Histoire de Geneve

March 19, 2018 | Author: derfgh | Category: Geneva, Holy Roman Empire, Switzerland, Roman Empire, Ancient Rome


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Histoire de GenèveLa situation géographique Rôle du lac et de la navigation De tout temps, Genève a profité de l'atout qu'offre sa position géographique. Des échanges économiques à longue distance existent déjà. La vallée du Rhône est une des grandes routes parcourues par les marchandises et les hommes, et Genève est placée à un point important de cet axe, qui unit le nord de l'Europe à la Méditerranée. Dans le sens est-ouest, des cols franchissent les Alpes en direction de l'Italie, en particulier le Grand et le Petit-SaintBernard, avec des itinéraires conduisant à Genève. Le site jouit d'un second avantage, son emplacement au bord d'un lac et d'un fleuve. Jusqu'à l'invention du chemin de fer, la voie d'eau, beaucoup moins coûteuse, sera souvent préférée à la voie de terre pour le transport des marchandises. Le port de Genève, actif jusqu'à la fin du XIX e siècle, a eu des débuts timides dès ces temps reculés. Enfin, sur le Rhône, la présence de l'île facilite le passage d'une rive à l'autre, à gué d'abord à travers un cours d'eau plus large et moins profond qu'actuellement, puis par un pont, bâti au I e siècle avant J.-C., légèrement en aval du pont de l'Ile. Ces éléments favorables sont à garder en mémoire, car ils ont eu une valeur permanente à travers toute l'histoire genevoise. Les premières traces d'occupation humaine du site de Genève remontent à 3'000 av. J.C. environ; elles ont été découvertes sur les rives du Léman, où s'élevaient des villages lacustres. La colline de la Vieille Ville, centre de l'ancienne Genève, ne sera habitée que beaucoup plus tard, probablement pas avant 1000 av. J.-C.; vers 500, des membres de la peuplade celte des Allobroges s'y installent à l'intérieur d'un refuge fortifié. © Helvetia Genevensis 2006 Antiquité Genève romaine La Genève antique Illustration concrète du rôle du lac et de la navigation, les recherches récentes des archéologues font apparaître la Genève antique d'abord sous l'aspect d'un port situé vers le haut de Longemalle et le bas de la rue de la Fontaine. Ces vestiges sont de peu antérieurs à 121 avant J.-C., date capitale puisque c'est celle de la conquête par les Romains de la partie sud-est de la Gaule, peuplée par une tribu celte, les Allobroges. Postérieure peut-être à l'implantation au bord de l'eau, l'occupation de l'éminence qui deviendra le noyau historique de Genève, la haute ville. Cette colline est un refuge de choix. Sur trois côtés, elle est protégée par le lac, le Rhône et l'Arve, qui coule alors près de la Corraterie. Sur le seul côté vulnérable, à l'Est, les occupants creusent des fossés, marqués peut-être encore par les dénivellations du Bourg-de-Four. Les Helvètes Les Allobroges tombés sous la domination romaine, Genève devient un poste frontière. De l'autre côté du Rhône commence le territoire de Celtes encore insoumis, les Helvètes. Ceuxci subissent la pression de peuples vivant au-delà du Rhin, qui cherchent à traverser le fleuve pour s'établir sur le Plateau suisse. Devant cette menace, les Helvètes quittent leur sol natal en 58 avant J.-C. pour gagner le sud-ouest de la Gaule. La route la plus commode consiste à passer le pont de Genève et à suivre la rive gauche du Rhône, mais c'est violer le territoire romain. Jules César La marche des Helvètes est arrêtée par Jules César, grand homme politique et grand chef militaire romain, qui achèvera, au cours des trois années suivantes, la conquête de la Gaule. César est aussi écrivain. Dans un livre rédigé en 52 qui décrit sa campagne de France, il raconte qu'il fit couper le pont de Genève pour retenir les Helvètes. C'est sous sa plume qu'apparaît pour la première fois par écrit le nom de Genève, « Genua » en latin. Ce nom serait d'origine gauloise et signifierait l'« embouchure ». La prospérité de Genève Les découvertes archéologiques prouvent la prospérité de Genève durant la longue paix qui règne dans l'Empire romain jusqu'à la fin du III e siècle ap. J.-C.. Des ports à la Fusterie et à Longemalle servent au transit des marchandises. La ville dépasse les limites du bourg allobroge ; dans ces temps tranquilles, les villes n'ont plus besoin de fortifications. Le centre administratif était la Cour Saint-Pierre. Il y restera un millénaire et demi. Le palais burgonde, puis celui de l'évêque, seigneur de Genève au Moyen Age, succéderont aux bureaux romains. A la Réforme, après le départ de l'évêque, lorsque les conseils communaux formeront le gouvernement de la République indépendante, les autorités siégeront à deux pas de là, à l'Hôtel de Ville, où elles sont encore. © Helvetia Genevensis 2006 L'influence romaine Bien que la langue celtique ait persisté longtemps, le latin finit par triompher au sein d'une ville complètement romanisée. La campagne garda plus longtemps des traits celtiques, mais les nombreuses villas, centres de vastes domaines qu'y possédaient de grands propriétaires urbains, contribuèrent à la romaniser à son tour. Cette influence romaine, plus forte sur Genève et sa région que sur le Plateau suisse, les rapproche des pays situés plus au sud, de la Savoie à la Provence. Par bien des côtés, Genève est parente du Midi de la France. La fin de l’antiquité La chute de l'empire Romain A partir du III e siècle ap. J.-C., l'Empire romain se porte mal. Il est miné à la fois par une crise interne et des menaces extérieures. A plusieurs endroits, les frontières sont crevées. En 260, des Germains et les Alamans, lancent des raids destructeurs vers le Sud. Conséquence capitale, les villes de la Gaule s'entourent de murailles qui les enferment dans une enceinte réduite, plus facile à défendre et suffisante pour abriter une population en diminution. Dans la ville de Genève, des restes de murs du IIIe siècle constitués de gros blocs de pierre sont bien visibles dans la cour du No 11 de la rue de l'Hôtel-de-Ville et dans le garage souterrain derrière l'Auditoire. Genève chef-lieu d'une cité indépendante La ville de Genève a abandonné les quartiers extérieurs et s'est repliée sur la haute ville. Dans son enceinte, elle n'occupe plus qu'un rectangle irrégulier d'environ trois cents mètres de long et cent quarante mètres de large. Pendant sept siècles, cette superficie restreinte lui suffira. Pourtant, cette époque troublée voit grandir le rôle administratif de Genève. Jusqu'alors, elle n'occupait qu'un rang modeste. Elle dépendait de la civitas ou «cité» de Vienne sur le Rhône. Ce terme de cité désignait de grandes divisions territoriales romaines. Peut-être déjà à la fin du IIIe siècle, la cité de Vienne fut démembrée et Genève devint le chef-lieu d'une cité indépendante, sans doute à cause de sa situation stratégique vitale pour la défense de l'Empire contre les incursions barbares venues d'outre-Rhin. Genève chef-lieu d'un diocèse Au IVe siècle, la crise de l'Empire semble surmontée. Ce siècle est celui de l'adoption progressive du christianisme comme religion d'Etat. La situation de Genève sur une grande voie de communication laisse supposer que la foi nouvelle y fut répandue assez tôt. Une communauté chrétienne est attestée à Lyon en 177. Une église a-t-elle pu exister à Genève à la fin du II e siècle déjà ? C'est certainement le cas au cours du IIIe siècle. Dès la deuxième moitié du IV e siècle, comme la plupart des capitales de cités, Genève devient le chef-lieu d'un diocèse, imposant espace qui englobera une zone allant de l'Aubonne au lac du Bourget et du Jura au Mont-Blanc. Le premier chef de ce diocèse attesté de façon sûre, l'évêque Isaac, était en fonction vers 400. © Helvetia Genevensis 2006 L’adoption du christianisme Des édifices religieux Une longue et fructueuse campagne de fouilles dans le temple de Saint-Pierre a révélé les vestiges d'une église de la fin du IVe siècle, accompagnée d'un baptistère et d'une salle d'apparat ornée de mosaïques. Vers 400, une seconde église fut élevée, formant avec la première une cathédrale double selon un modèle fréquent dans l'Antiquité tardive. L'ampleur et la qualité de ces restes, ainsi que d'autres indices, montrent que la ville a joui d'une période de prospérité à la fin de l'Empire. Durant le Ve siècle, d'autres sanctuaires sont bâtis: Notre-Dame-la-Neuve (nommée maintenant l'Auditoire), Saint-Germain et, un peu plus tard, la Madeleine. Tels qu'ils se présentent aujourd'hui, ces édifices sont le résultat de remaniements postérieurs. L'église Saint-Victor s'élevait à l'emplacement de l'église russe et présentait la particularité d'être une construction ronde. © Helvetia Genevensis 2006 Le Moyen-Âge Genève capitale burgonde En 443, une tribu germanique, les Burgondes, se fixe dans la région. Pendant trente ans, Genève abrite la capitale de leur royaume. Celui-ci est occupé par les Francs en 534 : Genève est incorporée à la monarchie mérovingienne, puis à l'Empire carolingien. La désagrégation de ce dernier, au IX e siècle, voit naître le Second royaume de Bourgogne, auquel Genève appartient. En 1032, cet Etat passe aux empereurs germaniques. En droit, Genève dépend désormais de l'Empire ; en fait, depuis le XI e siècle et jusqu'à la Réforme, elle est gouvernée par ses évêques devenus seigneurs de la ville. Genève reste une localité secondaire jusqu'à la fin du Moyen Age. Ses foires, qui atteignent leur plus grand essor au XV e siècle, lui donnent alors, et pour la première fois, une réputation internationale. Cependant, son indépendance est menacée par la Savoie, dont les princes s'efforceront, du XIII e au XVII e siècle, de s'emparer de la ville, sans y parvenir. Genève du 6ème au 10ème siècles Les siècles obscurs En 534, le royaume burgonde est absorbé par les Francs, Germains conquérants de la Gaule. Jusqu'à la fin du IX e siècle, Genève, la Savoie, la Suisse Romande sont rattachées au royaume franc, d'abord sous la dynastie des rois mérovingiens, puis sous les Carolingiens. Avec l'incorporation de Genève à la royauté franque débutent des siècles de silence qui privent de renseignements l'historien local. Ce n'est que par comparaison avec d'autres villes qu'on a une idée du sort de la nôtre. A partir du VIIe siècle, elle a dû partager la décadence générale des villes européennes, qui, dépeuplées, survivent au ralenti. Deux circonstances laissent penser que Genève ne descendit pas tout au bas de la pente: la vallée du Rhône, malgré la diminution des échanges, ne fut pas totalement abandonnée par le trafic, la présence d'un évêque et de son entourage maintint une activité économique et culturelle. Les évêques seigneurs de la ville de Genève Il est probable que, dès le VIIe ou le VIIIe siècle, les évêques sont devenus les vrais maîtres de Genève. Les rois ne gouvernent plus que théoriquement, car l'autorité publique s'est morcelée entre une infinité de petits chefs locaux. Dans les villes où réside un évêque, c'est lui, souvent, qui commande et joint le pouvoir politique à son pouvoir religieux. Quand l'empire proclamé en 800 par Charlemagne se disloque, un royaume se forme en Suisse Romande en 888, le second royaume de Bourgogne. Genève en fait partie, mais les rois confirment le pouvoir des évêques, si bien que ceux-ci, dès 1020, frappent des monnaies à leur nom, ce qui démontre le degré d'indépendance qu'ils ont atteint. Genève ville d’empire et lutte contre les comtes Genève ville d'Empire Le dernier des rois de Bourgogne, mort sans enfants en 1032, lègue ses possessions à © Helvetia Genevensis 2006 ils sont les détenteurs de trois châtellenies rurales. elles multiplient leurs activités industrielles et commerciales. il oblige le comte Aymon Ie à négocier. Dans l'accord de Seyssel de 1124. séparé de Genève par une distance plus grande. Elles puisent la main-d'œuvre nécessaire dans les campagnes. les évêques sont les seigneurs de la ville. la suprématie impériale. il en naît de nouvelles. est attestée à Genève en 1266. Bourdigny. à Genève. des maisons s'élèvent et forment une petite agglomération. laïques ou ecclésiastiques. ils reçurent l'appui de l'empereur Frédéric I. mais aussi des pays voisins comme la Suisse. Genthod et Céligny. n'est guère plus que nominale. Peissy et Peney . un «bourg». Construit le long de la voie marchande à proximité de la porte de la ville. Comme pour les autres édifices religieux. La présence d'un couvent de cordeliers. il échappera à celle-ci au XVI e siècle. ils eurent à se défendre contre une nouvelle famille de comtes de Genève. mais ceux-ci résistèrent avec acharnement. Lutte contre les comtes Depuis le milieu du XI e siècle. le plus souvent autour d'un marché. les comtes se sont rendus de plus en plus autonomes. Hors de l'enceinte réduite de la fin de l'Antiquité. gèrent à leur guise les terres de leur comté. Dans toute l'Europe. souverain du Saint Empire romain germanique. l'essor des © Helvetia Genevensis 2006 . les évêques agrandissent leurs propriétés. Pour répondre à la demande. en annexent d'autres. Ces dispositions les protégeaient contre les attaques des seigneurs laïques. Les terres de Peney et Jussy ont formé le noyau du territoire campagnard genevois. avait pour villages principaux Satigny. Aymon rend les droits enlevés à l'évêque et lui abandonne entièrement le gouvernement de la ville. Ce réveil est dû vraisemblablement à un développement antérieur de l'agriculture et à une augmentation de la population rurale. les empereurs placent sous leur souveraineté des régions qui vont de la Suisse romande à la Méditerranée. Humbert de Grammont. qui régna de 1152 à 1190. Genève recommence à grandir. Les évêques risquent d'être dépossédés de leur autorité civile. enraye les projets des comtes. Au XII e siècle. Les comtes réussissent à s'introduire dans Genève. fondé en 962. dit Barberousse. Après quelque temps. les villes sortent de leur sommeil aux Xl e et XII e siècles. L'émigration rurale vers les villes commence. A l'origine fonctionnaires royaux. La renaissance urbaine Genève recommence à grandir Après des siècles de déclin. Le pouvoir réel est assuré par des seigneurs locaux. On l'a vu. Un évêque décidé. En plus de la ville. Peney. deux autres villages de l'évêque. Quant au mandement de Sallaz ou de Thiez dans le Faucigny. Il accorda la garantie impériale aux possessions des évêques et leur reconnut la qualité de princes immédiats de l'Empire. L'élan parti des campagnes gagne les villes. L'enceinte est agrandie pour entourer les bourgs. Giraud. une fusion s'opère. bien lointaine.l'empereur Conrad II. île couvent occupe une position stratégique dans la cité. appelées le plus souvent mandements: Peney. qui a gardé pour lui seul aujourd'hui le nom de mandement. Soutenu par le pape. furent rattachés administrativement à ce mandement. Ils construisent un château au débouché de la rue de l'Hôtel-de-Ville sur le Bourg-de-Four. Néanmoins. Héritiers des rois de Bourgogne. Toutefois. Jussy et Sallaz. les comtes poursuivirent une offensive longue d'un siècle contre les évêques. le premier des nouveaux comtes. Les anciennes progressent. ou franciscains. se crée un domaine dans le diocèse de Genève et le Pays de Vaud. qui comprend non seulement l'Allemagne. doit son nom à cette réunion routière. Deux autres chemins. qui dura jusque peu avant 1250. Les autres églises restaient dans la dépendance de l'église mère. particularité de l'architecture franciscaine. endroit qui avait été laissé en dehors des murailles antiques. «Bourg-de-Four» signifie bourg du marché ( forum en latin). Une campagne de fortification eut lieu au XII e siècle. Abandonnée au début du Moyen Age. Le développement des villes eut des conséquences sur leur organisation religieuse. et le transport continuait par voie terrestre. Elle gagnait ensuite Genève par Frangy et Chaumont. La route principale venant de la Provence et de Lyon suivait la rive gauche du Rhône jusqu'à Seyssel. Cette place retrouve. deux couvents avaient été fondés près de la ville: la très vieille église Saint-Victor fut transformée en prieuré clunisien peu après l'an 1000 . un autre espace fut bâti en descendant vers le lac. Le Bourg-de-Four L'extension de Genève correspond à ce schéma. Des ateliers d'artisans s'ouvrent autour de la place et ses environs. Cette opération donna à l'intérieur du sanctuaire l'aspect général que nous lui connaissons. s'élevait le cloître. se trouvait une grande place dite "place des prédications". Au XII e siècle. Carouge. y parvenaient aussi: la route de la vallée de l'Arve par Chêne et la route de la rive gauche du lac qui conduisait dans le Valais et au col du Grand-Saint-Bernard. La renaissance du commerce avait ranimé le port de Genève . les bâtiments conventuels. Les barques s'arrêtaient à Seyssel. Devant. commença la reconstruction de la cathédrale Saint-Pierre. Pour Genève. cette route rencontrait celle qui venait d'Italie par les cols du Petit-Saint-Bernard et du Mont-Cenis et qui passait par Annecy. Les marchandises transportées par eau prenaient d'ordinaire le même chemin. moins importants. elles avaient formé qu'une seule paroisse ayant pour centre la cathédrale. du latin « quadruvium ». la fonction qu'elle avait eue dès l'époque celtique. celle d'un marché.foires fut particulièrement favorable à son développement et à son enrichissement. Là convergent les itinéraires qui rejoignent Genève. A côté de l'église avec ses nombreuses chapelles. Après avoir franchi l'Arve par un pont. L'expansion commence au Bourg-de-Four. la route du sud se terminait au Bourg-de-Four. L'extension urbaine entraîna le découpage de la paroisse unique en plusieurs unités. La plupart des autres bâtiments furent détruits à la Réforme. Le Bourg-de-Four est un nœud routier. au bord du Rhône. des vignes et des jardins. qui baignait encore les Rues-Basses. Si l'on voulait continuer son voyage. sous l'évêque Arducius de Faucigny. carrefour. au XI e siècle. La ville s'étendit ensuite du côté du lac Léman. © Helvetia Genevensis 2006 . qui fut dotée d'un toit à la fin du XVe siècle et qui servira après la Réforme à abriter le bois de la Seigneurie. On vit grand. c'est le banquier florentin Sassetti qui finança les somptueuses stalles de l'église. à cause des obstacles naturels qui rendaient la navigation impossible en amont. on empruntait la rue de l'Hôtel-deVille et la Grand-Rue. La localisation du marché à cet endroit s'explique facilement. A Carouge. pour arriver au pont du Rhône qui menait vers la Suisse et l'Allemagne par la rive droite. l'église Saint-Jean accueillit un prieuré au début du XIIe siècle. Ainsi. elle reprend ce rôle lors du renouveau urbain. Vers 1180. Les nouveaux murs furent édifiés au-delà de l'espace construit et inclurent des champs. les jardins et les dépendances. on peut évaluer la population à deux mille ou trois mille habitants. sur la rive droite. sept paroisses se constituèrent du XI e au XIII e siècle. En outre. Pendant longtemps. La nouvelle enceinte Les bourgs se fondirent avec la ville ancienne par l'agrandissement de l'enceinte romaine. La surface de la partie enclose mesurait près du triple de la superficie ancienne. © Helvetia Genevensis 2006 . Assez brusquement. Une clientèle plus étendue. Si les Italiens ont disparu. En 1480. de fréquenter les foires de Genève et prend diverses mesures pour favoriser ceux qui se rendent à Lyon. ces foires se mettent à recevoir des marchands et des hommes d'affaires venus de loin. mais encore régionale.Les foires genevoises Une renommée internationale au XIIIe Le XIIIe siècle est marqué par trois facteurs nouveaux qui auront une influence durable sur l'histoire genevoise : l'essor des foires. une renommée internationale grâce à son rôle dans l'économie. Allemands. L'opération réussit. Le déclin des foires genevoises Après l'apogée du milieu du XV e siècle. l'ingérence savoyarde et les débuts de la commune. sous peine de représailles. déclin n'est pas mort. les foires ont encore fière allure. Toutefois. les clientèles allemande et suisse sont restées fidèles. les foires subissent un recul sensible. les artisans du XV e siècle travaillent presque exclusivement pour des clients locaux. la part des produits genevois est dérisoire. les Medici de Florence. Genève fait exception. qui étaient l'élément moteur du commerce et de la banque à Genève. pour la première fois. la quittent peu à peu pour s'établir à Lyon. des foires se tenaient quelques jours par an. Un autre coup leur est porté par le roi de France Louis XI. En 1462. Sur ce plan. Les plus grands banquiers du temps. Les foires font connaître le nom de Genève en Europe. au XVI e siècle. Français. une capitale religieuse. accourait à cette occasion. dans ce négoce international. qui veut faire profiter Lyon des avantages que Genève retire de ses foires. Genève eut. les Italiens sont les meilleurs négociants de cette époque. pourtant. y ouvrent une succursale en 1424. Il y avait quatre foires principales dans l'année . semble-t-il. Les Italiens. en particulier d'Italie . Tous les indices prouvent la montée ininterrompue des foires au cours du XIV e et de la première moitié du XV e siècle. Genève prend rang parmi les grandes cités bancaires. Des changements survenus dans les courants commerciaux internationaux sont la première raison de ce déclin. etc. Elles sont à leur apogée au milieu de ce siècle. Suisses. Genève est alors un des principaux lieux d'échanges de marchandises en Suisse et en Europe. Le volume des échanges et du trafic bancaire est sensiblement diminué. chacune durait dix jours. il n'existe pas encore d'industrie d'exportation . A côté du commerce s'exerce une activité financière intense . déjà. A côté des marchés qui servaient aux échanges locaux. L'apogée des foires aux XIVe et XVe La conjoncture économique générale est dominée par la récession. Néerlandais. Avant d'être. il défend aux marchands français et étrangers. Il faut remarquer que. pendant lesquels la ville prenait l'allure d'un caravansérail où se côtoyaient des gens venus de partout: Italiens. Entre 1344 et 1364. le comte Amédée V occupe la ville. l'évêque doit céder au comte la charge de vidomne. ils affaiblissaient celui-ci. chefs de la commune. De plus. il est appuyé par les comtes de Savoie. A cette fin. Piémont) : la Savoie gardera le château de l'Ile. Au mépris des droits de l'évêque. l'ingérence savoyarde et les débuts de la commune. Les progrès de la commune (XIVe et XVe) Au XIV e siècle vit grandir la sphère d'intervention de la commune. son passage aux mains de la commune prouve le © Helvetia Genevensis 2006 . La naissance de la commune. Au Xlll e siècle. La première mention d'un mouvement collectif des habitants remonte à 1263. les syndics obtinrent le droit d'exercer la justice pénale . Pendant plus de trois siècles. Cette classe supportait mal la forme seigneuriale du gouvernement urbain. Il fallut un siège de quatorze mois pour que les troupes du comte fissent capituler le château. Voilà donc ceux-ci solidement établis à Genève. bien fortifiée. elle se donna une organisation révolutionnaire. En 1309. la commune. la maison des comtes de Savoie est riche de possessions sur les deux versants des Alpes. il n'en reste aujourd'hui que le donjon. Les efforts violents des citadins pour faire triompher leurs revendications durèrent un demisiècle. Le progrès des villes depuis le XI e siècle avait engendré une classe de commerçants et d'artisans. En 1290. succédant à l'évêque. l'évêque Aymon de Grandson avait construit un puissant château protégeant le pont du Rhône .L’ingérence savoyarde