose de pratiquer une injection intramusculaire de méthotrexate à la dose de 1 mg/kg ou de 50 mg/m 2 . Ce n’est qu’en cas d’échec de ce traitement médical qu’une seconde cœlioscopie est indiquée. Dans les grossesses extra-utérines traitées par cœlioscopie et présentant une forte activité (définie par un taux de progestérone > 10 ng/mL et un taux d’hCG > 10 000 mUI/mL), il peut être conseillé de pratiquer d’emblée lors du traitement conservateur une injection de méthotrexate en intramusculaire, ce qui semble diminuer le taux d’échec à 1%. Traitements non chirurgicaux Le traitement non chirurgical est devenu une entité thérapeutique si le diagnostic est fait précocement sans la cœlioscopie. L’histoire médicale des patientes associée à la connaissance des facteurs de risque, à la précocité de la réalisation des dosages biologiques et de l’écho- graphie permettent ainsi de diagnostiquer des patientes asymptomatiques ou paucisymptomatiques. Abstention thérapeutique Il est estimé qu’environ 20 % des grossesses extra- utérines régresseront spontanément. Cette attitude d’expectative est surtout proposée quand le taux d’hCG initial est < 1000 mUI/mL et le taux de progestérone < 5 ng/mL et en l’absence de toute sympto- matologie clinique. La régression du taux d’hCG doit alors être comparée aux courbes de régression normale de l’hCG en cas d’abstention thérapeutique. Traitements médicaux Plusieurs agents cytotoxiques ont été proposés : le méthotrexate, l’actinomycine, les prostaglandines, le chlorure de potassium, le glucose hyperosmolaire. Le méthotrexate apparaît comme la molécule la plus fréquemment utilisée. C’est un antinéoplasique cyto- statique du groupe des antifolliniques qui agit comme antimétabolique des acides nucléiques. Le méthotrexate est employé soit par voie systémique essentiellement par voie intramusculaire, soit par voie orale, soit par voie locale par injection sous contrôle cœlioscopique ou sous contrôle échographique. Les doses efficaces sont : 1 à 1,5 mg/kg ou 50 mg/m 2 . Lorsque l’indi- cation du traitement médical est posée à partir des scores préthérapeutiques (tableau II), le taux de succès varie de 75 à 95 % quand le score est inférieur ou égal à 12. La surveillance du traitement médical comporte les dosages d’hCG plasmatiques à J2, J5, J10 qui sont comparés à la régression normale de l’hCG (habituel- lement obtenue en 28 j en moyenne). L’analyse de cette courbe (fig. 2) montre une élévation initiale de l’hCG dans les 8 premiers jours liée à un relargage initial de l’hCG et à une accélération initiale du métabolisme du GR OS S E S S E E XT R A- UT É R I NE 2306 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 2 0 0 0 , 5 0 Courbe prédictive de succès thérapeutique en fonction du taux de βhCG postopératoire (Pouly). 1 40 35 30 25 20 15 10 5 0 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Jours post-opératoires % βhCG post-opératoires/βhCG initaux 4 3 2 1 En effet, en l’absence d’antécédents, que le traitement soit une salpingectomie, un traitement conservateur ou un traitement médical, le taux de grossesses intra- utérines observé est supérieur à 80 %, alors qu’il n’est que de 30 à 40 % en cas d’antécédents pathologiques. Ce n’est que dans cette dernière situation qu’il semble exister un discret avantage au traitement conservateur, qu’il soit médical ou cœlioscopique. En l’absence d’antécédents, le taux de récidive de gros- sesse extra-utérine est de 5% et peut atteindre 30 % en cas d’antécédents de pathologie tubaire. C’est dans cette situation que doit se poser d’emblée l’indication d’une fécondation in vitro si les trompes s’avèrent trop pathologiques. Il est maintenant admis qu’il est préférable de faire une salpingectomie bilatérale avant de proposer une fécondation in vitro, dans les cas de pathologie tubaire avec muqueuse altérée. Compte tenu de la faible incidence du traitement sur la fertilité ultérieure, il faut donc privilégier les traitements les moins traumatiques, les plus aisément applicables et peut-être les moins coûteux. I cytotrophoblaste avec hypersécrétion d’hCG. Actuel- lement, le méthotrexate est au mieux administré en une injection unique, ce qui diminue voire supprime la toxicité du produit qui est essentiellement d’ordre hématologique (leucopénie ou thrombopénie), digestif (stomatite, diarrhée) ou hépatique avec cytolyse. Hormis les indications préalablement discutées, le méthotrexate constitue une alternative à la cœlioscopie quand celle-ci présente un risque ou une difficulté non négligeable : patiente multi-opérée, contre-indications anesthésiques majeures, obésité ou certaines localisa- tions rendant le traitement percœlioscopique difficile. Gynécologie – Obstétrique 2307 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 2 0 0 0 , 5 0 Évolution de la croissance des hCG après traitement médical (Fernandez). 2 1 2 3 Terme (j d’aménorrhée) > 49 ȅ49 ȅ42 hCG (mUI/mL) ȅ1 000 ȅ5 000 > 5 000 Progestérone (ng/mL) ȅ5 ȅ10 > 10 Douleur nulle provoquée spontanée Hématosalpinx (cm) ȅ1 ȅ 3 > 3 Hémopéritoine (cm 3) ȅ10 ȅ 100 > 100 Score indiquant un traitement médical (Fernandez) TABLEAU II • La clinique de la grossesse extra-utérine est devenue ubiquitaire et dominée essentiellement par l’apparition de métrorragies. • Soixante-dix pour cent des grossesses extra-utérines sont situées au niveau de l’ampoule tubaire. • Le traitement cœlioscopique conservateur est le traitement de référence de la grossesse extra-utérine tubaire. • En raison d’un taux d’échec immédiat situé entre 5 et 15 %, une surveillance postopératoire de la régression du taux plasmatique d’hCG est systématique. • En cas de persistance d’une sécrétion anormale d’hCG, après traitement conservateur une injection intramusculaire de méthotrexate est pratiquée. • Le traitement médical de la grossesse extra-utérine est proposée dans les grossesses extra-utérines peu évolutives (30 à 40%). Il peut nécessiter une cœlioscopie secondaire dans 10% des cas. • Que le traitement soit conservateur chirurgical ou médical ou radical par la pratique d’une salpingectomie, le taux de récidive de grossesse extra-utérine est identique. Points Forts à retenir Synthèse des stratégies thérapeutiques Le traitement cœlioscopique conservateur de la gros- sesse extra-utérine est le traitement de référence. Cependant, le traitement médical par le méthotrexate soit local, soit parentéral est applicable dans 30 à 40 % des cas dans les grossesses extra-utérines à faible activité, définies par un taux d’hCG = 5 000 mUI/mL et une progestérone < 10 ng/mL. Concernant la fertilité ultérieure, il ne semble pas exister de différence majeure que le traitement soit radical, conservateur ou médical. Ce sont en effet les antécé- dents de la patiente qui semblent primer pour déterminer au mieux la fertilité ultérieure. Chapron C, Fernandez H, Dubuisson JB. Le traitement de la grossesse extra-utérine. J Gynecol Obstet Biol Reprod 2000; 29 : 351-61. Fernandez H. La grossesse extra-utérine. Médecine-Sciences, Flammarion, 1997. Pouly JL, Chapron C, Wattiez A et al. Fertilité après GEU. Proposition d’un score thérapeutique et d’une stratégie du traitement chirurgical de la GEU. Contracept Fertil Sex 1991 ; 19 : 379-86. POUR EN SAVOIR PLUS 126 112 98 84 70 56 42 28 14 0 6 32 Temps (jours) 100 % Gynécologie - Obstétrique A 21 1145 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 2 0 0 0 , 5 0 – quantifier l’hémorragie ; – rechercher la présence de caillots (absence de trouble de la coagulation) ; – rechercher un retentissement maternel (hypotension, pouls rapide, pâleur cutanéo-muqueuse, sueur), ce qui nécessite de placer immédiatement une voie veineuse, perfuser la patiente et réaliser une numération formule sanguine, un bilan de coagulation, un groupe sanguin et Rhésus ; – rechercher un retentissement fœtal (enregistrement du rythme cardiaque fœtal) à la recherche d’une souf- france fœtale aiguë nécessitant une extraction fœtale souvent en urgence. • Une hémorragie de sang noir plus ou moins abon- dante, accompagnée de douleur abdominale brutale en coup de poignard siégeant au niveau de l’utérus, oriente le diagnostic vers l’hématome rétroplacentaire, surtout si l’hémorragie survient chez une patiente hypertendue. • Une hémorragie peu abondante, rosée, survenant après l’apparition des contractions utérines, mélangée à des glaires, évoque la perte du bouchon muqueux. • Une hémorragie de sang noirâtre plus ou moins abondante, sans contraction utérine, évoque l’évacuation d’un hématome marginal déjà ancien. • Une hémorragie peu abondante de sang rouge, survenue après un rapport, évoque une cause cervicale. Examen de la patiente Après cette première évaluation et en dehors d’une souffrance fœtale aiguë ou de choc hypovolémique chez la mère, un examen clinique doit aider à réaliser un diagnostic étiologique. 1. Interrogatoire L’interrogatoire détermine le groupe sanguin et Rhésus, les antécédents personnels de trouble de la coagulation ou de pathologie cervicale (dysplasie, ectropion…), les antécédents de saignements au 1 er et au 2 e trimestre, précise le terme exact de la grossesse avec la date des dernières règles, les antécédents obstétricaux, antécé- dents de placenta prævia, d’hypertension gravidique, de décollement placentaire marginal lors des éventuelles grossesses antérieures, les antécédents personnels ou familiaux de prééclampsie ou d’éclampsie, de diabète gestationnel et prégestationnel. Quelles sont les causes ? Ces causes sont multiples ; 50 % ont une origine endo- utérine et l’autre moitié, une origine non gravidique. Les hémorragies endo-utérines sont dominées par le placenta prævia et l’hématome rétroplacentaire (HRP). Elles peuvent mettre en danger rapidement la mère et l’enfant. Les hémorragies non gravidiques sont dominées par les saignements d’origine cervicale. Elles sont en général modérées et ne représentent pas un danger immédiat. Quelle que soit son origine, la survenue d’une hémorragie au cours du 3 e trimestre de la grossesse impose une éva- luation de l’importance de l’hémorragie et de son reten- tissement ; un examen de la patiente et éventuellement un bilan paraclinique ; une orientation diagnostique à la recherche d’une cause. Évaluation de l’importance de l’hémorragie L’évaluation de l’importance de l’hémorragie permet de faire face à une éventuelle situation d’urgence nécessitant une prise en charge rapide et permet ainsi une première orientation diagnostique. • Une hémorragie importante de sang rouge d’appari- tion récente et persistante évoque un placenta prævia surtout si l’existence d’un placenta bas inséré écho- graphique est déjà connue. Dans ce cas, il faut : Hémorragie du troisième trimestre de grossesse Orientation diagnostique DR Jean-Marc AYOUBI, PR Jean-Claude PONS Fédération de gynécologie-obstétrique et médecine de la reproduction, département Nord, CHU 38043 Grenoble Cedex. • L’hémorragie du 3 e trimestre correspond à un saignement extériorisé par voie vaginale au cours du 3 e trimestre de la grossesse. Elle survient dans moins de 5 % des grossesses et constitue une urgence obstétricale avec risque de morbidité et de mortalité maternelles et fœtales. • L’évaluation de l’importance de saignement, son retentissement maternel et fœtal doivent constituer la première urgence. La détermination de la cause d’hémorragie et sa prise en charge doivent suivre assez rapidement. Points Forts à comprendre 2. Circonstances de survenue du saignement Le saignement est-il associé ou en dehors de toute contraction utérine ? Survient-il après un traumatisme direct : accident de la voie publique, agression ? Est-il spontané, indolore ? Est-il associé à des douleurs ? Si oui, les décrire : topographie, type, intensité, irradiation. 3. Examen clinique • Examen général : la prise de la pression artérielle et du pouls et la recherche d’une pâleur cutanéo-muqueuse sont les premiers gestes à faire pour apprécier le retentissement maternel de l’hémorragie. • La palpation abdominale et surtout utérine pour apprécier le tonus utérin : un utérus contracturé avec un mauvais relâchement entre les contractions réalisant ce que l’on appelle l’utérus de bois, évoque plutôt un héma- tome rétroplacentaire ; un utérus bien relâché, associé à une hémorragie de sang rouge s’aggravant au cours des contractions, est plutôt en faveur d’un placenta prævia. • L’examen du col au spéculum doit être systématique. Il permet d’orienter le diagnostic vers une hémorragie d’origine endo-utérine (placenta prævia, hématome rétro- péritonéal [HRP], hématome décidual…) ou vers une hémorragie non gravidique d’origine cervicale (cervicite, ectropion, polype ou exceptionnellement cancer du col…). • Le toucher vaginal doit être toujours très prudent et réalisé de préférence après un contrôle échographique de la localisation placentaire ; il permet l’évaluation des conditions cervicales (longueur, ouverture, consistance et position du col) et doit être évité en cas de placenta prævia. L’exploration du canal cervical, qui peut aggraver l’hémorragie par un décollement placentaire supplé- mentaire, est contre-indiquée. • L’échographie, de préférence par voie abdominale, doit plutôt être pratiquée avant le toucher vaginal. Elle permet de poser ou d’écarter le diagnostic de placenta prævia en précisant la localisation placentaire. Elle permet quelquefois de faire le diagnostic d’un hématome rétroplacentaire qui n’est pas toujours aisé à l’échogra- phie et aussi d’éliminer une mort in utero et de réaliser les mesures des paramètres fœtaux afin d’éliminer un retard de croissance intra-utérin. • Le rythme cardiaque fœtal : l’enregistrement continu doit permettre d’éliminer une souffrance fœtale aiguë. • Les autres examens : les prélèvements sanguins (groupe sanguin, Rhésus, recherche des anticorps irré- guliers, numération globulaire, plaquettes, bilan de coa- gulation, test de Kleihauer) doivent être réalisés avant de poser une voie veineuse et de débuter une éventuelle réanimation en fonction de l’importance de l’hémorragie. Étiologie 1. Causes cervicales Elles doivent être reconnues à l’examen au spéculum afin d’éviter une hospitalisation abusive car ces hémor- ragies sont souvent bénignes et surviennent souvent après un examen gynécologique ou un rapport sexuel. L’hémorragie est très modérée, de sang rouge, d’apparition spontanée en dehors de toute contraction. L’examen au spéculum permet de différencier les polypes cervicaux qu’il faut respecter pendant la gros- sesse car leur ablation peut être hémorragique ; un ectro- pion qui correspond à une éversion et à l’extériorisation de la muqueuse endocervicale qui saigne facilement au contact ; un cancer du col exceptionnellement. 2. Causes endo-utérines • Le placenta prævia, c’est-à dire qui s’insère en partie ou en totalité sur le segment inférieur de l’utérus, sur- vient dans moins de 1 % des grossesses. Les facteurs étiologiques sont l’insertion basse du placenta favorisée par la multiparité ; l’âge maternel avancé ; un antécédent de fausse couche ; un antécédent de curetage, d’interruption volontaire de grossesse ; les grossesses multiples ; un antécédent de césarienne ; le tabac. L’hémorragie liée au placenta prævia est due au dévelop- pement du segment inférieur qui, en augmentant, ouvre des sinus veineux de la caduque qui vont saigner. Les pertes sanguines peuvent comporter une certaine part, en général assez faible, de sang fœtal si l’espace intervil- leux décollé a déchiré quelques artérioles d’origine fœtale. Le premier saignement survient entre 28 et 32 semaines d’aménorrhée. Il s’agit d’une hémorragie de sang rouge, indolore, survenant en dehors de toute contraction. L’utérus est souple. L’examen au spéculum confirme l’origine endo-utérine du saignement. Le toucher vaginal doit être évité. L’échographie est l’examen capital pour le diagnostic. Souvent, le diagnostic de placenta bas inséré est fait lors d’une échographie antérieure (20 à 22 semaines d’amé- norrhée) en sachant qu’un placenta diagnostiqué en position prævia au cours d’une échographie du 2 e tri- mestre de la grossesse ascensionne souvent et peut être trouvé en position normale au 3 e trimestre. L’échographie doit être réalisée avec une vessie pleine ; elle permet de déterminer l’insertion exacte du placenta recouvrant (stade IV), marginal (stade III = affleure l’orifice interne du col) et placenta prævia latéral qui reste à distance de l’orifice interne du col (stades I et II). L’échographie permet aussi de mesurer, dans les cas de placenta marginal, la distance entre l’orifice interne du col et le bord inférieur du placenta. Le risque hémorragique est assez faible si cette distance est supérieure à 3 cm. En dehors d’une hémorragie cataclysmique qui nécessite une extraction fœtale en urgence, quand le fœtus est un prématuré, le traitement doit être conservateur chaque fois que possible : – hospitalisation et repos strict au lit ; – surveillance maternelle : pouls, tension artérielle, numération formule sanguine, bilan d’hémostase, recherche d’agglutinines irrégulières ; – pose d’une voie veineuse ; – tocolytique (bêtamimétiques en dehors d’une anémie) ; – traitement martial ; – abstention de tout toucher vaginal ; – injection de gammaglobulines anti-D en cas de Rhésus négatif ; HÉ MOR R AGI E DU T R OI S I È ME T R I ME S T R E DE GR OS S E S S E 1146 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 2 0 0 0 , 5 0 Dans 30 % des cas, aucune cause déclenchante n’est retrouvée. Le diagnostic d’un hématome rétroplacentaire est avant tout clinique. Il s’agit d’une douleur abdominale brutale en coup de poignard siégeant au niveau de l’utérus et irradiant en arrière. La douleur est permanente. Elle s’accompagne de sang noir peu abondant. Les autres signes sont inconstants mais évocateurs : nausées, vomissements, signes de prééclampsie. Parfois, un état de choc plus ou moins marqué est noté. Quelquefois, l’hématome rétroplacentaire est minime et se traduit par des signes de souffrance fœtale ou une menace d’accouchement prématuré chez une patiente présentant une prééclampsie. À l’examen obstétrical, il peut y avoir du sang noir venant de la cavité utérine incoagulable, une hauteur utérine augmentée, un utérus hypercontractile (contrac- tion utérine sans relâchement) : utérus de «bois ». L’échographie confirme le diagnostic, participe au bilan, recherche la vitalité fœtale. Elle permet aussi de faire le diagnostic différentiel d’avec le placenta prævia. L’image caractéristique d’hématome est une zone linéaire bien limitée, vide d’écho. Ce diagnostic n’est pas toujours facile et l’absence d’image évocatrice n’exclut pas le diagnostic, d’où l’im- portance de la clinique et du contexte. Évolution, traitement, pronostic : l’hématome rétro- placentaire constitue une urgence. Le traitement doit être rapidement mis en route après évaluation du retentissement fœtal et maternel. Le retentissement fœtal est évalué par le monitorage du rythme cardiaque fœtal ; le plus souvent, la mort fœtale s’est déjà produite et on ne retrouve pas de bruit du cœur fœtal ; dans certains cas, le rythme cardiaque fœtal montre des signes de souffrance, représentés par un tracé non réactif, aplati avec surtout apparition de décélération du rythme cardiaque fœtal et une hypercon- tractilité utérine, soit une hypertonie sans relâchement entre les contractions, soit une hypercinésie de fréquence et (ou) d’intensité. Globalement, la mortalité périnatale dans l’hématome rétroplacentaire est entre 30 et 50 %. Le retentissement maternel est apprécié par la recherche d’un état de choc par la surveillance de la pression arté- rielle, du pouls, de la diurèse ; recherche de protéinurie ; numération, formule sanguine, plaquettes ; taux de pro- thrombine ; temps de céphaline activé ; fibrinogène ; groupe sanguin, Rhésus ; recherche d’agglutinines irrégulières ; acide urique. – surveillance fœtale : hauteur utérine, rythme cardiaque fœtal 2 ou 3 fois par jour, biométries fœtales, score de Manning; – test de Kleihauer (recherche d’une hémorragie fœtale) ; – maturation pulmonaire si le terme est inférieur à 34 semaines : 12 mg de bétaméthasone en intramuscu- laire, 2 injections à 24 h d’intervalle, à répéter toutes les semaines, 4 cures au maximum. Ces mesures permettent le plus souvent d’attendre 37 semaines d’aménorrhée, terme auquel la grossesse peut être interrompue le plus souvent par césarienne. Quelquefois, la césarienne peut être imposée avant ce terme devant toute hémorragie grave persistante ou devant une hémorragie fœtale (test de Kleihauer positif) ou devant toute souffrance fœtale aiguë. Dans les stades I et II, l’accouchement peut se faire par voie naturelle en dehors de toute hémorragie. Pronostic : la mortalité maternelle est quasi nulle ; risque infectieux (endométrite) et thrombo-embolique. La mortalité fœtale est de 5 à 10% en rapport avec : la prématurité ; l’anémie fœtale ; l’hypotrophie. • L’hématome rétroplacentaire est un décollement prématuré d’un placenta normalement inséré. Il résulte d’une désinsertion accidentelle de tout ou d’une partie du placenta avant l’accouchement avec formation d’un hématome plus ou moins volumineux. Ce décollement va entraîner la constitution d’une hémorragie qui ne s’extériorise pas le plus souvent, s’épanchant entre placenta et utérus. Cette zone de décollement empêche les échanges vascu- laires entre la mère et le fœtus et est responsable de la souffrance et du décès fœtal. Ce caillot est responsable du passage dans la circulation maternelle de thromboplastines déciduales et de facteurs de coagulation activés qui sont responsables de la coa- gulation intravasculaire disséminée (CIVD). L’hématome rétroplacentaire doit être distingué de l’hématome décidual marginal qui correspond à la déchi- rure d’une veine utéro-placentaire marginale créant un hématome qui décolle le bord latéral du placenta. L’hématome rétroplacentaire complique moins de 1 % des grossesses, 0,25 à 0,5% selon les séries. Dans près de la moitié des cas, il survient chez des patientes ayant une hypertension artérielle ou une prééclampsie qui est à l’origine d’un infarctus placentaire localisé avec sai- gnement en regard de celui-ci. Un traumatisme ou un choc abdominal peut être aussi à l’origine d’un hématome rétroplacentaire. D’autres fac- teurs favorisants ont été décrits (tabac, multiparité, consommation de cocaïne). 1147 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 2 0 0 0 , 5 0 Douleurs Hypertonie utérine Choc CIVD Écho Souffrance fœtale Mort périnatale (%) Placenta prævia HRP 0 +++ 0 +++ + ++ ––– ++ +++ ± + +++ 5-10 30-50 Principales caractéristiques différenciant les hémorragies du 3 e trimestre de grossesse TABLEAU HRP : hématome rétroplacentaire ; CIVD : coagulation intravasculaire disséminée. Le risque maternel est lié à l’importance de l’hématome d’une part et à l’apparition des troubles de la coagulation à type de coagulation intravasculaire disséminée d’autre part. La mortalité maternelle est estimée entre 1 et 3%. La prise en charge impose une réanimation avec rem- plissage vasculaire de macromolécules et de transfusions; la correction des troubles de la coagulation sanguine ; l’évacuation de l’utérus : – si l’enfant est vivant avec signe de souffrance, une césarienne doit être pratiquée ; – si l’hématome rétroplacentaire a entraîné la mort du fœtus, il faut s’efforcer d’obtenir l’accouchement par les voies naturelles. Après l’accouchement par voie basse ou par césarienne, la réanimation maternelle doit être poursuivie jusqu’à la normalisation des troubles de la coagulation et de la fonction rénale. Lors d’une grossesse ultérieure, une surveillance inten- sive s’impose en raison du risque de récidive de l’héma- tome rétroplacentaire. Ce risque est diminué avec l’utili- sation de l’aspirine à la dose de 100 mg/j à partir de 12 semaines d’aménorrhée. Autres causes d’hémorragie Rupture utérine La rupture de l’utérus en dehors du travail est un acci- dent exceptionnel. La clinique est dominée par des dou- leurs utérines vives, un état de choc. Le saignement extériorisé est inconstant en général et souvent minime. La palpation de l’abdomen met en évidence une défense et l’on peut, dans certains cas, palper le fœtus directe- ment sous la paroi abdominale. La rupture utérine survient le plus souvent sur un utérus cicatriciel (antécédent de myomectomie, de césarienne ou d’hystéroplastie) et, plus exceptionnellement, lors d’un traumatisme soit direct, soit indirect et la rupture siège alors sur la face postérieure de l’utérus. Le fœtus meurt habituellement lors de la rupture utérine et le traitement est la laparotomie afin d’assurer l’hémostase. La rupture d’une cicatrice de césarienne lors d’un essai d’accouchement par voie basse chez une femme antérieurement césarisée est moins exceptionnelle. Elle se traduit classiquement par une douleur, un saignement de sang rouge, une modification de la dynamique utérine et une souffrance fœtale. La symptomatologie est rarement complète et c’est souvent sur des signes incomplets que le diagnostic doit être évoqué. Hémorragie de Benkiser C’est une hémorragie fœtale par rupture d’un ou plusieurs vaisseaux ombilicaux insérés sur les membranes. Elle survient lors de la rupture spontanée ou artificielle de la poche des eaux. Elle complique 1 grossesse sur 3 000 à 5 000. Le risque fœtal est majeur avec une mortalité de 50 à 100 %. Cette hémorragie se manifeste par un saignement indolore lors de la rupture des membranes, sans modification de l’état maternel mais avec une souffrance fœtale immédiate. Elle doit être distinguée de la rupture d’un sinus marginal, rupture survenant sur un placenta bas inséré et, dans ce cas, le saignement est d’origine maternelle et ne s’accompagne pas de souffrance fœtale. Hématome décidual marginal (rupture du sinus marginal) Le saignement est rarement abondant et rouge, plus souvent noirâtre, peu abondant, signant l’évacuation secondaire de ce décollement partiel du placenta. Le diagnostic se fait à l’échographie, recherchant une collection sanguine et un décollement très partiel du placenta, plus souvent au niveau du pôle inférieur. L’hématome est de bon pronostic, sans retentissement maternel, ni fœtal notable, étant donné que la zone de décollement est vraiment minime : il nécessite parfois l’hospitalisation lorsque le saignement est en cours et une tocolyse qui permettra de le minimiser. Parfois, il entraîne une anémie chez la mère, si le saignement est persistant. Causes cervicales Ces causes sont constituées par : un polype, un ectro- pion, un cancer du col. HÉ MOR R AGI E DU T R OI S I È ME T R I ME S T R E DE GR OS S E S S E 1148 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 2 0 0 0 , 5 0 • L’hémorragie du 3 e trimestre est souvent due à une cause bénigne en dehors du placenta prævia et de l’hématome rétroplacentaire. • Le diagnostic du placenta prævia est échographique. Le pronostic maternel est conditionné par l’importance de l’hémorragie. • Un hématome rétroplacentaire est de diagnostic avant tout clinique. Le pronostic fœtal est sombre. Le pronostic maternel est conditionné par le choc hypovolémique et les troubles de la coagulation. Points Forts à retenir Le placenta prævia et l’hématome rétroplacentaire constituent les 2 principales causes de l’hémorragie du 3 e trimestre. Le placenta prævia survient surtout après 28 semaines d’aménorrhée et serait dû à la formation du segment inférieur qui entraînerait la rupture des sinus veineux. L’échographie et une prise en charge rapide et adaptée ont permis de diminuer de façon importante la mortalité et la morbidité maternelles et néonatales. L’hématome rétroplacentaire survient, dans près de la moitié des cas, dans un contexte particulier qui est la prééclampsie. La physiopathologie de l’hématome rétroplacentaire est maintenant bien connue mais la physiopathologie de la prééclampsie n’est pas complètement élucidée. La mortalité périnatale est assez importante. La mortalité maternelle est liée aux troubles de la coagulation. L’aspirine semble donner de bons résultats pour diminuer les risques de récidives. POUR APPROFONDIR I Gynécologie – Obstétrique A 15 1931 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 2 0 0 0 , 5 0 1. Bilan clinique • L’interrogatoire permet de décrire le saignement : – circonstances d’apparition par rapport au cycle menstruel (périodicité, rythme du saignement) ; la notion d’un retard de règles doit être recherchée ; – ancienneté du saignement ; – caractère spontané ou provoqué de l’hémorragie ; – caractéristiques : abondance, consistance (liquide ou caillots) ; – signes associés : douleurs, leucorrhées, signes sympa- thiques de grossesse. Il permet également d’évaluer les antécédents familiaux et personnels de la patiente : antécédents médicaux, chirurgicaux, obstétricaux et gynécologiques (âge des premières règles, durée du cycle, durée des règles, date des dernières règles, âge de la ménopause, nature de la contraception). Les éventuels traitements médicaux en cours doivent être précisés. • L’examen clinique recherche des signes de gravité évoquant la mauvaise tolérance de l’hémorragie : aiguë (syndrome de choc hypovolémique avec tachycardie et hypotension) ou chronique (asthénie, pâleur, dyspnée, vertiges en rapport avec une anémie hypochrome hypo- sidérémique). L’examen au spéculum confirme l’origine gynécologique du saignement excluant ainsi les causes digestives et urinaires. Il permet aussi de séparer les hémorragies génitales basses des hémorragies génitales hautes en identifiant l’origine du saignement. Le toucher vaginal permet d’évaluer la morphologie de l’utérus et de rechercher une masse latéro-utérine suspecte. 2. Bilan paraclinique En fonction des données de l’interrogatoire et de l’examen clinique, des examens paracliniques sont réalisés. • Le dosage de l’hCG plasmatique est essentiel pour affirmer ou infirmer l’existence d’une grossesse. Ce marqueur de l’activité trophoblastique est très sensible et très spécifique de la grossesse. Son taux double toutes les 48 heures au 1 er trimestre. Un taux trop faible pour un âge gestationnel donné évoque une grossesse extra- utérine ou un avortement spontané. Un taux trop élevé est plus en faveur d’une môle hydatiforme ou d’une grossesse multiple. Généralités Définitions Les hémorragies génitales sont des saignements prove- nant de l’appareil génital féminin pouvant intéresser les différents étages de la filière génitale. Les hémorragies génitales basses ont pour origine la vulve et le vagin. Les hémorragies génitales hautes ont pour origine l’utérus et les annexes. Les ménorragies sont des règles augmentées en abon- dance et en durée. L’hyperménorrhée désigne des règles très abondantes. La polyménorrhée désigne des règles à la fois trop abondantes et trop fréquentes. Les métrorragies sont des saignements d’origine utérine survenant en dehors des règles. Les ménométrorragies sont composées de règles prolon- gées associées à des saignements entre les règles. Diagnostic positif Toute hémorragie génitale nécessite un interrogatoire et un examen clinique pour préciser l’origine des saigne- ments, rechercher les signes de gravité et définir les explorations paracliniques utiles au diagnostic. Hémorragie génitale de la femme après la puberté Orientation diagnostique DR Jean-Luc BRUN, PR Dominique DALLAY Service de gynécologie-obstétrique, CHU, hôpital Pellegrin, 33076 Bordeaux. • Toutes les pathologies de l’appareil génital féminin peuvent se manifester par des hémorragies génitales. • Un bilan clinique et paraclinique complet doit être réalisé pour en préciser la cause. • Le taux d’hormone chorionique gonadotrophique (hCG) plasmatique permet de séparer les causes gravidiques des causes non gravidiques. • L’échographie pelvienne est l’examen d’imagerie le plus adapté pour explorer l’utérus et les annexes et définir ainsi l’origine de l’hémorragie. Points Forts à comprendre • L’échographie pelvienne se réalise par voie sus- pubienne, vessie pleine, à l’aide d’une sonde de 3 à 5 MHz et par voie vaginale, vessie vide, à l’aide d’une sonde de 7 MHz. Cet examen permet de définir la topographie de l’œuf, sa vitalité et sa qualité au cours du 1 er trimestre de la grossesse. En dehors de la grossesse, elle permet d’évaluer la morphologie de l’utérus et l’ultrastructure de l’endomètre. C’est un examen de choix pour rechercher une pathologie annexielle. • L’hystérosalpingographie est de moins en moins pratiquée et ses indications concernent essentiellement la recherche d’une adénomyose et l’évaluation de la perméabilité tubaire. • L’hystérosonographie est une méthode plus récente qui consiste à injecter du sérum physiologique dans la cavité utérine pour rechercher sous échographie des lésions intracavitaires. • Une hystéroscopie avec biopsie endométriale est indiquée systématiquement chez la femme ménopausée ou sur signes d’appel cliniques ou paracliniques chez la femme en période d’activité génitale, en l’absence de grossesse. • En cas de pathologie cervicale, le diagnostic cyto- logique et histologique est respectivement obtenu par le frottis cervical et par la biopsie cervicale guidée par colposcopie. • Sur le plan biologique, une hémorragie génitale sévère impose la détermination du groupe sanguin et son phéno- typage, le Rhésus, la recherche des agglutinines irrégu- lières et un bilan de coagulation. Diagnostic différentiel L’interrogatoire et l’examen clinique sont essentiels pour éliminer les causes non génitales de saignement : – causes digestives basses : hémorroïdes, ulcération thermométrique, pathologie rectocolique ; – causes urinaires : ectropion, polype du méat urétral, hématurie. Hémorragie génitale en période d’activité génitale Une grossesse doit être recherchée par l’interrogatoire (retard de règles) et l’examen clinique. Son existence sera confirmée par le dosage des hCG plasmatiques. Hémorragies génitales gravidiques 1. Hémorragie génitale du 1 er trimestre Les hémorragies génitales du 1 er trimestre sont fréquentes (25 % des grossesses) et leur pronostic est réservé (50% d’interruption). Les examens paracliniques ne sont pas utiles lorsque les symptômes sont importants : avorte- ment spontané hémorragique avec expulsion du produit de conception, grossesse extra-utérine rompue avec hémopéritoine et état de choc hypovolémique. Le dosage quantitatif des hCG plasmatiques et les données de l’échographie pelvienne sont utiles au diagnostic lorsque les symptômes sont frustes : métrorragies isolées, absence de signes généraux et de signes fonctionnels. • Grossesse intra-utérine évolutive : cliniquement, les hémorragies sont modérées, le volume utérin correspond à l’âge de la grossesse et le col est fermé. Le taux des hCG plasmatiques est conforme à l’âge gestationnel. L’échographie pelvienne recherche les signes évoquant la bonne évolutivité de cette grossesse. Grâce à la qualité de la résolution des sondes vaginales haute fréquence actuellement sur le marché, un sac ovulaire tonique est visible à partir de la 4 e semaine d’aménorrhée, l’em- bryon est visible à partir de la 5 e semaine d’aménorrhée et son activité cardiaque est visualisée à partir de la 6 e semaine d’aménorrhée. Les causes des métrorragies dans les grossesses intra-utérines évolutives sont mal définies : décollement partiel du trophoblaste par un hématome décidual marginal ou défaut d’accolement trophoblastique, lyse d’un deuxième œuf, infection. Le repos associé au traitement progestatif permet une issue favorable dans 90% des cas. • Grossesse intra-utérine non évolutive : cliniquement, les métrorragies sont d’intensité variable, le volume utérin est souvent inférieur à l’âge gestationnel et le col peut s’ouvrir dans les avortements spontanés. Le taux des hCG plasmatiques est inférieur à celui attendu à un âge gestationnel donné. La non-évolutivité d’une grossesse intra-utérine est souvent en relation avec des anomalies chromosomiques majeures. Plusieurs situations sont décrites : – œuf clair : sac ovulaire déformé dont le diamètre est supérieur à 25 mm sans embryon visible ; – mort embryonnaire : embryon visible sans activité cardiaque, de taille inférieure à celle que l’on attend pour un âge gestationnel donné ; – avortement imminent : sac ovulaire déformé, volontiers situé au niveau de l’isthme, embryon en partie lysé ; – avortement complet : expulsion complète du produit de conception, col ouvert et utérus vide à l’échographie ; – avortement incomplet : trophoblastique résiduel visualisé en échographie après expulsion de l’œuf. • Grossesse extra-utérine : la forme typique concerne la grossesse tubaire ampullaire non rompue. Les facteurs de risque sont les antécédents de grossesse extra-utérine et de chirurgie tubaire, les maladies sexuellement trans- missibles et les antécédents d’infection pelvienne. Les métrorragies sont distillantes, peu abondantes, noirâtres ou sépia. Les douleurs pelviennes sont volontiers localisées au niveau d’une fosse iliaque. L’examen clinique peut retrouver une masse latéro-utérine sensible à la mobili- sation. Le taux des hCG plasmatiques est inférieur à celui attendu pour un âge gestationnel donné. L’échographie pelvienne révèle rarement des signes directs (masse latéro-utérine) et plus fréquemment des signes indirects (utérus vide, image de pseudo-sac arrondi par décollement de la caduque, épanchement du cul-de-sac de Douglas sous la forme d’une lame liqui- dienne). Les formes cliniques sont les suivantes : forme HÉ MOR R AGI E GÉ NI T AL E CHE Z L A F E MME AP R È S L A P UB E R T É 1932 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 2 0 0 0 , 5 0 3. Hémorragies génitales du 3 e trimestre Leur fréquence est d’environ 3 %. L’interrogatoire permet de décrire les métrorragies et de rechercher des signes associés (contractions utérines), des anomalies fœtales ou annexielles dépistées au cours des écho- graphies précédentes et la notion de grossesse à haut risque (facteurs de risque de toxémie gravidique, anté- cédent de mort fœtale in utero, utérus cicatriciel). L’examen au spéculum peut définir l’origine des hémor- ragies. Le toucher vaginal doit être doux et prudent en cas de placenta prævia. Les examens paracliniques essentiels sont l’électrocardiotocographie, l’échographie obstétricale et le bilan biologique (groupe, Rhésus, recherche des agglutinines irrégulières et bilan de coa- gulation). Les autres examens sont demandés en fonction des signes d’appel clinique. • Placenta prævia: les hémorragies de sang rouge sont abondantes, d’apparition brutale, récidivantes et isolées. L’utérus est souple. L’état de choc est proportionnel à l’importance de l’hémorragie. Le bilan de coagulation est normal. Le rythme cardiaque fœtal est classiquement normal. L’échographie précise le type de placenta prævia en mesurant la distance entre l’orifice cervical interne et la limite inférieure du placenta. • Hématome rétroplacentaire : les hémorragies sont constituées de sang noir, incoagulable, d’abondance faible, associées à des douleurs abdominales. L’examen clinique montre une contracture utérine. Des signes biologiques de coagulation intravasculaire disséminée peuvent s’observer. L’électrocardiotocographie révèle des signes de souffrance fœtale aiguë. L’échographie objective une collection liquidienne rétroplacentaire. Le pronostic est sombre, avec une mortalité périnatale de 50%. • Hématome décidual marginal : des métrorragies noirâtres, peu abondantes, peuvent être associées à des contractions utérines. L’échographie montre un décol- lement d’une languette placentaire périphérique. • Rupture utérine : elle s’observe surtout au cours du travail sur un utérus cicatriciel (antécédents de césarienne, de myomectomie ou de perforation utérine méconnue). Les métrorragies sont minimes. Les douleurs sont localisées au niveau du segment inférieur. L’électrocardiotocographie révèle des anomalies du rythme cardiaque fœtal et de la dynamique utérine. • Hémorragie de Benkiser : il s’agit de la rupture d’un vaisseau placentaire à trajet membraneux. Elle est évoquée devant une hémorragie minime accompa- gnée d’une souffrance fœtale aiguë après rupture des membranes. • Causes cervicales : cancer, polype, cervicite. Hémorragies génitales non gravidiques Elles peuvent avoir une origine organique ou fonction- nelle. Elles peuvent aussi être liées à un trouble de la crase sanguine. pseudo-abortive, forme pseudo-salpingitique, grossesse extra-utérine rompue avec hémopéritoine et état de choc hypovolémique, grossesse ectopique non tubaire (ova- rienne, péritonéale, cervicale, etc.). Tout signe clinique ou paraclinique faisant évoquer une grossesse extra- utérine est classiquement une indication à la cœlioscopie. • Môle hydatiforme : c’est une dégénérescence kystique des villosités choriales. Cliniquement, les métrorragies de sang rouge sont répétées et abondantes. Les signes sympathiques de grossesse sont exacerbés. L’examen clinique révèle un gros utérus de volume supérieur à celui que l’on attend pour un âge gestationnel donné, associé à des gros ovaires bilatéraux. Le taux des hCG plasmatiques est très augmenté, supérieur à 100 000 U/L. L’échographie pelvienne montre des images floconneuses intracavitaires sans embryon visible associées dans la moitié des cas à des kystes ovariens bilatéraux. • Autres causes : – grossesse trop jeune pour être visualisée en écho- graphie : la surveillance clinique, biologique et écho- graphique doit être régulière pour préciser le siège de cette grossesse. À partir de la 4 e semaine d’aménorrhée, ou lorsque le taux d’hCG est supérieur à 1 500 U/L, un sac gestationnel doit être visible à l’échographie. Si cela n’est pas le cas ou si un doute persiste, la cœlio- scopie est l’examen de choix pour définir le siège de la grossesse ; – métrorragies après avortement spontané ou interruption volontaire de grossesse : elles sont pathologiques et doivent faire évoquer une grossesse extra-utérine méconnue, une rétention trophoblastique ou une endométrite ; – grossesse extra-utérine combinée à une grossesse intra-utérine : sa fréquence exceptionnelle (1 cas sur 30 000) tendrait à augmenter en raison du nombre croissant de fécondations in vitro. Le diagnostic est très difficile, la visualisation échographique d’un sac utérin éliminant de façon quasi formelle une grossesse extra-utérine ; – grossesse intra-utérine normalement évolutive associée à une hémorragie d’origine cervicale (ectropion, cer- vicite, polype, cancer) ou vaginale (adénose, vaginite, traumatisme). 2. Hémorragies génitales du 2 e trimestre L’interrogatoire recherche des antécédents d’avortements spontanés à répétition, une notion de malformation utérine ou cervicale ou un terrain infectieux. L’examen au spé- culum sépare les hémorragies d’origine haute des hémorragies d’origine basse (cervicite, etc.). Le toucher vaginal recherche des modifications cervicales. L’échographie obstétricale par voie haute évalue la morphologie et la vitalité du fœtus et recherche des anomalies de l’insertion placentaire. Par voie vaginale, la longueur et l’épaisseur du col sont mesurées. Les causes sont les suivantes : placenta recouvrant, avorte- ment spontané tardif par béance cervico-isthmique, par malformation utérine (hypoplasie, hémi-utérus, utérus cloisonné) ou par chorio-amniotite . Gynécologie – Obstétrique 1933 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 2 0 0 0 , 5 0 1. Causes organiques • Causes vulvovaginales : elles sont retrouvées à l’ins- pection des voies génitales basses : – vulvovaginites aiguës à germe non spécifique, parfois en rapport avec la présence d’un corps étranger ; – traumatisme vulvaire hyménéal ou vaginal (déchirure des culs-de-sac) ; – rupture d’une varice vulvaire ; – adénose vaginale : des îlots d’épithélium glandulaire cylindrique sont présents dans le vagin. Cette affec- tion est 50 fois plus fréquente chez les femmes nées de mères ayant pris des œstrogènes de synthèse en début de grossesse (diéthylstilbestrol, DES ou Distilbène). L’examen clinique montre des zones érythémateuses vaginales volontiers polypoïdes. Des malformations utérines, cervicales ou corporéales sont souvent associées. Une régression spontanée peut s’observer vers l’âge de 25 ans. Ces femmes dévelop- pent un adénocarcinome vaginal à cellules claires dans 0,1% des cas ; – cancer vulvaire ou vaginal, rare en période d’activité génitale. • Causes cervicales : elles sont observées à l’inspection après mise en place du spéculum. Le diagnostic est orienté par les prélèvements bactériologiques, cyto- logiques (frottis cervicovaginaux) ou histologiques (biopsies guidées par colposcopie) : – cancer du col utérin : il doit être évoqué de principe devant toute hémorragie d’origine cervicale. Dans la forme typique de cancer invasif, les métrorragies de sang rouge sont indolores, capricieuses et répétées. Au spéculum, plusieurs formes sont décrites : bourgeon- nantes, ulcérées, infiltrantes, en barillet. Le diagnostic est établi par biopsie. La symptomatologie est beaucoup plus fruste dans les cancers non invasifs (dysplasies) et le diagnostic évoqué devant des anomalies cytologiques est confirmé par la biopsie sous colposcopie ; – cervicites : des métrorragies spontanées ou provoquées sont associées à des leucorrhées pouvant être purulentes. L’exocervicite correspond souvent à un ectropion sur- infecté avec un exocol d’aspect rouge framboisé et cruenté. L’endocervicite se caractérise par une inflam- mation cervicale avec une glaire louche et un toucher vaginal souvent douloureux; – polype accouché par le col : le polype muqueux est de petite taille, naît de la muqueuse endocervicale et présente un revêtement glandulaire en colposcopie. Le polype fibreux ou myome sous-muqueux pédiculé est de plus grande taille, naît des couches musculaires de la cavité utérine et s’abouche dans l’orifice cervical en le déformant. Une hystérographie ou une hystéro- scopie sont utiles pour explorer la totalité de la cavité utérine ; – endométriose cervicale : ces petites lésions bleutées cervicales sous-muqueuses augmentent de volume en période menstruelle. Elles sont souvent d’origine iatrogénique (après biopsie, électrocoagulation ou conisation). Elles peuvent être associées à d’autres foyers (vulvaire, vaginal, cloison rectovaginale, cul- de-sac de Douglas). • Causes corporéales : l’examen clinique au spéculum confirme l’origine haute du saignement et les voies génitales basses sont saines. L’échographie pelvienne par voie abdominale et vaginale constitue l’examen de première intention. Hystérosalpingographie, hystéro- scopie, curetage ou cœlioscopie sont réalisés en fonc- tion des arguments cliniques et échographiques : – fibrome utérin : c’est la cause la plus fréquente de ménorragies. Le toucher vaginal met en évidence un utérus globuleux, dévié ou déformé par le relief des fibromes. L’échographie précise le nombre, la taille, la forme et la localisation des myomes. Les myomes sous-muqueux sont très hémorragiques quel que soit leur volume. Des douleurs sont décrites en cas de torsion. L’hystéroscopie confirme le diagnostic. Les myomes interstitiels ou intramuraux se manifestent par des hémorragies souvent en rapport avec une hyperplasie endométriale survenant sur le même terrain hormonal (insuffisance lutéale). Les myomes sous-séreux se traduisent plus par des signes doulou- reux ou de compression des organes de voisinage que par des hémorragies génitales ; – polypes endométriaux: ces excroissances localisées à la muqueuse endométriale sont responsables de méno- métrorragies. L’hystérographie et l’hystéroscopie en font le diagnostic ; – adénomyose ou endométriose utérine : elle est due à la pénétration des glandes endométriales dans l’épaisseur du myomètre. Les facteurs de risque sont traumatiques : curetage, révision utérine, chirurgie utérine. Elle concerne classiquement les femmes multipares de 40 à 50 ans et associe ménométrorragies, douleurs pelviennes, dysménorrhée et dyspareunie profonde. Le toucher vaginal montre un gros utérus fibreux. L’hystéro- salpingographie évoque le diagnostic en objectivant des signes directs (diverticules) ou indirects (tuba erecta, rigidité des bords utérins). L’adénomyose est confirmée par l’examen anatomopathologique des copeaux de résection endométriale ou par l’analyse des pièces d’hystérectomie ; – endométrite : elle se rencontre surtout dans le post- partum (délivrance artificielle, révision utérine), dans le post-abortum (curetage), après une hystérographie ou au décours de la pose d’un dispositif intra-utérin. Elle se manifeste par des métrorragies fébriles associées à des douleurs pelviennes et à des leucorrhées purulentes. Le toucher vaginal montre un utérus globuleux, mou, très sensible à la mobilisation. Le diagnostic repose sur les prélèvements bactériologiques cervicovaginaux et endométriaux. Une biopsie endométriale est indiquée s’il existe des facteurs de risque (migrante non vaccinée par le BCG) ou des signes d’appel de tuberculose uro- génitale ; – cancer de l’endomètre : il survient dans 15% des cas chez des femmes non ménopausées. Un terrain familial ou des facteurs de risque (diabète, obésité, cancer du HÉ MOR R AGI E GÉ NI T AL E CHE Z L A F E MME AP R È S L A P UB E R T É 1934 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 2 0 0 0 , 5 0 • Causes : les hémorragies utérines fonctionnelles sont habituellement rythmées par le cycle menstruel ou peuvent être déclenchées par une prise médicamenteuse (cause iatrogénique) : – hémorragies fonctionnelles de l’ovulation: elles appa- raissent au 14 e jour du cycle au point bas de la courbe thermique. Ces métrorragies peu abondantes sont souvent associées à une douleur localisée à une fosse iliaque ; – hémorragies fonctionnelles prémenstruelles : elles sont en rapport avec une insuffisance lutéale. Le plateau thermique est court. Des pertes brunâtres précèdent de quelques jours la survenue de règles normales ; – hémorragies fonctionnelles postmenstruelles : elles sont liées à une insuffisance de la sécrétion œstrogé- nique en début de cycle ; – hémorragies fonctionnelles de la périménopause : elles sont liées à l’hyperplasie de l’endomètre dans le cas d’une hyperœstrogénie relative induite progres- sivement par plusieurs cycles anovulatoires. Le diagnostic d’hyperplasie de l’endomètre est évoqué par l’échographie pelvienne par voie vaginale et confirmé par l’hystéroscopie et la biopsie ; – dystrophies ovariennes : elles sont dues à un dysfonc- tionnement de l’axe gonadotrope responsable d’une dysovulation ou d’une anovulation. Elles se manifestent par des cycles irréguliers, plutôt longs (spanioménor- rhée) et parfois par des métrorragies. L’hirsutisme et l’obésité sont inconstants. Le toucher vaginal met en évidence de gros ovaires lisses et indolores. L’écho- graphie peut retrouver des ovaires multikystiques avec une hypertrophie stromale. Les dystrophies ova- riennes ont un profil biochimique bien défini : hyper- androgénie ovarienne et augmentation de la sécrétion de luteinizing hormone (LH) ; – hémorragies utérines iatrogéniques : elles sont induites par un traitement mal équilibré : œstroprogestatif (arrêt prématuré de la pilule, spottings sous pilule à faibles doses d’œstrogène), progestatif par atrophie de l’endomètre, anticoagulant (antivitamines K, héparine), antiagrégeant (aspirine). Une cause organique doit être recherchée si les symptômes perdurent malgré l’arrêt du traitement. 3. Causes générales Les hémorragies utérines peuvent être liées à une anomalie de l’hémostase : hémopathie congénitale (maladie de Willebrand) ou acquise (hémopathie maligne, thrombo- pénie, thrombopathie, troubles de la coagulation, insuffisance hépatocellulaire). Elles peuvent aussi entrer dans le cadre d’une endocrinopathie : obésité, diabète, hyperthyroïdie. Hémorragies génitales de la postménopause Elles concernent les différents étages des voies génitales basses ou hautes. Elles peuvent être d’origine organique ou fonctionnelle. sein, etc.) doivent être recherchés. Il se manifeste par des métrorragies parfois associées à une hydrorrhée. L’échographie pelvienne couplée au doppler par voie vaginale montre dans les formes précoces un épaissis- sement anormal de l’endomètre hypervascularisé pour la période considérée du cycle menstruel. L’hystéro- salpingographie montre une image lacunaire irrégulière intracavitaire. Le diagnostic positif repose sur la biopsie endométriale guidée par hystéroscopie ; – dispositif intra-utérin: il est classiquement responsable de ménorragies par augmentation de la synthèse locale des prostaglandines. Cette cause ne peut être retenue qu’après avoir éliminé les précédentes. • Causes annexielles : les touchers pelviens peuvent retrouver un empâtement d’un cul-de-sac vaginal, une infiltration du cul-de-sac de Douglas ou une masse latéro-utérine. Ils sont douloureux lorsqu’ils sont en rapport avec une infection. Les anomalies annexielles sont explorées en premier lieu par une échographie pelvienne et accessoirement par une hystérosalpingo- graphie. En fonction des signes d’appel échographiques, une cœlioscopie, voire une laparotomie, est indiquée : – salpingites aiguës : elles peuvent entraîner des métror- ragies (40%) peu abondantes, associées à des douleurs pelviennes dans un contexte fébrile. L’échographie peut être normale ou montrer un épaississement des parois tubaires dans les salpingites catarrhales. Elle peut montrer un épanchement dans le cul-de-sac de Douglas, voire une collection tubaire (pyosalpinx) dans les salpingites sévères. Le bilan infectieux (sérologies, prélèvements bactériologiques cervico- vaginaux) permet d’identifier le germe responsable. La cœlioscopie confirme le diagnostic, permet les prélèvements bactériologiques (cul-de-sac de Douglas, brossage tubaire) et autorise certains gestes thérapeu- tiques. Elle est essentielle chez les femmes désireuses de grossesses ; – tumeurs de la trompe : elles sont exceptionnelles (0,1 à 0,5% des cancers génitaux de la femme) ; – tumeurs de l’ovaire : elles provoquent rarement des métrorragies. Toutefois, certaines formes endocrines (fibrothécome ou tumeur de la granulosa) sécrétant des œstrogènes peuvent provoquer des hémorragies utérines par hyperplasie endométriale. Les kystes de l’ovaire posent le plus de problèmes diagnostiques pour définir leur nature fonctionnelle ou organique, bénigne ou maligne. L’examen clinique, l’échographie pelvienne couplée au doppler couleur et le dosage du cancer antigen 125 (CA 125) permettent d’orienter le diagnostic. La cœlioscopie, voire la laparotomie, sont indiquées en cas de forte suspicion d’organicité ou de malignité. 2. Causes fonctionnelles • Définition: les hémorragies utérines fonctionnelles sont dues à une anomalie de la maturation de l’endomètre induite par un déséquilibre hormonal. Elles ne doivent être retenues qu’après avoir éliminé les causes citées plus haut par l’examen clinique et le bilan paraclinique. Gynécologie – Obstétrique 1935 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 2 0 0 0 , 5 0 Causes organiques 1. Cancer • Cancer de l’endomètre : il doit être évoqué en priorité. Il apparaît souvent dans un contexte d’hyperœstrogénie relative (diabète, obésité). Les signes d’appel sont des métrorragies dans 95 % des cas. L’examen clinique est souvent normal. L’échographie pelvienne couplée au doppler par voie vaginale et l’hystérographie orientent le diagnostic qui est confirmé par le curetage biopsique ou la biopsie guidée sous hystéroscopie. • Sarcome utérin: il provoque des métrorragies asso- ciées à une augmentation rapide du volume utérin. Le pronostic de cette affection rare est sombre en raison de la fréquence des récidives locales malgré le traitement radiochirurgical et des métastases. • Cancers annexiels (ovaires, trompes) : ils se révèlent par une masse annexielle parfois responsable d’hémor- ragies qui incitent à réaliser une exploration chirur- gicale. • Cancers du col : ils ne sont pas exceptionnels après la ménopause. Une augmentation de leur incidence après 65 ans est souvent observée. Ils peuvent correspondre soit à un carcinome épidermoïde isolé au col, soit à un adénocarcinome endométrial étendu au col (stade 2). • Cancers de la vulve : ils sont fréquents chez la femme ménopausée. Ils se diagnostiquent lors de l’inspection par une biopsie. 