Julien Louvrier, Marx, le marxisme et les historiens de la Révolution française au XXe siècle

March 17, 2018 | Author: Anonymous va7umdWyh | Category: Revolutions, Marxism, Georg Wilhelm Friedrich Hegel, French Revolution, Class Conflict


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Cahiers d'histoire.Revue d'histoire critique 102  (2007) Sciences et politique ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Julien Louvrier Marx, le marxisme et les historiens de la Révolution française au XXe siècle   ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Avertissement Le contenu de ce site relève de la législation française sur la propriété intellectuelle et est la propriété exclusive de l'éditeur. 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Référence électronique Julien Louvrier, « Marx, le marxisme et les historiens de la Révolution française au XXe siècle   », Cahiers d'histoire. Revue d'histoire critique [En ligne], 102 | 2007, mis en ligne le 01 octobre 2010, consulté le 31 mars 2013. URL : http://chrhc.revues.org/239 Éditeur : Association Paul Langevin http://chrhc.revues.org http://www.revues.org Document accessible en ligne sur : http://chrhc.revues.org/239 Document généré automatiquement le 31 mars 2013. La pagination ne correspond pas à la pagination de l'édition papier. © Tous droits réservés ou n’ont prétendu recouvrir toutes les problématiques posées par l’irruption révolutionnaire en France à la fin du XVIIIe siècle. Fautil rappeler que Lénine voyait dans le marxisme «  un guide pour l’action révolutionnaire  » et que l’Union soviétique de Staline fit des théories marxistes une doctrine d’État qu’elle érigea au rang de science ? Ces circonstances expliquent naturellement qu’aient été mises en doute des lectures de la Révolution française se réclamant d’un marxisme rigoureux et que certains historiens se soient interrogés sur l’opportunité d’accorder aux vues du philosophe allemand une autorité scientifique incontestable. le marxisme et les historiens de la Révolution française au XXe siècle   Pagination de l’édition papier : p. 147-167 1 2 Penser la relation entre le marxisme et l’historiographie de la Révolution française implique de rappeler une évidence et un paradoxe. Marx n’a élaboré au cours de sa vie aucun ouvrage présentant une vision synthétique et définitive de l’histoire de la Révolution française. convergentes. pourquoi les chercheurs travaillant sur l’histoire révolutionnaire ont-ils accordé tant d’importance à sa pensée ? Quel type de relation s’est établi entre l’analyse du développement historique des sociétés par Marx et la compréhension par les historiens du cours de la Révolution française et de sa signification dans l’histoire du monde occidental ? Soyons plus précis : pourquoi a-t-on posé et pourquoi pose-t-on encore aujourd’hui la question du marxisme chez les historiens de la Révolution française  2et plus rarement celle – par exemple – du marxisme chez les historiens spécialistes de la guerre de Cent Ans ? Avant toute chose. il est difficile de se soustraire au vocabulaire et aux analyses développés par le philosophe tout au long de son œuvre. si nombreuses soient-elles. la pensée-Marx  3a d’abord et principalement occupé le terrain philosophique. dont l’apport à l’historiographie révolutionnaire est considérable.Marx. ne peut se passer de Marx. en particulier quand il s’agissait d’interpréter les révolutions  4. une banalité  : ce n’est pas dans le champ historique que les écrits de Marx ont connu leurs premières répercussions. même s’il eut le projet d’écrire une histoire de la Convention. Bien qu’elles ne soient pas sans rapport. avant d’intéresser les historiens et de pénétrer peu à peu l’historiographie révolutionnaire à partir de la fin du XIXe  siècle. Au contraire. A ce titre. Pour décrire les luttes sociales caractéristiques de la société d’Ancien Régime. Cependant. le marxisme et les historiens de la Révolution française au XXe siècle   2 Julien Louvrier Marx. qu’elle s’applique à la Révolution française spécifiquement. jamais les appréciations de Marx ou d’Engels sur la Révolution n’ont été strictement cohérentes. la sphère politique et le débat idéologique. ultime paradoxe. de Georges Lefebvre à Michel Vovelle. la pensée-Marx a eu. en passant par Albert Cahiers d'histoire. des adversaires résolus. Si Marx ne peut prétendre au titre d’historien de la Révolution française. qu’il soit marxiste ou non. à la critique de la philosophie hégélienne ou à l’analyse des conflits de classe dans les société modernes et contemporaines. L’historien de la Révolution française. il serait toutefois trop rapide de vouloir rapprocher les réserves émises au sujet du marxisme des historiens de la Révolution française des critiques lancées à Marx par ses contemporains. comparer l’économie française à la fin du XVIIIe avec celle des autres puissances européennes. 102 | 2007 . formuler des hypothèses à propos des origines de la Révolution. Ces réserves sont en effet liées davantage à l’instrumentalisation dont l’œuvre marxienne a fait l’objet au XXe  siècle à travers la Révolution russe et l’expérience soviétique qu’aux débats philosophiques qui agitaient la gauche intellectuelle dans les années 1848-1870. Enfin. peu d’historiens de la Révolution française présentés comme «  marxistes  » ont revendiqué pour eux-mêmes l’étiquette d’«  historiens marxistes  ». Tocqueville ou Michelet. A vrai dire. les réflexions de Marx sur la Révolution de 1789 ne constituent pas un corpus comparable aux grandes synthèses historiques rédigées au cours du XIXe siècle par les historiens libéraux et romantiques tels que Guizot. Revue d'histoire critique. dès ses premières formulations. Pourtant. De plus. On peut dire que ces historiens. Marx et la Révolution française 4 5 Qu’ils aient fréquenté assidûment son œuvre ou qu’ils s’en soient simplement inspirés. ont manifesté plus d’attachement à l’esprit de l’œuvre qu’à la lettre. D’autre part. La Révolution a accompli cette tâche. longue de près d’un siècle et demi. la Révolution est le résultat de la montée séculaire d’un groupe social. de mise en correspondance des rapports de production avec le niveau atteint par les forces productives. tous ont. commerce colonial. comporte différentes étapes à commencer par l’élaboration lente et toujours recommencée d’une interprétation du phénomène révolutionnaire par Marx lui-même. la Révolution correspond au moment de transition qui permet à la société française de passer d’un mode de production dit «  féodal  » au mode de production « capitaliste ». elles furent brisées. cette interrogation doit porter sur le caractère historique. de ses premiers textes dirigés contre la philosophie hégélienne aux écrits de la maturité. notamment dans ses années Cahiers d'histoire. la bourgeoisie a pris une place prépondérante dans les activités économiques – proto-industrie. Cette histoire. qui ont tous puissamment contribué à l’approfondissement et au renouvellement de nos connaissances historiques sur la Révolution. Nous rappellerons le rôle décisif joué par Jaurès dans le développement d’une longue tradition d’étude de la Révolution française inspirée par Marx. S’il est donc légitime d’interroger le marxisme des historiens de la Révolution. Revue d'histoire critique. 