Née au XI e siècle. Au début du XIII e siècle. en pleine croissance économique. la commune saisira le gouvernement de la cité. A la Réforme. peuplée. Les comtes s'intéressent de plus en plus à Genève. la Tour de l'Ile. Au commencement. La première offensive Une première offensive se déroule de 1285 à 1290. les syndics. Comme la justice pénale est un des privilèges fondamentaux du pouvoir seigneurial. ses institutions deviendront celles de la République protestante jusqu'à la fin de l'Ancien Régime en 1792. est celle dont les conséquences furent les plus profondes. la ville conviendrait merveilleusement pour servir de capitale au comté de Savoie. En outre. La période de la commune La naissance de la commune (XIIIe-XIVe) Le XIII e siècle est marqué par trois facteurs nouveaux qui auront une influence durable sur l'histoire genevoise : l'essor des foires. l'évêque Aymon de Quart dut reconnaître l'existence légale de la commune et lui permettre de participer à l'administration de la ville. elle se rend maîtresse du Pays de Vaud. les convoitises savoyardes vont menacer Genève. les fonctions de châtelain de l'Ile et de vidomne furent réunies et confiées au même homme. L'apparition de celle-ci à Genève est tardive par comparaison avec beaucoup d'autres villes. En aidant les citadins en conflit avec l'évêque. fonctionnaire qui juge les procès civils entre les particuliers et mène l'instruction des affaires pénales. Le chemin le plus court entre la Savoie et Vaud passe par Genève et le pont du Rhône. jugent les affaires criminelles. Jusqu'à la suppression du vidomnat en 1528. Elle entama la lutte pour arracher sa part dans les affaires publiques. l'évêque Guillaume de Conflans fut contraint de reconnaître le fait accompli dans un traité conclu à Asti (Italie. La révolution communale genevoise avait réussi. dorénavant. un vassal des comtes de Savoie. Les pâtés de maisons qu'on bâtit progressivement furent séparés par les trois places de Longemalle. du Molard et de la Fusterie. Les crises du XIVe siècle Les progrès de la commune se déroulaient au moment où le monde occidental souffrait d'une crise à une extrême gravité. le Conseil général reste l'autorité suprême. La peur des grandes compagnies de soldats brigands qui sévissaient dans la vallée du Rhône poussa les évêques Alamand de Saint-Jeoire et Guillaume de Marcossey à reconstruire une enceinte plus solide de 1364 à 1376. une charte de franchises qui confirme solennellement ses droits. qui ressemblait aux «Landsgemeinden» suisses. Expression matérielle encore vivante de sa force. l'omniprésence de la mort eurent des répercussions dramatiques sur tous les aspects de la vie et de la mentalité des gens. au XV e siècle. Dorénavant. © Helvetia Genevensis 2006 . La dépopulation. à tel point que les évêques lui prêtent serment d'observer les franchises . L'évêque Adhémar Fabri lui octroie. l'imposante Tour Baudet qu'elle fit bâtir à partir de 1455. Les syndics s'entouraient de conseillers variant en nombre de douze à vingt. surtout. Le Conseil général élisait les quatre syndics. On gagna du terrain en mordant sur le lac et le rivage recula des Rues-Basses à la rue du Rhône. en 1387. furent les plus terribles. par des épidémies de peste. la commune. Cette organisation communale genevoise a une originalité: le maintien de sa base populaire représentée par le Conseil général. chacune débouchant sur un port. En 1309. celles du XIV e siècle.degré de puissance auquel celle-ci est parvenue. Les premières vagues. et était fréquemment consulté sur les questions les plus diverses. la surface intérieure de la ville n'augmentera plus jusqu'à la démolition des fortifications dès 1849. Cette maladie avait disparu de l'Europe depuis cinq ou six siècles. La base de l'organisation communale était le Conseil général. elle. la domination réelle dans la cité appartient à la commune. même si Genève reste juridiquement une principauté sur laquelle règne un évêque. qui constituaient le Petit Conseil. Sur la rive gauche. Il fut assailli par des famines et des guerres et. La population croit fortement Le développement urbain Le succès des foires eut des répercussions sur la topographie et la population. l'évêque Aymon de Quart. L'Europe occidentale perdit la moitié de sa population en cinquante ou soixante ans. C'était une assemblée à laquelle assistaient alors non seulement les bourgeois qui avaient reçu le droit de bourgeoisie leur garantissant des avantages économiques. Cette proportion est la même pour la région genevoise. A Genève. mais aussi les simples habitants. elle fait un retour foudroyant à partir de 1347 et s'installe jusqu'au XVII e siècle. la primauté est accaparée par des conseils restreints. où siège de nos jours le gouvernement genevois. magistrats annuels dirigeant la commune. Venue d'Orient. demanda aux citoyens de construire une halle aux marchandises. ne prête serment à personne. La plupart des autres villes adoptent assez rapidement un régime plus aristocratique. Les murs enfermèrent les quartiers récents. Le Bourg-deFour et la haute ville ne suffisaient plus à la foule des négociants et à l'abondance des marchandises. en contrepartie de la reconnaissance accordée à la commune. Ce bâtiment fut érigé au Molard. Jean de Rochetaillée. aucun d'eux ne fut plus autorisé à séjourner durablement à Genève. à la Corraterie. La vague d'antisémitisme qui déferla sur l'Europe à la fin du Moyen Age n'épargna pas Genève. Jean de Bertrand. En revanche. mais vivent du petit négoce. à Rive. car les naissances n'y compensent qu'à peine les décès. François de Metz (Metz près d'Annecy) s'efforcent de faire appliquer dans leur diocèse les règles de réforme ecclésiastique préconisées par les conciles de Constance et de Bâle. Saint-Germain et Saint-Gervais. l'augmentation du nombre d'habitants dépend de l'immigration. les juifs furent relégués dans un ghetto situé au Grand-Mézel. les immigrants sont avant tout des gens des environs immédiats et de la Savoie. En 1428. les fenêtres. Jusqu'à la Révolution. A cette date. Dès lors. après la Réforme. En 1457. le Genevois le plus cossu. la rue de Coutance est bâtie. l'évêché a à sa tête des hommes d'envergure. Dès 1424. celui des Ermites de Saint-Augustin. Elle avait été © Helvetia Genevensis 2006 . où l'on trouve les habitants les plus riches. Aux monastères du haut Moyen Age étaient venus s'ajouter. puis viennent les Français. Elle ne sera dépassée par Zurich qu'au milieu du XIX e siècle. les faubourgs grossissent. les toitures. leur maison servit. Ils ne participent pas aux grandes affaires. Les nouveaux citadins sont attirés par les occasions de travail que fournit la prospérité de Genève et par les bons salaires. En ce qui concerne leur provenance. Les Italiens forment une petite colonie. les couvents des Dominicains. notamment Plainpalais le long de la route de Carouge. les escaliers. Dans toutes les villes anciennes. Les arts s'épanouissent Au Moyen Age. les arts s'épanouissent au XV e siècle. bel exemple de gothique tardif. Le monument le plus intéressant est la chapelle Notre-Dame ou des Macchabées accolée à la cathédrale Saint-Pierre. des Bourguignons surtout. à l'Hôpital général avant de devenir le Palais de justice. Ils furent expulsés en 1490 par une décision communale. qui paie le double de ce que verse François de Versonnex. Des Clarisses s'installèrent au Bourg-de-Four en 1476 .La population genevoise Conséquence de la prospérité. Religion et culture La religion Dans la première moitié du XV e siècle. mais c'est Saint-Gervais qui grandit le plus. En conséquence. le plus gros contribuable est un Génois. Un ultime couvent. et des Franciscains. les lettres et les sciences genevoises sont pauvres. des règles sont fixées sur la hauteur des maisons. l'opération est planifiée: les parcelles ont toutes la même surface. Le nombre d'habitants à Genève s'élève rapidement et dépassera les dix mille avant le milieu du XV e siècle. la plupart des villes européennes les ont déjà bannis. la population croît fortement. se fixa en 1480 près du pont sur l'Arve. Notre-Dame-la-Neuve. d'ailleurs. Les lotissements ne sont pas laissés au hasard . terminée avant 1406. L'aisance permet de reconstruire quatre églises paroissiales: la Madeleine. Les pertes humaines dues aux épidémies rendent la main-d'œuvre rare et bien payée. Genève est la ville la plus peuplée de la Suisse actuelle. dans la deuxième moitié du XIII e siècle. On remarque aussi un groupe de juifs. Aux XIV e et XV e siècles. qui parvinrent à convaincre les souverains pontifes de leur désir de ne rien changer à leur statut politique. élut l'ex-duc comme pape dissident en 1439 . La maison de Savoie Au XIV e siècle. à des ambassadeurs suisses: « Les syndics. Ces projets furent annihilés par les évêques et la commune. d'innombrables sculptures et peintures religieuses furent détruites. cinq des évêques et seigneurs de Genève furent des membres de la maison de Savoie. citoyens et bourgeois ont à obéir aux ordres du duc. ils se contentent de moyens diplomatiques en tentant de se faire céder par le pape la seigneurie de Genève. A la Réforme. Cette évolution paraît d'autant plus probable que la commune résistante du premier XV e siècle est devenue collaborationniste. malgré quelques sursauts. La politique des autorités communales à l'égard de la Savoie est illustrée par une déclaration du syndic Pierre Braset. Genève et les suisses L'aide des cantons suisses de Fribourg et Berne Au moment où la liberté semblait perdue. le sort de Genève paraît réglé. La célèbre "Pêche miraculeuse". Quand un duc le jugera bon. Les quatre autres étaient issus de familles nobles vassales des ducs. Félix abdiqua la papauté en 1449. non sans avoir reçu du pape Nicolas V un privilège permettant aux ducs de Savoie de désigner dorénavant les évêques dans leur Etat.fondée par le cardinal Jean de Brogny. en lutte avec le pape. Leur succès profita aux villes du Plateau suisse. gros producteurs d'étoffes de laine. © Helvetia Genevensis 2006 . de 1451 à la Réforme. près de Thonon. des mariages les unissent à la noblesse du duché. se fait adjuger son héritage. En conséquence. les relations de Genève avec les Suisses furent étroitement liées aux foires. de 1423 à 1426. En 1444. de Konrad Witz . Le péril savoyard Le péril savoyard va prendre une autre forme à la suite de circonstances insolites. en 1482. Ils tâchent d'en obtenir la possession complète. vacant par la mort de François de Metz.est une des seules œuvres conservée. qui écoulaient leurs produits sur l'ample marché genevois. après la mort du dernier comte de Genève. Les familles dirigeantes entretiennent des liens étroits avec la Savoie. A l'origine. Cet encerclement renforce la pression des princes savoyards sur Genève. qui correspondait à la grandeur qu'avait atteinte l'Etat savoyard. il écartera l'évêque et l'incorporera à son Etat. Amédée de Savoie devint Félix V. y compris à Genève. il s'attribua l'évêché de Genève. auquel ils ne veulent déplaire en aucune manière ». Ce premier duc se retira en 1434 dans la maison religieuse qu'il avait fondée à Ripaille. La circulation des hommes et des marchandises résultant des foires était aussi avantageuse pour les cantons. Tel était le cas des Fribourgeois.gloire du Musée d'Art et d'histoire de Genève . Elle l'est complètement en 1401 quand le comte de Savoie Amédée VIII. Genève sera sauvée grâce à l'aide de deux cantons suisses. Le concile de Bâle (1431-1449). originaire du diocèse et évêque de Genève. terre d'Eglise puisqu'elle appartient à un évêque. l'empereur Sigismond avait accordé à Amédée VIII le titre de duc. Fribourg et Berne. En 1416. Selon les apparences. la Savoie avait occupé le Faucigny et le Pays de Gex: Genève était presque cernée. Parfois même. La révolution du premier tiers du XVIe siècle Les événements du premier tiers du XVI e siècle font de cette période une phase capitale de l'histoire de Genève. alliée de Charles le Téméraire. les deux cantons les plus à l'Ouest. clef de la Suisse ». qui poursuivait une politique territoriale ambitieuse. elle s'organisa en république indépendante de tout seigneur. l'évêque Jean-Louis rechercha l'amitié des cantons suisses. Les Confédérés renoncèrent à l'assaillir. Comme Genève avait alors pour évêque Jean-Louis de Savoie. Durant les guerres de Bourgogne Les guerres de Bourgogne furent la première étape de cette poussée. © Helvetia Genevensis 2006 . Il conclut une alliance. Elle constitue le premier acte officiel scellé entre Genève et des cantons. le bassin de Genève. la ville leur dépêcha des envoyés afin de les détourner de leur dessein. La combourgeoisie n'était que temporaire et s'éteignit en 1482 à la mort de Jean-Louis.D'autre part. duc de Bourgogne. La guerre finie. C'était aussi le signe que Fribourg et Berne avaient reconnu l'importance stratégique de Genève pour leur sécurité. Fribourg et Berne. elle fut considérée comme ennemie par les Confédérés. Berne. fut victime des hostilités déclenchées en 1474. La Savoie. prit comme objectif la conquête du Plateau jusqu'à sa frontière naturelle du côté sud-ouest. en 1477. admettaient mal la présence savoyarde dans le Pays de Vaud. avec Berne et Fribourg. ou combourgeoisie. Une expression frappante prononcée pour la première fois en 1476 énonce bien cette idée: « Genève. elle adopta la Réforme. Son avenir s'y joua: la ville échappa à la Savoie. Gagnée par la peur qu'inspiraient les terribles guerriers suisses. qui avaient occupé le Pays de Vaud et s'apprêtaient à l'attaquer. Elle sera souvent employée par la suite comme argument pour faire entrer la ville dans la Confédération suisse. mais au prix d'une énorme rançon. ils le savent bien. Le détail des agressions commises par Charles Il est trop long à raconter. Tout naturellement. Le chef de la résistance est Besançon Hugues . Seuls. dira Philibert Berthelier. Tout naturellement. avec lesquels certains sont en rapport d'affaires. Le héros martyr Philibert Berthelier était né à Virieu-le-Grand. La classe dirigeant la commune est une aristocratie bourgeoise. ils succomberont devant la puissance ducale. Son but sera de faire passer sous sa souveraineté cet îlot resté autonome. Qui sont-ils ? Beaucoup sont des Genevois de toute fraîche date. La classe dirigeant la commune est une aristocratie bourgeoise. Ils se distinguent aussi par leur rang social. Cette forme d'Etat leur garantit la participation politique comme citoyens. A cette époque. son père ne s'est fixé à Genève qu'après 1470. Ils se distinguent aussi par leur rang social. Cette annexion aurait été normale. beaucoup de villes-Etats semblables à Genève perdent leur autonomie. Qui sont-ils ? Beaucoup sont des Genevois de toute fraîche date. Le premier en date des résistants. Moins encore que ses ancêtres. le syndic Pierre Lévrier. Ils refusent l'absorption dans la monarchie savoyarde au nom d'un idéal républicain. Dans les cantons fleurit la liberté à laquelle ils aspirent. elle. faisons-nous Suisses et changeons notre ville en un canton de leur pays». sauvera sa liberté. condition supérieure à celle de sujets d'un royaume ou d'une seigneurie. Le héros martyr Philibert Berthelier était né à Virieu-le-Grand. leurs sympathies les rapprochent des Suisses. Elles sont absorbées par les Etats centralisateurs modernes. en quelque sorte. au moins en droit. c'est que la passivité pro-savoyarde de la commune est secouée par des hommes courageux qui se battront pour une Genève libre. son père ne s'est fixé à Genève qu'après 1470. dans le Bugey savoyard. L'important. Les défenseurs de l'autonomie appartiennent à la classe moyenne des marchands et des artisans. Les défenseurs de l'autonomie appartiennent à la classe moyenne des marchands et des artisans. L'important. si nombreux au Moyen Age. C'est auprès d'eux qu'ils chercheront l'aide indispensable. était né en Savoie. « Si le duc veut nous attaquer. dira Philibert Berthelier. Genève. © Helvetia Genevensis 2006 . Dans les cantons fleurit la liberté à laquelle ils aspirent. était né en Savoie. Cette forme d'Etat leur garantit la participation politique comme citoyens. il ne peut tolérer la situation de Genève. Le chef de la résistance est Besançon Hugues . Seuls. C'est auprès d'eux qu'ils chercheront l'aide indispensable. ils le savent bien. leurs sympathies les rapprochent des Suisses. le syndic Pierre Lévrier. faisons-nous Suisses et changeons notre ville en un canton de leur pays». dans le Bugey savoyard. « Si le duc veut nous attaquer. avec lesquels certains sont en rapport d'affaires.L’époque moderne La résistance contre la Savoie Charles II Charles II. Ils refusent l'absorption dans la monarchie savoyarde au nom d'un idéal républicain. condition supérieure à celle de sujets d'un royaume ou d'une seigneurie. réalise l'unification de son Etat en supprimant les particularismes locaux. ils succomberont devant la puissance ducale. duc de Savoie en 1504. Le premier en date des résistants. c'est que la passivité pro-savoyarde de la commune est secouée par des hommes courageux qui se battront pour une Genève libre. Une Genève libre Le détail des agressions commises par Charles Il est trop long à raconter. le duc se rangea du côté de l'empereur. Berne et Fribourg est scellée . deux camps ennemis s'affrontent: d'un côté. tenants de la Savoie. déguisée en protectorat. A présent. Or la Savoie était l'alliée du roi François I. En février 1526. et ils n'ont pas le droit de conclure des traités ». partisans de la liberté et de l'alliance avec les Confédérés (Eidgenossen). La portée de la combourgeoisie de 1526 est immense. Pour leur part. Il presse les cantons de faire annuler la combourgeoisie. Fribourg s'incline. © Helvetia Genevensis 2006 . elle aurait vivoté à l'arrière-plan de l'histoire. Charles Il veut faire sentir sa force aux rebelles. sûr que son rêve est réalisé. le cours des événements se renverse et la liberté de la cité est définitivement établie grâce à un pacte avec Fribourg et Berne. qui est décapité le 23 août 1519 devant le château de l'Ile. la combourgeoisie entre Genève. Une combourgeoisie avec Fribourg est acceptée par le Conseil général. Elle n'aurait pas accueilli la Réforme et Calvin . Sans elle. les Eidguenots. ils réussirent à convaincre Berne de se joindre à Fribourg. Berne n'avait plus à le ménager. Les Mammelus usent de l'argument pacifiste: «N'aimeriez-vous pas mieux être à Monseigneur le duc. Le lendemain. Ils y parvinrent. en 1525. ceux que les Eidguenots désignent par le sobriquet injurieux de Mammelus. en guerre avec l'empereur Charles Quint. Disputes et bagarres mettent la ville en effervescence. « Les Genevois sont mes sujets. chrétiens passés à l'islam. ordonne l'arrestation et l'exécution de Berthelier. Il ne se doute pas qu'aucun duc de Savoie ne remettra jamais plus le pied à Genève. en quelques semaines. la puissante république avait hésité à soutenir Genève. les deux autres doivent lui porter secours. Il occupe Genève avec une armée. Elle était retenue par sa diplomatie. Le contenu du pacte est simple. Les Mammelus De 1519 à 1525. elle est confirmée par le Conseil général le 25 février. C'est l'annexion.L'alliance avec les Confédérés Un premier pas est accompli en 1519. Genève serait devenue savoyarde. les Mammelus l'emportent dans les conseils. Surtout. qui est si bon prince. lors du Conseil général dit des Hallebardes (parce que des hallebardiers savoyards surveillent l'assemblée). dont l'amitié avec la France était la base. elle pouvait se lier à Genève. Berne n'osait rien entreprendre contre lui de peur de mécontenter la France. de l'autre. les familles prosavoyardes commencent à émigrer. les principaux Eidguenots craignant pour leur vie avaient fui à Fribourg et entamé des pourparlers avec les autorités de cette cité pour conclure un nouveau traité. Jusque-là. plutôt qu'aux Suisses. qui ne sont que canailles et contraignent les gens à aller à la guerre ?» Les Mammelus triomphent: le 10 décembre 1525. Comment s'explique ce revirement ? En automne 1525. L'évêque Jean de Savoie. Mais. La combourgeoisie de 1526 La combourgeoisie avec Berne et Fribourg Trop confiant. Charles Il réagit. son cousin. Par un extraordinaire coup de théâtre. prétend le duc. Si l'une des villes est attaquée. étaient traîtres à la foi chrétienne. Charles Il a quitté Genève tôt après le Conseil des Hallebardes. Il s'agit d'un traité d'assistance mutuelle. les Eidguenots continuent leur propagande en faveur de l'indépendance et de l'alliance suisse. traîtres à leur patrie comme les mamelouks. ville de second ordre. les citoyens sont obligés de reconnaître Charles Il comme « leur protecteur en souveraine protection ». Placée dans le même camp que le duc. le Conseil des Deux-Cents estima qu'il ne fallait pas laisser les syndics élire seuls leurs conseillers . année décisive. transférés à un Grand Conseil de deux cents membres. Au commencement des années 1530. la bourgeoisie des villes acceptait de plus en plus mal l'Eglise romaine qui tardait à corriger des abus dénoncés depuis longtemps. la politique étrangère étant du ressort du seigneur. Dès 1527. Souvent. qui étaient de bons marchands ! » Le conseil des deux-cent Dans le cours de 1526. Les raisons de cette conversion sont complexes. A Berne et à Fribourg. de même qu'à ses intérêts matériels. Dès l'origine.Le pouvoir à la commune La sécurité extérieure assurée. Depuis le XV e siècle. le courant se développe sous l'influence de prédicateurs de talent. L'imitation de ce modèle helvétique joua certainement. les esprits des citadins se laissaient assez facilement convaincre de la justesse de la foi nouvelle. les réformés sortent de la clandestinité et organisent un sermon public prêché sur la place du Molard par Antoine Froment. l'assemblée générale des citoyens avait perdu ses pouvoirs. la commune administre la justice civile . Pendant longtemps. Les contemporains ne nous ont pas laissé d'explication de cette création. les adeptes de la nouvelle foi protestante restent peu nombreux. des marchands allemands propagent les idées de la Réforme intitiée par Martin Luther parmi quelques commerçants genevois. © Helvetia Genevensis 2006 . qui ont adopté la Réforme en 1528. Sinon. bien qu'il lui retire une partie de son influence. Durant cette même année. la majorité de la classe dirigeante passera à la Réforme. Le jour de l'an 1533. dépossède le prince-évêque des droits qui lui restent: il régnera. Pierre de La Baume. A partir de 1530. Contentez-vous d'être ce que vous étiez et de vivre comme vos parents. mais ne gouvernera pas. le Conseil des DeuxCents. Quelle fût la réaction de l'évêque. Ce Dauphinois peut exercer ses capacités de convertisseur grâce à la protection des Bernois. Il devient leur missionnaire en terre romande. Cette assemblée est l'ancêtre du Grand Conseil genevois comme le Petit Conseil est celui du Conseil d'Etat. La Baume se bornera à des protestations verbales ou à des admonestations comme dans cette lettre de 1532 où se lit le mépris du noble pour les bourgeois: « Je pense que vous croyez être les princes. seule la réaction vigoureuse des autorités municipales ou des princes voisins permit au catholicisme de se maintenir dans les villes. on se souvient qu'elle détenait la justice pénale au moins depuis 1364. apparaît un nouvel organe. Cette cooptation réciproque des deux conseils resta une des bases de la constitution Les débuts de la réforme Les mobiles de la conversion Dès 1526. depuis 1522. l'aile la plus énergique des Eidguenots vainqueurs. La combourgeoisie était déjà un acte de rébellion. membre d'une grande famille noble