2. Pathologies non cancéreuses • Polypes muqueux et fibromes intracavitaires : ils peuvent saigner chez les patientes ménopausées sous traitement hormonal substitutif. • Prolapsus génital : il peut se manifester par une hys- téroptose de degré 3 extériorisée à la vulve. L’ulcération chronique du col provoque une kératinisation et des hémorragies de faible abondance. • Vaginite sénile : l’atrophie des voies génitales est liée à la carence œstrogénique. Des hémorragies frustes se produisent, liées à la fragilité tissulaire, à la modification de la flore vaginale et à des surinfections fréquentes. Causes fonctionnelles Les hémorragies utérines fonctionnelles peuvent être liées à une hyperplasie ou une atrophie de l’endomètre. Il s’agit toujours d’un diagnostic d’élimination. • L’hyperplasie de l’endomètre apparaît dans la phase d’installation de la ménopause. Elle est due à la persis- tance d’une faible sécrétion d’œstrogène en l’absence de sécrétion de progestérone. L’échographie pelvienne par voie vaginale et l’hystérographie orientent le diagnostic. La biopsie sous hystéroscopie permet de préciser les caractères de l’hyperplasie (simple, complexe, avec ou sans atypie cellulaire). Une tumeur de l’ovaire sécrétante ou une origine iatrogénique (traitement hormonal substitutif mal équilibré, prise d’œstrogène ignorée dans les anabolisants androgéniques, les produits cosmétiques ou les toniques veineux) doivent être recherchées. • L’atrophie de l’endomètre entraîne des métrorragies peu abondantes, irrégulières et récidivantes. Elle est due à une carence œstrogénique ou iatrogénique (excès de progestérone). L’endomètre atrophique n’apparaît pas en échographie. L’hystérographie montre un aspect de l’utérus en double contour et des images spiculées péri- phériques. L’hystéroscopie montre une muqueuse endo- métriale pétéchiale, pâle et lisse, tapissant un utérus de petite taille pouvant présenter des synéchies fundiques. Les hémorragies utérines iatrogéniques doivent être évoquées chez la femme âgée par un inventaire précis de tous les médicaments (anticoagulants, L-dopa, etc.). Parfois, malgré un bilan complet, aucune cause n’est retrouvée et les hémorragies utérines récidivent. Cela peut être l’indication d’une hystérectomie biopsie à visée diagnostique. I HÉ MOR R AGI E GÉ NI T AL E CHE Z L A F E MME AP R È S L A P UB E R T É 1936 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 2 0 0 0 , 5 0 • Toute métrorragie en début de grossesse est suspecte d’être une grossesse extra-utérine jusqu’à preuve du contraire. • Toute métrorragie non gravidique chez une femme en période d’activité génitale est le plus souvent en rapport avec une pathologie bénigne utérine (fibrome, polype, adénomyose), mais un cancer du col doit être éliminé (frottis, biopsie). • Toute métrorragie chez une femme ménopausée est suspecte d’être un cancer de l’endomètre jusqu’à preuve du contraire. Points Forts à retenir Blanc B, Boubli L. Gynécologie. Paris : Pradel, 1993. Lansac J, Lecomte P. Gynécologie pour le praticien. Paris : SIMEP, 1994. Papiernik E, Cabrol D, Pons JC. Obstétrique. Paris : Médecine- Sciences Flammarion, 1995. Thoulon JM, Puech F, Boog G. Obstétrique. Paris : Ellipses, 1995. POUR EN SAVOIR PLUS Le dosage de CODENFAN mentionné dans la question sur « La douleur » (Lassalle-Fontaine C, Rev Prat 2000; 50: 539-47) a changé. Il est dorénavant dosé à 1 mg de codéine base par mL et non 0,62 mg/mL. Modification de présentation 1155 L A R E V UE DU P R AT I CI E N ( P a r i s ) 1 9 9 8 , 4 8 Gynécologie - Obstétrique B 159 Les hémorragies de la délivrance sont des pertes de sang ayant leur origine dans la zone d’insertion placentaire, sur- venant au moment de la délivrance ou dans les 24 heures qui suivent l’accouchement, anormales par leur abondance (supérieures à 500 mL) et (ou) par leurs effets sur l’état général. Cette valeur de 500 mL est discutable. En effet, il semble que 40 % environ des femmes perdent plus de 500 mL de sang après un accouchement par les voies naturelles. Les pertes sont toujours sous-estimées. L’étude des hémorragies de la délivrance est indissociable de celle des hémorragies contemporaines de la délivrance, qui en sont classiquement le diagnostic différentiel, et qui sont dues à des plaies des organes génitaux ou des parties molles. Diagnostic Diagnostic positif 1. Signes locaux Que le placenta soit ou non sorti il existe une hémorragie externe, une hémorragie intra-utérine, ou l’association des deux. • L’hémorragie externe est indolore, le plus souvent sour- noise, masquée par l’épisiotomie (aggravée par elle). Par- fois cependant, c’est un flot de sang rapide et brutal, avec caillots, ou bien l’aggravation brutale d’une hémorragie moyenne par un flot de sang. Écoulement sournois et hémorragie brutale peuvent s’associer. Hémorragies de la délivrance Diagnostic, principes du traitement Dr Vincent TOFFANI, Pr Alain FOURNIÉ Fédération de gynécologie-obstétrique, hôpital La Grave, place Lange, 31052 Toulouse cedex • L’hémorragie de la délivrance reste encore une complication grave de l’accouchement : les Centres de contrôle des maladies aux États-Unis d’Amérique estiment à au moins 13 % sa part dans l’ensemble de la mortalité maternelle. Le sujet est donc toujours d’actualité et nécessite un parfait travail d’équipe entre l’obstétricien et l’anesthésiste-réanimateur. • Chaque service doit proposer un protocole écrit précisant la conduite à tenir dans l’urgence. Points Forts à comprendre • L’hémorragie intra-utérine modifie la morphologie et la situation de l’utérus. Il y a « perte du globe de sûreté » ; l’utérus devient mou et flasque. Le fond utérin remonte, et cette remontée est différente de l’ascension du fond obser- vée lors de la descente du placenta, ou de l’ascension uté- rine due à un globe vésical. L’expression utérine fait venir un flot de sang. 2. Signes généraux Ce sont l’accélération et le pincement du pouls (+++), des vertiges, des lipothymies, une soif d’air. Ces signes annon- cent le collapsus. Diagnostic différentiel : les lésions génitales traumatiques Faire un diagnostic différentiel est livresque : il y a une démarche diagnostique à suivre devant une hémorragie contemporaine de la délivrance, et plusieurs causes d’hé- morragies peuvent être associées, surtout après des accou- chements difficiles, compliqués de manœuvres obstétri- cales ou d’applications instrumentales. 1. Ruptures utérines Elles surviennent sur un utérus cicatriciel (antécédent de césarienne, de myomectomie, d’hystéroplastie ou de perforation lors d’un curetage antérieur), ou sur un uté- rus fragilisé par la multiparité, les grossesses multiples, l’hydramnios ou les malformations utérines, souvent dans un contexte de disproportion fœto-pelvienne non dépistée. Elles peuvent aussi être iatrogéniques : hypertonie due à l’administration de doses trop importantes d’ocytociques, quelquefois sur bassin vicié ; extractions instrumentales ou manœuvres obstétricales (grandes extractions par exemple). Ces facteurs étiologiques peuvent être associés. 2. Lésions cervico-vaginales Les déchirures du dôme vaginal, comme les déchirures cer- vicales, latérales, sont la plupart du temps favorisées par un accouchement dystocique avec manœuvres instrumen- tales. L’épisiotomie peut se compliquer de lésions vaginales. Le thrombus vulvo-vaginal, dû à la rupture d’un vaisseau sanguin lors de l’accouchement, favorisé par les varices vulvaires, peut s’extérioriser lors d’une épisiotomie ou d’une déchirure. 1156 L A R E V UE DU P R AT I CI E N ( P a r i s ) 1 9 9 8 , 4 8 HÉ MOR R AGI E S DE L A DÉ L I V R ANCE Diagnostic étiologique 1. Rétention placentaire Elle est l’étiologie la plus fréquente des hémorragies de la délivrance, définie comme la persistance de tout ou partie du placenta dans la cavité utérine. Elle peut être totale (non décollement), ou partielle (cotylédon aberrant le plus sou- vent). Dans la zone décollée, les sinus maternels sont béants et saignent, cependant que la zone adhérente empêche l’ex- pulsion du placenta et par conséquent la rétraction utérine (dont le rôle hémostatique est primordial). Les rétentions peuvent être dues à des altérations de la muqueuse : infectieuses, traumatiques (curetage, cicatrices utérines), fibromes sous-muqueux ; des anomalies placen- taires : anomalies d’insertion (utérus double, placenta præ- via ou accreta) ou de conformation anormale (gros pla- centa, placenta de forme anormale : cotylédons accessoires, placenta bipartita) ; des anomalies de la contraction uté- rine : inertie utérine (travail prolongé ou très rapide, grande multiparité, grossesses multiples, hydramnios médica- menteuses : anesthésiques halogénés, bêtamimétiques, doses trop importantes d’ocytociques) ; hypertonie locali- sée : formation d’un anneau hypertonique (placenta «incar- céré », retenu par l’anneau de Bandl, placenta enchatonné, retenu dans une corne). Ils peuvent être dus à une pathologie médicale : troubles congénitaux de l’hémostase non compensés (maladie de von Willebrand par exemple) ; thrombopénies (purpura thrombopénique idiophatique (PTI). Cette pathologie médicale va surtout décompenser, ou aggraver le retentissement d’une hémorragie minime. Principes de traitement Traitement de première intention 1. Traitement obstétrical Ce traitement doit être réalisé avec une asepsie chirurgi- cale, une analgésie de qualité, un bon éclairage, et avec l’aide d’un ou de deux assistants. Devant un accouchement hémorragique, on doit réaliser : • une délivrance artificielle, si le placenta n’a pas encore été expulsé naturellement, puis une révision utérine pour vérifier qu’il ne reste pas une partie du placenta à l’inté- rieur de l’utérus ou qu’il n’existe pas de rupture utérine, ou de lésion du segment inférieur propagée au col ; • une vérification précise, à l’aide de valves vaginales, de l’intégrité du col et du vagin ; • la suture de ces lésions et d’une éventuelle épisiotomie, sans perdre de temps ; • les ocytociques assurent et maintiennent une bonne rétrac- tion dès que l’utérus est vide. On emploie l’ocytocine, ou Syntocinon (2 à 5 UI en IVD lente et 5 ou 10 UI dans 500 cm 3 de sérum glucose). La méthyl-ergo-métrine, ou Méthergin par voie intraveineuse ou intramusculaire, est de moins en moins employée en raison du risque de spasmes vasculaires ; • la rétraction utérine sera contrôlée très régulièrement, stimulée au besoin par des massages utérins. Certains pro- posent l’emploi d’un sac de sable, placé au contact du fond utérin, pour empêcher l’utérus de se remplir de caillots. 2. Réanimation médicale Dès le diagnostic d’hémorragie contemporaine de la déli- vrance, il faut : • mettre en place une ou deux voies veineuses de bon calibre ; • débuter une surveillance régulière du pouls, de la ten- sion et de la diurèse ; • demander un bilan en urgence : recherche d’agglutinines irrégulières (obligatoire avant toute transfusion), numéra- tion sanguine (hématocrite, hémoglobine et plaquettes) et bilan d’hémostase complet à la recherche d’une CIVD; • bien oxygéner la patiente et la mettre en position de Tren- delenburg; • les pertes sanguines sont compensées en fonction de ces paramètres ; il est important de compenser les pertes san- guines non seulement sur le plan volumétrique par des solu- tés de remplissage ou des concentrés globulaires mais aussi d’apporter les facteurs de l’hémostase consommés ou spo- liés par l’hémorragie. Placenta accreta, increta ou percreta Les villosités adhèrent au myomètre sans interposition de caduque basale (1/10 000 accouchements) et rendent la délivrance impossible. Ces anomalies peuvent être localisées au segment inférieur, ou à une anomalie utérine (malformation, synéchie, cicatrice, fibrome…). Selon la profondeur de l’adhérence, on distingue : – le placenta accreta vrai : il n’existe pas d’interposition de caduque entre les villosités placentaires et le muscle utérin; – le placenta increta : les villosités pénètrent dans le muscle utérin; – le placenta percreta : les villosités peuvent pénétrer profondément jusqu’à la séreuse utérine. 2. Inertie utérine secondaire Elle survient après la délivrance. Elle est due aux mêmes causes que celles évoquées plus haut. Elle peut en soi entraî- ner des hémorragies (pas de phénomène des ligatures vivantes). 3. Troubles de la coagulation Ils peuvent empêcher la coagulation du sang au niveau du lit d’insertion placentaire, être secondaires à une patholo- gie obstétricale, source de coagulopathie de consommation par coagulation intravasculaire disséminée (CIVD) ; héma- tome rétroplacentaire (HRP), HELLP (H : hemolyisis hémolyse ; EL : elevated liver augmentation des tansami- nases ; LP : low platelets thrombopénie) syndrome, embo- lie amniotique, chocs, notamment toxi-infectieux ou hémorragiques (inertie utérine par exemple). Noter que les produits de dégradation de la fibrine (PDF) ont un effet inhibiteur de la contraction utérine. 1157 L A R E V UE DU P R AT I CI E N ( P a r i s ) 1 9 9 8 , 4 8 Gynécologie - Obstétrique Traitement de deuxième intention Si les traitements envisagés ci-dessus se sont révélés inef- ficaces, on va, conformément au protocole que chaque bloc obstétrical doit avoir, mettre en route un traitement médi- cal, puis chirurgical. 1. Traitement médical La patiente reçoit déjà de l’ocytocine en perfusion. On va la remplacer par une prostaglandine de synthèse : la sul- prostone (Naladon) en perfusion (une ampoule de 500 µg dans 250 cm 3 de NaCl ; 180 mL/h sans dépasser la dose maximale de 3 ampoules). L’effet est obtenu en 30minutes. 2. Traitement chirurgical En cas d’échec, on peut proposer : un tamponnement interne par des mèches vaginales ou une traction sur le col de l'utérus par l’intermédiaire de pinces de Museux avec une rotation de 180° sur les pinces. Ces manœuvres peuvent être tentées avant d’entreprendre une intervention plus radicale : ligature des hypogastriques ou hystérectomie d’hémostase. • La ligature des hypogastriques nécessite une laparoto- mie en urgence avec ligature, avec un fil résorbable, de l’ar- tère iliaque interne dont l’artère utérine est une branche. • L’hystérectomie d’hémostase représente le dernier recours et doit être réalisée contraint et forcé par l’état hémodynamique de la patiente. Il s’agit d’une hystérecto- mie par voie abdominale interannexielle et le plus souvent subtotale. • L’embolisation des artères utérines est proposée par cer- taines équipes qui en ont l’expérience et qui disposent d’un plateau technique adapté ; elles réalisent une embolisation radiologique des artères utérines, alternative au traitement chirurgical. • L’hémorragie de la délivrance impose : – une délivrance artificielle et (ou) une révision utérine ; – l’injection systématique d’ocytocine ; – la recherche de lésions des parties molles ; – une réanimation bien menée. Points Forts à retenir Traitement préventif Un traitement préventif doit limiter le risque d’hémorra- gies de la délivrance. La physiologie de la délivrance doit être respectée. Une révision utérine doit être faite si l’exa- men du placenta, après la délivrance, montre qu’il n’est pas complet. Une délivrance artificielle et une révision utérine sont à faire systématiquement lorsque les conditions obs- tétricales favorisent une inertie ou une rétention placen- taire. • Indications formelles : grossesses multiples, gros œuf et hydramnios, placenta prævia, utérus très fibromateux, troubles de l’hémostase. • Indications relatives : anomalies du travail, antécédents d’anomalies de la délivrance. Ces gestes sont à réaliser aussi lorsqu’il y a des risques de lésions des parties molles ou de l’utérus (utérus cicatri- ciel, applications instrumentales et manœuvres obstétri- cales). I 1831 L A R E V UE DU P R AT I CI E N ( P a r i s ) 1 9 9 8 , 4 8 Gynécologie - Obstétrique Hémorragies du 1 er trimestre de la grossesse Orientation diagnostique Dr Michel DREYFUS 1 , Pr Alain TREISSER 2 1. Service de gynécologie I, CHRU, hôpital de Hautepierre, 67098 Strasbourg cedex. • Une femme sur quatre va saigner au cours du 1 er trimestre de la grossesse. • Près de la moitié de ces grossesses auront une évolution défavorable. • La grossesse extra-utérine reste la première étiologie à évoquer en raison de la gravité de son évolution spontanée. Bien que sa fréquence ne dépasse guère 1 %, son diagnostic rapide permet d’envisager un traitement conservateur chirurgical voire médical. • Les autres causes de saignements regroupent les avortements, les menaces d’avortement et les maladies trophoblastiques gestationnelles, sans oublier les causes banales (ectropion…). • Seule une démarche diagnostique rigoureuse incluant une triade clinique, biologique et échographique permet d’affirmer le diagnostic de grossesse, de préciser sa localisation et son évolutivité. Points Forts à comprendre vidique sans préjuger de sa localisation. L’échographie, véritable prolongement de l’examen clinique, permet de recueillir de nombreuses informations quant à la localisa- tion et à l’évolutivité de cette grossesse. Métrorragies du 1 er trimestre sans rapport direct avec la grossesse Une hématurie ou un saignement d’origine vaginale seront rapidement exclus par l’interrogatoire et par l’examen au spéculum. Celui-ci permet également de diagnostiquer cer- tains polypes muqueux ou friables. Un ectropion (éversion de la muqueuse endocervicale), souvent présent pendant la grossesse, peut saigner spontanément ou après une surin- fection ou un rapport. L’association cancer du col et gros- sesse, si elle est rare, n’est pas exceptionnelle. En cas de métrorragies postcoïtales, un frottis cervical est souhaitable. Grossesse extra-utérine (GEU) On appelle grossesse extra-utérine, une grossesse implan- tée en dehors de l’endomètre. Sa fréquence moyenne est de l’ordre de 1 %. L’absence de diagnostic conduit habi- tuellement à des ruptures avec hémopéritoine pouvant conduire au décès maternel. Dans le cas contraire, une prise en charge précoce permet un traitement conservateur, médi- cal ou chirurgical. Lorsqu’une femme en période d’acti- vité génitale présente des métrorragies et des douleurs pel- viennes, le diagnostic de grossesse extra-utérine doit être évoqué de principe. L’aphorisme de Mondor reste d’ac- tualité : « Pensez-y, pensez-y toujours, quand on y pense toujours, on y pense pas encore assez. » L’interrogatoire permet de sélectionner une population à risque: notion d’infertilité ou de stérilité traitée ou non, anté- cédents de plastie tubaire, de salpingite ou d’endométriose, contraception par stérilet ou microprogestatifs. L’existence d’une grossesse extra-utérine dans les antécédents est un fac- teur de risque majeur. L’interrogatoire précise également la durée de l’aménorrhée et l’aspect des dernières menstrua- tions ainsi que celui des métrorragies. Des saignements brun sépia, peu abondants sont particulièrement évocateurs d’un processus extra-utérin. La clinique est trompeuse et variable, aucun signe n’étant pathognomonique. 1. Forme classique La plus rare actuellement, elle est souvent diagnostiquée dans un service de chirurgie ; la patiente arrive dans un état La conduite à tenir devant des métrorragies du 1 er trimestre de la grossesse impose une rigueur permettant d’aboutir rapidement à un diagnostic en évitant les complications graves de la grossesse extra-utérine méconnue. Trois ques- tions se posent : les saignements sont-ils en rapport avec une grossesse ? si oui, la grossesse est-elle intra-utérine ? et est-elle évolutive ? L’existence d’un processus gravidique sera évoquée sur plusieurs éléments : régularité des cycles menstruels, date de l’aménorrhée, type de contraception, aspect des der- nières règles. Les signes « sympathiques » de grossesse (tension mammaire, mictions fréquentes, nausées) sont également évocateurs. L’examen au spéculum est indispensable et permet d’af- firmer que les saignements sont d’origine utérine. Le tou- cher vaginal apprécie l’état du col (longueur, perméabilité), précise le volume utérin, et explore les culs-de-sac vagi- naux à la recherche d’une masse annexielle latéro-utérine douloureuse évocatrice d’une grossesse extra-utérine. Lorsque le doute subsiste, un dosage de β-hCG est néces- saire. Sa positivité affirme l’existence d’un processus gra- 1832 L A R E V UE DU P R AT I CI E N ( P a r i s ) 1 9 9 8 , 4 8 HÉ MOR R AGI E S DU P R E MI E R T R I ME S T R E DE L A GR OS S E S S E – un épanchement du cul-de-sac de Douglas, de volume variable, traduit un hémopéritoine lié soit à une grossesse extra-utérine en voie de rupture, soit parfois à l'existence d’une hématocèle. Une échographie normale ne doit pas faire rejeter le dia- gnostic de grossesse extra-utérine. Cela se produit généra- lement lorsque l’examen est réalisé trop précocement. Devant une suspicion de grossesse extra-utérine, cet exa- men couplé au dosage d’hCG doit être réitéré après 48 h. C’est l’évolution des données cliniques, biologiques et échographiques qui permet de distinguer une grossesse extra-utérine d’une grossesse intra-utérine non évolutive. Selon le contexte, un traitement conservateur médical ou chirurgical voire un traitement radical sera envisagé (voir « Pour en savoir plus »). Avortements ou menaces d’avortement Deux situations cliniques peuvent se présenter. 1. Jeune femme avec un retard de règles connu Elle consulte pour des métrorragies de sang rouge relati- vement abondantes. Elle se plaint de douleurs à type de colique expulsive siégeant dans l’hypogastre. L’examen au spéculum constate l’abondance des saignements d’origine endo-utérine et note parfois la présence de débris ovulaires dans l’endocol. Le toucher vaginal est souvent évocateur avec un utérus augmenté de taille et un col perméable à un doigt. Dans ce contexte, le diagnostic de fausse couche en cours est rapidement posé et un curetage évacuateur et hémostatique permet d’arrêter les saignements. 2. Patiente présentant quelques saignements de faible abondance Dans 20 % des grossesses, le retard de règles peut être méconnu et seul un dosage d’hCG permet d’affirmer la grossesse. L’examen clinique est souvent normal, l’utérus étant de taille conforme à l’aménorrhée. L’examen annexiel ne retrouve pas toujours de masse latéro-utérine. Si celle- ci existe, il peut s’agir d’un corps jaune. Dans cette situa- tion, l’échographie joue un rôle déterminant puisqu’elle permet de confirmer la localisation intra-utérine de la gros- sesse et surtout de préciser si cette grossesse est évolutive. La taille de l’embryon ainsi que l’activité cardiaque seront notées. Parfois, il existe un décollement ovulaire qui ne préjuge en rien de l’évolution de la grossesse. Ailleurs, dans les cas défavorables, l’échographie montre un sac intra- utérin hypotonique avec un embryon sans activité cardiaque ou un œuf clair (absence de structure embryonnaire). 3. Diagnostic difficile dans certaines situations Soit l’œuf est de trop petite taille, soit il n’existe aucune image évocatrice d’un processus gravidique intra- ou extra- utérin. Ces situations nécessitent un contrôle biologique et échographique après 48 h. La croissance normale du taux d’hCG ou l’apparition d’un sac intra-utérin signent l’évo- lutivité de la grossesse (cf. figure). Parmi les femmes qui vont saigner au 1 er trimestre en dehors des grossesses extra- utérines (24 %), la moitié évolueront vers une fausse de choc hypovolémique lié à une rupture tubaire avec un hémopéritoine important. Les signes généraux prédomi- nent (hypotension, pâleur, dyspnée, tachycardie). La patiente décrit des douleurs abdominales intenses, souvent associées à une irradiation scapulaire liée à l’irritation péri- tonéale. Le toucher vaginal, lorsqu’il est possible, retrouve le classique « cri du Douglas » et bien souvent aucune masse latéro-utérine n’est palpée. Dans ce contexte, les facteurs de risque décrits précédem- ment et le tableau clinique orientent le diagnostic sans l’aide d’examens complémentaires. Le dosage de β-hCG confirmera le diagnostic de grossesse et l’échographie, inutile devant une défense abdominale, montrerait une inondation péritonéale. Un traitement chirurgical en urgence s’impose. 2. Forme gynécologique C’est la forme la plus fréquemment rencontrée en pratique courante. Il s’agit habituellement d’une femme consultant pour un retard de règles d’une durée variable voire une absence d’aménorrhée avec des menstruations d’aspect anor- mal. Il s’associe à ces troubles des règles, des douleurs modé- rées et des métrorragies brunâtres de faible abondance. • L’examen au spéculum confirme l’origine endo-utérine des saignements. Le toucher montre un utérus souvent de taille normale, indolore à la mobilisation. L’examen annexiel peut retrouver une masse latéro-utérine dans 50% des cas, cette masse pouvant correspondre à un corps jaune kystique. Dans ce contexte atypique, et avant d’entre- prendre des examens complémentaires, la recherche d’autres petits signes évocateurs oriente le diagnostic : lipo- thymies, vertiges, pertes de connaissances fugaces. • Le diagnostic biologique de grossesse est positif 9jours après la fécondation sans toutefois préjuger du site d’im- plantation. Le temps de doublement de l’hCG est d’envi- ron 48 h. Certains ont utilisé cet argument pour suspecter une grossesse extra-utérine lorsque le taux d’hCG n’aug- mentait pas régulièrement. Malheureusement, cette méthode est largement prise en défaut (30 % d’échecs). Devant une suspicion de grossesse extra-utérine, une élé- vation anormale de l’hCG ne fera qu’accroître la pré- somption diagnostique. D’autres ont proposé d’associer le dosage d’hCG à celui de la progestérone. En effet, seules 2 % des grossesses extra-utérines ont une progestéronémie supérieure à 20 ng/mL. • Toutefois, le diagnostic de grossesse extra-utérine ne peut être porté uniquement par un dosage anormal de β-hCG et l’échographie pelvienne prend toute son impor- tance. Le seul signe direct est l’existence d’un sac gesta- tionnel extra-utérin avec un embryon ayant parfois une acti- vité cardiaque visible. Malheureusement, ce signe est présent dans moins de 10 % des grossesses extra-utérines. En revanche, il existe de nombreux signes indirects : – l’absence de sac ovulaire intra-utérin: celui-ci doit être visualisé par voie endovaginale lorsque le taux d’hCG est supérieur à 1 000 voire 750 U/L. La vacuité utérine aurait une sensibilité proche de 100 % avec une spécificité de 98%; – une masse latéro-utérine évoquant un hématosalpinx doit être différenciée des images ovariennes normales. Son absence n’élimine nullement le diagnostic de grossesse extra-utérine ; POUR APPROFONDIR 1 / Traitement de la grossesse extra-utérine Traitement chirurgical • Conservateur, lorsque la trompe n’est pas trop lésée : percœlioscopique le plus souvent avec salpingotomie ; plus rarement par laparotomie, lorsque les conditions locales ou générales ne permettent pas la cœlio- scopie. • Traitement radical (salpingectomie) : percœlioscopique le plus souvent, lorsque les lésions tubaires sont trop importantes ou lorsqu’il existe une récidive de grossesse extra-utérine sur la même trompe ; par laparotomie lorsque les conditions locales ou l’état hémodynamique de la patiente l’imposent. Traitement médical Par méthotrexate : in situ en injections percœlioscopiques ou par voie endovaginale échoguidée ; par voie systémique (50 mg/m 2 ) en intramus- culaire. Ce traitement médical n’est utilisé que dans certaines conditions : taux d’hCG < 3000 UI/L; hématosalpinx < 35 mm; hémodynamique stable. Exceptionnellement, l’abstention thérapeutique peut être proposée pour des patientes stables avec une grossesse extra-utérine paraissant non évolutive (taux < 1 000 UI/mL). 2 / Causes des avortements du 1 er trimestre – anomalies chromosomiques : 60 à 70 %; anomalies infectieuses ; mal- formations utérines : béance cervico-isthmique, synéchie, utérus cloi- sonné, fibrome ; pathologies maternelles : endocriniennes (insuffisance lutéale, thyroïde, hyperandrogénie…), maladies systémiques (lupus, syn- drome des antiphospholipides…) ; causes iatrogéniques ; facteurs mas- culins ; causes inexpliquées. Arbre décisionnel devant des hémorragies du 1 er trimestre de la grossesse. 1 1833 L A R E V UE DU P R AT I CI E N ( P a r i s ) 1 9 9 8 , 4 8 Gynécologie - Obstétrique tements sous la forme de syndrome triploïde. Après évacuation, le suivi de ces patientes est fondamen- tal. Cette surveillance s’appuie sur l’étude de la décrois- sance de l’hCG. En fonction de l’évolution, un traitement par chimiothérapie peut être nécessaire (môle invasive ou maladie trophoblastique persistante). I Dosage β-hCG Sac gestationnel intra-utérin Cavité utérine vide Pas de GEU Évolution à suivre • fausse-couche • grossesse plus jeune Pas d’autres signes échographiques et β-hCG < 1 000 UI/L Triade échographique et (ou) β-hCG élevé Contrôle à 48 h : • clinique • β-hCG • échographie Cœlioscopie Cœlioscopie Poursuite de la surveillance Traitement médical couche. Cette évolution peut être envisagée lorsque les signes sympathiques de grossesse disparaissent ou lorsque les saignements deviennent plus abondants. Pour les femmes présentant une menace d’avortement, aucun traitement n’a réellement fait preuve de son effica- cité et, habituellement, le repos est le plus utilisé. Lors- qu’une image de grossesse intra-utérine est visible à l’écho- graphie, le suivi biologique n’a plus aucun intérêt. Seules les échographies pratiquées une à deux semaines plus tard permettront de juger de l’évolution normale de la grossesse (présence et taille embryonnaires, activité cardiaque). Maladies trophoblastiques gestationnelles Elles sont principalement représentées par la môle com- plète ou môle hydatiforme dont la fréquence est d’environ 1 pour 1000 en France. Sa caractéristique est de ne com- porter que des chromosomes d’origine paternelle. Cliniquement, elle se caractérise par des métrorragies d’abondance variable mais surtout par l’existence d’un uté- rus mou et trop gros comparé à l’aménorrhée. L’examen annexiel peut retrouver de gros ovaires polykystiques liés à l’hypersécrétion d’hCG. Les signes sympathiques de grossesse sont souvent exacerbés avec des vomissements importants. Dans certains cas, il existe des signes d’hy- perthyroïdie. Rarement, le diagnostic est posé lors de l’ex- pulsion de vésicules môlaires mais habituellement l’écho- graphie fait le diagnostic. Les images endo-utérines évoquent «une tempête de neige » ou «un nid d’abeilles ». Il n’existe jamais de structure fœtale dans les môles com- plètes. Ces images traduisent l’aspect vésiculaire, hydro- pique, des villosités choriales et dans près de 50 % des cas, on retrouve des kystes lutéiniques ovariens. Le dosage de β-hCG est nécessaire pour le suivi thérapeu- tique. Il montre généralement des taux très élevés (>100000 UI/L). Dans ce contexte, une évacuation endo-utérine est néces- saire (aspiration plutôt que curetage) sous contrôle écho- graphique. Seul l’examen histologique permet d’affirmer le diagnostic de môle complète. Dans certains cas, l’histo- logie diagnostiquera un choriocarcinome ou une môle par- tielle, cette dernière étant à l’origine de 10 à 20 % des avor- • Les métrorragies du 1 er trimestre de la grossesse concernent 25 % des femmes dont la moitié auront une évolution gravidique normale. • Nécessité impérative d’évoquer en premier lieu une grossesse extra-utérine en raison du risque vital lié à son évolution spontanée, mais retenir qu’une fausse couche hémorragique non traitée comporte le même risque vital. • Deux situations sont à envisager: – la grossesse est connue avec un terme suffisamment avancé, et les orientations diagnostiques seront habituellement faciles à résoudre: grossesse extra-utérine, avortement en cours, grossesse non évolutive, môle; – le doute diagnostique plane: seule la triade «clinique-biologie-échographie» fait suspecter le diagnostic mais bien souvent c’est l’évolution de ces éléments qui permet d’aboutir au diagnostic final. Points Forts à retenir + échographie Gynécologie - Obstétrique B 164 1231 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 2 0 0 0 , 5 0 On parle de prééclampsie sévère lorsque les chiffres tensionnels sont supérieurs à 180/120, la protéinurie supérieure à 3 g/24 h et (ou) lorsqu’il existe des signes cliniques (signes fonctionnels neurologiques, oligo-anu- rie, barre épigastrique) et (ou) biologiques (thrombopé- nie, cytolyse hépatique ) de gravité. Il est classique de définir 4 types d’hypertension arté- rielle gravidique : – la prééclampsie pure de la femme primipare sans anté- cédent vasculo-rénal, survient principalement au cours du 3 e trimestre, guérit dans le post-partum et ne récidive pas. Il s’agit d’une maladie exclusivement gravidique ; les modifications histologiques disparais- sant rapidement après l’accouchement ; – l’hypertension artérielle chronique ; – l’hypertension artérielle chronique avec prééclampsie surajoutée ; – l’hypertension labile ou transitoire apparaît unique- ment lors des grossesses. Retentissement de cette ischémie placentaire sur la mère et le fœtus L’insuffisance placentaire, élément essentiel de la maladie, a un retentissement maternel et fœtal très variable selon les cas. De plus, la maladie peut prédominer soit chez le fœtus soit chez la mère. Retentissement fœtal L’insuffisance placentaire entraîne un défaut d’apport des substances nécessaires à la croissance fœtale et une diminution de l’oxygénation fœtale aboutissant plus ou moins rapidement à une souffrance fœtale chronique plus ou moins sévère. Le débit placentaire est réduit bien avant l’apparition des signes cliniques de souffrance fœtale chronique. Celle-ci se traduit par l’apparition d’un retard de croissance intra-utérin, le plus souvent dysharmonieux (affectant principalement la circonfé- rence abdominale), parfois harmonieux, si le retentisse- ment placentaire est très précoce. Parfois, si le tableau est très sévère ou si le traitement est trop tardif, on assiste à une mort in utero. Définitions et classification L’hypertension artérielle (HTA) gravidique se définit simplement par l’existence chez une femme enceinte d’une hypertension artérielle (pression artérielle > 140 mmHg pour la systolique et [ou] 90 mmHg pour la diastolique). Sa fréquence est élevée (10 % en France ). La prééclampsie se définit par l’association à l’hypertension artérielle gravidique d’une protéinurie > 0,3 g/ 24 h. Sa fréquence est d’environ 3 % des grossesses. Les œdèmes (au niveau des membres et du visage) sont un signe clinique classique mais facultatif. Hypertension artérielle de la grossesse Diagnostic, complications, traitement DR Philippe DUFOUR, DR Damien SUBTIL, PR Francis PUECH Service de pathologies maternelles et fœtales, hôpital Jeanne-de-Flandre, 59037 Lille Cedex. • L’hypertension artérielle gravidique est une affection fréquente (10 % des grossesses). • Elle peut être dangereuse pour la mère et le fœtus. • Sa physiopathologie est complexe ; cependant, l’élément clé de la maladie est l’insuffisance placentaire par défaut d’invasion trophoblas- tique (voir : Pour approfondir). • Elle est imprévisible dans sa survenue et son évolution. • Le retentissement fœtal comprend la souffrance fœtale (chronique et [ou] aiguë), le retard de croissance intra-utérin, la mort in utero et la prématurité provoquée. • Chez la mère, de nombreuses complications, parfois gravissimes, sont susceptibles d’apparaître (hématome rétroplacentaire, syndrome HELLP, éclampsie, œdème aigu pulmonaire, accident vasculaire cérébral, coagulation intravasculaire disséminée). • Son seul véritable traitement consiste en l’arrêt (plus ou moins rapide selon le tableau clinique) de la grossesse. • Elle reste, en France, la principale cause de décès maternel. Points Forts à comprendre Le dépistage du retard de croissance intra-utérin est basé sur la mesure de la hauteur utérine et l’échographie obstétricale. Une diminution de la quantité de liquide amniotique (oligoamnios) est également un facteur de souffrance fœtale (par diminution de la diurèse fœtale). L’appréciation de la souffrance fœtale chronique comprend l’enregistrement du rythme cardiaque fœtal, le score de Manning (étude du bien-être fœtal) et le doppler ombilical (traduisant la qualité de l’écoulement sanguin au niveau des artères ombilicales, témoignant du degré de résistance placentaire). Lorsque l’index diastolique devient nul, a fortiori en cas de flux inverse (reverse flow), la situation hémodynamique fœtale devient précaire. Enfin, le doppler cérébral patho- logique témoigne d’une hypoxie sévère avec réponse extrême, aux limites des possibilités d’adaptation du fœtus. L’extraction fœtale doit alors être effectuée avant que l’hypoxie ne soit trop sévère. S’agissant d’un fœtus fragile (à risque d’accident vasculaire cérébral, d’insuffisance myocardique, hépatique), des mesures de réanimation néonatales parfaitement appropriées sont nécessaires, d’où l’intérêt d’un transfert in utero dans un centre de réanimation néonatale spécialisé. Retentissement maternel 1. Maladie de l’endothélium L’insuffisance placentaire entraîne donc une ischémie placentaire avec libération de substances activant et (ou) altérant l’endothélium maternel et fœtal (fibronectine, laminine, cytokines, endothéline, prostaglandines, thrombomoduline, facteur Willebrand…). Ces perturba- tions des différentes fonctions (complexes) des endo- théliums de l’organisme (coagulation, contractilité des fibres musculaires lisses...) entraîne une hypertension artérielle, due à l’augmentation des résistances vasculaires périphériques par déséquilibre entre les taux circulants d’hormones vasoconstrictives et vasodilatatrices, une thrombopénie, une chute du facteur III, une augmentation du complexe anti- thrombine III-thrombine, une augmentation de la sécrétion de thromboxane A2. Tous ces phénomènes aboutissent à l’apparition de micro-angiopathies thrombotiques, principalement au niveau des reins (protéinurie, œdèmes) et du foie (syndrome HELLP pour Hæmolysis, Elevated liver enzyme, Low platelet count). 2. Conséquences anatomopathologiques Des zones d’infarctus (plus ou moins étendues) au niveau du placenta sont caractéristiques de la maladie, témoignant ainsi de l’ischémie placentaire. Il faut bien comprendre que ces lésions placentaires ne sont pas la cause de la maladie mais la conséquence de la diminution du débit utéro-placentaire. Au niveau des reins, on note des lésions endothéliales glomérulaires (dépôts de fibrine) et au niveau du foie, on observe de nombreuses micro- thromboses capillaires périlobulaires (dans les espaces portes). Quant au cerveau, il est le siège également d’une microangiopathie thrombotique (dépôts de fibrine, œdèmes, hémorragies). 3. Conséquences cliniques L’hypertension artérielle gravidique est une affection sérieuse par le biais des nombreuses complications mettant en danger la vie de la mère. En France, de 1981 à 1991, 189 morts maternelles ont été dues à des prééclampsies, représentant 18,7 % de la mortalité maternelle. Ces complications sont de diverses sortes. • L’hématome rétroplacentaire (HRP) est un accident imprévisible et brutal dont la fréquence reste élevée malgré la meilleure prise en charge actuelle de ces patientes. • L’éclampsie est un accident prévisible dont la fréquence a nettement diminué avec les progrès obsté- tricaux. Sa fréquence est d’environ 1/50 prééclampsies. • Le syndrome HELLP a été individualisé dans les années 1980. Son extrême gravité nécessite impérative- ment la terminaison de la grossesse (quel que soit le terme). Il complique environ 10 % des prééclampsies mais il peut apparaître d’emblée sans hypertension artérielle, source de nombreuses erreurs diagnostiques. Il comporte un risque hémorragique majeur : l’hématome sous-capsulaire du foie. • Les troubles de la coagulation, notamment de la coa- gulation intravasculaire disséminée (CIVD) présentent des D-dimères augmentés, un effondrement du fibrino- gène et une thrombopénie • Les autres complications possibles sont l’accident vasculaire cérébral, le décollement rétinien, l’insuffisance rénale aiguë (fonctionnelle puis organique), l’œdème aigu du poumon (OAP), l’ascite. 4. Évolution La mortalité reste importante (1 % des prééclampsies) en rapport principalement avec le risque hémorragique (accident vasculaire cérébral, coagulation intravascu- laire disséminée majeure, rupture d’un hématome sous- capsulaire du foie). L’évolution très variable de la maladie, avec son risque potentiel d’extrême gravité, interdit donc tout traitement ambulatoire de la prééclampsie. Une hospitalisation est donc obligatoire avec instauration d’une surveillance maternofœtale, adaptation des traitements plus ou moins lourds et intervention rapide au besoin. Cette hospitalisation doit se faire dans un service spécialisé de grossesses pathologiques, proche d’un service de réanimation néonatale (surtout si le terme est < 32 semaines d’amé- norrhée). Une surveillance et un traitement ambulatoire de l’hypertension artérielle gravidique ne peuvent être envisagés que si l’hypertension artérielle est modérée, sans souffrance fœtale chronique associée, ni protéinurie. HY P E R T E NS I ON AR T É R I E L L E DE L A GR OS S E S S E 1232 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 2 0 0 0 , 5 0 Holter tensionnel permet d’infirmer ou de confirmer l’hy- pertension artérielle gravidique (intérêt prédictif de chiffres tensionnels élevés nocturnes). Si le diagnostic d’hypertension artérielle gravidique est porté, l’examen clinique recherche l’absence d’autre anomalie : hauteur utérine insuffisante pour le terme, prise de poids excessive brutale, œdèmes, troubles fonc- tionnels (acouphènes, phosphènes, troubles visuels, céphalées, épigastralgies). • Un bilan biologique simple et rapide est demandé : protéinurie (< 0, 30 g/24 h) ; uricémie à jeun (< 60 mg/L) ; transaminases hépatiques (transaminase glutamo- oxalo-acétique [TGO] et transaminase glutamo-pyru- vique [TGP]) ; numération sanguine (à la recherche d’une thrombopénie). • Une échographie obstétricale avec doppler utérin et ombilical est demandée, dans un délai rapide (< 2 j). 2. Conduite à tenir Si l’ensemble du bilan (clinique, biologique et écho- graphique) conclut à l’existence d’une hypertension artérielle gravidique isolée non compliquée et si la patiente n’a aucun antécédent obstétrical lourd (éclampsie, hématome rétroplacentaire, syndrome HELLP…), un traitement antihypertenseur est instauré. • Le traitement idéal est le labétalol (Trandate), à la posologie initiale de 1 demi-comprimé x 2/j ; posologie qui est augmentée en fonction de la réponse thérapeu- tique (posologie maximale : 3 comprimés/j). En cas de contre-indication (asthme sévère), le traitement de 2 e intention est la clonidine (Catapressan), à la posologie de 1 à 3 comprimés/j. • Une surveillance rigoureuse et régulière est obli- gatoire, comprenant une surveillance clinique et biologique hebdomadaire, en l’absence d’anomalie surajoutée. L’arrêt de travail et le repos sont obli- gatoires. • Un traitement par l’aspirine 100 mg n’est efficace que s’il est prescrit avant 23 semaines d’aménorrhée. Passé ce terme, l’aspirine n’a aucun intérêt et est source de désagréments pour la conduite à tenir purement obstétricale. Survenue d’une prééclampsie La mise en évidence d’une protéinurie > 0,3 mg/24 h signe le diagnostic de prééclampsie, même en l’absence d’œdème. Dans cette situation, le médecin traitant doit adresser la patiente à son obstétricien ou à la maternité la plus proche. En fonction du résultat du bilan réalisé à la maternité, la patiente est soit hospitalisée définitive- ment, soit (si la situation est stable avec une protéinurie inférieure à 1g/24 h) bénéficie d’une hospitalisation de jour hebdomadaire, comprenant un bilan biologique, un examen clinique, un écho-doppler et un enregistrement du rythme cardiaque fœtal. Dans cette 2 e hypothèse, une collaboration étroite entre l’obstétricien et le médecin traitant est indispensable et fructueuse. Diagnostic Étant donné la gravité potentielle de la maladie pour le fœtus et la mère et l’évolution extrêmement variable de la maladie, 3 points fondamentaux doivent être bien compris par le médecin traitant : – penser à la prééclampsie devant des tableaux aty- piques, peu alarmants (syndrome HELLP sans hyper- tension artérielle par exemple) et demander les examens complémentaires (simples et rapides) indispensables au diagnostic ; – la surveillance et le traitement ambulatoire d’une hypertension artérielle gravidique ne peuvent être entrepris que si l’hypertension artérielle est modérée, isolée (sans protéinurie et sans signe de souffrance fœtale chronique) ; – adresser toute patiente prééclampsique à la maternité la plus proche ou la plus adaptée selon le terme de la grossesse (niveau 3 si grande prématurité). Pour le praticien donc, plusieurs étapes existent dans le diagnostic, le traitement et la surveillance d’une hypertension artérielle gravidique. S’il respecte les 3 points fondamentaux ci-dessus, rien de fâcheux ne peut arriver. Affirmer l’hypertension artérielle gravidique 1. Diagnostic • Chez toute femme enceinte, l’interrogatoire recherche les facteurs de risque d’hypertension arté- rielle gravidique en notant les antécédents familiaux et personnels (hypertension artérielle, obstétricaux: hyper- tension artérielle gravidique, retard de croissance intra- utérin, mort in utero, hématome rétroplacentaire, œdèmes, prise de poids excessive… ). Il n’existe pas de signes précurseurs de l’apparition d’une hypertension artérielle gravidique. C’est la raison pour laquelle il faut mesurer la pression artérielle des femmes enceintes tous les mois afin de dépister sa survenue. Des chiffres tensionnels supérieurs à 140 pour la pression artérielle systolique et 9 pour la pression artérielle diastolique chez une patiente enceinte affirment, tout simplement, le diagnostic d’hypertension artérielle gravidique. Naturellement, certaines précautions sont indispen- sables pour ne pas porter un faux diagnostic. Il existe une variabilité normale en fonction de l’âge (les mêmes chiffres tensionnels n’ont pas la même signification à 16 ans ou 44 ans). Il existe aussi une variabilité tension- nelle en fonction du poids de la patiente : chez une patiente obèse, il faut vérifier des chiffres tensionnels élevés avec un brassard adéquat pour obèse ; la tension doit être prise évidemment au repos, aux 2 bras, en position allongée. De grandes variations existent en fonction du stress, du temps passé en salle d’attente, de l’activité, de l’émotivité de la patiente ; les chiffres tensionnels doivent être vérifiés à 3 reprises (si possible au domicile de la patiente) ; enfin, en cas de doute, la réalisation d’un Gynécologie - Obstétrique 1233 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 2 0 0 0 , 5 0 Dépistage les complications La mise en évidence d’une anomalie, quelle qu’elle soit (hyperuricémie, aggravation de la protéinurie [> 1 g/24 h], cytolyse hépatique, thrombopénie, signes fonctionnels, œdèmes diffus) signe une aggravation de la maladie nécessitant le transfert immédiat de la patiente dans un service spécialisé pour une hospitalisation définitive. Le tableau classique de la prééclampsie (hypertension arté- rielle, œdèmes, protéinurie) n’est pas toujours rencontré et le médecin traitant doit être extrêmement méfiant devant toute anomalie surajoutée, aussi minime soit-elle. l’apparition d’une douleur abdominale brutale, au niveau de l’utérus ; une hémorragie minime, noirâtre ; un état de choc (pâleur, sueur, hypotension, pouls accé- léré) ; une hypertonie utérine ( ventre de bois ) ; la disparition des bruits du cœur fœtaux (mort in utero) ; un tableau de prééclampsie (hypertension artérielle , œdèmes , protéinurie). La conduite à tenir est simple : hospitalisation dans un délai le plus court possible (surtout si le fœtus est encore vivant). La prise en charge à la maternité dépend de nombreux critères (terme de la grossesse, état du fœtus et de la mère). Une césarienne en urgence est réalisée dans 2 circonstances : fœtus vivant ou état maternel gravissime contre-indiquant un accouchement par voie basse, plus long. Dans tous les autres cas, un déclenche- ment par prostaglandines est réalisé, sous couvert d’une réanimation adéquate. 2. Syndrome HELLP Décrit pour la première fois par Weinstein en 1981, ce syndrome récent (et donc parfois méconnu) est d’une extrême gravité nécessitant impérativement la terminaison de la grossesse (quel que soit le terme). Il complique environ 10 % des prééclampsies mais il peut apparaître d’emblée sans hypertension artérielle, source de nom- breuses erreurs diagnostiques. Sa définition est pure- ment biologique : hæmolysis (hémolyse), elevated liver enzyme (augmentation des transaminases hépatiques), low platelets (thrombopénie). Ce syndrome s’accompagne d’une mortalité maternelle élevée (2 à 10 %) et d’une mortalité fœtale très impor- tante (10 à 50 %). Si le diagnostic est facile devant l’association des anomalies biologiques qui le définissent, encore faut-il penser à demander le dosage des plaquettes sanguines, de l’hémoglobine et des transa- minases hépatiques devant une symptomatologie fonctionnelle peu évocatrice. En effet, le seul signe fonctionnel quasiment toujours retrouvé est la douleur vive de l’hypocondre droit ou de l’épigastre (correspon- dant à la fameuse « barre épigastrique de Chaussier »). Malheureusement, dans environ 40% des cas, le syndro- me HELLP peut survenir de façon isolée chez une patiente enceinte non hypertendue, rendant le diagnostic particulièrement difficile. De nombreuses patientes traitées initialement pour une « gastrite » présentent un véritable syndrome HELLP biologique isolé. La gravité de la situation est identique, même en l’absence d’hyper- tension artérielle ou de protéinurie. Ce syndrome témoigne d’une souffrance hépatique dont la complication extrême est la rupture d’un hématome sous-capsulaire du foie, responsable d’une hémorragie massive, souvent fatale dans un contexte de coagulation intravasculaire disséminée. Ainsi, devant toute douleur vive de l’épigastre ou de l’hypocondre droit même isolée, chez une femme enceinte, le médecin traitant doit évoquer ce diagnostic et demander le bilan biologique adéquat et, en cas de diagnostic positif, adresser immédiatement la patiente dans un service spécialisé. HY P E R T E NS I ON AR T É R I E L L E DE L A GR OS S E S S E 1234 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 2 0 0 0 , 5 0 Signes cliniques Signes biologiques Signes échographiques Fonctionnels K hyperuricémie K retard (> 70 mg/L) de croissance intra-utérin K céphalées K thrombopénie K doppler (< 100 000/mm 3 ) ombilical anormal K phosphènes K cytolyse hépatique K acouphènes K oligoamnios K troubles visuels K protéinurie > 1 g/ 24 h K épigastralgies Physiques K œdème du visage K aggravation de l’hypertension artérielle K aggravation brutale des œdèmes 1. Hématome rétroplacentaire Ce grave et imprévisible accident obstétrical, dont la fré- quence reste encore élevée malgré les progrès réalisés dans la prise en charge des patientes prééclampsiques, se définit comme un hématome plus ou moins volumineux situé entre le placenta (normalement inséré) et l’utérus, entraînant une interruption plus ou moins complète des échanges materno-fœtaux, avec risque de mort in utero. La physiopathologie exacte de la constitution de l’hé- matome rétroplacentaire n’est pas encore totalement expliquée. Enfin, son retentissement sur la coagulation sanguine maternelle (risque de coagulation intravascu- laire disséminée majeure) en fait l’un des diagnostics les plus redoutés en obstétrique. Le pronostic fœtal est catastrophique tandis que le pronostic maternel reste sérieux, voire dramatique, en l’absence de prise en charge adéquate ou retardée. Le diagnostic est parfois facile, devant un tableau typique. Parfois, la symptomatologie fonctionnelle étant fruste, le diagnostic est plus difficile. Le tableau clinique classique est riche et comprend : Signes de gravité d’une prééclampsie TABLEAU vasculaire maternel ?). Il ne semble pas exister de diminution du débit placentaire par les traitements antihypertenseurs mais on note une augmentation de la mortalité néonatale si les chiffres tensionnels mater- nels descendent trop bas (120/70). Enfin, tous les médicaments traversent le placenta et sont donc potentiellement capables de produire des effets sur le fœtus. La surveillance fœtale classique comprend plusieurs points. • Le bruit du cœur fœtal doit être surveillé avant 25 semaines d’aménorrhée. • Le rythme cardiaque fœtal doit être enregistré, de façon classique ou informatisée (type Oxford) ; la fréquence de réalisation est bien sûr variable, en fonction du terme et de la gravité de l’atteinte fœtale et (ou) maternelle (1 à 6/j). • Une échographie obstétricale hebdomadaire est réalisée (biométrie fœtale, quantité de liquide amniotique ; un oligoamnios – diminution significative de la quantité de liquide amniotique – traduit une diminution de la diurèse fœtale, témoignant de la souffrance fœtale chronique). • Un doppler ombilical et un cérébral sont réalisés, à rythme hebdomadaire ou bihebdomadaire en cas d’altération. Le doppler ombilical traduit la qualité de l’écoulement sanguin au niveau des artères ombilicales, témoignant du degré de résistance placentaire. Lorsque l’index diastolique devient nul, a fortiori en cas de flux inverse (reverse flow), la situation hémodynamique fœtale devient précaire. Enfin, le doppler cérébral patho- logique témoigne d’une hypoxie sévère avec réponse extrême, aux limites des possibilités d’adaptation du fœtus. • Le score de Manning (5 critères notés sur 10) étudie le bien être fœtal (mouvements respiratoires, tonus musculaire… ). • Les mouvements actifs fœtaux sont comptés. L’examen est intéressant mais anxiogène pour la patiente. • Des cures de corticoïdes (Célestène, Soludécadron) sont systématiquement administrées entre 25 et 34 semaines d’aménorrhée car la prématurité provoquée est très fréquente (3 cures au maximum). Prise en charge maternelle La guérison repose sur l’extraction fœtale mais l’indica- tion de cette extraction peut être difficile à porter, en fonction de la gravité de l’atteinte maternelle et fœtale et surtout du terme de la grossesse. Souvent, une sur- veillance stricte est nécessaire en raison du terme trop précoce de la grossesse. Cette surveillance doit être réalisée dans un service spécialisé en pathologies maternelles et fœtales, proche d’un service de réanimation néonatale (services d’autant plus spécialisés que le terme est faible : < 32 semaines d’aménorrhée). L’essentiel est qu’une collaboration étroite entre sages-femmes, obstétriciens, pédiatres néonatologistes et anesthésistes soit assurée. 3. Éclampsie Accident aigu paroxystique et prévisible de la pré- éclampsie dont la fréquence a nettement diminué avec les progrès obstétricaux, sa fréquence est d’environ 1/50 prééclampsies. Il correspond à un état convulsif survenant par accès à répétition, suivi d’un état coma- teux. Le médecin traitant ne devrait plus être confronté à cet accident qui ne devrait survenir que chez des patientes hospitalisées dans des services spécialisés en raison d’une prééclampsie très sévère, en attendant un terme plus satisfaisant pour l’extraction fœtale. Cependant, si un médecin traitant est confronté à cette situation, le tableau clinique ressemble à celui d’une crise d’épilepsie (sans perte d’urines cependant). L’absence d’antécédent comitial, l’existence d’une grossesse et d’une hypertension artérielle plus ou moins connue permettent d’affirmer le diagnostic de crise d’éclampsie. La conduite à tenir est la même que pour une crise d’épilepsie : en attendant le transfert à la maternité la plus proche, on administre en intra- veineux direct une ampoule de Valium (diazépam) ou de Rivotril (clonazépam), relayée par une perfusion du même produit. Une mise en place d’une canule de Guédel est souhaitable pour éviter l’asphyxie éventuelle et la patiente doit être installée dans une pièce sombre et paisible. 4. Autres complications Les troubles de la coagulation, notamment la coagu- lation intravasculaire disséminée, sont du domaine du service spécialisé où la patiente est adressée (voire d’un service de réanimation), de même que les autres complications possibles (accident vasculaire cérébral, insuffisance rénale aiguë, œdème aigu du poumon, ascite). Conduite à tenir Devant une prééclampsie et (ou) ses complications, la conduite à tenir est assez simple pour le médecin traitant : il doit immédiatement adresser la patiente dans un service spécialisé, au besoin par l’intermédiaire du SAMU, si la situation lui semble grave. Les éven- tuels gestes d’urgence à réaliser ont été étudiés dans le chapitre précédent concernant les différentes complications possibles de la maladie. Traitement en milieu hospitalier Surveillance fœtale La gravité fœtale tient à la souffrance fœtale chronique due à la diminution du débit utéro-placentaire. Le traitement idéal consisterait en l’administration d’une thérapeutique visant à améliorer ce débit (remplissage Gynécologie - Obstétrique 1235 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 2 0 0 0 , 5 0 1. Surveillance Elle comprend : • une surveillance horaire (ou automatique type Dynamap) des chiffres tensionnels ; • un fond d’œil ; • une surveillance clinique à la recherche de signes fonctionnels évoquant une aggravation de la maladie (céphalées, barre épigastrique, troubles visuels, acou- phènes, phosphènes, altération de l’état de conscience) ; • une surveillance de la diurèse par le recueil des urines ou le sondage vésical à demeure ; • la mise en place d’une voie veineuse profonde (pour la mesure de la pression veineuse centrale et le remplissage vasculaire) ; • un bilan biologique dont la fréquence varie selon la gravité de la situation (bihebdomadaire à biquotidien, voire toutes les 6 h) : bilan de coagulation standard ou approfondi en cas d’anomalie, numération formule plaquettes, ionogramme sanguin (urée, créatininémie, uricémie, enzymes hépatiques, protidémie) et urinai- re, dosage des LDH (lactic dehydrogenase), de l’hap- toglobine des schizocytes (témoins de l’hémolyse). 