Gibran Entre Poésie Et Peinture

March 29, 2018 | Author: jottijine | Category: Kahlil Gibran, Arts (General), Paintings, Science, Philosophical Science


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Cet article est disponible en ligne à l’adresse: http://www.cairn.info/article.php?ID_REVUE=RLC&ID_NUMPUBLIE=RLC_306&ID_ARTICLE=RLC_306_0209 Gibran entre poésie et peinture par Sobhi HABCHI | Klincksieck | Revue de littérature comparée 2003/2 - N°306 ISSN 0035-1466 | ISBN | pages 209 à 224 Pour citer cet article : — Habchi S., Gibran entre poésie et peinture, Revue de littérature comparée 2003/2, N°306, p. 209-224. Distribution électronique Cairn pour Klincksieck. © Klincksieck. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. 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Paris. et 2e éd. p. en soi significative. comme cela a pu être fait dans quelques catalogues. 1989-1990. New York. Alpine Fine Arts Collection. L’Art contemporain au Liban. Dar El-Machreq Éditeurs. 200 ans de peinture libanaise. Khalil Gibran. le méconnu ». Nous avons recensé 16 versions françaises différentes de ce livre entre 1926 et 2003. « Khalil Gibran. 1974 : Annie Salem Otto. Gibran est le poète le plus vendu de tous les temps. 1re éd. de fait. 2000.06 ND Habchi 25/06/03 9:33 Page 209 Gibran entre poésie et peinture S’il est sûr que Gibran Khalil Gibran est avant tout célèbre par son livre Le Prophète/The Prophet (1923). 1919. l’auteur du Prophète. « Gibran. Celui qui a la chance de visiter le « Musée Gibran » à Bcharré. mérite d’être étudiée – non pas du strict point de vue de l’histoire de l’art. Alexandre Najjar. Cette importante production picturale. 85-87 . traduit dans plus de quarante langues 2. Hinds printings Company. Khalil Gibran. 1974.. in L’Orient/Le Jour. Dictionnaire de la peinture au Liban. Liban Culture et IMA. Edouard Lahoud. The Art of Khalil Gibran. Paris. À cela doivent s’ajouter celles qui se trouvent à l’étranger. d’un ensemble considérable qui dépasse les six cents œuvres. mais dans ses rapports avec les grands courants artistiques à la charnière du XIXe et du XXe siècles et avec l’activité poétique non moins importante de Gibran. Twenty Drawings by Khalil Gibran with An Introductury Essay. 2002. 7 : « Après Shakespeare et Lao-Tseu. les prophéties d’un esthète » in Le Monde. 5. Nous lisons dans Robin Waterfield. Michel Fani. Citons entre autres quelques articles et notices en français : Fayçal Sultan. il n’est pas du tout certain qu’il soit connu comme artiste peintre dans le monde francophone 3. Fidès. Liban-Le regard des peintres. 11. Revue 2-2003 de Littérature Comparée . ne peut qu’être surpris et étonné devant l’ampleur de la collection de toiles et de dessins (près de cent cinquante œuvres sont exposées). 1. Pygmalion/Gérard Watelet. 1965 . p. entre autres exemples. 124-126 . 25-32 . Canada. et plus précisément aux États-Unis. de l’Escalier. un des best-sellers mondiaux après la Bible 1. . Paris. cit. p. en 1898. Otto. Imprimeries des Cèdres. p. 1970. l’homme et le poète. en 1910. et voir également à propos de cet artiste français. op. 30. et le photographe et éditeur américain Fred Holland Day (1864-1933) qui l’a aidé dans l’organisation de sa première exposition à Boston 4. Robin Waterfield. Notre ami Wahib Kayrouz n’a pas identifié ce Marcel-Béronneau. p. 5. voir aussi E. 6. le peintre).. note 46. Gibran fonde avec quelques écrivains libanais et syriens. Cf. Éditions Institut du Monde Arabe et Flammarion. il rencontre en 1909 Auguste Rodin (1840-1917). et il expose. Au cours du mois d’avril 1920. 