vassale de la Savoie ? Il eût fallu un homme d'Etat exceptionnel pour faire face à une situation aussi épineuse. les membres des Deux-Cents furent choisis par les syndics et le Petit Conseil. L'enseignement de Martin Luther correspondait mieux à ses aspirations religieuses. dont Guillaume Farel. il s'attribua le choix des membres du Petit Conseil. qui était. Mettons en tête les motifs religieux. Mais le nouveau conseil n'abolit pas le Conseil général. ceux qu'on nomme les «communautaires». la plus grande partie de la population adhère à la Réforme. qui prièrent les Genevois de bien vouloir les accepter comme souverains. le Conseil général confirme l'adoption de la Réforme. En 1530. Si les catholiques espèrent beaucoup de sa présence pour résister au courant réformé. La raison politique imposait d'opter pour Berne. Le plus souvent. ils n'ont plus d'existence légale. Durant cette année 1534. au XVIIe et. Tout naturellement. car. mais cette ratification est de pure forme . il s'est rangé du côté du duc. En 1528. des soldats bernois. Le choix à opérer entre Fribourg et Berne Une seconde cause politique du changement de religion fut le choix à opérer entre Fribourg et Berne. ils sont déçus cruellement. au XVIIIe siècle à mesure que l'économie genevoise réclamera davantage de main-d'œuvre. une armée savoyarde va donner l'assaut . La cause de la liberté politique et celle de la Réforme se confondent. ils exerceront les tâches les plus humbles. En juillet 1533. une fois de plus. Les catholiques émigrent ou se terrent . Berne et Fribourg auront le droit de l'occuper. Charles doit négocier. Apeuré. Genève en offre un bon exemple. On appelle Berne à la rescousse. après des atermoiements. la ville est menacée. le Pays de Gex. La Savoie éliminée et le territoire de Genève La fin du cauchemar savoyard L'année 1536 reste néanmoins fameuse. Il pourchasse les réformés dans son Etat. Un traité l'oblige à mettre en gage le Pays de Vaud . Les Fribourgeois défendent l'ancien culte et incitent les magistrats à proscrire les prêcheurs réformés. infiniment plus puissante. il ne rentrera plus. elle déclare la guerre à Charles Il. Aussi les Fribourgeois dénoncèrent-ils la combourgeoisie en mars 1534. Genève avait été sauvée grâce aux Bernois. une association se produit dans l'esprit des Genevois entre l'ennemi politique qu'est Charles Il et sa défense du catholicisme. les gentilshommes dits de la Cuiller. Le 21 mai 1536. il réapparaît après une longue absence. C'est le signe du passage de Genève à la Réforme. le duc reste inébranlablement attaché à la foi catholique. Charles Il cherche à reconquérir la ville. le Conseil des Deux-Cents suspend la messe. Le 16 janvier 1536. Ils seront tolérés. Mais toutes sortes d'escarmouches prouvent qu'il n'a nullement renoncé à Genève. L'attitude de l'évêque pousse à la même réaction. à cette date. Tout d'abord. Cela signifie qu'ils se considèrent comme souverains: les autorités communales se sont élevées au rang de gouvernement d'un Etat. la bloquent et ravagent les environs. Le 10 août 1535. Après 1526. plus encore. il était hors de question de revenir en arrière. Les Conseils répondirent qu'ils n'avaient pas combattu pendant vingt ans pour devenir les sujets de qui que ce soit! Berne n'insista pas. elle supprime le cauchemar savoyard. En 1535. s'il attaque de nouveau Genève. des raisons politiques renforcèrent les motifs religieux. les Conseils proclament vacant le siège de l'évêque et frappent des monnaies à leur nom. seront domestiques ou manœuvres. ses vassaux. L'année suivante. à qui Berne exige qu'on laisse la pleine liberté d'expression. Par mesure de sécurité. le Chablais jusqu'à la Dranse. Une campagne éclair lui livre le Pays de Vaud. fribourgeois et soleurois accourent à l'aide.Fréquemment. D'autre part. La Réforme est introduite dans ces conquêtes. © Helvetia Genevensis 2006 . une partie de l'ancien comté de Genève. et de laisser libre cours à la propagande protestante. Pierre de La Baume s'enfuit au bout de quinze jours . les autorités firent raser les faubourgs qui s'étaient développés hors des remparts et facilitaient les infiltrations ennemies. petit à petit. La haine dont il est l'objet se reporte aussi sur sa religion. la vallée d'Aoste et Nice. incarnée non plus par le clergé. En 1541. Il ne s'agit pas de catholiques. moralité et religion étant étroitement associées. Jean Calvin rencontra des adversaires farouches. Calvin et la « Rome protestante » Jean Calvin En juillet 1536. tant dans le domaine religieux que dans le domaine politique. Jean Calvin. Jusqu'en 1555. dont aucun n'a fait d'études universitaires. Calvin fera la gloire de Genève en l'élevant au rang de «Rome protestante». les pasteurs. sujets de la République. figurent les terres de l'évêque: la ville de Genève. Il n'occupe aucune charge politique. Son action fut immense et s'étendit à tous les domaines: religion. Leur animosité provient d'abord de la place que Calvin fixe à l'Eglise et à ses représentants. Calvin fut le législateur de la Genève de l'Ancien Régime. culture. La République genevoise reprend encore les terres détenues par le chapitre cathédral et le prieuré de Saint-Victor. Les occasions ne manquent pas en ces temps difficiles où il s'agit de reconstruire un Etat sur des bases nouvelles. Calvin lutte pour une discipline de vie sévère. fait étape à Genève un Picard de vingt-sept ans. économie. En tête. qui servent de constitution à la République. Elles le rejetteront peu à peu. Ce sont plutôt des familles notables qui avaient été parmi les premières à se convertir et les plus empressées à accueillir le réformateur. Guillaume Farel parvient à le retenir pour l'aider à consolider la Réforme et à transformer Genève en une cité vivant selon l'Evangile. auteur déjà célèbre de « l'Institution chrétienne ». l'une des grandes œuvres théologiques du christianisme. morcelé et enclavé dans des possessions étrangères. Il rédige pour l'essentiel les Edits civils de 1543. L'Etat savoyard avait cessé d'exister. La condition des paysans. sauf un lambeau dans le Piémont. il n'y en a plus ou bien ils se cachent. réorganisée avec la fondation de l'Hôpital général en 1535. sa banlieue. l'opposition de la France prive Genève du mandement de Sallaz. Le territoire de la République de Genève Le territoire genevois est composé des anciennes possessions ecclésiastiques. reste inchangée. Le servage pesant sur certaines familles survivra jusqu'à l'abolition du régime féodal par la Révolution. Genève respirait. Sa seule fonction officielle est la présidence de la Compagnie des pasteurs. la France avait attaqué la Savoie et occupé le reste du duché. le luxe réprimé. qui ont été nationalisées. Ce territoire rural est exigu. il est faux de voir en lui un dictateur qui s'impose par la force. Alors que dans les autres cantons gagnés par la Réforme l'Eglise entre dans la dépendance de l'Etat. Mais son génie est tel que les magistrats recourent à ses lumières à tout propos. Un © Helvetia Genevensis 2006 . ils demeurent sous la domination seigneuriale. politique. les mandements de Peney et de Jussy . il avait déjà composé les Ordonnances ecclésiastiques. Calvin veut instituer un équilibre entre le pouvoir ecclésiastique et le pouvoir politique. Ainsi.De son côté. Elle avait devant elle près de cinquante ans de paix pour organiser la république protestante qui avait remplacé la principauté épiscopale. tâche à laquelle sa formation de juriste le rend mieux apte que les membres du gouvernement. lois constitutives de l'Eglise. Les mœurs doivent être surveillées de près. En second lieu. mais par le gouvernement de la ville. C'est un moment mémorable. Une partie des biens ecclésiastiques servit à financer l'assistance publique. sous l'impulsion de Calvin. Il avait déjà été condamné à mort par l'Inquisition catholique et n'avait échappé au châtiment que par une évasion. Genève accueille des protestants qui s'exilent de France et d'Italie à mesure que croissent. vestimentaire par exemple. d'autres s'enfuient. soit en dix ans. à long terme. le mieux possible. En 1560. on s'efforcera de faire coïncider. la Réforme en fait une ville savante. Quant à la culture. si la règle est stricte. de ses opinions religieuses . Calvin et les autres pasteurs de Genève avaient été consultés et avaient donné un préavis de mort. Les deux fondements du renouveau culturel. à Genève. dans ces pays. Le premier recteur de l'Académie est Théodore de Bèze. la loi et la répression.tribunal. est chargé de punir les infractions. le Conseil général choisit pour syndics quatre partisans de Calvin. elle reçoit un élan très vif. permet aux Conseils d'agir contre ces hommes coupables de trahison. aucun catholique n'y fut jamais exécuté pour avoir professé sa foi. Pendant les neuf ans qui lui restent à vivre. le Moyen Age ont connu des prescriptions morales et des lois destinées à combattre le luxe. Le réveil économique même dépend d'elle indirectement. Les ennemis de Calvin. comprenant des pasteurs et des laïcs. Un flot humain se déverse sur Genève. les persécutions dont ils sont victimes. © Helvetia Genevensis 2006 . A Genève. L'Antiquité. Quelques-uns sont exécutés. tant reproché à Calvin. en niant le dogme de la Trinité. L'exécution de Michel Servet L'année 1553 est célèbre par le grand crime. une bonne partie de la classe dirigeante entretient une opposition plus ou moins ouverte. rien de nouveau. Les rebelles à la discipline sont semoncés ou excommuniés par le Consistoire. Cette volonté suscitera «un despotisme pesant sur la vie privée ». s'était rendu haïssable à toutes les Eglises. En 1555. qui fomentent une émeute. ce qu'elles n'apprécient guère. le Collège et l'Académie. la pratique l'est beaucoup moins. Il faut observer que Michel Servet. Un faux pas de ses adversaires. la mort de Michel Servet. A Genève. seul capable d'émettre des sentences criminelles. le Consistoire. sont érigés par Calvin en 1559. leurs privilèges. brûlé à Champel. Ailleurs. Certes. interrogées elles aussi. Des membres de familles connues sont condamnés. sont particulièrement furieux contre cet envahissement qui menace. Développement culturel et relance économique Le développement culturel Le XVI e siècle genevois est d'essence religieuse. Servet fut une des seules victimes. qui succédera à Calvin à la présidence de la Compagnie des pasteurs. Les vieux Genevois sont mécontents et vitupèrent contre ces "chiens de Français». Pour toutes les raisons énumérées. Dans les principes. La différence réside dans l'application. La Genève du Moyen Age n'avait eu qu'une vie intellectuelle pauvre. nombreux dans les charges publiques. La religion règle les valeurs et les comportements. de même que les Eglises protestantes de Suisse. à quoi s'ajoutent souvent des sanctions pénales infligées par le Petit Conseil. Xénophobie contre les réfugiés A partir de 1550. Le déclin économique avait ramené la population à dix mille habitants. Calvin aura un pouvoir civil ami à ses côtés. ce nombre a doublé: on atteint les vingt mille âmes. il fut puni de mort par une sentence du Petit Conseil. épices. L'imprimerie L'imprimerie fut la première branche à s'affirmer. répand les idées réformées et gagne de l'argent. Grâce à eux naît pour la première fois à Genève une industrie travaillant pour l'exportation. Ce rôle de relais ira en grandissant pendant tout l'Ancien Régime. Dans ses coffres. elle occupera plus de 50 % de la population active à la fin du siècle suivant. notamment dans la petite colonie italienne. Le plus riche des Genevois. en qualité son influence fut primordiale. en 1620. font partie d'une élite intellectuelle et morale. Des quantités de marchandises arrivent et repartent: textiles d'origines diverses. ne serait-ce que parce qu'ils ont quitté leur patrie pour garder leur foi. l'imprimerie sera le premier métier à être organisé en corporation. Genève. Elle cède la première place au travail de la soie. des relations avec les milieux d'affaires étrangers. les Italiens sont les maîtres. sel de Provence. les capitaux © Helvetia Genevensis 2006 . etc. Finalement. Ces gens apportent de l'argent. avec ses livres. La classe industrielle et commerçante Au tournant des XVI e et XVII e siècles. Genève leur dut sa renaissance économique. Si le refuge du XVI e siècle eut des conséquences modestes en quantité. la production du livre s'étiole. Il fit construire. car Genève est redevenue un centre commercial animé par les ventes de la production locale et par la redistribution d'importations étrangères. affaiblie à la fin du XV e siècle. L'économie L'économie. les réfugiés lui donnent un rayonnement international. avait continué à se dégrader dans la première moitié du XVI e . à la fois. Genève est une des capitales de la soierie. Les réfugiés ramènent Genève dans les circuits économiques internationaux. elle n'avait eu jusqu'alors qu'une portée régionale .La Réforme propage aussi l'instruction élémentaire . La plupart des Français ne résident que temporairement. On trouve parmi eux des capitalistes. momentané lui aussi. Turrettini est aussi banquier et négociant. elle est à la jonction du spirituel et de l'économique . Surgie après le milieu du XVIe siècle. La Saint-Barthélemy apporte un nouvel afflux en 1572. Outre son développement culturel. Ce n'est pas la quantité des immigrés qui importe. dans les dernières années du siècle. La relance économique La religion relance l'économie par l'intermédiaire des réfugiés. la population de Genève ne dépasse pas treize mille ou quatorze mille âmes. suivie peu à peu par d'autres professions. En 1560. la classe industrielle et commerçante genevoise fait bonne figure parmi les bourgeoisies d'affaires européennes. sucre. François Turrettini. de l'expérience. tire de la soie le plus gros de sa fortune. Jusqu'à cette date. Ces nouveaux venus. métaux venus principalement d'Allemagne. la belle maison du No 8 de la rue de l'Hôtel-de-Ville. soit qu'ils regagnent leur patrie lors du ralentissement des persécutions ou qu'ils se rendent dans d'autres lieux d'accueil. qu'ils soient savants de profession. Dans ce secteur. Importée en 1478. le taux d'alphabétisation des Genevois et des Genevoises sera toujours plus élevé que chez leurs voisins catholiques. En 1600. la ville n'avait pas connu ces associations d'artisans groupés en vue de réglementer leur métier et de défendre leurs intérêts. A la fin du XVI e siècle. mais les marchands banquiers français ne sont pas absents. Cette industrie exportatrice prospéra rapidement. hommes d'affaires ou travailleurs manuels. quand le protestantisme est toléré en France. Produisant avant tout des œuvres religieuses. sous le patronage des autorités. à cause bien sûr de la nouvelle forme de gouvernement qu’il y introduit. maints salariés. mais aussi. Le monde ouvrier Le monde ouvrier du Moyen Age et de l'Ancien Régime englobe beaucoup de femmes. Dans tous les cas. le duc de Savoie est contraint de signer le Traité de Saint-Julien (1603) par lequel il renonce définitivement à Genève. Faute d'autres possibilités. mais la garde donne l’alerte et les Genevois repoussent l’assaillant qui cherche à franchir les murs de la ville à l’aide de grandes échelles. Le duc Charles-Emmanuel Ier de Savoie tente un dernier coup de main pour reprendre Genève en 1602. dans la Genève calviniste. d’où le nom de « L’Escalade » donné à cet épisode. La vie des travailleurs est rude. qu'elles soient seules ou mariées. Il y a. de l’afflux massif de protestants français. ce qui déplait à la bourgeoisie locale qui craint pour son pouvoir et son influence. on citera John Knox qui. six jours par semaine. l’Académie fondée en 1559 attire un grand nombre de professeurs et d’étudiants étrangers à Genève. © Helvetia Genevensis 2006 . des enfants. Les réfugiés les plus fidèles sont formés à l’exercice du ministère afin d’aller répandre la doctrine de Calvin dans d’autres contrées. Parmi les opposants les plus acharnés à la ville. Dans les périodes de crise. que l’on apprécie ou non son idéal de faire de Genève la nouvelle « ville sainte ». y compris Noël. La réforme à Genève La présence de Calvin va avoir un impact durable dans la cité lémanique et bien au-delà. ont été abolies. En 1555. y fondera l’Église d’Écosse. néerlandais et anglais qui fuient les persécutions dont ils sont l’objet dans le reste de l’Europe. la Maison de Savoie cherche régulièrement à faire valoir ses prétentions territoriales. maints artisans tombent dans la classe des nécessiteux assistés habituellement par l'Hôpital général ou les organes appelés Bourses quand les secours sont demandés par des étrangers. parmi ces réfugiés. Suite à cette défaite. ils baissent partout en raison de la forte montée des prix qui distingue le XVI e siècle. il n'est pas rare que les femmes participent à des travaux de force. de retour dans son pays d’origine. italiens. Quant aux salaires réels. car le salaire du mari est souvent trop faible pour faire vivre une famille et rend indispensable l'apport de celui de l'épouse et. notamment des banquiers qui vont contribuer au développement de la ville. De plus. une rébellion contre les réfugiés est réprimée et permet à Calvin d’asseoir solidement son autorité. souvent. toutes les fêtes religieuses chômées. De ce fait. la productivité est plus grande que dans les villes catholiques avec leurs nombreux jours de fête obligatoirement chômés. Ces nouveaux venus tendent tout naturellement à soutenir Calvin. Les persécutions religieuses font aussi converger de nombreux artisans vers la cité de Calvin. Sous Calvin. la cité change radicalement. leur rémunération est bien moindre que celle des hommes. Les horaires varient entre douze et quatorze heures par jour. et surtout. sans autre interruption que le dimanche . tels les terrassements. Parmi ces disciples.s'accumulent. une grande concentration d’imprimeurs et d’éditeurs qui contribuent aussi à l’essor de la nouvelle religion en imprimant les textes bibliques et les traités de théologie. et la théocratie qu’il tente d’instaurer ne laisse personne indifférent. En 1559. mais son fils. Son entreprise échoua et cette victoire des Genevois est restée le souvenir le plus vivant de leur histoire. Charles-Emmanuel échafauda encore des plans contre Genève. son grand-père. en 1580. depuis que Charles-Emmanuel avait été contraint de céder le Pays de Gex au roi Henri IV en 1601. © Helvetia Genevensis 2006 . sera aussi redoutable que Charles II. manifestation de la sympathie internationale dont elle jouissait. l'Etat savoyard est reconstitué. très célèbre. le duc Emmanuel-Philibert. ces terres retournèrent peu à peu au catholicisme. La guerre de 1589 Les vexations savoyardes poussèrent à bout les Genevois. En 1564. conjointement avec Berne. Genève est à nouveau encerclée et séparée de la plus grosse partie de son arrière-pays par une frontière politique renforcée d'une barrière religieuse. Celle-ci pouvait bénéficier d'une protection plus active de la France. Pour ces travaux. Le rénovateur de la Savoie. Le 30 août 1584. attaque nocturne par laquelle le duc Charles-Emmanuel espérait enfin s'emparer de Genève. abattit un assaillant d'un jet de marmite. c'était aussi une victoire de la liberté républicaine contre l'assujettissement monarchique. la plus illustre marmite de l'histoire puisqu'elle est ressuscitée chaque année sous la forme de milliers d'exemplaires en chocolat. Ils prirent l'initiative d'une guerre en avril 1589. En 1579. certes . le duc de Savoie reconnaissait l'indépendance de Genève. n'attaque pas. Une contre-offensive des Savoyards fut suivie d'une trêve. Berne s'associe à la France et à Soleure dans un traité destiné à protéger Genève. Les Genevois se crurent compris dans des accords passés entre la Savoie et la France. Des efforts opérés à plusieurs reprises pour étendre cette alliance ou pour faire de Genève un canton échoueront devant la résistance des cantons catholiques. C'était une victoire nationale. L'Escalade de 1602 Les Genevois furent brutalement détrompés par l'Escalade du 11 décembre 1602. pourtant seules deux combattantes ont transmis leur nom à la mémoire populaire. Genève reçut des fonds de l'Europe protestante. les Bernois. Victoire d'hommes. s'allie à Genève par un pacte d'assistance. Genève s'appuie sur l'alliance bernoise. déjà refaite dans la seconde moitié du XVI e siècle. Aidés par des renforts français et bernois. pour conserver le Pays de Vaud. les Genevois vécurent dans la peur d'une nouvelle attaque. L'alliance avec Berne et Zurich restera le seul lien de la ville avec la Suisse jusqu'au XIXe siècle. La première. dame Royaume et dame Piaget. qui faisait partie de l'enceinte protégeant la ville du côté de la Corraterie. N'empêche que pendant presque tout le XVIIe siècle. ils remportèrent d'abord des victoires. Zurich. Ils améliorèrent leur enceinte fortifiée. La seconde dame résista en entassant les meubles les plus lourds devant la porte de sa maison. Dans le Traité de Saint-Julien signé en 1603. les agressions se multiplient. CharlesEmmanuel. par le Traité de Lausanne. Pour se prémunir. durent rendre toutes leurs autres conquêtes à la Savoie. de plus en plus chimériques à mesure que lui-même et ses successeurs tournaient davantage leurs intérêts vers la politique italienne. Redevenues savoyardes.La guerre de 1589 et l’Escalade Réapparition de la menace savoyarde Les transformations religieuses et politiques et l'économie avaient eu la chance de profiter d'une cinquantaine d'années de paix. sa voisine. Dès son avènement. Pendant quelques années. dans ce domaine. En 1705. La majorité des réfugiés sont originaires du Languedoc. ils n'ont pas l'esprit civique qui convient à une république. Des milliers de réfugiés arrivent à Genève. l'émail. il consulte les documents d'archives qu'il examine avec une critique rigoureuse. Cet effort n'exclut pourtant pas de nouveaux accès de xénophobie. C'est alors que passent au-devant de la scène l'horlogerie et les métiers d'art qui lui sont associés: l'orfèvrerie. Jean-Robert Chouet introduit des expériences dans ses cours de philosophie et de sciences. Lors du second refuge. plus de deux cents marchands et artisans se plaignent. l'économie est en plein essor et il est possible à plusieurs milliers d'arrivants de trouver un emploi. En 1708. La principale activité. En 1598. © Helvetia Genevensis 2006 . s'éteint . Genève est supplantée par Lyon. la gravure. à cette fin. A l'Académie. on construit dans les cours et les jardins. il inaugure une doctrine plus tolérante vis-à-vis des divergences d'interprétation et ouverte à l'esprit critique. beaucoup s'installent. La passementerie et la dorure utilisées pour les vêtements chamarrés du temps remplacent la soierie. Le commerce avec l'étranger baisse. De 16'000 habitants en 1690. Elle est touchée par des épidémies de peste. L'apport démographique du premier refuge avait été faible parce qu'il survenait à un moment où l'économie genevoise était encore incapable de procurer du travail aux émigrés. de la facilité avec laquelle le gouvernement admet les Français. La révocation de l'Edit de Nantes : un second refuge Les difficultés sont accrues par une nouvelle vague de réfugiés. ils acculent à la ruine les commerçants et les artisans indigènes par des pratiques qu'on juge déshonnêtes. Le gouvernement ramena le calme en formulant des restrictions à l'exercice du négoce par les étrangers. ils se conduisent mal. Ce texte hostile leur attribue bien des défauts: ces Méridionaux sont trop remuants. La plupart s'en vont en Suisse ou en Allemagne. malgré des disettes. La Révocation