2. Traitement symptomatique • Un repos strict au lit et au calme est préconisé, si possible en décubitus latéral gauche qui améliore les perfusions placentaire et rénale, ainsi que l’hémo- dynamique maternelle. • Les antihypertenseurs sont les produits le plus cou- ramment utilisés tels que le labétalol (Trandate) et la nicardipine (Loxen). Ils sont administrés per os ou en seringue autopulsée. Le Trandate (α- et β-bloquant) est le médicament de référence car efficace et sans effet secondaire. Le Loxen (antagoniste du calcium) est plus efficace encore mais il peut entraîner des effets hémo- dynamiques néfastes chez le prématuré de très petit poids. La clonidine (Catapressan) peut également être utilisée en complément ; plus rarement la dihydralazine (Népressol). • L’expansion volémique a pour but de corriger l’hémo- concentration et la réduction du volume plasmatique et de maintenir une protidémie satisfaisante (hypoprotidémie par fuite urinaire des protéines). Elle diminue également les résistances vasculaires systémiques et les œdèmes. Enfin, elle relance la diurèse et prévient la diminution excessive de la pression veineuse centrale lors du traitement antihypertenseur. Les produits les plus utilisés sont la sérum-albumine diluée (2-4 flacons /24 h) et la sérum- albumine concentrée (2-4 flacons/24 h). Le risque important est celui de surcharge vasculaire (œdème aigu pulmonaire) par excès de remplissage, nécessitant impérativement la sur- veillance de la pression veineuse centrale. L’inconvénient est la perturbation de la surveillance de la protéinurie, car la sérum albumine diluée et la sérum albumine concentrée se retrouvent en grande partie dans les urines. • Les anticonvulsivants sont rarement employés (traite- ment préventif d’une crise d’éclampsie imminente, en cas de chiffres tensionnels très élevés et [ou] de signes fonctionnels évocateurs : phosphènes, amaurose, acou- phènes). Les produits utilisés sont le sulfate de magnésie et les benzodiazépines (Valium, Rivotril). • L’aspirine 100 mg est prescrite à la posologie quoti- dienne de 100 mg avant 22 semaines d’aménorrhée et augmente la perfusion placentaire. • La dopamine permet de lutter contre la défaillance cardiaque. 3. Traitement obstétrical Il repose sur l’extraction fœtale, seul véritable traite- ment étiologique. Avant 34 semaines d’aménorrhée, la voie d’accouchement est la césarienne. Après cette date, si les conditions obstétricales sont favorables, un accou- chement par voie basse peut être envisagé, d’autant que la situation ne revêt pas un caractère d’urgence. Naturellement, tout au long de l’accouchement, la surveillance maternofœtale est maintenue, voire augmentée. Il faut éviter les efforts expulsifs excessifs (aide à l’expulsion) et l’anesthésie péridurale est souhaitable si le taux de plaquettes est supérieur à 100 000/mm 3 et si la patiente n’est pas traitée par aspirine. Parfois, le recours à une interruption de grossesse d’in- dication médicale, en raison de la sévérité du tableau maternel et du terme trop prématuré (< 24 semaines d’aménorrhée) est nécessaire. Le seul traitement étiologique, donc idéal, est l’extraction ; mais à quel terme ? Il faut mettre en balance les avantages et les risques de l’interruption de grossesse d’où la nécessité d’une discussion collégiale au cours de laquelle chaque intervenant (obstétricien, pédiatre et anesthésiste) peut confronter ses souhaits à ceux de ses collègues, aboutissant ainsi au meilleur compromis souhaitable pour la mère et son enfant. De grandes lignes thérapeutiques sont, bien entendu, établies ; cependant, des discussions au cas par cas sont très fréquentes et la décision finale dépend de nombreux facteurs (cures de corticoïdes, antécédents, parité, âge maternel, âge gestationnel, enregistrement du rythme cardiaque fœtal, données échographiques : poids fœtal estimé (PFE), quantité de liquide amniotique, arrêt de croissance, dopplers perturbés, souhait du couple…). Un traitement conservateur est adopté si le terme est trop précoce (24 semaines d’aménorrhée) et en l’absence de complications graves maternelle et fœtale. Le risque de cet attentisme est la survenue d’une mort in utero ou d’une complication maternelle gravissime. La question clé est « Quand interrompre ce traitement conservateur ?». En règle générale, l’extraction est réalisée si la maturité fœtale est obtenue (> 35-36 semaines d’aménorrhée), en cas de survenue d’une complication maternelle (poussée hypertensive réfractaire au traite- ment médical, syndrome HELLP, coagulation intra- vasculaire disséminée, hématome rétroplacentaire, éclampsie, insuffisance rénale aiguë, ascite volumineuse mal supportée, œdème aigu pulmonaire mettant en jeu le pronostic vital maternel et en cas d’altération sévère du rythme cardiaque fœtal. I HY P E R T E NS I ON AR T É R I E L L E DE L A GR OS S E S S E 1236 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 2 0 0 0 , 5 0 Physiopathologie La physiopathologie de cette maladie est complexe mais schémati- quement, l’élément clé est l’insuffisance placentaire par défaut d’inva- sion trophoblastique sous-tendue par des phénomènes immunitaires et (ou) génétiques mal compris. D’autres éléments favorisent égale- ment l’apparition d’une prééclampsie : l’obésité, la surdistension uté- rine (grossesses multiples, hydramnios) et la maladie trophoblastique. Cette insuffisance placentaire entraîne une cascade d’événements, avec, notamment, libération de nombreuses substances cytotoxiques qui vont léser les cellules endothéliales de l’organisme, apparition de l’hypertension artérielle et des lésions anatomopathologiques au niveau des différents organes (vaisseaux, foie, reins, cerveau). Des nombreuses théories proposées pour expliquer la physiopathologie complexe de cette affection, 3 sont actuellement retenues : origine immunitaire, désordre génétique et surtout anomalie de la placenta- tion. Le rôle du placenta Le point de départ de la maladie consiste en la diminution du débit utéro-placentaire entraînant une ischémie placentaire, due à un trouble de la placentation, c’est-à-dire à un défaut de l’invasion cyto- trophoblastique (sous-tendu par des phénomènes génétiques et [ou] immunologiques) aboutissant à un défaut de la vascularisation placen- taire. Le placenta est l’élément clé ; la maladie pouvant survenir en l’absence de fœtus (môle). De même, l’ablation du placenta guérit la maladie. Ce défaut d’invasion cytotrophoblastique concerne surtout les artères spiralées. Normalement, les villosités trophoblastiques envahissent physiologiquement l’utérus et les artères spiralées jus- qu’au tiers interne du myomètre. Il existe alors une disparition, au niveau des artères spiralées, de l’endothélium et de la plupart des fibres musculo-élastiques aboutissant à une augmentation importante du calibre des artères spiralées qui deviennent insensibles aux substances vasopressives entraînant ainsi une augmentation de la perfusion utérine. Dans la prééclampsie, on observe 2 types d’anomalies : soit une invasion des artères spiralées limitée à leur portion intra- déciduale (respectant le myomètre) donnant des artères spiralées étroites et sensibles aux substances vasopressives, soit une diminu- tion du nombre d’artères spiralées envahies. Dans les 2 cas, on assis- te à une inadaptation de la perfusion placentaire, responsable de l’insuffisance placentaire. Phénomènes immunologiques Ce mécanisme est mal connu mais il y a longtemps que les médecins tentent d’expliquer cette maladie par une anomalie de la reconnais- sance maternelle de l’unité fœto-placentaire, en rapport avec des anomalies des phénomènes présidant à la tolérance du fœtus et du placenta par la mère. De nombreux phénomènes vont en ce sens. En effet, la prééclampsie est souvent une maladie de la première grossesse ou après changement de partenaire. On observe également une varia- tion selon la fréquence et la durée des contacts maternels avec les spermatozoïdes. Ainsi, l’utilisation des préservatifs, l’insémination avec le sperme de donneur, la faible fréquence des rapports avant le début de la grossesse ou le célibat sont des facteurs de risque de pré- éclampsie. Il semble que la reconnaissance par l’organisme maternel des antigènes paternels favorise la tolérance de la grossesse (anti- corps sécrétés par la mère sous l’influence des antigènes paternels facilitant l’implantation). Peut-être existe-t-il aussi un excès de com- patibilité dans le système HLA (human leucocyte antigen). Enfin, cer- tains auteurs considèrent la prééclampsie comme une maladie auto- immune. Facteur génétique Le facteur génétique est également peu connu. Il est évoqué en raison de plusieurs phénomènes : caractère familial de la maladie (fréquence multipliée par 4 chez les filles de mères ayant présenté une pré- éclampsie), prééclampsie plus fréquente en cas de trisomie 13 ou tri- ploïdie, excès de fœtus mâles lors des prééclampsies, augmentation du risque de prééclampsie dans les grossesses inter-raciales. S’agit-il d’une transmission maternelle par un gène récessif ou autosomique à pénétrance variable ? Dans tous les cas, le rôle du génotype fœtal apparaît certain. Cependant, jusqu’à ce jour, la recherche d’un gène de la prééclampsie a échoué. Autres facteurs prédisposants Ils agissent également par le biais d’une insuffisance de la circulation placentaire. L’hypertrophie placentaire et (ou) la surdistension utéri- ne (grossesse gémellaire, anasarque fœto-placentaire, môle) augmenta- tion du risque de prééclampsie (20 %). Cela confirme encore la pré- éminence du placenta sur le fœtus dans la survenue de la maladie. Enfin, certaines maladies (obésité, hypertension artérielle chronique, diabète insulinodépendant, lupus, hypoplasies utérines) majorent le risque de prééclampsie. Le point commun à ces affections est l’altération de l’endothélium de l’appareil vasculaire. Gynécologie - Obstétrique 1237 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 2 0 0 0 , 5 0 • La prééclampsie et ses complications sont responsables d’une morbidité et d’une mortalité maternelle et fœtale importantes, malgré les progrès réalisés en obstétrique, réanimation et néonatologie. • Tout médecin doit donc être vigilant devant la découverte d’une pression artérielle supérieure à la normale ou de toute anomalie (même minime) survenant chez une femme enceinte. • Cette affection mobilise les obstétriciens et chercheurs à la recherche d’un traitement efficace. Le seul traitement réellement efficace reste la terminaison de la grossesse ; tous les autres traitements n’ont pour but que de prolonger la grossesse jusqu’à un terme acceptable pour le fœtus. • Pour le moment, le seul traitement qui semble efficace pour prévenir l’apparition d’une prééclampsie est l’administration d’aspirine 100 mg/j à partir de 12 semaines d’aménorrhée pour éviter le défaut d’invasion trophoblastique responsable de l’insuffisance placentaire à l’origine de la maladie. • Enfin, il ne faut pas oublier la prise en charge psychologique éventuelle (mort in utero, décès néonatal) et la réalisation d’un bilan vasculo- rénal) complet 3 mois après l’accouchement, dans un service de néphrologie. Points Forts à retenir POUR APPROFONDIR Uzan S , Beaufils M , Uzan M. Hypertension artérielle et grossesse. In : Papiernik E, Cabrol D, Pons JC (eds). Obstétrique. Paris : Flammarion, 1995: 793-824. POUR EN SAVOIR PLUS Gynécologie - Obstétrique B 163 1029 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 2 0 0 0 , 5 0 Formation des complexes immuns La fixation des anticorps sur le globule rouge constitue une étape importante du processus hémolytique des érythrocytes fœtaux. La densité des antigènes cibles sur les hématies fœtales intervient ainsi que l’affinité de l’anticorps pathogène pour l’antigène. Il est certain que ces éléments permettent d’expliquer la variabilité des atteintes fœtales à taux d’anticorps équivalents. Hémolyse fœtale Ce sont les macrophages de la rate et du foie qui vont prendre en charge l’hémolyse des érythrocytes. Ces cellules effectrices captent les globules rouges par l’intermédiaire de la partie Fc des anticorps fixés. L’importance de cette lyse est dépendante de la concen- tration et de l’affinité des antigènes ainsi que de la structure du fragment Fc de l’immunoglobuline fixée. En effet, le degré d’activation macrophagique est lié à l’appartenance de l’anticorps à l’une des sous-classes d’IgG (IgG1, par exemple), plus pathogène pour les antigènes D. Conséquences fœtales de l’hémolyse L’anémie est la conséquence fœtale de l’hémolyse. Bien que la tolérance fœtale de l’anémie soit remarqua- blement bonne, notamment pendant la première moitié de la grossesse, cette anémie peut être à l’origine de complications sévères pouvant aller jusqu’à la mort in utero dans un tableau d’anasarque si elle n’est pas corrigée. Cette tolérance de l’anémie permet au fœtus de ne développer aucun signe clinique ou échographique pour des taux d’hémoglobine relativement bas comme 3 à 4 g/mL d’hémoglobine au début du deuxième trimestre de la grossesse, ce qui n’est pas le cas plus tard; par contre les moindres signes échographiques ont leur importance car la décompensation de l’anémie peut être très rapide. Malgré les phénomènes d’adaptation, une augmentation du flux sanguin et une érythropoïèse compensatrice s’installent pour lutter contre l’anémie fœtale. Si cette dernière n’est pas corrigée, on assiste à une décompensation de ce tableau avec une évolution vers l’anasarque. Physiopathologie Acquisition des anticorps maternels L’acquisition des anticorps maternels survient à la suite de l’introduction d’érythrocytes étrangers, chez la patiente, dans différentes circonstances : transfusion, grossesse, hétéro-hémothérapie, greffes, toxicomanies. Le risque d’immunisation est beaucoup plus important après transfusion tout en étant très présent dans les autres circonstances. Dans les cas les plus fréquents, on retrouve une immunisation dans le système D, mais il est possible de découvrir des anticorps anti-c, anti-C, anti-Kell qui peuvent donner le même type de problème. Débit d’anticorps vers le fœtus Pendant la grossesse, on peut concevoir qu’il existe un enchaînement d’événements immunopathologiques qui risquent d’aboutir à l’hémolyse fœtale. Le débit d’anticorps vers le fœtus dépend de 2 éléments principaux : la concentration maternelle en anticorps pathogènes qui peut entraîner, si elle est élevée, une anémie importante chez le fœtus ; la cinétique du trans- fert transplacentaire de ces anticorps. La concentration en IgG augmente en cours de grossesse ; faible avant 4 mois, elle dépasse le taux maternel en fin de grossesse ce qui en confirme le caractère actif. Immunisation sanguine fœto-maternelle Dépistage, prévention DR Marie-Hélène POISSONNIER Service de gynécologie-obstétrique, hôpital Saint-Vincent-de-Paul, 75674 Paris Cedex 14. • L’allo-immunisation fœto-maternelle se manifeste par l’acquisition d’anticorps érythrocytaires qui, par un enchaînement, peut entraîner une hémolyse fœtale. • Le but de la prise en charge de ces grossesses est, dans un premier temps, d’éviter l’apparition de cette incompatibilité; si ce phénomène n’a pu être évité, la compréhension du processus immunologique permet une surveillance adaptée ainsi que des décisions thérapeutiques opportunes. Points Forts à comprendre Il est possible de distinguer 2 stades sur le plan physio- pathologique ; la frontière entre les 2 est souvent difficile à cerner. • Le stade précoce ou stade fonctionnel se caractérise par un tableau d’anasarque débutant avec un ou plu- sieurs des signes suivants, dépistés à l’échographie de surveillance : épanchement au niveau des séreuses (péri- carde, plèvre, abdomen), œdème cutané généralisé, hépatosplénomégalie, diminution de la vitalité fœtale, polyhydramnios, augmentation de l’épaisseur placentaire. Sur le plan biologique, ce tableau se traduit par une anémie le plus souvent comprise entre 3 et 6 g/dL, un taux modérément élevé des érythroblastes circulants, l’absence de thrombopénie, une gazométrie normale et l’absence de perturbation de paramètres biochimiques, excepté une hypoalbuminémie modérée de dilution. La régression in utero du syndrome d’anasarque est généra- lement obtenue rapidement, en quelques jours après correction transfusionnelle in utero de cette anémie. • Le stade tardif ou lésionnel est constitué par un tableau d’anasarque fœto-placentaire confirmé avec ascite, hépatomégalie, œdème cutané, polyhydramnios et hypertrophie placentaire. Il se caractérise par une anémie en moyenne plus marquée, le taux d’hémoglobine étant fréquemment inférieur à 3 g/dL, mais surtout une série plus ou moins complète d’anomalies apparaît (thrombopénie, éléva- tion des transaminases sériques, érythroblastose péri- phérique et diminution de la pression veineuse ombili- cale en oxygène) qui témoigne de lésions cellulaires variées, d’un état de coagulopathie et de perturbations graves des échanges gazeux transplacentaires. La régression de l’anasarque peut être obtenue in utero par correction transfusionnelle, mais de façon moins régulière et moins rapide que pour le stade précoce de ces anasarques. La présence de thrombopénie et l’absence de normalisation de la pression veineuse ombilicale en oxygène constituent des éléments de mauvais pronostic. Dépistage On peut être amené à envisager ce problème d’aggluti- nines irrégulières positives en cours de grossesse ou en dehors de toute grossesse, la patiente venant consulter pour avis avant d’entreprendre une nouvelle grossesse. Agglutinines irrégulières dépistées À la suite d’études, grâce à un panel d’antigènes, il est possible de définir le ou les types d’anticorps. Une étude faite en 1987 par le centre d’hémobiologie périnatale de Paris, chez 675 femmes enceintes, a permis d’évaluer que : l’anti-D accompagné ou non d’autres anticorps (anti-C et anti E), représente près de 50 % des anticorps. Un tiers des anticorps recouvre les spécificités anti-E (isolé), anti-Kell ou anti-c. L’anti-M vient largement en tête du groupe des autres anticorps, qui représente 13 % des anticorps identifiés. Bilan initial de gravité Il tient compte d’un certain nombre d’éléments. 1. Détermination du phénotype paternel Si le père est homozygote, le risque d’avoir un enfant atteint est évalué à plus de 98 % ; s’il est hétérozygote, il est de 50%. Dans ce dernier cas, il est possible de déterminer le groupe sanguin du fœtus dès 10 semaines d’aménorrhée (SA) par biopsie de trophoblaste. Cette exploration est réservée aux patientes présentant un taux d’agglutinines irrégulières particulièrement élevé ou avec des antécé- dents sévères. En effet, ce geste diagnostique, comme tout geste in utero, présente un risque important de réactivation du taux des anticorps ; il ne doit donc être préconisé que s’il se solde par une interruption médicale de grossesse en cas de grossesse incompatible. 2. Antécédents de la patiente Il est intéressant de connaître le mode d’immunisation de cette patiente; il peut s’agir d’une transfusion hétéro- groupe ou de motifs obstétricaux. Sur le plan obstétrical, on peut retrouver une absence de prévention ou une prévention insuffisante dans des situations à risque d’hémorragie fœto-maternelle : faus- se couche spontanée, interruption volontaire ou médica- le de grossesse, métrorragie, grossesse extra-utérine, cerclage, choriocentèse, amniocentèse, cordocentèse, hématome rétroplacentaire, choc sur l’abdomen, version par manœuvre externe, placenta prævia, mort in utero et surtout lors de l’accouchement. Si la patiente présente des antécédents obstétricaux avec allo-immunisation fœto-maternelle, il est intéressant d’en connaître la sévérité (ictère post-natal, mort in utero, anasarque ) et le terme, pour orienter le schéma de surveillance et la fréquence des contrôles biologiques et échographiques. 3. Taux des agglutinines irrégulières Il est évalué avec un dosage pondéral et, si possible, comparé aux résultats des grossesses antérieures. Surveillance de la grossesse 1. Clinique La surveillance est rigoureuse comme pour toute grossesse. Il faut être particulièrement vigilant sur le dépistage de signes évoquant une diminution de la vitalité fœtale ou un début de décompensation (appari- tion de polyhydramnios ou de syndrome toxémique ). 2. Échographie Elle est importante pour la surveillance de ces gros- sesses. Elle permet de préciser le terme et de dépister des signes d’hémolyse ou d’anémie fœtale en faisant des examens comparatifs tous les 15 jours voire toutes les semaines dans les cas particulièrement à risque. Cette I MMUNI S AT I ON S ANGUI NE F ŒT O- MAT E R NE L L E 1030 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 2 0 0 0 , 5 0 Après resuspension des hématies, on observe si celles-ci sont agglutinées. Le titre correspond à la plus forte dilu- tion de sérum capable d’entraîner une agglutination. Le titre d’un anticorps dépend de la concentration de l’anticorps et de son affinité physiologique pour l’antigène. • Le dosage pondéral permet de déterminer la concen- tration en anticorps anti-D des gammaglobulines RhD. Elles sont également utilisées pour d’autres anticorps comme les anti-c. La méthode la plus utilisée est celle de dosage comparatif des complexes immuns, en faisant intervenir une gamme-étalon de concentration connue en anticorps. Les résultats sont donnés en 2 temps : le premier temps, l’utilisation des hématies faiblement traitées par une solution de broméline introduite dans le circuit d’agglu- tination permet d’obtenir la destruction des anticorps IgG3 anti-D; le second temps utilise des hématies fortement bromélinées. Le taux nécessitant une surveillance plus stricte est en moyenne 1 µg soit 250 unités CHP en T1 et T2 pour l’allo-immunisation anti-D. La fréquence des recherches est fonction du taux initial et à intervalle maximal de 1 à 4 semaines. 6. Amniocentèse C’est en 1961 que Liley établit son fameux diagramme en reliant bilirubinamnie et devenir fœtal. Il le fit selon la seule méthode praticable à cette époque, c’est-à-dire en reliant la valeur de l’indice optique 450 (qui est l’équivalent spectrophotométrique de la bilirubinamnie) à l’atteinte hémolytique. Par définition même, la bilirubinamnie est plus directe- ment liée à l’intensité de l’hémolyse qu’à l’anémie proprement dite. Mais la tendance actuelle vise cependant à étendre la corrélation décrite par Liley à l’évaluation de l’anémie fœtale par l’indice optique 450. Ce diagramme a été construit à partir de 28 semaines d’aménorrhée et définit 3 zones : la zone inférieure correspondant à une atteinte de faible gravité, la zone intermédiaire évoquant une gravité moyenne et la zone supérieure ou gravité extrême nécessitant une décision thérapeutique. L’avènement de la cordocentèse a permis de prolonger le diagramme en deçà de 28 semaines d’aménorrhée et à partir de 22 semaines d’aménorrhée en confrontant le taux d’hémoglobine fœtale et la bilirubinamnie. Il est important de tenir également compte que l’amniocen- tèse, comme tout acte diagnostique invasif, comporte le risque non négligeable de réactivation du taux des anticorps. 7. Cordocentèse Si cette exploration permet de donner la valeur exacte de l’anémie, elle ne doit être pratiquée qu’après réflexion ; en effet, ce geste n’est pas dénué de risque ; de plus, il risque de réactiver le taux des anticorps de façon encore plus importante que l’amniocentèse. La cordocentèse doit se pratiquer sous échoguidage permanent avec du sang préparé et rendu compatible pour un éventuel traitement. surveillance permet d’indiquer des explorations plus invasives, en cas d’aggravation, mais également, dans un bon nombre de cas, de temporiser. Lorsque débute la décompensation de ce tableau d’allo- immunisation, les « petits » signes échographiques précédant l’anasarque ont une valeur primordiale. On peut définir schématiquement 3 stades échogra- phiques. • Le premier stade est celui où l’échographie ne révèle aucun signe de décompensation, mais ne permet pas d’exclure l’anémie fœtale. Ce sont les autres éléments de surveillance qui permettent d’orienter le diagnostic. • Le deuxième stade ou anasarque débutante corres- pond généralement à l’anasarque fonctionnelle. Elle peut se manifester, chez le fœtus, par un épanche- ment péricardique, une hépatomégalie, des anses intesti- nales trop bien vues, une ascite débutante, un œdème cutané, enfin une diminution de la vitalité ; au niveau des annexes, un polyhydramnios et une augmentation de l’épaisseur placentaire. • Le troisième stade ou anasarque confirmée se mani- feste par une aggravation des signes précédemment décrits. Il peut correspondre au stade fonctionnel ou au stade lésionnel de la forme hydropique, et même à l’as- sociation des deux; c’est la biologie qui permet de faire la différence et de donner ainsi une évaluation pronos- tique. L’examen échographique a donc un énorme intérêt dans le dépistage de l’anémie fœtale sans avoir de contre- indications. De plus, il permet l’évaluation du « bien- être » fœtal par l’étude des paramètres suivants : volume du liquide amniotique, mouvements respiratoires, mou- vements et tonus fœtaux (score de Manning). Enfin, l’échographie permet, si nécessaire, la réalisation de gestes thérapeutiques in utero. 3. Doppler L’étude du flux sanguin ombilical par vélocimétrie doppler révèle que, dans les formes sévères, les résistances placentaires sont diminuées et le débit sanguin dans la veine ombilicale accru, témoignant d’une augmentation du travail myocardique, source de défaillance cardiaque in utero et néonatale. 4. Cardiotocographie L’apparition d’un rythme d’aspect sinusoïdal signe une anémie fœtale, nécessitant une prise en charge rapide. 5. Agglutinines irrégulières Nous avons actuellement à notre disposition 2 techniques. D’autres sont en cours d’évaluation. • Le titre en Coombs indirect ou titrage par technique indirecte à l’antiglobuline consiste à mettre en présence des dilutions en progression géométrique du sérum à titrer et des hématies à la température de 37 ˚C et à force ionique physiologique. Les hématies sont secondairement lavées et enfin centri- fugées dans une solution d’anti-IgG humaine (anti- globuline). Gynécologie - Obstétrique 1031 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 2 0 0 0 , 5 0 Stratégie de prise en charge Lorsqu’on diagnostique une allo-immunisation érythro- cytaire, il est important d’établir un bilan initial de gravité soit avant, soit en début de grossesse. La stratégie de prise en charge de ces grossesses (figure) doit être très rigoureuse en évitant les investigations in utero abusives qui risquent de réactiver le taux des anticorps. Il est également important de souligner que les actes transfusionnels s’ils sont nécessaires ne doivent jamais être réalisés en préventif, car il est toujours souhaitable de les économiser. Étant donné ces diverses possibilités de prise en charge diagnostique et thérapeutique, on peut rassurer les patientes sur le pronostic de leur grossesse. Les théra- peutiques in utero doivent être conduites par des équipes entraînées qui ont l’habitude de travailler ensemble (voir : Pour approfondir). Enfin, on peut souligner qu’il ne faut bien sûr pas relâcher la surveillance et la réalisation de la prévention pour éviter l’acquisition de ces allo-immunisations érythro- cytaires. Prévention La prophylaxie n’est possible que pour la seule allo- immunisation anti-D. Elle consiste à injecter par voie intraveineuse une dose de gammaglobulines anti-D pour neutraliser les globules rouges Rhésus positifs étrangers qui seraient passés dans l’organisme maternel avant toute mise en route du processus d’immunisation. Circonstances de l’allo-immunisation Pendant la grossesse, un certain nombre de circons- tances peuvent favoriser le passage d’hématies fœtales dans la circulation maternelle, risquant ainsi d’induire une immunisation si le fœtus est Rhésus positif et la mère Rhésus négatif. Ces circonstances constituent les indications de l’immuno- prophylaxie : – au cours du 1 er trimestre de la grossesse, lors des biopsie de trophoblaste, métrorragie, fausse couche, grossesse extra-utérine, interruption volontaire de grossesse, amniocentèse ou cerclage ; – au cours du 2 e trimestre de la grossesse, lors d’amnio- centèse, de cordocentèse, de réduction embryonnaire, de fausse couche, d’interruption médicale de grossesse ou toute intervention pelvienne ; – au cours du 3 e trimestre, en cas de placenta prævia, de mort in utero, d’amniocentèse ou cordocentèse ; – à l’accouchement, si l’enfant est Rhésus positif. Quantification la prévention Il est possible de quantifier la dose de gammaglobulines anti-D à injecter de 2 façons. • Le test de Kleihauer permet d’évaluer le passage d’hématies fœtales dans la circulation maternelle : 10 hématies fœtales pour 10 000 hématies maternelles cor- respondent environ à un passage de 5 mL de sang fœtal. Il suffit de 100 mg d’anti-D pour les neutraliser. Si le passage est plus important, il faut augmenter la prévention de 10 mg/mL de sang supplémentaire. • Le test de Coombs après la prévention : s’il est positif, cela donne l’assurance de l’efficacité puisqu’il existe des globulines en excès. Moyens de prévention en cours d’évaluation Le renforcement de la prévention chez la femme primi- geste peut se faire en injectant une dose de gammaglo- bulines anti-D à 28 et 34 semaines d’aménorrhée. Cette attitude est préconisée au Canada pour diminuer le risque d’immunisation primaire sérologiquement déce- lable en cours de 1 re grossesse. Ce risque est évalué à 1 ou 1,5 % chez les femmes enceintes Rhésus négatif avec un fœtus Rhésus positif. La prévention en cours de grossesse est renouvelée toute les 6 semaines jusqu’à l’accouchement en cas de 1 re injec- tion de gammaglobuline anti-D. Cette attitude serait justifiée par le phénomène paradoxal de facilitation de l’immunisation à la suite de l’injection de quantités minimes d’IgG anti-D; mais cette attitude comporte ses écueils, notamment celui de masquer une immunisation débutante. Donc, cela nécessite une évaluation plus poussée. Dans les circonstances décrites, si la prévention était tou- jours appliquée avec des doses efficaces, l’allo-immunisa- tion fœto-maternelle ne devrait pratiquement plus se ren- contrer et pourtant elle est toujours présente, concernant environ 1 à 2 patientes pour 2 000 actuellement en France. Une prise en charge rigoureuse est alors nécessaire. I I MMUNI S AT I ON S ANGUI NE F ŒT O- MAT E R NE L L E 1032 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 2 0 0 0 , 5 0 Stratégie de prise en charge (TC : transfusion ; ETIU : exsanguino-transfusion in utero). ÉCHOGRAPHIE normale Mort in utero Grossesses avec traitement in utero (< 1 µg/mL) (> 1 µg/mL) SURVEILLANCE ACCOUCHEMENT CORDOCENTÈSE ETIU TC AMNIOCENTÈSE pathologique peu sévères graves basses élevées basses élevées ANTÉCÉDENTS AGGLUTININES IRRÉGULIÈRES Gynécologie - Obstétrique 1033 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 2 0 0 0 , 5 0 Possibilités thérapeutiques Accouchement prématuré Il se fait par déclenchement du travail ou par césarienne en fonction des conditions obstétricales. Il est ainsi possible de soustraire le fœtus aux effets néfastes des anticorps. Cette attitude est préconisée en cas d’aggravation de l’immunisation après 35 semaines d’aménorrhée. Elle est conseillée de toute façon après 39 semaines d’aménorrhée en cas de fœtus incompatible, même si cette aggravation n’est pas encore apparue. En ce qui concerne les termes plus précoces, les traitements in utero sont alors préconisés pour permettre une extraction du fœtus plus tardive. Transfusions intrapéritonéales Elles ont été décrites pour la première fois par Liley en 1963. Il avait eu l’idée d’injecter du sang Rhésus négatif dans la cavité péritonéale du fœtus ; ce sang résorbé passe alors dans la circulation du fœtus et permet de corriger son anémie. Après avoir été pratiquées sous contrôle radiographique, elles sont couramment exécutées sous échographie. Leur indication est posée devant une suspicion d’anémie fœtale (antécédents obstétricaux, hyperbilirubinémie). La chance de résultat est directement liée à la précocité du traitement par rapport à l’installation de l’anémie fœtale ; les transfusions intrapéritonéales ont un moins bon résultat dans les cas de fœtus hydropiques. Lorsque ces techniques sont utilisées, elle doivent être pratiquées de façon hebdomadaire jusqu’à la maturité fœtale. Les résultats sont tout à fait intéressants puisqu’ils permettent d’ob- tenir selon les séries publiées de 59 à 76 % d’enfants vivants et bien portants. Mais les inconvénients de cette thérapeutique sont les suivants : la fréquence des gestes in utero augmente le risque de rupture prématurée des membranes ; elle augmente également le risque d’accouchement prématuré ; enfin l’efficacité est mauvaise voire nulle en cas d’anasarque fœto-placentaire. Actuellement l’efficacité de la transfusion intrapéritonéale est reconnue ainsi que ses limites. Son indication persiste en tant que technique d’appoint lorsque l’abord vasculaire se révèle impossible ; elle permet alors de tempori- ser pour réaliser l’abord vasculaire dans de meilleures conditions. Par ailleurs, certaines équipes médicales l’utilisent comme technique complémentaire à un abord vasculaire. Enfin, dans les pays où l’abord vasculaire du fœtus n’est pas encore possible, elle peut garder toute sa prévalence. Transfusions intravasculaires Leurs indications sont posées sur des critères de dépistage de l’ané- mie fœtale. Elles se pratiquent sous contrôle échographique. Elles consistent à injecter du sang déplasmatisé pour corriger rapidement l’anémie fœtale. Le point d’abord vasculaire est choisi en fonction de la position du fœtus et du placenta : on peut indifféremment choisir l’insertion fœtale ou placentaire du cordon ainsi que la veine ombilicale intra- abdominale ou, en dernier recours, l’abord cardiaque direct. La quantité de sang à injecter doit être calculée en fonction du terme et de la masse sanguine estimée du fœtus et du placenta. Avantages Il existe une élévation rapide du taux d’hémoglobine par rapport à la transfusion intrapéritonéale. Les équipes qui utilisent ces techniques espacent les actes de 3 semaines en moyenne, ce qui diminue les interventions pendant la grossesse. Inconvénients Ces transfusions ne permettent pas une épuration des globules rouges fœtaux. Il existe un risque de surcharge lorsqu’on doit élever le taux d’hémo- globine d’un niveau très bas (< 3 g/L) à une valeur comprise entre 14 et 16 g/L. En effet, ces fœtus très anémiques ont souvent un myocarde particulièrement fragile. Exsanguino-transfusions in utero Cette thérapeutique est destinée à normaliser rapidement la masse globulaire fœtale sans risque de surcharge transfusionnelle ou de modification hémodynamique. Technique La patiente est simplement prémédiquée. Après une anesthésie locale, la ponction est pratiquée à l’aide d’un dispositif à 2 aiguilles associé à un prolongateur : une aiguille externe (qui sert de guide) et une aiguille interne plus longue et plus fine (qui aborde le vaisseau au point optimal). Le point de ponction est repéré sous échographie ; il dépend de la position du fœtus et de la localisation placentaire. On peut alors choisir l’insertion choriale ou fœtale du cordon ombilical ou la veine ombilicale intra-abdominale ou enfin l’abord cardiaque direct. Lorsque l’aiguille interne est placée dans la veine ombilicale, on vérifie son positionnement correct par : l’image échographique de la pointe de l’aiguille dans la lumière du vaisseau; la nature oxygénée du sang soustrait ; l’aspect échographique du flux scintillant lors de l’injection de sérum physiologique, de curare puis de sang ; les contrôles biolo- giques extemporanés du sang prélevé – tests d’hémagglutination avec un antisérum anti-i et anti-I pour en apprécier la nature fœtale et sa pureté, contrôle du taux de l’hémoglobine, du groupe sanguin ABO et Rhésus puis gazométrie. D’autres examens biologiques seront pratiqués ultérieurement, notamment la numération plaquettaire et le bilan hépatique qui ont une valeur pronostique. Le fœtus est ensuite curarisé. Puis, si l’indication est posée, commence l’exsanguino-transfusion partielle avec un culot globulaire à 75 % excédentaire. POUR APPROFONDIR Le sang utilisé est testé séronégatif pour le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) et pour le cytomégalovirus (CMV), lavé et rendu com- patible avec le sérum maternel, puis irradié pour éviter un chiméris- me fœtal ou des maladies immunitaires. Pendant cette exsanguino-transfusion, on pratique un contrôle échographique permanent du flux sanguin et de l’activité cardiaque fœtale. Comme il s’agit d’échanges, le seul critère de surveillance est le taux d’hémoglobine sans nécessité de calcul de masse sanguine totale de l’unité fœto-placentaire, ce qui facilite beaucoup cette surveillance. Le but est d’obtenir un taux d’hémoglobine proche de 16 g/L. La durée de l’exsanguino-transfusion est de 30 à 45 min en moyenne. Le fœtus perdant 2 g d’hémoglobine par semaine après l’intervention, il est donc possible de fixer une date ultérieure d’intervention en fonction de ces diverses données et, la plupart du temps, d’espacer les traitements in utero d’un mois. Cette décroissance du taux d’hémoglobine a été évaluée en étudiant ce paramètre dans la population des patientes traitées par cette méthode. Avantages Si l’exsanguino-transfusion in utero semble plus complexe que la transfusion au cordon, elle présente cependant des avantages : l’épuration des globules rouges fœtaux (particulièrement intéressante en début de prise en charge) ; la simplicité des contrôles en cours de traitement qui se résume à l’évaluation du taux d’hémoglobine ; son indication particulière dans les cas d’anasarques fœtales placentaires avec anémie majeure et myocarde fragile. Pour les hydrops fonctionnels, on obtient une régression in utero en 48 h dans plus de 80 % des cas. L’espacement des interventions est, en moyenne, mensuel. Prise en charge pédiatrique Il est nécessaire que cette prise en charge soit bien coordonnée au sein de l’équipe obstétrico-pédiatrique. À la naissance, les enfants présentant une allo-immunisation doivent être immédiatement prélevés en salle de travail : groupe sanguin, numération formule sanguine et taux de bilirubine. Le sang doit être disponible pour assurer une exsanguino-transfusion si elle s’avère nécessaire, avec bien sûr les mêmes précautions trans- fusionnelles qu’en anténatal. En cas de forme ictérique, la photothérapie est mise en route. Grâce aux nouvelles formes rayonnantes, ses progrès ont permis souvent de limiter les indications d’exsanguino-transfusion. Lors de l’accouchement, l’anamnèse obstétricale permet d’orienter sur la gravité de l’atteinte de l’enfant à la naissance. Il faut particuliè- rement se méfier des atteintes modérées en pergravidiques qui ris- quent de s’aggraver en fin de grossesse et aboutir à la naissance d’en- fants très anémiques. Paradoxalement, les enfants traités in utero sont souvent peu anémiques à la naissance et une exsanguino-transfusion en postnatal est peu ou pas nécessaire ; ils sont à suivre sur le plan hématologique ultérieurement. Quant aux formes hydropiques, il est préférable, quel que soit leur terme, d’essayer de les traiter in utero pour faire régresser son ana- sarque, le pronostic de l’enfant en est totalement modifié. I MMUNI S AT I ON S ANGUI NE F ŒT O- MAT E R NE L L E 1034 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 2 0 0 0 , 5 0 Chavinie J, Brossard Y, Poissonnier MH. Traitement prénatal des incompatibilités sanguines fœto-maternelles graves. Rev Prat 1984; 34 : 3309-12. Poissonnier MH, Brossard Y, Chavinie J. Incompatibilité fœto- maternelle érythrocytaire. In : Edelman P (ed). Aspect clinique de l’immunologie de la reproduction. Paris : Doin 1990: 79-93. Poissonnier MH, Tournaire M. Immunisation sanguine fœto- maternelle: prévention. Rev Prat 1992; 2: 2643-6. Poissonnier MH, Brossard Y, Soulie JC et al. Incompatibilité fœto- maternelle érythrocytaire. Encycl Med Chir (Elsevier, Paris), Gynécologie/Obstétrique, 5-020-A-20, Pédiatrie, 4-002-R-25, 1998. POUR EN SAVOIR PLUS POUR APPROFONDIR (SUITE) • Allo-immunisation érythrocytaire : importance d’un dépistage précoce, d’une surveillance biologique et échographique régulière et rigoureuse. • Thérapeutique in utero possible dans un centre spécialisé. • Importance de la prévention. Points Forts à retenir Gynécologie - Obstétrique B 166 1379 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 2 0 0 0 , 5 0 Le prélèvement en milieu de jet, quant à lui, permet d’éliminer les germes urétraux présents dans le début du jet. Le sondage vésical doit être évité. Les urines doivent être ensemencées immédiatement ou conservées à 4 ˚C. Les résultats sont obtenus après 48 h de mise en culture et comprennent l’identification du germe responsable et un antibiogramme. L’infection urinaire est classiquement monomicrobienne et la présence de plusieurs germes doit faire remettre en cause la bonne réalisation de l’ECBU. De même l’existence isolée d’une leucocyturie ou d’une bactériurie ne permet pas d’affirmer l’infection urinaire. Elle doit faire considérer le contexte clinique, l’existence de signes fonctionnels et impose de recommencer l’examen. Bandelettes urinaires Le dépistage des infections urinaires peut être effectué au lit du malade ou en consultation, au moyen de l’utilisation de bandelettes réactives urinaires (Uritest 2, Multitest). Elles permettent, si elles sont négatives, d’éliminer le diagnostic d’infection urinaire de manière quasi certaine. Lorsqu’elles diagnostiquent la présence de leucocytes et de nitrites dans les urines l’infection est très probable. La sensibilité des bandelettes urinaires est de 92 %. Elles permettent donc, en cas de négativité, d’éviter la réalisation d’ECBU inutile mais celui-ci doit être réalisé en cas de dépistage par la bandelette de sang, de leuco- cytes ou de nitrites. La loi rendant obligatoire la recherche mensuelle d’al- buminurie et de glycosurie, l’utilisation de bandelettes urinaires permet facilement d’effectuer dans le même temps cette recherche et le dépistage des infections urinaires. Bactériurie asymptomatique On la définit par la persistance, à 2 ECBU distincts, d’une bactériurie supérieure ou égale à 10 5 /mL et l’absence de signes fonctionnels. Le diagnostic est suspecté le plus souvent au décours d’un dépistage par bandelette urinaire. Les infections urinaires sont les pathologies infectieuses bactériennes les plus fréquentes de la grossesse. Elles touchent 5 à 10% des femmes enceintes. Elles se distinguent par la grande fréquence de leurs formes asymptomatiques. Elles ne sont pas plus fréquentes que chez la femme « non enceinte » mais peuvent avoir des répercussions graves chez la mère et l’enfant. On distingue 3 cadres nosologiques : – la bactériurie asymptomatique ; – la cystite aiguë ; – la pyélonéphrite aiguë. Diagnostic Examen cytobactériologique des urines Une infection urinaire est affirmée par la positivité de l’examen cytobactériologique des urines (ECBU). Le diagnostic d’infection urinaire repose sur la présence d’au moins 10 4 leucocytes et de 10 5 germes par mL d’urine. L’ECBU doit être fait dans de bonnes conditions d’asepsie après toilette locale soigneuse, en milieu de jet et recueil des urines dans un récipient stérile. La toilette périnéale, réalisée à 2 reprises à l’aide d’un antiseptique, a pour but d’éliminer les contaminations de l’ECBU par des germes vulvo-vaginaux et (ou) digestifs. Infections urinaires au cours de la grossesse Diagnostic, évolution, traitement DR Vincent VILLEFRANQUE, PR Jean-Claude COLAU Service de gynécologie-obstétrique, hôpital Foch, 92150 Suresnes. • Les infections urinaires sont la pathologie infectieuse la plus fréquente de la grossesse. • Elles regroupent la bactériurie asymptomatique, la cystite et la pyélonéphrite aiguë. • Elles exposent à des complications maternelles et fœtales graves. • Les formes latentes sont fréquentes. Points Forts à comprendre La fréquence de la bactériurie asymptomatique augmente avec le terme de la grossesse. Elle est de 0,8 % à 12 semaines d’aménorrhée et de 1,93% en fin de gros- sesse avec un maximum à 16 semaines d’aménorrhée. Cela justifie son dépistage systématique par bandelette à 16 semaines d’aménorrhée. La bactériurie asymptomatique non traitée se complique, dans 40% des cas, de pyélonéphrite aiguë et seulement dans 2,3 % des cas quand elle est traitée ; le traitement des bactériuries asymptomatiques ne modifie pas la survenue des cystites. Cystite La cystite est une infection du bas appareil urinaire. On la définit par l’association d’une symptomatologie vésicale et d’un ECBU positif. La patiente est apy- rétique. Elle apparaît dans 0,3 à 2 % des grossesses, ce qui est très proche de la fréquence chez la femme «non enceinte». Les signes fonctionnels sont des signes vésicaux : – brûlures mictionnelles, surtout en fin de miction; – pollakiurie ; – plus rarement, hématurie terminale. Les signes fonctionnels de cystite sont facilement atténués pendant la grossesse, ce qui doit toujours faire évoquer son diagnostic. Le diagnostic est affirmé par l’ECBU (présence d’au moins 10 4 leucocytes et de 10 5 germes par mL d’urine). Non traitée, elle peut évoluer vers la pyélonéphrite. Pyélonéphrite aiguë La pyélonéphrite aiguë est une infection du haut appareil urinaire ; c’est une infection urinaire fébrile. Le tableau classique comporte : – un début brutal ; – une fièvre à 39-40 ˚C, avec frissons et altération de l’état général. 1. Signes fonctionnels Une douleur lombaire, le plus souvent à droite, irradie vers la fosse iliaque et les organes génitaux. La douleur est intense, permanente avec paroxysmes. Les signes vésicaux sont souvent au second plan : brûlures mictionnelles, pollakiurie, hématurie ; parfois, il existe une douleur isolée de la fosse iliaque. 2. Examen clinique À l’examen clinique, il existe une douleur à la palpation de la fosse lombaire, parfois une douleur à la palpation de la fosse iliaque. Souvent, le tableau est incomplet ; le début est progressif, la fièvre peut se limiter à une fébricule, la douleur peut être absente. Il faut savoir éliminer une urgence chirurgicale : appendicite, cholécystite, sigmoïdite. L’évolution est le plus souvent favorable sous traitement avec disparition des douleurs, de la fièvre et stérilisation des urines. 3. Complications maternelles • Choc septique : complication redoutable des pyélo- néphrites, notamment à bacille gram-négatif, elle nécessite une prise en charge en soins intensifs. Il associe : – un collapsus circulatoire ; – une insuffisance respiratoire aiguë ; – une insuffisance rénale aiguë. Il complique plus fréquemment les pyélonéphrites sur obstacle, le plus souvent un calcul urétéral et peut parfois démasquer une malformation urinaire méconnue. En cas d’obstacle, il impose un drainage chirurgical des urines en urgence par néphrostomie percutanée ou sonde JJ. • L’abcès du rein et l’abcès périnéphrétique : ils sont rares et se diagnostiquent à l’échographie rénale. Leur traitement repose sur le drainage percutané associé à l’antibiothérapie. 4. Complications fœtales La pyélonéphrite est une cause d’accouchement préma- turé. La présence de contractions utérines est fréquente, lors d’épisodes fébriles et notamment de pyélonéphrites. La présence de contractions utérines impose fréquem- ment le recours à une tocolyse. Conduite à tenir devant une pyélonéphrite aiguë gravidique Un examen obstétrical complet doit être effectué ainsi que des examens complémentaires. • Bilan infectieux et fonction rénale : – numération formule sanguine, protéine C réactive ; – ionogramme sanguin, urée et créatinine plasmatique ; – hémocultures si température supérieure ou égale à 38,5 ˚C et (ou) si frissons, au moins 3 avec recherche de Listeria; – prélèvement vaginal ; – échographie rénale ; – urographie intraveineuse (UIV) s’il existe une suspi- cion d’obstacle à l’échographie rénale (3 clichés) ou uroscanner. • Bilan fœtal : enregistrement du rythme cardiaque fœtal (selon le terme) ; échographie obstétricale. Traitement Préventif Le traitement préventif repose par la surveillance des patientes à risque par la réalisation bihebdomadaire de bandelettes urinaires et d’un dépistage des bactériuries asymptomatiques systématique chez toutes les patientes à 16 semaines d’aménorrhée. I NF E CT I ONS UR I NAI R E S AU COUR S DE L A GR OS S E S S E 1380 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 2 0 0 0 , 5 0 La durée du traitement est courte (3 jours) ou classique (10 jours). Un examen cytobactériologique des urines de contrôle doit être réalisé dans les 15 jours. La surveillance peut se poursuivre par la réalisation bihebdomadaire de bandelettes urinaires. Pyélonéphrite aiguë Une hospitalisation est indispensable, avec une antibio- thérapie débutée après réalisation des prélèvements bactériologiques. L’administration se fait par voie parentérale jusqu’à obtention de 48 h d’apyrexie, puis per os pour une durée totale de 3 semaines. L’antibiotique doit être de bonne diffusion urinaire, bactéricide, adapté secondairement à l’antibiogramme : – céphalosporines de 3 e génération de première intention en monothérapie : céfotaxime (Claforan) ; ceftriaxone (Rocéphine) ; – amoxicilline + acide clavulanique (Augmentin) ; – rifampicine ou fosfomycine en cas d’impossibilité des précédents. L’adjonction d’un aminoside est possible si le pronostic vital est en jeu ou si les signes cliniques ne s’amendent pas rapidement. En cas d’obstacle, un drainage chirurgical des urines s’impose en urgence par néphrostomie percutanée ou le plus souvent par sonde JJ. On associe à l’antibiothérapie des antalgiques et antipyré- tiques (prodafalgan) ainsi qu’un traitement tocolytique.I Conseils hygiéno-diététiques : boissons suffisantes, mictions après les rapports, mictions régulières, essuyage d’avant en arrière après les mictions… Curatif Le traitement curatif repose sur l’antibiothérapie que l’on débute après réalisation des prélèvements bactério- logiques. Celle-ci doit répondre à 3 critères : – une bonne diffusion urinaire ; – une innocuité pour le fœtus ; – être bactéricide. Le tableau ci-dessous reprend les utilisations possibles des différentes classes d’antibiotiques suivant le terme de la grossesse. Les quinolones sont éventuellement utilisables en cas d’impératifs bactériologiques au 2 e trimestre de la grossesse. Bactériurie asymptomatique et cystite aiguë C’est une monothérapie par voie orale : – amoxicilline (mais beaucoup d’E. coli sont résistants) ; – amoxicilline + acide clavulanique : Augmentin ou C1G; – ou une C3G si résistance : céfixime (Oroken) ; – les quinolones (et pas les fluoroquinolones qui sont contre-indiquées) peuvent être utilisées au 2 e trimestre en cas d’impossibilité des traitements précédents, nitrofurantoïne (Furadantine). Gynécologie - Obstétrique 1381 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 2 0 0 0 , 5 0 1 er trimestre 2 e trimestre 3 e trimestre Pénicillines oui oui oui Céphalosporines oui oui oui Macrolides oui oui oui Polypeptidiques oui oui oui Tétracyclines non non non Aminosides non non non Phénicoles non non non Rifampicine non oui oui Sulfamides non non non Quinolones non non non Fluoroquinolones non non non Nitrofuranes non oui non Imidazolés non oui oui Différentes classes d’antibiotiques suivant le terme de la grossesse TABLEAU I NF E CT I ONS UR I NAI R E S AU COUR S DE L A GR OS S E S S E 1382 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 2 0 0 0 , 5 0 • Les bactériuries asymptomatiques nécessitent un dépistage systématique à 16 semaines d’aménorrhée par bandelettes réactives et bihebdomadaires pour les patientes à risque. • Le traitement de la pyélonéphrite repose sur une antibiothérapie intraveineuse, des antalgiques et antipyrétiques, et un traitement tocolytique. • Le risque obstétrical de la pyélonéphrite est l’accouchement prématuré. • Une pyélonéphrite sur obstacle est une urgence thérapeutique. Points Forts à retenir Mauroy B, Beuscart C, Biserte J et al. L’infection urinaire chez la femme enceinte. Progr Urol 1996 ; 6 : 607-22. Colau JC. Pyélonéphrites gravidiques. Rev Prat 1993; 43 : 9. POUR EN SAVOIR PLUS Physiopathologie L’infection se fait le plus souvent par voie ascendante, rarement par voie hématogène, à partir de germes anaux ou vaginaux. La contamination est favorisée pendant la grossesse par la stase urinaire. Cette stase est plus fréquente pour plusieurs raisons : – l’utérus gravide comprime les uretères entraînant une dilatation pyélocalicielle. Ce phénomène est plus important à droite du fait de la dextrorotation physiologique de l’utérus à droite ; – le reflux vésico-urétéral est plus fréquent ; – la progestérone inhibe la contractilité des fibres musculaires lisses urétérale et vésicale. Les germes les plus souvent retrouvés sont : – Escherichia coli : 60 à 90 %; – Klebsiella pneumoniæ-Enterobacter : 5 à 15 %; – Proteus mirabilis : 1 à 10 %; – Enterococcus fæcalis : 1 à 4 %; – streptocoque B: 1 à 4 %; – staphylocoque saprophyte : 1 à 11 %. Les facteurs de risque d’infection urinaire sont : – des conditions socio-économiques défavorisées ; – le diabète ; – les antécédents d’infections urinaires ; – les malformations urinaires ; – les antécédents de lithiase urinaire ; – les hémoglobinopathies ; – le sondage urinaire. POUR APPROFONDIR 107 L A R E V UE DU P R AT I CI E N ( P a r i s ) 1 9 9 9 , 4 9 Gynécologie - Obstétrique B 156 Interruption volontaire de grossesse Législation, épidémiologie, complications Dr Erick CAMUS 1 , Pr Israël NISAND 2 1. Gynécologie-obstétrique et biologie de la reproduction, université Paris V, CHIC Léon-Touhladjian, 78303 Poissy Cedex 2. Gynécologie, CMCO, 67303 Schiltingheim cedex 9 • Plus de 15 ans après la loi française dépénalisant sous certaines conditions l’avortement, l’IVG fait partie de la pratique courante gynécologique. Les risques encourus sont réduits. Dans les prochaines années, la part de l’IVG médicamenteuse et sous anesthésie locale ira sans doute en augmentant, dans un souci de réduire chez la femme les risques d’altération de son intégrité physique et de son avenir gynéco- obstétrical. • Par ailleurs, l’IVG restant un acte toujours affectivement important, sinon grave, dans la vie d’une femme, la prévention de l’IVG reste l’objectif médical absolu et nécessite des campagnes d’information sur la contraception notamment chez les mineures. Si l’accès aisé et égalitaire à l’IVG est en passe de devenir une réalité dans notre pays, celle-ci restera toujours un échec et une épreuve pour celles qui y recourent. Points Forts à comprendre Procédure légale Consultation initiale Le médecin sollicité est en droit de refuser la demande (clause de conscience) mais il doit en informer la patiente et la diriger vers un autre médecin, ou vers un établisse- ment pratiquant les IVG. Tout médecin est habilité à faire la consultation initiale mais il doit s’acquitter des 5 points suivants : • Pratiquer un examen gynécologique complet pour confirmer la grossesse et préciser l’âge gestationnel au besoin en s’aidant d’examens complémentaires. – Les antécédents médicaux, chirurgicaux et gynéco-obs- tétricaux (IVG, fausses couches spontanées, accouche- ments, infections pelviennes...) sont détaillés. Il faut insis- ter sur tous les éléments permettant de définir la date de fécondation : date des dernières règles normales et leurs caractères, la durée du cycle menstruel spontané, la méthode contraceptive utilisée et les motifs de son inter- ruption récente. L’examen au spéculum permet de vérifier la normalité du vagin, la position et l’aspect du col (violacé en début de grossesse, punctiforme chez la nulligeste). En cas de sus- picion d’infection locale, un traitement préopératoire est prescrit. On peut profiter de cet examen pour réalisr un frot- tis cervical. Le toucher vaginal apprécie la position et le volume utérin en le comparant à la date d’aménorrhée et recherche une pathologie associée (fibrome, kyste ovarien, etc.) Si l’utérus est trops gros, on évoque une erreur de terme (grossesse plus âgée), mais aussi une grossesse multiple, une grossesse molaire ou un utérus fibromateux. Si l’utérus est plus petit, il faut penser à l’absence de gros- sesse, à une grossesse plus jeune ou arrêtée voire à une grossesse extra-utérine. – La loi n’impose aucun examen particulier. L’obligation contractuelle liant le médecin à la patiente est une obliga- tion de moyens. Il doit donc s’aider d’éventuels examens complémentaires afin de respecter les conditions définies par la loi. S’il y a un doute sur l’existence de la grossesse, le dosage d’hormone chorionique gonadotrophique humaine (hCG, human chorionic gonadotrophin) peut être utile mais n’apporte aucun renseignement sur l’évolutivité et la localisation de cette grossesse. Le seul examen utile reste l’échographie, par voie abdominale ou mieux encore La mortalité et la morbidité maternelles, autrefois très importantes au cours de l’avortement clandestin, ont été notablement réduites depuis que les lois de 1975 et 1979 ont autorisé et médicalisé l’interruption de la grossesse en France avant 10semaines de grossesse. Depuis que cette loi a été promulguée, l’avortement a fait l’objet de progrès médicaux réduisant les complications et substituant le monopole du curetage utérin sous anesthésie générale à des techniques instrumentales et médicamenteuses moins agressives et ambulatoires. L’interruption volontaire de grossesse (IVG) reste cependant un geste qui n’est pas dénué de complication et certains retentissements psycho- logiques peuvent en témoigner. Enfin, notre société se voit désormais confrontée au problème de la prévention effi- cace des grossesses non désirées, tout particulièrement chez les jeunes. 