102 | 2007 . Celles-ci sont bien évidemment fonctions des circonstances sociales et politiques du moment et dépendent étroitement de la structure même du champ historiographique. nous allons tenter de revenir précisément sur les grands jalons qui ont structuré la relation historique du marxisme avec l’historiographie de la Révolution française. tant diffèrent les conditions objectives du rapport des historiens à Marx. de la relation de l’historiographie révolutionnaire à Marx.Marx. les historiens de la Révolution française ont retenu de Marx l’interprétation suivante  : d’une part. et fort classiquement. le marxisme et les historiens de la Révolution française au XXe siècle   3 3 Soboul. nous concentrerons notre attention sur les relais et les médiations qui ont permis la rencontre du marxisme et de l’historiographie révolutionnaire. Dit autrement. Elles déterminent des façons de penser la Révolution avec Marx qu’il faut rapporter à l’état de la diffusion matérielle des textes de Marx et de leur connaissance par les historiens. l’exigence de développement des forces productives entraînées par la poussée du capitalisme exigeait le renversement des rapports sociaux caractéristiques de l’Ancien Régime. la bourgeoisie. » Cette présentation succincte de l’interprétation « marxiste » du phénomène révolutionnaire n’est pas exempte de schématisme. crédit. rachat de seigneurie – et s’est enrichie jusqu’à pouvoir acquérir des offices et prétendre marier ses enfants à une noblesse en prise à des difficultés financières chroniques. Elle apparaît donc comme une sorte d’ajustement. La Révolution française est née ainsi du contraste entre la puissance économique de la classe bourgeoise et son exclusion de la vie politique. Au cours des XVIIe et XVIIIe  siècles. Dans les pages qui suivent. affirmé leur attachement à une « méthode marxiste » davantage qu’à la philosophie de l’histoire élaborée par Marx et connue sous le nom de «  matérialisme dialectique  »5. Elle ignore les longues réflexions sur le rôle des idées et le statut du politique qui occupèrent pourtant l’esprit du philosophe. Après avoir retracé l’évolution des vues de Marx sur la Révolution française. Ce parti pris vis-à-vis de Marx doit se comprendre comme le désir de se tenir à distance de la vulgate marxiste-léniniste – telle qu’elle était alors professée dans les Républiques socialistes voire dans les écoles des partis communistes occidentaux – tout en revendiquant le droit pour l’historien de la Révolution française de s’inspirer des travaux du philosophe en lui empruntant théories et concepts. Mais son ascension s’est trouvée entravée par l’inégalité juridique et le privilège nobiliaire qui étaient les fondements principiels de la société d’Ancien Régime. avant d’aborder les critiques dont le « marxisme » de cette tradition a fait l’objet. D’où la formule du Manifeste du Parti communiste (1848) restée célèbre malgré son déterminisme  : «  Ces chaînes devaient être brisées. à des degrés divers. Il serait par conséquent inconcevable de parler d’une historiographie marxiste de la Révolution française ou d’une interprétation marxiste de la Révolution française. c’est-àdire constamment renouvelé et circonstancié. Il propose de redonner aux hommes le rôle central de moteur de l’histoire : « De même que la religion ne crée pas l’homme mais qu’au contraire l’homme crée la religion. A l’opposé. Que demande t-il  ? A y devenir quelque chose. Le jeune Marx. Marx entame ses réflexions sur les révolutions et la Révolution française par la critique de la philosophie hégélienne de l’État. elle met en évidence les principaux facteurs sur lesquels Marx fait reposer sa compréhension du phénomène révolutionnaire. comme tous les « jeunes hégéliens ». En réalité. Dans cette conception de l’histoire. pour reprendre l’expression de François Furet. est le résultat d’une longue évolution au cours de laquelle la place et l’analyse de la Révolution ne cessent d’être questionnées au sein d’une réflexion théorique qui s’inscrit entièrement dans les problèmes politiques de son temps. dès les premiers instants de la Révolution. un texte que Jaurès considérait comme la première interprétation matérialiste de l’histoire de la Révolution. Néanmoins. partisan d’une monarchie constitutionnelle. Marx défend l’idée d’une révolution allemande qui aurait pour objectif historique de dépasser le précédent français : si la Révolution française a proposé l’émancipation politique. le jeune Marx s’engage dans un processus de rupture avec la philosophie classique allemande qui fait alors figure de puissant soutien de l’État prussien. sa pensée. Si les représentants les plus éminents de la bourgeoisievoyaient eux-mêmes le développement économique comme l’origine véritable de la dynamiquerévolutionnaire. Avocat. Ces facteurs sont caractéristiques d’une explication matérialiste.  » La remarque est également valable pour L’Introduction à la Révolution française  6de Barnave. Marx n’a donc pas tout inventé.Marx. la société civile est entièrement soumise à l’État. Marx observe avec dépit le contraste frappant entre le sort de la France. incapable de faire son entrée dans la modernité. la bourgeoisie révolutionnaire eut conscience. la constitution ne crée pas le peuple Cahiers d'histoire. un matérialisme rudimentaire dont l’expression lucide par quelques grands acteurs n’a pas été sans conséquence sur le matérialisme de Marx. Influencé par Ludwig Feuerbach. le marxisme et les historiens de la Révolution française au XXe siècle   4 de jeunesse. Il ne s’agit pas d’en trouver l’origine historique – chez Hegel. paralysé et impuissant face à un État prussien conservateur dont le souverain refuse toute constitution. Marx développe une critique de l’État hégélien dans lequel les individus. ancien député du Tiers à l’Assemblée constituante. un rôle déterminant dans le développement historique. et celui du peuple allemand. c’est-à-dire d’une explication qui accorde aux choses. une France qui a réussi sa Révolution en 1789 et l’a montré une nouvelle fois en 1830. Les jeunes philosophes qui déplorent la « misère allemande » ou le « retard allemand » réfléchissent. siège de l’Idée et de la politique. Pour Hegel. la théorie de l’État de Hegel – en est encore à critiquer l’État moderne tel que l’a constitué la Révolution française. séparés de la société civile moderne. Marx insiste sur la priorité de celle-ci sur toute forme d’organisation politique. L’État. ancien hégélien devenu l’un des auteurs les plus critiques du maître. Il existait dès la Révolution. Revue d'histoire critique. figure principale de l’histoire hégélienne. «  [l’État] possède par rapport aux individus qu’il unit une antériorité philosophique fondamentale »7– mais d’en définir le concept – l’État monarchique rationnel. Usant du concept d’ « aliénation » qu’il emprunte à la critique feuerbachienne de la religion. la Révolution française a échoué notamment par son incapacité à fonder un État durable. du mouvement économique qui déterminait sa victoire. Il démontre que loin d’avoir été ensevelie sous un idéalisme dont elle n’aurait su se départir. Pour assurer une base théorique solide à ce programme révolutionnaire tant philosophique que politique. Barnave y propose une interprétation générale des débuts de la Révolution. dans les écrits de la bourgeoisie révolutionnaire. toujoursenmouvement. la tradition philosophique – ici. s’aliéneraient dans la communauté imaginaire de l’État. la Révolution allemande doit viser elle à l’émancipation sociale. En effet. au lieu de penser l’histoire réelle et de se tourner vers l’avenir. Qu’a-t‑il été jusqu’à présent dans l’ordre politique  ? Rien. par opposition aux idées ou aux représentations. doit réussir ce que la Révolution française a tenté et manqué : réaliser la raison dans l’histoire moderne. au monde réel. Comment ne pas voir dans la célèbre brochure de l’abbé Sieyès Qu’est-ce que le Tiers-État  ? une vision claire du mouvement de la bourgeoisie et une conscience affirmée de ses objectifs  : «  Qu’estce que le tiers-État  ? Tout. critique de la philosophie hégélienne de l’État 6 7 Au début des années 1840. 102 | 2007 .  »8 Par ce retournement radical. Son matérialisme consiste donc à éclairer les processus de l’histoire politique par leurs fondements sociaux : c’est le matérialisme historique. faisant de la corrélation entre l’ascension de la bourgeoisie. figure intermédiaire de son aliénation dans l’illusion politique. la Révolution démocratique et le développement du capitalisme. une révolution qui absorberait le politique dans le social et rendrait à l’homme son humanité en détruisant l’État. un matérialisme de rupture. Marx replace de fait le processus révolutionnaire au centre du mouvement de l’histoire : puisque l’État est subordonné aux conditions réelles de la vie sociale – «  c’est […] le peuple qui crée la constitution  » – seules les révolutions qui opèrent au niveau de la société civile sont les accoucheuses de l’histoire. Marx se consacre presque exclusivement à ses études économiques et. la Révolution française n’est en réalité jamais très loin. e. i. Après 1848 et surtout entre 1852 et 1867 – sinon ironiquement en 1852 dans son commentaire à chaud du 18 Brumaire de Louis Bonaparte – la thématique « Révolution française » se fait rare dans les écrits du philosophe. lisant en particulier L’histoire parlementaire de la Révolution française de Buchez et Roux. avec Engels. Marx approfondit sa connaissance de la Révolution française. il estime que ses causes profondes sont à rechercher dans l’évolution économique et sociale. Revue d'histoire critique. à la naissance et au développement de l’Association Internationale des Travailleurs. des voies de transition des sociétés précapitalistes au capitalisme industriel. […] L’homme n’est pas là du fait de la loi mais la loi du fait de l’homme. Devenu véritablement un militant. la vulgate dérivera la «  loi  tendancielle  ». Marx revient peu sur ses précédentes évolutions. De ce texte. des intérêts de classe et des conflits de classe implique la connaissance des « luttes de classes ». Dès lors s’affirme dans tous les travaux du penseur. Après avoir affirmé la priorité de la société civile sur l’État. pensées non seulement dans leur effectivité mais aussi dans leur « nécessité » au regard du mode de production où elles prennent racine. un matérialisme nouveau. 