de l'Edit de Nantes met le protestantisme hors la loi et contraint à l'exil ceux qui ne veulent pas abjurer. On s'entasse dans les logements existants. l'industrie est en régression. L’Aurore des lumières Le tournant du siècle est marqué par l'apparition en Europe des idées que développera le siècle appelé des Lumières à cause de son apport à la conception rationnelle du monde et au progrès de la pensée scientifique. l'Edit de Nantes légalisait l'existence des protestants en France. les dernières qu'elle subira. Les montres portatives avaient été inventées au début du XVIe. Louis XIV l'abroge en 1685. la bijouterie. Jean-Antoine Gautier entreprend d'écrire une histoire de Genève où la légende n'aura pas place . Les Genevois s'efforcent d'accueillir le mieux possible ces frères en religion.Le XVIIème et la révocation de l’Edit de Nantes La conjoncture au XVIIe siècle Genève traverse une crise qui dure de 1610 à 1640. Jean-Alphonse Turrettini est nommé professeur de théologie . la conjoncture se redresse. Néanmoins. comme pour les foires au XVe siècle. Cette révolution intellectuelle est bien attestée à Genève. En 1696. des Cévennes et du Dauphiné. Le commerce reprend dans des proportions jamais connues. la soierie. la population s'élève à près de 19'000 en 1710. Vers 1650. La ville ne peut les retenir tous. dans une pétition. on surélève les maisons. © Helvetia Genevensis 2006 . pour ne citer que les trois plus illustres.Ces initiateurs préludent à la brillante contribution des savants genevois à l'histoire des sciences au XVIII e siècle avec. les biologistes Charles Bonnet et Abraham Trembley et le géologue Horace-Bénédict de Saussure. prend naissance dans le premier tiers du XVIII e siècle et devient la deuxième industrie en importance. Bien menée. aurait employé jusqu'à deux mille ouvriers. Ce terme fait penser aujourd'hui à une concentration en usine. Il s'y ajoute. Un groupe de maîtres domine les autres. exécuté un chef-d'œuvre pour accéder à la maîtrise. des femmes et des enfants. vingt-sept mille en 1790. dès 1717. auteurs politiques et philosophiques. maintenant devenu le Palais de Justice. mais aussi des ouvrages sérieux: classiques anciens et modernes. Beaucoup de ces ateliers ont leur siège à SaintGervais. les maîtres horlogers sont fiers du travail hautement qualifié qu'ils accomplissent. Ces disponibilités en font les fournisseurs des matières précieuses qui servent à fabriquer les montres et les autres objets de valeur. conformément aux règles corporatives. c'est tout le contraire. là où la lumière est la meilleure. Gênes. le temple de la Fusterie (1713-1715). Horlogers. Elle n'est pas soumise au régime corporatif. et une série de belles maisons à la rue Calvin. aux Bergues. La population croit: vingt-trois mille âmes en 1750. Les autres activités économiques Organisée d'une manière très différente de la Fabrique. L'entreprise Fazy. Genève doit sa croissance à © Helvetia Genevensis 2006 . Des colonies genevoises. Le début du XVIII e siècle fut une époque remarquable aussi par l'activité du bâtiment tant pour les édifices publics que pour les maisons de particuliers. Ils se distinguent par la possession de capitaux suffisants. Comme toutes les villes. qui interdit les grands ateliers. mais il s'en trouve dans tous les autres quartiers. Dans ces premières décennies du siècle. historiens. un maître ordinaire n'est pas à même de vendre directement sa production. le commerce et la banque se portent bien. à la cour Saint-Pierre et à la rue des Granges. Les montres et les bijoux sont confectionnés dans de petits ateliers artisanaux composés d'une demi-douzaine de personnes ayant à leur tête un maître. favorisent les transactions internationales. l'industrie des indiennes. Au contraire. cette activité enrichit vite. Cependant. Ils achètent donc l'ouvrage des autres et le revendent. La bonne marche des affaires leur accorde des loisirs. Ils se considèrent comme l'élite des travailleurs. les indiennes sont produites dans de grandes manufactures. D'autre part. à l'étage supérieur des maisons. comme tous leurs collègues ils ont travaillé à l'établi et. l'édification d'un nouveau système fortifié. à Paris. La période postérieure apporte un progrès sans pareil dans tous les secteurs. La seconde moitié du XVIIIe siècle Une baisse de conjoncture survient entre 1730 et 1750. La plupart sont des travailleurs étrangers non qualifiés. La plupart de ces constructions ont survécu: l'Hôpital. ou des toiles peintes. Amsterdam. élevé de 1709 à 1712. Londres. La Fabrique travaille pour l'exportation et seuls les maîtres marchands sont capables de commercialiser ses produits. quelle que soit leur fortune. non seulement des romans. Certains lisent beaucoup. les maîtres marchands.L’Epoque Moderne L’épanouissement économique au XVIIIème La Fabrique L'économie du XVIII e siècle est dominée par le triomphe de l'horlogerie et des métiers annexes regroupés sous le nom général de «Fabrique». orfèvres ou bijoutiers. ils ne sont plus que 325 à périr avant cet âge. les femmes sont cantonnées dans les parties les plus humbles de la fabrication. avec une grosse majorité de Vaudois. Leurs descendants en ligne directe sont appelés citoyens. la taxe augmente de façon prohibitive. aristocrates et bourgeois. sont soumis aux mêmes désavantages. Les habitants n'ont pas de droit politique et souffrent de diverses restrictions dans leur activité économique . plus de la moitié (550) mourront avant d'avoir atteint leur onzième année . Tempêtes dans un verre d'eau quant aux effectifs. Progressivement. dont 32% dans la Fabrique. la manutention ou les tâches du bâtiment. Pour les habitants et les natifs de Genève. existaient des «horlogères» ayant fait l'apprentissage complet de la confection d'une montre. modeste dans ce cas. par exemple. même si la mortalité genevoise des enfants bénéficie d'un recul spectaculaire entre le XVII e et le XVIII e siècle: sur mille nouveau-nés qui viennent au monde de 1660 à 1670. Les privilégiés sont les citoyens et les bourgeois. progrès considérable et irréversible. car les naissances y restent inférieures aux décès. 70 % des hommes actifs sont employés dans l'industrie ou le bâtiment. de souscrire massivement aux emprunts d'Etat français de la fin de l'Ancien Régime. La fortune accumulée grâce à la bonne marche de l'économie permet aux Genevois. Une première division sépare les détenteurs des droits politiques et de tous les droits civils de ceux qui n'ont aucun droit politique et sont dépourvus de certains droits civils. mais au milieu du XVII e siècle. En 1770. les descendants d'habitants. Le plus souvent. une servante. Au XVIII e siècle. Les intérêts perçus sont considérables. ainsi. les citoyens et les bourgeois ont des chambres séparées des autres classes. Leur condition est héréditaire . le seul moyen de sortir de leur infériorité est d'acquérir la bourgeoisie. Au XVI e siècle le statut d'habitant est créé. Au XVII e siècle. Un autre signe de la réussite économique est le nombre de domestiques: un tiers des ménages ont au moins un serviteur ou. Le progrès urbain est attesté par le perfectionnement de la voirie. Cette acquisition est restée assez bon marché pendant longtemps. ces conflits n'en remuent pas moins des idées de valeur générale. plus souvent. ils deviennent la partie la plus nombreuse de la population. «machine» dont un de nos ponts conserve le souvenir. Les immigrants qui forment ce surplus sont pour moitié des Français jusque vers 1750. Les femmes composent près du tiers des travailleurs de l'horlogerie. Ces derniers sont des naturalisés qui ont acquis la bourgeoisie moyennant le paiement d'une taxe. soixante-dix ans plus tard.l'immigration. Leur origine provient de l'inégalité dans les droits dont jouissent les Genevois de l'Ancien Régime. © Helvetia Genevensis 2006 . Bonne illustration de cette inégalité: à l'Hôpital. la distribution de l'eau du Rhône jusqu'aux points les plus hauts grâce à une pompe élévatrice. appelés natifs. que les contemporains appelleront les «révolutions de Genève». Habitants et natifs ne peuvent plus quitter leur condition. comme celles de la Fabrique. l'éclairage systématique des rues. Les révolutions de Genève Les classes politiques genevoises Ce XVIII e siècle économiquement et culturellement si florissant est secoué par des troubles politiques. ils ne peuvent être reçus maîtres dans les professions considérées. les étrangers exercent les professions inférieures que les Genevois méprisent. relayés ensuite par des Suisses protestants. Le mot a ici un sens spécial et ne désigne pas tous les domiciliés: on est admis à l'habitation comme à la bourgeoisie contre paiement d'une taxe. Aussi la banqueroute provoquée par la Révolution entraînera des désastres à Genève. De plus. suivant le développement de la philosophie politique. le Petit Conseil appelle l'étranger à son secours. une aristocratie a accaparé peu à peu l'autorité politique. l'avocat Pierre Fatio. © Helvetia Genevensis 2006 . 1764 à 1770 et 1781 à 1782. Le soulèvement échoua.Dès la fin du XVII e siècle. ce qui entraîne des préjudices pour la classe moyenne. l'aristocratie gouverne sans plus demander l'avis du Conseil général. Exprimés d'abord de manière limitée et pratique. Les phases violentes de la discorde embrassent quatre périodes: 1707. Le point central était de rendre au Conseil général une participation plus active. qui fixe un programme aux aspirations confuses clés citoyens. sans possibilité de donner leur suffrage à quelqu'un d'autre. 12 % d'habitants. Les citoyens se laissent faire et s'accoutument à ne plus être réunis en Conseil général que pour élire les syndics et quelques autres magistrats. le choix des votants se réduisant aux noms portés sur une liste établie par le Petit Conseil. qui rassemble tous les citoyens et bourgeois. Cette élection n'était guère plus qu'une formalité. il l'est de moins en moins depuis. vingt provenaient du refuge du XVI e siècle. Le réveil de la conscience politique des citoyens au début du XVIII e siècle aura tout naturellement pour objectif principal de redonner au Conseil général le rôle qu'il avait perdu afin qu'il puisse exercer un contrôle efficace sur les actes des conseils gouvernementaux. La révolte de 1707 Le mouvement de 1707 est préparé par un mécontentement supplémentaire. né à Genève en 1712. préférant les placements à l'étranger. La révolte de 1707 a pour chef un membre de l'aristocratie. Ils investissent peu dans l'industrie locale. Un contingent de Bernois et de Zurichois vint renforcer la garnison. on compte 34 % de natifs. La paix faite. L'aristocratie abuse de son pouvoir et le met au service de ses intérêts économiques. Ils sont influencés par les idées des théoriciens politiques anglais du XVII e siècle. Dans son sein. dont le représentant le plus illustre est le philosophe Jean-Jacques Rousseau. Monopolisant le pouvoir. Il est important de constater que cette division politique recoupe les classes sociales. Leur action est dirigée par un principe d'égalité contre la prédominance de l'aristocratie et un principe de liberté qui vise à conférer aux citoyens des droits fondamentaux telles la liberté de réunion et la liberté d'expression. ils ne sont plus que 27 % . Les réfugiés aisés s'y étaient intégrés rapidement et étaient même la majorité: parmi les trente-deux familles les plus riches de Genève en 1690. en utilisant notamment les possibilités qu'offre le recrutement par cooptation du Petit Conseil et du Conseil des Deux-Cents. Ainsi qu'il le fera constamment pour réduire les rébellions. plus fructueux. Encore fréquemment consulté au XVI e siècle jusqu'à la guerre de 1589. En 1781. le reste englobant les étrangers. Les citoyens et les bourgeois ont presque tous des professions supérieures et lucratives et monopolisent l'essentiel de la fortune nationale. elle comprend quelque quatre cents chefs famille qui se partagent 80 % de la fortune genevoise en 1780. les capitalistes genevois inaugurent une pratique qu'on leur reprochera presque jusqu'à nos jours. citoyens et bourgeois ne représentent que 37 % des Genevois. 1734 à 1738. La bourgeoisie consentit alors à abandonner d'importantes prérogatives pour permettre au gouvernement de prendre les mesures urgentes que réclamait la guerre. Cette aristocratie politique est aussi une aristocratie d'argent . le Petit Conseil ne montra aucun empressement à restituer ces pouvoirs extraordinaires. Le conflit entre l'aristocratie et la bourgeoisie C'est toutefois à l'intérieur du groupe privilégié formé par les citoyens et les bourgeois que la lutte va éclater. d'ordre économique. ces principes seront approfondis au cours du XVIII e siècle. Ces actes liquident. reçoivent la possibilité d'être admis comme maîtres dans tous les métiers. © Helvetia Genevensis 2006 . était surtout conçu pour mater les citoyens. en cas de besoin. la survivance médiévale que constituait la superposition de droits genevois et étrangers sur des parties de la campagne. Fatio. Dans l'immédiat. Le premier. le financement de ce plan grandiose devait se faire par la perception d'impôts supplémentaires. très favorable. ce qui souleva les protestations de la bourgeoisie. Les gens sont travailleurs et instruits. Lemaître. contre les adversaires de la classe gouvernante. une échauffourée fit onze morts. L’affaire « Rousseau » et les troubles de 1763-1770 L'article «Genève» dans l'Encyclopédie Au milieu du siècle naît un second mythe de Genève. deux traités sont signés en 1749 et en 1754 avec la France et la Savoie. En effet. Cette évolution n'est pas sans relation avec son enrichissement dû à la conjoncture antérieure. Il accorde au Conseil général des droits appréciables: votation des nouvelles lois et des nouveaux impôts. qui avaient combattu aux côtés des citoyens. à une détermination plus assurée: la bourgeoisie a acquis la conscience de classe et la vision théorique qui lui manquaient. était celui de la Rome protestante. diront que ce gigantesque ensemble. fut fusillé secrètement à la prison . Des maladresses de l'aristocratie suscitèrent des violences. chez les citoyens genevois. Les troubles de 1734-1738 et l’intervention de la France Des troubles éclatent de nouveau en 1734. Au contraire. simple citoyen. devenue le royaume de Sardaigne. Néanmoins. entourée d'un luxe qui répugne à leur austérité et exemple le plus parfait du pouvoir absolu qu'ils combattent chez eux. l'intervention française se termine par un arbitrage satisfaisant pour les citoyens. mais celui-ci reste enclavé parmi les possessions françaises et savoyardes. Des affinités politiques et psychologiques l'orientent en direction de la Cour de Versailles. ville sainte pour les réformés et repaire d'abominations pour les catholiques. Ces taxes furent décidées par le Petit Conseil et les Deux-Cents . persécutrice des protestants. Désormais. fut pendu publiquement à Plainpalais. Les natifs. qui sont à la tête du mouvement intellectuel européen. droit de se prononcer sur les traités conclus avec l'étranger. accepté par le Conseil général. La justice expéditive rendue à cette occasion fut excusée par cette opinion d'un gouvernant qu'il ne fallait «pas tant s'attacher à la procédure dans les jugements qu'au salut de l'Etat». L'allure improvisée et désordonnée de la révolte de 1707 a fait place. en 1738. par des échanges mutuels. La cause du mouvement vint des nouvelles fortifications. les règles de gouvernement empreintes de bon sens. lient l'aristocratie au royaume voisin. servira pendant trente ans de constitution. De mauvaises langues. Les penseurs français. bancaires en particulier. plus étendu que la superficie de l'intérieur de la ville. Dans le quart de siècle de tranquillité relative qui prolonge la paix de 1738. dont Jean-Jacques Rousseau. font de Genève une ville modèle où sont incarnées les vertus qu'ils louent: la raison et la sagesse. éblouissant modèle pour les aristocraties européennes. aristocrate. Vaincu. etc. le gouvernement alerte la France. Genève est entièrement maîtresse de son territoire rural. la bourgeoisie et le peuple nourrissent de l'antipathie à l'égard de la monarchie française. ces positions réclamaient une garnison nombreuse de soldats de métier qui pouvaient servir. le Conseil général ne fut pas consulté. un autre meneur. Ce «Règlement de la Médiation». En 1737. Des intérêts économiques. création du XVII e siècle.L'ordre rétabli. Les natifs avaient soutenu la cause des Représentants . S'il peut être saisi. leur auteur sera arrêté. débarrassée du surnaturel et insistant sur la morale. Des facilités d'admission à la bourgeoisie sont consenties aux natifs. Cet auteur n'est autre que le fils le plus illustre de Genève.La religion même. deux livres ( l'Emile . Rousseau publie les Lettres de la Montagne . Ce texte a été fortement inspiré par Voltaire. Jean-Jacques Rousseau et les troubles de 1763-1770 Démentant le certificat de tolérance décerné par l'Encyclopédie. tiennent l'égalité pour un principe sacré. Trois armées © Helvetia Genevensis 2006 . d'où il découle que les natifs devraient être assimilés aux citoyens. Le conflit reprend avec l'aristocratie. j'aimerais encore mieux la première». Les bourgeois et les natifs occupent la ville en février 1781. Le 15 février 1770. Se détachant des Représentants. le Petit Conseil condamne. Leurs chefs. De son côté. manifeste des esprits progressistes français. De là vient le nom de «Représentants» décerné à la bourgeoisie opposante. aux habitants et aux sujets de la campagne. Ce droit de refus servira à désigner les aristocrates sous le nom de Négatifs. les natifs formèrent une troisième force. Louis XVI décrète que la révolution de Genève est un mauvais exemple pour son peuple et il importe de l'étouffer sans délai. La répression d'une manifestation provoqua la mort de trois natifs. et présentent au gouvernement des plaintes. jugée illégale. établi à Genève aux Délices en 1755 et qui ne cessera plus de s'intéresser de près à la vie genevoise. en 1762. Mais l'aristocratie appelle Versailles à l'aide. Une loi octroie l'égalité civile aux natifs. dites «représentations». l'égalité et la souveraineté populaires. Cette manie brochurière des Genevois se prolongera pendant tout le XIX e siècle. écrivit JeanJacques Rousseau. Avec quelque retard. La bataille d'idées entre Représentants et Négatifs s'exprime non seulement dans les œuvres de quelques grands noms. consacré à l'éducation. est devenue philosophique et tolérante. ils n'avaient presque rien obtenu en échange. alors que les Représentants avaient obligé les Négatifs à quelques concessions. Ils lui demandent d'administrer une leçon préventive à ceux-ci. Révolution et contre révolution La révolution de Genève Les Représentants se rachètent cet épisode peu glorieux. des Représentants informent le gouvernement de leur crainte au sujet d'une sédition que comploteraient les natifs. le gouvernement utilise le droit strict qu'il a de ne pas tenir compte des représentations. les citoyens protestent contre la condamnation de Rousseau. tout fanatisme oublié. et le Contrat social . Jean-Jacques Rousseau. il joint son cas à la cause des Représentants en démontrant à ceux-ci combien ils ont d'influence effective sur la marche de la République. magistral exposé de doctrine politique) à être brûlés devant l'Hôtel de Ville parce que «tendant à détruire la religion chrétienne et tous les gouvernements». Ce mythe est formulé en 1757 dans l'article «Genève» de l'Encyclopédie de d'Alembert et Diderot. mais aussi dans des dizaines d'écrits émanant d'auteurs occasionnels qui tiennent à faire connaître leur opinion sur la liberté. influencés par Rousseau. Aristocrates et bourgeois se réconcilient un instant en 1770. qui exprima publiquement son mécontentement. «Les voilà ces pauvres citoyens aussi durs aristocrates avec les natifs que les magistrats le furent jadis pour eux: de ces aristocraties. En 1764. qui avait enrichi la bourgeoisie. elle subit l'influence de la Révolution française de 1789.coalisées . quand ses armées conquirent la Savoie et la transformèrent en département français. La nécessité de maintenir l'ordre et d'éviter une insurrection populaire eut pour résultat de réconcilier pour un temps les adversaires de 1782 : on vit patrouiller côte à côte aristocrates et ex-leaders représentants. dans le camp royal. avec l'amertume que l'on imagine. en 1787. la garnison est repoussée à coups de pierres. utilisera un «atelier» genevois réunissant des exilés: Etienne Clavière.française. à Bruxelles et à Constance. ils y importent des idées républicaines qui ne resteront pas sans effet sur la Révolution française de 1789 dans ses débuts. Proscription et exil Les chefs des Représentants sont bannis. la personnalité dominante de cette période. l'aristocratie est ramenée au pouvoir. fils de l'horloger Bénédict Dufour. Chargée de ramener le calme. sur des discours rédigés par cette équipe genevoise. un bon exemple d'artisan lettré. Salomon Reybaz. en septembre 1792. localité nouvelle fondée par la France pour essayer de concurrencer Genève. conséquence de la crise générale qui marque la période précédant la Révolution. un millier de Représentants quittent Genève. Sous la première République. sarde et bernoise . Jacques Necker. Dans cette ville naît. Etienne Dumont. mécontents de leur sort. Une partie d'entre eux s'étaient fixés à Versoix-la-Ville. Les cercles. des natifs. Le 26 janvier 1789. Les prix avaient passé de l'indice 100 en 1720 à l'indice 170 en 1780. Quatre cents natifs acceptés à la bourgeoisie sous le règne des Représentants sont rétrogradés à leur ancien rang. Les citoyens retrouvent et accroissent leurs droits. Mirabeau.assiègent Genève. Jacques Du Roveray. le gouvernement genevois augmente le prix du pain. l'Encyclopédie et Diderot. La liberté de presse est muselée. mais les facilités pour accéder à la bourgeoisie sont supprimées. Mais l'évolution politique n'a plus une destinée autonome . qui capitule le 2 juillet 1782. avaient fait de même. ministre des Finances de Louis XVI. Les natifs conservent l'égalité civile. frappe aussi les petits patrons. Des mesures policières sont promulguées pour éviter toute agitation. Grâce à l'occupation étrangère. qui possédait dans sa bibliothèque tout Rousseau. en bonne partie. Dans les années 1780. Au même moment. Clavière occupera à son tour le ministère des Finances en 1792. pour la plupart. on rencontre un autre personnage célèbre d'origine genevoise. Des maîtres horlogers ruinés doivent s'engager comme ouvriers chez des collègues. Préférant l'exil à la servitude. La fin de la haute conjoncture entre 1785 et 1789. sont dissous. La hausse fut annulée. le futur général Dufour. de tuiles et de seaux d'eau bouillante. la constitution rétrograde de 1782 se libéralise. La garnison de soldats étrangers est presque doublée. sorte de clubs où l'on discutait beaucoup de politique. les salaires étaient restés les mêmes. Cette décision déclenche une émeute à Saint-Gervais. le quartier le plus populaire. La réputation de grand orateur laissée par Mirabeau repose. 