108 L A R E V UE DU P R AT I CI E N ( P a r i s ) 1 9 9 9 , 4 9 I NT E R R UP T I ON V OL ONT AI R E DE GR OS S E S S E 12 semaines risque d’être dépassé. Si la femme persiste dans sa demande, elle la confirme par écrit lors de la seconde consultation. Le médecin précise la technique et l’anesthésie employées et leurs risques potentiels. Par ailleurs, il explique et prévoit la contraception ultérieure et vérifie que la femme possède une carte de groupe. Outre l’aspect médical et technique, le versant psycho-affectif et social de la patiente doit être pris en compte. C’est même l’élément le plus important de cette consultation où se déroulent des événements importants dans l’histoire de la patiente. • Les documents doivent être conservés un an par l’éta- blissement. La réalisation de chaque IVG entraîne une déclaration anonyme par le médecin qui la pratique (feuille statistique) qui est adressée au médecin inspecteur régio- nal dans un délai de 1 mois. Techniques d’interruption de grossesse La méthode la plus employée, quel que soit l’âge de la gros- sesse dans les délais prévus par la loi, reste l’aspiration endo-utérine classique. Cependant, avant 7 semaines d’aménorrhée, 2 autres méthodes sont aussi utilisées : l’as- piration endo-utérine précoce ou régulation menstruelle et, plus récemment l’IVG médicamenteuse. Aspiration endo-utérine précoce ou régulation menstruelle Dans les 15 jours à 3 semaines qui suivent la date des règles manquantes, une aspiration endo-utérine ambulatoire peut être réalisée. On utilise une canule de Karman raccordée à une seringue de 50 cm 3 de préférence autobloquante. L’in- tervention peut se faire sans dilatation et sans anesthésie avec une simple prémédication par un anxyolytique chez une patiente à jeun. En pratique, une dilatation cervicale modérée peut être nécessaire pour utiliser une canule souple de 5 à 6 mm de diamètre ainsi qu’une anesthésie locale par bloc paracervical à la lidocaïne (Xylocaïne 1 %) sans adré- naline (10 mL sont généralement suffisants, 5 mL de chaque côté du col à 4 h et 8 h). Dans la majorité des cas, l’IVG peut être réalisée sans aucune anesthésie à condition que l’opérateur donne des explications précises sur ses gestes et rassure la patiente pendant l’intervention. Méthodes médicales Bien que l’aspiration soit une technique fiable et éprouvée, elle nécessite un matériel spécifique et un personnel expé- rimenté. Les méthodes médicales se proposent d’obtenir des avortements spontanés précoces c’est-à-dire une hémorragie avec expulsion ovulaire complète sans révision utérine. Ces méthodes ne sont possibles que pour des gros- sesses jeunes (inférieures à 7 semaines d’aménorrhée) mais présentent l’avantage d’être ambulatoires, sans anesthésie et sans geste intra-utérin. En revanche, elles nécessitent un contrôle échographique pour s’assurer de la vacuité uté- rine. Leur acceptabilité paraît satisfaisante. Sont à consi- par voie vaginale avant la 5 e semaine. Elle n’est formelle qu’en présence d’un sac ovulaire intra-utérin avec un embryon présentant une activité cardiaque. • Informer clairement et d’une façon adaptée la patiente sur les méthodes d’interruption de grossesse, sans occul- ter les risques potentiels liés à la pratique de l’IVG. • La renseigner sur les avantages et aides sociales aux- quelles elle a droit si elle maintient sa grossesse. • Rédiger un certificat attestant que la patiente demande une IVG et qu’elle se trouve dans les délais légaux. • Remettre à la patiente le dossier guide édité par la Direc- tion départementale des affaires sanitaires et sociales (DDASS) et l’adresser en consultation dans un centre d’IVG agréé ou un centre de planification où elle pourra avoir l’entretien prévu par la loi avec un travailleur social formé, une psychologue, une assistante sociale ou un méde- cin, dans le délai de réflexion prévu. Au terme de cet entre- tien, une attestation est remise à la patiente portant men- tion de la date de cet entretien. Loi française et interruption volontaire de grossesse L’avortement a été légalisé selon certaines conditions depuis les lois du 17 janvier 1975 (dite Veil) et du 31 décembre 1979 (dite Pelletier) suspendant ainsi les effets de l’article 317 du code pénal français qui interdi- sait cet acte. L’IVG est autorisée lorsqu’elle est demandée par une femme majeure s’estimant en état de détresse, avant la 10 e semaine de grossesse, soit la 12 e semaine d’aménorrhée. L’état de détresse est une notion subjective laissée à la libre interpréation de la femme. Elle n’a pas besoin de l’avis de son mari, si elle est mariée. Pour les patientes mineures, la demande doit être accom- pagnée du consentement d’un des parents, ou du repré- sentant légal (tutelle, juge pour enfants). Pour les patientes étrangères, en dehors des réfugiées poli- tiques, une justification de résidence en France de plus de 3 mois est exigée. L’IVG doit être réalisée par un médecin exerçant dans un établissement hospitalier public ou privé agréé (article L.178 du code de santé) et non au cabinet du médecin. Les établissements privés sont astreints à ne pas dépasser un quota d’IVG égal au quart de leurs actes chirurgicaux ou obstétricaux. La loi du 31 décembre 1982 prévoit la prise en charge à 80 % par l’assurance-maladie des frais liés à l’IVG. La tari- fication des IVG est soumise à la réglementation, et déter- minée par arrêté ministériel. Les forfaits dépendent de l’anesthésie utilisée (locale ou générale) et de la durée d’hospitalisation (moins de 12 heures ou de 24 heures). En cas de complications, les frais d’hospitalisation au-delà de 48 heures sont pris en charge selon les règles habituelles de l’assurance-maladie. Seconde consultation médicale • L’IVG ne peut avoir lieu qu’après un délai de réflexion de 8 jours à la suite de la première demande. Ce délai peut être réduit à 2 jours (procédure d’urgence) si le terme de 109 L A R E V UE DU P R AT I CI E N ( P a r i s ) 1 9 9 9 , 4 9 Gynécologie - Obstétrique dérer comme un échec, les grossesses évolutives persis- tantes, les rétentions de grossesses arrêtées, et les révisions utérines pour hémorragie importante. 1. Prostaglandines Elles stimulent le myomètre et les fibres musculaires lisses et provoquent une maturation cervicale. Les contractions utérines peuvent être douloureuses et l’ex- pulsion ovulaire s’accompagne d’une hémorragie plus abondante que les règles. Trois analogues des prostaglan- dines sont employés. L’importance des effets secondaires est proportionnelle à la dose et à la durée du traitement : – misoprostol (Cytotec) per os à la dose de 200 µg; – géméprost (Cervagème) par voie vaginale un ovule de 1 mg ; – sulprostone (Nalador 500) par voie intramusculaire. Les effets secondaires sont gastro-intestinaux (nausées, vomissements, diarrhée) ou respiratoires (bronchocons- triction, crise d’asthme). Les contre-indications sont : une hypertension artérielle sévère non contrôlée, des antécédents cardiovasculaires graves et coronariens, un asthme instable, une dyslipidé- mie majeure, un traitement par anti-inflammatoires non stéroïdiens à fortes doses. 2. Antiprogestérones La progestérone est indispensable au développement et au maintien initial de la grossesse. L’ablation du corps jaune dans les 2 premiers mois de la grossesse entraîne un avor- tement. • Le RU 486 ou mifépristone (Mifégyne), progestérone de synthèse, agit comme une anti-hormone en se fixant sur les récepteurs de la progestérone. On bloque ainsi les méca- nismes d’action cellulaire de cette hormone. Pendant la phase lutéale, la mifépristone entraîne une lutéo- lyse précoce avec saignements dans les 72 heures suivant la prise médicamenteuse dans 90 % des cas. Pendant la grossesse, la déciduale, qui contient un nombre élevé de récepteurs à la progestérone, est la première cible de la mifépristone. Elle provoque une nécrose déciduale péri- ovulaire avec saignements (l’endothélium vasculaire est endommagé) et une augmentation de la production de pros- taglandines par l’endomètre. L’activité antiprogestérone augmente la contractilité du myomètre induite par l’éléva- tion des prostaglandines. Par ailleurs, les prostaglandines ramollissent et dilatent le col et cet effet cervical favorise l’évacuation de l’utérus. L’hCG ne s’élève plus dès que la mifépristone est administrée et chute rapidement quand l’embryon est en cours d’expulsion. La chute de l’hCG a un effet lutéolytique secondaire et irréversible. La mifé- pristone agit directement sur l’endomètre en détachant l’œuf, puis secondairement sur le myomètre provoquant son expulsion. Le mécanisme de la mifépristone est donc double, direct par action antiprogestérone et indirect par l’intermédiaire des prostaglandines. • La mifépristone seule en dose unique de 600 mg, pour des aménorrhées inférieures à 42 jours, permet d’obte- nir une efficacité de 80 à 85 %. L’hémorragie est parfois importante justifiant un curetage hémostatique (1,3 %). Les autres effets secondaires sont très discrets (asthénie, dou- leurs pelviennes, nausées et vomissements) sans qu’on puisse les distinguer des douleurs survenant au cours d’un avortement spontané. 3. IVG médicamenteuse : mifépristone associée aux prostaglandines • L’existence d’échecs de la mifépristone seule a fait dis- cuter la possibilité d’une production locale insuffisante de prostaglandines après son administration, d’où l’idée d’as- socier une prostaglandine. En début de grossesse, la prise de mifépristone accroît la contractilité utérine, des contractions utérines régulières apparaissent 36 à 48 heures après le début du traitement. La sensibilité du myomètre aux analogues des prostaglandines est accrue après traitement par mifépristone et de faibles doses ont alors un effet manifeste. À l’opposé, les prostaglandines naturelles et l’ocytocyne sont sans effet dans les mêmes conditions. En l’absence de prostaglandines, le risque d’échec de la méthode atteint 20%. • En France, plusieurs études ont associé la dose unique de 600 mg de mifépristone à des analogues des prosta- glandines. Les taux de succès obtenus sont supérieurs à 96 % pour des grossesses de 49 jours d’aménorrhée au maximum. La durée moyenne du saignement est de 8 à 10 jours. Dans 80 % des cas, l’expulsion ovulaire a lieu le jour de l’administration des prostaglandines. Déroulement de l’IVG médicamenteuse • La première consultation doit avoir lieu avant le 42 e jour d’aménorrhée compte tenu des délais légaux de réflexion. Lors de la deuxième consultation, au plus tard au 49 e jour d’aménorrhée, 600 mg de mifépristone (soit 3 comprimés à 200 mg) sont ingérés en une seule prise par voie orale en présence du médecin. La signature d’une lettre de consen- tement par la patiente atteste de ce qu’elle a été totalement informée de la méthode (procédure identique à l’aspira- tion-curetage) et de ses risques (notamment l’échec condui- sant à l’aspiration-curetage). Ce médicament est inscrit sur la liste I et sa délivrance est réservée aux établissements d’hospitalisation publics ou privés satisfaisant aux dispo- sitions de l’article L.176 du Code de la santé publique, pro- priétaires d’une pharmacie en application de l’article L.577 du même code. Sa délivrance est en outre soumise à des dispositions particulières précisées par arrêté. • La prescription de mifépristone doit impérativement être suivie, 36 à 48 heures plus tard, de celle d’un analogue des prostaglandines par voie vaginale ou orale. Deux ana- logues des prostaglandines sont actuellement recomman- dés en association avec la mifépristone : – le misoprostol (Cytotec) s’utilisant per os à la dose de 200 µg en une prise unique 36 à 48 heures après la mifé- gyne – le géméprost (Cervagème) s’utilisant per os à la dose d’un ovule de 1 mg 36 à 48 heures après la mifégyne. Ces 2 prostaglandines associées à la mifépristone permet- tent d’obtenir un taux de succès de l’ordre de 96 %. La sulprostone (Nalador 500) s’utilisait par voie intra- musculaire 36 à 48 heures après la mifégyne. Il est recom- mandé de ne plus recourir actuellement à cet analogue des prostaglandines dans cette indication car, associée à la mifé- 110 L A R E V UE DU P R AT I CI E N ( P a r i s ) 1 9 9 9 , 4 9 I NT E R R UP T I ON V OL ONT AI R E DE GR OS S E S S E gyne, de rares accidents cardiovasculaires graves (infarc- tus du myocarde, fibrillation ventriculaire) sont survenus chez des femmes de plus de 30 ans fumant plus de 10 ciga- rettes par jour. • Pendant l’administration et pendant les heures qui sui- vent l’administration de l’analogue de la prostaglandine, les patientes doivent rester sous surveillance médicale. Par ailleurs, la patiente doit contacter le centre prescripteur où s’y rendre en cas de phénomène anormal notamment en cas de métrorragies très abondantes. Dans 80 % des cas, l’expulsion ovulaire a lieu le jour de l’utilisation de la pros- taglandine. • Une consultation de contrôle doit avoir lieu impérative- ment dans un délai de 8 à 12 jours après la prise de mifé- pristone pour vérifier (examen clinique, examen échogra- phique, voire taux d’hCG) que l’expulsion a été complète. En cas d’échec de la méthode, une aspiration-curetage est réalisée. • Le recours à l’IVG médicamenteux est évité, par mesure de précaution et dans l’attente d’une expérience plus large, chez les fumeuses de plus de 35 ans, chez les femmes ayant des affections et des antécédents cardiovasculaires (angine de poitrine, syndrome ou maladie de Raynaud, troubles du rythme, insuffisance cardiaque, hypertension artérielle sévère), dans le diabète insulinodépendant, l’insuffisance rénale, l’insuffisance hépatique. En outre, il est recommandé aux patientes de s’abstenir de fumer dans les jours qui précèdent l’utilisation de prosta- glandines, ainsi que le jour même. Aspiration endo-utérine classique Entre 7 et 12 semaines, soit au-delà du 50 e jour de gesta- tion, on a recours à des techniques plus classiques. À cette période, le diagnostic clinique est évident. En échographie, le sac ovulaire mesure 20 mm à 7 semaines d’aménorrhée et contient un embryon de 10 mm. À 12 semaines d’amé- norrhée, il atteint 60 à 70 mm de diamètre et contient un embryon de 10 mm. À 12 semaines d’aménorrhée, il atteint 60 à 70 mm de diamètre et contient un embryon de 50 à 55 mm dont le pôle céphalique mesure 20 mm de diamètre. L’évacuation chirurgicale de l’utérus est alors préférable. L’aspiration requiert presque toujours une dilatation cer- vicale et une anesthésie locale est nécessaire. Malgré cela, l’aspiration du premier trimestre est une inter- vention sûre et la fréquence des incidents diminue avec l’expérience des opérateurs. Pour éviter les complications, il faut un matériel adéquat utilisé correctement pour les dif- férents temps de l’IVG: l’anesthésie, la dilatation et l’as- piration. Dans ces conditions, la pratique actuelle des IVG est sans conséquence sur l’avenir obstétrical des patientes. Mesures complémentaires et contraception Traitements complémentaires Quel que soit le type d’IVG, dans les suites immédiates, le Métherginen en intramusculaire facilite la rétraction uté- rine et peut être poursuivi per os dans les jours suivants. L’antibiothérapie prophylactique n’est aucunement justi- fiée dans les suites d’une IVG, sauf indications particu- lières. La prévention de l’immunisation Rhésus doit être systé- matique chez toutes les femmes Rhésus négatif dans les heures qui suivent l’expulsion. La dose standard de 85 µg de gammaglobulines est suffisante pour les IVG et peut être suivie par un contrôle (recherche d’anticorps résiduels) effectué 48 heures après l’injection. Contraception L’IVG constitue un échec de la contraception et reste un moment privilégié pour entreprendre une prescription effi- cace. Quelle que soit la technique utilisée, l’ovulation peut survenir 15 à 20 jours après l’expulsion ovulaire. Il est donc nécessaire d’envisager la contraception dès l’IVG et non pas après le retour des règles. Comme pour toute contra- ception, le choix de la méthode doit tenir compte des contre-indications mais la préférence se fera d’abord vers une contraception orale. Ce choix a longtemps été guidé par le désir d’aboutir à une régénération optimale de l’en- domètre. Pour ce faire, beaucoup d’auteurs prescrivent de préférence un contraceptif œstroprogestatif de type séquen- tiel. En fait, cette prescription juste après l’aspiration n’ac- célère pas ou peu la régénération et la prolifération de l’en- domètre, ne modifie pas les réactions inflammatoires locales et semble même retarder l’élimination des résidus trophoblastiques. Il semble donc plus simple de prescrire immédiatement la préparation œstroprogestative que l’on envisage de choisir pour la patiente. Le début de la prise du contraceptif se fera le jour ou le lendemain de l’expul- sion ovulaire. La pose d’un dispositif utérin peut être envisagée à la suite d’une IVG mais doit rester l’exception. Il n’existe aucun surcroît de complication ou d’expulsion du stérilet. Consultation de contrôle Toute IVG doit être contrôlée par une consultation à dis- tance de celle-ci (15 à 20 jours). C’est le seul moyen de s’assurer que la procédure n’a pas été suivie de complica- tion, et que la grossesse est bien interrompue. Cette consul- tation permet aussi de s’assurer que la contraception a non seulement été prescrite, mais utilisée et d’évaluer le reten- tissement psychologique de l’IVG sur la patiente. 1. Anesthésie • L’anesthésie locale est préférée à l’anesthésie générale car elle présente plusieurs avantages : simplicité car elle est réalisée par l’opérateur lui-même, commodité et éco- nomie car elle permet une intervention ambulatoire, inno- cuité car sa morbidité est plus faible. L’anesthésique utilisé est la lidocaïne (Xylocaïne 1 %) sans adrénaline, chez une patiente à jeun et éventuellement pré- médiquée par un anxyolytique. Bien que moins confortable pour l’opérateur, cette tech- nique est très bien tolérée par les patientes mais nécessite une approche différente de dialogue et des explications ras- surantes en cours d’intervention. Deux techniques d’anesthésie locale sont possibles après désinfection du col et du vagin : 111 L A R E V UE DU P R AT I CI E N ( P a r i s ) 1 9 9 9 , 4 9 Gynécologie - Obstétrique – le bloc paracervical, où l’on injecte 5mL de Xylocaïne 1% de chaque côté, au ras du col dans le cul-de-sac vagi- nal (à 4 heures et 8 heures) après s’être assuré en aspirant de ne pas faire une injection intravasculaire ; – l’injection intracervicale est moins utilisée. On injecte la Xylocaïne 1% sur 4 à 5cm de profondeur de part et d’autre du canal cervical et parallèlement à celui-ci. • L’anesthésie générale nécessite une consultation pré- opératoire par l’anesthésiste et impose une hospitalisa- tion plus longue (6 à 12 heures de surveillance). Elle n’est pas dénuée de risques. Elle peut être discutée devant des impératifs techniques particuliers (dilatation présumée dif- ficile, âge gestationnel avancé, nulliparité et combinaison de ces différents facteurs) et de la personnalité de la patiente (pusillanimité, vaginisme). L’une des fonctions des consul- tations préopératoires est alors de prévoir ces obstacles et de faire en sorte qu’une anesthésie générale soit réalisable le cas échéant. 2. Dilatation La vessie doit être vide. Après mise en place d’une pince de Pozzi sur la lèvre antérieure du col, une traction douce redresse l’angle cervico-isthmique. Deux types de dilata- teurs peuvent être utilisés : les bougies en gomme souple de Dalsace et les dilatateurs métalliques à bout conique. Les dilatateurs sont introduits par ordre croissant jusqu’à 8 à 9 mm de dilatation. Afin de faciliter cette dilatation, certains utilisent des prostaglandines naturelles ou des ana- logues des prostaglandines quelques heures avant l’IVG. 3. Aspiration • Elle est réalisée avec des canules d’aspiration (canules de Karman) en plastique transparentes à usage unique dont l’extrémité est biseautée. Ces canules sont reliées à une seringue à butée, ou à un aspirateur électrique par un tuyau souple et transparent branché sur un manchon métallique qui sert de raccord entre le tuyau et la canule. Ce manchon métallique est équipé d’une bague coulissante permettant d’ouvrir ou de fermer le système d’aspiration. Lors de la dépression, on associe des mouvements de va- et-vient dans la cavité utérine sans franchir le col et des mouvements de rotation axiale qui détachent lentement le trophoblaste. En fin d’aspiration, on ne ramène plus rien et le contrôle de la vacuité utérine est assuré par une sen- sation rugueuse au contact des parois de l’endomètre ainsi que par la rétraction utérine sur la canule d’aspiration ou sur une curette-mousse introduite à cet effet. • On examine les débris ovulaires en vérifiant la présence de fragments embryonnaires et de villosités choriales qui prennent un aspect arborescent en suspension dans le liquide. Le volume du produit d’aspiration doit corres- pondre à la date d’aménorrhée. En cas de doute, on asso- cie un contrôle par une échographie voire un examen ana- tomopathologique en cas de suspicion de môle ou de grossesse extra-utérine (ces 2 diagnostics auraient dû être évoqués à la consultation initiale). • La durée de la surveillance post-opératoire dépend du type d’anesthésie et de l’importance des saignements. En cas d’anesthésie locale, après quelques heures de sur- veillance, la sortie est autorisée en précisant à la patiente les suites normales auxquelles elle doit s’attendre. Au 3 e ou 4 e jour, il existe souvent une reprise des saigne- ments, avec contractions utérines qui correspond à une hématométrie secondaire, rapidement résolutive sous utéro- toniques et antibiotiques mais quelquefois difficile à dif- férencier d’une endométrite ou d’une rétention ovulaire. Dans tous les cas de douleurs, de fièvre supérieure à 38 °C ou de saignement important, il est conseillé à la patiente de consulter au centre d’IVG. Épidémiologie Complications immédiates 1. Accidents anesthésiques • Au cours des anesthésies générales, il existe 1 accident sur 2 000 et 1 décès sur 8 000. Les causes de la mort peu- vent être un non-respect des contre-indications anesthé- siques, un arrêt cardiaque réflexe ou un choc allergique. • Au cours de l’anesthésie locale à la Xylocaïne, un pas- sage vasculaire peut provoquer des convulsions suivies d’asphyxie, un choc anaphylactique ou un simple collap- sus avec bradycardie. Leur prévention nécessite d’aspirer toujours avant d’injecter et de ne jamais administrer des doses trop élevées.Ils sont rares depuis que la dose de 10 cm 3 de Xylocaïne à 1 % n’est plus dépassée et se tra- duisent plus volontiers par de légers incidents : vertiges, bourdonnements d’oreille, somnolence. 2. Hémorragies Elles surviennent essentiellement pendant l’intervention et dans l’heure qui suit et restent exceptionnelles avant 8 semaines d’aménorrhée. Environ 0,05 % des hémorra- gies dépassent 500 cm 3 . Elles peuvent être la conséquence d’utérus fibromateux, de troubles de l’hémostase et d’as- piration incomplète. Leur fréquence augmente avec l’âge gestationnel. L’anesthésie locale en diminue le risque. Les statistiques américaines donnent 0,32 % d’hémorragies sous anesthésie locale contre 0,54 % sous anesthésie géné- rale. Le Méthergin injecté de façon systématique ne semble pas diminuer les pertes sanguines mais s’accompagne sou- vent de nausées et de vomissements. 3. Perforations • Le diagnostic de perforation n’est pas toujours facile, mais on peut le suspecter lorsque la bougie, lors de la dila- tation, ou la sonde, lors de l’aspiration, pénètrent trop loin et trop facilement sans rencontrer d’obstacle. L’échogra- phie peut aider au diagnostic dans ce contexte. Dans tous les cas de perforation, il est indispensable de vider l’utérus afin de permettre son hémostase et de pré- venir une surinfection possible. Il faut distinguer : – la perforation faite au cours de la dilatation: la réalisa- tion de l’IVG doit se poursuivre sous contrôle échogra- phique. La glace sur le ventre et des antibiotiques associés 112 L A R E V UE DU P R AT I CI E N ( P a r i s ) 1 9 9 9 , 4 9 I NT E R R UP T I ON V OL ONT AI R E DE GR OS S E S S E à une surveillance de la température à la recherche d’une infection pelvienne, éventuellement un contrôle échogra- phique pour éliminer un hémopéritoine, constituent la marche à suivre dans cette situation; – la perforation faite au cours de l’aspiration : le risque de perforation intestinale est non négligeable. Ce type de perforation impose une cœlioscopie pour vérifier correc- tement le tube digestif et voir une plaie digestive ou l’in- carcération d’une anse dans le muscle utérin. Les perfo- rations méconnues ou les interventions les jours suivants pour péritonite ont un pronostic beaucoup plus sombre. • Les perforations doivent être distinguées de la fausse route, complication le plus souvent mineure et qui corres- pond à l’effraction de la paroi du col et de l’isthme lors de la dilatation par la bougie. Celle-ci nécessite le plus sou- vent la réalisation de l’IVG sous contrôle échographique afin de retrouver le trajet cervical normal. 4. Hématométrie Elle peut survenir dans l’heure qui suit l’IVG et peut être facilement traitée par une nouvelle dilatation et aspiration. 5. Déchirures du col Elles sont rares et sont habituellement bénignes, corres- pondant à des déchirures partielles, saignant peu et laissant une cicatrice sans importance pour l’avenir gynéco-obsté- trical. Un très petit nombre nécessite une suture hémosta- tique. Elles sont plus fréquentes sous anesthésie générale. Les statistiques de l’OMS donnent 0,10 à 1,18%. 6. Malaise vagal Il apparaît le plus souvent au cours de la dilatation. Il est facilement prévenu par une prémédication, une anesthésie locale ou plus simplement par une information précise et une attention soutenue aux interrogations de la patiente. Complications secondaires 1. Échec de l’IVG Les échecs sont rares : moins de 0,5% par aspiration et 4 % par IVG médicamenteuse. Ils peuvent être le fait d’une interruption très précoce (régu- lation menstruelle ou IVG médicamenteuse sans contrôle ultérieur), d’une insuffisance technique ou d’une malfor- mation utérine. Une aspiration secondaire sous échogra- phie est alors proposée. 2. Rétention placentaire Elle se traduit par des métrorragies abondantes, un utérus cliniquement non involué et par des images hyperécho- gènes à l’échographie. Les études américaines rapportent un taux de rétentions de 0,75 %. Une aspiration-curetage secondaire se fait sous échographie. 3. Complications infectieuses La fréquence des complications infectieuses varie de 0,5 à 12% selon les critères retenus. Ces complications septiques peuvent se résumer à une simple réaction fébrile, mais il peut s’agir également d’une endométrite (pertes nauséa- bondes, utérus sensible, hyperthermie) qui peut diffuser aux structures de voisinage (phlegmon du ligament large, salpingite, pelvi-péritonite) ou par voie sanguine (septicé- mie). L’utilité de la prévention antibiotique systématique n’a jamais été formellement démontrée et aurait l’inconvénient de sélectionner des germes et de masquer des états sep- tiques à leur début. Cette antibioprophylaxie est à réserver à des groupes à risques (antécédents d’infections pel- viennes, cardiopathies orificielles). 4. Retentissement sur la fertilité ultérieure La fréquence de la stérilité secondaire à une IVG est diffi- cile à apprécier et semble peut-être supérieure pour les nul- lipares. Cependant, de nombreux auteurs, comparant la fer- tilité des femmes ayant avorté à celle des femmes ayant accouché, ne trouvent pas de différence dans les 2 groupes. Ces stérilités sont en général liées à une infection post- abortum susceptibles d’entraîner une obturation tubaire bilatérale ou la survenue d’une grossesse extra-utérine. La fréquence des synéchies est sûrement sous-estimée. Ces synéchies sont plus fréquemment observées après curetage qu’après aspiration et surtout lors des curetages secondaires dans un contexte fébrile. Le diagnostic est hystérogra- phique ou hystéroscopique. L’incidence de la béance cervico-isthmique responsable d’avortements tardifs ultérieurs ou d’accouchements pré- maturés est encore mal précisée. Le risque d’avortement spontané tardif ou celui d’accouchement prématuré aug- mente dans la population avec le nombre d’IVG, surtout chez la nullipare et si la dilatation a dépassé 12 mm. 5. Iso-immunisation L’iso-immunisation Rhésus secondaire à une IVG ne devrait plus s’observer depuis que l’on prescrit systémati- quement une injection de gammaglobulines chez les femmes Rhésus négatif. Le taux d’iso-immunisation Rhésus secondaire à une IVG serait d’environ 7 % en l’absence de séroprévention. 6. Complications psychiatriques et psychologiques Elles ont une gravité et une symptomatologie très variées. C’est en général un sentiment de culpabilité que l’on observe après IVG. Le taux de regrets serait de l’ordre de 5 % dans les statistiques américaines. Parallèlement, une grossesse non désirée est source d’agression pour la mère et peut interférer sur la qualité du développement fœtal avec corrélation entre l’attitude négative de la mère par rapport à sa grossesse et la mortalité périnatale. De nombreuses études ont signalé l’évolution des grossesses dont la demande d’avortement avait été rejetée : 12 à 17 % de ces enfants doivent faire l’objet d’un placement ou d’une adop- tion, avec une fréquence plus importante de maladies men- tales et de comportements délinquants. La fédération internationale pour la planification familiale, reprenant la plupart des études menées dans de nombreux pays, estime que les femmes en parfait état physique et 113 L A R E V UE DU P R AT I CI E N ( P a r i s ) 1 9 9 9 , 4 9 Gynécologie - Obstétrique mental, ont peu de conséquences psycho-affectives. Des manifestations psychiatriques majeures peuvent s’ob- server, en particulier chez les patients psychotiques et nécessitent donc une prise en charge psychiatrique pré- ventive. Ces complications sont moindres lors de l’IVG médicale où la patiente partage avec le corps médical les gestes qui déclencheront l’avortement. Le seul véritable problème est lié à l’intensité de la douleur parfois mal acceptée. I POUR APPROFONDIR 1 / Épidémiologie La loi rend obligatoire l’enregistrement des IVG (par un bulletin) pour permettre le suivi statistique du phénomène. L’analyse est confiée à l’Institut national d’étude démographiques (INED) et à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM). 1. Répartition géographique et type de structure La fréquence des IVG est plus importante dans le sud du pays que dans le nord. Environ 70% des IVG sont pratiquées dans le secteur public. Le cas de la région Île-de-France est particulier puisque le privé y assure la majeure partie des interventions. 2. Âge et parité • Pour les femmes âgées de moins de 18 ans, le nombre moyen d’IVG par femme diminue et la propension à avorter (risque de faire pratiquer une IVG mesuré pour 100 conceptions) augmente : les grossesses non désirées sont plus rares, et lorsqu’il en survient une, elle se termine le plus souvent par une IVG. Elles représentent 6 % des IVG (insuffisance d’utilisation de méthode contraceptive). • Les IVG de femmes non mariées concernent des femmes de moins en moins jeunes : en 1980, 25% avaient moins de 20 ans et 65 % moins de 25 ans. Les IVG de femmes mariées concernent plutôt des femmes entre 25 et 35 ans (54 % en 1989). • Les femmes qui avortent le font pour la première fois dans 90 % des cas : 34% sont nulligestes et 10 % d’entre elles ont déjà un enfant. La proportion des IVG pratiquées après une ou plusieurs IVG a progressé de 10 points en 10 ans. Les interruptions de rang 3 ou plus restent rares. Après la naissance d’un enfant vivant, si la femme est enceinte au cours de la même année civile, elle refuse de poursuivre la grossesse dans 1 cas sur 3 au moins. Par ailleurs, c’est quand elles ont déjà 3 enfants que les femmes mariées ont le plus recours à l’IVG. 3. Statut socio-économique De 1980 à 1989, les IVG de femmes non mariées sont devenues majoritaires, passant de 48 à 61 %. La propension à avorter des femmes étrangères n’est pas globalement très différente de celle des femmes françaises, mais évolue légèrement à la hausse surtout pour les femmes non mariées ; 45% sont ouvrières ou employées de service. Ce sont donc les femmes les plus défavorisées sur le plan social qui ont le plus recours à l’IVG. 4. Âge gestationnel, techniques et anesthésie • Neuf IVG sur 10 ont lieu avant la fin de la 8 e semaine ; ce chiffre reste stable. Seules les IVG très précoces, moins de 5 semaines, ont presque doublé, passant de 9 % en 1980 à 17% en 1989 et l’apparition de l’IVG médicamenteuse accentue cette évolution. À l’autre extrême, les IVG à plus de 10 semaines ont un peu augmenté, de 1,3 à 2 %. • La technique prédominante, et dont l’importance croît jusqu’en 1987, est l’aspiration, avec plus de trois quarts des interventions. La phase de dilatation est encore mécaniquement provoquée dans 18% des cas. Le contrôle à la curette s’ajoute à l’aspiration dans 20 % des cas. Le curetage reste peu fréquent et diminue, de 4,5 % en 1980 à 1,5% en 1988. • L’apparition du RU 486, à l’essai en 1988 et autorisé dans le cours de l’année 1989, a bouleversé la pratique de l’IVG et a représenté environ 9 % des interventions en 1989 et 12 % en 1991. • L’anesthésie locale a progressé lentement et régulièrement au détriment de l’anesthésie générale et de l’absence d’anesthésie, sauf en 1989 où l’arrivée du RU 486 explique l’augmentation des IVG sans anesthésie. Le statut de l’établissement paraît très discriminant pour l’anesthésie : dans le public, l’anesthésie générale a diminué de 60 à 51 % au cours de la décennie. Dans le privé, 96% des IVG se faisaient sous anesthésie générale en 1980. La diminution est lente car en 1988, ce taux était de 90 %, ce qui sous-entend un coût et un risque plus élevés. Avant 12 semaines d’aménorrhée, la fréquence des complications est inférieure à 5 % et les complications graves sont beaucoup plus rares actuellement. Ce taux de complications s’accroît avec l’âge de la grossesse. La morbidité est 2 fois plus élevée sous anesthésie générale que sous anesthésie locale. 2 / Fréquence et nombre d’IVG Il est difficile de chiffrer le nombre d’IVG exact en France car le recueil optimal des feuilles statistiques n’est que de 88 % et s’est dégradé à par- tir de 1985. Ce chiffre semble mieux approché par le nombre des IVG remboursées bien que quelques IVG soit comptabilisées comme des cure- tages dans certains établissements. Le chiffre des actes enregistrés par le système des bulletins statistiques semble rester stable : 170000 en 1980, 163000 en 1989, 170428 en 1990, 181154 en 1991. Ces chiffres représentent 20 à 25 IVG pour 100 naissances vivantes. Une femme sur 2 en âge de procréation aura une IVG dans sa vie. L’incidence de fécondité est stable depuis 1976 à 1,8 (2,1 est le chiffre de renouvellement minimal). Le lien entre l’IVG et la baisse de natalité n’est pas bien établi mais cette baisse est apparue déjà 10 ans avant la mise en place de la loi sur l’avortement. Guignon N. Les interruptions volontaires de grossesse en France de 1980 à 1989. Solidarité Santé. Études statistiques 1992; 4 : 49-53. Soutoul JH, Magnin G, Diarra S, Beaumont E. Avortements médi- caux. Encycl Med Chir (Paris : France), Gynécologie, 4 : 738 B 10 . Ferrand M, Jaspard M. L’interruption volontaire de grossesse. Paris, PUF, Que sais-je ? 1987: 2382. Aubeny E. L’anesthésie locale dans les IVG jusqu’à 10 SR d’amé- norrhée. Contraception Fertil Sexual 1983 (suppl)n ; 11 : 575-81. Audra Ph. Techniques et pièges des IVG. Paris : Vigot. Mises à jour en gynécologie obstétrique 1983 : 99-114. POUR EN SAVOIR PLUS Date des dernières règles Date de début de grossesse Date limite légale de l'IVG Absence de règles Date limite pour l’IVG par RU 486 2 semaines d'aménorrhée 4 semaines d'aménorrhée 7 semaines d'aménorrhée 12 semaines d'aménorrhée première consultatio médicale entretien social deuxième consultatio médicale Points Forts à retenir Gynécologie - Obstétrique A 16 2029 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 1 9 9 9 , 4 9 anti-infectieuses et empêchent la multiplication des germes sauf pour Candida albicans qui peut se dévelop- per en milieu acide. Les sécrétions vaginales sont riches en bactéries. On en trouve de 10 6 à 10 8 /mL en aérobiose. Ces espèces peu- vent être avec ou sans potentiel pathogène (tableau I). Toute transformation du milieu peut entraîner une prolifération de ces germes non pathogènes qui peuvent ainsi le devenir. Clinique La leucorrhée est physiologique si elle est blanche et a une viscosité élevée, si elle ne provoque aucun trouble fonctionnel (irritations, prurit), ne sent pas mauvais, ne s’accompagne pas d’une modification vulvaire, vaginale ou cervicale et si elle ne contient que de rares poly- nucléaires non altérés sans germe spécifique d’une infection, avec une flore polymorphe accompagnant les bacilles de Döderlein. Leucorrhée pathologique Circonstances de découverte Les symptômes décrits par les patientes sont variés et l’importance des leucorrhées n’est pas corrélée aux signes fonctionnels. Des leucorrhées très abondantes Leucorrhée physiologique Origine 1. Sécrétions cervico-vaginales La glaire cervicale est sécrétée par l’épithélium cylin- drique de l’endocol, elle est acellulaire, translucide, type « blanc d’œuf cru ». Elle est abondante et filante entre le 8 e et le 13 e jour du cycle, plus visqueuse en phase lutéale. 2. Desquamation vaginale Elle peut être abondante, elle augmente lors de la gros- sesse, elle est composée de cellules vaginales super- ficielles sans polynucléaire, elle est le principal constituant du milieu vaginal. Elle a un aspect lactescent. Caractéristiques du milieu vaginal Le pH entre 3,8 et 4,5 est dû à la transformation du glycogène des cellules épithéliales en acide lactique par les bacilles de Döderlein. Ces sécrétions acides sont Leucorrhée Orientation diagnostique DR Ségolène LANTA, PR Jacques-Édouard MENTION Service de gynécologie-obstétrique, Université de Picardie Jules-Verne, centre hospitalier universitaire, 80054 Amiens Cedex 1. • Les leucorrhées sont des écoulements non sanglants provenant du vagin, du col de l’utérus ou de la vulve. • Encore appelées pertes blanches, elles sont plus souvent physiologiques. • Le milieu vaginal est ouvert sur l’extérieur, il est colonisé dès la naissance. C’est l’imprégnation hormonale de la puberté qui permet l’installation d’une flore acidophile, protectrice, dite flore de Döderlein. D’autres germes saprophytes du vagin sont retrouvés avec un potentiel pathogène, plus ou moins fort (streptocoques B ou D, Candida et mycoplasmes). • Les leucorrhées physiologiques sont augmentées en période préovulatoire et en cours de grossesse. Elles sont toujours isolées, sans irritation, sans odeur nauséabonde et sans polynucléaire au prélèvement vaginal extemporané. • Tout signe fonctionnel accompagnant une leucorrhée doit faire suspecter une infection vaginale ou cervicale voire utérine. Points Forts à comprendre Sans K corynébactérie K Strepto. hémolytique K staph. épidermidis K anaérobies : veinonella (flore de Veillon) Faible K strepto. D K anaérobies : K acinetobacter peptococcus K Hæmophilus peptostreptoccus influenza Fort K staphylo. doré K Pseudomonas K strepto A et B K bactéroïdes K entérobactéries K Candida albicans (coli, protéus, K mycoplasme klebsielle) K Gardnerella vaginalis Potentiel pathogène Germes retrouvés dans le vagin : flore saprophyte TABLEAU I sans symptomatologie clinique peuvent être parfaite- ment physiologiques alors que le prurit, les brûlures, les dyspareunies ne s’accompagnent pas forcément de leucorrhées très conséquentes. L’hyperacidité de la grossesse peut être à l’origine d’infections mycosiques. La ménopause, par sa carence œstrogénique, favorise la prolifération des germes. L’excès d’hygiène, ou toilettes excessives, provoque une macération propice au développement des infections souvent mycosiques. De la même façon, diabète, sida, thérapeutiques antibiotiques ou corticoïdes favorisent les infections vaginales. À l’interrogatoire On doit noter les antécédents médicaux (diabète, immuno- dépression, corticothérapie, prise d’antibiotiques). Il faut insister sur les antécédents gynéco-obstétricaux récents, fausse couche, interruption volontaire de gros- sesse, hystéroscopie, hystérosalpingographie (toute manœuvre endo-utérine). On doit préciser les caractères de l’écoulement, l’abondance, les variations avec le cycle, la couleur, l’aspect et surtout l’odeur. L’existence d’une symptomatologie chez le partenaire doit être recherchée. Les signes généraux et fonctionnels des leucorrhées sont presque toujours accompagnés de prurit vulvaire, de dyspareunie ou de brûlures vaginales. Il s’y associe des brûlures en fin de miction, une pollakiurie. Des algies pelviennes ou une fièvre doivent faire craindre une atteinte du haut appareil génital. Examen physique L’inspection de la vulve vérifie l’existence d’un œdème, d’une rougeur et surtout de lésions de grattage. Il est très important de rechercher un écoulement purulent de l’urètre, des glandes de Skène ou de Bartholin. La pose du spéculum va explorer la leucorrhée : abondance, aspect, coloration, odeur. On vérifie la muqueuse vaginale : œdème, rougeur. Au niveau du col, on cherche une cervicite avec une glaire qui peut rester limpide mais qui est souvent louche ou purulente. Les prélèvements par écouvillon sont faits au niveau de ces leucorrhées vaginales mais surtout dans l’endocol (tableau II). Le toucher vaginal a pour but essentiel de rechercher une douleur des culs-de-sac ou de la mobilisation de l’utérus évoquant alors une atteinte du haut appareil génital. Sécrétion vaginale À l’examen extemporané au microscope optique, il faut évaluer le pH, compter le nombre de polynucléaires neutrophiles par champ et réaliser des lames (une lame avec leucorrhée et sérum physiologique et une autre avec de la potasse à 5 %) ce qui permet avec une simple goutte de sérum physiologique de mettre en évidence le Trichomonas vaginalis sous la forme d’un protozoaire mobile grâce à ses flagelles créant des mouvements d’onde caractéristiques autour de son corps réniforme. Les levures sont visualisées sur la lame en présence de potasse sous forme de filaments ou de spores à aspect bourgeonnant. Le sniff-test recherche une odeur de poisson pourri lorsqu’on mélange les sécrétions vaginales avec une goutte de potasse. Cette odeur est caractéristique, signant la vaginose bactérienne (Gardnerella vaginalis et anaérobie). Prélèvement vaginal à visée bactériologique L’examen cytobactériologique n’est pas systématique en dehors d’une suspicion de salpingite ou d’endométrite ou si le frottis est sale, sans levure ni Trichomonas, ou s’il existe la notion de contage vénérien (gonocoques, 2030 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 1 9 9 9 , 4 9 Lieu Recherche Matériel Remarques Vulve Urètre 1 er prélèvement 2 e prélèvement Vagin : exocol Endocol 1 er prélèvement 2 e prélèvement levures staphylocoque doré streptocoques gonocoque chlamydiæ levures, bactéries pathogènes opportunistes gonocoque, bactérie pathogènes opportunistes chlamydiæ écouvillon stérile dans 1 cm 3 de sérum salé écouvillon alginate et 1 er jet d’urine à Port a germ Bactopick 1 er jet d’urine pour PCR écouvillon au charbon ou alginate écouvillon au charbon ou alginate Port a germ cytobrosse ou Bactopick frotter fortement les lésions 1 cm dans l’urètre + pus racler fermement sur 2 à 3 cm au niveau du cul-de-sac postérieur et des lésions inflammatoires nettoyer l’exocol, frotter assez longuement sur l’endocol obtenir des cellules à la jonction Sites de prélèvement TABLEAU II un prurit, une leucorrhée verdâtre abondante, fluide, bulleuse, malodorante (odeur de plâtre frais), la vulve est rouge avec un piqueté hémorragique, le col surtout est inflammatoire, rouge framboisé caractéristique, siège d’un piqueté hémorragique (fig. 1). L’examen extemporané est sale avec peu de poly- nucléaires et surtout l’existence de protozoaires que l’on identifie entre 2 lames grâce à leur flagelle mobile. L’infection à Trichomonas n’atteint jamais le haut appareil génital. • Les vulvo-vaginites mycosiques sont le plus souvent dues à Candida albicans. Cette levure est présente dans les sécrétions vaginales chez 15 % des patientes. Elle représente entre 20 et 40 % des vulvo-vaginites. Les facteurs favorisants sont représentés par la prise de pilule, mais surtout l’excès de toilettes intimes, l’anti- biothérapie, le diabète, l’immunodépression en général et la grossesse. Ces leucorrhées sont blanchâtres, grumeleuses comme du lait caillé en petits amas comme du yaourt, elles sont inodores (fig. 2). Le pH est toujours acide, inférieur à 4. Le frottis est considéré comme propre puisqu’il n’existe pas de polynucléaire neutrophile. La dyspareunie est constante, une dysurie est souvent associée. La vulve est inflammatoire avec un œdème parfois important avec Chlamydia). Le milieu de transport est très important, il doit être adapté à la suspicion diagnostique. En cas de suspicion de Chlamydia, il ne faut pas oublier le prélèvement urinaire pour la PCR (polymerase chain reaction). Il peut être également utile lors de mycoses récidivantes (tableau II). Un examen cytobactériologique normal comporte peu de polynucléaires, une flore de Döderlein abondante et, à la culture, 2 ou 3 germes sans prédominance. Étiologie d’une leucorrhée pathologique En période d’activité génitale (tableau III) 1. Vulvo-vaginites • La vulvo-vaginite à Trichomonas vaginalis repré- sente 10 % des leucorrhées, elle est favorisée par l’alca- linisation vaginale (hypo-œstrogénie, savon inadapté, alcalin, maladie sexuellement transmissible). Elle est caractérisée dans sa forme aiguë par une dyspareunie, Gynécologie - Obstétrique 2031 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 1 9 9 9 , 4 9 Leucorrée Aspect Signes fonctionnels Diagnostic Caractéristiques Physiologique Mycose Trichomonas Vaginoses Germes banals Gonocoques Chlamydia trachomatis latescente inodore blanchâtre grumeleuse inodore abondante fluide bulleuse verdâtre grisâtre abondante malodorante spumeuse souvent jaunâtre abondance variable purulente jaune verdâtre à l’endocol 30 % asymptomatique ou leucorrhée atypique purulente aucun prurit + + + muqueuse inflammatoire dyspareunie Ȁprurit inflammation et piqueté hémorragique rare dyspareunie ou irritation modérée irritation Ȁprurit rares méat inflammatoire rares douleurs pelviennes métrorragies clinique extemporané : filaments et spores extemporané : protozoaire flagellé et mobile cellule cloutée sniff test pH vaginal Gardnerella et anaérobies examen cytobactériologique difficile car germe fragile transport culture difficile prélèvement dans l’urètre ou sur l’endocol mais surtout recherche par PCR dans les urines variable au cours du cycle hormono-dépendance maladie sexuellement transmissible sans atteinte utéro-annexielle souvent sans autre symptôme que l’odeur fréquente récidivante auto-entretenue déclaration obligatoire il faut toujours y penser Leucorrées physiologiques et pathologiques TABLEAU III possible fissure des plis interlabiaux, la muqueuse vaginale est rouge vif, saigne au contact. Le col est inflammatoire avec quelques lésions érosives. C’est le moment de réaliser l’examen extemporané de la sécré- tion en présence de potasse qui montre la présence de spores caractéristiques ou de filaments micelliens. Un prélèvement est adressé au laboratoire essentiellement en cas de mycose récidivante. • Les vulvo-vaginites bactériennes sont des infections à bactéries opportunistes se développant sur des terrains particuliers, en cas d’ectropion (lésion bénigne du col) ou de ménopause (l’hypo-œstrogénie favorisant la multiplication de germes variés) avec une disparition plus ou moins importante de la flore de Döderlein. Il s’agit d’une irritation locale importante avec présence de leucorrhées jaunâtres accompagnées parfois d’un prurit. Les leucorrhées sont mucopurulentes au spécu- lum, toujours riches en polynucléaires et en cellules intermédiaires lysées. On retrouve des streptocoques, des staphylocoques dorés, Escherichia coli, etc. • Les vulvo-vaginites à Gardnerella vaginalis ou vaginose (bacille gram-négatif) se caractérisent par la prédominance d’un vagin malodorant. Il existe des leucorrhées grisâtres abondantes malodorantes et parfois spumeuses qui augmentent en période péri- ovulatoire et en phase prémenstruelle. Il s’y associe, du fait de phénomènes allergiques, prurit et irritations. Le sniff-test est positif, le pH est alcalin supérieur à 5. L’examen extemporané montre des cellules cloutées caractéristiques de Gardnerella vaginalis. • Les vulvo-vaginites à gonocoques sont responsables de leucorrhées jaunâtres abondantes, nauséabondes avec des signes associés urinaires mais aussi un écoulement de pus par les orifices des glandes de Skène. Au spéculum, c’est la cervicite qui prédomine. Il faut toujours rechercher une atteinte du haut appareil. Le diagnostic repose sur l’examen bactériologique d’un prélèvement qui doit être transporté immédiatement au laboratoire sur un milieu de transport spécial. La décla- ration est obligatoire et impose la recherche d’autres maladies sexuellement transmissibles et le traitement du ou des partenaires. Le traitement des vulvo-vaginites est relativement bien codifié (tableau IV). 2. Cervicites • Cervicite à Chlamydia et mycoplasme : Chlamydia trachomatis est le plus souvent retrouvé dans la mesure où le mycoplasme ne donne pratiquement jamais de symptomatologie clinique. La recherche d’une atteinte du haut appareil est systématique. Les leucorrhées sont rares. En revanche, l’examen va montrer un ectropion hypertrophique, saignant facile- ment, parfois une cervicite mucopurulente. Le prélève- ment au niveau du col ou de l’urètre montre l’existence de Chlamydia mais c’est surtout la mise en évidence du germe Chlamydia par PCR sur les urines fraîches du matin qui permet le diagnostic. Le traitement des parte- naires est obligatoire. Le mycoplasme est un germe qui peut être saprophyte du vagin, qui n’est pas à l’origine d’infections basses et qui n’est considéré comme sûrement pathologique que lorsqu’il est retrouvé quasiment dans l’utérus et qu’il existe des signes cliniques sans qu’aucun autre germe n’ai pu être mis en cause. • La cervicite aiguë est rare. La leucorrhée est purulente, le col congestif. Elle est souvent le témoin d’une endo- métrite qui doit être recherchée. Le prélèvement bacté- riologique permet le diagnostic précis du germe et l’adaptation du traitement. 3. Endométrites Elles sont responsables de leucorrhées purulentes mal- odorantes qui proviennent de l’endocol. Elles sont le fait d’une inoculation septique directe dans l’utérus après manœuvre in utero (hystéroscopie, hystérographie, pose de stérilet, fausse couche, accouchement) et s’accompa- gnent d’une hyperthermie témoignant de l’atteinte du haut appareil génital. Le toucher vaginal montre un utérus augmenté de volume, sensible, douloureux, ramolli et des culs-de-sac plus ou moins comblés et douloureux. L E U C O R R HÉ E 2032 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 1 9 9 9 , 4 9 Vulvo-vaginite à Trichomonas vaginalis. 1 Vulvo-vaginite à Candida albicans. 2 Des leucorrhées d’aspect physiologique chez une femme âgée ménopausée sans traitement hormonal substitutif doivent faire immédiatement penser à une sécrétion excessive d’œstrogènes d’origine tumorale ovarienne. I Leucorrhées de la fillette Deux causes sont à retenir, le corps étranger et le défaut d’hygiène. Peu fréquentes, l’examen est délicat, le déplissement de la vulve permet de visualiser des leucorrhées dues essentiellement à un défaut d’hygiène. Le toucher rectal permet de palper l’utérus mais surtout d’extérioriser un corps étranger qui alors pourrait être visualisé non pas tant par le spéculum de vierge mais par tout simplement un hystéroscope (beaucoup plus fin). L’imprégnation hormonale débutante peut entraîner des leucorrhées abondantes. Elles sont alors physiologiques. Leucorrhées et grossesse Les leucorrhées physiologiques sont habituellement plus abondantes au cours de la grossesse. Les mycoses apparaissent préférentiellement chez la femme enceinte puisqu’on la retrouve chez 10 % d’entre elles. Leucorrhées et ménopause Du fait de l’hypo-œstrogénie, l’écologie vaginale varie vers une vulvo-vaginite atrophique sénile. Il existe un prurit, une dyspareunie, des leucorrhées avec atrophie vaginale. Le vagin est inflammatoire, les leucorrhées purulentes, la baisse des défenses anti-infectieuses du vagin, du fait de la non-imprégnation hormonale, sont à l’origine de ces leucorrhées. La pyométrie qui lors de son extériorisation donne des leucorrhées (purulentes ou « jus de viande ») fait rechercher un cancer utérin (elle signe une rétention endo-utérine). La vomique tubaire est exceptionnelle, c’est un signe d’ap- pel du cancer de la trompe (elle donne lors de son extério- risation une leucorrhée abondante comme de l’eau). Gynécologie - Obstétrique 2033 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 1 9 9 9 , 4 9 • La distinction entre leucorrhées physiologiques et pathologiques est primordiale. La mise en évidence d’un agent causal n’est pas toujours indispensable sauf dans le cas des maladies sexuellement transmissibles (gonocoques, Chlamydia) ou d’une atteinte du haut appareil génital (endométrite). • En revanche, l’examen extemporané entre lame et lamelle est indispensable compte tenu de la fréquence élevée des mycoses et des Trichomonas diagnostiqués de cette manière. Il permet aussi d’affirmer une leucorrhée pathologique par la présence de nombreux polynucléaires altérés. • Il faut distinguer les atteintes vulvo-vaginales strictes (mycose, Trichomonas, vaginose) sans risque d’atteinte du haut appareil et les atteintes génitales basses avec risque d’atteinte utéro-annexielle (chlamydiose, gonococcie, germes banals). • Devant toute leucorrhée, il faut penser aux maladies sexuellement transmissibles et alors prendre en charge le ou les partenaires. Points Forts à retenir Pathologie Traitement Mycose Local vulvaire et vaginal : – 1 ovule vaginal à libération prolongée (Gyno-Pévaryl 150 LP ou Lomexin) – topique anti-fongique vulvaire pendant 8 jours (Fazol, Trimystène crèmes, Pévaryl lait) Traitement du partenaire symptomatique uniquement Trichomonas Traitement minute par nitro-imidazolés chez les 2 partenaires (Flagyl-8 cp ou Fasigyne 500 mg-4 cp ou Naxogyn 1000-2 cp) Un traitement local par Flagyl ovules peut être adjoint Gardnerella vaginalis Fasigyne 500 mg-4 cp en 1 prise chez les 2 partenaires Répéter la prise à J8 et adjoindre un traitement local en cas de récidive ou Clamoxyl 1 g/j 7 jours ou Flagyl 4/j 7 jours Gonococcie Traitement minute en cas de sujet indiscipliné (3 g d’amoxicilline ou 1 g de céfotaxime IM avec 1 g de probénécide (Bénémide) Traitement de 10 jours à plus faible taux d’échec (malgré les résistances) : amoxicilline + acide clavulanique (Augmentin…) Traitement des partenaires Traitement des vulvo-vaginites (70 % des leucorrhées) TABLEAU IV Gynécologie-obstétrique B 167 89 L A R E V UE DU P R AT I CI E N ( P a r i s ) 1 9 9 9 , 4 9 Maladies infectieuses au cours de la grossesse Prévention, diagnostic et risques fœtaux DR Dominique LUTON, PR Jean-François OURY, DR Olivier SIBONY, PR Philippe BLOT Maternité, hôpital Robert Debré, 75019 Paris De façon générale, une infection virale (ou bactérienne) peut aboutir à une atteinte congénitale ou périnatale de plusieurs manières : virémie (bactériémie) et passage transplacentaire ; infection génitale ascendante ; conta- mination lors du passage de la filière génitale ; par contact maternel ou par l’allaitement. • Rubeole La rubéole est une maladie éruptive bénigne. Seule la primo-infection en cours de grossesse est dangereuse pour le fœtus (malformations congénitales et fœtopathies). Cette situation serait évitable en cas de couverture vaccinale totale: toute femme en âge de procréer et non immunisée devrait être vaccinée. En l’absence de traitement anténatal la seule prévention passe par la vaccination au minimum à la puberté • Toxoplasmose La toxoplasmose est une parasitose dont l’infection par voie transplacentaire est d’autant plus dramatique que précoce dans le terme de la grossesse. Bien qu’il persiste des indications d’interruption médicale de grossesse, il existe actuellement des possibilités de traitement anténatal, allantde l’antibiothérapie simple (spiramycine dans les cas de séroconversion maternelle sans passage transplancentaire prouvé jusqu’à des protocoles plus lourds (Malocid + Adiazine en cas d’infection foetale. Cestraitements ne doivent en aucun cas faire relâcher une surveillance échographique rigoureuse en cas de séroconversion maternelle. • Herpès génital L’herpès génital (HSVII) est très répandu dans la population générale (20 %), les patientes qui en sont porteuses l’ignorent bien souvent. La fréquence de la contamination néonatale reste très faible mais deux tiers des infections surviennent chez des patientes sans facteurs de risque connu. Le dépistage des patientes à risque doit donc se faire dès Points Forts à comprendre les premières visites obstétricales. par un interrogatoire complet afin de prendre les mesures de prévention qui s’imposent • Listériose La listériose est une infection fréquente en cours de grossesse (1/1 000) ; il s’agit d’une urgence thérapeutique avec un traitement simple (ampicilline intraveineuse) dont la mise en oeuvre doit être immédiate avant les résultats des hémocultures qui doivent être pratiquées devant toute fièvre en particulier à partir du second semestre de la grossesse • Syphilis Après une période d’accalmie, la syphilis redevient fréquente en force dans les populations marginalisées (toxicomanie, infection par le VIH...) ; son sérodépistage obligatoire et précoce en cours de grossesse reste d’actualité. car cette pathologie est accessible à un traitement simple (pénicilline) • Hépatite B Le virus de l’hépatite B est extrêmement contagieux et ses conséquences aiguës (hépatite fulminante) et chroniques (cirrhose, carcinome hépatocellulaire) sont redoutables. Le risque de transmission aux nouveau-nés se situe principalement au moment de l’accouchement. La sérologie obligatoire de l’hépatite B au cours du troisième trimestre de la grossesse permet un traitement préventif du nouveau-né (sérovaccinatiion) en salle de travail et dans le postpartum qui s’il est bien conduit évitera au moins 90 % des infections néonatales. • Cytomégalovirus L’infection à cytomégalovirus est une des plus courantes rencontrées chez le fœtus (10 % d’enfants viruriques à la naissance). Le plus souvent inapparente, cette infection peut être à l’origine d’une redoutable fœtopathie dont l’issue peut être mortelle ou entraîner de graves séquelles neurosensorielles. La plupart des infections sévères sont détectées à l’échographie ( 2 e 3 ème trimestre) . La reconnaissance par la clinique et la biologie maternelle (sérologie) est une autre porte d’entrée sur le diagnostic anténatal. Malgré les possibilités de France. L’incidence de la rubéole en cours de grossesse est estimée à 10/100 000. L’incidence des cas de rubéo- le congénitale est estimée à 1,3/100 000 naissances. La sérologie rubéolique est obligatoire en début de gros- sesse (au moment de la déclaration) et sa pratique systé- matique lors de l’examen prénuptial permet de clarifier bien des situations. L’atteinte clinique par la rubéole est inapparente dans 50 % des cas. L’éruption apparaît 15 jours après le contage, il s’agit d’un exanthème ; celui-ci est accompa- gné d’une polyadénopathie et d’un syndrome fébrile. La totale non-spécificité du tableau clinique rend le dia- gnostic sérologique indispensable. La période de contagiosité s’étend de 8 jours avant à 8 jours après l’éruption. 