102 | 2007 . critique de l’illusion du politique. dans La Sainte Famille (1844). à partir de 1864. Mais la découverte des bases matérielles du mouvement des sociétés. qui annoncent la transition au socialisme. Puisque l’émancipation politique est illusoire dans la mesure où elle est porteuse d’une nouvelle aliénation. Cahiers d'histoire. S’il considère toujours la Révolution française comme un événement politique. Le texte fait du communisme moderne une nécessité historique dont les racines sont à chercher dans l’histoire et les luttes. Pour Marx. il rédige le Manifeste du Parti communiste (1848). dans le développement des forces productives. une règle absolue 9. il s’agit maintenant de connaître les processus économiques qui sous-tendent la société bourgeoise  : c’est là précisément l’ambition du Capital. De ce point de vue. Au cours de cette période militante. Le matérialisme historique 9 10 11 Au cours de son séjour à Paris durant l’année 1844. il s’installe à Bruxelles en 1845 et s’investit dans le mouvement révolutionnaire au sein de la Ligue des Communistes. Ce tournant matérialiste. la domination politique de la bourgeoisie n’est pas le résultat de luttes verbales mais le produit de la structure sociale. luttes politiques pour le contrôle social. Chassé de Paris. Marx va désormais s’atteler à cette tâche. luttes de classes de type économique. critique du politique. Cette matière nouvelle est mise à profit pour affiner sa critique de l’idéalisme historique et développer ses vues matérialistes dans le débat qu’il engage notamment avec les hégéliens de gauche. le marxisme et les historiens de la Révolution française au XXe siècle   5 8 mais c’est au contraire le peuple qui crée la constitution. Quid de la Révolution française dans ce cadre nécessairement resserré sur le XIXe  siècle  ? L’étude par Marx de la mécanique du capitalisme est traversée par la problématique des voies de passage.Marx. mais son caractère délibérément politique – associée par Marx à la création de l’État moderne – la fait passer systématiquement au second plan. principe génétique de correspondance nécessaire entre croissance des « forces productives » et « forme des rapports sociaux de production ». Marx envisage pour l’Allemagne une grande révolution sociale. Marx l’amorce avec La Question juive (1843) et le poursuit. D’où cette intuition que la Révolution française n’est pas un modèle à imiter mais un stade de l’évolution historique des sociétés qu’il faut maintenant dépasser. que la lutte des classes mène nécessairement à la dictature du prolétariat  . n’est-il pas exagéré de dire qu’en allant à la rencontre de Marx au tournant du siècle. en tant que classe. rappelle à quel point Marx est un homme de son temps dont les appréciations politiques et historiques ne sont jamais déconnectées des enjeux politiques du moment. pas plus que la lutte qu’elles s’y livrent. » Ainsi. notamment à partir de 1869. puisque c’est d’abord en Angleterre que s’est développé le capitalisme. la référence à la Révolution française leur vient immédiatement à l’esprit – de la guerre patriotique10: « Les ouvriers. alors le prolétariat peut faire de même. crainte que les néo-jacobins s’emparent du mouvement pour le dévoyer et crainte enfin – dans ce contexte agité. écrit Marx en septembre 1870. Pour Claude Mainfroy. 3. S’il redoute la guerre franco-prussienne. 2. plus ou moins consciemment. Marx s’intéresse prioritairement à l’histoire anglaise.Marx. que cette dictature elle-même ne représente qu’une transition vers l’abolition de toutes les classes et vers une société sans classe. toute une partie de l’interprétation «  bourgeoise  » de la Révolution. à démontrer que l’existence des classes n’est liée qu’à des phases historiques déterminées du développement de la production . Les vues de Marx sur la Révolution française ont été déterminées tout autant par ses connaissances historiques que par l’état de sa réflexion théorique et la situation des luttes politiques. ne doivent pas se laisser entraîner par les souvenirs nationaux de 1792. et délaisse fort logiquement l’espace français. à s’élever jusqu’à s’emparer de l’appareil d’État. Finalement. Mon originalité a consisté : 1. détruire l’ordre ancien et balayer les derniers éléments de féodalité. »11 Cette adresse. Guizot. Il faut rappeler ici à quel point les concepts « marxistes » qui connaîtront la postérité la plus longue dans l’historiographie – la « révolution bourgeoise » et la « lutte des classes » notamment – avaient été plus ou moins repris par Marx chez ces historiens. le sens profond qu’attribue Marx à la Révolution française est en réalité peu différent de celui que lui conféraient les historiens libéraux de la Restauration. Voici ce qu’il dit notamment de la « lutte des classes » dans la lettre qu’il écrit à son ami Weydemeyer le 5 mars 1852 : « Ce n’est pas à moi que revient le mérite d’avoir découvert l’existence des classes dans la société moderne. Des historiens bourgeois avaient exposé bien avant moi l’évolution historique de cette lutte des classes et des économistes bourgeois en avaient décrit l’anatomie économique. Le message porté par le Manifeste est limpide : si la bourgeoisie française est parvenue. telle qu’elle avait été élaborée sous la Restauration par les historiens libéraux. Marx n’a eu de cesse de préparer la Révolution sociale et le réveil du prolétariat allemand. Thiers. Revue d'histoire critique. Encore faut-il distinguer deux périodes  : la première est entièrement occupée par le travail de rédaction dulivre. Cahiers d'histoire. 102 | 2007 . La seconde est caractérisée par un regain d’intérêt pour la France. […] Ils n’ont pas à recommencer le passé mais à édifier l’avenir. Mignet ne voyaient-ils pas en effet 1789 comme la ratification historique de la longue ascension de la bourgeoisie ? C’est d’ailleurs en partie par leurs travaux que Marx connaît la Révolution. Marx et Engels sont alors partagés entre espoir et crainte  : espoir de la réussite du mouvement ouvrier français qui viendrait redynamiser le mouvement international de transformation sociale. qui invite les travailleurs français à faire exactement le contraire de ce qu’avaient entrepris les soldats de la Révolution. Les grèves et luttes sociales contre le Second Empire qui se prolongent jusqu’à la Commune de Paris conduisent Marx à reprendre l’analyse globale des révolutions du XIXe  siècle et à repenser encore une fois la question de l’État au regard d’un mouvement communaliste vu comme l’embryon d’un État prolétarien. c’est qu’elle mettrait en péril tous les espoirs qu’il a placés dans le prolétariat allemand. le marxisme et les historiens de la Révolution française au XXe siècle   6 Le Marx de la maturité : « l’homme du Capital » 12 13 14 Le moment occupé par le Capital constitue le troisième temps caractérisable dans l’évolution de la pensée de Marx au sujet de la Révolution française. l’historiographie de la Révolution française prenait en héritage. En scrutant la Révolution française. donne naissance à une tradition d’étude fructueuse et à un rapport au marxisme tout à fait singulier et nouveau 14. qui s’accompagne d’un souci scientifique de publication de sources inédites.Marx. On conviendra cependant qu’il s’agissait-là d’un marxisme très rigide. Il y a par ailleurs constamment recours pour documenter les questions de la genèse du capitalisme industriel. avec le schéma inspiré de Marx. La plupart des références ou mentions de Marx renvoient au Capital. pour bâtir son étude. positiviste et républicaine 17 18 L’introduction rédigée par Jaurès à L’Histoire socialiste ne laisse aucun doute sur ses intentions concernant le marxisme : « Ainsi. On assiste en somme à la convergence d’un courant positiviste. Cette impulsion décisive. il ne faut pas négliger l’opuscule consacré aux « antagonismes de classes en 1789 » qu’avait publié en 1889 le théoricien de la social-démocratie allemande Karl Kautsky et dont une traduction française avait justement paru en 1901. comme pouvait la concevoir Alphonse Aulard. Certes. mais elle doit être aussi économique et sociale. de mettre en lumière les aspirations des classes populaires et les luttes sociales liées au système économique capitaliste naissant. de Michelet et de Plutarque que nous voudrions écrire cette modeste histoire »16. Jaurès utilise l’ouvrage dans le volume IV où il dresse un grand tableau comparatif de la pensée européenne. le marxisme et les historiens de la Révolution française au XXe siècle   7 Le « tournant Jaurès » dans l’histoire de l’historiographie de la Révolution française 15 16 Œuvre monumentale en quatre volumes. Toutefois. la Révolution incarne la victoire de la classe bourgeoise dont l’ascension puis l’émancipation révolutionnaire ont permis l’avènement du capitalisme. Kautsky n’avait utilisé ni archives. premier titulaire de la chaire d’histoire de la Révolution française à la Sorbonne. ni travaux nouveaux 13. de l’accumulation primitive du capital. Revue d'histoire critique. les recherches de Kautsky ne pouvaient soutenir la comparaison avec la somme élaborée par Jaurès. Jaurès introduit une rupture fondamentale. En effet. L’Histoire socialiste de la Révolution française de Jean Jaurès est la première tentative de grande envergure qui vise à présenter l’irruption révolutionnaire d’un point de vue matérialiste. L’influence exercée par les travaux de Marx sur le leader socialiste se révèle tout particulièrement dans sa compréhension générale de l’événement «  Révolution française  » et dans son appréhension de l’histoire du capital. si c’est avec Marx que Jaurès explore le fonctionnement du capitalisme. du capital marchand. c’est-à-dire prenant en considération les facteurs économiques et sociaux avant tout autre chose. on compte trente-quatre références à Marx dans toute l’œuvre. le livre propose une vision de l’histoire de la Révolution française qui s’appuie entièrement sur le matérialisme historique et qui a recours à de très nombreuses catégories ou concepts directement empruntés à Marx. De ce point de vue. très dogmatique et surtout que l’exercice péchait du côté de la méthode. ou encore : « c’est sous la triple inspiration de Marx. faute de sources de première main. de la division du travail. Une posture matérialiste. des salaires et de la valeur. D’un point de vue strictement scientifique. rassemblées principalement dans les volumes I (La Constituante) et IV (La Révolution et l’Europe). Si l’on se fie à l’index établi par Françoise Brunel en 1968 à l’occasion de la réédition en six volumes du chefd’œuvre de Jaurès. Son objectif affiché était bien de proposer une interprétation de la Révolution délibérément marxiste  12. publiée sous forme de brochures à partir de 1901. Avec ce travail historique fondé en érudition – il a passé trois ans aux Archives Nationales et a largement puisé dans les collections de la bibliothèque de la Chambre des Députés – Jaurès propose un premier retournement de perspective : l’histoire de la Révolution ne se réduit plus aux débats des clubs et des assemblées. Pour Jaurès. il désapprouve toute lecture déterministe et mécanique qui découlerait d’une compréhension rigide du matérialisme historique : « Que jamais la tentation ne vienne aux prolétaires de compter sur le seul jeu du mécanisme économique ou de Cahiers d'histoire. de la « révolution bourgeoise » comme avènement du capitalisme. érudit et républicain. 102 | 2007 . écrit-il. Outre le renversement de perspective que constitue le choix délibéré de porter l’investigation historique sur les phénomènes socio-économiques jusqu’alors négligés par les historiens. notre interprétation de l’histoire sera-telle à la fois matérialiste avec Marx et mystique avec Michelet »15. plutôt jacobin. d’en faire des éléments constitutifs de l’explication historique qui dans ce cadre perdent de leur valeur doctrinale et gagnent en scientificité. cette temporalité est caractérisée par la naissance en 1929 d’une nouvelle revue d’histoire. La prise en compte grandissante d’un certain matérialisme. Jaurès a réussi le tour de force de les banaliser. il n’hésite pas à faire valoir les bienfaits de la république pour laquelle Marx et Engels n’ont jamais eu réellement de bienveillance  17: « Gardons-nous. l’effort de synthèse historique réalisé par Jaurès est déterminant. comme l’a remarqué Claude Mazauric. ainsi que par la publication des premiers travaux d’Ernest Labrousse. L’Histoire socialiste s’inscrit en effet dans un moment historique bien particulier. Tout en s’appuyant sur Marx. Jaurès ne perd pas de vue la situation à laquelle le mouvement socialiste doit faire face. 102 | 2007 . En France. une limite à l’exploitation des ouvriers ». Républicain convaincu. Un moment dans l’histoire de la discipline historique 20 A la suite de Jaurès. » Jaurès est un homme de son temps et son œuvre ne saurait être examinée sans que soit prêtée une attention soutenue aux circonstances politiques qui ont entouré son élaboration. Gardons-nous de croire qu’il est indifférent au prolétariat que le capitalisme se développe sous un régime de démocratie ou sous un régime d’oligarchie ou de despotisme. à la différence de Jaurès dont la formation initiale à l’ENS et la rédaction d’une thèse de doctorat en philosophie consacrée aux philosophes allemands avait certainement favorisé la lecture approfondie de l’œuvre de Marx. les rapports essentiels des classes et la structure profonde de la propriété capitaliste n’auraient pas été modifiés : mais il y aurait eu un frein à l’égoïsme de la bourgeoisie. correspond à une temporalité bien particulière dans l’histoire de la discipline historique. ou. Toutefois. n’avaient qu’une connaissance sommaire du marxisme qu’ils ramenaient à un simple « économisme » infra-structurel. ils ont recours aux méthodes statistiques et proposent de déplacer le point d’observation vers l’étude de la longue durée. qui revendiquent tous deux l’importance capitale de l’œuvre de Marx dans leur conception de l’histoire. de croire que le développement antagonique des classes est un mécanisme rigide que rien ne peut modifier. le marxisme et les historiens de la Révolution française au XXe siècle   8 19 s’exagérer le fatalisme de l’organisation des classes. l’intérêt des historiens de la Révolution française pour la théorie marxiste s’explique par le fait qu’elle procure un cadre théorique puissant pour appréhender les phénomènes historiques dans leur totalité et rompre ainsi avec une façon de faire de l’histoire restée jusque-là trop strictement attachée à examiner les «  événements  » et les « grands hommes ». En intégrant ces concepts à un récit construit selon les codes exigeants de la méthode historique telle que la prônait les historiens méthodiques. On peut affirmer qu’il y a alors convergence entre l’évolution de la discipline historique et la banalisation de concepts qui se trouvent dans la pensée-Marx. Ils concevaient le plus souvent la lutte des classes sous la forme d’un affrontement social rudimentaire et l’idéologie comme une étroite mise en scène politique 18. celui de la consolidation de la IIIe République qu’il s’agit toujours de défendre.Marx. » Certes dit-il. «  [l’obligation de] tenir compte des faits économiques et sociaux ». Du point de vue de la diffusion du marxisme et des concepts marxistes chez les historiens français. déploient beaucoup d’efforts pour s’écarter des canons de l’histoire «  événementielle  ». Revue d'histoire critique. surtout parmi ceux qui reçurent leur formation dans l’entre-deux-guerres. « si la Révolution était restée une république démocratique au cours du XIXe siècle. La volonté de démarcation de ces historiens avec l’histoire traditionnelle se traduit par une méfiance grandissante vis-à-vis de « l’événement » et le désir de comprendre l’histoire dans sa globalité. Cahiers d'histoire. les Annales d’histoire économique et sociale de Marc Bloch et Lucien Febvre. c’est-à-dire l’écriture d’une histoire attentive à l’économie et aux évolutions techniques. Avec pour objectif de s’approcher le plus près possible de ce que Pierre Vilar appelait une histoire « totale ». pour reprendre l’expression de Georges Lefebvre. dit Jaurès. Labrousse et Braudel. beaucoup d’historiens français que le marxisme influençait peu ou prou ou qui s’y intéressaient. Une déclaration célèbre de Georges Lefebvre atteste de l’importance de Jaurès comme point de départ. le doute n’était pas permis sur l’origine du mal : l’historiographie révolutionnaire devait prendre ses distances avec le marxisme.Marx. quoiqu’insuffisamment. comportementales et d’auto-représentation. masses paysannes chez Georges Lefebvre. sinon comme la « multitude » (Mignet). des historiens libéraux voire des révolutionnaires eux-mêmes. Et si Albert Soboul admettait en 1962 dans son Précis : « nous ne possédons aucune histoire de la bourgeoisie française sous la Révolution ». je n’en reconnais d’autre que lui »19. L’espoir des révolutions à venir invite à investir les précédents historiques disponibles jusqu’à identifier chez les protagonistes de la période étudiée des caractères semblables à ceux des groupes sociaux qui composent la société contemporaine. la « populace » (Taine) : c’est l’histoire « vue d’en-bas ». D’un point de vue général. Revue d'histoire critique. Georges Rudé ou Richard Cobb. surtout anglo-saxonne. masses urbaines chez ses élèves. Si elle a permis d’approfondir les connaissances des structures sociales de la France d’Ancien Régime. On s’intéresse désormais à l’histoire de ceux qui jusque-là en avaient été tenus à l’écart. Par conséquent. Comment en effet considérer la Révolution française Cahiers d'histoire. 102 | 2007 . observé et recherché. occupe désormais dans l’historiographie révolutionnaire une place de choix. Ses historiens se proposent alors d’en écrire l’histoire « sociale ». dans ses composantes structurelles. Albert Soboul. l’analyse de la Révolution française en termes de classes et sous l’angle du passage du féodalisme au capitalisme a aussi conduit les historiens marxistes à rechercher dans l’histoire ce que la théorie impliquait qu’on y trouve. la recomposition des thèmes de l’historiographie de la Révolution française relève également d’une conjoncture moins scientifique que politique ou idéologique. le marxisme et les historiens de la Révolution française au XXe siècle   9 La constitution d’une équipe internationale de chercheurs autour de Georges Lefebvre 21 22 23 Dans ce contexte. On a ainsi pu voir l’historien Daniel Guérin assimiler. l’histoire de la Révolution française. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. critiques marxistes et retour en grâce de la réflexion historienne sur les catégories sociales 24 Les critiques auxquelles les historiens de la Révolution française attachés à l’interprétation jaurésienne se sont trouvés confrontés ont principalement porté sur la difficile question de la définition des groupes sociaux. cela ne l’empêchait pas d’abonder dans le sens de Marx. répétitif. le « peuple » (Michelet). Pour l’historien britannique Eric J. on a pu substituer parfois un matérialisme vulgarisé et dogmatique. les sans-culottes des faubourgs parisiens à un prolétariat pré-industriel 20. qui dès le milieu des années 1950 se mit à dénoncer la mécanique déterministe d’une interprétation « sociale » jugée trop ouvertement classiste. Hobsbawm observe que l’interprétation post-jaurésienne de la Révolution comme «  révolution bourgeoise  » est rarement allée véritablement au-delà de la thèse libérale – celle des historiens de la Restauration – d’un soulèvement qui aurait simplement entériné la longue montée historique de la bourgeoisie. l’interprétation classique de la Révolution française comme révolution bourgeoise n’a été « marxianisée » par Jaurès et ses successeurs que dans le sens où ceux-ci ont concentré leur attention davantage que leurs prédécesseurs sur les facteurs sociaux et économiques. le peuple. le prestige de l’URSS est au plus haut. du côté du petit peuple. Pour la critique. malgré leur extraordinaire diversité. intègre à sa manière la redéfinition des intérêts et des enjeux au sein de la discipline historique. Critiques révisionnistes. crédité d’un rôle historique incontestable. Au matérialisme historique ouvert et savant élaboré par Marx. histoire événementielle s’il en est. Elevé au rang d’acteur de l’histoire.  Hobsbawm. en faisant de la Révolution française une «  révolution bourgeoise ». dont l’application mécanique a conduit à réduire la dynamique historique à l’affrontement des groupes sociaux sur fond de conjoncture économique de moyenne durée. comme acte initiateur de cette dynamique nouvelle : « […] si l’on prend souci de me chercher un maître. la thèse d’une historiographie de la Révolution française empêtrée par nature dans une pensée marxiste pure et dure lui semble difficilement acceptable 21. Ceci étant dit. de nombreux chercheurs anglo-saxons se sont engagés dans la brèche. comme le supposait Marx. pas à renverser le système. le célèbre historien marxiste des foules révolutionnaires Georges Rudé. si les historiens peinent à démontrer l’existence d’une classe bourgeoise consciente d’elle-même à la fin du e XVIII  siècle ou le lien entre la bourgeoisie révolutionnaire et une activité économique de type capitaliste ? D’Alfred Cobban à François Furet : le marxisme de l’interprétation sociale de la Révolution française sous le feu de la critique 25 26 27 Au milieu des années 1950. une analyse causale faite en termes de contradictions économiques et sociales  »25. on ne dispose toujours pas d’une histoire de la bourgeoisie révolutionnaire. On pourrait penser qu’il ne s’agit là que d’une sorte de contrecoup de l’althussérisme – après une période marquée par l’extrême concentration des chercheurs sur le Marx du Capital. jusqu’à faire jouer ses relations dans le monde académique pour barrer toute opportunité de carrière sur le territoire britannique à son propre élève.Marx. Pour parfaire sa critique de Marx. la bourgeoisie révolutionnaire était composée essentiellement d’officiers. une édition des textes du philosophe allemand consacrés à la Révolution française 26. de rentiers. succède une période de découverte ou de redécouverte des travaux du jeune Marx – si dans la très longue introduction qui précède la sélection de textes François Furet n’avait de cesse de dénoncer un matérialiste étroit. Ce recueil fait la part belle aux analyses du jeune Marx. Les faiblesses pointées par Cobban dans l’architecture de l’interprétation «  sociale  » de la Révolution française relèvent apparemment du domaine purement scientifique. dans un climat de Guerre Froide. Prenant à contre-pied toutes les hypothèses classiques. de propriétaires. Par conséquent. déterminisme qu’il juge lié à l’influence du marxisme sur l’historiographie de la période révolutionnaire. A la suite de Cobban. Alfred Cobban lance l’attaque contre ce qu’il appelle d’abord le «  mythe de la Révolution française  »22puis contre ce qu’il qualifie d’interprétation «  sociale  » de la Révolution  23. Pour l’historien anglais. l’historien américain Georges Taylor démontre la prédominance de la richesse « propriétaire » et surtout « non-capitaliste » en France à la veille de 1789 : les entrepreneurs de 1789 aspirent surtout à acheter des terres et des seigneuries. le primat de l’économique. il s’agit de lutter contre le marxisme sur un plan général. mais du côté des problèmes politiques. La critique la plus radicale de l’historiographie de la Révolution française d’inspiration jaurésienne est celle lancée par François Furet au nom de l’autonomie du politique. Par ailleurs. François Furet ou Colin Lucas réfutent toute opposition fondamentale de valeurs entre la bourgeoisie et la noblesse. En 1967. d’autre part. les origines de la Révolution ne sont pas à trouver dans les conflits sociaux. le marxisme et les historiens de la Révolution française au XXe siècle   10 comme une « révolution bourgeoise » ayant ouvert la voie au capitalisme. il était évidemment facile de démontrer que loin de constituer une classe d’entrepreneurs capitalistes. Du point de vue de la définition pratique de la catégorie sociale « bourgeoisie ». Deux éléments de cette historiographie lui paraissent contestables  : d’une part. François Furet mène à bien en collaboration avec le germaniste Lucien Calvié. La critique de Cobban consiste à refuser un déterminisme sociologique lié à l’instance économique ou porté par un ensemble de valeurs symboliques. »24 Ces historiens plaident donc pour une re-hiérarchisation des déterminations au profit de l’instance politique. il propose dans Penser la Révolution française (1978) de définir les événements révolutionnaires comme des événements qui sont « de nature politique et idéologique et [qui] disqualifient par définition. 