44. Gründ. compositors inc. Khalil Gibran. Éd. 21. au Nord du Liban. t. 1982. à l’occasion de la première exposition de ses dessins. rue du Dragon. Véga. le premier mouvement de rénovation littéraire. octobre 1998. Lors de son séjour parisien. ainsi que Suheil Bushrui et Joe Jenkins. puis s’installe à New York. note 91 où il indique que le nom de cet artiste est répété 4 fois dans The letters of Khalil Gibran and Mary Haskell. et la bibliographie secondaire est immense). juin 1981 . 51-72. cf. Kahlil Gibran. l’École des Beaux-Arts où il suit les cours de Jean-Paul Laurens (1838-1921) et se lie d’amitié avec le peintre symboliste français Pierre Marcel-Béronneau (1868-1937) 5. La dernière décennie de sa vie voit se produire deux faits capitaux pour le poète. dessinateurs et graveurs de tous les temps et de tous les pays par un groupe d’écrivains spécialistes français et étrangers. peu connu aujourd’hui. poétique et artistique des temps modernes en langue arabe : Al-Rabitah al-qalamiyah (La Ligue de la Plume). Beyrouth. envisagée comme un tournant dans l’histoire des lettres arabes du XXe siècle (d’autres l’ont déjà fait. peintre symboliste. 181 . Paris. pour y rester jusqu’à sa mort en 1931. à Boston. nouvelle édition entièrement refondue sous la direction de Jacques Busse. Mary Haskell (1873-1964). publié à Paris. sculpteurs. 1999. p. il retourne à Beyrouth pour apprendre l’arabe classique et le français au Collège de la Sagesse (Madrasat al-hikmah) où il reste quatre ans. À l’âge de douze ans. Puis il repart pour Boston en 1904 où il rencontre deux personnes qui marqueront de façon décisive sa vie et sa carrière : la femme qui va devenir sa confidente et mécène. reste un an à Boston. 2001. 230. p. Khalil Gibran. p. il nous faut cependant rappeler quelques faits essentiels.. 144. à la Galerie Alain Blondel. 18. d’obédience chrétienne. Il regagne l’Amérique le 22 octobre 1910. le petit catalogue Marcel-Béronneau 1869-1937. il émigre avec sa mère Kamilah Rahmé et ses deux sœurs Mariana et Sultanah. Le 14 juillet 1908 il arrive à Paris pour y rester deux ans. 118 et p. ainsi que son demi-frère Boutrous. Dictionnaire critique et documentaire des peintres. au Salon du Printemps de Paris. son tableau l’Automne. au sein de l’empire ottoman. 22. Bénézit. Gibran est né le 6 janvier 1883 à Bcharré. Il fréquente l’Académie Julian. publiée dans Khalil Gibran artiste et visionnaire. arranged and edited by Annie S. son livre ‘alam Gibran. p. Paris. une sorte de 4. 146. Al-rassam (Le monde de Gibran. ibid.06 ND Habchi 25/06/03 9:33 Page 210 Notes et documents Sans revenir en détail sur la vie et l’œuvre de Gibran. Houston. un prophète et son temps. artiste et visionnaire. et comme auditeur libre. 9. Mentionnons à ce sujet la photo sur laquelle figure Gibran dans l’atelier de ce peintre 6. Smith and Co. Trois ans plus tard. 210 . Voir la reproduction de cette photo où figure Gibran dans l’atelier de MarcelBéronneau à Paris en 1909. Pour l’étude de cette immense œuvre picturale. et le catalogue de l’exposition organisée à Beyrouth (décembre 1999) qui comprend 178 œuvres/titres. Disons aussi que l’art gibranien (mais c’est ici que la lecture de la poésie confirme l’in- 7. sphinx et femmes centaures. Trinité). Tagore (1916). mais qui. des fusains : Claude Debussy. et Khalil Gibran. Il y a d’abord des portraits de l’entourage de l’artiste. nous