2. Circonstances de réalisation d’une sérologie de la rubéole En cours de grossesse, il faut la pratiquer : de façon sys- tématique en début de grossesse (obligatoire) ; de façon répétée à 4 mois de grossesse en cas de sérologie au préalable négative; devant toute notion de contage, ou d’atteinte maternelle (si la sérologie est négative, ou en l’absence de connaissance de celle-ci). 3. En cas de suspicion d’infection En cours de grossesse, l’anamnèse retrouve : la date de contage ; la date des dernières règles (on s’efforce de bien la préciser) associée à l’échographie précoce per- met de bien préciser le terme ; antécédent de rubéole ; vaccination antérieure (date?) ; sérologie antérieure ; date d’éruption éventuelle. L’examen clinique (souvent asymptomatique) tente de retrouver des signes (exanthème, signe associé…). Une sérologie est pratiquée dès que possible, au mieux dans les 15 premiers jours (d’où l’intérêt de la visite pré- nuptiale ou au minimum préconceptionnelle). 4. Interprétation de la sérologie Elle se fait de la manière suivante : • titre Ȅ 20 : immunité ancienne, s’il existe une incer- titude sur la date de contage ou s’il remonte à plus de 15 jours, il faut faire un second prélèvement à 15 jours d’intervalle ; – ascension (x 4) : fractionnement IgM – titre stable : . très élevé >1 280 : fractionnement IgM, . modérément élevé (40 à 320) confirme l’ancienneté ; • titre < 20 : pas d’immunité : – prophylaxie par gammaglobuline spécifique (10 mL intra-musculaire pendant 4 jours puis 10 mL/semaine pendant 3 semaines ; cette prophylaxie doit être préco- ce, dans les 24 heures, elle peut cependant prolonger la phase d’incubation, et son efficacité n’est pas prouvée) ; RUBÉOLE 1. Généralités La rubéole est une virose transmise par voie respiratoire (virus à ARN) , dont l’infection est répandue dans la petite enfance. Les campagnes de vaccination n’ont pas atteint le seuil minimal permettant la disparition du virus. Cela est lié à l’insuffisance de couverture (et du ciblage) de la vacci- nation chez les femmes ou les petites filles. Le taux de protection dans la population féminine est de 85 % en I NF E CT I ONS E N COUR S DE GR OS S E S S E 90 L A R E V UE DU P R AT I CI E N ( P a r i s ) 1 9 9 9 , 4 9 Période de contagiosité de l’infection par le virus de la rubéole TABLEAU I Incubation Contagiosité É r u p t i o n à 3 j o u r s IgM Présents 3 à 6 semaines IgG résiduels à vie > 10 mui IgG max en quelque jours à 3 semaines, de 40 mui à > 1280 mui J15 J0 (contage) diagnostic biologique (PCR sur liquide amniotique), il persiste de grande incertitude pronostic chez les fœtus présentant peu ou pas de signes échographiques. • VIH L’association VIH et grossesse nécessite une prise en charge multidisciplinaire assurant ainsi un suivi optimal de la patiente. En l’absence d’immunodépression avérée, la grossesse ne semble pas modifier le pronostic maternel. La transmission maternofœtale spontanément de 20 % est diminuée entre 5 à 8 % par l’administration d’AZT en cours de grossesse et pendant le travail ; pour être efficace cette mesure doit être pratiquée de façon rigoureuse et protocolaire au sein d’équipes entraînées. La pratique systématique de la césarienne avant tout début de travail viendra peu-être compléter l’arsenal préventif de la transmission maternofœtale. – sérologie 15 jours plus tard : . stable, pas de rubéole, cependant il faut surveiller la sérologie tous les 15 jours lors du 1 er trimestre, . augmentation du titre : séroconversion rubéolique . La sérologie repose sur l’inhibition de l’hémagglutination et plus récemment sur le dosage immuno-enzymatique (ELISA). Les taux seuils peuvent varier en fonction des labora- toires. Les IgM peuvent persister à des taux faibles très long- temps voire même au cours de réinfections ou d’infec- tions à d’autres virus (Parvovirus B19, Ebstein Barr ). Dans ces situations, la présence d’IgA spécifiques signerait une primo-infection, et la mesure de l’avidité des IgG, si elle est élevée, témoigne plutôt d’une infec- tion ancienne. Devant une éruption, la conduite à tenir est identique mais avec 15 jours de décalage. 5. Conséquences de la séroconversion Une infection maternelle prouvée expose au risque de passage viral transplacentaire. On rappelle que seule la primo-infection est dangereuse pour le fœtus. En périconceptionnel immédiat, le risque de transmission est quasiment nul, puis il est de 80 % jusqu’à 12 semaines d’aménorrhée puis diminue jusqu’à 25 % à la fin du 2 e trimestre. Le risque redevient très important au cours du 3 e trimestre (~ 90 %). Ce passage transplacentaire inconstant peut entraîner certaines pathologies : • Embryopathie rubéolique : jusqu’à la fin du 1 er trimestre, au moins 90 % des embryons sont infectés avec les consé- quences suivantes : – cœur : persistance du canal artériel et du foramen ovale ; plus rarement communication interauriculaire, communica- tion interventriculaire, coarctation de l’aorte , sténose pul- monaire ; – œil : microphtalmie, cataracte, glaucome, choriorétinite ; – oreille interne : atteinte cochléaire, hypoacousie, surdité, surdimutité si bilatérale et non rééduquée ; – microcéphalie et retard mental ; – retard de croissance intra-utérin. • À partir du second trimestre il s’agit d’une fœtopathie (infection plus tardive), le système nerveux central peut être gravement touché avec microcéphalie et retard mental ; un retard de croissance intra-utérin peut survenir aussi, mais on retrouve le plus souvent une surdité congénitale. L’atteinte survient dans 35 % des cas. En général, après la seconde moitié du 2 e trimestre, on retrouve plus rarement une fœtopathie simple sans atteinte congénitale ; elle peut se traduire par un avortement tardif, une mort fœtale in utero, un retard de croissance intra-utérin. L’enfant peut naître porteur du virus et rester virémique (source de dissémination), pouvant présenter les maladies suivantes : hypotrophie, purpura thrombopénique, anémie hémolytique, atteinte des os longs, hépatite. Gynécologie-obstétrique 91 L A R E V UE DU P R AT I CI E N ( P a r i s ) 1 9 9 9 , 4 9 6. Attitude pratique en cas de séroconversion • Avant 11 semaines d’aménorrhée compte tenu du risque élevé de transmission et de malformation, trois attitudes sont envisageables : – l’interruption médicale de grossesse ; – attendre sous couvert d’une surveillance échographique : . 20-22 semaines d’aménorrhée, pour un prélèvement de sang fœtal permettant la recherche d’IgM et IgA, un syn- drome biologique d’infection fœtale (anémie, érythro- blastose, thrombopénie, élévation des gamma GT, interfé- ron élevé) ; en pratique, le prélèvement de sang fœtal n’est plus nécessaire, sauf exception, pour affiner un dia- gnostic en cas de PCR (polymerase chain reaction) posi- tive sur liquide amniotique ; . ou pratiquer une amniocentèse précoce (14-15 semaines d’aménorrhée) avec recherche du génome viral par PCR. En cas de positivité du prélèvement, une interruprion médicale de grossesse est proposée aux parents. • Entre 11 et 18 semaines d’aménorrhée : prélèvement de sang fœtal et ponction du liquide amniotique peuvent montrer : – signes directs : IgM ( fabriquée seulement à partir de 20 semaines d’aménorrhée par le fœtus) et recherche de virus par culture et (ou) PCR ; – signes indirects : érythroblastose, anémie, thrombo- pénie, augmentation des gamma GT et des transaminases. • Après 20 semaines, compte tenu du faible taux de transmission et de la moindre gravité des séquelles, l’at- titude commune est de ne pas proposer de diagnostic anténatal ; cependant, une surveillance échographique rapprochée est indispensable. 7. Prévention Cette maladie éruptive bénigne peut être facilement évi- tée par la vaccination. Il s’agit d’un vaccin vivant atté- nué (Rudivax). •Vaccination dans le post-partum (pour les femmes séronégatives) avec protection contraceptive pendant 3 mois (1 mois avant, 2 mois après). • Prévention par programme de santé publique : – vaccination des enfants des 2 sexes entre 12 et 15 mois ; – vacciner toutes les filles à 11 ans (prépubère) ; – au moment de l’examen prénuptial ou en cas de désir de grossesse lorsque le sérodiagnostic est négatif (< 20 UI/mL). La vaccination doit être accompagné chez la femme en âge de procréer d’une contraception efficace. La vaccination est contre-indiquée pendant la grossesse, mais ne constitue pas une indication d’interruption de celle-ci si elle est effectuée par mégarde dans les semaines précédents la grossesse ou au cours de celle ci. Si la femme n’est pas immunisée (en cours de grossesse), il faut qu’elle évite le moindre contage (école, crèche...) et qu’elle consulte s’il s’en produit un ; répéter le sérodia- gnostic tous les mois jusqu’à 20 semaines d’aménorrhée pour dépister les infections inapparentes. Actuellement, le taux de couverture vaccinale est insuffisant et devrait pistage de la grossesse), recherche des IgG avec un seuil de positivité à partir de 10 UI ; utilisé également pour la recherche spécifique des IgM (test de Remington positif à partir de 1/50 e ) ; – test d’agglutination des toxoplasmes : avant le 2 mer- captoethanol détecte les IgG et les IgM; après le 2 mer- captoethanol (élimine les IgM), quand il y a une chute d’agglutination après deux dilutions, on peut affirmer la présence d’IgM; – la technique immuno-enzymatique (ELISA et ISAGA) permet de détecter les IgM et les IgG, de spécificité et de sensibilité moyennes, c’est le test le plus souvent utilisé en première intention ; – autres techniques : la présence d’IgA et d’IgE (ELISA et ISAGA) est aussi un marqueur précoce de l’infection ; la mesure de l’avidité des IgG lorsqu’elle est faible témoigne d’une infection récente ; – interprétation de la sérologie : de manière générale, toute interprétation de sérologie de toxoplasmose en début de grossesse est grandement facilitée par la connaissance d’une sérologie antérieure, celle-ci est d’ailleurs obligatoire lors de l’examen prénuptial. Par ailleurs, tout laboratoire est tenu de conserver pendant un an une certaine quantité de sérum ; ainsi, en cas de diagnostic compliqué, un second sérum peut être com- paré au premier par les mêmes techniques dans un labo- ratoire de référence. C’est le plus souvent le laboratoire de référence qui rend les conclusions définitives sur la séroconversion ou non en cours de grossesse et ce à par- tir de données cliniques (terme exact de la grossesse) et biologiques [analyses plus ou moins sophistiquées (IgM ISAGA ; IgA ; IgE ; test d’avidité..)]. Actuellement, les tests de détection des IgM sont deve- nus tellement sensibles qu’ils peuvent témoigner d’une réaction non spécifique ou d’une infection ancienne (pouvant dater de plus d’un an…) ; ces IgM peuvent persister plusieurs mois voire plusieurs années. Les IgM sont les premiers anticorps détectables et attei- gnent un taux maximal en 15 jours. Les IgG apparais- sent en 2 à 4 semaines et atteignent un niveau maximal en 2 à 3 mois. • Schématiquement : – IgM < 0 et IgG < 0 : patiente non immunisée, sur- veillance sérologique mensuelle et mesures préventives ; – IgM < 0 et IgG entre 5 et 200 UI/mL : infection proba- blement ancienne, 2 e prélèvement en fonction du contexte. – IgM <0 et IgG > 300 UI/mL : faire un second prélè- vement ; taux stable : infections remontant à plus de 2 mois, ou réinfestation simple sans risque fœtal ; dans le cas contraire, l’avis du laboratoire de référence est indis- pensable ; – IgM > 0 il faut faire un second prélèvement ; taux stables d’IgG et IgM: infection de plus de 2 mois ; taux ascendants : infection de moins de 2 mois ; dans ces 2 cas de figure, c’est le laboratoire de référence qui rend les conclusions définitives en fonction du terme de la grossesse. concerner tous les enfants quel que soit le sexe dans la petite enfance avec un rappel entre 11 et 13 ans. Il revient à Gregg (en 1941) la découverte d’une rubéole maternelle associée à une cataracte congénitale, souli- gnant ainsi l’effet malformatiof de certaines infections virales in utero. On décrit alors la triade de Gregg (cataracte, cardiopathie et surdité. 1. Rappel Il s’agit d’une parasitose due à Toxoplasma gondii (pro- tozoaire), habituellement bénigne sauf chez le sujet immunodéprimé (atteinte cérébrale, pulmonaire et dis- séminée). Le cycle parasitaire complet passe par le chat, l’homme n’est qu’un hôte intermédiaire et se contamine à partir des sporozoïtes (formes « telluriques » résistantes qui déri- vent des oocystes excrétés par les chats) que l’on retrou- ve dans les légumes, les crudités, les litières de chat, les bacs à sable ou des formes kystiques (bradyzoïtes déri- vés des tachyzoïtes) contenues dans la viande crue ou saignante des autres hôtes intermédiaires (mouton, bœuf). 2. Généralités Une infection en cours de grossesse peut entraîner des conséquences graves chez le fœtus. Le taux de séroprévalence positive dans la population féminine en âge de procréer varie en fonction des pays et va en diminuant. Très faible au Royaume-Uni (25 %), elle est de 65 % des femmes enceintes à Paris et 54 % en France métropolitaine ; les patientes séronégatives béné- ficient en France de contrôles sérologiques mensuels jusqu’à la fin de la grossesse (examen obligatoire). Le taux de séroconversion pergravidique est de 14,8 pour 1 000 (1,4 %) femmes séronégatives en début de grossesse ; ce pourcentage est d’autant plus impor- tant chez les femmes jeunes et chez celles résidant dans une région à séroprévalence élevée. Le nombre d’infec- tions congénitales est estimé en France entre 940 et 1 400 pour un risque de transmission entre 20 et 30 % soit 1,2 à 2 pour 1 000 naissances. 3. Diagnostic de la toxoplasmose maternelle • Diagnostic clinique : l’infection clinique est le plus souvent asymptomatique (80 à 90 % des cas). Quand elle existe, la symptomatologie n’est absolument pas spécifique, il s’agit le plus souvent d’un tableau pseudo- grippal avec un éventuel syndrome mononucléosique ; ces symptômes sont le plus souvent recherchés « a pos- teriori » en cas de primo-infection. • Diagnostic sérologique de la toxoplasmose (méthode et interprétation) : – test de lyse (dye test) : réaction de référence spéci- fique et sensible, ne détecte que les IgG, seuil de positi- vité entre 5 et 10 UI ; – immunofluorescence indirecte : rapide et aisé (sérodé- I NF E CT I ONS E N COUR S DE GR OS S E S S E 92 L A R E V UE DU P R AT I CI E N ( P a r i s ) 1 9 9 9 , 4 9 TOXOPLASMOSE Gynécologie-obstétrique 93 L A R E V UE DU P R AT I CI E N ( P a r i s ) 1 9 9 9 , 4 9 Quel que soit le cas de figure, il faut interdire la pres- cription précipitée de Rovamycine qui peut fausser les interprétations du laboratoire. 4. Conséquences de l’infection maternelle L’infection maternelle entraîne une parasitémie suivie d’une atteinte placentaire ; il en résulte une placentite qui peut entraîner une parasitémie fœtale à Toxoplasma gon- dii avec une atteinte multiviscérale. • Risque d’atteinte fœtale en fonction du terme de l’in- fection : on retrouve de façon exceptionnelle des atteintes fœtales consécutives à une infection précédant la conception. Il peut s’agir de patientes immunodéfi- cientes (greffe, sida...) ; dans cette situation, un traite- ment préventif prophylactique peut se discuter au cas par cas avant toute grossesse. De manière générale, avant toute prophylaxie, les risques sont les suivants : nuls avant ou lors de la conception ; rares avant 8 semaines d’aménorrhée (1 %) ; 17 % au cours du 1 er trimestre ; entre 2 et 4 mois inclus : environ 25 % d’atteinte, toujours grave ; après le 4 e mois : 75 % d’atteinte, souvent formes inapparentes ou mineures, 90 % d’atteinte à proximité du terme. Le risque d’atteinte fœtale augmente en cours de gros- sesse mais sa gravité diminue en fonction du terme. • Gravité de l’atteinte fœtale en fonction du terme : les formes graves (atteinte précoce jusqu’à 4 mois de gros- sesse) ont une atteinte du système nerveux central : microcéphalie, hydrocéphalie avec sténose de l’aqueduc de Sylvius, calcification intracrânienne, choriorétinite, microphtalmie, strabisme, retard psychomoteur très important ; un retard de croissance intra-utérin associé à une fœtopathie comprenant une hépatosplénomégalie ; voire un avortement spontané et (ou) une mort fœtale in utero. – les formes de contamination tardive sont souvent bénignes et peuvent se traduire par une choriorétinite se révélant à l’âge adulte et des calcifications intracrâ- niennes sans retentissement clinique. Une infection latente ou chronique peut se révéler tardi- vement dans l’existence lors d’une immunodépression. Cependant, quel que soit le terme de la séroconversion , une fois le bilan initial établi et si la grossesse se poursuit, une surveillance échographique mensuelle est nécessaire afin de déceler tout signe d’infection fœtale pouvant survenir même tardivement en cours de grossesse. 5. Diagnostic de l’infection fœtale Ce diagnostic doit être fait devant toute séroconver- sion toxoplasmique maternelle prouvée en cours de grossesse, que cette séroconversion ait été symptoma- tique ou non. • Méthodes biologiques : la ponction de sang fœtal (à partir de 18-20 semaines d’aménorrhée) peut mon- trer des signes spécifiques et directs (toxoplasme), des signes spécifiques et indirects (IgM) et des signes non spécifiques (thrombopénie, hyperleucocytose, éosino- philie, élévation des transaminases et des gamma-GT, lacticodéshydrogénase). Elle est actuellement peu uti- lisée au profit de la ponction de liquide amniotique. Actuellement, l’examen de référence est la pratique d’une PCR (polymerase chain reaction) sur le liquide amniotique (la cible est le gène B1 répété 35 fois et très conservé parmi les différentes souches de toxo- plasme) ; cet examen est le plus sensible (95 %),moins invasif et les résultats sont rendus dans les 48 heures. Cependant l’examen ne doit être pratiqué qu’à partir de 18 semaines d’aménorrhée, et au moins 15 jours à 3 semaines (voire un mois pour certains) après la séro- conversion. Les méthodes d’isolement du parasite (culture dont le délai de réponse est une semaine) ou d’inoculation du sang et du liquide à la souris (délai d’obtention 6 semaines) sont pratiquées parallèlement à la PCR. • Méthodes échographiques : en fait, l’échographie est rarement l’examen initial du diagnostic de toxo- plasmose fœtale. Elle permet de repérer une embryo- foetopathie en cas de diagnostic biologique positif, ou lors de la surveillance systématique mensuelle en cas de séroconversion prouvée avec une PCR négative sur le liquide amniotique (des cas d’infection fœtale tardi- ve pouvant rarement se produire avec un bilan initial négatif sous chimioprophylaxie par la Rovamycine). La présence d’une anomalie à l’échographie est tou- jours de mauvais pronostic. L’absence d’anomalie échographique ne met pas à l’abri d’anomalies non visibles (par exemple des foyers de choriorétinite). L’échographie pourra retrouver une atteinte cérébrale avec dilatation des ventricules cérébraux, calcification, zones hyperéchogènes ; une hépatomégalie avec zones hyperéchogènes, hyperéchogénicité des anses intesti- nales, ascite ; un épanchement pleural et péricardique, placentomégalie. 6. Conséquences de l’infection fœtale L’embryopathie et (ou) la fœtopathie toxoplasmique est d’autant plus grave que l’atteinte est précoce, mais sa fré- quence augmente avec le terme de gestation. Le premier relais de l’infection fœtale est le placenta, le passage du placenta au fœtus est inconstant et le délai de passage est variable (précoce ou tardif). L’intérêt de la spiramycine (Rovamycine) qui n’est qu’un parasitosta- tique est de bloquer l’étape de dissémination placentaire et donc d’éviter la contamination fœtale ; son efficacité n’est cependant pas absolue puisqu’une infection fœtale peut malgré tout survenir justifiant donc la pratique d’un suivi échographique mensuel. La Rovamycine diminue de moitié le risque de transmission de la maladie à l’en- fant (d’autres macrolides plus efficaces sont à l’étude). • De la période périconceptionelle jusqu’à 16 semaines d’aménorrhée, on institue une chimioprophylaxie par la spiramycine, puis une PCR sur liquide amniotique est pratiquée; si la PCR est négative, une surveillance écho- graphique mensuelle est instaurée. Si la PCR est positi- ve, certains proposerons une interruption médicale de grossesse devant la gravité de l’infection fœtale et la 7. Modalité pratiques du traitement • Les médicaments : – spiramycine (Rovamycine), effet toxoplasmicide impor- tant in vivo et in vitro, sans effet tératogène, elle est utilisée en prévention de la contamination fœtale mais ne peut pas servir de traitement (effet plus parasitostatique) ; – pyriméthamine (Malocid : antipaludéen de synthèse) intervient dans le métabolisme de l’acide folique ce qui explique sa toxicité (thrombopénie, anémie, leuconeutropé- nie, agranulocytose). Sa prescription sera accompagnée d’une supplémentation en acide folique (50 mg/j pendant 15 jours). Il ne sera pas prescrit au cours du 1 er trimestre de la grossesse ; – sulfadiazine (Adiazine) : mécanisme d’action antifolique mais à un autre niveau enzymatique. Agit en synergie avec la pyriméthamine ; en plus des complications décrites plus haut, on peut observer des manifestations cutanées et une toxicité rénale. Contre indiqué en cas d’allergie aux sulfa- mides et de déficit en G6PD. L’association pyriméthamine-sulfadiazine semble être effi- cace mais doit être maniée avec précaution. • Indication du traitement : en cas d’infection maternelle sans infection fœtale décelée, le traitement repose sur la spi- ramycine (3 g par jour, 3 x 3 MUI/j) jusqu’à l’accouche- ment, le traitement doit être entrepris le plus rapidement possible. En cas d’infection fœtale confirmée, le traitement varie en fonction des écoles mais comporte des cures alternées de spiramycine : 9MUI/24 h en 3 prises pendant 2 semaines et pyriméthamine(50 mg/j) + sulfadiazine (3 g/24 h) pendant 4 semaines ; acide folique (15 mg/24 h) en continu, associée à une surveillance hématologique appropriée (en pratique hebdomadaire). Le traitement est poursuivi jusqu’à l’accouchement et sera ensuite adapté chez l’enfant en fonction de son bilan lésion- nel clinique et paraclinique. 8. Conduite à tenir à la naissance • Patiente séronégative, sans séroconversion en cours de grossesse : à la naissance, un dernier prélèvement est pratiqué chez la mère ; sur le sang de cordon et sur le pla- centa seront pratiquées une sérologie spécifique (IgM, IgA) et une inoculation à la souris. • Patiente séronégative, séroconversion en cours de gros- sesse, diagnostic anténatal négatif : – à la naissance : un prélèvement est pratiqué sur le sang de cordon et sur le placenta ; seront pratiqués une sérolo- gie spécifique (IgM, IgA) et une inoculation à la souris ; – examen initial de l’enfant, clinique (hépatoméga- lie…), examen paraclinique (fond d’œil, échographie transfontanellaire…) ; – surveillance sérologique du nouveau-né tous les 2 mois jusqu’à l’âge de 10 mois ; on vérifie ainsi l’absence d’anticorps provenant de l’enfant. Maintien du traitement par spiramycine du nouveau-né ; arrêt du traitement mater- nel. • Patiente séronégative, séroconversion en cours de gros- sesse, diagnostic anténatal positif : présence fréquente d’abcès cérébraux non repérés d’em- blée par l’échographie ; pour d’autres et pourvu que la surveillance échographique soit normale, un traitement par Malocid et Adiazine sera instauré. Ce traitement n’est débuté qu’à partir de 16 semaines d’aménorrhée (risque tératogène). En cas d’anomalie survenant à l’écho- graphie, une proposition d’interruption médicale de gros- sesse sera discutée au cours d’une réunion pluridisciplinai- re (obstétricien, pédiatre…) et sera proposée au couple ; en cas de non-proposition d’interruption médicale de grosses- se ou si le couple refuse celle-ci, le traitement spécifique et la surveillance échographique seront maintenus et l’enfant pris en charge de manière adaptée par les pédiatres à la naissance. • À partir de 16 semaines d’aménorrhée, on institue une chimioprophylaxie par la spiramycine , puis une PCR sur liquide amniotique est pratiquée, si la PCR est négative une surveillance échographique mensuelle est instaurée. Si la PCR est positive et sous couvert d’une surveillance écho- graphique un traitement par Malocid et Adiazine sera ins- tauré. Ce traitement n’est débuté qu’à partir de 16 semaines d’aménorrhée (risque tératogène). En cas d’anomalie sur- venant à l’échographie, une proposition d’interruption médicale de grossesse sera discutée (en fonction de l’ano- malie) au cours d’une réunion pluridisciplinaire (obstétri- cien, pédiatre…) et sera proposée au couple ; en cas de non-proposition d’interruption volontaire de grossesse, ou si le couple refuse celle-ci, le traitement spécifique et la surveillance échographique seront maintenus et l’enfant pris en charge de manière adaptée par les pédiatres à la naissance. I NF E CT I ONS E N COUR S DE GR OS S E S S E 94 L A R E V UE DU P R AT I CI E N ( P a r i s ) 1 9 9 8 , 4 8 kystes tissulaires AUTRES ANIMAUX kyste HOMMES – grossesse – transfusion – transplantation – immunodepression trophozoïte Vecteur : – excrétions – doigts, terre – mouches – cafards… kystes CHAT oocystes Schéma de la transmission de Toxoplasma gondii TABLEAU II – à la naissance, un prélèvement est pratiqué sur le sang de cordon et sur le placenta ; seront pratiqués une sérologie spécifique (IgM, IgA) et une inoculation à la souris. Examen initial de l’enfant, (plus approfondie que dans le cas précédent) clinique (hépatomégalie...), examen paracli- nique ( fond d’oeil, échographie transfontanellaire...) (cf. question de pédiatrie); 9. Prévention contre l’infection – éviter : contact avec les chats, consommation de crudités, viande crue ou mal cuite (mouton, bœuf) ; – cuire la viande à plus de 60° C, la viande congelée est autorisée ; – éviter de se toucher la bouche ou les yeux en manipulant de la viande crue ; – éviter tout matériel qui a pu être en contact avec des matières fécales de chat ; – se laver soigneusement les mains après avoir manipulé viande crue, terre, légumes souillés de terre ; – laver fruits et légumes avant la consommation ; – empêcher mouches et blattes de contaminer la nourriture ; – porter des gants quand on travaille dans le jardin ; – éviter les griffures de chat (et toute griffure avec des objets souillés de terre) ; – dépister obligatoirement la sérologie toxoplasmique ; – surveillance prénatale mensuelle des patientes séronéga- tives, mise en route d’une prise en charge rapide et d’un traitement précoce si nécessaire. Les herpès virus sont des virus à ADN (chez l’homme les Herpes virus simplex 1 et 2, le virus de la varicelle et du zona, le cytomégalovirus, le virus d’Epstein-Barr) avec des caractères communs : une primo-infection apparente ou non ; des récurrences liées à une réactivation de virus latent ; plus fréquentes et plus dangereuses en cas d’im- muno-dépression. Nous parlerons ici de l’Herpesvirus simplex 2 (HSV2) à tropisme génital ; cependant, il existe des risques d’infec- tions croisées avec HSV1 à tropisme oral. 1. Généralités Il s’agit d’une infection très répandue, 20 à 30 % des patientes en seraient porteuses. Cette infection peut d’ailleurs rester totalement ignorée de la patiente ; ainsi dans 60 % des cas, l’infection néonatale révèle la patho- logie maternelle compromettant le dépistage et la pré- vention de l’infection néonatale. La recherche d’antécé- dent d’herpès doit être systématique lors de la consultation obstétricale (on doit aussi s’en informer chez le partenaire). La primo-infection (quand elle est symptomatique) est marquée par les éléments suivants : au niveau du péri- née, douleurs, brûlures, œdème, vésicules, puis ulcéra- tions génitales, dysurie, dyspareunie, voire un syndrome infectieux général. Les épisodes de récurrence n’ont peu ou pas de signes généraux ; ils sont souvent asymptomatiques et peuvent Gynécologie-obstétrique 95 L A R E V UE DU P R AT I CI E N ( P a r i s ) 1 9 9 9 , 4 9 HERPÈS GÉNITAL êtres marqués par l’existence de vésicules génitales dou- loureuses et invalidantes. Ces épisodes surviennent sou- vent en période cataméniale ou lors d’infections inter- currentes. En plus de l’examen de la vulve et du périnée, l’examen au spéculum pourra objectiver une localisation cervicale ou vaginale pouvant être présente tant dans les primo- infections que dans les épisodes de récurrence. On insistera sur les faits suivants : l’infection est souvent cliniquement latente (1 % pendant la grossesse) ; l’ex- crétion asymptomatique de virus n’est pas rare ; le risque d’infection néonatale est maximal (50 %) en cas de primo-infection ; le taux d’infection néonatale (rare) est de 1 à 13 pour 100 000. 2. Diagnostic Le diagnostic clinique peut être extrêmement trompeur, en particulier lors des épisodes de récurrence. Ainsi, le diagnostic virologique sera entrepris dans les situa- tions suivantes : lésion génitale maternelle suspecte ; recherche d’une excrétion virale asymptomatique (chez une patiente avec antécédent) en fin de grossesse ou en début de travail. Ce diagnostic repose sur un écouvillonnage des lésions ulcérées (périnée, vulve, col de l’utérus) ou en zone saine en l’absence de lésion apparente, mise en cultu- re (méthode de référence), cytodiagnostic de Tzanck, test ELISA (typage HSV1 ou 2) et milieux de transport spécifiques. La sérologie permet de poser un diagnostic de primo- infection sur 2 prélèvements successifs, ou d’éliminer ce diagnostic chez une femme qui rapporte des antécédents douteux. 3. Risques fœtaux et néonatals • Conséquence fœtale : le risque de contamination in utero est rarissime ; il s’agit alors d’une transmission hématogène par voie transplacentaire lors d’une primo- infection herpétique. Les conséquences de l’infection peuvent se traduire chez le fœtus par : un avortement ; une atteinte congéni- tale (retard de croissance intra-utérin, hépatite, hydra- nencéphalie, microcéphalie, calcification intracrânienne et choriorétinite, microphtalmie, des érosions cutanées actives ou cicatricielles sans véritable malformation associée) ; un accouchement prématuré. • Conséquences néonatales : le plus souvent, il s’agit d’une atteinte néonatale par contamination au cours de l’accouchement, soit par voie ascendante après rupture des membranes soit au passage du fœtus dans la filière génitale. L’atteinte peut être neurologique, cutanée et oculaire, disséminée ou localisée. Le pronostic vital peut être mis en jeu, et les séquelles neurologiques et oculaires peu- vent être catastrophiques. Seuls le diagnostic précoce et le traitement adapté [Aciclovir (acycloguanosine)] per- mettent de réduire la mortalité et les séquelles. • Situations à risque d’infection fœtale : toute primo- infection en cours de grossesse (risque majeur 50 %) ; tout épisode de récurrence en cours de grossesse (risque moyen 5 %) ; antécédent d’herpès génital dans le couple (0,1 %) ; dans la population générale, le risque est glo- balement de 1 pour 10 000 ; cette population est pour- voyeuse de deux tiers des cas et échappe à toute mesure de prévention (absence d’antécédents connus, excrétion asymptomatique de virus…). • Facteurs aggravant le risque d’infection néonatale : primo-infection dans les 3 dernières semaines de grossesse ; prématurité ; rupture des membranes, et longue durée de l’ouverture de l’œuf ; manœuvres invasives (électrode au scalp de l’enfant). • Conduites à tenir : lors de la première visite de gros- sesse, s’assurer de l’antécédent d’herpès génital et, au moindre doute, pratiquer une sérologie. En l’absence d’antécédent et en cas de sérologie négative, ne rien faire de particulier ; en cas de doute chez le partenaire, envisager des rapports protégés, en particulier 2 mois avant le terme. En cas d’antécédent, envisager une chimioprophy- laxie par l’aciclovir per os 200 mg x 4 par 24 heures à partir de 36 semaines d’aménorrhée (protocole en cours d’évalua- tion) ; – en cas de primo-infection dans le mois précédant l’accou- chement (situation rare), on peut envisager soit un traite- ment par aciclovir avec décision de voie basse si les derniers prélèvements sont négatifs, soit une césarienne systéma- tique , soit un traitement par aciclovir si les derniers prélè- vements sont positifs avec une décision de voie basse en fonction des délais de traitement par rapport au début du tra- vail ; – en cas de récurrence dans la semaine précédant l’accou- chement on propose un traitement par aciclovir avec une décision de voie basse, si les derniers prélèvements sont négatifs, ou une césarienne systématique , ou un traitement par aciclovir avec décision de voie basse. – en cas de lésion génitale suspecte au moment de l’accou- chement, la césarienne reste admise par la plupart des équipes. (Ces conduites à tenir reposent sur l’efficacité supposée de la chimioprophylaxie par l’aciclovir et la notion que la pré- sence d’anticorps circulants maternels est un facteur de pro- tection.) – de façon générale, en cas de lésion suspecte ou évidente, un examen clinique complet et des prélèvements locaux seront à effectuer ; – en cas de primo-infection en cours de grossesse, il faut assurer une désinfection locale (produits iodés) et donner des antalgiques. Il faut informer la patiente sur les risques liés au portage du virus. L’utilisation locale d’aciclovir n’est pas contre-indiquée. L’utilisation de l’aciclovir par voie générale (intraveineuse ou per os) doit être évitée avant le 3 e trimestre (retenir qu’il existe une contre-indication de prin- cipe pour toute la durée de la grossesse). Cependant si l’état maternel général le nécessite son utilisation ne sera pas dis- cutée. Les risques de tératogénicité de l’aciclovir sont théo- riques et son utilisation chez les prématurées est rassurante ; – le bénéfice de la césarienne, quand son indication est posée (devant une lésion, un prélèvement positif…) persiste si les membranes sont intactes ou rompues depuis moins de 4 heures. Au-delà de 6 heures de rupture, laisser accoucher par voie basse, entreprendre la chimioprophylaxie par aci- clovir. Cependant, 30 % des nouveau-nés atteints d’herpès ont été extraits par césarienne et, pour 8 % d’entre eux, les membranes étaient intactes ; – lorsque l’option voie basse est prise, les éléments suivants sont à considérer : prélèvements systématiques ; ne pas poser d’électrode au scalp ; diminuer la fréquence des tou- chers vaginaux ; pas de rupture précoce des membranes ; dans tous les cas : pansements occlusifs sur les lésions à dis- tance de la vulve (dos, fesses) ; désinfection par produits iodés [polyvidone iodée (Bétadine)]. Dans ces conditions, il reste tout de même 1 % d’infection néonatale ; – en cas de lésions extragénitales isolées : badigeonnage à la Bétadine, pansements occlusifs, accouchement par voie basse. • Soins au nouveau-né : quel que soit le mode d’accou- chement, le nouveau-né doit être examiné par le pédiatre ; des prélèvements multiples sont effectués (ombilic, conjonctives, cavité buccale…) à la naissance et dans les jours suivants ; désinfection cutanée (du nou- veau-né) à la Bétadine puis rinçage (attention au risque d’hypothyroïdie transitoire) ; traitement antiviral oculai- re (pommade ophtalmique à l’aciclovir) ; l’indication de l’aciclovir est prise par le pédiatre en fonction du risque estimé de contamination, de l’examen clinique (lésions cutanéo-muqueuses ) et du résultat des prélèvements virologiques ; dans tous les cas suivi pédiatrique adapté (information pour les parents sur d’éventuels symp- tômes à la sortie de la maternité…). • Les indications de l’aciclovir sont encore mal codi- fiées : infection maternelle sévère en cours de grossesse ; en cas de rupture prématurée des membranes à un terme précoce ; récurrence herpétique prouvée ou suspectée à l’approche du terme. En cours de grossesse, pour certaines équipes, on ne traitera ni les épisodes de récurrence, ni à titre préventif (toxicité potentielle du produit). Pour d’autres (mais il s’agit de protocoles en cours d’évaluation, le traitement oral est largement utilisé en particulier dans un but pré- ventif à partir de 36 semaines d’aménorrhée chez des patientes avec antécédents. On rappellera que l’aciclovir passe la barrière placentai- re, se concentre dans le liquide amniotique mais ne s’ac- cumule pas chez le fœtus. L’effet tératogène théorique n’a pas été observé. Mais son utilisation devra être dûment pesée. • Conduite à tenir dans le post-partum : hormis l’aspect pédiatrique que nous avons décrit plus haut, en cas de lésion clinique ou de culture positive : chambre seule ; surblouse ; lavage des mains ; pansement occlusif et Bétadine sur les lésions extragénitales. Ces précautions doivent être draconiennes, en particu- lier en cas d’allaitement. Bien que le sujet traité soit l’herpès génital, on rappelle que l’herpès buccal est lui aussi hautement transmissible avec des conséquences néonatales redoutables, ainsi les mêmes précautions draconiennes devront être prises I NF E CT I ONS E N COUR S DE GR OS S E S S E 96 L A R E V UE DU P R AT I CI E N ( P a r i s ) 1 9 9 9 , 4 9 avec en particulier un port de bavette en cas d’herpès oral et l’abstention des baisers. LISTERIOSE 1. Généralités Listeria monocytogenes est un bacille gram-positif, il s’agit d’un germe tellurique, très résistant aéro-anaérobie, actif de 4 à 45˚C. La contamination humaine est alimentaire, ou par l’intermédiaire du réservoir que représente le tube digestif pour certains individus. Tous les aliments ayant subi une rupture de la chaîne du froid peuvent être contaminants, en particulier les fromages à pâtes molles et non cuits (le camembert fermier par opposition au gruyère…), le lait cru et les charcuteries (rillettes…). La listériose survient plutôt sur un terrain immunodéprimé (en particulier la femme enceinte). La listériose est en général plutôt rare (20 cas pour 1 mil- lion) et survient soit par cas sporadique soit par épidémie liée alors le plus souvent à une contamination alimentaire. Par contre, en cours de grossesse, la listériose est très fré- quente (1 à 10 femmes en sont porteuses pour 1 000 accou- chements environ) et survient lors d’une grossesse sur 1 000. 2. Diagnostic • Diagnostic clinique : la symptomatologie de la listé- riose est très variable et peut se traduire par un syndro- me pseudogrippal, allant de la simple fièvre au tableau franchement septique. Le tableau symptomatique com- mence par un tableau pseudogrippal, pouvant s’accom- pagner de contractions utérines et suivi éventuellement d’une expulsion dans un contexte fébrile voire septicé- mique. Dans un quart des cas, l’infection maternelle est asymptomatique. Il existe d’autres formes cliniques : syndrome méningé, pleuropulmonaire, septicémique. La forme la plus fré- quente chez la femme enceinte est la forme pseudogrip- pale. Ainsi, toute fièvre (Ȅ38 ou 38,5˚C) chez une femme enceinte (en particulier après le 2 e trimestre) doit faire demander des examens bactériologiques qui seuls vont faire le diagnostic. • Diagnostic biologique : il repose sur la demande systé- matique d’une recherche spécifique de Listeria monocy- togenes sur les hémocultures, beaucoup plus rarement, le germe peut être mis en évidence sur les prélèvements périphériques (vagin, examen cytobactériologique des urines…). La sérologie maternelle n’est d’aucun secours en pratique. Le laboratoire doit aussi rendre un antibiogramme, et un sérotypage de la souche est entrepris dont le résultat est transmis à la Direction générale de la Santé (déclaration obligatoire) qui assure une « veille » épidémiologique. Le traitement antibiotique adapté doit être entrepris sans attendre les résultats du laboratoire (délai 2 à 3 jours). • Diagnostic anatomopathologique : on se souviendra du Gynécologie-obstétrique 97 L A R E V UE DU P R AT I CI E N ( P a r i s ) 1 9 9 9 , 4 9 caractère pathognomonique des micro-abcès placentaires. 3. Risque fœtal En plus du risque maternel des formes septicémiques, on observe les risques fœtaux liés à une contamination trans- placentaire et hématogène. L’infection du fœtus peut se traduire par une fausse couche précoce ou tardive ; une mort in utero ; un accouchement prématuré dans un contexte septique associé le plus souvent à une souffrance fœtale aiguë. On arrive parfois à obtenir la naissance d’un enfant vivant pouvant être asymptomatique ou gravement infecté (syndrome septicémique avec locali- sation méningée) avec des séquelles neurologiques. La mor- talité est alors de 20 %. 4. Traitement Dès la moindre suspicion du diagnostic, l’hospitalisa- tion est nécessaire ; dans les cas douteux, la réception rapide des examens bactériologiques permet d’hospitali- ser secondairement une patiente déjà traitée per os. Le traitement de choix est l’association ampicilline (6 g/24 h pendant 3 semaines)-aminoside (Nétromicine 4 mg/kg/j pendant 7 jours) (synergie bactéricide in vitro associée à un bon passage transplacentaire et une bonne diffusion intra- et extracellulaire). Le traitement est entrepris initialement en intraveineux. Les céphalospo- rines sont inefficaces. Les aminosides seront arrêtés le plus tôt possible (risque d’ototoxicité et de néphrotoxicité fœtale). La négativation des prélèvements bactériologiques est vérifiée ; le fœtus sera surveillé pluriquotidiennement par l’enregistrement du rythme cardiaque fœtal et la quantifi- cation des mouvements fœtaux. Le traitement de la menace d’accouchement prématuré associée au syndrome septique est le plus souvent illusoire et inefficace si le syndrome septique n’est pas rapidement contrôlé. L’antibiothérapie par β-lactamine doit être prolongée plu- sieurs semaines pour éradiquer tous les microfoyers (en particulier muqueuse utérine). En cas d’allergie, un macrolide remplacera l’ampicilline. 5. Prévention La prévalence paraît plus importante dans les pays fro- magers (France et Suisse). La prévention passerait par l’éviction de l’alimentation des femmes enceintes des fromages crus et à pâte molle, des légumes crus ou peu cuits, du lait cru, de la charcu- terie, des aliments réchauffés après conservation à 4˚C (réfrigérateur). La cuisson de tous les produits doit être suffisante, et la chaîne du froid ne doit pas être rompue. Les mains doi- vent être soigneusement lavées après manipulation d’aliments crus. Les aliments crus doivent être conser- vés séparément des aliments prêts à être consommés. Toute fièvre ou tout syndrome pseudogrippal doit faire pratiquer des hémocultures chez la femme enceinte, et faire entreprendre un traitement prophylactique ou cura- utilise le VDRL ; il se positive 15 jours après l’apparition du chancre. Ce test peut être soit qualitatif soit quantitatif, et permet de suivre l’évolution et (ou) le traitement de la pathologie. Il peut présenter des réactions faussement posi- tives (grossesse, infections aiguë et chronique, pathologie inflammatoire type lupus érythémateux disséminé, vacci- nation, pathologies tumorales...). – Test tréponémiques ; ces tests sont sensibles et spéci- fiques : . TPHA , réponse positive dans les 15 premiers jours sui- vant l’apparition du chancre, tests qualitatif et quantitatif permettant de suivre l’évolution de la maladie. . FTA ou FTA-abs (fluorescent treponema antibody), réponse précoce (7 à 10 jours après le chancre) spécifique et persistante. Il s’agit d’un test quantitatif et utilisé en deuxième ligne après les tests de dépistage. . ELISA (enzyme linked immunosorbent assay), permet la détection d’anticorps totaux. Une variante est le SPHA (solid phase hemagglutination assay) qui recherche les anti- corps anti-IgM. . Le test de référence qui permet de trancher dans les situa- tions délicates est le test de Nelson et Mayer (1949) ou test d’immobilisation des tréponèmes. Ce test est rigoureuse- ment spécifique, l’antigène est le tréponème pâle vivant (souche Nichols entretenu par passage sur testicule de lapin). – Interprétation des résultats de la sérologie : . TPHA(-) VDRL(-) : ces résultats sont négatifs, et en dehors d’un contexte clinique évocateur (chancre, facteur de risque récent), il n’y a pas lieu de poursuivre les investiga- tions. . TPHA(+) VDRL(+) : il s’agit d’une tréponématose ; l’in- terrogatoire du patient est ici primordial, en cas de syphilis connue, ancienne et traitée il s’agit d’une cicatrice sérolo- gique ne nécessitant pas d’investigations supplémentaires. En l’absence de précision des examens supplémentaires sont nécessaires. . TPHA(+) VDRL(-) : le test est tout à fait spécifique (99,5%), il faut pratiquer des tests pour vérifier qu’il s’agit bien d’une syphilis (Nelson, FTA-abs, IgM), si le Nelson et le FTA sont positifs avec des IgM négatifs, il s’agit alors probablement d’une syphilis ancienne ou décapitée, si le patient sait qu’il a été contaminé et traité, il s’agit d’une cicatrice sérologique ; dans le cas contraire, un traitement est à envisager. Il peut aussi s’agir d’une autre tréponéma- tose (pian, bejel…) ; l’avis d’un spécialiste des maladies infectieuses est alors nécessaire. . TPHA(-) VDRL(+) : pour pouvoir affirmer qu’il s’agit d’une réaction faussement positive, les autres réactions doi- vent être réalisées (Nelson, FTA-abs) et revenir négatives. Le cas contraire est exceptionnel mais peut se rencontrer chez des sujets immunodéprimés ; . Les faux VDRL (+) peuvent se présenter sur un mode aigu ou chronique : - mode aigu : (infections virales, parasitaires et parfois bac- tériennes). En cours de grossesse, témoins alors de modifi- cations immunologiques, ou après une ou des vaccina- tions; - mode chronique : ces réactions sont alors les témoins tif sans délai par une ampicilline. Les mesures de prévention doivent être connues de la femme enceinte et de son entourage. 1. Généralités Devenue rare, on la rencontre cependant dans 0,2 à 0,4 % des grossesses. Cette pathologie est intimement liée aux conduites à risque de maladie sexuellement transmisible, en particulier avec l’épidémie de sida et dans les milieux où sévit la toxicomanie. Cette pathologie sexuellement transmissible est causée par un spirochète (Treponema pallidum) très difficilement cultivable in vitro. Le dépistage de la syphilis est obligatoire (sérologie VDRL et TPHA) lors de l’examen prénuptial, et lors du premier examen de grossesse s’appuyant sur le fait que la transmis- sion (maternofœtale transplacentaire exclusive) ne se fait qu’exceptionnellement avant 16 semaines d’aménorrhée. L’affection n’est pas modifiée par la grossesse, et le dia- gnostic difficile repose sur la clinique habituelle, la bacté- riologie et la sérologie. 2. Diagnostic clinique La syphilis peut mimer grand nombre d’affections cuta- nées ; c’est à juste titre que l’on peut la qualifier de grande simulatrice. La phase primaire (associée au chancre) passe le plus souvent inaperçue ; toute lésion cutanée généralisée (associée ou non à des lésions muqueuses et à des adénopa- thies), toute lésion génitale ulcérée ou non doit faire évo- quer le diagnostic. En cas de séropositivité au virus de l’immunodéficience humaine (VIH), associée on évoquera d’autant plus facilement ce diagnostic. Seule la sérologie permettra de faire le diagnostic. 3. Diagnostic biologique • Diagnostic bactériologique : il s’agit du classique exa- men direct à l’état frais sous microscope à fond noir, au cours duquel on examine un produit de grattage de lésion (chancre, lésion cutanée…). D’acquisition plus récente, on peut utiliser les techniques d’immunofluorescence directe ou indirecte, examen beau- coup plus spécifique (exclut les tréponèmes commensaux). Ces examens sont en pratique rarement réalisés en routine obstétricale. • Le diagnostic sérologique est obligatoire en début de grossesse. Ce test de dépistage doit comprendre l’associa- tion d’un test tréponémique et non tréponémique ; les 2 tests pratiqués sont le TPHA (treponema pallidum haema- glutination assay) et le VDRL (veneral desease resærch laboratory). – Tests non tréponémiques (ou réaction lipidique) : tests sensibles mais non spécifiques, ils sont dirigés contre un anticorps cardiolipidique non spécifique. Classiquement on I NF E CT I ONS E N COUR S DE GR OS S E S S E 98 L A R E V UE DU P R AT I CI E N ( P a r i s ) 1 9 9 9 , 4 9 SYPHILIS d’éventuelles pathologies sous-jacentes beaucoup plus inquiétantes (lupus, myélome, sclérodermie...) nécessitent un bilan par ailleurs. Un bilan minimal de complément comprendra une recherche de : facteurs antinucléaires (FAN) ; anticorps anticardiolipines ; anticorps anticoagu- lants circulants. L’association syphilis et VIH est particulière et on pourra alors observer des VDRL faussement positifs ou négatifs, ainsi qu’une aggravation de l’évolution de la syphilis (neu- rosyphilis en particulier). 4. Risque fœtal et néonatal La transmission (maternofœtale transplacentaire exclu- sive) ne se fait en général qu’à partir de 16 semaines d’aménorrhée. Plus l’infection est récente, plus le risque de contamination fœtale est élevé ; il en est de même en l’absence de traitement. En cas d’infection récente (< 1 an) non traitée, 90 % des enfants sont infectés dont 50 % seront symptomatiques. En cas de syphilis évoluée secondaire et tertiaire 15 à 40 % des enfants pourront être infectés. • L’infection fœtale peut se traduire par , un avortement précoce , une mort in utero , une anasarque par anémie et hypoprotidémie , une hépatosplénomégalie , une pré- maturité , une hypotrophie. Ces signes peuvent être visualisables à l’échographie. On pourra parfois isoler Treponema pallidum dans le liquide amniotique et le sang fœtal. Globalement, la mortalité périnatale est de 40 % dans les syphilis précoces non traitées et 20 % dans les syphi- lis tardives non traitées. • L’infection néonatale peut être asymptomatique (contamination tardive ou syphilis maternelle décapitée) ou se présenter sous une forme congénitale sévère (ictè- re, hépatosplénomégalie, polyadénopathie, atteinte osseuse (ostéochondrite des os longs), atteintes cutanées bulleuses de la paume des mains et de la plante des pieds, atteintes muqueuses, anémie, thrombopénie. Le diagnostic repose alors sur : - la microbiologie, recherche de Treponema pallidum sur divers prélèvements (amnios, placenta, cordon ombilical, sécrétions nasales, peau...) ; - les sérologies spécifiques (IgM) comparées aux sérolo- gies maternelles. Si le nouveau-né est apparemment nor- mal et que les anticorps se stabilisent ou augmentent en titre au lieu de disparaître au bout de 3-4 mois, il faut considérer qu’il s’agit d’une syphilis congénitale ; - la radiographie des os longs (recherche d’une dystr- phie métaphysaire) ; - la ponction lombaire. Cet ensemble d’examens peut être réalisé en partie ou dans sa totalité en cas de syphilis maternelle traitée (ou non) en cours de grossesse ; il complète la prise en char- ge pédiatrique et l’examen clinique soigneux indispen- sable chez les nouveau-nés de mère ayant une sérologie syphilitique découverte en cours de grossesse. 5. Traitement Gynécologie-obstétrique 99 L A R E V UE DU P R AT I CI E N ( P a r i s ) 1 9 9 9 , 4 9 Le traitement maternel repose sur la pénicilline G par voie parentérale (Extencilline, Biclinocilline) très effi- cace, avec un très bon passage transplacentaire et une prévention de la réaction d’Herxheimer (corticothéra- pie). En cas d’allergie, l’alternative repose sur les céphalo- sporines (attention à l’allergie croisée) ou l’érythromycine (efficacité moindre nécessitant souvent un traitement com- plémentaire du nouveau-né à la naissance). Le traitement comporte aussi une surveillance maternelle (sérologique et clinique), une évaluation néonatale précoce et tardive du nouveau-né (sérologique et clinique) mais aussi un traite- ment du ou des partenaires. La déclaration est obligatoire. • Traitement de la syphilis récente : benzathine-benzylpé- nicilline (Extencilline injectable) 1 injection intramuscu- laire (2,4 MUI) par semaine pendant 2 semaines ou une injection dans chaque fesse en une seule fois ou bénétha- mine-pénicilline (Biclinocilline injectable) 1 injection intramusculaire (1 MUI) par jour pendant 15 jours, faire 2 cures à 2 mois d’intervalle ou (en cas d’allergie) éry- thromycine-éthylsuccinate (Erythrocine 1000) , per os 1 sachet (1 g) x 2 par jour pendant 3 semaines. • jusqu’à ce jour, Treponema pallidum est resté remar- quablement sensible à la pénicilline ; aucune vaccination n’est encore disponible ; un sujet bien traité n’est pas immunisé et peut s’infecter à nouveau ; la plupart des échecs de traitement sont liés à une réinfection ; • la prévention de l’infection fœtale repose sur : la pré- vention primaire de la syphilis (information vis-à-vis des maladies sexuellement transmissibles, usage du préserva- tif…) ; le diagnostic et le traitement précoce de l’infection maternelle, une syphilis récente et traitée de façon adaptée avant 20 semaines d’aménorrhée s’accompagnent d’un risque quasiment nul d’infection congénitale. Le traitement du nouveau-né repose sur la pénicilline G HÉPATITE B 1. Généralités et épidémiologie Le virus de l’hépatite B (HBV) est un virus à ADN à tro- pisme principalement hépatique. Il est mondialement répandu et peut se transmettre sur plusieurs modes : parentéral (toxicomanie, contamination accidentelle, transfusion…) ; vertical (transmission maternofœta- le…) ; sexuel ; horizontal [transmission intrafamiliale (ex. : mère - enfant)]. La transmission du virus de l’hépatite B de la mère au fœtus est essentiellement per- et postnatale. La fréquence des infections chroniques (portage au minimum de l’Ag HBS) au virus de l’hépatite B est très élevée (0,5 % en Europe, 10 % en Afrique occidentale et en Asie du Sud-Est) ; le plus souvent (90 %) la primo- infection était asymptomatique et le sujet ne se sait pas porteur de l’Ag et il est donc potentiellement contaminant. Trois mille enfants par an seraient exposés (en France) au risque de transmission de l’HBV ; ils bénéficient de la sérovaccination dès la naissance ce qui devrait éviter la contamination d’environ 1 000 enfants. • Forme chronique : il s’agit du cas de figure le plus fré- quemment rencontré en cas de présence de l’antigène HBs. Le plus souvent, il s’agit d’un portage chronique asymp- tomatique et sans signe sérologique de réplication virale (transaminases normales, absence d’Ag HBe, présence d’Ac HBe et d’Ac HBc, absence d’ADN viral circu- lant). Le risque de contamination néonatale est alors considéré comme très faible, une sérovaccination à la naissance est cependant justifiée. Moins fréquemment (20 % des cas) il s’agit d’une infec- tion chronique active [transaminases augmentées ou non, Ag HBe(+), Ac HBe(-), DNA viral circulant (+)], le risque de transmission néonatale est alors très élevé, jus- tifiant les mesures de sérovaccination à la naissance. La présence de l’Ag HBe associée à l’absence de l’Ac Hbe est un élément majeur pour déterminer le potentiel de contagiosité. 