1788 est une année de mauvaise récolte. © Helvetia Genevensis 2006 . une tentative semblable de la Sardaigne aboutira à la création de la ville de Carouge. Les exilés de 1782 se réfugient. D'ailleurs. Pendant les trois années suivantes. la France fut bien près d'annexer Genève. Si l'indépendance fut sauvée provisoirement. Les salariés étaient les floués de la prospérité du siècle. Certains se réfugient à Paris . La fin de l'Ancien Régime Le système réactionnaire mis en place en 1782 fut ébranlé par un soulèvement prolétarien. Dix ans plus tôt. le peuple revendique le droit d'avoir du travail. Dans les causes probables figure d'abord l'obsession d'un complot contre-révolutionnaire. elle institue un contrôle étendu de la part des citoyens sur les actes du gouvernement et de l'administration. Tout le monde. Cependant. conservées aux Archives d’Etat. la chute et la mort de Robespierre à Paris mettent fin à la Terreur en France. Il s'y ajoute la crainte du rejet d'une loi d'impôts destinés à financer des occasions de travail. un mouvement qui abattit le gouvernement d'Ancien Régime et proclama l'égalité politique de toutes les catégories de la population. ou presque. la citoyenneté va de pair avec la masculinité. notamment grâce à l’ouverture des archives du Département du Léman. leur situation ne s'améliore pas. il n'en va pas de même de la seconde éviction. la révolution genevoise se déroula de façon mesurée. considérant qu’elle représentait la perte de l’indépendance genevoise acquise avec la Réforme. rend juridiquement la femme encore plus dépendante de l'homme que le droit ancien. L’insurrection de 1794 usque dans l'été de 1794. mais c'est un privilège réservé exclusivement aux hommes . Ce dénouement a des répercussions à Genève. accusés en outre d'avoir tramé l'incorporation de Genève à la France. Le soulèvement ne fut pas le fait d'un prolétariat en haillons . victorieuse. au contraire. L'insurrection est une réaction défensive . en décembre 1792. Un tribunal révolutionnaire condamna à mort trente-sept accusés. N'éprouva-t-elle pas aussi de la satisfaction à se venger du sort que lui avait réservé l'aristocratie en 1782 ? Le 27 juillet 1794. qui est générale. considère les femmes comme inaptes aux affaires politiques. On s'interroge sur les raisons de cette poussée de violence. elle est entachée de deux restrictions graves à la notion de citoyenneté. Longtemps d’ailleurs la mémoire locale a fait l’impasse sur ces deux périodes et en particulier sur celle de l’Annexion. la France révolutionnaire instaure le suffrage universel en 1793. vaguement anarchisants. Très démocratique. Au point de vue du droit prive. La période française de 1798-1814 Le Département du Léman Avec la Révolution genevoise (1792-1798) et le temps de l’Annexion à la France (17981814). Un second tribunal révolutionnaire envoie à la mort cinq membres d'une petite minorité d'extrémistes. car le chômage sévit: en plus du droit de vivre libre. aussi appelé “période française”. en vigueur à Genève jusqu'en 1912. Une constitution fut rédigée par une Assemblée nationale et votée par les citoyens le 5 février 1794. La première réserve celle-ci aux protestants seuls. mais les exécutions furent limitées à onze. S'il s'agit là d'une particularité locale. la charnière XVIIIe-XIXe siècle représente pour Genève un passage mouvementé de son histoire. pour éviter le pire. Le Code civil napoléonien de 1804.l'encerclement par la France révolutionnaire eut pour résultat. déclara-t-elle après coup. elle punit ceux qui sont considérés comme des ennemis du peuple. A la pointe du progrès. Des clubs extrémistes déclenchèrent une insurrection en juillet 1794. Brusquement éclata une tragédie. selon l'exemple de la Terreur française. Elle était guidée par la bourgeoisie modérée. © Helvetia Genevensis 2006 . les meneurs étaient des artisans ou des petits commerçants. On constate toutefois un regain d’intérêt pour cette période depuis quelques décennies. La bourgeoisie resta aux commandes. aristocrates et aussi gens du peuple soupçonnés de pactiser avec l'aristocratie. celle des femmes. Genève devient une ville française parmi d’autres. estimés à 4. Genève est choisie pour chef-lieu du Département du Léman. et ses habitants font alors l’expérience du centralisme napoléonien. pour entrer alors dans la période dite de la Restauration (1814-1846). du Faucigny et du Chablais. et le retour dans une République restaurée. Sur le plan économique. Le 31 décembre. à l’église Saint-Germain). avec l’Annexion. société civile administrée par des anciens Genevois. Un corps de troupes commandées par le général autrichien Bubna est chargé de traverser la Suisse et d’occuper Genève. lois et souverainetés. le Département du Léman est régi par des lois françaises. le Traité de Réunion intègre Genève au territoire de la République française. la loi du 28 Pluviôse an VIII (17 février 1800) fait de Genève et des villages de l’ancienne République des communes placées sous l’autorité d’un maire.4 millions de florins en 1798. qui réunit le territoire genevois à d’autres territoires détachés du département de l’Ain.Le 15 avril 1798. d’adjoints et d’un Conseil municipal : on trouve là l’un des fondements du régime municipal en vigueur de nos jours. voulue par Napoléon. Outre une fiscalité imposante. qui plaça Genève sous un régime totalement nouveau. Bâle est occupée par le gros des forces alliées. Cette société repris les attributions de l’ancienne Chambre des Blés. Le retour dans une République restaurée Mais ce sont aussi les revers militaires de l’Empereur français qui sonneront la fin de l’Annexion. Après la débâcle en Russie. © Helvetia Genevensis 2006 . les armées napoléoniennes refluent. tant il est vrai que la plupart de ses membres étaient des partisans du retour à l’ancienne République d’avant la Révolution de 1792. en particulier par l’introduction des principes de liberté et d’égalité entre les citoyens et par la séparation du civil et du religieux (la messe est à nouveau célébrée. La gestion de ce patrimoine est confiée à la Société économique. Administré par un Conseil général et un Conseil de Préfecture placé sous l’autorité d’un préfet (logé à l’Hôtel du Résident de France. et fonctionna comme un “Etat dans l’Etat” (Ruchon). chef de file du mouvement. et fin 1813. dès son arrivée. après le retrait définitif du préfet du Département du Léman. par la voix d’Ami Lullin. De même. le gouvernement provisoire mis en place par ces “résistants” proclama la Restauration de la République. dès octobre 1803. Genève doit aussi fournir son lot de soldats engagés par le biais de la conscription. marquée par un conservatisme relativement progressiste que la Révolution radicale fera voler en éclats. Genève recouvrait ses institutions. une clause du Traité de Réunion laisse à Genève la licence d’administrer elle-même ses biens propres. Par cet acte. L’ensemble que forme le Département du Léman s’inscrit dans le contexte d’élargissement de la France révolutionnaire : 1798 est aussi l’année de la naissance de la République helvétique. où. et qui préfigure sous bien des aspects la future Confédération helvétique de 1848. il est contacté par un groupe d’anciens magistrats soucieux de rétablir l’indépendance genevoise. aujourd’hui au n° 11 de la Grand-Rue). après avoir renoncé à sa souveraineté et à ses alliances. parmi lesquelles le Code civil. la limitation des importations et la soumission des exportations à de nombreuses taxes. Si la Révolution a réussi à conserver la souveraineté genevoise durant six brèves années. Fin août. Hardenberg. Le plus engagé. L'époque postnapoléonienne est réactionnaire . après une occupation de «quatorze ans. l'ancien syndic Ami Lullin. en 1791. La bataille de Leipzig. quatorze jours. ces ex-syndics et conseillers forment une commission clandestine de gouvernement. Politiquement. quatre syndics sont désignés. La garnison française évacue Genève sans combat le 30. d'Autriche et d'Allemagne. Le même jour. courageuse aussi. publié en 1816. A Genève. Les hommes du gouvernement provisoire C'est une minorité agissante qui avait restitué l'indépendance de Genève. «la souveraineté du peuple est une chose détestable». qui sera le véritable instigateur du rétablissement de l'indépendance. un petit livre. Le retour à l'indépendance L'issue désastreuse de la campagne de Russie clôt l'ère des victoires napoléoniennes. Ces idées étaient celles du moment. Une foule de pauvres doit recourir à l'assistance publique.» © Helvetia Genevensis 2006 . Beaucoup de jeunes soldats genevois périrent dans les campagnes de celui qu'Ami Fillion. En décembre 1813. Le 15 mars 1814. La Fabrique est gravement touchée et perd 30 % de ses effectifs. s'achève par la retraite des Français. une proclamation est préparée annonçant l'indépendance . nommait « Napoléon le Féroce » dans ses souvenirs inédits. Le 21 décembre. où il écrit: « Les hommes naissent et demeurent inégaux en droit». Joseph Des Arts. car rien ne prouvait que Napoléon fût battu définitivement. horloger de Saint-Gervais. elle porte le nom de Restauration parce qu'elle espéra rétablir le plus possible la société dans l'état où elle était avant la Révolution. Bubna arrive à Lausanne le 27 décembre. C'était exactement l'intention des gouvernants genevois. Le 31 décembre. le général autrichien Bubna atteint Bâle. Le nombre d'habitants tombe de vingt-sept mille en 1790 à vingt-cinq mille en 1805. Ceux qui l'entourent sont comme lui des aristocrates d'Ancien Régime. «l'inégalité des fortunes établit l'inégalité des droits politiques » . quelques hommes sont aux aguets.L’époque contemporaine Le retour à l’indépendance Le marasme est général L'économie locale genevoise est victime du marasme général. huit mois. Son but est de gagner Genève et Lyon à travers la Suisse. Les riches avaient la possibilité de payer un remplaçant qui allait se battre à leur place. les complimentait: «Vous avez donné une preuve non équivoque du bon esprit qui vous anime en profitant de votre liberté pour rétablir l'ordre ancien des choses. note Fillion avec une précision tout horlogère. Bubna et dix mille soldats autrichiens s'installent dans la ville. Les événements leur laissent espérer le retour à la liberté. A leur tête. Le peuple subit le poids de la conscription. elle sera lue dans les rues et sur les places genevoises le 1er janvier 1814. ces aristocrates veulent un retour à la Genève d'avant 1792. avait rédigé. Aussi rencontrèrent-ils l'approbation des souverains et des hommes d'Etat étrangers. d'octobre 1813. La commission de gouvernement s'érige en gouvernement provisoire. ministre du roi de Prusse. dix heures et trente minutes». talonnés par les armées coalisées de Russie. L'entrée de Genève dans la Confédération s'opéra en plusieurs étapes. c'était un agrandissement qui permît le désenclavement et la contiguïté avec la Suisse. Plus que la défiance catholique manifestée à l'égard de la Rome protestante. Le gouvernement provisoire présenta l'adoption du texte comme la condition du rattachement de Genève à la Suisse. vingt-quatre communes savoyardes avec douze mille sept cents habitants vinrent compléter le territoire genevois en 1815 et en 1816. Le Conseil général était supprimé et remplacé par un Conseil représentatif choisi selon un système censitaire: la qualité d'électeur n'était accordée qu'aux citoyens payant un certain impôt. qui aurait changé le caractère religieux de Genève. le désenclavement et la contiguïté avec la Suisse. Un temps. les troubles du XVIIIe siècle inquiétaient . d'autre part. après l'adhésion de tous les cantons. Les papiers. il sembla qu'une extension considérable fût promise à Genève. Le 12 septembre 1814. Elle conciliait le maintien d'une part importante de souveraineté avec la nécessité de s'agréger à un organisme plus fort pour se défendre et survivre. La mémoire des liens anciens entre Genève et les Suisses ajoutait un élément affectif à ce projet. la constitution fut votée par le peuple en août 1814. une partie du gouvernement genevois et l'opinion publique ne voyaient pas d'un bon œil un accroissement trop large en terres catholiques. Le document ne fut pas l'œuvre d'une assemblée constituante. Sur la rive droite. En outre. l'indépendance dans l'isolement était un idéal dépassé. la France et la Sardaigne tenaient à céder le moins de territoire possible. d'une part. L'époque des villes-Etats était révolue. C'est pourquoi Genève eut deux conditions à remplir pour être admise dans la Confédération : elle avait besoin d'une dot suffisante et de papiers en règle. qui s'acquitta admirablement de sa tâche aux Congrès de Paris et de Vienne. Les papiers La constitution devait être élaborée rapidement et satisfaire les Suisses. Genève ne touchait pas à la Suisse et ses terres étaient enclavées au milieu de possessions étrangères.La solution suisse L'avenir de Genève en tant qu'Etat ? Quel allait être l'avenir de Genève en tant qu'Etat ? En ce début du XIX e siècle. pas même d'un conseil un peu étoffé: elle fut le fruit du travail hâtif d'une commission de sept membres où Joseph Des Arts eut l'influence la plus grande. rassurante pour les cantons. mais suffisants pour obtenir l'essentiel. treize cantons sur dix-neuf se prononçaient pour l'admission de Genève dans la Confédération et enfin. La dot Le soin de réunir la dot fut confié à Charles Pictet de Rochemont. La dot. © Helvetia Genevensis 2006 . Tous les Confédérés n'étaient pas enthousiastes à l'idée d'accueillir Genève parmi eux. sept communes du Pays de Gex comptant trois mille cinq cents habitants. la solution suisse. La plus concrète fut l'envoi par le lac. c'était une constitution conservatrice. ils dénotaient une turbulence dangereuse. de contingents fribourgeois et soleurois. Les gains définitifs furent modestes. Un Conseil d'Etat de vingt-huit membres inamovibles s'arrogeait tout le pouvoir de fait et maintenait la suprématie de l'aristocratie. Sous cette pression. L'objectif fondamental du gouvernement fut donc de transformer Genève en canton suisse. le traité définitif fut signé le 19 mai 1815. le 1 er juin 1814. sur la rive gauche. Toutefois. Une seule solution s'imposait. Genève Suisse ? Après la défaite de Napoléon A la suite de la défaite de Leipzig.Genève. Ironie du sort. soit moins d'un mois après l'entrée des forces alliées dans la ville. A la fin de janvier 1814 déjà. Des Arts et leurs amis affichent leur vœu unanime de voir Genève intégrer le giron confédéré. les troupes françaises qui occupaient Genève évacuent la cité au matin du 30 décembre 1813. Etat souverain jusqu'en 1798. par la signature du traité de Turin. Napoléon se replie précipitamment sur la France. un des seuls membres du Conseil provisoire à avoir préconisé immédiatement le cantonnement et à avoir souhaité un élargissement notable des frontières genevoises.) nous n'intéressions essentiellement les Puissances coalisées que par notre situation géographique et par le plan qu'elles paraissent avoir formé de faire de la Suisse une masse plus considérable (. C'est donc sous le signe de la Suisse que les syndics parviennent à réapparaître sur la scène genevoise. autant cette irritation que la peur qui avaient décidé ses différents membres à « abdiquer » quand. les considérables exigences financières du général Bubna avaient exaspéré le Conseil provisoire. Or. ne soit pas trop considérable. Le même jour. Lullin.. Dès le mois de février 1814.) qu'il était infiniment à craindre qu'on ne se souciât plus de nous si nous ne voulions être que la petite république de Genève. tout en négociant. Le syndic provisoire ne manque pas de faire remarquer qu'un rapprochement avec la Confédération mettrait la tranquillité de la cité sous la sauvegarde de la Suisse. A cette « obligation » extérieure s'ajoute bien vite le sentiment d'une grande «utilité» intérieure. elles sont remplacées par les hommes du général autrichien Ferdinand Bubna. A partir d'avril 1814. tandis que la seconde tenait globalement pour le retour à l'indépendance. Des Arts et les siens parviennent à s'enrober de légitimité. ce dernier groupuscule comprend l'intérêt qu'il a à accepter les desseins helvétiques qu'on nourrissait pour Genève. pour que l'agrandissement territorial nécessaire pour désenclaver la cité et lui donner une frontière commune avec la Suisse. L'administration est alors assurée par une Commission centrale. Nous avons estimé que ce projet était presque arrêté. Plusieurs membres genevois de la première de ces institutions étaient profrançais. parallèlement. les événements viennent précipiter ses choix... rétabli à la fin de 1813. elle est accomplie par Pictet de Rochemont. à constituer le premier © Helvetia Genevensis 2006 . Voir Genève intégrer le giron confédéré Tandis que la conscience aiguë de la faiblesse et de la désunion des cantons le faisait encore hésiter sur la nature du resserrement des liens qu'il convenait d'opérer avec eux. Le jeu consistera alors à se servir du cantonnement pour gagner en légitimité. plus positivement qu'elle. au début du mois de mars 1814. les troupes napoléoniennes se retrouvent aux portes de Genève. chargée de gérer les affaires de la préfecture et un Gouvernement provisoire autoproclamé qui entendait se charger de celles de la ville.». Déjà marginal et marginalisé.. c'est. n'était plus maintenant que la vingt-deuxième partie d'un Etat suisse. qui y exerçait un ascendant déterminant.. semble-t-il. Dans ce mouvement. réalise alors que la survie de sa patrie passait nécessairement par le respect des volontés internationales. le Conseil se trouvait ainsi. Il déclare ainsi à ses collègues : «Nous avons vu distinctement que quoique nous ayons excité quelque intérêt par nos malheurs (. il est vrai que le Pacte fédéral unissant les cantons laissait à ceux-ci de larges prérogatives. entraînant les armées des Alliés à sa poursuite.. nous devions avoir l'air d'une grande soumission. totalement écarté au profit de la Commission centrale du Léman. Car Joseph Des Arts. sur la carte helvétique. au plus fort de la Campagne de France. dès que le danger français aura été écarté. L'opération d'« accroissement minimal » ne s'achèvera qu'en 1816. Mais l'influence des vieux protestants du Conseil sera déterminante. La seule manière de réinvestir l'échiquier politique était donc de miser. une opposition inattendue éclôt au sein du Conseil représentatif. Cette crise de subsistances fut suivie d'une dépression industrielle qui fit du début des «vingt-sept années de bonheur ». Il commet des impairs que le curé de Genève. une dure épreuve pour les classes laborieuses. comme celui de Bautte qui occupe directement cent quatre-vingts ouvriers .. © Helvetia Genevensis 2006 . Le gouvernement rassemble contre lui plusieurs catégories de mécontents.gouvernement officiel de la Restauration. Leur malaise se ressent aussi de la crise provoquée par le Réveil. et du zèle missionnaire de Vuarin contre lequel ils voudraient que le Conseil d'Etat adopte une attitude plus énergique. après avoir dépendu de Chambéry. les bourgeois aisés qui composent cette élite intellectuelle sont bien loin du peuple et guère capables de saisir ses aspirations. il veut maintenir la supériorité de l'Etat en matière religieuse. ils devaient transformer leur république en canton. selon la tradition de l'Ancien Régime. tels Sismondi. Dumont lui-même. trop rationnel et trop tiède. Aussi les catholiques observent-ils une attitude de plus en plus méfiante face au gouvernement conservateur. A l'approche de 1830.. Jean-François Vuarin. grossit à plaisir. Bellot. mais essentiellement réformé. produisant partout de graves famines. pour la dernière fois de son histoire. L’économie de la restauration La crise qui ravagea l'Europe en 1816-1817 Les lendemains de l'entrée de Genève dans la Confédération furent assombris par une crise qui ravagea toute l'Europe en 1816-1817. Les catholiques et les protestants A l'égard des catholiques. en fait. mais. comme un véritable parlement critique. des personnalités libérales font entendre leur voix. des établissements plus grands apparaissent. du moins ce canton restera-t-il extrêmement petit. Les protestants sont inquiets de la montée du catholicisme. comme on a nommé la Restauration genevoise. Si les petits ateliers priment encore. et si. à évincer la Commission du département du Léman . parfois contre l'avis de l'évêché de Lausanne et Fribourg auquel Genève a été rattachée en 1819. son plan échoue. le Conseil d'Etat agit avec une bienveillance louable. elle fait vivre près du quart de la population. accru par l'immigration étrangère. il fonctionne. La libéralisation s'accentue vers 1830 avec le syndic Jean-Jacques Rigaud et sa politique du «progrès graduel». retour à une religion plus mystique que le protestantisme officiel. Destiné à n'être qu'un organe d'approbation des décrets du Conseil d'Etat. La Fabrique est toujours l'industrie principale . Malgré les qualités indéniables de Rigaud. Pictet de Rochemont. Grâce à un règlement habilement composé par Etienne Dumont. car ses initiatives restent trop timides. Pellegrino Rossi. La libéralisation s'accentue vers 1830 Si le peuple genevois est réduit au silence par le régime censitaire. Genève souffrit d'une disette. pour ce faire. cent vingt artisans à domicile travaillent pour lui. stratégiquement incohérent. en même temps. Cependant. l'économie reprend vigueur et prospère pendant quinze ans. dira James Fazy. qui finira par prédominer et donner le jour au parti radical. qu'il était doté d'un génie politique à la hauteur des grands hommes d'Etat radicaux qui créèrent la Suisse moderne en 1848. L'Association du Trois Mars Dans les années 1830. ont un motif commun de plainte: la ville de Genève n'a pas d'autorités communales élues. sera l'accoucheur de la Genève moderne. Des organisations de travailleurs entrent en lutte pour améliorer les conditions de travail. une formation voit le jour. Il est incontestable. à commencer par son exclusion politique résultant du régime censitaire. une émeute tumultueuse autour de l'Hôtel de Ville a pour conséquence l'agonie du régime instauré en 1814 et l'élection d'une assemblée constituante. En 1833 et 1834. imitée par plusieurs autres professions . des rentiers. fiscales. En novembre 1841. Guillaume-Henri Dufour. Enfin. Les révolutions de 1841 et 1846 La révolution de 1841 La mise à mort du régime conservateur s'opéra en deux phases. dans leur ensemble. Ils accusent les dirigeants de défendre les intérêts des financiers. Genève commence à occuper une place d'avant-garde dans le mouvement ouvrier. mais est administrée par le Conseil d'Etat. les commerçants et les industriels pensent qu'une véritable expansion n'aura lieu qu'après la disparition des fortifications. le Grand-Quai (actuellement le quai Général-Guisan). dont on connaît la dureté: une société de secours mutuel des ouvriers charpentiers est fondée en 1827. Ils se plaignent encore des entraves juridiques. A Genève. ces groupements tiennent lieu de syndicats. Toutefois. le Conseil © Helvetia Genevensis 2006 . interdits par la loi. la ville se modernise . qui groupe divers opposants. Bien simplement. sous la conduite de l'ingénieur cantonal. la plupart des cantons suisses « se régénèrent» en libéralisant leur constitution et en proclamant le suffrage universel. L'Association comprend des libéraux et une aile gauche.La ville se modernise Les milieux économiques ne dissimulent pas non plus leur hostilité. rétablissant. Lutte pour améliorer les conditions de travail La classe ouvrière a évidemment ses griefs. au préjudice des secteurs productifs. Ses chefs appartiennent à la bourgeoisie protestante. des propriétaires. le quai et le pont des Bergues sont construits. des grèves de tailleurs et de serruriers sont parmi les premières grèves du XIX e siècle en Suisse. Certes. James Fazy. James Fazy L'homme prête le flanc à toutes sortes de critiques et ses ennemis ne se privèrent pas d'utiliser ses défauts dans d'innombrables polémiques. les citadins. Cette gauche est menée par James Fazy. « la