disposons. d’après les titres et la chronologie. de familles où là encore se mêlent un certain réalisme et une profonde religiosité. de dessins au crayon ou à la plume. et des portraits de quelques célébrités. connu la fortune poétique que l’on sait. des autoportraits. Horizons of the Painter.06 ND Habchi 25/06/03 9:33 Page 211 Notes et documents Société de gens de lettres qui va jouer un rôle décisif dans les mutations de la poésie et de la pensée arabes de la première moitié du XXe siècle 7. de 1902 à 1930. cit. entre 1910 et 1913. Poétiques du Liban et du monde arabe au XXe siècle. surtout d’un point de vue quantitatif. 8. qui indexe 539 œuvres. d’élans spirituels. I. tradition et lectures occidentales. Sorbonne Nouvelle-Paris III. un portrait de R.. de faire un premier repérage des grands thèmes abordés. d’aquarelles. c’est-àdire environ le tiers de l’œuvre picturale « complète » de Gibran 8. op. variante très personnelle de la figure du Centaure qui a. plus précisément ceux qui renvoient à un fonds chrétien (Crucifixion. Il s’agit. Portrait(s) de Sarah Bernhardt. sous la direction de Noëlle Guibert. Khalil Gibran. 9. deux listes qui peuvent nous aider à prendre conscience. de la variété des tableaux et des dessins : le catalogue de l’exposition de Paris (octobre 1989). Celle-ci renvoie sans aucun doute à des idéaux de dénuement. par le graphisme. par ordre décroissant : d’huiles sur toile. Nombreuses sont également les scènes de maternité. Paris. Nous n’avons pas trouvé de traces de ce portrait dans le catalogue de l’exposition « Sarah Bernhardt ou le divin mensonge ». Mais ce premier aperçu laisse de côté une thématique à la fois diffuse et insistante que l’on nommera thématique de la nudité. Que penser de cette courte galerie ? Hommage admiratif ? Sans aucun doute. il est possible. constitue comme autant d’expressions. de dépouillement à valeur cathartique. notre travail de thèse d’État. Nicolas Sursock Museum. artiste et visionnaire. une thématique mythologique très caractéristique de la « fin de siècle » : anges. un témoin de son temps. Si nous prenons la seconde liste qui couvre une période de trente ans. William Butler Yeats. p. Puis il faut relever les thèmes religieux. Bibliothèque Nationale de France. 65-124. juin 1985. 2000. Sarah Bernhardt 9. 211 . Edmond Rostand. décembre 1999-janvier 2000. par le tracé et le mouvement. chap. t. de couples. C’est une inspiration apparemment profane. Beyrouth. Garibaldi. Puis en 1923 il publie en anglais son chef-d’œuvre The Prophet/Le Prophète. II. Viennent ensuite des thèmes féminins. et en 1928 celui du poète mystique irlandais George Russell dit Æ (1867-1935). autour de la danse. Enfin. On retiendra. de deux instruments de travail. Voir à ce propos. de sanguines et d’esquisses. Carl Gustav Jung. à l’époque. Mais aussi la volonté d’être. actuellement. (Coll. rue du Cherche-Midi (Paris VIe) n° 548. 137). Wahib Kayrouz 10. À l’évidence. a été exposé au Salon du Printemps de la Société Nationale des Beaux-Arts de Paris 12. Paris. né au Mont Liban (Syrie) – 55. un modernisme à l’anglaise. Une reproduction de ce tableau se retrouve dans Khalil Gibran. Ou bien il tente de la transformer en une sorte de regard transfigurant. salon de 1910 (XXe exposition). 11. Éditions Bacharia. 1908-1914. au sens mystique du terme. en 1998).2 x 21. de sa thématique. le jeune artiste cherche sa voie dans la peinture. 