3. Risque néonatal La transmission du virus B à l’enfant est plus fréquente en fin de grossesse (voie hématogène transplacentaire), à l’accouchement (sécrétions génitales et sang maternel) et au cours des premiers mois de la vie (promiscuité, hygiène de vie et allaitement), surtout si la patiente est Ag Hbe positive et présente un taux d’ADN viral circu- lant élevé. Le risque est que le nouveau-né développe secondaire- ment une infection chronique (60 % des cas) avec dans un quart des cas une évolution vers une cirrhose post- hépatitique et un hépatocarcinome (10 % des cas) dans l’enfance, l’adolescence ou l’âge adulte. 4. Mesures de prévention • Prévention générale : – vaccination de toutes les patientes non immunisées soumises à un risque accru d’infection (toxicomanes, prostituées, partenaires de porteurs chroniques, person- nels médicaux et paramédicaux qui auraient échappé à l’obligation légale du vaccin). La vaccination n’est pas contre-indiquée en cours de grossesse ; – vaccination de tout l’entourage familial (conjoint et enfants) d’un porteur du virus ; – vaccination (légale) du personnel médical, paramédical ou exposé ; – séroprophylaxie en cas de contamination accidentelle d’un sujet non immunisé. Ce geste est alors couplé à une vaccination ; – programme étendu de vaccination à la population généra- le (en commençant par les enfants et les adolescents) adop- té aux États-Unis et en France ; ce programme est actuelle- ment suspendu par prudence [risque non prouvé de complications neurologiques (sclérose en plaques)]. • Prévention de la transmission néonatale : la sérologie de l’hépatite B est obligatoire chez toute femme enceinte, et la vaccination est possible pendant la grossesse. La recherche systématique de l’Ag HBs au cours du troisième trimestre de la grossesse est obligatoire. Les risques de l’infection à HBs sont de plusieurs ordres : risque de l’infection aiguë allant de la forme inapparente à l’hépatite fulminante potentiellement mortelle ; risque de passage à l’hépatite chronique avec évolution vers la cirrhose et l’hépatocarcinome ; risque de transmission néonatale avec passage à la chronicité ultérieure. 2. Diagnostic chez la mère Le diagnostic repose sur la sérologie de l’hépatite B dont nous résumons ici les différents marqueurs : – Ag HBs : premier antigène à apparaître après infection aiguë, il persiste en cas de passage à la chronicité ; – Ag Hbe : sécrété lui aussi en phase aiguë, sa persistan- ce est de mauvais pronostic et témoigne d’une réplica- tion virale et d’une contagiosité accrue ; – ADN viral : sa recherche permet de quantifier le degré de réplication virale ; ce test est peu utilisé en pratique courante ; – Ac anti-HBc : est le premier anticorps à apparaître, puis persiste des années ; – Ac anti-HBe : sa présence est un facteur de bon pro- nostic en cas de passage à la chronicité, son absence témoigne d’une contagiosité accrue lorsque persiste l’Ag Hbe ; – Ac anti-HBs : apparaît tardivement à la phase de gué- rison (au bout de 4 à 5 mois) ; il est responsable de la protection contre une réinfection. L’immunité vaccinale résulte uniquement de la présence d’anticorps anti-HBs circulants. • Forme aiguë : l’hépatite virale est la cause la plus fré- quente d’ictère chez la femme enceinte. Aussi, le dia- gnostic doit-il être constamment évoqué. Le diagnostic différentiel comprend : une hépatite virale liée à un autre virus ; une cholestase gravidique, une stéatose hépa- tique aiguë gravidique, voire une forme frontière de toxémie gravidique (HELLP syndrome…) ; une hépatite toxique (médicaments, alcool…). Les formes graves d’hépatite de la femme enceinte sont en majorité représentées par l’hépatite B avec un pro- nostic parfois réservé pour la patiente. Dans les formes classiques (peu symptomatiques), on surveillera l’hé- mostase maternelle (en particulier en cas de syndrome cholestatique marqué) qui peut être altérée par déficit en vitamine K. Une supplémentation de vitamine K juste avant l’accou- chement peut être souhaitable afin de prévenir les hémorragies de la délivrance. Hormis le risque de contamination périnatale, il ne semble pas y avoir de risque tératogène ou de fœtopa- thie ; par contre le risque d’accouchement prématuré ou de mort fœtale existe lors d’une hépatite du dernier tri- mestre ou lors d’une forme grave. L’hépatite aiguë à HBV au cours du 3 e trimestre de la grossesse comporte un risque spontané (en l’absence de prévention à la naissance) de transmission virale au nou- veau-né de 80 à 90 % des cas ; les trois quarts de ces nouveau-nés infectés feront un passage à la chronicité. En pratique courante, l’infection aiguë à HBV en cours de grossesse est un événement rare. I NF E CT I ONS E N COUR S DE GR OS S E S S E 100 L A R E V UE DU P R AT I CI E N ( P a r i s ) 1 9 9 9 , 4 9 Cette attitude permet : - une prise en charge de l’hépatite B maternelle en milieu spécialisé, et un dépistage chez les autres membres de la famille ainsi qu’une recherche d’autres pathologies asso- ciées (Maladies sexuellement transmissibles, infection par le VIH, infection par le virus de l’hépatite C…) ; - une prise en charge spécifique du nouveau-né comprenant, en fonction du degré de contagiosité maternelle, un traite- ment préventif de celui-ci qui démarre en salle de travail dès la naissance : – une sérovaccination : gammaglobulines anti-HBs ( 2 mL en intramusculaire) (renouvelée périodiquement en fonction du suivi sérologique) ; on débute la première injection de vaccination. Cette prévention est par exemple appliquée si la mère a fait une hépatite B en cours de grossesse ; – une sérovaccination : gammaglobulines anti-HBs (2 mL en intramusculaire), une seule injection ; on débute la pre- mière injection de vaccination. Cette prévention est par exemple appliquée si la mère est séronégative à l’Ag HBe. Un suivi clinique et sérologique du nouveau-né est obliga- toire. L’allaitement au sein est déconseillé dans nos contrées où l’on dispose d’excellents laits maternisés. 1. Généralités et épidémiologie Le cytomégalovirus (CMV) est un virus à ADN du groupe des Herpèsvirus, le réservoir est humain et plusieurs souches virales existent. Schématiquement, le cycle infec- tieux passe par une primo-infection (apparition des IgM et excrétion virale) suivie d’une période de latence, puis de périodes de réactivation (même souche) ou de réinfesta- tion (souches différentes, excrétion virale moins importan- te et prédominance d’IgG). Le virus est ensuite présent très longtemps (des années) dans l’organisme. Le réservoir du virus est l’être humain, et la contamination peut se faire de façon suivante : par contact rapproché (salive, sécrétions génitales, lait de la mère…) ; par voie sanguine (transfusion…) ; par voie transplacentaire. Il s’agit d’une infection virale potentiellement grave pour le fœtus ; elle n’est pas recherchée systématiquement en cours de grossesse, hormis quelques protocoles de dépistage systématique. L’infection maternelle est le plus souvent asymptomatique (90 %). Le risque d’infection maternofœtale à CMV en cours de grossesse peut être considéré comme un véritable problè- me de santé publique ; le pourcentage de la population immunisée dépend des conditions sociales et varie en fonction de la géographie ; ainsi, si en France environ 60 % des patientes en âge de procréer ne sont pas immuni- sées contre le CMV, on estime que 1 % des naissances vivantes ont fait l’objet d’une infection à CMV in utero (à des degrés de gravité variable). Environ 1 500 enfants par an en France seraient concernés, soit par un décès, soit par Gynécologie-obstétrique 101 L A R E V UE DU P R AT I CI E N ( P a r i s ) 1 9 9 9 , 4 9 CYTOMÉGALOVIRUS des séquelles neurosensorielles plus ou moins graves. • La séroconversion ( primo-infection) à CMV s’ac- compagne d’une virémie maternelle et éventuellement de signes cliniques. Le passage fœtal se produit dans environ 40 % des cas, il est constant quel que soit le terme, mais ses conséquences semblent plus graves en début de grossesse. • Les signes d’appel de l’infection en cours de grosses- se sont soit cliniques (maternels) soit échographiques (fœtaux). Les signes échographiques le plus souvent rencontrés sont le retard de croissance intra-utérin et les anomalies cérébrales. Le diagnostic biologique maternel repose bien évidem- ment sur la sérologie conventionnelle (IgG et IgM) mais doit être complété par les tests d’avidités des IgG qui permettent de mieux dater la primo-infection. Le risque d’infection fœtale en cas de réinfection ou de réactivation maternelle est considéré comme très infé- rieur à celui d’une primo infection qui est notre préoccu- pation principale. 2. Situation « à risque » d’infection à CMV en cours de grossesse • La plupart des primo-infections sont asymptoma- tiques (90 % des cas). Si le risque d’atteinte fœtale est maximal en cas de primo-infection, il n’est cependant pas nul en cas de réinfection (10 à 15 fois moindre) menant le plus souvent à des formes «minimes» avec des atteintes séquellaires neurosensorielles (surdités unilatérales…). • Le taux de femmes immunisées pour le CMV varie en fonction des conditions socio-économiques, très impor- tant dans les milieux défavorisés des pays en voie de développement (~90 %) et dans les pays où le taux d’immunisation est très élevé (Japon), il peut n’être que de 40 % dans des études occidentales. • Toute femme enceinte séronégative vis-à-vis du CMV risque de s’infecter en cours de grossesse, ce risque est nettement majoré si la patiente travaille au contact de jeunes enfants (crèche, infirmière en milieu pédia- trique…) ou au contact de malades précaires ou immu- nodéprimés (volontiers réservoir du virus). Il en est de même pour les mères de famille avec des enfants en crèche. De même toute immunodépression maternelle est une situation à risque. Il conviend de dépister les situations ou les métiers à risque pour permettre des comportements prophylac- tiques de la part de l’intéressé : éviter les contacts rap- prochés (baisers) ; éviter les contacts avec les sécrétions (salive…) ; se protéger avec un masque ; changer provi- soirement de poste de travail ; ne pas finir les plats des enfants ; éviter tout contact avec les sécrétions de l’en- fant en particulier la salive (nettoyer les jouets) ; se laver les mains après chaque change d’enfant… L’efficacité de ces mesures a fait l’objet d’une évalua- tion précise qui montre un effet positif de celle-ci sans toutefois obtenir de résultats significatifs dans une étude cas-témoins. Dans la mesure du possible, en cas de sérologie positive détectée en cours de grossesse, il faut entreprendre une étude comparative avec des sérums du début de grossesse ou antérieurs à celle-ci. En fait, en cas de signes échographiques majeurs l’étu- de des sérologies sera d’un faible secours, et seuls les prélèvements fœtaux permettront de progresser dans le diagnostic. • Prélèvements fœtaux : ne doivent être faits qu’en dehors de l’épisode de virémie maternelle, ce qui en pra- tique est difficile à déterminer. La virémie persiste quelques semaines à quelques mois après le début de l’infection, et la détection de virémie en cas de primo-infection est incons- tante. On considère que l’amniocentèse ne doit être prati- quée que 4 semaines après la date supposée de séroconver- sion maternelle afin d’éviter les faux négatifs (délai d’infection fœtale), les faux positifs par contamination maternelle et une hypothétique contamination du fœtus. – Prélèvement sur liquide amniotique : l’amniocentèse per- met les examens suivants : recherche d’un fragment du génome CMV par PCR (méthode très sensible et spéci- fique, dont la qualité première est la rapidité) ; mise en évi- dence du virus par culture cellulaire (c’est la méthode de référence dont les délais de réponse sont plus longs). Malgré tout, une recherche négative n’exclut pas for- mellement une atteinte fœtale. Si l’on compare les résultats de l’amniocentèse (PCR) à la virurie à la naissance, la sensibilité est de 71 % (30 % des enfants avec une virurie positive avaient une PCR négative), la spécificité est de 98,5 %, la VPP de 94,4 %, la VPN de 90,4 %. – Prélèvement sur sang fœtal : la sérologie CMV, du fait de l’immaturité immunitaire fœtale, est de peu de secours, par exemple l’absence d’IgM (cette recherche est peu spécifique) n’élimine absolument pas une infec- tion fœtale. Le dosage de l’interféron donne une indica- tion non spécifique d’infection virale la numération- formule sanguine-plaquette et le bilan hépatique (ASAT, ALAT, gamma GT....) peuvent permettre de documenter une fœtopathie pour établir un pronostic en cas d’absen- ce d’anomalie à l’échographie. En conclusion, actuellement le diagnostic de certitude repose sur la PCR dans le liquide amniotique. 5. Prise en charge en cas de diagnostic positif Au cours d’une primo-infection maternelle, le risque de transmission au fœtus est en moyenne de 40 %. Les fœtus contaminés vont devenir excréteurs de virus et seront viruriques dès la naissance. Le schéma suivant explicite le risque d’atteinte fœtale (hors évaluation échographique, et en ne tenant pas compte du terme). Sur 1 000 séroconversions, 400 fœtus seront atteints : – 90 % (360) seront asymptomatiques à la naissance, - 10 % (36) développeront dans les années suivantes des séquelles neurosensorielles (retard mental modéré, sur- dité…) ; – 10 % (40) des enfants seront symptomatiques (mala- die des inclusions cytomégaliques), 3. Circonstances du diagnostic de l’infection à CMV • Situation clinique : tout épisode grippal important en cours de grossesse devra dans un premier temps faire véri- fier la sérologie CMV maternelle (il en est de même en cas de syndrome mononucléosique ou d’hépatite). Si les IgG sont négatifs avec des IgM négatifs la patiente peut être ras- surée, elle reste cependant susceptible de s’infecter. Si les IgG sont positifs avec des IgM négatifs la patiente est immunisée. Si les IgG et les IgM sont franchement positifs (ou avec des IgG négatifs ou faiblement positifs), il s’agit d’une séroconversion en cours (la conduite à tenir est détaillée plus bas). Parfois, on est en présence d’un taux d’IgG positif associé à un taux faible d’IgM, dans ce cas seul, un test d’avidité des IgG permet de déterminer s’il s’agit d’un taux résiduel témoin d’une infection ancienne (au moins supérieur à 3 mois) en cas d’avidité élevée, ou témoin d’une réinfection) ou d’une séroconversion récente (avidité faible). Lorsqu’à l’examen clinique une hypotrophie fœtale est sus- pectée, une échographie de contrôle la confirmera ou non. • Lors d’une échographie (morphologie ou croissance), les éléments suivants peuvent êtres retrouvés : un retard de croissance intra-utérin associé ou non à une anomalie de liquide amniotique sans anomalie des doppler utérins ni ombilicaux ; une atteinte du système nerveux central (dila- tation ventriculaire, calcifications intracrâniennes périven- triculaires, microcéphalie, anomalie de la gyration, images en candélabre liées à une hyperechogénicité des vaisseaux lenticulo-striés…) ; une atteinte digestive détectée sur une image intra-abdominale (« calcifications » hépatiques, intestinales, ascite, hyperéchogénicité du grêle…) ; un tableau d’anasarque (dissocié ou non) ; un hydramnios. Devant l’un de ces signes (isolé ou associé), on devra pro- poser à la patiente une recherche d’infection virale (en particulier à CMV). On peut préciser que les signes échographiques sont probablement tardifs et témoins d’une infection sévère, à l’origine soit de mort fœtales in utero soit de formes graves et symptomatiques à la naissance. On peut esti- mer qu’en dehors de signes échographiques et de symp- tômes cliniques, la majeure partie des infections fœtales (probablement les moins graves) échappent à notre sur- veillance obstétricale. Lorsque des signes échographiques sont constatés, les IgM ont en général disparu ; on aura alors recours à des dosages sur des sérums antérieurs et aux tests d’avidité qui permettent de mieux dater l’infection. 4. Diagnostic de l’infection à CMV • La sérologie maternelle : peut être extrêmement diffici- le à interpréter (d’autant plus que la présence d’IgM peut être résiduelle, liée à une activation polyclonale non spéci- fique, ou à une réinfection par le même virus). En cas d’IgM faiblement positif seul un test d’avidité élevé des IgG permettra de qualifier l’infection d’ancienne. I NF E CT I ONS E N COUR S DE GR OS S E S S E 102 L A R E V UE DU P R AT I CI E N ( P a r i s ) 1 9 9 9 , 4 9 - 20 % (8) décéderont, - 90 % (29) des survivants auront de graves séquelles neurologiques et sensorielles (microcéphalie, chorioréti- nite avec cécité, surdité bilatérale). On rappellera aussi que plus le terme de l’infection est précoce, plus celle-ci est grave, avec un risque de séquelles plus élevé. Par contre, l’âge gestationnel ne semble pas influencer le taux de transmission. Les taux de séquelles neurosenso- rielles en fonction du terme de contamination sont les suivants : 1 er trimestre : 35-45 %; 2 e trimestre : 8-25 %; 3 e trimestre : 0-7 %. • La présence de signes échographiques associés à une PCR (+) signe la fœtopathie, l’attitude la plus courante est alors de proposer une interruption médicale de gros- sesse. En cas de signes échographiques cérébraux frustes, ou devant l’existence par exemple d’une hyper- échogénicité abdominale isolée avec une PCR (+) ; une imagerie par résonance magnétique cérébrale fœtale peut être demandée dans le but d’affiner le pronostic. Dans ces situations intermédiaires, une biologie fœtale peut être pratiquée au cordon toujours dans le but d’affiner le pronostic. Mais un retard de croissance intra-utérin isolé peut n’être que le seul symptôme d’une fœtopathie grave et être à lui seul un signe de mauvais pronostic. • La présence de signes biologiques [ PCR (+) ou cultu- re (+) dans le liquide amniotique] isolément après une séroconversion maternelle, et en l’absence de signe écho- graphique (en particulier eutrophie fœtale) et de signes à l’imagerie par résonance magnétique, pose pour cer- taines équipes l’indication d’une biologie sur sang fœtal ; si celle-ci est positive, une interruption médicale de gros- sesse pourrait être proposée; pour d’autres cette attitude est plus discutable. En l’absence d’anomalies biologiques sur le sang fœtal, le pronostic est difficile à établir ; dans ces cas, le suivi échographique, si le terme le permet, est indispensable associé à une imagerie par résonance magnétique fœtale. Cette attitude est modulable en prenant en compte le terme supposé de l’infection puisque plus celle-ci est précoce, plus le risque de séquelles est important . Cependant, il faut noter que cette prise en charge pourrait entraîner une interruption médicale de grossesse chez 50 % de fœtus indemnes. De plus, il faut se souvenir que 5 à 15 % des nouveau-nés en maternités sont viruriques dans les jours qui suivent la naissance et sont totalement asymptomatiques. • À l’accouchement, si après l’évaluation anténatale il est décidé de laisser se poursuivre la grossesse ou si les parents ont décliné une proposition d’interruption médi- cale de grossesse ; l’enfant devra impérativement bénéficier d’une prise en charge pédiatrique adaptée avec la réalisation d’examens complémentaires comprenant en particulier : une recherche de virurie (effectuée dans les 15 jours qui sui- vent la naissance) ; une echographie transfontanellaire, un fond d’œil ; une recherche de potentiel évoqué auditif… Une prise en charge spécifique immédiate ou différée, asso- ciée à un suivi au long cours, devra être assurée en fonction Gynécologie-obstétrique 103 L A R E V UE DU P R AT I CI E N ( P a r i s ) 1 9 9 9 , 4 9 des premières constatations cliniques et paracliniques. 6. Quel dépistage proposer ? L’opportunité du dépistage systématique reste en suspens, d’authentiques infections in utero existent comme en témoigne le pourcentage de nouveau-nés viruriques à la naissance qui sont totalement asymptomatiques, et l’échographie permet de repérer les infections graves en anténatal. • Protocole de dépistage intensif qui consiste en l’atti- tude suivante : sérologie systématique au début de la grossesse, puis suivi sérologique mensuel des femmes séro- négatives. Déclenchement des investigations invasives en cas de séroconversion. Les principales conclusions sont les suivantes : – ce protocole est très anxiogène pour les patientes et diffi- cile à gérer pour l’équipe médicale en cas d’amniocentèse positive (PCR) sans autre anomalie associée ; – des cas de fœtus avec PCR négative en anténatal et virurie positive en postnatal immédiat ont été trouvés ; – la valeur de l’amniocentèse est bonne pour prédire la virurie à la naissance mais mauvaise pour prédire une atteinte fœtale. Seule l’échographie semble pouvoir prédire une pathologie fœtale de façon fiable ; – le problème n’est pas résolu car cette attitude est à l’origine d’examens invasifs et d’interruption médicale de grossesse non justifiés a posteriori (comme en témoignent les examens fœtopathologiques) ; – partant du principe qu’il n’existe pas de traitement anténatal et que le suivi échographique habituel permet de repérer les anomalies les plus graves justifiant d’une interruption médica- le de grossesse, les résultats plaident pour un allègement du protocole. • Protocole « allégé » : – sérologie en début de grossesse ; – en cas de sérologie négative mesures prophylactiques ; – suivi clinique et échographique standard (12, 22 et 32 semaines d’aménorrhée) ; - éventuellement sérologie en fin de grossesse ; – investigation anténatale si séroconversion dépistée sur signes d’appels cliniques ou échographiques ; – à la naissance, recherche de virurie néonatale ; en cas de virurie positive, bilan complet et suivi pédiatrique (au moins jusqu’à 6 ans) ; – cette attitude permettrait de mieux connaître le pour- centage et le pronostic des infections congénitales asymptomatiques dépistées sur la virurie néonatale et nous paraît être une proposition acceptable de dépistage. Ce dépistage des enfants asymptomatiques à la naissan- ce permettrait de repérer plus tôt, pour une meilleure prise en charge, des séquelles à type de surdité. 7. Mesures de prévention Toute transfusion doit être faite avec un sang CMV(-) et déleucocyté même si la femme enceinte est CMV(+). Des antiviraux (potentiellement embryotoxiques et fœtotoxiques : Ganciclovir, Foscarnet…) ont déjà été utilisés chez des nouveau-nés avec certains succès. Leur utilisation en anténatal n’est pas encore d’actualité. servatifs). • Evaluation des conditions socio-économiques (possibilité d’élevage de l’enfant à venir...). • Une information loyale et éclairée de la patiente sur les risques néonatals et les moyens de les diminuer En pratique, 50 % des femmes poursuivent leur grossesse. En cours de grossesse, outre la surveillance habituelle, des bilans biologiques et cliniques réguliers seront réalisés avec une prise en charge multidisciplinaire. Les principales infec- tions qui peuvent survenir sont : la tuberculose pulmonaire, la pneumopathie à Pneumocystis carinii, et la toxoplasmose cérébrale. 3. Transmission maternofœtale Le mode de transmission verticale se fait soit par passage transplacentaire in utero [2 e trimestre (20 % des cas) et 3 e tri- mestre (80 % des cas)], soit à l’accouchement. Actuellement, le rôle de la transmission tardive en cours de grossesse est le plus retenu, on soupçonne les contractions utérines de s’ac- compagner de microemboles d’origine maternelle dans la circulation fœtale. Dans le post-partum, l’infection par l’allaitement maternel n’est pas négligeable ce qui n’est pas sans problème dans les pays en voie de développement où l’alimentation artificielle est peu ou pas disponible. Le VIH n’induit pas d’embryofœtopathie. De façon sponta- née, 20 % des nouveau-nés seront contaminés, dont 20 % feront une infection (sida) précoce et sévère et 80 % un sida dans un délai moyen de 6 à 8 ans. Le risque de transmission est aggravé par : - l’état clinique maternel ( plus celui-ci est altéré, plus la transmission est élevée ) (infections opportunistes, maladies sexuellement transmissibles associées…) ; - l’altération du bilan biologique maternel avec, en particu- lier : taux de CD4 maternel < 400 ; antigénémie P24 éle- vée ; charge virale élevée ; - données obstétricales : chorioamniotite ; prématurité ; rupture prolongée des membranes… 4. Traitement Les indications de l’azidothymidine (AZT) sont les mêmes que chez la femme non enceinte avec les mêmes contraintes de surveillance, de même pour la didanosine (Videx), zidovudine (Retrovir), dont on sait qu’elles pas- sent la barrière placentaire ainsi que les inhibiteurs des protéases [ritonavir (Norvir), indinavir (Crixivan), saqui- navir (Invirase)]. Il est donc possible de rencontrer des femmes enceintes sous bi- ou trithérapie sans que l’on puisse actuellement en mesurer les conséquences. La prévention d’un certain nombre d’affections opportu- nistes sera assurée par : – la prévention de la pneumopathie à Pneumocystis carinii (Bactrim per os, pentamidine en aérosol au cours du der- nier trimestre) ; – la prévention de la toxoplasmose cérébrale (Bactrim, Malocide, Adiazine, plus une supplémentation en acide folinique). 5. Diagnostic prénatal Le diagnostic prénatal est théoriquement possible sur Les vaccins anti-CMV ne sont pas encore suffisamment efficaces et ne mettraient pas forcément à l’abri d’une réinfection. Cependant compte tenu du faible risque en cas de réinfection, l’idée est séduisante. Cette solution pourrait être une voie d’avenir. VIH 1. Généralités Le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) est un rétrovirus à ARN monocaténaire. L’infection par ce virus est responsable d’une immunodépression liée à la destruction progressive des lymphocytes CD4 , évoluant inéluctablement vers le sida en l’absence de polychi- miothérapie. Nous ne rappellerons pas ici l’ensemble de ces conséquences. La grossesse peut être l’occasion de la découverte d’une séropositivité ou d’un sida avéré chez des patientes qui l’ignoraient ; ainsi, un dépistage systématique est insti- tué dès la première visite de grossesse , la proposition d’un test pour le VIH est obligatoire, mais sa réalisation ne l’est pas si la patiente s’y oppose ; il appartient au médecin d’expliquer alors l’utilité de ce dépistage devant l’existence de moyen de prévention de la trans- mission maternofœtale. Ce dépistage doit être proposé à toutes les patientes et en particulier aux femmes présen- tant un risque majoré (partenaire de toxicomane…) . Actuellement, le mode d’acquisition est le plus souvent hétérosexuel (75 %) (partenaire séropositif). En région parisienne la prévalence pour VIH 1 est de 0,5 % et de 0,02 % pour VIH 2. La prévalence est plus importante dans les zones urbaines. La séropositivité sera confirmée sur 2 prélèvements san- guins différents et par un western blot. La grossesse ne semble pas aggraver l’état maternel en l’absence de symptôme et lorsque l’état immunitaire est conservé. Tout type d’infection opportuniste peut surve- nir en fonction de l’état de dépression immunitaire maternelle (tuberculose pulmonaire, pneumopathie bac- térienne et à Pneumocystis carinii, toxoplasmose céré- brale, infection par le CMV et même septicémie listé- rienne). 2. Prise en charge Que la patiente soit déjà connue pour être séropositive ou que la séropositivité ait été détectée en cours de ges- tation, une prise en charge spécifique doit être entreprise par un obstétricien et un infectiologue. Elle doit per- mettre : un bilan complet clinique et biologique : numéra- tion-formule sanguine-plaquettes, nombre et pourcentage des CD4 et des CD8 ; dosage Ac et Ag p24, ͱ2-microglobu- line, sérologie hépatite B et C, dosage transaminase sériques…, intradermo-réaction ; état morbide actuel ; recherche d’infection à papillomavirus ; frottis cervico-vagi- naux ; recherche d’autres maladies sexuellement transmis- sibles (syphilis, Chlamydiæ, mycoplasmes…). • Sérologie et état de santé du conjoint, évaluation de son espérance de vie, protection de celui-ci si séronégatif (pré- I NF E CT I ONS E N COUR S DE GR OS S E S S E 104 L A R E V UE DU P R AT I CI E N ( P a r i s ) 1 9 9 9 , 4 9 • Mesures médico-sociales comprenant : la demande de prise en charge de 100 % pour la patiente ainsi que pour son enfant ; une éventuelle aide des services sociaux. I Gynécologie-obstétrique 105 L A R E V UE DU P R AT I CI E N ( P a r i s ) 1 9 9 9 , 4 9 Prélèvement de sang fœtal (PSF) (Ag p24, culture, PCR). Mais il existe un risque de contamination maternelle des prélèvements probablement important et un risque non moins négligeable de contamination fœtale lors de la ponction. Ainsi, tout geste invasif anténatal doit-il être évité dans la mesure du possible. 6. Accouchement À l’approche du terme, l’indication de césarienne ne sera portée que sur des arguments obstétricaux. Cette attitude reste à redéfinir car des études récentes semblent démon- trer l’intérêt de la césarienne prophylactique avant tout début de travail dans la prévention de la transmission maternofœtale. 7. Prévention de la transmission maternofœtale L’AZT (Retrovir) en prophylactique a fait la preuve de son efficacité dans la transmission maternofœtale en cours de grossesse (traitement per os) et au moment de l’accouche- ment (traitement intraveineux pendant le travail) faisant passer le taux de transmission de 20 à 8 %, voire 5 % dans certains centres. Pour être efficace, cette mesure doit être entreprise avec rigueur (en particulier respect des horaires de perfusion). Par ailleurs, au moment de l’accouchement, il faudra évi- ter toute excoriation cutanée (pH au scalp…). Pour cer- tains, désinfection locale au chlorure de benzalkonium ou une solution de Dakin. Il semble (donnée récente) que la césarienne prophylac- tique avant tout début de travail puisse diminuer encore le risque de transmission maternofœtale (rôle des contrac- tions utérines ?). 8. Autres mesures • Éviter les contaminations professionnelles : d’autant plus que la patiente a un sida avéré, un déficit immuni- taire sévère, une antigénémie élevée. • À l’accouchement, port de gants, blouse, bavette, lunettes. • En cas de geste chirurgical porter une double paire de gants. • En cas de délivrance artificielle ou de révision utéri- ne, porter des gants remontant jusqu’aux coudes. • En cas de blessure : nettoyer, faire saigner, désinfecter (alcool 70˚, Dakin) ; déclaration d’accident de travail ; test de dépistage dans les 24 heures ; prévention éven- tuellement par de l’AZT en fonction du pouvoir conta- minant de la blessure ; test à 6 semaines, 3, 6, 12 mois. Plus les autres profils sérologiques (HBs, HBc...). • Prise en charge spécifique du nouveau-né : bilan cli- nique ; bilan sérologique et infectieux répétés selon un calendrier précis ; chimiothérapie antivirale prophylac- tique ; prophylaxie de la pneumocystose à Pneumocystis carinii par du Bactrim, qui sera maintenue ou non en fonction des données de la sérologie. • En post-partum, prévoir une contraception efficace qui sera toujours associée au préservatif. Points Forts à retenir • Rubéole La gravité de l’infection par le virus de la rubéole responsable d’une embryopathie ou d’une fœtopathie peut justifier une proposition d’interruption médicale de grossesse en particulier en cas d’atteinte précoce au cours de la gestation. Seule une couverture vaccinale maximale pourrait éviter ces situations douloureuses • Toxoplasmose Malgré les avancées thérapeutiques et diagnostiques dans le domaine de la toxoplasmose fœtale évitant ainsi de nombreuses interruptions médicales de grossesse, la prévention reste la mesure la plus efficace comprenant le suivi sérologique des femmes enceintes séronégatives, ainsi que les mesures préventives. La connaissance du statut sérologique préconcetionnel permet une attitude d’éviction des risques plus précoce. • Herpès génital Le taux de césarienne systématique pour herpès a été réduit fortement ces dernières années grâce aux notions d’excrétion virale intermittente et d’anticorps maternels protecteurs associé à la possibilité d’une chimioprophylaxie par l’aciclovir. Cependant malgré son incidence très rare l'herpès néonatal est gravissime, ainsi l’économie d’une césarienne ne devra être faite dans les situations caricaturales ( lésions typiques en début de travail). Un suivi clinique rigoureux et des mesures hygiéniques simples tant dans le pré que le postpartum devrait permettre de diminuer encore l’herpes néonatal au pronostic effroyable • Listériose Les conséquences de la listériose en cours de grossesse peuvent être dramatiques (septicémie maternelle, fausse couche tardive, accouchement prématuré, mort fœtale in utero, séquelles neurologiques néonatales). Le diagnostic précoce, I NF E CT I ONS E N COUR S DE GR OS S E S S E 106 L A R E V UE DU P R AT I CI E N ( P a r i s ) 1 9 9 9 , 4 9 POUR EN SAVOIR PLUS le traitement sans délai, les mesures hygiéno- diététiques sont le trépied de la prévention de cette pathologie et de ses conséquences. • Syphilis Le diagnostic précoce d’une infection syphilitique en cours de grossesse permet un traitement efficace pouvant éviter des complications maternelles ; évolution vers une neurosyphilis sur un terrain immunodéprimé... et des complications fœtales et néonatales : avotrtement, mort in utero, syphilis congénitale... une enquête sérologique de l’entourage permettant un traitement et une rupture d’un maillon de la chaîne de contamination; • Hépatite B À défaut d’une vaccination généralisée de l'hépatite B suspendue actuellement, la vaccination ciblée sur les populations à risque et la détection des sujets contaminants (permettant leur prise en charge et des mesures de prophylaxie vis-à-vis de leurs proches) permettra de réduire encore les cas de contamination pernatale. La sérovaccination à la naissance des enfants exposés reste l’action primordiale de prévention. Cytomégalovirus L’absence de traitement anténatal de l’ingfection à CMV associé à l’incertitude pronostic des infections paucisymptomatique rend difficilement réalisable le dépistage sérologique répété en cours de grossesse. La prévention de cette affection passe actuellement par un dépistage ciblé non pas tant sur la surveillance sérologique des femmes séronégatives que sur des signes d’appels cliniques ou échographiques dans cette population. Les mesures prophylactiques visant à éviter la contamination par le cytomégalovirus chez les personnes à risque restent un élément fondamental de prévention de l’infection fœtale. VIH Malgré les améliorations spectaculaires tant dans la prévention maternofœtale que dans la prise en charge des patientes, l’association VIH et grossesse reste une situation délicate devant les incertitudes médico-sociales pour la patiente, son entourage et l’enfant à venir. Ainsi environ 50% des patientes poursuivent malgré tout leur grossesse. Une autre incertitude repose sur les éventuels effets secondaires à court ou moyen terme chez l’enfant d’un traitement antiviral lourd débuté in utero. Références générales Oury JF, Tchobroutsky C. Prendre en charge et traiter une femme enceinte. Arnette Blackwell, 2 e édition, 1995. Philippe HJ, Nisand I, Paupe A, Lenclen R. Thérapeutique fœtale. Maloine, 1994. Reece EA, Hobbins JC, Mahoney MJ, Petrie RH. Medecine of the fetus and mother. Philadelphia : JB Lippincott Company, 1992. Rubéole Marret H, de Gea S, Goudeau A, Pierre F. Rubéole et grossesse. Encycl Med Chir (Elsevier,Paris), Gynécologie/Obstétrique,5039- B-10, 1996, 6p. Toxoplasmose Puech F, Guionnet B, Vaast P, Valat-Rigot, Coddacioni X. Toxoplasmose et grossesse. Encycl Med Chir (Elsevier, Paris), Gynécologie/Obstétrique,5039-D-10, 1996, 6p. Herpès Cowan FM, Munday P. Guidelines for the management of herpes simplex virus infection in pregnancy. Sex Trans Infect 1998 ; 74(2) : 93-4. Raguin G, Malkin JE. Genital herpes: epidemiology and pathophy- siology. Update and new perspectives. Ann Med Interne (Paris) 1997 ; 148 : (8) : 530-3. Listériose Pasteur Y, Darbois Y. Listériose au cours de la grossesse. Encycl Med Chir (Elsevier,Paris), Gynécologie/Obstétrique,5039-E-10, 1996, 4p. Syphilis Narducci F, Switala I, Rajabally R, Decocq J, Delahousse G . Maternal and congenital syphilis. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) 1998 ; 27 (2) : 150-60. Infection au virus de l’hépatite B Magriples U. Hepatitis in pregnancy. Semin Perinatol 1998 ; 22(2) : 112-7. Ngui SL, Andrews NJ, Underhill GS, Heptonstall J, Teo CG. 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Groupe francais d'études de l'infection VIH du nouveau-né. Arch Pediatr 1996 ; 3 suppl 1) : 17-9. Gynécologie – Obstétrique B 162 2067 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 2 0 0 0 , 5 0 Causes maternelles 1. Facteurs favorisants Ils sont nombreux: – antécédents d’accouchement prématuré, de rupture prématurée des membranes, de fausse couche tardive (pour certains d’interruption volontaire de grossesse ou de curetage) ; – primiparité ; – âge maternel compris entre 18 et 35 ans ; – niveau socio-économique défavorisé ; – conditions de travail pénibles, transports longs. 2. Infection • Infections vaginales ou cervico-vaginales ascen- dantes : – les infections cervico-vaginales sont responsables d’une réaction inflammatoire qui peut induire des contractions et des modifications du col utérin. Les germes les plus fréquemment en cause sont : le strepto- coque β-hémolytique du groupe B (streptocoque B), E. coli, les autres bacilles gram-négatifs et la vaginose bactérienne ; – la vaginose bactérienne n’est pas une vaginite ; il s’agit d’un déséquilibre de la flore vaginale normale avec disparition de la flore de Döderlein (lactoba- cilles, producteurs d’acide lactique), alcalinisation du pH vaginal (> 5,5) et prolifération de germes le plus souvent anaérobies : Gardnerella vaginalis, Pepto- streptococcus, Mobiluncus, Bacteroïdes fragilis, Ureaplasma urealyticum… • Chorioamniotite (voir causes ovulaires). • Les autres infections sont l’infection urinaire, basse (cystite) ou haute (pyélonéphrite), et toute infection sévère. 3. Causes utérines • Béance cervico-isthmique: il s’agit d’une incompétence du col qui s’ouvre précocement au cours de la grossesse. Le diagnostic repose essentiellement sur les antécédents : fausse(s) couche(s) spontanée(s) tardive(s), ou accou- chement très prématuré en l’absence d’autre étiologie patente. Certains examens (controversés) peuvent étayer le diagnostic : test à la bougie (passage facile d’une bougie de Hegar n o 8), hystérographie (élargissement du défilé Définitions La prématurité se définit par la survenue d’un accouche- ment avant 37 et après 22 semaines d’aménorrhée (SA). La prématurité représente environ 5 à 7 % de tous les accouchements en France. La menace d’accouchement prématuré est l’existence de contractions utérines et de modifications du col utérin entre 22 et 37 semaines d’aménorrhée. On estime que seulement 20 % environ des menaces aboutissent effectivement à un accouchement prématuré. Étiologie Les causes de prématurité sont multiples. Au premier rang des causes retrouvées se trouvent les infections mais la plupart des accouchements prématurés (environ 2 sur 3) surviennent sans cause évidente. On distingue des facteurs favorisants et des causes directes de l’accouchement prématuré. Menace d’accouchement prématuré Étiologie, diagnostic, principes du traitement DR Bruno CARBONNE Service de gynécologie-obstétrique, hôpital Saint-Antoine, 75012 Paris. • La prématurité est définie par la survenue d’un accouchement avant 37 semaines d’aménorrhée. • La prématurité est la première cause de mortalité et de morbidité néonatales. • Son taux se situe entre 5 et 7 % en France ces dernières années. • L’infection est la première cause de prématurité. • La majorité des accouchements prématurés est sans cause retrouvée. • Le traitement repose sur l’éradication de la cause éventuelle, le repos et les tocolytiques (inhibiteurs des contractions utérines). • Les tocolytiques de référence sont les β-sympathomimétiques mais de nombreuses nouvelles molécules tendent à s’imposer comme des choix possibles (inhibiteurs calciques et antagonistes de l’ocytocine). Points Forts à comprendre cervico-isthmique) ou hystéroscopie. L’existence d’une béance avérée impose des mesures préventives de repos et peut justifier la réalisation d’un cerclage (faufilage d’un fil non résorbable autour du col permettant de diminuer le risque d’ouverture prématurée). • Malformation utérine : hypoplasie, utérus bicorne, utérus cloisonné… • Exposition in utero au Distilbène (DES) : ce traitement a été prescrit à des femmes enceintes jusqu’en 1975 environ. Les filles de ces femmes traitées peuvent pré- senter à des degré divers des malformations utérines (hypoplasie, utérus « en T»), cervicales (hypoplasie cervicale, béance cervicale) ou vaginales (adénose vaginale, adénocarcinome vaginal). Causes ovulaires On entend par ovulaire tout ce qui dépend du fœtus et de ses annexes : placenta, membranes, liquide amniotique. 1. Causes fœtales Les causes fœtales pouvant être à l’origine d’un accou- chement prématuré sont : les grossesses multiples (jumeaux, triplés…), certaines malformations fœtales, notamment par le biais d’un hydramnios (atrésie de l’œsophage, atrésie duodénale…). 2. Causes liées aux membranes et au liquide amniotique • Rupture prématurée des membranes : l’ouverture prématurée (avant l’entrée en travail) de la poche des eaux, lorsqu’elle survient avant 37 SA, est un facteur de risque majeur d’accouchement prématuré, notamment d’origine infectieuse. La disparition de la barrière membranaire favorise l’infection ascendante à partir de germes vaginaux et la survenue d’une chorioamniotite. Le diagnostic est évoqué devant un écoulement vaginal de liquide clair. Il peut être confirmé par un simple examen au spéculum révélant un écoulement de liquide provenant de l’orifice cervical. Dans certains cas, le diagnostic peut être étayé par un test pH colorimétrique (le pH vaginal normal est acide, il devient alcalin en cas de rupture des membranes) ou par un test à la diamine- oxydase (DAO). • Chorioamniotite : la chorioamniotite est une infection ovulaire. Elle survient le plus souvent après une rupture prématurée des membranes. Elle se traduit par l’existence d’au moins 2 des signes suivants : – fièvre maternelle supérieure ou égale à 37,8 ˚C; – tachycardie fœtale supérieure à 160 batt/min ; – contractions utérines ; – tachycardie maternelle ; – hyperleucocytose supérieure à 18 000. • Hydramnios : l’hydramnios est l’existence d’une quantité excessive de liquide amniotique. La surdistension utérine qu’il provoque peut entraîner des contractions utérines et un accouchement prématuré. Le diagnostic peut être évoqué devant une hauteur utérine excessive et doit être confirmé par échographie obstétricale. Les causes d’hydramnios peuvent être maternelles (diabète gestationnel ou permanent) ou fœtales (malfor- mation, myasthénie, myopathie…), parfois il est idio- pathique. 3. Causes placentaires Certaines anomalies de placentation peuvent favoriser un accouchement prématuré : notion de métrorragies au premier trimestre de la grossesse, placenta prævia, hématome rétroplacentaire (habituellement, il existe un contexte particulier de métrorragies et de contracture utérine, parfois, le tableau peut être atypique, évoquant une menace d’accouchement prématuré). Prématurité induite Cas particulier où l’accouchement prématuré n’est pas spontané mais provoqué par décision médicale devant une situation à risque de mort fœtale ou de séquelles pour l’enfant : souffrance fœtale, retard de croissance intra-utérin sévère… L’accouchement peut être provoqué par un déclenchement ou par césarienne selon les cas. Diagnostic Signes cliniques 1. Signes fonctionnels Les contractions utérines sont souvent typiques, ressenties par la patiente comme une douleur abdominale intermit- tente, survenant à intervalles réguliers, de fréquence variable mais d’autant plus sévères que la fréquence est élevée (toutes les 5 à 10 min), coïncidant avec un durcis- sement de la paroi de l’utérus. Elles peuvent prendre une forme atypique : douleurs lombaires basses intermittentes, non latéralisées, simple durcissement de la paroi abdominale sans douleur ressentie, sensation de pesanteur pelvienne. L’interprétation de ces symptômes peut être difficile car des contractions physiologiques peuvent exister en fin de grossesse normale. 2. Examen physique Le palper abdominal peut percevoir des contractions utérines. La mesure de la hauteur utérine peut faire suspecter un hydramnios (hauteur excessive par rapport au terme). Le toucher vaginal est l’examen clé, permettant de percevoir les modifications du col utérin. Les différents points suivants sont notés : longueur, position, consistance, dilatation et hauteur de la présentation du fœtus. Au cours d’une grossesse normale, le col reste long, posté- rieur, tonique, fermé et la présentation haute. Au cours de la menace d’accouchement prématuré, le col se raccourcit, se ramollit, s’ouvre et devient plus centré. Parallèlement, la présentation descend et le segment inférieur de l’utérus devient amplié. ME NACE D’ ACCOUCHE ME NT P R É MAT UR É 2068 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 2 0 0 0 , 5 0 Tocolytiques Les tocolytiques, traitement visant à arrêter ou diminuer les contractions utérines, n’ont qu’une action sympto- matique. Les tocolytiques de référence jusqu’à aujour- d’hui sont les β-sympathomimétiques (salbutamol). Cependant, ces molécules présentent des effets secon- daires parfois sévères et peuvent être responsables d’accidents cardiovasculaires graves. Leur utilisation doit donc être précédée d’un bilan préthérapeutique complet. D’autres molécules, d’utilisation plus simple, ayant moins d’effets secondaires et semblant aussi effi- caces sont en cours de développement : les inhibiteurs calciques et les anti-ocytocine. 1. β-mimétiques • Contre indications : – absolues : cardiopathie maternelle (valvulopathie, troubles du rythme, cardiomyopathie ; hypocalcémie ; hyperkaliémie) ; contre-indication à la tocolyse : chorio- amniotite, hématome rétroplacentaire…; hyper- thyroïdie ; – relatives : diabète (gestationnel ou non) mal équilibré ; métrorragies sévères d’origine indéterminée ; hyper- tension artérielle, prééclampsie sévère. • Effets secondaires : tachycardie, tremblement, anxiété, dyspnée/polypnée. • Complications, accidents : hypokaliémie, hypergly- cémie, troubles du rythme cardiaque, œdème aigu du poumon, décès maternel. • Bilan préthérapeutique : interrogatoire (+++), aus- cultation cardiaque (+++), électrocardiogramme, iono- gramme sanguin, glycémie pour certains. • Mode d’administration, posologie : le traitement est débuté par voie IV (salbutamol [Salbumol] : 5 ampoules dans 500 mL de sérum physiologique ou de B21 (éviter le sérum glucosé qui favorise une hyperglycémie). Débuter par une perfusion contrôlée (pompe péristal- tique ou autre contrôleur de débit) à 25 mL/h pendant 3. Examens complémentaires • Examens à visée diagnostique : la tocographie per- met de visualiser la fréquence des contractions utérines à l’aide d’un capteur mécanique placé sur l’abdomen de la patiente (figure). L’échographie du col peut permettre de pallier la subjec- tivité de l’examen clinique en mesurant directement la longueur du canal cervical. Un col de longueur normale (à titre indicatif > 30 mm) est associé à un risque très faible d’accouchement prématuré. • Examens à visée étiologique : bilan infectieux (prélè- vement vaginal et ECBU systématiques). • Examens à visée préthérapeutique : lorsqu’un traite- ment par β-mimétiques est envisagé. Traitement Repos En cas de menace d’accouchement prématuré sévère (terme précoce, col très modifié), le repos est débuté en hospitalisation En cas de menace modérée, le repos peut être institué à domicile, parfois avec des mesures d’accompagnement par une sage-femme à domicile, voire une hospitalisa- tion à domicile. Traitement de la cause (+++) Il est indispensable lorsqu’une cause a été mise en évidence. Le bilan d’une menace d’accouchement prématuré comporte donc dans tous les cas, indépendamment de la clinique un prélèvement vaginal avec recherche de germes pathogènes et de vaginose bactérienne et un examen cytobactériologique des urines. Gynécologie – Obstétrique 2069 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 2 0 0 0 , 5 0 Enregistrement cardiotocographique mettant en évidence des contractions utérines toutes les 4 à 5 min. Le rythme cardiaque fœtal s’inscrit dans la partie supérieure du tracé ; il est ici normal. Les contractions sont enregistrées dans la partie inférieure du tracé (défile- ment : 1 cm/min). 1 h. Le débit n’est augmenté qu’en cas de persistance des contractions et doit être limité au débit minimal efficace. Ne jamais dépasser une fréquence cardiaque maternelle de 120 batt/min, même en cas d’inefficacité de la tocolyse. Après 48 h de traitement, si les contractions utérines sont jugulées, le relais est généralement pris par une forme orale (Salbumol, 4 à 6 comprimés/j). L’arrêt du traitement est impératif en cas d’effets secondaires sévères. Dans tous les cas, la tocolyse n’est pas prescrite ou poursuivie au-delà de 37 semaines d’aménorrhée. 2. Inhibiteurs calciques Les inhibiteurs des canaux calciques ont une action myorelaxante sur les fibres musculaires lisses vascu- laires et utérines. Leur utilisation comme tocolytique fait appel à la nifédipine par voie orale (Adalate 20 LP 1 comprimé 3 fois par jour ou Chronadalate 1 comprimé 2 fois par jour) ou à la nicardipine par voie orale (Loxen 50 LP 1 comprimé 2 à 3 fois par jour) ou intraveineuse. Les effets secondaires sont modérés et nécessitent exceptionnellement une interruption du traitement : flush, céphalées, veinite au point de perfusion (nicardipine), œdèmes, rarement hypotension. L’efficacité semble au moins comparable à celle des β-mimétiques. 3. Anti-ocytocine Analogues de structure de l’ocytocine entrant en compé- tition au niveau de ses récepteurs, les anti-ocytocine ont obtenu très récemment l’autorisation de mise sur le marché. Leur efficacité semble comparable à celle des β-mimétiques mais leur tolérance est supérieure (moins d’interruptions du traitement en rapport avec les effets secondaires). 4. Autres tocolytiques La progestérone naturelle a longtemps été utilisée alors que son efficacité n’a pas été démontrée formellement. Son emploi peut favoriser la survenue d’une cholestase gravidique et elle n’est pratiquement plus employée. Les antispasmodiques de type phloroglucinol (Spasfon) sont largement prescrits mais leur efficacité n’est nulle- ment établie. Les inhibiteurs de synthèse des prostaglandines (anti- inflammatoires non stéroïdiens) sont des tocolytiques efficaces mais peuvent provoquer des effets secondaires fœtaux potentiellement sévères : fermeture prématurée du canal artériel, hypertension artérielle pulmonaire, insuffisance rénale, oligoamnios. Ils ne sont utilisés que de manière ponctuelle (généralement pas plus de 48 h), en cas d’échec ou de contre-indication d’un autre traitement. Mesures visant à améliorer le pronostic néonatal en cas d’accouchement prématuré 1. Corticoïdes (maturation pulmonaire fœtale) En cas d’accouchement prématuré, les principales com- plications néonatales sont respiratoires (maladie des membranes hyalines) et neurologiques (hémorragies intraventriculaires). L’administration maternelle de cor- ticoïdes passant la barrière placentaire (bétaméthasone, dexaméthasone) en cas de menace d’accouchement prématuré permet de réduire l’incidence de ces 2 com- plications ainsi que la mortalité néonatale, principale- ment en cas d’accouchement avant 34 SA. Les contre-indications des corticoïdes sont rares : chorio- amniotite clinique, ulcère gastro-duodénal évolutif. La rupture prématurée des membranes n’est pas une contre-indication. De même, le diabète n’est pas une contre-indication absolue. Le traitement s’administre par voie IM par cures de 48 h, éventuellement répétées une semaine plus tard. 2. Transfert en maternité de niveau adapté Les maternités sont classées selon la possibilité de prise en charge pédiatrique depuis le niveau 1 (pas de néo- natologie) jusqu’au niveau 3 (présence d’une unité de réanimation néonatale). L’accueil d’un grand prématuré doit se faire, lorsque cela est matériellement possible, dans une maternité de niveau 3 afin de réduire les risques de complications néonatales. Un « transfert in utero » doit être organisé depuis une maternité de niveau 1 ou 2 vers un niveau 3 en cas de menace d’accouchement prématuré avant 32 SA. Prévention Certaines patientes sont à haut risque d’accouchement prématuré dès le début de la grossesse : – antécédent d’accouchement prématuré ; – antécédent de rupture prématurée des membranes ; – antécédent de fausse couche tardive ; – malformation utérine ; – exposition in utero au Distilbène connue… (v. Facteurs de risque). Certaines mesures préventives peuvent être prises selon les cas : – modification des conditions de travail si possible ; – arrêt de travail précoce ; – cerclage du col utérin en cas de béance. Conduite à tenir Devant une patiente ayant des contractions utérines et des modifications cervicales, la conduite à tenir est la suivante : Évaluation pronostique Les critères de gravité d’une menace d’accouchement prématuré sont : terme précoce ; modifications impor- tantes du col (col effacé, dilatation > 2 cm, poche des eaux bombante) ; rupture prématurée des membranes et, à un moindre degré : segment inférieur dilaté et présenta- tion plongeante ; contractions utérines fréquentes et dou- loureuses ; ces manifestations sont d’autant plus graves qu’il existe des antécédents d’accouchement prématuré. ME NACE D’ ACCOUCHE ME NT P R É MAT UR É 2070 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 2 0 0 0 , 5 0 Cas particuliers 1. Rupture prématurée des membranes Il s’agit d’une forme grave qui expose à la survenue d’une chorioamniotite et à un risque élevé d’accouche- ment prématuré. La prise en charge initiale d’une rupture prématurée des membranes comporte pour la plupart des équipes une antibiothérapie systématique active sur le streptocoque B débutée immédiatement après les prélèvements bactério- logiques. Par exemple : amoxicilline 1 g 3 fois par jour. Les autres mesures (corticothérapie, transfert en niveau 3, tocolyse…) sont nécessaires car il s’agit d’une forme grave de menace d’accouchement prématuré. 2. Chorioamniotite Cette situation aboutit dans la plupart des cas à un accouchement prématuré spontané rapide. Il existe un risque majeur d’infection néonatale grave. C’est une contre-indication à la tocolyse. On doit réaliser immédiatement des prélèvements bactério- logiques et débuter un traitement antibiotique actif sur le streptocoque B type amoxicilline, éventuellement asso- ciée à un aminoside. Si l’accouchement ne se produit pas spontanément, il est le plus souvent déclenché artificiellement. I Recherche de la cause Il s’agit principalement de la recherche d’une cause infectieuse : – recherche de signes fonctionnels urinaires ; – recherche de signes fonctionnels d’infection vaginale ; – température maternelle ; – prélèvement vaginal ; – examen cytobactériologique des urines ; – numération formule sanguine (NFS) ; – recherche de signes de chorioamniotite (tachycardie fœtale, tachycardie maternelle…). Bilan préthérapeutique Il est réalisé systématiquement avant toute prescription de tocolytiques de type β-mimétiques : – recherche de contre-indications ; – auscultation cardiaque ; – électrocardiogramme (ECG) ; – prélèvement sanguin pour numération formule sanguine, ionogramme, glycémie. Mesures thérapeutiques 1. Hospitalisation Elle est nécessaire lorsqu’il existe des signes de gravité et permet la mise au repos de la patiente. En cas de menace d’accouchement prématuré avant 32 SA dans structure de niveau 1 ou 2, demander un transfert in utero vers une structure de niveau 3. 