102 | 2007 . la définition de la bourgeoisie révolutionnaire. Revue d'histoire critique. ce que Georges Taylor résume en une formule frappante : « Ce fut essentiellement une révolution politique aux conséquences sociales plutôt qu’une révolution sociale aux conséquences politiques. qui lui semble très éloignée de la bourgeoisie capitaliste de la théorie marxiste. Il mène donc ce combat sur tous les fronts possibles. le contraignant à l’exil forcé au Canada puis en Australie. le primat Cahiers d'histoire. Échafaudant ce qui deviendra la «  théories des élites  ». Cobban n’a pas tout à fait tort  : malgré le programme esquissé par Labrousse en 1955 (Congrès International des Sciences Historiques à Rome). la réalité de la féodalité dont il considère qu’elle n’avait plus d’existence réelle à la veille de 1789. mais cela n’est qu’un des aspects du défi lancé à l’historiographie révolutionnaire. Denis Richet. des échanges et. En fait. 102 | 2007 . il va jusqu’à avancer qu’en choisissant la voie du matérialisme historique. des diverses formes de dominations sociales. tous ces champs investis par les historiens soucieux d’éclairer la fameuse problématique de la transition du féodalisme au capitalisme. ont développé le concept de « mentalité » comme une instance intermédiaire entre la «  base  » ou infrastructure économique et sociale et la superstructure dont elle dépend largement. mais ne permettent pas de maintenir les questionnements historiographiques sur la Révolution française dans les gonds marxistes. Pour sauver Marx. sacrilège. Sur le plan des catégories sociales dont nous avons vu qu’il constituait un point d’achoppement majeur. D’autres historiens ont quant à eux suggéré la pertinence d’un marxisme renouvelé par l’approche gramscienne. François Furet semble ignorer l’immense champ de recherche esquissé par Marx quant à l’étude des multiples formes de rapports sociaux. Les éléments les plus neufs sont issus de la thèse de Régine Robin consacrée à l’étude du vocabulaire des Cahiers de doléances  29. des champs auxquels il est nécessaire d’attribuer davantage d’autonomie. Elle a développé ainsi la catégorie de « bourgeoisie d’Ancien Régime » qui souligne l’intégration partielle de la bourgeoisie à l’ordre féodal. Claude Mazauric déplore que ces efforts de conceptualisation n’aient cependant pas pu empêcher le développement d’une historiographie qui postule la séparation des deux sphères en leur conférant à chacune une autonomie propre. Revue d'histoire critique. Ceci n’empêche pas certains marxistes de s’inscrire dans la démarche critique menée par les historiens «  révisionnistes  ». On assiste dès lors à un déplacement irrépressible des intérêts des historiens vers l’étude du politique et de la culture politique. et surtout. Pour répondre aux problèmes posés par le traitement de la culture et des représentations. au-delà. La complexification de l’interprétation sociale 28 29 30 L’avantage de la critique. L’historienne est la première à avoir appliqué la méthode lexicographique aux textes de la Révolution. la Révolution française n’a pu être bourgeoise et Cahiers d'histoire. excessivement éloignée de Marx 30. celui de « lutte de classes » notamment. Ils se trouvent rassemblés dans le volume Aujourd’hui l’histoire publié aux Éditions Sociales en 1974  28. celle du mouvement des productions. le marxisme et les historiens de la Révolution française au XXe siècle   11 de la société civile. des efforts importants en terme de recherche et de discussions ont été menés. tout en mettant en lumière son implication dans l’exploitation capitaliste. Ces efforts sont considérables. Dans son appréciation critique de l’évolution intellectuelle du penseur. Ce travail de reformulation a abouti notamment à l’élaboration de catégories nouvelles. tels que Michel Vovelle ou Robert Mandrou.Marx. un bel exemple de « formation sociale de transition ». c’est qu’elle va révéler une pluralité des lectures marxistes de la Révolution française en incitant les historiens à complexifier ce qui avait pu apparaître comme une application trop rigide du matérialisme historique. Lefebvre ou Soboul – les deux historiens sur lesquels se sont concentrées la plupart des critiques – auraient recouru à des concepts marxistes. On trouvera ainsi dans le tome consacré à la période « 1789-1799 » de L’histoire de la France contemporaine (1978). Selon eux. trop flexible voire floue. qu’elle soit anglo-saxonne ou furetienne. ces chercheurs – que l’on retrouve par exemple dans la revue Rethinking marxism – adoptent une position singulière : de leur point de vue. à l’exemple du concept de « mentalités ». La pensée-Marx subit de plein fouet la désillusion relative à l’échec du socialisme réel à l’Est. dans une acception jugée trop prudente. des historiens inspirés par Marx. Les attaques lancées par Cobban ou Furet contre l’interprétation « sociale » classique leur apparaissent donc providentielles dans la mesure où elles permettent de faire valoir leur propre pratique du marxisme. Bref. Ces travaux sont en grande partie le fruit de la réflexion des chercheurs communistes spécialistes de la Révolution. Marx se serait pour ainsi dire interdit de comprendre la Révolution. ou du moins de se trouver des points de convergence avec eux dans la dénonciation de la tradition d’étude identifiée comme « jacobine ». une analyse du jacobinisme enrichie des notions d’« hégémonie » ou de « révolution passive » ainsi qu’une tentative de penser la Révolution française comme une « révolution culturelle » 27. à leur goût excessivement influencée par « le Marx du Manifeste » et insuffisamment par celui du Capital. Ce faisant. François Furet regrette le jeune Marx feuerbachien qui se laissait la possibilité d’une autonomie de l’État par le concept d’aliénation. est un emprunt aux libéraux de la Restauration. University of California Press. e. Conclusion 34 Un siècle après Jaurès. Ces chercheurs envisageaient ce mode de projet économique – l’économie morale – comme une possible voie d’accès à une possible modernité non-capitaliste issue de la Révolution française. si l’on en croit les travaux des historiens David Garrioch (The Making of Revolutionary Paris. Berkeley. à la poursuivre le plus loin possible  33. Londes. 2002). des historiens marxistes comme Florence Gauthier et Guy Ikni ont développé en France. une voie que l’hégémonie de la bourgeoisie et la victoire de l’école physiocratique ont transformée en impasse. mais plutôt de comprendre le processus de formation des catégories et des identités sociales dans la dynamique révolutionnaire même. Or nous avons vu précisément que cette conception. rarement les recherches sur l’histoire économique et sociale de la Révolution n’ont été aussi convergentes dans leur intérêt pour les concepts hérités de Marx 36.Mais ce regain d’intérêt pour des problématiques hier décriées s’accompagne t-il d’un retour en grâce des catégories qui firent les beaux jours de la réflexion marxiste et notamment celle de « révolution bourgeoise » ? Assurément oui. L’exemple le plus frappant de cette évolution est assurément la réapparition du fameux problème des classifications sociales à l’occasion d’un grand colloque international organisé à Lille en janvier 2006 et consacré aux bourgeoisies révolutionnaires 34. Tous les historiens engagés dans cette voie ont été encouragés par Albert Soboul. une autre voie interprétative basée sur l’idée de «  l’économie morale  » reprise au grand historien anglais E. ces historiens ont allumé plus qu’un contre-feu. sans faire de concession à la démarche révisionniste. Thompson32. plus complexe. Il est bien sûr trop tôt pour dire si cette tendance actuelle se traduira par un retour de l’historiographie à la pensée-Marx. Enfin. il semblerait que reviennent progressivement dans le débat historiographique certains des thèmes majeurs de l’histoire sociale de la Révolution française. le marxisme et les historiens de la Révolution française au XXe siècle   12 31 encore moins capitaliste dans la mesure où la paysannerie de 1789 était encore loin d’avoir été complètement « prolétarianisée ». Relancer la réflexion sur les catégories sociales en Révolution 32 33 Après deux à trois