souveraineté du peuple». elle prend le nom d'Association du Trois Mars. Le 3 mars 1841. Néanmoins. douanières qui gênent leur activité. l'opposition a beau jeu pour affirmer que le canton n'est plus qu'«un débris d'Ancien Régime». qui n'ont plus de valeur militaire et étouffent la ville. en revanche. lui. La constitution de 1842 adopte le suffrage universel masculin. et réalise des réformes substantielles. Le Grand Conseil désigné en 1842 est plutôt conservateur. le partage entre cantons protestants et cantons catholiques. Les autorités de la cité de Calvin et de Rousseau au secours du catholicisme rétrograde et séparatiste. quel magnifique thème de propagande pour les radicaux genevois ! Ils ne se firent pas faute de l'exploiter. Cette constitution était en grande partie l'œuvre de James Fazy. Le Conseil d'Etat démissionna. Le quartier de Saint-Gervais se souleva le 5 et repoussa le 7 octobre les troupes gouvernementales. Le rassemblement de catégories sociales différentes s'observe dans tous les partis radicaux du XIX e siècle. conservateur. le 3 octobre 1846. La voie était libre pour l'édification d'une Suisse moderne sur la base d'une nouvelle constitution. La Genève moderne Le gouvernement Fazy Les conservateurs. En 1845. l'armée fédérale battit les forces adverses sous le commandement habile et humain du général Dufour. la Banque de Genève et la Caisse hypothécaire. Genève avait voté la sienne. Ils saluent en lui le défenseur de la liberté économique et le fondateur de deux banques. le 24 mai 1847. particulièrement à SaintGervais. les ouvriers voteront radical jusqu'à la fin du siècle. La révolution avait triomphé. Cette coupure rejoignait. L'affaire du Sonderbund Deux courants divisaient le pays: l'un mené par les radicaux désirait transformer la Suisse en un Etat démocratique et centralisé. le Conseil d'Etat l'est entièrement. l'autre. cela au nom de la souveraineté cantonale. en gros. Dès les premières grèves.d'Etat sera choisi par le Grand Conseil et non par le corps électoral. Leur organe. L'originalité genevoise consiste dans la participation des catholiques au front fazyste. Au cours d'une brève campagne. insatisfaits. le Journal de Genève . l'affaire du Sonderbund. Fazy et ses amis radicaux. prend comme devise « Nous maintiendrons». Genève put voter contre le Sonderbund. dont les principes sont encore en vigueur aujourd'hui. détestent James Fazy. Ils pensent profiter des plans d'expansion qu'il forge pour la Genève nouvelle. La révolution de 1846 Le Conseil d'Etat et la majorité du Grand Conseil refusèrent. qui leur fournissent les crédits dont ils ont besoin. mais aussi des petits bourgeois farouchement attachés au passé de Genève. une des plus graves crises de l'histoire suisse. la plupart des commerçants et des industriels lui sont acquis. était partisan de la tradition et du maintien d'une souveraineté cantonale étendue. portant James Fazy et les radicaux au pouvoir. se servent d'une circonstance extérieure pour terminer définitivement le règne de l'aristocratie. par quoi il ne faut pas entendre seulement l'aristocratie ou la haute bourgeoisie. Les radicaux exigèrent sa dissolution. L'année précédente. qui va gouverner Genève de 1847 à 1861. Fazy gagna leur appui en les laissant s'occuper de leurs problèmes comme ils © Helvetia Genevensis 2006 . la citadelle ouvrière. La ville de Genève devient une commune indépendante avec un Conseil municipal élu. adoptée en 1848. A la Diète. il s'est fait le soutien des classes laborieuses . Si Fazy a contre lui l'ancienne banque genevoise. sept cantons catholiques se liguèrent dans un «Sonderbund» ou alliance séparée. destructeur de l'ancienne cité. En revanche. d'ordonner à la députation genevoise à la Diète fédérale de voter la dissolution du Sonderbund. Fazy peut compter sur la vénération de la Fabrique et des autres ouvriers. on discerne deux périodes.l'entendaient. En revanche. surgissent des ateliers et des petites usines de mécanique. Toutefois. l'usine des Forces motrices de la Coulouvrenière. de savants et de techniciens. la constitution de 1847 enlevait au protestantisme sa qualité de religion dominante. C'est dans ce but que fut construite. on fabriquera même des automobiles. Au début du XX e siècle. l'eau du Rhône et de l'Arve était utilisée depuis longtemps au moyen des roues de moulins. La grande source d'énergie de la révolution industrielle. n'eut jamais qu'une place secondaire à Genève. Galeer. va jusque vers 1870 et se caractérise par l'éclat de la Fabrique. la vapeur. Cet essor est favorisé par des moyens énergétiques intelligemment mis au service de l'industrie par l'administration municipale. conseiller administratif de la Ville en 1882. Les passéistes lancèrent un avertissement solennel lors d'un débat au Grand Conseil: il serait fatal pour l'esprit genevois que Genève devînt une grande ville. mais il est d'avis que la démocratie politique engendrera spontanément la démocratie sociale. entrée en service en 1896. Le mérite en revient surtout à Théodore Turrettini. La première. qui réclamait le droit au travail. de produits chimiques. Une première amélioration eut lieu en 1872 avec l'usage de l'eau sous forte pression. Cette évolution démographique correspond à l'évolution favorable de la conjoncture. après la fin de la crise en 1850. Puis vint l'électricité produite en abondance par l'usine de Chèvres. dont Théodore Turrettini dirigea l'organisation. Mais cette baisse n'entraîne pas la mort de la vieille industrie nationale: en 1900. bien qu'ils souffrent de © Helvetia Genevensis 2006 . en 1886. ils sont dépassés par des productions nouvelles apparues entre 1860 et 1890 durant une révolution industrielle locale. Le commerce et la communication Commerce De 1850 à 1914. Celle-ci enregistre ensuite un déclin dû à la concurrence étrangère qui s'adapte mieux à un marché désormais orienté davantage vers la quantité que vers la qualité. Les terrains récupérés permirent la construction d'une ceinture urbaine allant de Rive aux Pâquis. L'agglomération passa de 38'000 habitants en 1850. Industrie commerce et communications L'expansion urbaine et l'industrie La grande Genève espérée par Fazy devint vite réalité. l'année de l'Exposition nationale. L'industrie Pour l'industrie. La démolition. d'où l'eau mise sous pression était transmise aux ateliers par des canalisations. commença la même année. à 60'000 en 1870. dont la célèbre Pic-Pic. Fazy a la conscience des problèmes sociaux. Son libéralisme économique le rend hostile au socialisme: il mit brutalement à l'écart un de ses partisans. De plus. d'appareillage électrique. à 131'000 en 1914. votée en 1849. La démolition des fortifications Le premier acte de l'avènement de la Genève moderne conçue par Fazy fut le démantèlement du réseau fortifié. le commerce et le tourisme fleurissent eux aussi. Grâce à la collaboration d'hommes d'affaires à l'affût d'innovations. Les travaux arrivèrent à point pour procurer du travail aux chômeurs victimes de la crise européenne de 1847-1850. trois mille cinq cents personnes sont encore occupées dans les métiers de la Fabrique. fut étendue jusqu'à Evian. Le Conseil d'Etat employa l'armée pour maintenir l'ordre. la journée de travail fut réduite de douze à onze heures. Mais ils font basculer le rapport entre les religions dès 1860 : quarante-trois mille catholiques vivent dans le canton face à quarante et un mille protestants. Communication Les grandes lignes qui traversent les Alpes passent au sud par le Mont-Cenis et. la plupart même viennent des régions toutes proches. En 1850. contribua à faire de Genève une des places fortes de la première Internationale ouvrière. tandis que les conservateurs la désapprouvent. la plus forte proportion jamais constatée. plus tard. une mesure politique eut d'heureux effets. Chamonix. en 1860. Des projets viseront à remédier à cette sorte de relégation comme celui d'un tunnel sous la Faucille ou d'un grand port fluvial sur le tracé d'un canal transhelvétique . Genève sert d'abri à des réfugiés politiques de toute provenance. puisque la majorité des étrangers sont des Français . La réunion jouit de la sympathie des radicaux. Allemands après l'échec des révolutions de 1848. Après l'annexion de la Savoie par la France. au nord. Un congrès de l'Internationale s'y tient en 1866. Droit d'asile En effet.l'infériorité de Genève dans les communications ferroviaires. En 1892. la mendicité. populistes et socialistes russes. Etrangers. parmi lesquels le plus célèbre des réfugiés. l'introduction de la représentation proportionnelle. La différence de nationalité est atténuée par la parenté linguistique. alors que la première ligne suisse avait été ouverte en 1844. Frangy. qui vit à Genève en 1903-1904 et 1907-1908. qui remontait aux traités de la Restauration. ouvriers et catholiques Immigrants et droit d'asile La croissance de la population dans la seconde moitié du XIXe siècle fut surtout le fait d'immigrants étrangers. la prostitution. Johann-Philip Becker. Lénine. un conflit impliquant les employés des trams fut soutenu par tous les syndicats et aboutit à la première grève générale dans une ville suisse. Des esprits s'inquiètent et font remarquer que les étrangers alimentent la criminalité. En 1902. Le droit d'asile leur est accordé assez facilement déjà sous la Restauration. Chaque minorité pourchassée a ses représentants à Genève. en 1913 pour 42%. la petite zone exempte de douane autour du canton. et qu'ils interviennent dans la politique. les mieux payés des maçons touchaient 900 francs. Les exportations genevoises dans la zone franche étaient dispensées des taxes douanières. il s'agit d'hommes de gauche: italiens. Cependant. Français proscrits après le coup d'Etat de Louis-Napoléon Bonaparte en 1851 et après la Commune de 1871. ils n'aboutiront pas. révolutionnaire allemand de 1848. Le chemin de fer n'y parvient qu'en 1858. ceux-ci entraient pour 24% dans la population du canton. C'est dans ces années que se développent les syndicats et que se déroulent des conflits sociaux graves. puis avec libéralité par James Fazy. Il enleva d'emblée huit sièges sur cent au Grand Conseil. Le Journal de Genève calculait qu'il fallait au minimum 1500 francs par an à une famille de quatre personnes pour subsister . La grève du bâtiment de 1868 est observée par deux mille cent ouvriers. Le mouvement ouvrier Certains exilés socialistes participent au mouvement ouvrier local. La rupture n'était pas encore consommée avec les © Helvetia Genevensis 2006 . favorable aux petits partis. La grève leur valut une augmentation de 10 %. eut pour suite la création du parti socialiste. par le Simplon. Le plus souvent. Cette loi envisageait l'instauration d'une Faculté de médecine et prévoyait que l'Académie prendrait le nom d'Université. L'alliance des socialistes avec les radicaux permit à Fritz Thiébaud de devenir le premier socialiste membre d'un exécutif cantonal. la Genève des XVIII e et XIX e siècles a été un berceau incroyablement fécond d'hommes de science. dissidence d'une minorité qui n'avait point admis les décrets de Vatican I. relègue un peu dans l'ombre l'apport des sciences humaines. au XIXe siècle. Ces quelques noms pourraient être accompagnés de beaucoup d'autres . Les catholiques persécutés L'avènement de la représentation proportionnelle fut également à l'origine du parti catholique créé en 1892 sous le nom de parti indépendant. par des savants de renom. par la papauté. il ne put supplanter l'Eglise romaine. La condamnation. vota alors pour les conservateurs . las des disputes religieuses. disposition prolongée dans la loi universitaire de la même année. de divers aspects du monde moderne et la promulgation de l'infaillibilité pontificale par le premier concile du Vatican. Cette forte personnalité se heurta à un homme aussi inflexible que lui. tels le botaniste Augustin-Pyramus de Candolle. le conseiller d'Etat Antoine Carteret. le physicien Auguste de La Rive. les tribunaux de prud'hommes sont institués en 1882. Le corps électoral. amorcée déjà un peu auparavant par la crainte qu'un évêché fût rétabli à Genève à l'instigation du Carougeois Gaspard Mermillod. Sous son impulsion. mais tourné vers les applications pratiques des sciences. souvent issus de la classe aristocratique.radicaux. Quant au catholicisme libéral. les catholiques romains apportèrent leurs voix à ceux-ci. Quoique Suisse. L'université de Genève et des savants de renom L'Académie et l'Université furent animées. curé de Genève depuis 1864 et futur cardinal. force de loi aux contrats collectifs. cette orientation était odieuse et suscita une réaction anticléricale. pour la première fois en Europe. Pour le gouvernement radical. Frédéric Amiel (1821-1881) vaut moins comme professeur de © Helvetia Genevensis 2006 . Carteret fit voter des lois qui remettaient aux fidèles l'élection des curés et enlevaient à l'Eglise catholique romaine ses sanctuaires et ses biens confiés à l'Eglise catholique libérale (ou catholique chrétienne). La réputation des sciences exactes. jusqu'à la création du parti indépendant. et Jean-Daniel Colladon. La loi sur l'instruction publique de 1872 rendit l'école obligatoire pour les enfants de six à treize ans et convertit l'Ecole secondaire des jeunes filles en un véritable collège. physicien. En 1900. L'accord entre les catholiques et les radicaux avait été rompu à la suite de dissentiments profonds. en 1870. qui reconquit peu à peu ses lieux de culte. le zoologiste Carl Vogt. déchaînèrent des tensions à l'intérieur de l'Eglise romaine et éveillèrent l'irritation des protestants et des libres penseurs. Mermillod fut expulsé de la Confédération. malgré sa petitesse. pratique une politique sociale avancée. président du Conseil d'Etat. Georges Favon. successeur de Fazy à la tête des radicaux. qui ne voulaient pas d'ennemis à gauche. réfugié politique allemand. dès lors. Cette politique anticléricale continua jusqu'en 1878. Le deuxième grand homme du parti radical genevois après James Fazy. au XIXe siècle. L’œuvre scolaire de Carteret Antoine Carteret L'action positive de Carteret réside dans sa législation scolaire. qui admettait les étudiantes. un vote du Grand Conseil donna. Le journal des femmes. puis de 1855 à 1886. parfois les coups. qui se dressait face aux Bastions. à l'Hôtel de Ville. le savant genevois dont le nom est actuellement le plus illustre . le Bâtiment électoral. bien au-delà de l'étude du langage. dans un local bâti tout exprès. entre à l'Université le linguiste Ferdinand de Saussure. baigné par une atmosphère de guerre civile. son règne est interrompu de temps à autre par des gouvernements conservateurs. d'abord à SaintPierre. à côté de sa contribution aux sciences de l'éducation et à la psychologie de l'enfance. désigné par le vieux nom de Conseil général. à l'emplacement de l'Université Il. qui enseigne à l'Université dès 1921. le corps des électeurs du canton. éliminé en 1861. Le combat politique était la cause de violences fréquentes. qui devint ensuite Solidarité. car le Grand Conseil et le Conseil d'Etat étaient réélus tous les deux ans jusqu'en 1900 . née dans une famille d’horlogers réfugiés à Genève après la révocation de l’Edit de Nantes. Le féminisme genevois Grâce à un certain nombre de personnalités marquantes. qui répartit les antagonismes entre un nombre plus grand de formations. qui le met au deuxième rang des écrivains genevois après Jean-Jacques Rousseau.philosophie que comme auteur de l'admirable et exaspérant Journal intime. rassemblant l'ancienne aristocratie. L’Association internationale des femmes (AIF) fut créée le 26 juillet 1868 à Genève. Le vote au lieu de domicile et la représentation proportionnelle. ce même jour. élabore une théorie de la connaissance dans les sciences de l'homme. Les radicaux disposaient d'une troupe de choc prompte au coup de poing contre les conservateurs. spécialités genevoises depuis Rousseau. En 1891. Les invectives pleuvaient. Qui plus est. l'un des inventeurs de la bande dessinée. au 9 de la rue du Mont-Blanc devant un public pour le moins clairsemé. Les radicaux tirèrent. quand bien même certains lui préfèrent Rodolphe Toepffer (1799-1846). Réorganisée en 1872 sous le nom de Solidarité. votait dans un seul et même bureau. Lutte des radicaux et des conservateurs L'intensité du débat social et religieux ne doit pas faire oublier la lutte majeure et permanente entre les radicaux et l'opposition conservatrice. Fazy. diminuèrent la violence politique. tuant trois personnes. La fondation de la Croix-Rouge Contraste saisissant. Marie Gœgg était © Helvetia Genevensis 2006 . l’association avait aussi son organe de presse. De même. grâce aussi à «l’esprit de Genève». Il fut battu. Le 22 août 1864 eut lieu une élection complémentaire au Conseil d'Etat. fut signée la Convention de Genève. sert aujourd'hui de base à nombre de théories des phénomènes sociaux. Deux cortèges de manifestants radicaux et conservateurs se rencontrèrent à Chantepoulet. tablait sur cette occasion pour revenir au pouvoir. ces tendances se groupèrent dans le parti démocratique en 1875. Si le parti radical reste au pouvoir pendant la plus grande partie des années qui séparent 1847 de 1914. concrétisant par la fondation de la Croix-Rouge la grande idée d' Henry Dunant. ville ouverte et généreuse au tournant des 19e et 20e siècles. La première organisation féministe internationale fut fondée par la Genevoise Marie GœggPouchoulin (1826-1899). aux élections cantonales s'ajoutaient les scrutins fédéraux et municipaux. mais les radicaux contestèrent le résultat et firent annuler l'élection. Genève a joué un rôle important dans l’histoire du féminisme suisse et international. le système qu'il a édifié. des libéraux et des radicaux modérés . Jean Piaget. Gillet. à l’initiative de Mmes Cuénod-Lombard. après un intense combat en faveur des « prud’femmes ». En 1891. en 1912. Auparavant. qu’il s’agisse d’associations ouvrières. elle avait été secrétaire de l’Alliance de sociétés féminines suisses sous la présidence de Pauline Chaponnière-Chaix. à l’occasion de la deuxième Exposition nationale suisse. La loi pourvoit à l’égalité en particulier dans les domaines de la famille. Elle présida. les protestantes peuvent voter depuis 1908. de l’instruction et du travail. pour la plupart issues des élites protestantes.une visionnaire. C’est la Genevoise Camille Vidart (1854-1930) qui préside le congrès et c’est en grande partie grâce à elle qu’il doit sa réussite. Les hommes et les femmes ont droit à un salaire égal pour un travail de valeur égale ». autre femme remarquable. L’écrivaine et femme de pasteur Aline Hoffmann (1856-1920) en est la première présidente et Emilie Gourd (1879-1946) la deuxième. philanthropiques ou féministes. © Helvetia Genevensis 2006 . de Camille Vidart et Pauline Chaponnière-Chaix (1850-1934). Article premier de l’AIF : « L’Association internationale des femmes (…) réclame l’égalité dans le salaire. En 1935. Art. Comparons. 2 de la Constitution fédérale actuelle. Ils seront 216 en 1916. A l’initiative d’Auguste de Morsier. Solidarité a posé la première pierre d’un féminisme organisé. les statuts de la nouvelle organisation préfigurent de façon étonnante l’article 8 al. la loi instituant une chambre pénale de l’enfance prévoit que l’un des deux juges assesseurs faisant partie de cette chambre peut être une femme. du mensuel Le Mouvement Féministe.4% de oui). De petits succès couronnent le travail de lobbying de l’association : en 1930. fondatrice. Choisy. de Louis Bridel. professionnelles. Avec plus de cent ans d’avance. Nous sommes en 1907. qui regroupe toutes les organisations féminines. en 1912. le plus souvent jusqu’à sa mort. un très grand nombre d’associations philanthropiques et féministes. Cette année-là. : « L’homme et la femme sont égaux en droits. l’association compte 162 membres. Genève est un des premiers cantons où se crée une association exclusivement vouée à l’obtention du suffrage féminin. 8 Cst. activité philanthropique et suffrage féminin sont au programme. Figures de proue et femmes de l’ombre Impossible de traiter du féminisme genevois. professeur de droit comparé à l’Université de Genève. éducation. Les femmes s’organisent Dissoute en 1880. le premier Congrès féminin suisse. Ainsi. député au Grand Conseil genevois. dans la famille et devant la loi ». deux fois présidente de l’Alliance (1904-1910 et 1916-1920) et présidente du Conseil International des Femmes de 1920 à 1922. Mais il faudra attendre encore onze ans pour que les Genevoises se mobilisent plus activement. en particulier l’Association suisse pour le Suffrage féminin de 1914 à 1928. L’Union prend à sa charge d’organiser en 1896. grâce aussi à un grand nombre de femmes qui travaillèrent dans l’ombre à résoudre l’épineuse question du suffrage féminin. qui existe encore aujourd’hui sous le titre L’émilie. après les cantons de Vaud et Neuchâtel. Les réceptions ont lieu au palais Eynard. Solidarité féminine. Les femmes se pressent en nombre durant les trois jours de conférences qui ont lieu à l’aula de l’Université. Sur le plan paroissial. Welter-Grot. en présence d’une petite centaine de femmes. les Genevoises obtinrent le droit de vote et d’éligibilité sur le plan cantonal le 6 mars 1960 (55. Gœgg et de Mlle Brechbühl. dans l’instruction. suisse et international sans évoquer la figure d’Emilie Gourd. dont 45 messieurs. Le canton compte alors quelque 170'700 habitants. voté par le peuple le 14 juin 1981. les femmes deviennent électrices et éligibles aux tribunaux de prud’hommes. la séance de fondation de l’Union des femmes de Genève a lieu au Casino de Saint-Pierre. Il débouchera en 1900 sur la création à Berne de l’Alliance de sociétés féminines suisses. grâce à quelques personnalités féminines et masculines. De nouveaux quartiers En 1846. Le schéma directeur pour la construction des nouveaux quartiers édifié sur les terrains des fortifications est désormais en place. ne conçoit le développement économique de la ville qu'en favorisant l'expansion urbaine par la démolition des fortifications. Ce sont les Eaux-Vives et Plainpalais sur la rive gauche. malgré la construction de la gare des Vollandes (1888). Quatre communes occupent alors le territoire actuel de la ville de Genève. Eglise Notre-Dame pour les catholiques-romains. sur le plateau des Tranchées. A l'intérieur de celle-ci. L'emplacement de la gare. bientôt suivis de deux autres aux Pâquis et à la Coulouvrenière. aux Philosophes. ce plan se borne à n'envisager que les terrains disponibles sans tenir compte d'un périmètre plus vaste. © Helvetia Genevensis 2006 . Des places sont créées comme le Rond-Point de Plainpalais ou celui de Rive. synagogue. on poursuit la construction des quais du Mont-Blanc et des Eaux-Vives. Ainsi se construisent. Genève et les trois communes suburbaines atteignent 123'175 habitants. du pont des Bergues (1831-1834) et de la passerelle de la Machine (1841). à rive ou entre Chantepoulet et les Pâquis. à plan régulier rectiligne. Toutefois. à partir de 1855 de nouveaux quartiers. Ainsi se constitue ce qu'on appellera au XXe siècle la ceinture fazyste. assurant un fort développement de la rive droite. Un plan d'alignement des rues et places sur les terrains devenus disponibles est adopté en 1854. le raccordement ferroviaire Cornavin-Eaux-Vives-Annemasse reste toujours d'actualité en 2005. Dufour. malgré une convention signée avec la Confédération en 1912. Trois portes seulement permettent le passage des chars. Temple maçonnique. appuyée par les commerçants et les artisans. Mais contrairement au projet Dufour. Une vision d'ensemble du futur réseau ferroviaire a fait défaut. Eglise russe. Il s'accompagne d'une extension des nouveaux quartiers desservis par un imposant réseau de tramways établi en une trentaine d'années de 1864 à 1894 et qui se déploie sur 126 kilomètres. donnant à la rade son visage actuel. L'essor démographique est donc considérable. Divers édifices religieux voient le jour. la ville couvre une surface de 59 ha 70 ares. l'un des premiers ponts suspendus d'Europe a été jeté par-dessus les murs en direction du plateau des Tranchées. En 1915. la révolution radicale. la ville passe de 31'238 habitants à 52'043 et les communes suburbaines de 6'486 à 13'666 habitants. Divers projets d'urbanisme voient le jour en 1849 et 1950. le développement urbain de Genève est entravé par le maintien de ses fortifications. Les problèmes de déplacement dans l'agglomération genevoise transfrontalière vont sans doute permettre au CEVA de voir le jour après 120 ans d'attente ! Entre 1850 et 1888. toujours reconnaissable. le Petit-Saconnex sur la rive droite. point de jonction des lignes Lyon-Genève et Lausanne-Genève fut fixé à Cornavin. C'est alors le plus important réseau de Suisse. toutes trois fusionneront en 1931 avec celle de Genève proprement dite. qui. alors que Dufour eut souhaité l'édifier à la Coulouvrenière. Deux nouveaux ponts sont créés : celui du Mont-Blanc (1861) et celui de la Coulouvrenière (1857). Du coup. qui ne dépassait alors pas l'emprise des bastions et des fossés. tandis que l'on procède au démantèlement des fortifications.Le développement urbain de genève Malgré la construction de quais sur les deux rives. ce plan sera fortement modifié le 18 décembre 1855 et complété le 2 juillet 1858 par l'ingénieur Blotnitzki. En 1823. ingénieur cantonal. Seuls les piétons peuvent l'emprunter. parce qu'elle sépare très nettement l'ancienne Genève (Vieille-Ville et Saint-Gervais) des quartiers qui se sont construits d'une manière plus anarchique sur l'emplacement des anciens faubourgs. Durant cette période.