2. Tocolyse Éliminer une contre-indication à la tocolyse : chorioam- niotite, souffrance fœtale, hématome rétropéritonéal (HRP)… Vérifier la normalité du bilan préthérapeutique, débuter le traitement tocolytique et l’adapter selon la réponse 3. Corticothérapie En cas de terme inférieur à 34 SA et en l’absence de signe de chorioamniotite ou d’autre contre-indication aux corticoïdes : débuter le traitement immédiatement avec, par exemple, Célestène Chronodose (bétamétha- sone) 12 mg IM par jour 2 jours de suite, renouvelable 1 semaine plus tard. Gynécologie – Obstétrique 2071 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 2 0 0 0 , 5 0 • Importance de la prévention; • Importance de la recherche d’une cause et de son traitement. • Nécessité d’un bilan préthérapeutique en cas de tocolyse par les β-mimétiques. • Ne pas oublier les mesures d’accompagnement, corticoïdes et transfert «in utero». Points Forts à retenir Obstétrique (Papiernik E, Cabrol D, Pons J.C.). Paris : Médecine Sciences Flammarion, 1995. POUR EN SAVOIR PLUS 1259 L A R E V U E D U P R A T I C I E N ( P a r i s ) 1 9 9 6 , 4 6 Gynécologie-obstétrique La ménopause se définit cliniquement comme la disparition définitive du cycle menstruel. On distingue les ménopauses naturelles survenant parfois précocement, les méno- pauses par castration: chimique (chimiothérapie), radique (curiethérapie, radio- thérapie externe), chirurgicale (ovariectomie bilatérale). Son origine est ovarienne avec initialement résistance des follicules restants aux gonadotrophines, puis disparition du capital folliculaire. La période ménopausique se subdivise en: – préménopause durant de 2 à 6 ans, avec des cycles anovulatoires de plus en plus fréquents, et insuffisance lutéale. Cette période est précédée d’une insuffi- sance ovarienne « occulte » d’expression biologique pure ; – période ménopausique ou arrêt de la fonction ovarienne avec anovulation et amé- norrhée, mais possibilité pendant 4 à 5 ans de reprises passagères de l’activité ova- rienne; c’est la période des troubles climatériques. Elle survient en moyenne à 51 ans. Certains facteurs influencent l’âge de sa survenue: avancée par le tabac, retardée par la multiparité et l’alcoolisme. Mais l’évolution naturelle vers l’atré- sie et la disparition des follicules n’est pas modifiée par les contraceptifs ; – post-ménopause avec sécrétion ovarienne résiduelle d’androgènes et carence œstrogénique profonde. Ménopause Diagnostic, traitement Pr Jean-Claude COLAU Service de gynécologie-obstétrique, centre médico-chirurgical Foch, 92151 Suresne Cedex Index concours Question n° N60 Concours 1993 Zone Nord : aucun QCM; aucun CCQCM; aucun dossier Zone Sud : aucun QCM; aucun CCQCM; aucun dossier Concours 1994 Zone Nord : aucun QCM; aucun CCQCM; aucun dossier Zone Sud : 1 QCM; aucun CCQCM; aucun dossier Concours 1995 Zone Nord : 1 QCM; aucun CCQCM; aucun dossier Zone Sud : aucun QCM; aucun CCQCM; aucun dossier • La ménopause est l’aboutissement d’un processus d’atrésie folliculaire. Cette apoptose est contrôlée génétiquement et modulée par des hormones anti-apoptoliques. • Elle entraîne une insuffisance œstrogénique profonde et durable dont les conséquences sur les organes cibles sont différentes de celles du vieillissement physiologique. • Le traitement hormonal substitutif (THS) est globalement très positif en termes de bénéfice-risques sur les cohortes traitées mais il atteint qu’une partie encore modeste de la population cible et sa durée est aujourd’hui trop brève pour obtenir à grande échelle les protections attendues à long terme. • Son efficacité à court terme sur le syndrome climatérique et la qualité de vie liée à la santé est reconnue. À long terme, la morbidité et la mortalité cardiovasculaire et fracturaire apparaissent clairement diminuées. Points Forts à comprendre G G G G G G G G G G G G G G G G Période ménopausique Insuffisance Périménopause ÉÉÉÉÉ Post-ménopause ÉÉ ovarienne occulte Ménopause Préménopause ÉÉ Période d’installation ÉÉ (une année au moins) Cycles normaux Irrégularités Aménorrhée Carence œstrogénique menstruelles ± signes fonctionnels TABLEAU I É É É É ÉÉ É É É É É (dernières règles spontanées) Diagnostic Diagnostic clinique 1. Aménorrhée Le diagnostic clinique de ménopause est donc établi rétrospectivement, sur une aménorrhée persistante supérieure à 6 à 12 mois, éventuellement associée à un syndrome climatérique, et survenant à un âge compatible avec le diagnostic. 1260 L A R E V U E D U P R A T I C I E N ( P a r i s ) 1 9 9 6 , 4 6 MÉ NOPAUS E 2. Syndrome climatérique Il est inconstant, fréquemment dissocié et d’intensité variable : – bouffées de chaleur dont la physiopathologie n’est pas élucidée : perturbation des amines cérébrales induite par la carence œstrogénique. Elles s’observent chez 85 % des femmes ; – sueurs profuses surtout nocturnes ; – céphalées, troubles du psychisme et du sommeil avec nervosité, vertiges et ten- dance dépressive, discrète altération des fonctions cognitives, atrophie vulvo- vaginale avec sécheresse. Ce tableau climatérique est surtout marqué dans la période ménopausique. Ulté- rieurement, il s’atténue et ne persiste que les manifestations des carences au niveau des tissus-cibles. On peut évaluer le retentissement du climatère sur la qualité de vie par diffé- rentes échelles. L’index de Kupperman est couramment utilisé. Conséquences sur les organes cibles • Vulve-vagin : l’atrophie œstrogénoprive atteint la vulve, l’orifice vulvaire et le canal vaginal dont l’épithélium malpighien est aminci, sec et fragile. L’atrésie vaginale réduit la perméabilité, pouvant empêcher l’exploration cervicale et les rapports. Le pH vaginal acide, en période d’activité géni- tale par présence d’acide lactique, augmente (Ȅ 5,5). La flore de Döderlein par disparition du gly- cogène, fait place à une flore où dominent les entérobactéries. Les frottis sont de type ménopausique, avec atrophie. • Utérus : l’atrophie touche le myomètre avec diminution du volume et d’éventuels fibromes. La jonction pavimento-cylin- drique remonte dans le canal cervical et n’est plus accessible à la vue. La sécrétion de glaire se tarit. Une sténose canalaire peut empêcher toute exploration endocavitaire. • Endomètre : il devient atrophique par l’ab- sence d’imprégnation œstrogénique, mais conserve des récepteurs et peut donc répondre aux séquences de stimulation œstrogénique (E) et progestative (P). • Seins : cliniquement, diminution du volume, et disparition des manifestations cycliques. L’involution atteint l’ensemble des tissus : lobules, galactophores et stroma. On observe une diminution des mitoses. • Peau: la ménopause s’accompagne d’une accélération des modifications cutanées observées lors du vieillissement physiolo- gique : amincissement, déshydratation, perte d’élasticité, diminution de la vascularisation du derme, modifications du collagène et des fibres élastiques. • Conséquences sur l’os : la ménopause entraîne une accélération linéaire de la perte osseuse physiologique dont les éventuelles conséquences fracturaires dépendent de la Profil biologique de la ménopause Organe Conséquences de la ménopause Hypothalamus Sécrétion pulsatile de GNRH Hypophyse FSH ÀÀ LH À Ovaire Apoptose accélérée Dysovulation Anovulation E2 Progestérone Testostérone = ÀÀ ÀÀ À Index de Kupperman 0 1 2 3 Facteur * Bouffées Absentes Ȟ Rares (1/j)Ȟ Fréquentes Ȟ Très fréquentes Ȟ x 4 = de chaleur (2 à 5/j) (> 5/j) Sueurs Absentes Ȟ Rares Ȟ Fréquentes Ȟ Très fréquentes Ȟ x 2 = (1/semaine) (1 à 4/semaine) (Ȅ5/semaine) Sommeil Bon Ȟ Moyen Ȟ Mauvais Ȟ Très mauvais Ȟ x 2 = Nervosité Absente Ȟ Légère Ȟ Modérée Ȟ Sévère Ȟ x 2 = Humeur Absente Ȟ Légère Ȟ Modérée Ȟ Sévère Ȟ x 1 = dépressive Vertiges Absents Ȟ Rares Ȟ Fréquents Ȟ Très fréquents Ȟ x 1 = Asthénie Absente Ȟ Légère Ȟ Modérée Ȟ Sévère Ȟ x 1 = Arthralgies Absentes Ȟ Légères Ȟ Modérées Ȟ Sévères Ȟ x 1 = Céphalées Absentes Ȟ Rares Ȟ Fréquentes Ȟ Très fréquentes Ȟ x 1 = Palpitations Absentes Ȟ Rares Ȟ Fréquentes Ȟ Très fréquentes Ȟ x 1 = (< 1/semaine) (2 à 5/semaine) (> 5/semaine) Sensation de Absente Ȟ Peu Ȟ Gênante Ȟ Très gênante Ȟ x 1 = sécheresse gênante vaginale TABLEAU II Diagnostic biologique et histologique 1. Diagnostic biologique Le tableau biologique n’est pas spécifique ; c’est celui d’une insuffisance ova- rienne sévère : estradiol (E2) effondré ȅ 50 pg/mL, avec gonadotrophines éle- vées, FSH > 20 mUI/mL avec insuffisance lutéale, progestérone indosable et hyperandrogénie relative par sécrétion de testostérone. 2. Diagnostic histologique L’ovaire ménopausique diminue de volume dans la moitié des cas. La fonction exocrine est caractérisée par l’absence de follicules matures et de corps jaune. .../... 1261 L A R E V U E D U P R A T I C I E N ( P a r i s ) 1 9 9 6 , 4 6 Gynécologie-obstétrique La perte du capital folliculaire est quasi complète. Les modifications de la fonction endocrine précèdent les signes cliniques et défi- nissent l’insuffisance ovarienne « occulte ». En post-ménopause, seules les cel- lules du stroma sécrètent de petites doses de testostérone. Ménopause précoce Elle survient avant 40 ans. Il s’agit d’une défaillance ovarienne précoce défini- tive d’étiologie variable : inconnue, immunologique, mais aussi iatrogénique, infectieuse, génétique... Sa fréquence est de 1 à 4 %. Elle survient brutalement ou dans un contexte d’insuffisance ovarienne chronique. La symptomatologie ne diffère pas des autres ménopauses. Le tableau biologique est celui d’une insuffisance ovarienne sévère, durable. L’aspect ovarien en échographie est variable : porteur ou non de follicules, le caryotype peut révéler différentes formules (45 XO – 47XXX ou mosaïques...). La cœlioscopie précise la morphologie et la taille ovarienne : hypotrophique, dysgénétique, bandelettes. Ses conséquences sont la stérilité nécessitant de faire appel aux techniques de la procréation médicalement assistée, et l’insuffisance œstrogénique précoce, profonde et durable, pathologie imposant le THS. Traitement Méthodes Le traitement de la ménopause repose sur le THS: traitement hormonal substi- tutif. 1. Œstrogènes Il est fait appel aux œstrogènes disponibles (à l’exception de l’éthinyl-œstradiol dont les effets métaboliques justifient son abandon au-delà de 40 ans à titre contraceptif). Ceux-ci vont se fixer sur les récepteurs. • Différentes voies d’administration sont possibles : orale, percutanée, disposi- tifs transdermiques 25 à 100 µg/j, parentérale (Benzo-gynœstryl), vulvo- vaginale. • Les molécules disponibles sont : – E2 (estradiol), benzoate, undecanoate, hexa-hydrobenzoate (retard), microni- sation, valérate (1 et 2 mg) ; – œstrogènes conjugués d’origine équine 0,625 : E3 (estriol) di-hémisuccinate, E1 (estrone) ; – promestriène ; – 16 α-hydroxyoestrone. 2. Progestatifs Le rôle des progestatifs au cours du traitement substitutif est d’éviter l’hyper- plasie et le cancer de l’endomètre. • Différentes voies d’administration sont possibles : orale, vaginale, cutanée (qui ne permet un passage systémique que pour un petit nombre de progesta- tifs). Elle n’est pas utilisée actuellement en France. • Les molécules disponibles sont : – progestérone micronisée ; – progestatifs de synthèse : rétroprogestérone, dérivés de la 17-hydroxyproges- térone, la 19-norprogestérone, la 17-méthyl progestérone, les norstéroïdes. Le choix des molécules est basé sur leur puissance progestomimétique et anti- œstrogénique. Les progestatifs non androgéniques ne diminuent pas l’effet protecteur obtenu par les œstrogènes. 3. Schémas thérapeutiques • Œstrogènes : leur mode d’administration est cyclique, 21 à 25 jours par mois, ou continu, sans interruption. masse osseuse à maturité et de la vitesse de résorption post-ménopausique toutes deux variables selon les individus. Elles s’observent à différents niveaux: – ostéoclastes : cette ostéoporose ménopau- sique est due à la stimulation de l’activité de résorption ostéoclastique dont témoigne l’augmentation dans le plasma des phospha- tases acides tartrate résistantes plasmatiques et, dans les urines, de la calciurie, hydroxy- prolinurie, pyridolinurie ; – ostéoblastes : les ostéoblastes possèdent des récepteurs aux œstrogènes expliquant la diminution de l’ostéoformation post-méno- pausique ; – collagène : on observe une diminution de la synthèse du collagène de type I qui assure la matrice protéique de l’os ; celle-ci est régu- lée localement par l’IGFI ; – calcium: l’absorption intestinale du cal- cium est diminuée. • Conséquences cardiovasculaires : la pri- vation œstrogénique durable fait disparaître progressivement la « protection » cardio- vasculaire spécifique de la femme par rap- port à l’homme. Le facteur ménopause mul- tiplie les risques d’accidents coronaires par 2 pour des femmes de même âge. L’impact des œstrogènes s’explique par dif- férents mécanismes : – maintien d’un profil lipidique « cardio- protecteur » retardant l’athérogenèse. La carence œstrogénique entraîne des modi- fications du lipidogramme : élévation du cholestérol total, baisse de l’HDL et aug- mentation des triglycérides et LDL, avec diminution du rapport HDL/LDL; – élévation du fibrinogène, des facteurs VII et VIII ainsi que du PAI.1 qui sont des mar- queurs du risque cardiovasculaire ; – vasoconstriction dans différents territoires ; carotidien, coronaire, aortique, utérin, mesu- rée par l’augmentation des résistances vas- culaires ; La LP (a) dont le taux est génétiquement déterminé, semble peu modifiée par la méno- pause et son traitement, de même que l’an- tithrombine III. La pression artérielle est peu modifiée par la ménopause. Inversement, les bénéfices du THS appa- raissent clairement sur les angiographies, les débits artériels mesurés au doppler, les bilans lipidiques, et dans les études épidémiolo- giques en terme de morbidité-mortalité car- diovasculaire. • Fonctions cognitives : il existe dans le cer- veau des récepteurs spécifiques aux œstro- gènes et à la progestérone. À court terme et en périménopause, différentes évaluations de la qualité de vie impliquent la carence œstro- génique. En post-ménopause, il est plus dif- ficile d’isoler ce qui revient à la ménopause. En revanche, les bénéfices du THS sur la mémoire à court terme et la réversibilité de symptômes psychiatriques mineurs (irritabi- lité, asthénie psychique...) ont été démontrés. Ses bénéfices dans la détérioration mentale de l’Alzheimer débutant sont à l’étude. • Sexualité : l’impact négatif de la méno- pause est bien établi : les hormones endo- gènes et exogènes jouent un rôle important direct et indirect dans de nombreux aspects de la sexualité : entente, satisfaction, parti- cipation, dyspareunie, libido, sécheresse et atrophie tissulaire. .../... .../... 1262 L A R E V U E D U P R A T I C I E N ( P a r i s ) 1 9 9 6 , 4 6 MÉ NOPAUS E • Progestatifs : administration séquentielle, 10 à 14 jours consécutifs par mois entraînant une hémorragie de privation, ou continue (traitement sans règles). 4. Traitements non hormonaux Ils sont destinés au traitement symptomatique des bouffées de chaleur et des manifestations psychofonctionnelles : Proxibarbal (sédatif), Véralipride (ben- zodiazépine), β-alanine (acide aminé), clonidine (α-sympathico-mimétique). Modalités de prescription et de surveillance 1. Indications Le THS est indiqué pour la correction de la carence œstrogénique ménopausique et les troubles qui en résultent, la prévention des maladies cardiovasculaires et de l’ostéoporose. Les progestatifs ne sont pas nécessaires en cas d’hystérec- tomie. 2. Contre-indications aux traitements systémiques Elles ne sont pas superposables à celles des œstroprogestatifs contraceptifs et évoluent vers une plus grande acceptation, en particulier cardiovasculaire. Cepen- dant, chez les patientes porteuses d’affections cardiovasculaires, les bénéfices et les risques ne sont pas suffisamment évalués pour ne pas respecter les contre- indications : • Absolues : cancers œstrogéno-dépendants (sein, endomètre), tumeurs hypo- physaires, hyperprolactinémie, hémorragies génitales non diagnostiquées. • Relatives : antécédents familiaux de cancer du sein, antécédents thrombo-embo- liques (par analogie avec les œstroprogestatifs contraceptifs), cardiopathies emboligènes, coronaropathies, maladies métaboliques sévères, diabète, obésité. Les traitements hormonaux à visée locale pendant une période relativement courte (quelques années) ne sont pas contre-indiqués. 3. Surveillance • Les dosages hormonaux pour affirmer la ménopause ne sont habituellement pas indiqués. Ils peuvent orienter en cas d’hystérectomie et en l’absence de syn- drome climatérique. Par ailleurs, ils n’ont aucun caractère prédictif. La mise en route du traitement est justifiée en cas de ménopause confirmée : aménorrhée de plus de 6 mois et 3 tests mensuels aux progestatifs négatifs. Dans les premières années d’installation de la ménopause, une reprise passagère de l’activité ovarienne est possible et impose l’arrêt du traitement. • En cours de THS, l’adaptation du traitement se fait essentiellement sur la cli- nique : bouffées de chaleur et carences persistent en cas de sous-dosage, masto- dynies en cas de surdosage. Pour certains auteurs, la protection osseuse nécessite des taux circulants de E2 supérieurs à 60 pg/mL mais il ne s’agit que d’une donnée statistique, sans valeur individuelle. • L’examen sénologique et une mammographie normale sont nécessaires avant la mise en route du traitement. La surveillance sénologique ultérieure (mam- mographie tous les 2 ans) n’a pas de particularité. Biopsie d’endomètre, écho- graphie pelvienne et doppler utérin n’ont aucune indication chez les patientes asymptomatiques. • En cas de métrorragies (à distinguer des hémorragies de privation), une consul- tation est indiquée. L’enquête étiologique peut comporter une biopsie endomé- triale, éventuellement sous contrôle hystéroscopique ou une échotomographie vaginale. Si celle-ci montre une épaisseur endométriale inférieure à 8 mm et une cavité vide, le risque de cancer endométrial est alors quasi inexistant. • La surveillance du bilan lipidique n’est pas indiquée, à la différence des réfé- rences médicales opposables. • La masse osseuse peut être appréciée indirectement par la densité osseuse. Sa mesure est un bon critère d’évaluation du risque fracturaire (bonne spécificité – sensibilité modeste) et se mesure au col fémoral par l’absorptiométrie biphoto- nique à rayons X. • Tractus urinaire : la privation œstrogé- nique sur l’urothélium, la vascularisation locorégionale et la musculature pelvienne, aboutit à un surcroît de troubles de la conti- nence et d’infections basses. Dans les études contrôlées, les effets du THS sont variables, essentiellement subjectifs mais également sur l’augmentation de la pression urétrale maximale. • « Syndrome métabolique » de la méno- pause : il regroupe différentes altérations qui apparaissent, ou sont aggravées, à la méno- pause : moindre tolérance au glucose, moindre sécrétion d’insuline, insulinorésis- tance, et augmentation de l’adiposité cen- trale. Nos connaissances sur l’impact des œstro- gènes sur de nombreux tissus et systèmes sont encore fragmentaires, en particulier sur l’en- dothélium: il existe des récepteurs aux œstro- gènes dans les cellules endothéliales et le sys- tème immunitaire. .../... 1263 L A R E V U E D U P R A T I C I E N ( P a r i s ) 1 9 9 6 , 4 6 Gynécologie-obstétrique Les valeurs sont exprimées en variations du T score (valeur moyenne maximale chez l’adulte jeune), ou du Z score, moyenne théorique pour l’âge. Il existe un risque fracturaire au-delà de 2 déviations standard. On peut ainsi connaître à un moment donné le niveau d’ostéoporose. La répétition de la mesure dans un délai de 3 à 5 ans détermine la vitesse de perte, et le risque d’atteindre le « seuil fractu- raire». Le seuil fracturaire est une notion théorique qui correspond à la densité au- dessous de laquelle 90 % des patientes présentent des fractures. La densitométrie osseuse peut être indiquée chez les sujets à haut risque d’ostéoporose : antécédent d’insuffisance œstrogénique prolongée, hypercorticisme, ménopause précoce. 4. Complications liées au THS • La prise de poids est une conséquence de la ménopause et du vieillissement et non du traitement hormonal qui améliore le syndrome métabolique ménopausique. • Les métrorragies sont de causes variables : hyperplasie ou cancer de l’endo- mètre en cas de déséquilibre œstroprogestatif prolongé, atrophie muqueuse. Risques liés aux traitements 1. Cancer du sein Le risque d’augmentation, du fait d’une œstrogénothérapie de durée supérieure à 10 ans, est évalué dans différentes études épidémiologiques et de méta-ana- lyses, et controversé. Il est suggéré un risque relatif compris entre 1,06 et 1,3. Ce discret surcroît disparaîtrait 2 ans après l’arrêt ; un meilleur dépistage chez les femmes traitées et (ou) une stimulation par le THS de la croissance de can- cers préexistants, a été suggéré. Cependant, les données sont insuffisantes aujour- d’hui pour conclure définitivement, ce qui démontre l’absence de liaison forte entre cancer du sein et THS. Les progestatifs n’ont pas de rôle « protecteur ». Du fait de la grande fréquence de ce cancer, une surveillance radioclinique régulière est préconisée, surtout en cas de mastodynies. 2. Cancer de l’endomètre Ce risque est fortement corrélé (dose-durée) à l’utilisation des THS non com- pensés par un progestatif. Le risque relatif est évalué à 2,3 ; il diminue en cas de traitement équilibré (risque relatif à 0,8). L’œstrogénothérapie isolée prolongée entraîne une hyperplasie endométriale sus- ceptible de se transformer en cancer et l’imprégnation progestative nécessite une dose et une durée suffisantes. 3. Cancer de l’ovaire Le risque ne semble pas modifié par le THS, mais les études actuelles sont insuf- fisantes pour conclure définitivement. 4. Risques autres Aux doses physiologiques, il n’y a pas d’augmentation de la fréquence ni de la sévérité des accidents thrombo-emboliques. Il existe chez les femmes traitées un discret surcroît de pathologies vésiculaires. Bénéfices thérapeutiques • A court terme, ils apparaissent clairement sur le syndrome climatérique et plus globalement sur les scores de qualité de vie liée à la santé. • À long terme, c’est-à-dire au-delà de 7 à 10 ans, la diminution du risque frac- turaire et de la pathologie cardiovasculaire est également reconnue par des méthodes indirectes et par les chiffres de morbidité-mortalité. I • La ménopause est un phénomène physiologique dont le tableau est celui d’une aménorrhée secondaire définitive par insuffisance ovarienne (FSH élevée, estradiol E2 effondré). • La ménopause précoce, quelle qu’en soit la cause, est pathologique. • La privation œstrogénique entraîne des conséquences pathologiques sur les organes cibles. Elle constitue donc un facteur de risque pour certaines pathologies. • Le traitement hormonal substitutif est globalement bénéfique : à court terme, en confort et en qualité de vie, et à long terme, en diminuant la morbidité et la mortalité liées à l’ostéoporose et aux maladies cardiovasculaires. Ses indications s’élargissent du fait de la réduction des contre-indications. Points Forts à retenir G G G G G G G G G G G G G G G G La ménopause Taurelle R, Tamborini A. Paris : Masson, 1989. Drapier-Faure E. Ménopause et traitement. Encycl Med chir 1992. POUR EN SAVOIR PLUS Gynécologie - Obstétrique B 160 1817 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 2 0 0 0 , 5 0 3. Modifications du vagin et des organes génitaux externes L’épithélium vaginal subit des modifications parallèles à celles de l’endomètre ; on assiste à une récupération de la tonicité des organes génitaux externes. Modifications de l’organisme dans le post-partum On assiste à la disparition de l’imprégnation hormonale gravidique : les œstrogènes qui se sont effondrés dès l’accouchement ne font leur réapparition dans l’organisme qu’à la reprise du cycle ovarien, c’est-à-dire à partir du 25 e jour ; pour la progestérone, il faut attendre la reprise d’un cycle ovulatoire, c’est-à-dire le plus souvent après le retour de couches. Il en résulte que les modifications de l’organisme liées à l’imprégnation hormonale gravidique ne s’atténuent que progressivement. Il en va ainsi de : – l’hypotonie des voies urinaires et des voies biliaires qui persiste pendant 3 mois, ce qui rend peu interprétables les examens échographiques et radiologiques pendant cette période ; – l’hypercoagulabilité qui persiste pendant au moins 2 à 3 semaines : elle est liée à l’augmentation du fibrinogène (x 2) et des autres facteurs de la coagu- lation; associée à la stase veineuse, à l’œdème gravi- dique, à une éventuelle anémie, à la sédentarité, elle explique le risque accru de thrombose pendant cette période ; – la normalisation de la tolérance aux sucres et des modifications des lipides (triglycérides, cholestérol) ; il faut attendre le retour de couches pour réaliser le bilan glucido-lipidique préalable à la prescription de contraceptifs oraux. Surveillance clinique des suites de couches Suites de couches L’hospitalisation est habituellement de 4 à 6 jours, plus brève si existe la possibilité d’hospitalisation à domicile, plus longue en cas de césarienne. Les objectifs de cette hospitalisation sont : – d’éviter et de prévenir les complications du post-partum; –l’enseignement des jeunes mères (puériculture, alimen- tation du nouveau-né, rééducation périnéale, contraception). Modifications physiologiques et anatomiques des suites de couches Retour à la normale de l’appareil génital 1. Involution utérine Elle est d’abord rapide puis plus lente jusqu’au 2 e mois ; l’utérus passe ainsi d’un volume d’une grossesse de 4 mois et demi après la délivrance, soit un poids de 1 500 à 1 700 g, une hauteur de 20 à 30 cm , à des dimen- sions d’avant la grossesse (70 g et 7 à 8 cm de hauteur) ; Le segment inférieur disparaît rapidement et le col utérin se reconstitue en quelques jours (à noter la persistance d’un ectropion jusqu’à 6 à 12 mois). 2. Régénération de la muqueuse endométriale Elle se fait en 4 étapes : – une phase de régression (4 à 5 j) ; – une phase de cicatrisation (6 e au 25 e j) à partir des culs-de-sac glandulaires ; – une phase hormonale de régénération (25 e au 45 e j), sous l’effet d’une stimulation œstrogénique seule ; l’endomètre a alors l’aspect d’une phase folliculaire ; – une phase de reprise du cycle menstruel au-delà de 45 j : le premier cycle est habituellement anovulatoire ; chez les femmes qui allaitent, la première menstruation ne survient en général qu’après l’arrêt de l’allaitement. Post-partum Surveillance clinique, allaitement et ses complications PR Michel HERLICOVIEZ Clinique de gynécologie-obstétrique, hôpital Clémenceau, 14033 Caen Cedex. • Le post-partum est la période qui va de l’accouchement jusqu’au retour de couches, c’est-à-dire aux premières règles normales ; il est marqué par la disparition progressive des modifications de l’organisme liée à l’état gravidique. • Dans le post-partum immédiat, l’attention doit être attirée vers le risque d’hémorragie, d’infection et de thrombose. • Cette période doit faire l’objet d’informations concernant la prise en charge du nouveau-né et la contraception. • Chez la femme qui allaite, il faut réunir les conditions permettant d’assurer harmonieusement cette fonction, prévenir et traiter d’éventuelles complications . Points Forts à comprendre 1. État général • Le premier jour est principalement consacré au dépistage d’une hémorragie secondaire ; cette surveillance est effectuée obligatoirement en salle d’accouchement dans les 2 premières heures puis dans le service d’hospi- talisation. Elle consiste en la prise régulière du pouls, de la tension artérielle et l’observation de la coloration cutanéo- muqueuse, l’examen de l’écoulement vulvaire (aspect des garnitures), la palpation du globe utérin de sécurité (uté- rus de 4 mois, ferme et dont le volume n’augmente pas). Il est normal qu’il y ait, principalement chez les multi- pares, des contractions utérines douloureuses appelées «tranchées ». • Les jours suivants, on observe les signes de pancarte : surveillance du pouls, de la pression artérielle, de la tem- pérature 2 fois par jour – une élévation de la température peut faire évoquer une endométrite –; au 3 e jour, elle peut simplement être contemporaine de la montée laiteuse ; l’accélération du pouls sans élévation de la température doit faire rechercher une thrombose ; on réalise éventuel- lement une numération formule sanguine au 3 e jour . 2. Involution utérine • Le fond utérin palpé s’abaisse de jour en jour : au 7 e jour, il est perçu à mi-distance entre le pubis et l’om- bilic, au 15 e jour, l’utérus ne dépasse plus la symphyse pubienne et le col utérin est fermé. • Les lochies sont des écoulements d’origine utérine ; elles sont sanglantes et fluides les premiers jours et deviennent rosées à la fin de la 1 re semaine. 3. Fonctions d’évacuation La vessie est atone et il en résulte parfois une rétention souvent incomplète. Il n’est pas rare non plus de constater une petite incontinence urinaire d’effort, voire une incontinence anale. Le risque de survenue d’une crise hémorroïdaire justifie le traitement de la constipation, habituelle dans les premiers jours. 4. Périnée Si le périnée est intact, on réalise une toilette vulvaire simple et une protection par des garnitures ; si le périnée a été suturé, il doit être examiné, nettoyé avec une solu- tion antiseptique et soigneusement séché au moins une fois par jour. 5. Seins et lactation La surveillance doit être particulièrement vigilante afin d’obtenir une bonne mise en route de l’allaitement et d’en éviter les complications. Elle est envisagée plus loin. 6. Prévention des thromboses Elle comporte la surveillance par la palpation des mollets et surtout les mesures préventives comme le lever précoce et les bas de contention en cas de mauvais réseau veineux. Dans certains cas, pourra être discutée la mise en route d’un traitement anticoagulant (hépa- rines de bas poids moléculaire). 7. Contraception du post-partum La contraception doit être discutée et proposée car, bien que peu fréquentes, les grossesses sont néanmoins possibles dès les premières semaines suivant l’accou- chement, y compris chez les femmes qui allaitent. Il faut tenir compte : – de l’hypercoagulabilité et du risque de thrombose du post-partum qui risque d’être majoré par les œstro- progestatifs au cours des 2 premières semaines ; – du passage des stéroïdes dans le lait maternel. Elle peut faire appel à : – des moyens mécaniques locaux : préservatif ou utilisation d’ovules ou de crèmes spermicides (Pharmatex) ; – des œstroprogestatifs minidosés débutés 15 jours après l’accouchement chez les femmes qui n’allaitent pas ; – des progestatifs purs microdosés chez les femmes qui allaitent. Retour de couches et examen postnatal 1. Retour de couches Il s’agit des premières règles normales : en l’absence d’allaitement, elles surviennent de 6 semaines à 3 mois après l’accouchement ; chez la femme qui allaite, le retour de couches peut être retardé jusqu’au 5 e mois. 2. Examen postnatal Il doit avoir lieu au 2 e mois et comporte : – un examen général : poids, pression artérielle, examen du cœur et des poumons, état des muscles abdominaux, des seins ; – un examen gynécologique : – examen de la vulve et du périnée : il est essentielle- ment centré sur l’examen des cicatrices périnéales : les cicatrices d’épisiotomie ou de déchirures péri- néales peuvent être encore sensibles ; il faut apprécier la qualité de la réparation, la souplesse des tissus, rechercher la présence d’un granulome ; s’il y a eu reprise des relations sexuelles, il faut s’enquérir sur leur caractère douloureux ou non, – il faut rechercher un prolapsus, une incontinence urinaire d’effort au cours d’efforts de poussée, – examen au spéculum: il n’est pas rare que persiste encore un ectropion cervical ; cet examen est égale- ment l’occasion de faire un frottis de dépistage, – au toucher vaginal, on note un orifice cervical déhis- cent et un corps utérin de taille normale, – le testing des releveurs, coté de 0 à 5, permet d’évaluer la nécessité d’une rééducation périnéale. 3. Mesures d’accompagnement • Il faut prescrire une rééducation du périnée: 10 séances de rééducation chez un kinésithérapeute ou une sage- femme sont prises en charge par la Sécurité sociale ; il faut privilégier la rééducation périnéale à la rééducation de la sangle abdominale qui est envisagée dans un second temps. P O S T - P AR T U M 1818 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 2 0 0 0 , 5 0 • Les péritonites généralisées sont exceptionnelles. • Les thrombophlébites pelviennes suppurées des gros troncs veineux latéro-utérins sont secondaires à une endométrite. Les signes généraux sont inquiétants, la température est désarticulée, associée à des frissons ; on recherche des signes de phlébite pelvienne : douleur latéro-utérine, empâtement ou cordon unilatéral doulou- reux. L’évolution est marquée par l’extension de la thrombose et l’apparition de métastases. • Les septicémies puerpérales sont gravissimes. Maladie thrombo-embolique veineuse Le risque thrombo-embolique est favorisé par l’impor- tance de la stase veineuse, l’augmentation de la masse sanguine, l’hyperpression veineuse des membres inférieurs, et l’hypercoagulabilité sanguine, auxquelles il faut ajouter la sédentarité, l’anémie et l’infection. Elle est marquée par des signes : – pelviens : la thrombose débute au niveau des veines pelviennes, il en résulte des petits troubles urinaires et digestifs ; – cruro-jambiers unilatéraux à type de pesanteur, de tension, voire de douleur du mollet ; – généraux : accélération du pouls précédant l’augmen- tation de la température, fréquemment associée à une sensation d’angoisse. • L’examen du mollet doit rechercher : une augmentation de son volume, une augmentation de la chaleur locale, une diminution du ballottement, une douleur provoquée sur un trajet veineux, une douleur à la dorsiflexion du pied (signe de Homans). • L’évolution se fait : rarement vers la phlegmatia alba dolens ; parfois vers l’embolie pulmonaire qui peut être inaugurale et parfois fatale lorsqu’elle est massive. Allaitement Physiologie • Pendant la grossesse, la lactation est préparée par : l’hormone lactogène placentaire qui a une action trophique sur la glande mammaire ; les œstrogènes qui permettent le développement des canaux galactophores ; la proges- térone qui exerce son action sur les acini glandulaires en assurant leur croissance et le blocage de la fonction sécrétoire. • Au moment de l’accouchement, on assiste : à l’effondrement des sécrétions d’œstrogènes et de progestérone ; à la levée du rétrocontrôle négatif hypo- thalamique (PIF) ; et donc à la stimulation de la sécré- tion de prolactine. • L’entretien de la sécrétion lactée est réalisé par un réflexe neuro-hormonal à point de départ mamelonnaire (réflexe de Fergusson) (figure 1). • La contraception est abordée au cours de cette consul- tation qui est aussi le moment de discuter régulation des naissances et de mettre au point la contraception définitive. • Le vécu de l’accouchement et l’état de l’enfant sont abordés ainsi que le déroulement de la grossesse, de l’accouchement, du point de vue médical, bien sûr mais aussi psychologique. Il faut demander des nouvelles de l’enfant, souvent présent à la consultation et laisser la femme exprimer sa joie, mais aussi ses difficultés et son appréhension à l’évocation de la reprise de son activité professionnelle. Complications des suites de couches Infections puerpérales Les germes le plus souvent rencontrés sont les strepto- coques, les staphylocoques, les colibacilles. Parmi les circonstances favorisantes liées à l’accouche- ment, on relèvera : le terrain (toxémie, anémie) ; un accouchement long avec rupture prolongée des mem- branes ; une hémorragie de la délivrance ; la réalisation de manœuvres endo-utérines ; la césarienne. Les germes sont souvent manuportés (sage-femme, accoucheur), ce qui doit faire insister sur la nécessité : du dépistage et du traitement des infections génitales pendant la grossesse ; d’une asepsie rigoureuse pendant toute la durée du travail, tout particulièrement lorsque les membranes sont rompues ; les touchers doivent être réduits au minimum nécessaire pour suivre la bonne marche du travail. Les voies génitales et l’aire placentaire sont le point de départ de l’infection et la propagation se fait par voie canalaire, veineuse et lymphatique au tissu cellulo-gan- glionnaire du ligament large. • L’endométrite du post-partum survient quelques jours après l’accouchement, associant : des signes géné- raux – température à 38-38,5 ˚C, pouls accéléré, état général plus ou moins altéré ; des lochies abondantes et fétides (faire un examen bactériologique) ; un utérus gros, mou, douloureux, avec un col ouvert. Parmi les signes négatifs, on note : des culs-de-sac libres et indo- lores, des seins normaux, des urines stériles. Il existe des formes frustes au diagnostic difficile, des formes hémorragiques posant le problème du diagnostic différentiel avec une rétention placentaire. • La pelvipéritonite des suites de couches succède à une endométrite méconnue et non traitée à la fin de la 1 re semaine. Les signes généraux sont plus sévères avec, en particulier, une température atteignant 39 à 40 ˚C, des douleurs pelviennes intenses associées à un état sub- occlusif, une défense sus-pubienne. Au toucher vaginal, l’utérus est bloqué, douloureux, les culs-de-sac vagi- naux empâtés et douloureux. • Des collections suppurées peuvent être secondaires à une endométrite : il s’agit d’un abcès du Douglas ou d’un phlegmon du ligament large. Gynécologie - Obstétrique 1819 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 2 0 0 0 , 5 0 L’alimentation de la mère doit être équilibrée et doit privi- légier les laitages qui assurent un apport supplémentaire en calcium et en protéines. Il faut boire abondamment. Sont contre-indiqués : l’alcool, les excitants, le tabac. En ce qui concerne les médicaments, ils risquent de passer dans le lait et certains d’entre eux sont contre-indiqués. Les premiers jours sont quelquefois difficiles et nécessitent beaucoup d’attention et d’encouragements. C’est souligner le rôle important sur le plan éducatif, dans le post-partum immédiat, des sages-femmes et des puéricultrices. Bénéfices Le lait maternel est l’aliment naturel du nouveau-né. • Le colostrum précédant la montée laiteuse est très précieux ; sa valeur nutritive est exceptionnelle : moins sucré que le lait et plus riche en protéines, il est facile à digérer et bien assimilé ; par ailleurs, sa richesse en anti- corps est un atout efficace dans la lutte contre les infec- tions bactériennes et virales. • Le lait maternel prend le relais du colostrum à partir du 4 e jour et sa composition est idéale pour le nouveau-né dont il assure la croissance harmonieuse. Il est recommandé chez l’enfant de petit poids et tout particulièrement chez le prématuré : sa composition est parfaitement adaptée ; sa digestibilité est parfaite; il protège des infections digestives et respiratoires. • Le bénéfice psychologique est obtenu par le contact étroit et l’établissement du lien mère-enfant. Toutefois, l’allaitement nécessite une certaine motivation de la part de la mère et s’il doit être conseillé ne doit jamais être imposé. Inhibition de la lactation Les femmes qui ne souhaitent pas allaiter doivent recevoir, dès le jour de l’accouchement, un inhibiteur de la prolactine ; il s’agit de la bromocriptine (Parlodel, Norprolac) prescrite à raison de 2 comprimés par jour pendant 3 semaines. Les premiers jours du traitement, la prise de bromocriptine doit être fractionnée afin d’éviter des sensations vertigineuses. Complications Elles sont essentiellement dues à une mise en route de l’allaitement inadaptée et à une mauvaise hygiène locale. 1. Engorgement mammaire Il survient en général aux alentours du 3 e jour du post- partum, en général associé à une montée laiteuse retardée que la femme tente de favoriser par des boissons trop abondantes ; il se manifeste par des seins tendus, durs et douloureux, se vidant mal. Le traitement est local : douches chaudes sur les seins ; petites doses d’ocytocine avant les tétées afin d’améliorer l’excrétion lactée, utilisation en dernier recours d’un tire-lait électrique. P O S T - P AR T U M 1820 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 2 0 0 0 , 5 0 Entretien de la sécrétion lactée. ACINI : SÉCRÉTION ACINI : CONTRACTION DES FIBRES MUSCULAIRES ET ÉVACUATION SUCCION HYPOTHALAMUS HYPOPHYSE ANTÉRIEURE PROLACTINE OCYTOCINE HYPOPHYSE POSTÉRIEURE Modalités 1. Mise en route La mise au sein doit être faite dès que possible, en salle d’accouchement, afin de favoriser la montée laiteuse. 2. Installation Il faut conseiller aux femmes d’adopter une position confortable : assise, dos maintenu, l’enfant doit être placé à hauteur du mamelon qu’il doit admettre entière- ment dans sa bouche. Après les 2 premiers jours où les tétées sont courtes et fréquentes et où les 2 seins sont proposés, on conseille d’espacer progressivement les tétées (toutes les 4 h environ), tout en mettant l’enfant au sein dès qu’il réclame. Il faut alterner les seins une fois sur 2 et ne pas laisser l’enfant au sein trop longtemps (20 min environ). 3. Montée laiteuse La montée laiteuse se produit le 3 e ou le 4 e jour et se traduit par une élévation thermique modérée (38 à 38,5 ˚C) et un gonflement des seins qui deviennent tendus. C’est une journée délicate car l’enfant qui a perdu 1/10 e de son poids devient plus exigeant car il a faim alors que la sécrétion lactée est tout juste en train de s’installer. L’équipe médicale doit alors être présente pour éviter que la femme ne se décourage. 4. Hygiène Les règles élémentaires d’hygiène doivent être respectées (se laver les mains et nettoyer les mamelons au sérum physiologique avant et après chaque tétée sans les irriter). Complications du retour de couches Hémorragies Elles sont habituellement en rapport avec une endométrite. Elles peuvent être favorisées par des rétentions placen- taires a minima, passées inaperçues (polype placentaire). Aménorrhée Elle se définit par l’absence de survenue du retour de couches au-delà de 3 mois si la femme n’allaite pas, de 5 mois si elle allaite. Le diagnostic est orienté par la courbe ménothermique et le test à la progestérone (administration pendant 10 j de rétroprogestérone [Duphaston]) qui est positif lorsque celle-ci aboutit à une hémorragie de privation, témoi- gnant alors d’une imprégnation œstrogénique suffisante pour assurer un développement endométrial. • Si la courbe thermique est plate, il s’agit alors le plus souvent d’une anovulation par inertie hypothalamo- hypophysaire ; le test à la progestérone est habituellement positif, et le plus souvent le cycle menstruel se remet spontanément en place. • Si la courbe thermique est biphasique, il faut évoquer une synéchie utérine faisant suite à une manœuvre endo- utérine, elle-même compliquée d’une endométrite. • En cas de plateau thermique prolongé et de test à la progestérone négatif, il faut penser à une nouvelle grossesse, toujours possible avant le retour de couches et demander un dosage d’hCG. Troubles psychologiques La période du post-partum est une période de vulnérabilité pendant laquelle il faut être particulièrement attentif à la survenue de troubles psychologiques. 1. «Post-partum blues » Il s’agit de manifestations de tristesse avec pleurs ou d’irritabilité survenant habituellement au 3 e jour, souvent contemporaines de la montée laiteuse ou de difficultés à l’allaitement. S’y associent des troubles du sommeil attribués au réveil par le bébé, mais aussi à des douleurs d’épisiotomie ou encore des contractions utérines. Il se voit chez près de la moitié des accouchées. 2. Dépression du post-partum Elle survient dans 10 à 15 % des cas. Son début est plus tardif, entre 4 et 6 semaines après l’accouchement. Elle se traduit par des pleurs, une labilité de l’humeur, un sentiment de découragement, d’épuisement aggravés le soir, avec des difficultés d’endormissement. Sont particulièrement caractéristiques : un sentiment d’inca- pacité à s’occuper de son enfant, l’absence de plaisir à faire les soins, une agressivité vis-à-vis de l’entourage familial et principalement du conjoint. 2. Crevasses du mamelon Elles se manifestent par des douleurs au moment de la tétée associées à des saignements. Il se forme des fissures ou érosions radiées des mamelons. Le traitement est local (antiseptiques, pommades cicatrisantes, « bouts de seins » évitant transitoirement le contact direct), associé à une mise au point avec la patiente de sa méthode d’allaitement, afin d’éviter les récidives ou d’autres complications. 3. Lymphangite aiguë du sein Il s’agit d’une complication aiguë faisant généralement suite à des crevasses du mamelon. Elle se manifeste par une température élevée à 40 ˚C avec des frissons, de vives douleurs au niveau d’un sein et la présence sur un des seins d’un placard lymphangitique rouge, sans induration sous-jacente. Le traitement ne nécessite pas l’arrêt de l’allaitement ; tout au plus le lait sera tiré jusqu’à la guérison en règle générale rapide sous l’effet des traitements locaux (com- presses alcoolisées, cataplasmes à l’Antiphlogistine), des anti-inflammatoires et, si besoin, des antibiotiques antistaphylococciques. 4. Abcès du sein C’est la complication la plus sévère, qui va nécessiter l’arrêt de l’allaitement ; il survient à partir de crevasses négligées. On distingue : – une phase de galactophorite, initiale, marquée par une tension douloureuse d’un sein, une température à 38 ˚C, le signe de Budin : issue de lait mélangé à du pus laissant une tache jaune sur la compresse. Le traitement repose sur l’arrêt de l’allaitement ; le lait est tiré et jeté. À ce stade, l’association d’anti-inflam- matoires et d’antibiotiques peut encore permettre la guérison; – une phase de mastite aiguë qui succède à la galacto- phorite et qui ne guérit que par la fistulisation de l’abcès ou, mieux, son drainage chirurgical. Elle se manifeste par des douleurs vives, une altération de l’état général, une température oscillante, un sein très sensible avec un noyau dur exquisément douloureux. Il ne faut pas donner d’antibiotiques mais attendre que l’abcès «mûrisse » et se collecte ; – une phase de suppuration de collection permet l’incision de l’abcès. Les douleurs deviennent lancinantes, pulsatiles, entraînant une insomnie ; on assiste alors à un ramollissement du noyau avec des modifications de la peau en regard, qui devient rouge, succulente. On peut réaliser l’incision et le drainage. 5. Anomalies de la sécrétion lactée • L’agalactie totale est exceptionnelle (il convient de penser au syndrome de Sheehan). • L’hypogalactie peut témoigner d’une anomalie mam- maire, de grossesses trop rapprochées, de carences ali- mentaires. Gynécologie - Obstétrique 1821 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 2 0 0 0 , 5 0 Son dépistage précoce permet une prise en charge adaptée ; il pourrait éviter, chez l’enfant, l’apparition ultérieure de troubles du comportement et de retards d’acquisition. 3. Psychose puerpérale Elle survient dans environ 0,2% des naissances. Il s’agit d’un état confuso-onirique aigu. Elle survient brutalement, 12 à 15 jours après l’accouche- ment ; elle est marquée par une confusion avec désorienta- tion, des troubles de l’identification des proches et des manifestations oniriques avec, en particulier, des tableaux inquiétants voire terrifiants. On peut voir apparaître parfois un état mélancolique ou un état pseudo-maniaque. L’évolution peut être très dangereuse avec risque de suicide, ou d’infanticide. Le traitement doit comporter l’isolement en milieu psychiatrique et aboutit habituel- lement à la guérison totale à distance. I P O S T - P AR T U M 1822 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 2 0 0 0 , 5 0 • La période des suites de couches est marquée par la disparition progressive des modifications gravidiques de l’organisme maternel. • Dans les suites de l’accouchement, la surveillance porte sur les risques hémorragique, infectieux et thrombo-embolique veineux. • La mise en route de l’allaitement maternel nécessite toutes les attentions, afin de favoriser son bon déroulement ultérieur. • Cette période est également idéale pour promouvoir la contraception. • Enfin, la fréquence de la dépression du post- partum doit attirer toute notre vigilance en raison des risques encourus par la mère et l’enfant. Points Forts à retenir Prolapsus génitaux Diagnostic Dr Denis JACOB, Dr ArnaudTHEILLIER, Pr Jean-BernardTRUC Diagnostic des troubles fonctionnels Ces troubles sont au nombre de 5. 1. Pesanteur pelvienne La patiente peut ressentir une pesanteur pelvienne. Celle-ci est permanente ou intermittente, accentuée par la station debout ou par la fatigue de la journée. 2. Tuméfaction vulvaire La patiente peut percevoir une tuméfaction vulvaire, plus ou moins accentuée, parfois à peine marquée, par- fois notable, et parfois, enfin, extériorisée. Dans ce cas, des saignements par ulcération du col peuvent être observés. 3. Troubles urinaires Des troubles urinaires peuvent accompagner ou révéler le prolapsus. Il s’agit le plus souvent d’une incontinence urinaire d’effort typique : fuites d’urine provoquées par la toux, les éternuements, le rire ou la marche. Parfois, les troubles sont plus atypiques, à type de mictions impérieuses ou de cystalgies provoquées par le cisaille- ment et les mouvements d’accordéon de la vessie. Parfois, sont observés des épisodes de rétention d’urine, la miction ne pouvant être obtenue que par la réintégra- tion manuelle de la procidence. 4. Troubles sexuels Des troubles sexuels peuvent être retrouvés, tels qu’une gêne lors des relations intimes, avec impression de trop grande laxité. La vie sexuelle peut être complètement abolie dans certaines procidences accentuées. Elle est parfois absente depuis de longues années chez certaines femmes âgées. 5. Troubles de l’exonération Enfin, des troubles de l’exonération anorectale sont par- fois constatés : il peut exister une incontinence des gaz et des matières liquides. Dans d’autres cas, à l’opposé, l’exonération se fait mal et les selles ne sont évacuées qu’au terme de différentes manœuvres digitales. Parfois, aucun trouble n’éveille l’attention de la patiente et le diagnostic de prolapsus est le fruit du seul examen clinique. Diagnostic clinique 1. Aspect de prolapsus Il faut, dans un premier temps, faire tousser la patiente installée en position gynécologique. Le praticien obser- ve alors la plus ou moins grande béance de l’orifice vul- vaire, barré par le col abaissé ou l’une ou l’autre des parois vaginales effondrées. C’est ainsi que l’observa- teur peut constater : • l’existence d’un prolapsus antérieur sous l’aspect : – d’une urétrocèle avec bombement de la partie basse de la paroi antérieure du vagin et abaissement à la vulve du col vésical ; cette procidence peut s’accompagner d’une Gynécologie-Obstétrique B147 1103 L A R E V UE DU P R AT I CI E N ( P a r i s ) 1 9 9 8 , 4 8 Service de gynécologie-obstétrique, hôpital Lariboisière, 75475 Paris cedex 10 • L’examen se fait en 3 étapes : il porte d’abord sur l’aspect général du prolapsus ; il définit ensuite l’existence ou l’absence de procidence de chacun des organes pelviens ; il fixe enfin l’importance de chacun des défauts de la statique, antérieur (vésical), moyen (utérin), et postérieur (périnéo-anal) • Il est particulièrement important de reporter sur un schéma de profil du petit bassin, et par rapport aux repères de la symphyse pubienne et du sacrum, l’existence et le degré de chacun des éléments du prolapsus. L’examen profond du pelvis par le toucher vaginal et anorectal permet de perfectionner ce schéma. • Il convient au terme de l’étude clinique du prolapsus, et avant d’envisager l’étape thérapeutique, d’une part d’éliminer ce qui ne constitue pas un prolapsus et d’autre part d’évaluer de façon plus générale l’étiologie de la procidence et l’état de la patiente qui en est porteuse. Points Forts à comprendre Rectocèle. 4 Allongement du col utérin. 3 Cystocèle. 1 Traction exercée sur le col utérin. 5 Cervicoptose. 2 émission involontaire et patente d’urine à la toux ; une forme plus discrète d’altération du système de continen- ce est réalisée par une béance du méat urinaire sans véri- table incontinence ; – d’une cystocèle (fig. 1) avec abaissement de la partie de la paroi vaginale antérieure du vagin adjacente au col utérin. Sous l’effort de toux, cette paroi bombe vers l’observateur ; • l’existence d’un prolapsus moyen, c’est-à-dire d’une procidence du col utérin (fig. 2) ; les lèvres du col arri- vent à la vulve ou la dépassent ; le col utérin, clairement visible, est parfois normal, il peut aussi être volumineux, les lèvres peuvent être intactes ; elles peuvent aussi être déchirées aux commissures latérales ou, plus rarement, en avant ou en arrière (le col revêtant l’aspect d’un trèfle), la déchirure se prolongeant plus ou moins haut sur l’isthme utérin ; dans d’autres cas, le col est petit et d’aspect tronconique. Enfin, il arrive que le col utérin revête un aspect spécial. Sa lèvre antérieure est très allongée et masque la lèvre postérieur ; cela est décrit comme un aspect tapiroïde du col, en gueule de requin par hypertrophie isolée de la lèvre antérieure (fig. 3) ; • l’existence d’un prolapsus postérieur révélé par la voussure de la partie basse de la paroi vaginale posté- rieure, adjacente au périnée postérieur. 2. Procidence des organes pelviens Dans certains cas extrêmes, tout le prolapsus est déjà extériorisé, dès avant l’examen. La procidence pend entre les cuisses de la patiente ; le col utérin est alors volontiers ulcéré. Les parois vaginales atrophiques inversées en doigt de gant sont aussi sanguinolentes. Les tuniques qui recouvrent le col et les parois vaginales inversées peuvent aussi être très épaissies (pachydermi- sées). Enfin, dans certains cas, le prolapsus est exclu de la cavité pelvi-abdominale et enclavé par son volume et son œdème à l’extérieur de l’orifice vulvaire. L’examen de la vulve ne permet pas toujours de définir la nature des organes prolabés. Il faut alors introduire avec douceur un spéculum fermé. Son appui sur la face postérieure du vagin exagère ou démasque la procidence antérieure de la cystocèle. L’appui du spéculum fermé vers la symphyse permet à la rectocèle de s’affirmer (fig. 4). Le spéculum est alors ouvert et un pince fine de Pozzi est posée sur le col dans l’angle des valves écar- tées (fig. 5). La traction démasque et permet d’évaluer la cervicoptose. Il convient à ce stade de vérifier s’il existe une vraie hystéroptose (la partie haute de l’utérus sui- vant le col dans sa descente), ou si la procidence du col est isolée, et due à l’allongement cervico-isthmique supra-vaginal, tandis que le corps de l’utérus reste très haut dans le petit bassin (un certain nombre de difficul- tés opératoires sont alors à prévoir). La prise par la pince de Pozzi permet de mieux explorer le col, dont la tunique de revêtement peut être épaissie, et de réaliser les examens cytologiques exocervicaux, endocervicaux et endométriaux nécessaires. Certaines anomalies cyto- logiques dues au prolapsus peuvent requérir un contrôle colposcopique du col utérin. 3. Classification Sur ce seul examen clinique peut être établie une double classification : l’une d’avant en arrière, sur la nature des organes prolabés, l’autre de haut en bas sur le degré de procidence des organes. • L’urétrocèle et la cystocèle constituent les procidences de l’étage antérieur. Elles sont tantôt simples, séparées 1104 L A R E V UE DU P R AT I CI E N ( P a r i s ) 1 9 9 8 , 4 8 P R OL AP S US GÉ NI T AUX Raccourcissement urétral. 6 ou associées. Elles sont tantôt plus complexes, porteuses de cicatrices et de replis horizontaux ou de déchirures anciennes rétro-vésicales ou rétro-urétrales (sous la forme de tranchées verticales). Il est intéressant, par la mise en place d’une fine sonde à ballonnet, de mesurer la longueur de l’urètre qui est très souvent raccourci (fig. 6). • La cervicoptose et l’hystéroptose (qui peuvent être dissociées) constituent le prolapsus de l’étage moyen du pelvis. L’abaissement peut être bridé par une cicatrice obstétricale du dôme vaginal formant corde et retenant le prolapsus, soit bilatéralement, soit unilatéralement (hémi-prolapsus). • La rectocèle peut être complète, ou limitée à la proci- dence de sa partie basse ou haute. Le prolapsus posté- rieur est parfois plus complexe quand il existe un pro- lapsus péritonéal, soit diverticulaire, soit du fait de la profondeur excessive du cul-de-sac de Douglas (élytro- cèle). Chacun des ces éléments peut être plus ou moins pro- noncé. Lorsque la procidence demeure encore intravagi- nale, elle est dite de degré 1 ; quand elle affleure l’orifi- ce vulvaire, elle est classée en 2, et en 3 lorsque la procidence dépasse l’orifice vulvaire. La même classifi- cation est employée pour les différents éléments du pro- lapsus. 