décennies de recul net des problématiques chères aux historiens inspirés par Marx. i.Marx. les animateurs de cette école de pensée d’inspiration althussérienne dont les thèses ont été appliquées à la Révolution française par le Canadien George Comninel  31 considèrent que l’on ne peut parler de «  révolution bourgeoise  » en France à propos de la période 1789-1799 puisque l’absolutisme français n’avait aucune des caractéristiques d’une économie capitaliste malgré les nouveaux rapports de production induits par le développement de l’industrie dans les interstices du système « féodal ». Vient ensuite l’idée Cahiers d'histoire.P. à côté de l’école marxiste-jacobine. rendue exclusivement dépendante du marché pour subsister. Pinguin Press. Après la publication en 2003 par l’historienne américaine Sarah Maza d’un ouvrage qui refusait toute existence à la bourgeoisie française tant que le discours des bourgeois n’attestait pas en mots d’une conscience de classe en fait  35. quelles grandes idées issues de la pensée-Marx l’historiographie jaurésienne de la Révolution française a-t-elle retenues ? La première qui vient à l’esprit est l’idée de la Révolution française comme victoire bourgeoise dans la lutte des classes. donc l’idée de « révolution bourgeoise ». reprise à son compte par Marx. mais dans une acception nouvelle. Emmenés par l’historien américain Robert Brenner. Néanmoins. non plus seulement comme mécanisme de ratification mais comme force créatrice d’une nouvelle société. sous le coup d’un mouvement que Michel Vovelle avait résumé de façon éloquente en 1995 comme le passage «  du tout social au tout politique  ». Cela revient à reconnaître le rôle de transition joué par la Révolution française. moins déterministe : il ne s’agit plus dorénavant de trouver dans la société prérévolutionnaire ce qui existera après. comme en témoigne la récente synthèse de l’historien canadien Henri Heller. qui les accueillait dans son séminaire. Revue d'histoire critique. 102 | 2007 . 2002) ou ceux de Colin Jones (The Great Nation  : France from Louis XV to Napoleon 1715-99. p. qui caractérise une grande partie de l’historiographie républicaine ou jacobine. 4  Il faut tout de même souligner qu’aucun auteur ne saurait être tenu pour responsable de l’utilisation qui est faite de ses écrits après sa mort..  37-55.93. 30. 282 p. p. Sanford Elwitt. une piste de réflexion nouvelle se dessine : pour comprendre la façon dont on a pensé l’histoire de la Révolution française depuis un siècle. 102 | 2007 . Accuser Marx en personne et mettre à l’index des pans entiers de son œuvre au principe que sont nombreux ceux qui ont recouru à ses concepts ou ses idées de façon schématique et dogmatique relève à l’évidence de la malhonnêteté intellectuelle. p.). n° 119-120. observe-t-il encore. Au lieu de considérer l’Histoire socialiste de la Révolution française de Jaurès comme le point de départ d’une historiographie révolutionnaire d’inspiration marxiste. Retenons les plus importants : Geoffrey Ellis. 316-24. et certainement pas à Marx. le marxisme et les historiens de la Révolution française au XXe siècle   13 de la révolution comme mouvement populaire. attachés à la fois à la représentation de la Révolution en termes de révolution bourgeoise et à la République jacobine comme incarnation de ses réalisations les plus avancées. vol. pp. suivi de. April 1978. n° 367. Notons à ce propos que le thème ici abordé a fait l’objet d’une étude particulièrement approfondie par Claude Mazauric sous le titre Le marxisme et l’histoire de la Révolution française – une rétrospective. dont le texte doit paraître prochainement.  Davis. 1991). une telle perspective n’avait en réalité rien de marxiste. Revue d'histoire critique. in Cahiers Bernard Lazare.Marx. 190-98. Vol. 353-76. « Albert Soboul ([1914-1982]. No. Pourtant. c’est-à-dire qu’elle a décidé d’endosser la tradition jacobine plutôt qu’une autre. C’est un peu comme si les socialistes et communistes anglais. « les historiens marxistes. 1987. 2  Le sujet a fait l’objet d’un nombre important d’articles académiques. explique-t-il. ne faudrait-il pas plutôt parler de l’amorce d’un assujettissement de la pensée-Marx à l’historiographie jacobine ? Si l’hypothèse s’avère pertinente. Il ne s’agit pas de présenter les résultats de nouvelles recherches. ont eu le plus grand mal à établir qui incarnait exactement la bourgeoisie à l’époque du Comité de Salut public »37. La Dispute. Notes 1   Notre intention est d’offrir une introduction en même temps qu’une vue d’ensemble de la problématique large et complexe que constitue l’histoire du rapport de l’historiographie de la Révolution française au XXe siècle avec l’œuvre de Marx. « The ‘Marxist interpretation’ of the French Revolution ». Karl Marx And The French Revolution : Histoire Socialiste As Marxist Interpretation ». « Soboul’s Marxism ». Pour Eric Hobsbawm. p. notamment chez les historiens anglo-saxons. de l’utilisation faite ultérieurement de son œuvre. Historiographie et en-soi de la Révolution – essai d’interprétation. 5  La position exprimée par Albert Soboul à ce sujet dans un des derniers entretiens qu’il a donnés avant sa mort est sans ambiguïté (Voir Serge Cosseron et Bruno Somalvico. 41-58. Paris. Proceedings of the Consortium on Revolutionary Europe. Marx et nous. (Feb. Proceedings of the Consortium on Revolutionary Europe. 1995. En fait. Bruce Norton.) de façon à dégager la pensée résultant directement du travail intellectuel de Karl Marx à proprement parler. mais plutôt d’élaborer une synthèse de la question en nous inspirant des travaux les plus récents. défendaient Cromwell contre les Levellers et les Diggers ». la tradition marxiste dominante de l’historiographie a choisi de s’aligner sur Robespierre contre les radicaux qui s’opposaient à lui sur sa gauche (les hébertistes par exemple). A lire les impressions du grand historien britannique. I. 3  Nous reprenons la formule proposée par le philosophe Lucien Sève (Penser avec Marx aujourd’hui. alors ce n’est qu’en révélant les fluctuations de ce subtil jeu d’influence entre théorie marxiste et idéologie jacobine que l’on prendra la mesure véritable du marxisme des historiens de la Révolution française. Lawrence H. elle renvoie aux babouvistes et particulièrement à Buonarroti. History and Theory. Jack Amariglio. «  Jean Jaures. Mais là encore. le rapport au marxisme des historiens de la Révolution française ne serait pas aussi capital que leur rapport au jacobinisme. 2004. entretien inédit ». Elle appartient à Michelet ! Quant à l’idéalisation de l’an II et de Robespierre. Nous remercions Claude Mazauric d’avoir bien voulu nous communiquer le manuscrit avant sa publication. « Marxist Historians and the Question of Class in the French Revolution ». 1. que les communistes d’aujourd’hui défendent Robespierre contre Hébert et Jacques Roux. in The English Historical Review. ici réside un des paradoxes les plus incompréhensibles de l’historiographie marxiste de la Révolution française : « il est tout à fait surprenant. XIII (1984). A la question : « Vous avez Cahiers d'histoire. C’est l’idée force qui a justifié le mouvement en faveur de l’histoire « par en-bas » pour reprendre l’expression forgée par Lefebvre. avec toute leur admiration pour les régicides et la république au XVIIe siècle. la réponse de Soboul est très claire : « Je protesterais d’abord contre l’épithète de “marxiste”. une « illusion ». 2006.” » (p. 1. in Siècles. de nombreuses notes et références. 18  Claude Mazauric. 9 septembre 1870. préface d’Ernest Labrousse. Aux Armes. 1985. Lorsque l’Encyclopaedia Universalis est arrivée au mot “révolution”. 2002. édition revue et annotée par Albert Soboul. 66-67. 69. 102 | 2007 . se reporter aux précieux commentaires de Jean-Numa Ducange. donc dans un contexte historiographique très différent de celui des années 1950. «  Marx et la Révolution Française après 1870  ». p. 63-82. 12   Au sujet de l’interprétation de la Révolution française par Kautsky et de son insertion dans l’historiographie de son temps. 22  Alfred Cobban. Héritages de la Révolution française à la lumière de Jaurès. Paris. The Social Interpretation of the French Revolution. A cette offre. un système.. Paris. l’interprétation marxiste à moi. texte inédit (cf note 1). historiens. Non que je rejette cette qualification. 189. il ne faut pas oublier qu’il s’agit seulement d’une approche. avant de le rééditer. 