-H. à Plainpalais. à la Jonction ou aux Pâquis. sur les terrains offerts par l'Etat : Eglise anglaise. Il doit beaucoup au général G. aux Eaux-Vives. à partir de 1957. du tram et du téléphone et la ville commence à s'installer à la campagne. qui crée cinq zones de constructions. On peut distinguer quatre espaces distincts : le centre urbain à rues continues. suivies par la Rôtisserie et la Madeleine entre 1910 et 1928. on termine l'usine hydro-électrique de Verbois en 1943. au gré de diverses opérations immobilières. outre quelques zones spécifiques pour la Vieille-Ville ou Carouge. Finalement. qui prévoient une subvention de l'Etat pour la construction de logements à loyers modérés. L'apparition de la bicyclette et de l'automobile (1'330 en 1913) facilitent les déplacements. Enfin. en 1945. les 300'000 en 1966. au milieu des années cinquante. bénéficient tous de l'électricité. Bertrand. le quartier de la Tour Maîtresse et la place Bel Air subissent de profondes transformations entre 1890 et 1903. Les villages genevois. le développement de l'automobile. d'une part. Onex.La ville s'étend désormais dans toutes les directions. Le vieux tissu médiéval cède la place à un parcellaire nouveau. en 1940. Une petite ceinture de contournement est créée sur la rive droite jusqu'au pont Butin. L'Ile. Aïre-Le Lignon. ces trente années d'expansion économique sans précédent. la grande Genève. par les quais. la zone suburbaine moins dense. est rejeté très largement par © Helvetia Genevensis 2006 . des garages ou des ateliers. Genève dénombre 136'485 habitants et n'a donc pas retrouvé le chiffre de 1918. c'est-àdire que la population urbaine proprement dite stagne alors que croît fortement celle de l'agglomération. Ce seront. les Eaux-Vives. Personne ne prévoit. un espace formé de grandes propriétés dont certaines vont constituer la future ceinture de parcs publics (la Grange. la Perle du Lac). Dans le même temps. En 1936. appelé d'abord bureau du plan d'extension et d'une loi sur les constructions. à la veille de la Première Guerre mondiale. on construit en 1945 le pont ferroviaire de la Jonction pour pousser la voie ferrée jusqu'à la Praille. prendront Genève comme par surprise. enfin une zone de petites villas. Si la population n'a cessé de croître jusqu'en 1918. Un premier plan d'extension est élaboré en 1896. de 1955 à 1978. d'Espagne et du Portugal contraint le canton à des solutions d'urgence en matière de logements. donnant à ces nouveaux quartiers un aspect inachevé où les vides sont comblés par des hangars. dû tant au baby-boom qu'à la forte immigration en provenance d'Italie. sous prétexte d'hygiène et d'assainissement. tandis que l'on bétonne les premières pistes de Cointrin. compte 119'131 habitants. puis à la crise économique mondiale que l'installation de la Société des Nations et du Bureau international du Travail ne permettent pas de surmonter. au moment même où l'on perce la Corraterie pour créer la rue du Stand. d'autre part. Bien que la population augmente par la suite. formée des quatre anciennes communes. de 1945 à 1974. sur 100'000 logements construits. le quartier des Rues basses subit une transformation complète. C'est durant cette période morose cependant que Genève se dote de l'embryon d'un service d'urbanisme. Le brusque accroissement de la population. les 400'000 en 1998. Les Trente glorieuses Pourtant. Beaulieu. Tandis que le projet d'amener l'autoroute en pleine ville. à Meyrin (1961). De même. Ingénieurs et urbanistes s'opposent pourtant sur la traversée autoroutière du canton. Le développement urbain s'est accompli durant la première moitié du XXe siècle sans véritable plan d'ensemble. sans oublier les tours de Carouge. Le canton dépasse les 200'000 habitants en 1948. mais n'est adopté qu'en 1900. les lois HLM. la création de cité-satellites édifiées dans les nouvelles communes suburbaines du grand Genève. Il est trop tard pour éviter morcellements et lotissements irréguliers. les Trente glorieuses. la période de l'entre-deux guerres est pour Genève celle d'une dépression économique due d'abord à la suppression des grandes zones. rejoignant d'anciennes agglomérations comme Chêne ou Carouge. 33'000 le seront avec l'aide de l'Etat. Mon-Repos. le niveau de vie des travailleurs s'améliora peu à peu. Des familles ouvrières ne vivaient que de la charité. En 1960. constitutive des espaces verts de demain. les tensions sociales sont masquées par une francophilie délirante qui réunit toute la population dans la haine des Allemands. décidée et dirigée de Suisse alémanique. tend à devenir une seule agglomération de Nyon à Annemasse. La Première Guerre mondiale interrompit ce progrès. comme la paysannerie et la bourgeoisie industrielle. Chêne-Bougeries) puis une zone agricole largement préservée. Les opposants plaident pour une autoroute de contournement. le projet de traversée (petite. régionales ou nationales ne favorise pas un développement harmonieux de l'agglomération genevoise malgré les réflexions nombreuses et nourries des professionnels à ce sujet. en 1964. les autorités envisagent. d'autres classes. Les luttes de classes s'accentuent et provoquent la grève générale nationale du 11 novembre 1918. cantonales. La volonté de réaliser un train régional express de Nyon à Lausanne participe à cette tentative de réguler une croissance vigoureuse. La situation des salariés se dégrada. Le début du 20ème La Première Guerre mondiale La décennie avant 1914 fut une période de haute conjoncture . augmentèrent leurs profits. après l'inauguration de l'autoroute Genève-Lausanne. ont ouvert le marché du travail. une dernière zone. la rue des Allemands. les deux projets concrets présentés en 1996 (pont ou tunnel) sont rejetés en juin 1996. mais l'agglomération atteint plus de 600'000 habitants. Pourtant. Enfin. En 2005 près de 49'000 travailleurs frontaliers. qui rappelait depuis © Helvetia Genevensis 2006 . ce dernier est entravé par l'application de plus en plus stricte d'un zoning établi en 1957 pour l'essentiel. L'enchevêtrement des compétences politiques communales. réalisée finalement en 1993. en effet. Chaque déclassement donne désormais l'occasion d'une bataille au Grand Conseil. Autour de l'ancien noyau urbain s'étend une zone suburbaine formée de cités satellites et de larges quartiers de villas (Veyrier. Malgré la reprise à partir de 1998. l'aggravation du sort des salariés est aussi sensible qu'à Zurich ou à Bâle. pour des raisons de légalité. de traverser la rade. Après la crise immobilière de 1989. Pourtant. jamais la construction de logements n'a été aussi faible dans le canton. les plans de développement de l'agglomération genevoise prennent de plus en plus compte de la dimension régionale. sans indemnité. En réalité. le 4 décembre 1960. Si le principe en est admis par le peuple en 1988. Ce développement n'est pas cordonné et ressemble plus à une flaque d'huile qu'à une étoile. pour l'Exposition nationale. voire transfrontalière. moyenne ou grande) resurgit.le peuple. venus de la Haute-Savoie ou du Pays de Gex et près de 25'000 pendulaires vaudois viennent travailler quotidiennement à Genève. avec des majorités à géométrie variable suivant les projets. Comble du ridicule. départementales. Troinex. En Suisse Romande et à Genève. Un développement en flaque d'huile Bien que conçu dans une optique strictement genevoise. le canton ne compte que 438'000 habitants. on parlait d'une Genève de 800'000 habitants comme une hypothèse de travail. en pont ou en tunnel. périurbaine se développe rapidement en dehors des frontières du canton et «mite» le territoire entre le Salève et Jura. Une fois cette dernière en chantier. en 1994. Les mobilisés perdaient leur gain. la construction de logements s'essouffle dans les années 1990. au sens large. l'offre d'emplois progresse d'autant plus que les bilatérales. Genève. En revanche. au prix d'un milliard et demi de francs. En 2005. Architectes et planificateurs ne manquent alors pas de dire que l'autoroute de contournement forme la nouvelle muraille qui corsette Genève et autour de laquelle devrait se structurer le développement de l'agglomération. ces rivalités et leurs conséquences politiques redoublent avec l'arrivée de nombreux Confédérés. La baisse générale de l'industrie et du commerce est accentuée par la suppression de la grande zone franche de 1860. La bourgeoisie prend peur et s'organise. fait régner pendant vingt ans. Le gouvernement socialiste La grande crise La plus grande crise qu'ait subie le capitalisme détruit ce climat d'espérance. conduit par une tendance modérée. y compris les anciens belligérants. ancêtre de l'ONU. la tension entre la gauche et la droite reste limitée. le ton n'est plus à la modération. les dirigeants ouvriers eux-mêmes sont étonnés de dénombrer huit mille grévistes. Commencée aux Etats-Unis en 1929. La grève a fait surgir une Union civique. elle touche la Suisse en 1931. association de défense contre les «rouges ». dont beaucoup sont partis pendant la guerre. ancien conseiller d'Etat genevois. A Genève. En 1930. le parti socialiste rédige un programme extrémiste qui met en relief la lutte des classes et la dictature du prolétariat. prolonge son alliance électorale avec les radicaux. Les ressortissants des autres cantons passent d'une proportion de 27 % de la population en 1913 à 43 % en 1935. La grève de 1918 coïncide avec les journées où la ville en liesse fête la victoire alliée. A partir de 1925 souffle ce qu'on a nommé «l'esprit de Genève». des traités lient les grandes puissances. Les classes moyennes souffrent aussi. qui donne confiance dans l'avenir pacifique du monde. Le parti socialiste. Durant les années 1920. La presse peut dépeindre les chefs syndicalistes et socialistes alémaniques comme des agents «boches». elle est devenue la plus forte du Parlement cantonal. qui échoue. Léon Nicole. Travailleurs manuels pour la plupart. La députation du parti au Grand Conseil comprend trente-sept élus en 1930 . Léon Nicole Chez les socialistes. Le durcissement des extrêmes La mémoire de la grève générale. les divergences sociales sont atténuées. Des groupes empruntent des idées à l'extrême droite française. un jeune postier d'origine vaudoise. ils sont électeurs.des siècles le souvenir des marchands germaniques qui venaient aux foires de Genève. ce qui lui permet d'obtenir deux sièges au Conseil d'Etat en 1924. conseiller fédéral et président de la Confédération. l'économie tourne à plein. Le fléau du chômage se propage. Les efforts de Gustave Ador. Sous son égide. Parmi les meneurs. Partout la dépression amplifie les conflits sociaux et politiques. Genève compte 4'500 chômeurs en 1933. qui remplacent les étrangers. décrétée unilatéralement par la France. puis au fascisme. Sous l'influence de la grève et de la Révolution russe de 1917. est débaptisée en rue de la Confédération. refera parler de lui. Dans ces circonstances. L'optimisme éveillé par la vitalité économique est fortifié par l'espoir d'une paix durable. qui rejoignent les conservateurs du parti national-démocratique (ce sont les libéraux d'aujourd'hui) et les © Helvetia Genevensis 2006 . Léon Nicole et la tendance dure ont pris la direction du parti. dans tout le pays. et du professeur William Rappard avaient concouru à ce que Genève fût choisie pour siège de la SDN en 1919. C'en est fini de l'alliance avec les radicaux. Après une courte crise. un climat d'hostilité entre la bourgeoisie et la paysannerie d'un côté et la classe ouvrière de l'autre. A la différence des étrangers. que semble capable d'établir la Société des Nations. victorieux en Italie en 1922. ils votent socialiste. Rendus responsables de ces événements.catholiques. Les socialistes convoquent une contre-manifestation qui aura lieu le même soir autour de la Salle communale. le Conseil d'Etat demande l'aide de l'armée suisse. voire son antisémitisme. l'Union nationale peut tenir tête à la gauche. dans des discours ou des articles où il brandit des menaces effrayantes contre les bourgeois. Disposant d'un appareil d'intervention prompt à la bagarre. le chômage subsiste. Cette extrême droite recueille des sympathies dans les partis bourgeois à qui elle plaît par son antimarxisme. il est plutôt réformiste que révolutionnaire. Ce succès provenait de la coïncidence de plusieurs facteurs. en effet. Mieux. qu'il prend pour le paradis des travailleurs. la responsabilité du sang versé le 9 novembre était attribuée au Conseil d'Etat radical-libéral. Une partie des soldats est acculée contre le Palais des Expositions devenu Uni Mail. ce fond est masqué par un langage incendiaire. même s'il éprouve un attachement sentimental envers la Russie soviétique. une partie de la petite bourgeoisie avait voté pour Nicole. il fallait disposer de moyens financiers. repoussèrent ses demandes de prêt. une victoire pour les socialistes. bien mauvais choix pour une tâche de police. ils obtiennent la majorité au Conseil d'Etat avec quatre sièges contre trois aux partis bourgeois. A peine est-il sorti. Seul un subside de la Confédération évita la banqueroute de l'Etat. l'objectif immédiat de Léon Nicole se bornait à la volonté de relancer l'économie par des investissements de l'Etat. Fort peu théoricien. Les officiers commandent le feu. dans une hostilité implacable contre les socialistes et contre leur leader. formation d'inspiration et de style fascistes menée par Georges Oltramare. Cependant. Le gouvernement socialiste Léon Nicole purge une peine de six mois de prison. pour cela. Une école de recrues est envoyée de Lausanne. Les banquiers. que Nicole avait traînés dans la boue. Or les caisses étaient vides et le Grand Conseil. représentés par le parti indépendant chrétien-social. autre dirigeant socialiste. où les partis bourgeois disposaient de la majorité et menaient une guerre impitoyable contre le gouvernement socialiste. la crise avait incité à se prononcer pour une politique économique différente. En plus des ouvriers. Des scandales bancaires dans lesquels des hommes politiques étaient mêlés avaient ébranlé l'opinion . les trois ans de gouvernement socialiste correspondent à l'apogée de la crise en Suisse. Nicole jouit d'un immense prestige auprès des ouvriers et des petites gens. Allait-on assister. Nicole et d'autres socialistes sont condamnés par une cour d'assises fédérale. à une expérience socialiste ? En fait. Les socialistes remportent quarante-cinq sièges au Grand Conseil. Bref. devenu le parti démocratechrétien. alors qu'elle fait preuve d'un anticapitalisme plus nuancé. refusa toute augmentation des impôts. Surtout. Pour comble. Les projets restent dans les tiroirs ou ne reçoivent que des débuts d'exécution . La fusillade du 9 novembre 1932 En 1932 est fondée l'Union nationale. qu'il est nommé président du Conseil d'Etat. La fusillade fait treize morts et soixante blessés. On leur lance des pierres et des pavés. La participation a été considérable: 84 %. Léon Nicole est le type même de l'homme voué tout entier à une cause. Dans la crainte d'un affrontement sanglant. notamment dans de grands travaux. avec ce premier Conseil d'Etat à majorité de gauche en Suisse. © Helvetia Genevensis 2006 . L'Union nationale annonce pour le 9 novembre 1932 la mise en accusation publique à la Salle communale de Plainpalais de Léon Nicole et de Jacques Dicker. le combat contre l'injustice sociale. Mais. c'est l'échec. Les élections de novembre 1933 sont. les «nicoléens» obtiennent vingt-huit sièges. jouit d'une diminution notable des tensions qui avaient troublé les années précédentes. de bien des drames. dans la rue. En revanche. Le recul socialiste est peu sensible au Grand Conseil. Durant la guerre de 1939-1945 Le pacte germano-soviétique d'août 1939 brise l'unité de la gauche. ce qui était parfaitement possible malgré les déclarations volontairement alarmistes des autorités civiles et militaires criant à la famine prochaine et à la sécurité menacée. à nos portes. Le nouveau Conseil d'Etat est nommé juste au moment où la dévaluation du franc et d'autres dispositions fédérales diminuent l'ampleur de la crise. de femmes. sort que lui promettait certaines cartes nazies. Pour cela. Ce changement s'explique par l'amélioration économique. La Fédération sera interdite en 1941. d'autres furent admis. dus aux mesures de refoulement prises à l'encontre d'hommes. Néanmoins. Les adversaires politiques s'opposent violemment au Grand Conseil. A côté de ces pages noires. Les sept postes sont enlevés par quatre radicaux. bâillonnée par l'occupation allemande. Aux élections de novembre 1939 pour le Grand Conseil. d'enfants juifs qu'on envoyait à la mort en les repoussant . Charles Rosselet. tandis que les militants fidèles au parti suivent un autre leader. les socialistes «officiels» sept. où siègent encore quarante députés de ce parti. plus accessible aux souffrances d'autrui. Le sort de Genève pendant la guerre n'a pas encore suscité d'histoire générale. l'honneur est sauvé par les multiples secours publics et privés en faveur des victimes du conflit. au détriment d'une politique plus idéaliste. la Suisse a su garder son indépendance et a réussi à ne pas être intégrée dans l'Europe allemande. confinés souvent et parfois durement traités dans des camps ouverts dans divers points du canton. mais empirées dans ce canton par son sentiment d'isolement par rapport au reste de la Suisse et par la proximité des troupes italiennes et allemandes aux postes frontière après la défaite de la France en 1940. elle a dû pratiquer une politique réaliste trop rigidement égoïste. la déroute est totale. l'atmosphère reste lourde à Genève.Genève durant la seconde guerre mondiale L'Entente nationale Le choc provoqué par le succès socialiste de 1933 unit solidement les trois partis bourgeois dans une Entente nationale. © Helvetia Genevensis 2006 . depuis 1936. en éditant livres et périodiques. qui refuse de désapprouver ce traité. en particulier. Par contraste. Les banques accordent immédiatement au nouveau gouvernement les crédits qui l'aideront à redresser la situation financière du canton. attitude qui fut la cause. L'Entente est victorieuse. la Suisse Romande et Genève remplirent encore la fonction de porte-voix de la culture française. l'union sacrée entre bourgeois et socialistes face au danger nazi. plus conforme à sa réputation de terre d'asile. Léon Nicole. est exclu du parti socialiste suisse. l'accueil d'enfants français dans des familles. la peur d'une attaque sont communes à tout le pays. La Suisse. il fonde la Fédération socialiste suisse. La Résistance trouva aussi des appuis solides . deux libéraux et un démocrate-chrétien. pour le Conseil d'Etat. dans la presse. Ces heurts cesseront seulement avec le début de la Seconde Guerre mondiale. hélas. Les élections au Grand Conseil de novembre 1936 sont marquées par un record absolu de participation avec 86 % de votants. L'angoisse devant les événements de la seconde guerre mondiale. la paix du travail de 1937 entre les syndicats et les associations patronales. Signalons. Genève a bénéficié d'une prospérité économique inégalée. Malgré les efforts énormes des enseignants du primaire et du secondaire. mais les statistiques officielles sont trompeuses. En 2002. De 1925 à 1945. « sans papiers » non dénombrables. les Espagnols (17'000). Lancy. travaillant à Genève. Quant à l'origine. © Helvetia Genevensis 2006 . C'était un nombre record. principal élément de l'augmentation de la population. les frontaliers. Les 164'000 étrangers sont sous-estimés à cause d'une quantité de clandestins. elle s'élevait à 363'000 personnes. expose au massacre des populations entières. comme toute la Suisse. Le nombre de 428'000 âmes peuplant le canton à la fin de 2002 est dépassé. La hausse fut très rapide de 1950 à 1960. avec toute la région Rhône-Alpes. Des communes rurales ont été métamorphosées en villes. Le plus gros contingent est celui des travailleurs employés dans le bâtiment. l'éventail des provenances des arrivants s'est extraordinairement ouvert. l'école est-elle encore capable d'exercer sa mission de grande assimilatrice envers tant d'enfants de langues et de civilisations différentes ? Ou bien renoncera-t-on à l'intégration généralisée au moins pour les communautés qui tiennent à conserver au maximum leurs particularités ? Combien malaisée la tâche de l'Etat qui doit concilier le devoir d'humanité avec la régulation du flux migratoire ! L'immigration proprement dite étant insuffisante pour couvrir les besoins de main-d'œuvre d'une économie en pleine expansion. celle-ci avait oscillé entre 163'000 et 187'000 habitants. Les conséquences en ont été variées et profondes. le « nettoyage ethnique». épouvantable expression. telles Vernier. Meyrin. se répartissent en catégories bien tranchées. les Italiens (22'000). Est-ce trop hardi d'y voir la marque que Genève a recouvré. les colonies étrangères les plus fortes sont dans l'ordre les Portugais (environ 30'000). Effet de cette poussée démographique. Mais quelle part voulons-nous prendre à la détresse du monde ? L'immigration étrangère Puis se pose la question de l'intégration.Le dernier demi-siècle L'accroissement démographique Durant les années qui vont de 1950 à 1990. dans l'industrie et dans les postes inférieurs du secteur tertiaire. grâce à cette collaboration interrégionale. métropole donnant et recevant. Pendant longtemps relativement homogène. au-delà. grimpant à 332'000 âmes en 1970. mais n'y habitant pas. presque complètement délaissé par les nationaux. le chiffre d'habitants montant de 203'000 à 259'000. de l'Europe de l'Est à diverses contrées de l'Afrique et de l'Asie. Onex. A la fin d'avril 1985. Vers la riche Europe accourent encore des malheureux qui tentent d'échapper à la misère et à la faim. on a construit plus de bâtiments de 1947 à 1972 que depuis 1800. ils furent 35'000 à franchir chaque matin la frontière et à regagner chaque soir leur demeure de l'Ain ou de la Savoie. affirmant une priorité latine dans l'émigration. une part de politique étrangère ? Les immigrants étrangers. dont Genève fait partie de fait. la plus visible étant un bouleversement du paysage du canton consécutif à l'urbanisation provoquée par la croissance de la population. majoritairement européen et latin. Les réfugiés politiques fuient des régimes odieux où la mort guette les opposants . Les années récentes sont celles d'un certain ralentissement dans le flux migratoire. encore plus abrupte dans les dix années suivantes. on recourut à d'autres étrangers. Le cas des frontaliers et bien d'autres réclament des négociations constantes avec les départements français limitrophes et. banque. sous l'impulsion du socialiste André Chavanne. La crise a sa part dans cette infortune avec la diminution des recettes fiscales et la flambée des dépenses sociales. mais qui fut bref. humanistes ou professionnelles furent fondus dans une institution unique. passées de 247 à 871 millions entre 1987 et 1995. 