4. Toucher vaginal Le toucher vaginal procure 4 ordres de renseignements : • sur l’aspect de l’utérus, tantôt normal (qu’il soit de volume normal, ou atrophique chez la femme âgée) tan- tôt pathologique, adénomyosique ou porteur de fibromes utérins. Dans ce cas, des fibromes volumineux bloqués contre la margelle du petit bassin peuvent rete- nir la procidence. Ce sont les fibromes dits parachutes, dont l’exérèse abdominale se complique d’un effondre- ment de la statique pelvienne, quand des gestes de res- tauration de l’architecture du petit bassin ne sont pas associés à leur ablation ; • sur la mobilité de l’utérus : celui-ci est manipulé entre la main interne et la main abdominale ; ces gestes per- mettent de distinguer 2 cas : – tantôt la mobilité de l’utérus est extrême, en une véri- table luxation : rien ne retient les mouvements de l’uté- rus ; cela signifie qu’aucune structure de soutien de cet organe n’existe plus ; – tantôt, au contraire, l’utérus est mobile mais cette mobilité n’est pas absolue ; quand l’organe est abaissé par la main abdominale, des structures se tendent et limitent sa chute ; ces structures peuvent être latérales (ce sont les ligaments larges) ou, le plus souvent, posté- rieures (ce sont les ligaments utéro-sacrés dont l’on per- çoit la corde résistante en arrière de l’isthme utérin) ; ces constatations différentes attirent vers des techniques opératoires différentes ; • sur l’incontinence urinaire d’effort : l’ascension tran- sitoire du col vésical vers la face postérieure de la sym- physe, par la mise en place de 2 doigts, posés de chaque côté du col, fait disparaître l’émission d’urine, observée lors des efforts de toux. Cette manœuvre, décrite par Bonney, démontre, lorsqu’elle est efficace, l’intérêt des gestes urinaires qui devront être associés à la cure du prolapsus ; • sur l’étiologie du prolapsus : en particulier les brides et cicatrices vaginales observées, les déchirures du col sont en faveur du traumatisme obstétrical ; l’atrophie des tissus et des organes plaide pour une défaillance hor- monale ; enfin, l’association d’une paroi vaginale anté- rieure trop brève, d’un allongement antérieur ou plus global du col, et une rétroversion de l’utérus évoquent une cause congénitale. 5. Toucher anorectal Le toucher anorectal permet d’une part, d’exposer le périnée postérieur, qui est rarement intact (tantôt élimé, tantôt cicatriciel, sectionné, déchiré ou éclaté, et tantôt réduit à rien). Il faut explorer le quadrant antérieur du sphincter anal, qui peut être normal, aminci ou faire complètement défaut. Il est alors possible de retrouver latéralement les cornes sphinctériennes rompues à l’en- droit de deux petites fossettes ombiliquées. Dans cer- tains cas, le périnée postérieur a été entièrement détruit et est réduit à un accolement muqueux anovaginal à angle aigu sans aucune structure interne restante. Le toucher plus profond permet de distinguer les recto- cèles basses des rectocèles hautes. Il permet chez certaines femmes (le plus souvent déjà opérées) de reconnaître un sillon horizontal séparant en bas une poche de rectocèle, du bombement supérieur et atteignant le col utérin d’une élytrocèle. La toux de la patiente exagère cette séparation qui est mieux évaluée par un toucher combiné. L’examen doit être encore plus minutieux quand la patiente a été opérée (hystérectomie ou première cure de prolapsus). Il faut alors rechercher sur le dôme ou les parois vaginales les cicatrices des colpotomies antécé- dentes. Il faut aussi savoir reconnaître la persistance de la procidence, en amont d’un périnée postérieur recons- titué sur une trop grande longueur. Il faut encore dépister la sclérose développée autour du Gynécologie-Obstétrique 1105 L A R E V UE DU P R AT I CI E N ( Pa r i s ) 1 9 9 8 , 4 8 Colpocystogramme. 7 col vésical et de l’urètre par les interventions urolo- giques préalables. Cet examen clinique, long et minutieux, présente l’avan- tage de pouvoir totalement se passer de l’exploration radiologique de la statique pelvienne par le colpocysto- gramme. Diagnostic radiologiques : le colpocystogramme Le colpocystogramme comprend habituellement 2 cli- chés de profil du bassin et un diagramme (fig. 7). Les différents organes sont opacifiés par des produits ou des instruments : l’urètre par une chaînette ou une crème ; la vessie par un liquide iodé qui dessine sa moitié infé- rieure ; l’utérus par une sonde intracavitaire ; le vagin par une pâte étendue sur ses parois ; le rectum et le canal anal par une crème ou un liquide opaque. Un index métallique sert de repère au méat urétral. Le premier cliché du colpocystogramme est effectué sur la patiente en position debout. Il montre la place des organes en l’absence d’un effort de poussée. Le second cliché est réalisé lorsque la patiente, toujours debout, effectue une forte poussée sur son abdomen et le dia- phragme pelvien. Un abaissement des organes est alors constaté. Le décalque des contours radiologiques fait apparaître clairement la modification plus ou moins accentuée de la hauteur des différents organes, au repos ou sous la poussée de haut en bas. Toutefois, le colpocystogramme ne mérite actuellement pas un emploi courant dans l’étude des prolapsus géni- taux. Diagnostic différentiel Trois diagnostic principaux doivent être éliminés. 1. Kystes vaginaux Les kystes vaginaux font saillie dans la cavité vaginale ou à la vulve sous la forme d’une tuméfaction liquidien- ne. Tantôt tendues et irréductibles, gênant l’examen gynécologique, tantôt rénittentes et impulsives à la toux, ces formations anormales peuvent être confondues avec une cystocèle, une rectocèle ou une élytrocèle. Leur dia- gnostic passe par l’injection de bleu dans la vessie et par le toucher anal, qui démontrent l’absence de dépendance entre le kyste et les organes pelviens. Une échographie pelvienne révèle habituellement la nature réelle de la tuméfaction dans les cas difficiles. 2. Tumeurs bénignes Les tumeurs bénignes du col utérin prolabées dans la cavité vaginale peuvent être prises pour une procidence. Il s’agit alors très rarement d’un volumineux œuf de Naboth du col, plus souvent d’un fibromyome pédiculé. Celui-ci peut être d’origine endocavitaire et faire saillie à travers l’orifice cervical externe. Le myome peut aussi être développé à partir d’une des lèvres du col, qu’il déforme et allonge. Le simple examen au spéculum per- met de redresser le diagnostic. Une échographie endova- ginale peut être nécessaire et révéler la nature solide de la lésion. 3. Inversion utérine chronique Dans le cas de celle-ci, la face endométriale du fond uté- rin fait saillie à travers le col et est prolabée dans la cavi- té vaginale. L’aspect est variable selon l’étiologie ; tan- tôt elle est cryptogénétique, et une tuméfaction ferme, rouge et saignante se présente à l’orifice vulvaire, tantôt l’inversion a pour origine une tumeur endocavitaire éversée qui attire l’attention. Diagnostic étiologique Dans le cas des prolapsus génitaux, les antécédents de naissance par les voies naturelles manquent rarement. Ils sont toutefois variés. Tantôt les accouchements ont été longs et difficiles, avec manœuvres instrumentales, application de forceps et déchirures du périnée. Tantôt, au contraire, la parturition a été en apparence aisée et rapide, en quelques heures ou fractions d’heure, sans la moindre lésion périnéale apparente. Tantôt l’enfant était de poids élevé, tantôt, au contraire, peu volumineux. Parfois, les naissances se sont déroulées par alternance d’accouchements par les voies naturelles et de césa- riennes (et, dans ce cas, une hystérographie doit être ajoutée aux examens complémentaires pour évaluer l’importance de la cicatrice utérine et ses rapports avec la vessie). Parfois encore, le prolapsus est observé après de seules césariennes, dans ce cas, il est essentiellement postérieur sous forme d’une élytrocèle par évasement du cul-de-sac de Douglas, consécutive à la pexie antérieure de l’utérus. Plus rares sont les procidences observées chez les nulli- pares ou les femmes vierges ; elles se manifestent alors par un prolapsus restreint au corps et au col de l’utérus glissés en coin entre une paroi antérieure du vagin et une paroi postérieure exemptes de toute procidence. L’examen plus général peut démontrer l’existence d'autres anomalies extragynécologiques. Il n’est pas rare que coexistent des hernies, ou des éventrations de cica- trice. Procidence et défauts pariétaux apparaissent alors comme une défaillance globale des tissus de soutien. Il est assez fréquent aussi que la procidence et les troubles 1106 L A R E V UE DU P R AT I CI E N ( P a r i s ) 1 9 9 8 , 4 8 P R OL AP S US GÉ NI TAUX Urographie intraveineuse; procidence vésicale. 8 urinaires associés soient observés chez des patientes de poids élevé, ou parfois paradoxalement à l’occasion d’une cure d’amaigrissement. Diagnostic des troubles urinaires associés L’examen clinique n’est toutefois pas suffisant pour éva- luer la fonction urinaire d’une patiente atteinte de pro- lapsus. Une étude urodynamique complète est toujours nécessaire. Celle-ci a pour principal intérêt de pressentir un éventuel échec thérapeutique sur le plan urinaire, malgré le fait qu’un temps opératoire vésico-urétral spé- cifique soit toujours associé à la cure chirurgicale d’un prolapsus génital. Ce qui est recherché est donc non pas tant un défaut de transmission, qu’un défaut neurolo- gique ou du tonus sphinctérien. Une telle constatation doit faire informer la patiente du risque d’échec post- opératoire et de la nécessité d’une rééducation périnéale associée à l’intervention. Deux notions doivent être ajoutées : celle que quels que soient les résultats urodynamiques, le traitement de la Gynécologie-Obstétrique 1107 L A R E V UE DU P R AT I CI E N ( P a r i s ) 1 9 9 8 , 4 8 défaillance anatomique prime, en particulier quand le prolapsus est extériorisé ; celle de l’interprétation diffi- cile de l’examen urodynamique en cas d’instabilité extrême de la vessie et de l’utérus, dont la mobilité modifie à tout instant les enregistrements. Il peut exister, dans certains cas de prolapsus extériori- sé, une altération du haut appareil urinaire par compres- sion ou étirement des uretères. Des examens urinaires, bactériologiques et radiologiques sont alors indispen- sables, les clichés pris très bas, montrant en totalité la vessie pré- et post-mictionnelle (fig. 8). L’urographie intraveineuse est aussi obligatoire pour vérifier le nombre et la situation des uretères lorsqu’une interven- tion par voie abdominale est prévue. Dans ce cas, il est judicieux de faire un cliché de profil du promontoire, siège de l’arrimage du prolapsus. I • Le diagnostic des prolapsus génitaux est essentiellement clinique. • Il repose sur l’analyse précise des troubles fonctionnels, et sur l’étude, élément par élément, des différents défauts anatomiques de l’architecture pelvienne. • Cet examen minutieux permet de se passer (à 2 exceptions près) d’examens complémentaires. Ces 2 exceptions sont, d’une part, l’étude urodynamique quand une indication opératoire est portée (en effet, procidende génitale et incontinence urinaire sont intimement liées) et, d’autre part, l’urographie intraveineuse préalable à la réalisation de certaines techniques chirurgicales. Points Forts à retenir Gynécologie - Obstétrique B152 199 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 2 0 0 0 , 5 0 Mode de transmission La transmission des germes depuis le vagin et le col utérin vers l’utérus et les trompes est favorisée par toutes les manœuvres endo-utérines. • En gynécologie, cela concerne la pose de dispositif intra-utérin (DIU), les curetage ou aspiration, les hystéro- graphie ou hystéroscopie, l’insémination… • En obstétrique, il s’agit de l’accouchement, surtout la césarienne, la révision utérine, la délivrance arti- ficielle… Ce sont alors des infections nosocomiales. Diagnostic Examen clinique Le diagnostic clinique des salpingites non compliquées est fréquemment difficile. Soixante à 70 % des cas de salpingites sont totalement asymptomatiques. Les formes « classiques », bruyantes, qui associaient syndrome infectieux fébrile et douleurs abdomino- pelviennes aiguës ont quasi disparu au profit de formes cliniquement atténuées comprenant : – des douleurs pelviennes qui sont le signe le plus constant. Elles sont d’intensité modérée et de localisation variable, souvent majorées en fin de journée et au cours des rapports sexuels ; – des pertes d’origine utérine, leucorrhées ou métrorragies, qui sont habituellement peu abondantes et récidivantes ; – des signes généraux qui sont rares. La fièvre est inhabituelle dans les formes non compliquées et l’état général est conservé. • La palpation abdominale est douloureuse dans sa partie basse, sans défense, ni contractures. • À l’examen au spéculum, on constate des leucorrhées voire des métrorragies distillantes issues de l’utérus. Une endocervicite associée est fréquente se traduisant par un col inflammatoire. • Au toucher vaginal, on déclenche une douleur au niveau utérin à la palpation et surtout à la mobilisation. De plus, la palpation annexielle provoque une douleur uni- ou bilatérale qui peut être associée à une infiltration et (ou) un empâtement annexiel. Dans cette forme, il n’existe pas de masse annexielle. Au total, l’examen clinique est rarement concluant et doit être complété par d’autres explorations. Étiologie Les salpingites sont pratiquement toujours secondaires à la dissémination par voie ascendante d’une infection génitale basse. Les contaminations par voie hémato- gène, au cours de septicémies, sont exceptionnelles. Environ les trois quarts des salpingites sont polymicro- biennes, associant des pathogènes aéro- et anaérobies. Une endocervicite est fréquemment associée. Principaux pathogènes 1. Germes sexuellement transmissibles • Chlamydia trachomatis, germe intracellulaire, est le plus fréquent et le plus délétère par les lésions tubaires qu’il peut entraîner. • Le gonocoque, très contagieux, est devenu rare. • Les mycoplasmes (Mycoplasma hominis et Ureaplasma urealyticum), dont la présence comme commensal est fréquente, ne seraient pathogènes que lorsqu’ils sont associés à d’autres micro-organismes. 2. Germes banals I ls proviennent des sphères urinaire ou digestive : enté- robactéries (Escherichia coli, Proteus mirabilis…), streptocoques, staphylocoques, Hæmophilus, anaérobies (Bacteroïdes fragilis, Peptococcus, Peptostreptococcus…) . Salpingites aiguës Étiologie,diagnostic,évolution,traitement PR Philippe JUDLIN Unités de gynécologie,clinique universitaire de gynécologie-obstétrique,maternité régionale de Nancy,54042 NancyCedex. • Les salpingites correspondent aux infections utéro-annexielles d’origine bactérienne. • Affectant surtout les adolescentes et les jeunes femmes, elles présentent des spécificités qui expliquent leur potentielle gravité. • Elles sont fréquentes, asymptomatiques dans la majorité des cas. • La guérison complète avec restitution ad integrum des organes pelviens n’est pas assurée même en cas de traitement bien conduit, le risque de séquelles n’est pas négligeable. Points Forts à comprendre Examens complémentaires 1. Prélèvements bactériologiques Examen indispensable, les prélèvements bactériologiques sont effectués au niveau de l’endocol voire de la cavité utérine, après stricte désinfection cervico-vaginale. On recherche systématiquement les germes banals, C. tracho- matis, les mycoplasmes et le gonocoque. Les anaérobies seront recherchés quand un prélèvement pelvien (cœlio- scopie) est possible. En cas d’infection sur dispositif intra-utérin, celui-ci sera ôté et mis en culture. • Au niveau de l’endocol : on isole des germes banals de C. trachomatis, des mycoplasmes et du gonocoque. • Au niveau du pelvis (si une cœlioscopie est réalisée) : on isole des germes banals, du gonocoque et des anaéro- bies sur le liquide du Douglas ; on isole C. trachomatis dans le liquide (centrifugation) et (ou) par biopsies des adhérences et de la muqueuse tubaire. • En cas de dispositif intra-utérin, on procède à l’abla- tion et à la mise en culture. 2. Place des sérologies La recherche des anticorps spécifiques (immunoglobu- lines G) vis-à-vis de C. trachomatis est peu utile car une séropositivité traduit seulement une immunité, parfois ancienne, et l’absence d’IgG est habituelle si l’infection est récente. Sauf si on observe 2 prélèvements successifs positifs, les sérologies ne permettent pas de faire le diagnostic de salpingite à Chlamydia évolutive. Le titrage des immunoglobulines A et M qui devrait, en théorie du moins, permettre de distinguer les infections évolutives voire le passage à la chronicité n’a pas d’intérêt en pratique courante. 3. Bilan inflammatoire Ce bilan (numération de la formule sanguine, dosage de la protéine C réactive ou de la vitesse de sédimentation ) est peu utile. Les perturbations observées en cas de salpingite sont inconstantes et non spécifiques. 4. Échographie pelvienne et écho-doppler Une échographie, même couplée au doppler, est souvent incapable de confirmer le diagnostic et n’est donc utile que pour chercher une complication à type d’abcès pelvien ou pour éliminer une autre pathologie pelvienne. 5. Cœlioscopie Examen essentiel, à faire au moindre doute diagnostique, il est le seul capable de confirmer le diagnostic et il peut être réalisé dans le cadre de la chirurgie ambulatoire. De nouvelles techniques de microlaparoscopie, faisant appel à de très petits endoscopes, élargissent encore l’utilisation de cette endoscopie. Il s’agit néanmoins d’une intervention chirurgicale invasive, source potentielle de complications chirurgicales ou anesthésiques. Ses intérêts sont multiples : – diagnostique, en confirmant ou infirmant le diagnostic initial ; – pronostique, en précisant l’étendue des lésions pelviennes. Il n’existe aucune corrélation entre l’inten- sité des signes cliniques et l’importance des lésions pelviennes ; – bactériologique, en complétant l’enquête effectuée par voie cervicale ; – thérapeutique, en permettant dans certains cas le traitement initial qui se limite généralement à la destruction sans traumatisme des adhérences et au lavage de la cavité pelvienne. Principaux diagnostics différentiels • Les endocervicites peuvent entraîner douleurs et leucorrhées et l’absence de modification annexielle au toucher vaginal peut constituer la seule différence. En cas de doute ou de récidive, la cœlioscopie permet d’établir le diagnostic. • Une endométrite, infection strictement limitée à l’utérus, est pratiquement impossible à différencier de la salpingite sans l’aide de la cœlioscopie. La prise en charge thérapeutique est globalement la même. • Une endométriose pelvienne ainsi que les autres pathologies génitales douloureuses conduisent à réaliser une échographie pelvienne et au moindre doute la cœlioscopie permettant d’aboutir à un diagnostic précis. • Les pathologies digestives, en particulier appendicite et colopathie fonctionnelle, sont précisées par l’examen clinique qui permet souvent de faire la distinction en trouvant une douleur abdominale assez haut située (dans une fosse iliaque) alors que le toucher vaginal ne révèle aucune anomalie. Évolution, complications et séquelles Complications aiguës Parce qu’elles ne sont pas exceptionnelles, elles peuvent constituer le mode de révélation de l’infection utéro- annexielle. 1. Abcès pelviens Ils prennent la forme de pyosalpinx, d’abcès ovariens ou d’abcès du Douglas. La symptomatologie est généralement assez caractéristique : il existe des signes généraux avec fièvre et altération de l’état général. Les douleurs pelviennes, souvent marquées, s’accompagnent habituel- lement de troubles du transit (nausées, vomissements, diarrhées ou au contraire arrêt des matières et des gaz). Le toucher vaginal est très douloureux et donc peu concluant. Sous anesthésie générale, on constate l’existence d’une masse pelvienne latéro-utérine, uni- ou bilatérale, peu mobile par rapport à l’utérus. S AL P I NGI T E S AI GUË S 200 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 2 0 0 0 , 5 0 Prise en charge thérapeutique Salpingites non compliquées 1. Antibiothérapie À l’heure actuelle, les salpingites non compliquées sont redevables d’une prise en charge ambulatoire, mais le repos est indispensable. Les antibiotiques ont en effet des paramètres cinétiques et une diffusion tissulaire autorisant le recours aux voies orale ou intramusculaire. Si une cœlioscopie est effectuée préalablement à l’instauration du traitement, elle peut aisément être réalisée dans le cadre de la chirurgie ambulatoire. Étant donné la difficulté à mettre en évidence tous les pathogènes, on recourt à un traitement probabiliste actif vis-à-vis des principaux pathogènes attendus. Le traite- ment doit en outre être accompagné d’une surveillance clinico-biologique qui doit se poursuivre plusieurs mois après la fin du traitement. De très nombreux protocoles ont été proposés. Nous en présentons ici 3 qui répondent aux différentes situations rencontrées. Ils comprennent un anti-Chlamydia efficace : cycline, macrolide ou fluoroquinolone de type ofloxacine, associé à une pénicilline amoxicilline-acide clavulanique (Augmentin ou Ciblor) ou une céphalosporine à large spectre injectable, par exemple : céfotétan (Apacef) ou à la clindamycine (Dalacine). Celle-ci peut éventuellement être remplacée par la pristinamycine (Pyostacine). La conférence de consensus de 1993 préconisait l’association amoxicilline-acide clavulanique + cycline dans le traitement de la salpingite « sans facteurs de risque ». Un nombre significatif d’entérobactéries (E. coli surtout) est devenu résistant aux nouvelles pénicillines et il est alors nécessaire de substituer une quinolone à la cycline. L’échographie montre l’existence d’une collection liquidienne pelvienne. La cœlioscopie confirme le dia- gnostic et constitue un temps thérapeutique essentiel. 2. Pelvipéritonite Le tableau clinique ne diffère guère de celui des péritonites d’autres origines. La difficulté consiste d’ailleurs à éliminer une cause extragénitale – ce qui justifierait un traitement chirurgical immédiat – en particulier chez les patientes n’ayant pas subi préalable- ment une appendicectomie. Si l’origine gynécologique ne fait pas de doute, le traitement consiste en une antibiothérapie parentérale avec surveillance de l’évolution clinique en milieu chirurgical. Contrairement aux abcès pelviens, redevables d’un drainage chirurgical malgré l’antibiothérapie, les pelvipéritonites d’origine génitale peuvent habituellement être traitées médica- lement. Cependant, l’absence d’amélioration rapide (24 à 48 h) de l’état pelvien impose la réalisation d’une exploration chirurgicale par laparotomie ou cœlio- scopie. 3. Autres formes Les thrombophlébites pelviennes sont devenues très rares. Passage à la chronicité À ce stade, la symptomatologie est généralement absente. Le diagnostic est habituellement évoqué par la cœlioscopie dans le cadre d’un bilan d’infertilité et confirmé par l’examen histologique de prélèvements tubaires. L’inflammation chronique retrouvée au niveau de la paroi tubaire résulte de phénomènes immuno- allergiques déclenchés par les micro-organismes infes- tant les trompes. Ceux-ci constituent le point de départ d’une réaction immunitaire locale entraînant destruction cellulaire et transformation scléro-fibrineuse définitive. Ce phénomène immuno-allergique peut continuer d’évoluer pour son propre compte après l’éradication bactérienne. Séquelles Elles sont la conséquence des mécanismes immuno- allergiques décrits plus haut qui vont entraîner des lésions tubaires et pelviennes irréversibles. Au niveau de la trompe, peut survenir une obstruction, le plus souvent distale, uni- ou bilatérale et (ou) des lésions pariétales avec destruction de l’épithélium qui est remplacé par de la fibrose. Des adhérences peuvent aussi se produire, tant au niveau intratubaire que dans le pelvis. Ces lésions séquellaires sont responsables : de gros- sesses extra-utérines (la responsabilité de C. trachomatis en particulier est bien connue) ; de cas de stérilité d’origine tubo-pelvienne ; de douleurs pelviennes chroniques et des troubles de l’ovulation (dystrophie par enfouissement adhérentiel ovarien). Gynécologie - Obstétrique B 152 201 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 2 0 0 0 , 5 0 Protocole 1 Amoxicilline- acide clavulanique (Augmentin ou Ciblor 2 g/j) + doxycycline 200 mg/j ou ofloxacine (Oflocet 2 x 200 mg/j) Protocole 2 Céfotétan (Apacef : 2 g/j en intramusculaire) + doxycycline ou ofloxacine Protocole 3 clindamycine* (Dalacine 1,2 g/j) + ofloxacine * ou Pyostacine(2 x 1 g/j). Protocole d’antibiothérapie de la salpingite aiguë non compliquée TABLEAU 2. Traitement associé • Anti-inflammatoires : il est logique de prescrire des anti-inflammatoires dans la phase initiale du traitement pour enrayer les phénomènes inflammatoires et immuno- allergiques. Cette prescription s’avère parfois impos- sible en raison des troubles digestifs entraînés tant par les antibiotiques que par les anti-inflammatoires. • Traitement cœlio-chirurgical des lésions pelviennes : à ce stade, on se contentera d’un traitement qui ne soit pas traumatique, comportant avant tout une adhésiolyse pelvienne associée à un abondant lavage de la cavité pel- vienne. À distance de l’épisode infectieux, plusieurs mois après la fin du traitement antibiotique, un traite- ment plus complet visant notamment à rétablir la perméabilité tubaire peut être proposé. • Traitement du ou des partenaires, systématique en cas d’infection à C. trachomatis : le Zithromax (2 g en une prise unique) s’avère adapté à cette indication. On conseille de plus des rapports sexuels protégés jusqu’à la fin du suivi post-thérapeutique. Salpingites compliquées • En cas d’abcès pelvien – et de pelvipéritonite ne s’améliorant pas rapidement – le traitement doit associer antibiothérapie et chirurgie. Une antibiothérapie est débutée par voie parentérale, associant un dérivé de la pénicilline type amoxicilline : acide clavulanique ou uréido-pénicilline (Pipéracilline, Tazocilline ou une céphalosporine de 3 e génération type céfotaxime, une fluoroquinolone ou un aminoside (nétilmicine par exemple), du métronidazole. • Le traitement chirurgical, par cœlioscopie ou laparo- tomie suivant les situations est réalisé 24 à 48 h plus tard, le temps d’assurer une imprégnation antibiotique suffisante des tissus pelviens. Cette intervention est des- tinée à mettre à plat un éventuel abcès et d’assurer le lavage abondant de la cavité, de l’abcès et du pelvis. L’antibiothérapie sera poursuivie quelques jours par voie parentérale avant d’assurer un relais oral selon les schémas proposés au paragraphe précédent. I S AL P I NGI T E S AI GUË S 202 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 2 0 0 0 , 5 0 • Les salpingites sont des infections utéro- annexielles secondaires à une propagation bactérienne par voie ascendante. • Elles sont le plus souvent polymicrobiennes, associant germes sexuellement transmissibles (C. trachomatis), anaérobies et germes banals. • Les signes cliniques des salpingites non compliquées sont généralement peu intenses, dominés par des douleurs pelviennes. • Les examens complémentaires importants sont les prélèvements bactériologiques (endocol) et la cœlioscopie qui permet de confirmer le diagnostic. • Elles peuvent entraîner des complications aiguës (pelvipéritonite, abcès pelvien), devenir chroniques ou laisser des séquelles tubo-pelviennes irréversibles, responsables de stérilités et grossesses extra-utérines. • Le traitement comprend essentiellement une antibiothérapie à large spectre, pendant 15 à 20 j suivant l’évolution clinico- bactériologique. Points Forts à retenir Gynécologie - Obstétrique B 151 647 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 2 0 0 0 , 5 0 d’un type tumoral avec, par ordre de fréquence : les tumeurs « épithéliales communes », les tumeurs germi- nales, les tumeurs des cordons sexuels. • Les tumeurs épithéliales communes ont pour origine le revêtement de surface. Elles reproduisent les diverses possibilités de différenciation de cet épithélium, ce qui permet de définir (par ordre de fréquence) 5 types : tumeurs séreuses, mucineuses, endométrioïdes, à cellules claires, et tumeurs de Brenner à fort contingent conjonctif et au contingent épithélial de type transitionnel ou excréto-urinaire. Chaque type tumoral peut se présenter sous une forme bénigne (adénomes et cystadénomes) ou maligne (adénocarcinome et cystadénocarcinome). Il existe une forme intermédiaire dite frontière (synonyme: «in situ», «borderline », «à la limite de la malignité ») qui se dis- tingue de la forme maligne par l’absence d’infiltration du stroma ovarien. Ce diagnostic est porté sur la tumeur ovarienne et non sur les implants péritonéaux qui peuvent prendre un aspect invasif sans modifier le diagnostic. On définit également des formes « micro-invasives », dont le pronostic est considéré comme analogue à celui des tumeurs frontières • Ainsi cadrée, la question porte donc sur les tumeurs épithéliales communes invasives. Leur présentation au moment du diagnostic définit leur extension clinico- pathologique et fait l’objet d’une stadification interna- tionalement reconnue (tableau I) qui est le principal facteur de pronostic. On retiendra : stade I, limité à 1 ou 2 ovaires, incluant les stades IA et IB caractérisés par un développement purement intra-ovarien ; stade II, plus rare, étendu au seul pelvis ; stade III, de loin le plus fréquent, étendu à la cavité abdominale (figure) et stade IV avec métastase hépatique ou extra-abdominale. Le stade III est l’objet d’une subdivision d’ordre à la fois macro- et microscopique, avec une grande fréquence des stades IIIC définis par l’existence de masses périto- néales de plus de 2 cm ou de métastases ganglionnaires. Microscopiquement, on reconnaît comme facteur additionnel du pronostic le grade histologique (1 : bien différencié à 3: indifférencié). La ploïdie et le pourcentage de cellules en phase S, l’hyperexpression d’oncogènes ne sont pas étudiés en routine. Anatomie pathologique L’ovaire est constitué d’un revêtement cœlomique de surface, de cellules germinales, d’un stroma spécifique des cordons sexuels et d’un stroma non spécifique. Chacun de ces tissus constitutifs peut être à l’origine Tumeurs du revêtement épithélial de l’ovaire Anatomie pathologique, diagnostic, évolution, principes du traitement PR Denis QUERLEU Clinique de gynécologie, hôpital Jeanne-de-Flandre, 59037 Lille Cedex. • Bien que relativement rares (incidence : 10 à 12 cas pour 100 000 femmes), les tumeurs épithéliales malignes de l’ovaire occasionnent environ 3 000 décès par an en France. • La gravité particulière de ces tumeurs tient à leur agressivité et à la situation anatomique des ovaires. Situées dans la grande cavité péritonéale, elles se développent sans symptôme spécifique, ce qui explique la fréquence des diagnostics tardifs. • La faible sensibilité de l’examen clinique et le faible rapport coût-efficacité de l’échographie pelvienne rendent le dépistage de masse inopérant. • L’ovaire est directement situé dans la grande cavité, d’où la fréquence d’une atteinte péritonéale souvent diffuse d’emblée ou lors d’une récidive. • Le traitement chirurgical est, bien que généralement nécessaire, souvent insuffisant dans la mesure où la totalité du péritoine ne peut être extirpée. Un traitement adjuvant de la chirurgie est donc indiqué sauf dans de rares cas limités à l’ovaire de bas grade. • En raison des risques excessifs de la radiothérapie abdominale totale et de l’absence d’hormonosensibilité des tumeurs de l’ovaire, seule la chimiothérapie est retenue en pratique. Points Forts à comprendre T UME UR S DU R E V Ê T E ME NT É P I T HÉ L I AL DE L ’ OV AI R E 648 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 2 0 0 0 , 5 0 Stades FIGO Classification TNM I T1 Tumeur limitée aux ovaires IA T1A Tumeur limitée à un seul ovaire avec capsule intacte IB T1B Tumeurs aux 2 ovaires, capsules intactes IC T1C Rupture capsulaire ou tumeur à la surface ovarienne ou cellules malignes dans le liquide d’ascite ou de lavage péritonéal II T2 Tumeur ovarienne étendue au pelvis IIA T2A Extension à l’utérus et (ou) aux trompes IIB T2B Extension aux autres organes pelviens IIC T2C Extension pelvienne avec cellules malignes dans le liquide d’ascite ou lavage péritonéal III T3 et (ou) N1 Métastases péritonéales au-delà du pelvis et (ou) adénopathies métastasiques régionales IIIA T3A Métastases péritonéales microscopiques IIIB T3B Métastases macroscopiques ȅ2 centimètres IIIC T3C et (ou) N1 Métastases macroscopiques > 2 centimètres et (ou) adénopathies métastasiques régionales IV M1 Métastases à distance (autres que les métastases péritonéales) Classification du cancer de l’ovaire (Union internationale contre le cancer, 1992) TABLEAU I Les localisations du cancer de l’ovaire. À gauche, en coupe sagittale : localisations péritonéales (péritoine pariétal, viscéral, mésentérique, épiploïde, diaphragmatique, arrière-cavité, Douglas), rétropéritonéales (para-aortique), hépatiques de surface ou profondes. En cartouche, en vue antérieure, péritoine des gouttières pariéto-coliques (1 et 3), appendice (2), ganglions pelviens (4) et para-aortiques (5 et 6). D’après Querleu D. Techniques chirurgicales en gynécologie, Masson, Paris, 1998 (2 e éd). FIGO: Fédération internationale de gynécologie-obstétrique ; TNM: Tumour Node Metastasis. Péritoine diaphragmatique Arrière-cavité des épiploons Ganglions lombo-aortiques Mésentère Séreuse intestinale Séreuse utérine Cul-de-sac de Douglas Surface hépatique Métastase hépatique profonde Ligament gastro-colique Ombilic Grand épiploon Péritoine pariétal antérieur Cul-de-sac antérieur • L’examen abdominal, en cas de gros ventre, doit faire la part entre l’ascite libre (matité concave vers le haut) et la masse sus-pubienne plus rarement perçue (matité concave vers le bas). En cas d’atteinte épiploïque, on perçoit dans l’ascite un ou des nodules donnant le signe du glaçon. • L’examen pelvien peut soit donner l’orientation étio- logique de l’ascite soit être le seul élément positif du bilan clinique. Il recherche une masse pelvienne annexielle – car latéro-utérine – suspecte par plusieurs caractéristiques : dure, irrégulière, fixée, indolore, bila- térale ou associée à une induration néoplasique du cul- de-sac de Douglas. Aucune de ces caractéristiques n’est constante, au point que deux règles permettant le diagnostic précoce doivent être retenues : toute masse annexielle persistante d’allure clinique bénigne doit être opérée pour étude histologique, tout ovaire simplement palpable chez une femme ménopausée est suspect. • L’examen général recherche un épanchement pleural, des adénopathies axillaires, inguinales, sus-claviculaires, une tumeur mammaire et apprécie l’altération de l’état général. Examens paracliniques 1. Examens de diagnostic • La constatation d’une masse pelvienne ou abdo- minale, ou la persistance de signes fonctionnels non spécifiques doit conduire à des examens de diagnostic primaire. Les mêmes examens sont utiles au bilan pro- nostique et ont été étudiés dans le cadre d’un possible dépistage (voir : Pour approfondir 2). • Le marqueur Ca-125, bien que ni absolument sen- sible ni spécifique, doit être dosé en présence d’une masse pelvienne, en particulier post-ménopausique (voir : Pour approfondir 3). • L’examen essentiel est l’échographie pelvienne qui combine une exploration sus-pubienne et un abord endovaginal. Elle confirme l’image de masse, son caractère annexiel, uni- ou bilatéral, et recherche des signes de malignité : hétérogénéité avec juxtaposition de zones solides et liquides, cloisons intrakystiques épaisses ou végétations, épanchement péritonéal (voir : Pour approfondir 4). • L’examen doppler couleur montre une hypervascula- risation. • La caractérisation tissulaire par tomodensitométrie ou imagerie par résonance magnétique (IRM) sert moins le diagnostic que le bilan d’extension: l’hétérogé- néité de la masse et son extension extra-ovarienne confirment la malignité. • La présence d’une ascite implique l’étude cytolo- gique du liquide recueilli par ponction, à la recherche de signes cytologiques d’adénocarcinome. On parle alors d’ascite néoplasique. En affirmer l’origine ovarienne nécessite la découverte d’une masse annexielle à la cli- nique ou à l’imagerie. L’élévation du Ca-125 n’est pas spé- cifique de l’origine ovarienne dans le contexte de l’ascite. Diagnostic Anamnèse L’âge est un critère et la prévalence augmente avec l’âge. Le cancer de l’ovaire est rare avant 40 ans, mais ce critère ne peut être considéré puisqu’une tumeur de l’ovaire peut survenir à tout âge. L’histoire familiale est informative si l’on retrouve un antécédent de tumeur de l’ovaire, ce qui implique une discrète élévation du risque. On retrouve parfois une histoire familiale incluant au moins 3 cas de cancer de l’ovaire, ou du sein et de l’ovaire au premier degré, avec ou sans cas de cancer du côlon (hors polypose colique familiale), un syndrome de Peutz-Jeghers, ou une mutation des gènes BRCA 1/2. La part des facteurs génétiques identifiables est cependant faible dans l’ensemble des cas de cancer de l’ovaire (environ 5% des cas) [voir : Pour approfondir 1]. Signes fonctionnels • Il n’y a aucun signe spécifique du cancer de l’ovaire, ce qui explique son diagnostic encore fréquent à un stade avancé. • La découverte d’un cancer de l’ovaire au début est souvent question de chance, sur un symptôme inter- current (trouble des règles, métrorragie, douleur pelvienne, pollakiurie) justifiant un examen clinique ou une écho- graphie abdomino-pelvienne ou dans le cadre d’une surveillance de routine (contraception, traitement hormonal substitutif de la ménopause). • Les symptômes du cancer de l’ovaire sont plus à orientation abdominale que pelvienne : la seule chance de faire un diagnostic précoce de clinicien est donc d’examiner le pelvis en présence de tout symptôme abdominal même vague (inconfort, douleurs non systé- matisées, troubles du transit, ballonnement, dyspepsie) chez la femme de plus de 40 ans. • Le cancer avancé se manifeste par une augmentation de volume de l’abdomen associant la masse tumorale et l’ascite, associée à une accentuation des symptômes déjà décrits et à une altération de l’état général (amai- grissement, anorexie). • Le cancer est parfois découvert à un stade de méta- stase à distance tel qu’un épanchement pleural, une adénopathie sus-claviculaire ou axillaire. • Exceptionnellement, il est découvert dans le cadre d’une urgence chirurgicale abdominale comme une occlusion intestinale par envahissement tumoral, un hémopéritoine par rupture. Signes d’examen L’examen doit être pelvien et abdominal, incluant palpa- tion, percussion, toucher vaginal et toucher rectal. Il est complété par des frottis cervicaux, en sachant que la découverte d’une tumeur annexielle sur une cytologie cervicale est exceptionnelle. Gynécologie - Obstétrique 649 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 2 0 0 0 , 5 0 2. Examens de bilan d’extension et de pronostic • La radiographie de thorax (recherche de métastases pleuro-pulmonaires) est systématique. • Le taux de marqueurs n’est pas pronostique dans l’absolu, mais sert de référence pour le suivi ultérieur du traitement. • L’échographie donne des informations sur l’état péritonéal (ascite, masses volumineuses). • Le scanner abdomino-pelvien avec injection est actuellement l’examen de référence du bilan d’extension. Les progrès de l’imagerie par résonance magnétique peuvent modifier ce standard dans l’avenir. La tomoden- sitométrie peut reconnaître des localisations périto- néales en tous lieux (péritoine pelvien, mésentère, gout- tières pariéto-coliques, coupoles diaphragmatiques, petit épiploon) sous la forme de nodules, d’épaississements linéaires, d’une masse épiploïque, d’une infiltration des anses digestives (voir : Pour approfondir 4). Des adéno- mégalies pelviennes ou aortiques, l’atteinte de l’appareil digestif et urinaire, les métastases viscérales sont égale- ment identifiées, sous les réserves de la sensibilité de la méthode. On peut identifier, si les conditions d’examen sont bonnes, des lésions de moins de 1 cm, mais les lésions millimétriques de type miliaire, fréquentes dans ce contexte, ne sont pas observables à l’imagerie, qui est donc nécessaire mais non suffisante et ne dispense pas de l’exploration chirurgicale. Exploration chirurgicale L’exploration chirurgicale assure plusieurs fonctions : diagnostic macroscopique, confirmation histologique du diagnostic (biopsie), bilan visuel de l’extension intra- péritonéale, prélèvements abdominaux multiples pour bilan histologique de l’extension, et finalement diagnostic d’opérabilité. Elle doit donc de préférence être réalisée par un chirurgien oncologue habitué au traitement du cancer de l’ovaire et intégré dans une équipe multidisciplinaire. Elle est traditionnellement réalisée par laparotomie, mais peut être effectuée par la cœlioscopie. Elle doit obligatoire- ment comporter un compte rendu précis et standardisé, complété de biopsies systématiques, sur tous les sites possibles d’extension des tumeurs de l’ovaire (fig. 1) : péritoine, viscères, ganglions pelviens et aortiques. Il y a deux exceptions au bilan chirurgical : l’altération extrême de l’état général et le cas où une carcinose péritonéale étendue est visible au scanner et a pu être biopsiée en vue d’une chimiothérapie première (voir : Pour approfondir 5). Diagnostic différentiel 1. Kyste bénin de l’ovaire Un cancer débutant peut imiter en tous points un kyste. Avant de se manifester par une extension ovarienne de surface ou par une atteinte péritonéale, le cancer peut être découvert sous la forme d’une masse ovarienne ané- chogène. Cette réalité impose le principe de l’explora- tion chirurgicale et de l’examen anatomopathologique de tout kyste de l’ovaire persistant. On retrouve ici une circonstance de découverte particulière qui est le diagnostic histologique postopératoire de tumeur de l’ovaire (voir : Pour approfondir 6). À l’opposé, l’aspect échographique de kystes organiques bénins, s’ils comportent des zones solides, ou même de kystes fonctionnels, s’ils sont compliqués d’hémorragie intra- kystique, peuvent faire poser par un échographiste peu averti un diagnostic de cancer par excès. 2. Tumeurs solides de l’ovaire Les tumeurs des cordons sexuels se présentent sous la forme d’une masse ovarienne tissulaire. Fibromes et fibrothécomes, toujours bénins, peuvent s’accompagner d’une ascite et d’un épanchement pleural également bénins (syndrome de Demons-Meigs) et imiter clinique- ment un cancer avec ascite. Les tumeurs de la granulosa et les androblastomes (tumeurs à cellules de Sertoli), inconstamment bénignes, s’accompagnent quelquefois du syndrome endocrine féminisant ou masculinisant. Les tumeurs germinales malignes, plus fréquentes chez la femme jeune ou l’enfant, peuvent se caractériser par la sécrétion d’α-fœto-protéine ou d’hCG (human chorionic gonadotropin). 3. Tumeurs frontières de l’ovaire Bien que macroscopiquement similaires, stade par stade, à une tumeur invasive, elles se caractérisent par un pronostic radicalement différent et sont exceptionnel- lement mortelles. Leur évolution est lente, avec des réci- dives tardives parfois au-delà de 10 ans. Elles sont très peu chimio-sensibles et ne relèvent donc généralement pas d’un traitement adjuvant. Contrairement à ce qui est constaté dans d’autres organes (par exemple la dysplasie du col utérin), la lésion frontière n’est pas un état pré- cancéreux, mais une tumeur de biologie et d’histoire naturelle spécifique. 4. Tumeurs secondaires de l’ovaire et du péritoine Toute tumeur ovarienne et toute carcinose péritonéale peut être secondaire à une tumeur gynécologique (princi- palement endomètre, trompe), digestive (principalement côlon, estomac) ou mammaire. L’examen mammaire, l’interrogatoire à la recherche de signes fonctionnels orientant vers une tumeur digestive, l’analyse de l’imagerie et la réalisation d’une endoscopie digestive évitent de négliger une tumeur primitive non gynécologique et orientent le choix de la chimiothérapie 5. Carcinome séreux primitif du péritoine Il est des carcinoses, le plus souvent disséminées et de type miliaire, sans tumeur primitive reconnue. Dans ces cas, l’ovaire peut être atteint de manière extrinsèque par son revêtement épithélial chirurgical. Le diagnostic est suspecté à l’imagerie, par l’absence de masse ovarienne, et confirmé à l’exploration. Les aspects histologiques, l’extension, l’évolution et le traitement sont très superpo- sables à ceux des tumeurs ovariennes. T UME UR S DU R E V Ê T E ME NT É P I T HÉ L I AL DE L ’ OV AI R E 650 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 2 0 0 0 , 5 0 Surveillance post-thérapeutique Le bilan de fin de chimiothérapie comporte un examen clinique, un dosage du marqueur Ca-125, un examen tomodensitométrique abdomino-pelvien et, dans certains protocoles ou certains cas particuliers (suspicion de reliquat tumoral extirpable ou chirurgie initiale non standard), une nouvelle exploration chirurgicale dite de deuxième regard (second-look). Après rémission complète, seul l’examen clinique est standard. Devant les faibles résultats actuels d’une chi- rurgie ou d’une chimiothérapie de deuxième ligne, il est généralement reconnu que la détection précoce d’une récidive n’apporte pas de bénéfice thérapeutique. L’utilisation des marqueurs après rémission complète est donc controversée. L’imagerie n’est indiquée qu’en cas de signe d’appel clinique ou d’évaluation du marqueur. Les femmes atteintes de cancer de l’ovaire en rémission complète doivent faire l’objet d’un suivi mammographique en raison du surrisque de cancer du sein. Il n’y a pas de contre-indication à l’hormonothérapie substitutive ovarienne après castration chirurgicale. Principes du traitement Le traitement du cancer de l’ovaire est multidisciplinaire, associant dans la majorité des cas la chirurgie et la chimiothérapie. La chirurgie a pour but la réduction des masses ovariennes et extra-ovariennes macroscopiques, et son effet est complété par la chimiothérapie. Si l’extension le permet, le protocole idéal associe une chirurgie complète ou à défaut « optimale » (reliquat tumoral < 1 cm) et une polychimiothérapie (voir : Pour approfondir 5). Méthodes 1. Chirurgie L’intervention standard est l’hystérectomie avec ovariec- tomie bilatérale et omentectomie (ablation du grand épiploon), biopsies péritonéales multiples, curages ganglionnaires pelvien bilatéral et aortique. Dans les stades avancés, il n’est pas rare d’avoir à pratiquer d’autres exérèses à la demande : ablation de la charnière rectosigmoïdienne, entérectomie ou colectomie, péritonectomie pelvienne, pariétale abdominale ou dia- phragmatique, cystectomie partielle. L’association de gestes multiples et mutilants définit la chirurgie supra- radicale. De manière générale, la chirurgie lourde ou l’exérèse de viscères n’ont de justification que si elles aboutissent à un résultat « optimal ». On peut donc observer la situation de tumeurs étendues où le chirur- gien se contente de l’exérèse des masses les plus volumineuses d’accès facile, ou même se limite dans un premier temps à une intervention purement diagnostique et exploratrice. Évolution Histoire naturelle Le cancer de l’ovaire, d’abord endokystique, franchit la capsule ovarienne. Il peut se propager de plusieurs manières non exclusives: atteinte de proximité (rectosig- moïde, uretère), dissémination péritonéale de surface (elle-même parfois suivie d’un envahissement viscéral par contiguïté), atteinte des ganglions pelviens et aor- tiques, métastases viscérales à distance (foie, plèvre). L’atteinte la plus fréquente est péritonéale, avec plusieurs sites prédominants liés à la circulation du liquide péri- tonéal : grand épiploon, gouttières pariéto-coliques, coupoles diaphragmatiques. Pronostic Le pronostic dépend essentiellement du stade (tableau II). Il est de l’ordre de 40 % de survie à 5 ans tous stades confondus. Le pronostic des récidives est mauvais si leur survenue est précoce (moins de 1 an): leur traitement est alors fondé sur une chimiothérapie de seconde ligne. Les récidives plus tardives peuvent relever d’une reprise de chimiothérapie selon le protocole initial et (ou) d’une chirurgie focale. La chirurgie palliative est envisagée, sous réserves, en cas d’occlusion intestinale rebelle au traitement symptomatique. Gynécologie - Obstétrique 651 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 2 0 0 0 , 5 0 Selon le stade* Survie à 5 ans (%) K I 61 K II 29 K III 17 K IV 0 K chirurgie complète 80 K résidu < 2 cm 31 K résidu > 2 cm 6 * : Peters et al. Obstet Gynecol 1988 ; 71 : 757-62. ** : Podczaski et al. Gynecol Oncol 1990 ; 36 : 43-7. Selon le reliquat Survie à 5 ans (%) post-chirurgical** Survie (Annual Report, Fédération internationale de gynécologie-obstétrique, 1995) TABLEAU II 2. Chimiothérapie De nombreux médicaments sont actifs (agents alkylants, anthracyclines, sels de platine, taxanes, inhibiteurs de la topo-isomérase) soit par voie intraveineuse, soit par voie intrapéritonéale. En pratique, le mode le plus utilisé est la polychimiothérapie par voie systématique, comportant au moins un sel de platine (cisplatine ou carboplatine). Dans les stades avancés, le sel de platine est souvent associé à un taxane, dont le bénéfice reste à démontrer (essais thérapeutiques discordants). La chimiothérapie est utile dans plusieurs circonstances : chimiothérapie adjuvante après exérèse chirurgicale complète, chimiothérapie de recours après exérèse chirurgicale incomplète, chimiothérapie «néo-adjuvante » préparatoire à la chirurgie (voir : Pour approfondir 5), chimiothérapie palliative en situation d’échec. 3. Radiothérapie Elle est indiquée pour mémoire, car peu utilisée en France en raison de ses importantes complications digestives (entérite radique). Elle n’est utile que sous forme d’une radiothérapie abdominale totale, externe ou par injection intrapéritonéale de phosphore 32 ou d’or colloïdal radioactif. Principes • Tumeur d’exérèse complète : c’est le meilleur cas ; la chirurgie est suivie dans le cas général de chimiothérapie (6 cycles) qui conclut le traitement ; seules les tumeurs au stade IA ou IB bien différenciées peuvent être traitées sans chimiothérapie adjuvante. • Tumeur d’exérèse incomplète : la guérison est extrêmement compromise et le protocole thérapeutique cherche à prolonger la vie sans altérer la qualité de vie par des thérapeutiques excessivement agressives ; la chirurgie est suivie de chimiothérapie et parfois d’une nouvelle exploration chirurgicale (chirurgie d’intervalle ou chirurgie de deuxième regard – second- look – à titre diagnostique, pronostique et, si possible, thérapeutique). • Cas particulier : le rare cas d’une tumeur unilatérale chez une femme jeune désirant une grossesse peut être traité par annexectomie unilatérale associée à une stadification chirurgicale complète, permettant la conservation des possibilités de grossesse. La totalisation est recommandée après les grossesses. Traitement des récidives Une récidive précoce (avant 1 an) est traitée par une deuxième ligne de chimiothérapie, une récidive plus tardive est traitée par chirurgie si elle est localisée, par reprise de la chimiothérapie initiale dans le cas contraire. I T UME UR S DU R E V Ê T E ME NT É P I T HÉ L I AL DE L ’ OV AI R E 652 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 2 0 0 0 , 5 0 1 / Risque génétique de cancer de l’ovaire Des associations individuelles et familiales de cancers de l’ovaire, ou du sein et de l’ovaire, sont reconnues de longue date. Par exemple, l’existence d’un seul antécédent de cancer du sein dans la parenté augmente le risque de cancer de l’ovaire (risque relatif 1,6). Il existe en outre des familles dans lesquelles la transmission autosomique dominante d’un gène de prédisposition est suspectée. Il n’y a pas de définition unique des familles à risque génétique, mais 3 cas de cancer du sein et (ou) de l’ovaire dans la même branche parentale, 2 cas de cancer du sein survenu avant 40 ans évoquent une prédisposition génétique majeure. Une majorité des « syndromes sein-ovaire » est liée à une mutation du gène BRCA1 localisé sur le bras long du chromosome 17. Le risque cumulatif de cancer de l’ovaire au cours de la vie est élevé dans de tels contextes, estimé à environ 50 %, avec un âge de survenue 10 ans plus précoce que la moyenne. La conduite à tenir dans de tels cas est délicate : l’ovariectomie prophylactique à 35 ans, après obtention des grossesses, est souvent proposée, mais pose le problème du risque mammaire de l’hormonothérapie substituti- ve ovarienne et ne prévient pas les carcinomes séreux primitifs du péri- toine qui sont également un risque chez ce type de patiente. 2 / Dépistage des tumeurs de l’ovaire Il serait légitime, en raison de leur grande gravité, de proposer un dépistage des tumeurs de l’ovaire. Malheureusement, l’association de la faible prévalence de l’affection, de la faible spécificité de l’échographie en cas d’hypertrophie ovarienne, de la faible sensibilité du marqueur Ca-125 au seuil habituellement retenu (35 kU/L), ne permet pas d’envisager un dépistage de masse. Un suivi particulier des membres de familles à risque, sans avoir de bénéfice démontré, est souvent proposé de manière pragmatique. 3 / Marqueurs tumoraux dans les tumeurs de l’ovaire De nombreux marqueurs tumoraux ont été testés dans le diagnostic, le dépistage et la surveillance des cancers de l’ovaire. Le plus spécifique des tumeurs épithéliales communes est le Ca-125, mais le marqueur Ca 19-9 peut être plus utile en cas de tumeur mucineuse. La spécificité reste cependant médiocre, car le Ca-125 peut être élevé dans de nombreuses circonstances carcinologiques ou bénignes : ascite non ovarienne, néoplasique ou cirrhotique, endométriose, grossesse, états inflammatoires, tumeurs gynécologiques bénignes, cancers du sein. Le Ca-125 est un élément reconnu d’appréciation de la chimiosensibilité : il est dosé régulièrement sous chimiothérapie. En revanche, l’intérêt d’un suivi biologique après rémission complète n’est pas démontré. 4 / Radiologie Le scanner met aussi en évidence les métastases viscérales hépatiques ou spléniques. L’imagerie moderne a fait disparaître du bilan d’exten- sion de première intention l’urographie intraveineuse (échographie, scanner, imagerie par résonance magnétique montrent l'urétéro- hydronéphrose des compressions urétérales). L’immunoscintigraphie n’est pas encore suffisamment au point pour être utilisée. POUR APPROFONDIR Gynécologie - Obstétrique 653 L A R E V UE DU P R AT I CI E N 2 0 0 0 , 5 0 5 / Politiques innovantes de chimiothérapie néo-adjuvante Dans de nombreux cas de tumeurs au stade IIIC, le traitement chirurgical premier est à la fois lourd (morbidité, stomies digestives et même mortalité) et insuffisant (certains sites comme l’angle hépato- diaphramatique postérieur, le petit épiploon sont inaccessibles, l’éten- due des résections de grêle est limitée par les troubles nutritionnels). Plusieurs équipes ont mis en place une politique consistant à entre- prendre d’emblée la chimiothérapie après confirmation biopsique du diagnostic, reportant la chirurgie après 3 cures (chirurgie dite d’inter- valle). Dans ces conditions, le diagnostic initial se limite à une cœlio- scopie ou même à une biopsie sous scanner si l’inopérabilité est évidente devant l’extension radiologique des lésions. La chirurgie d’intervalle est pratiquée si la tumeur est chimiosensible, et est rendue moins lourde par la réduction médicamenteuse des lésions. À l’inverse, la chimiorésistance est malheureusement de pronostic fatal, et implique un changement de chimiothérapie à but palliatif, sans recourir à une chirurgie illusoire. 6 / Découverte d’un cancer de l’ovaire au cours d’une intervention pour kyste de l’ovaire bénin Cette possibilité implique la prise d’une cytologie péritonéale au début de toute opération pour kyste de l’ovaire, ainsi que des précautions particulières pour la manipulation des tumeurs ovariennes même d’as- pect bénin, en vue d’éviter l’ensemencement péritonéal et la contami- nation pariétale, en particulier en cas de traitement cœlioscopique. La découverte peropératoire d’une tumeur suspecte implique une exérèse comportant au minimum une annexectomie, avec examen extemporané à titre d’orientation. L’examen extemporané des tumeurs ovariennes est cependant difficile et ses limites diagnostiques doivent être connues. La découverte d’une tumeur à l’occasion de l’examen histologique postopératoire n’est pas rare. Elle est suivie, mais il n’y a pas de consen- sus sur ce point, d’un complément d’investigation chirurgical dénommé restadification, qui est effectué par laparotomie ou mieux par cœlioscopie, et comporte les prélèvements systématiques déjà décrits, ainsi qu’un complément chirurgical chaque fois que nécessaire. POUR APPROFONDIR • En l’absence de moyens de dépistage de masse, il faut penser au cancer de l’ovaire devant toute ascite, et devant tout trouble digestif ou pelvien mal défini chez la femme. • L’examen clinique et l’échographie permettent de découvrir la masse pelvienne, l’échographie et le scanner en définissent les caractéristiques et font la base d’un bilan d’extension préopératoire qui est complété par une exploration de type chirurgical. • La chirurgie d’exérèse complète est un objectif important qui ne peut pas toujours être atteint. • La chimiothérapie adjuvante ou néo-adjuvante, comportant au minimum un sel de platine, est une quasi-constante du traitement. • Si une guérison peut être espérée après chirurgie macroscopiquement complète, l’évolution secondaire est quasi inéluctable après chirurgie incomplète. L’équilibre thérapeutique consiste alors à optimiser la qualité de vie en usant au cas par cas de la chirurgie ou de la chimio- thérapie palliative. Points Forts à retenir Dauplat J, Guastalla JP. Cancer de l’ovaire. Paris, Arnette Blackwell 1996. FNCLCC, Standards, Options, Recommandation, Cancers de l’Ovaire. Montrouge : John Libbey Eurotext, 1996. Querleu D. Tumeurs de l’ovaire. Paris : Encycl Med Chir. POUR EN SAVOIR PLUS
Report "La Revue Du Praticien-Gynécologie Obstétrique"