42‑43). préface d’E. 17   Les deux hommes ont en effet longtemps considéré la République comme une diversion. p. Et quand bien même nous nous référons à une certaine méthode qui est peut-être la méthode marxiste. 10   Voir l’article de Claude Mainfroy. p. 2007. d’un aspect de la méthode historique et non d’un dogme. Rédigé en prison au cours de l’année 1793. Paris. Cahiers d'histoire. 1964. 11  Seconde Adresse du Conseil général de l’Association Internationale des Travailleurs. Le Roy Ladurie) et sa parution à quelques années des célébrations du Bicentenaire laissait supposer que les critiques adressées au début des années 1960 à l’historiographie classique étaient toujours d’actualité. 68. texte présenté par Ferdinand Rude. Le marxisme et l’histoire de la Révolution française – Une rétrospective. in Cahiers d’histoire de l’Institut de Recherches Marxistes. ses éditeurs ont eu l’idée mirobolante de demander l’interprétation royaliste à Gaxotte. et d’autres encore… en tout : cinq interprétations. Marx et la Révolution française. 14   C’est à Jaurès que l’on doit la création de la «  Commission de recherche et de publication des documents d’archives relatifs à la vie économique de la Révolution » qui vécut pendant près d’un siècle sous le nom de « commission Jaurès ». Revue d'histoire critique. Cahiers des Annales. 78 p. University College. avant d’être supprimée par un ministre de la gauche plurielle désireux d’en finir avec l’exceptionnalité de la Révolution française. p. « qui ne saurait être pris pour la véritable émancipation ouvrière et humaine ». Publié par un éditeur opportuniste en 1984. Paris. The Myth of the French Revolution. Cambridge University Press. l’interprétation libérale à Furet. 20  Daniel Guérin. 23   Alfred Cobban. le marxisme et les historiens de la Révolution française au XXe siècle   14 participé à une école historique qu’on a qualifiée de marxiste. Il y a l’Histoire tout court. 1793-1797. Paris. 21  Eric Hobsbawm. 21. Claude Mazauric fait remarquer combien les historiens de la Révolution française qui ont accepté l’idée d’une interaction « bourgeoisie/capitalisme » n’ont jamais cédé à ces simplifications excessives et ont toujours privilégié au contraire une histoire autonome du capital. le texte ne fut publié pour la première fois qu’en 1843. Deux siècles d’histoire de la Révolution française.). Histoire socialiste de la Révolution française. 1946. Voir Christine Peyrard et Michel Vovelle (sous la dir. n° 23. 15  Jean Jaurès. j’ai répondu : “Je ne participerai pas à cette revue car je ne pense pas qu’il y ait trente-six histoires. en particulier aux travaux des historiens russes de la paysannerie française. 1975. le texte de Cobban de 1964 était devenu Le sens de la Révolution française (Paris. Éditions sociales. Paris. Flammarion.Marx. 6 volumes et index. 6  Antoine Barnave. Julliard. Quel a été votre apport spécifique dans cette direction ? ». Éditions La Découverte. vol. 1971. Gallimard. n° 21. 7  François Furet. London. Étonnamment. Critique du Droit politique hégélien. Cambridge. 1968. Publications de l’Université de Provence. Aix-en-Provence. Et la réflexion critique à partir d’un travail érudit. 19  Georges Lefebvre. in Annales Historiques de la Révolution française. bourgeois et « bras nus ». p. 13  Sur les conseils d’Engels qui à la fin de sa vie n’a cessé de mettre en garde contre les schématismes de débutants en matérialisme historique. il y a une histoire de la Révolution française qui s’est forgée à travers les historiens du XIXe et ceux du XXe siècle. La lutte de classes sous la Première République. Armand Colin. la traduction française de ce texte pourtant décisif ne fut disponible que très tardivement de ce côté-ci de la Manche. selon Marx. Kautsky ajoutera à son texte. 8  Karl Marx. « Karl Kautsky et le centenaire de la Révolution française ». Je citerai une anecdote. « Pro Domo ». mais je ne pense pas qu’il y ait une histoire marxiste et une histoire qui ne le soit pas. Introduction à la Révolution française. 1947. 9  Dans son essai à paraître (cf note 1). p. Éditions sociales. 16  Idem. 1986. 220 p. 1955. Les éditions de la passion. 1978. « Marx. Revue d'histoire critique [En ligne]. cit. 1978. The Myth of the French Bourgeoisie  : An Essay on Social Imaginary. le marxisme  et les historiens de la Révolution française au XXe siècle   ». mentionnons l’article de deux non-spécialistes de la Révolution française. Contribution à l’histoire paysanne de la Révolution française. XII-225 p. Université de Rouen Droits d’auteur © Tous droits réservés Résumé   L’auteur adopte une démarche résolument diachronique. Paris. Vers un ordre bourgeois ?Révolution française et changement social. Hobsbawm. 407 p. 102 | 2007 . 29  Régine Robin. il montre combien les écrits de Marx. Cahiers d'histoire. À propos de l’auteur Julien Louvrier Doctorant en histoire. in History and theory. La Guerre du blé au XVIIIe siècle. 30  A titre d’exemple. souvent associé Cahiers d'histoire. Plon. mis en ligne le 01 octobre 2010. 32  Florence Gauthier et Guy-Robert Ikni. 1987. 28  Aujourd’hui l’histoire. 2006. Paris. Paris. 1750-1850. Éditions sociales. Jack Amariglio et Bruce Norton. Presses Universitaires de Rennes. 4. Partant des analyses de Marx luimême sur la Révolution française.). Taylor. 1988. 102 | 2007. Verso. article cité. « 1789-1799 ». Gallimard. «  Marx. 237 p. 1789-1815. 26  François Furet. écrit en collaboration avec Philippe Goujard. Aux armes. Pour citer cet article Référence électronique Julien Louvrier. Revue d'histoire critique. 12-14 janvier 2006). 2007.Marx. Albert Soboul publiera un recueil sous sa direction (Albert Soboul (dir). Harvard University Press. op. 1974.revues.) dans lequel il introduira notamment les thèses novatrices de l’historien soviétique Anatoli Ado sur la révolution paysanne. 523 p. 2007. Revue d'histoire critique. 272-287. 34  Jean-Pierre Jessenne (dir. 102 | 2007. Éditions sociales. in American Historical Review. cit. 33  Pour mettre en valeur les pistes ouvertes par ces chercheurs. Montreuil. The Bourgeois Revolution in France.. 1970. op. 1991. New York. 1967. 418 p. 172 p. Bergham Books. 31   Georges Comninel. 36  Henri Heller. 447 p. Marx et la Révolution française.org/239 Référence papier Julien Louvrier. Rethinking the French Revolution  : marxism and the revisionist challenge. 147-167. p. La société française en 1789 : Semur-en-Auxois. t. 1977.). Histoire de la France contemporaine. consulté le 31 mars 2013. Londres. Cahiers d'histoire. 35   Sarah Maza. 27  François Hincker et Claude Mazauric. Voir en particulier le chapitre « Transgression culturelle et orthodoxie jacobine ». Paris. 25  François Furet. URL : http://chrhc. « Non capitalist wealth and the origins of the French Revolution ». le marxisme et les historiens de la Révolution française au XXe siècle   15 24  Georges V. (Actes du colloque de Lille III. 37  Eric J. 40. « Marxist Historians and the Question of Class in the French Revolution ». Penser la Révolution française. Paris. p. Éditions Sociales/LCD. le marxisme et les historiens de la Révolution française au XXe siècle   ». 2003. Cambridge (Mass.1. Renes. historiens !. Marx. sont toujours précisément contextualisés et liés à la recherche de compréhension du moment présent. cette interprétation «  sociale  » de la Révolution est vigoureusement attaquée et condamnée comme expression d’un marxisme réducteur. gardent de sa pensée l’idée de l’importance déterminante des réalités économiques. historiographie. Révolution française Géographie : France Chronologie : Révolution française. donne une lecture globale des événements révolutionnaires qui prend appui sur la grille d’interprétation proposée par Marx. 102 | 2007 . Jaurès. le marxisme et les historiens de la Révolution française au XXe siècle   16 à Engels sur la question. Marx. Entrées d’index Mots-clés :  classes sociales. La remise en cause débouche sur des lectures qui privilégient le politique. Engels. XIXe siècle. Dans le contexte de la Guerre froide. mais s’ouvrent à nouveau depuis quelques années à des recherches qui posent la question des appartenances sociales. C’est l’Histoire socialiste de Jean Jaurès qui. la première. Revue d'histoire critique. Une forme de banalisation de cette lecture se fait ensuite à travers le développement de l’histoire économique et sociale par des historiens qui. XXe siècle Cahiers d'histoire. sans lire beaucoup Marx.
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