13'000 environ en 1997 dont plus du quart n'ont pas travaillé pendant un an ou plus. alimentée par l'arrivée de capitaux étrangers. Dans le secteur de l'économie privée également. ou en recensait deux cent cinquante-quatre. hôte de Genève. Genève a été un des cantons les plus durement frappés. en revanche. mais les experts incriminent aussi une politique trop généreuse. un brusque retournement de la conjoncture survint. L'indice le plus révélateur et le plus affligeant est l'extension du chômage: 2000 chômeurs complets ou partiels en 1985. recherchant la sécurité helvétique: Genève détient la première place en Suisse par la valeur des fonds gérés. l'Ecole secondaire et supérieure des jeunes filles en une série de collèges aux noms magnifiant d'illustres Genevois: Calvin. sa dette se monte à 10 milliards de francs. en 1969. qui facilita l'éclatement du Collège et de son parallèle féminin. Une image révélatrice est offerte par la banque. longues ou courtes. parfois d'origine douteuse. une usine sur cinq a fermé ou quitté Genève de 1966 à 1972. âgé de 172 ans. Les finances de l'Etat ont plongé . Victime de la concurrence extérieure ou de la concentration des entreprises. trait le plus voyant et le plus triste. Germaine de Staël et d'autres. qui expira le 27 février 1998. le canton possédait trente-neuf comptoirs bancaires: en 1982. hôtellerie. de Saussure. En 1945. Genève n'a plus la vocation industrielle ou. conseiller d'Etat chargé du Département de l'instruction publique de 1962 à 1985. Autre unification. La réforme de l'instruction publique Dès 1962 le type d'études. la crise commencée avec le début des années 1990. son rôle se limite-t-il de plus en plus à des fabrications très spécialisées dans des domaines de pointe. Enfin. deux quotidiens ont cessés de paraître: «La Suisse» en 1994 ainsi que le doyen de la presse locale. Plus qu'aux vieilles banques privées et aux filiales des grandes banques helvétiques. Sismondi. la mixité. Si toutes les opérations bancaires sont pratiquées. cet essor est dû à la multitude des établissements étrangers qui ont proliféré. le «Journal de Genève». la mendicité a réapparu dans les rues genevoises. © Helvetia Genevensis 2006 . Persistante. La supériorité du tertiaire (commerce. Dunant. le Cycle d'orientation. Beaucoup des entreprises qui restent ont passé sous contrôle suisse alémanique ou étranger. peu soucieuse des revirements possibles de la conjoncture. administration.L’économie et l’instruction publique L'économie Le trait dominant de l'économie genevoise durant ce tiers de siècle a été la chute de l'industrie. Deux innovations ont porté remède à la médiocrité des relations ferroviaires: l'aéroport intercontinental de Cointrin et le percement du tunnel du Mont-Blanc. Rousseau. et ces cessations d'activité se sont poursuivies depuis. celle qui prime est la gérance de fortune. Genève est un centre international: quantité de maisons étrangères ont installé leur siège ou une succursale dans notre ville. ainsi que Voltaire. L'essor du tertiaire a dépendu aussi d'un net progrès des transports. En automne 1974. etc) est maintenant éclatante. Autres victimes de l'évolution économique. qui fut le plus populaire des hommes d'Etat genevois de l'après-guerre. du moins. sans exception. il a fallu attendre trois quarts de siècle avant que Genève retrouve une place au Conseil fédéral en la personne de Ruth Dreifuss. mais des « internationaux ». l'expansion urbaine non maîtrisée avec ses agressions contre la qualité de la vie. Ce sentiment de frustration s'est exprimé avec force en 1996. mais nulle part ce désintérêt des citoyens n'est plus continu et plus prononcé. tous. La réaction populaire contre les ravages subis par l'environnement s'est cristallisée dans le vote de 1996 refusant la construction d'une nouvelle traversée de la rade. Le pourcentage des participants à l'élection du Grand Conseil. Les changements politiques Les années 1950 à 1990 Du côté des partis politiques. Eloignée des centres de décision économique et politique du pays. Cette baisse est alarmante et pose des questions de fond. fut dépossédé de plusieurs vols internationaux au profit de Zurich. A côté du refus facile de la «cuisine». une des grandes fiertés des Genevois. était descendu à 35 % en 1993. toutefois. élue en 1993 (elle le quittera en 2002). Il faut se borner à relever un seul élément. la peine qu'ont les Genevois à se situer dans l'Etat suisse. l'euphorie produite par une réussite sans précédent est loin d'être dépourvue de désillusions. ont été secoués par des crises plus ou moins graves. quand l'aéroport de Cointrin. Enfin. le dépeuplement du centre de la ville au profit d'immeubles de bureaux. qui était de 76 % en 1945. Dès 1959. Le malaise genevois Les composantes du malaise genevois ne peuvent être analysées ici. la prise de conscience fut peut-être plus précoce qu'ailleurs. vers 1965. parti communiste fondé © Helvetia Genevensis 2006 . le parti du travail. Genève fut une des premières régions suisses où les mouvements xénophobes recueillirent de larges adhésions. qui appartient à la crise générale des villes du monde occidental. politique et de la conviction que le vote ne changera rien aux décisions prises d'en haut par les politiciens. cet afflux s'attirait le reproche de «saturation». Pour ne citer qu'un exemple. L'abstentionnisme en matière électorale est un phénomène national. fonctionnaires ou employés d'entreprises étrangères. Dans l'inquiétude répandue chez toutes les sociétés avancées. vouait à une urbanisation totale un canton bloqué à l'intérieur d'un territoire étroit. Pourtant. qui paraissait sans limite (ne parlait-on pas. Genève éprouve parfois l'impression pénible d'être tenue pour peu de chose.Le désenchantement La prise de conscience Genève. il n'est pas aisé de démêler ce qui est propre à Genève. L'identité genevoise était noyée sous une emprise étrangère plus lourde que celle des autres cantons puisque Genève abritait non seulement des travailleurs immigrés. Les faits corroborent cette idée: depuis le XIX e siècle. ne faut-il pas admettre le décalage entre un système de partis et des doctrines héritées du XIX e siècle et la mentalité et les nouvelles façons de vivre des gens d'aujourd'hui ? Ces facteurs ont pour conséquence une dégradation de l'esprit public et un effondrement des valeurs citoyennes. les dommages au paysage urbain et rural forment un phénomène commun. Au milieu des années 1960. La croissance brutale. a été un des trois cantons suisses qui ont le plus profité de la réussite économique. d'une Genève future de 800'000 habitants ?). dont on a signalé le rôle dans notre économie . A Genève. trop de riches étrangers accaparaient maisons et terrains. le canton n'a obtenu que rarement et avec difficulté des appuis que la Confédération octroyait largement à d'autres. Le malaise diffus que ressentent les Genevois se traduit nettement dans le domaine politique. avec Zurich et Bâle-Ville. Un seul est allé jusqu'à la scission. et donna le jour à des groupes «gauchistes». Ce Conseil d'Etat « monocolore» comprenait pour la première fois une femme. avec huit députés. En 1965. au Conseil d'Etat. tout nouveau. Compte tenu de la force des partis dans le Grand Conseil. partisans d'une politique sociale plus avancée. Les années 1990 à 1999 Un événement marquant survint en 1993. la traduction politique la plus manifeste du «malaise» fut la création. soit la totalité des sièges du gouvernement cantonal. d'un nouveau mouvement. Troisièmement. celui-ci créa un parti progressiste. de l'autre côté. majoritaire au Conseil d'Etat avec quatre sièges. entre la gauche et la droite explique en partie et surtout pour la seconde de ces élections. à l'image des autres partis communistes européens . les Vigilants luttaient pour le maintien des valeurs traditionnelles. La crise du parti libéral. à majorité bourgeoise. les radicaux étaient rendus responsables des ratés de l'expansion. les socialistes et les communistes. Ces conflits. un parti écologiste fondé en 1983 et entré au Grand Conseil en 1985. en 1965. disparu rapidement. à laquelle a contribué la généralisation du vote par correspondance. © Helvetia Genevensis 2006 . qui les désigna tous. ce pourcentage passe à 39 %. accusant les seconds d'immobilisme ou d'embourgeoisement. Le renouvellement de 1997 est digne de mémoire à plus d'un titre. Cependant. rejoignant à peu près le taux de 1985. et donc plus mobilisatrice. deux socialistes et un écologiste. Premier point à relever. première des formations politiques au Grand Conseil avec trente-sept députés en 1957. les voix exprimées sont en progression.devenu moins doctrinaire. et. La crise du parti radical date de la défaite qu'il essuya en 1961. particulièrement chez les étudiants de l'Université. cette amélioration. deux socialistes. Cette option fut ratifiée par le corps électoral. Cette formation s'éteignit au début des années 1990. l'augmentation des votants pour le Conseil d'Etat. on l'a vu plus haut.par Léon Nicole en 1944. En 1993. Hostiles à la surpopulation étrangère. qui avait succédé à l'Entente nationale. Cette année-là. en 1969. elle présenta sept des siens comme candidats au Conseil d'Etat. Grand parti des années 1950. furent avivés par la révolte parisienne de mai 1968 qui eut ses répercussions à Genève. les premiers. qui se sépara en 1952 de son vieux leader . est moins importante que les remous qui se firent jour chez les démocrates-chrétiens. ils ont retrouvé un second mandat au gouvernement. plus ou moins latents. il perdait dix sièges au Grand Conseil et n'avait plus. qui bondit de 33 % à 48 % et oblige à retourner jusqu'en 1965 pour rencontrer un chiffre équivalent. rompit l'habitude prise. Ce choc était dû à l'usure du pouvoir . elles prirent la forme d'un conflit entre jeunes et vieux. Créations récentes. l'usage s'était ancré d'introduire au Conseil d'Etat. Ayant remporté la majorité absolue au Grand Conseil. avec une conseillère dans chaque camp. Ces difficultés sont le reflet du malaise dont il a été parlé . Deuxième élément à mettre en relief. le succès de la gauche et des Verts envoyant 51 députés au Grand Conseil et obtenant ainsi la majorité absolue. affaire de personnes. Plus spectaculaire. les Vigilants. un démocrate-chrétien) et. l'Entente bourgeoise. Une lutte plus accentuée. la réussite de la gauche remit en selle un Conseil d'Etat panaché comprenant quatre magistrats bourgeois (deux radicaux. En 1997. associant le parti du travail . le niveau minimal avait été atteint. une Alliance de gauche.à diverses tendances de la gauche non socialiste. les urnes n'ayant recueilli les bulletins que d'un électeur sur trois pour le choix des membres du Grand Conseil. un libéral. qu'un seul représentant. on ne tiendra pas rigueur. Un «tremblement d'histoire» ruine un modèle de civilisation commencé il y a cinq mille ans. Les «technosciences». pendant longtemps cantonné à la suisse allemande et qui venait de s'implanter à Genève : le scrutin lui donna d'emblée dix sièges. Ce séisme a pour cause la gestation d'une civilisation nouvelle. parue en 1980. l'épisode mémorable. nom pris par l'ancien parti des paysans. celui-ci appelant par certains côtés les outrances des années 1930. l'observateur constate en 2003 un renforcement de l'antagonisme entre la gauche et la droite. La majorité au Grand Conseil et au Conseil d'Etat est revenue à la droite augmentée d'un nouvel élément. Au Conseil d'Etat. les colonies étrangères les plus fortes sont dans l'ordre les Portugais (environ 30'000). dans le régime de démocratie semi-directe qui nous dirige. est dépassé. Il a été fait mention du désenchantement dont souffraient les Genevois au lendemain de trois décennies de prospérité ininterrompue. Au début du XXI e siècle le malaise a grandi au point que parler de désarroi est plus exact maintenant. Les créateurs de la Genève moderne. pour l'instant. plus de représentants à l'exécutif cantonal. Les conventions qui régissaient les comportements sociaux et moraux sont ébranlées. Quant à l'origine. les permanences sur lesquelles reposaient la société vacillent. Une série de crises touchent l'ensemble de l'existence et de la pensée. dans un effort commun. mais cet © Helvetia Genevensis 2006 . de l'achever par une remarque générale sur le trouble qui hante aujourd'hui l'esprit humain. mais les statistiques officielles sont trompeuses. Dans cette évolution. artisans et bourgeois. quatre membres de formations de gauche. toutes les forces compétentes et de mettre en veilleuse les divergences idéologiques pour adopter la solution de la «concordance». Evidemment. les religions traditionnelles délaissées. Les élections de 2001 ont été marquées par des surprises de taille. En revanche. comme disent nos Confédérés. Peut-être est-il préférable d'employer le mot de « mutations » . la crise est une perturbation passagère. compte sur cinq conseillers. après cent cinquante années de présence continue n'ont. les Espagnols (17'000). Néanmoins. qui est la plus sage et la plus efficace. les Italiens (22'000). en particulier la biotechnique. Dans les temps difficiles que nous traversons. Ce qui convenait pour la première édition de cet opuscule. modeste et impersonnel. fut l'éviction des radicaux. l'Union démocratique du centre. fondé au lendemain de la Première Guerre mondiale. tandis que les changements en cours se déroulent dans la très longue durée. la ville de Genève reste ancrée à gauche : son exécutif. Les générations futures en jetteront les bases et trouveront les équilibres originaux qui la caractériseront. bouleversent des données qui paraissaient éternelles. « sans papiers » non dénombrables. les grands textes littéraires et philosophiques deviennent étrangers aux préoccupations contemporaines. La culture dite classique perd ses repères. lorsque s'accumulent les problèmes les plus divers et les plus complexes. Les 164'000 étrangers sont sous-estimés à cause d'une quantité de clandestins. le Conseil Administratif.Les années 2000 Les années récentes sont celles d'un certain ralentissement dans le flux migratoire. à l'auteur de ce récit. affirmant une priorité latine dans l'émigration. durcissant leurs positions et leur langage. Le fonctionnement des opérations de l'esprit et de notre logique pourrait être modifié sous la puissante influence clé la communication informatique. croyons-nous. une nécessité évidente impose de rassembler. ce malaise n'était pas circonscrit à notre étroit espace. A la fin de cet abrégé. Le nombre de 428'000 âmes peuplant le canton à la fin de 2002 est dépassé. mais gagnait peu ou prou tout le monde développé. enfantement demandera beaucoup de temps et sera parsemé de périodes de désordre. © Helvetia Genevensis 2006 . de confusion et de doute à l'image de celle que nous vivons actuellement. travail. de la Conférence sur l’Indochine de 1954 et du Sommet des Quatre Grands de 1955 à celui de ReaganGorbatchev en novembre 1985 en passant par les conférences atomiques. la curieuse alliance des élites bourgeoises et des communistes contre le CERN en 1952.La Genève internationale Une expansion en dents de scie L’histoire de la Genève internationale au XXe siècle commence très fort avec l’attribution en 1901 du premier Prix Nobel de la Paix à Henry Dunant. et enfin de 1954 à 1985 avec les grandes rencontres au sommet. elles ont souvent été tumultueuses : l’engagement militant de personnalités locales comme Gustave Ador et William Rappard dans les années 1920.et du Nobel de la Paix 1902 aux deux pacifistes genevois Elie Ducommun et Albert Gobat. De la société à l’union des nations Tout au long du XXe siècle. La période 1919-1946 correspond à l’installation. la fondation du Comité international de la Croix-Rouge (1864). Genève a accueilli des dizaines de milliers de réunions. la Genève internationale a donc pu consolider les trois points forts hérités des années 1860-1870 . fondateur de la Coix-Rouge. de Jacques Freymond et de Robert Vieux plus tard. Chronologiquement. contraste avec la grogne contre les coûts de la SDN dans les années 1930. conférences et négociations internationales de toutes sortes et de tous formats sur les sujets les plus divers. les réunions de la Première Internationale consacrées au problème du travail (1866) et l’arbitrage de l’Alabama entre la GrandeBretagne et les Etats-Unis (1872). de 1920 à 1932 avec les immenses espoirs mis dans la Société des Nations. développement et désarmement en particulier. de 1914 à 1919 avec la création de l’Agence centrale des prisonniers de guerre au Musée Rath. Le début du siècle. commerce. santé. propriété intellectuelle. l’expansion puis à la crise de la Société des Nations. parfois obscurs et oubliés. Quant aux relations avec la Cité. rencontres diplomatiques et politiques au sommet et coopération internationale au jour le jour dans les domaines les plus divers – mais avec des bonheurs variables selon les époques et des tensions parfois vives avec la Genève locale. les réunions de l’OPEP et les négociations très médiatisées sur la réduction des armes nucléaires entre les Etats-Unis et l’Union soviétique dans les décennies 1960 à 1980. Enfin. la période qui s’étend de 1946 à nos jours voit la création de l’Office européen des Nations Unies et le déploiement des grandes organisations internationales de coopération technique : communication. Les chroniques du temps permettent de distinguer trois grands moments d’intense rayonnement international. le referendum de défiance contre la FIPOI en 1965. la ronde brillante des ministres et de la bonne société internationale autour de la rade et les débuts de l’Organisation internationale du travail sous l’égide d’Albert Thomas . d’Albert Picot. Tout au long du siècle.engagement humanitaire et en faveur de la paix. moment où la vie internationale a semblé se concentrer sur Berne et Bâle. les critiques contre les privilèges fiscaux des diplomates et des fonctionnaires internationaux au début des années 1990 et les manifestations violentes contre l’OMC dès 1998. installée d’abord au Palais Wilson puis dès 1937 au Palais des Nations. cette histoire se déroule en trois étapes : les années 1900-1919 avec la poursuite des activités humanitaires et des conférences sur la paix initiées au XIXe siècle après la création de la Société de la paix par Jean-Jacques de Sellon (1830). sessions. mais souvent très médiatisés. mais surtout les années 1934-1946 et 1990-1998 ont en revanche été des moments de crise. recherche nucléaire. L’histoire © Helvetia Genevensis 2006 . a toutefois retenu très peu d’accords et de traités qui portent la signature de Genève. C’est que. ouvertes en 1982 mais dont l’accord final attend toujours d’être ratifié par les Etats-Unis. en confirmant son rôle de facilitateur et en confortant son leadership dans la plupart des domaines techniques de la coopération internationale. le nom de Genève est également associé à l’accord de 1963 sur le «téléphone rouge». Anthony Eden. En 1965. A la fin du XXe siècle. En matière de limitation des armements. Chou En Lai et Pierre Mendès France. ces trois conventions sont révisées et complétées par une quatrième sur la protection des civils en temps de guerre. chimiques et bactériologiques et aux négociations START sur la limitation des missiles stratégiques. en poids. Viatcheslav Molotov. Genève a pu obtenir le siège du plus important bureau européen des Nations Unies et. Genève apparaît comme un lieu idéal de dialogue et de négociations qui sont ensuite conclues ailleurs. Mais elle a gagné en surface. En 1925. attirer la majeure partie des organisations internationales. 153 missions diplomatiques et les dizaines d’organisations non gouvernementales (ONG) qui ont accompagné l’émergence de la société civile internationale. d’agences spécialisées et de fonctionnaires internationaux. Enfin. sa discrétion et la qualité de ses infrastructures. malades et prisonniers de guerre suit en 1929 et déploiera ses effets pendant la Seconde Guerre mondiale. est à l’origine du droit humanitaire moderne et fait depuis lors l’objet d’adaptations constantes. à l’initiative de la Société des Nations. A la fin des années 1920. de là. la SDN employait 700 fonctionnaires et rassemblait une quarantaine de pays alors que la Genève internationale occupe aujourd’hui près de 30'000 personnes dans 20 organisations internationales. Genève a sans doute perdu son statut de capitale de la diplomatie mondiale. Ces événements spectaculaires ne doivent pourtant pas faire oublier que le phénomène le plus marquant de l’histoire de la Genève internationale au XXe siècle fut d’abord quantitatif et réside dans la progression constante du nombre d’organisations. le terme d’Accords de Genève a également été accolé aux traités qui ont permis de mettre fin à la première guerre d’Indochine (21 juillet 1954) et dont la préparation a vu séjourner à Genève trois mois durant les têtes d’affiche de la diplomatie internationale des années 1950.x=14&I1. La convention relative aux blessés. la création de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) et la fondation de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 1993-1994 sont venues compléter ce dispositif.asp?ID=gen%E8ve&I1. John Foster Dulles. qui a permis de mettre en place une ligne de fax directe entre Washington et Moscou. Librement adapté de http://www. Cette importante conférence.memo. Deux domaines font toutefois exception. dont la concentration a donné naissance à un véritable quartier international. Le nom de Genève reste d’abord attaché aux fameuses Conventions qui ont fait suite à la convention de 1864 sur la protection des blessés de guerre. le Protocole de Genève est signé afin d’interdire l’emploi de poisons et de gaz asphyxiants dans les combats. à la convention de 1972 sur l’interdiction des armes biologiques. par sa situation géographique. celui du droit humanitaire et du désarmement. bien que peu médiatisée. En 1949.fr/recherche. En réussissant la passation du témoin entre la SDN et l’ONU en 1946. sa neutralité.y=15 © Helvetia Genevensis 2006 .
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