1910. Il s’agit d’un mélange étrange qui n’est évidemment pas encore abouti. Il faut rendre ici hommage à Wahib Kayrouz. entre 1905 et 1908. en particulier pour les trois premières (1890-1908. on s’en souvient. p. Dans le cadre nécessairement réduit de cette contribution. cit. mais plutôt la découvre. remarquons que ce repère renvoie tout autant à la peinture qu’à la poésie puisque c’est l’année. Paris.5 cm. Gallimard. Zouk Mikael (Liban). p.5 x 54. Pour autant il est impensable de ne pas tenir compte de la chronologie. Le conservateur en chef du musée Gibran. 12.. 212 . Gibran dans son musée. Ce tableau. **** Nous commençons par Medusa (pastel sur papier. 125 où nous lisons : Gibran (Khalil). de son imaginaire. reproduit dans Khalil Gibran. 63-64. cit. Passons à L’Automne (huile sur toile. Le visage dessiné ici est hanté par une sorte de peur qui apparaît dans le regard. artiste et visionnaire.5 cm. en distingue cinq. rappelons-le. Les Préraphaélites. op. Une influence préraphaélite est décelable et l’œuvre rappelle le travail des artistes britanniques comme l’illustrateur Aubrey Beardsley ou le peintre Edward Burne-Jones. 34. 92-93. ce qui aboutit à une assez grande fragmentation chronologique. 81. 29. Horizons of the Painter. Voir Laurence des Cars. 1996 et 2e éd. Voir le catalogue de la Société Nationale des Beaux-Arts. 1994 dont on a une traduction française par l’Archevêque maronite Abdo Khalifé. Nous ne souhaitons pas nous enfermer ici dans la succession de ces périodes. Si la date de 1923 lui permet de dégager les deux dernières périodes ou étapes.. publié à la même maison d’édition (1re éd. L’Automne. dans le même temps qu’il cherche sa voix dans la poésie.06 ND Habchi 25/06/03 9:33 Page 212 Notes et documents tuition du regard porté sur la peinture ou le dessin) n’imite pas la nature. ou encore le peintre symboliste belge Ferdinand Khnopff 11. et Gibran fi mathafihi (Gibran dans son musée). « Découvertes »). de la sortie de son chef-d’œuvre Le Prophète. nous avons pris le parti de retenir un éventail réduit. 1909-1910). op. p. p. la dépouille. mais nous pensons significatif. n° 14. Mais ce pastel rappelle aussi le Léonard de Vinci de La Joconde et l’imaginaire de William Blake. On a pu discerner plusieurs étapes dans la production picturale de Gibran. c’est-à-dire pour nous d’une évolution éventuelle de la technique de l’artiste. et de deux livres importants qui traitent de l’œuvre picturale de Gibran ‘alam Gibran ar-rassam. 1999. car il est à la fois l’auteur d’un gros ouvrage sur Gibran écrivain et poète. Gibran raconte l’histoire de ce tableau en ces termes : 10. d’une petite dizaine d’œuvres qui couvrent la totalité de la production de l’artiste. 1914-1918). index. A. pour d’autres peintures de Carrière. Ce tableau est la première œuvre accomplie dans laquelle Gibran montre avec virtuosité comment il a assimilé des influences françaises en particulier celle d’Eugène Carrière pour lequel Gibran ne cache pas son admiration. elle parle de la mélancolie qui s’interpose entre les joies de l’été et la tristesse de l’hiver.. Khalil Gibran. « L’art et la vie ». l’homme et le poète. op. Musées nationaux. Voir le journal de Marie Haskell. coll. à propos de Carrière. Texas. Beloved Prophet. Jenkins. Y. New York. Ce qui est commun aux deux 13. Voir une reproduction de ce tableau de Carrière dans Jean-Paul Dubray. 107 et sq. A. « L’homme visionnaire de la réalité ». A. K. Le titre résume l’un des principes fondamentaux de l’esthétique de Gibran. qu’il s’agisse de peinture ou de poésie. S. mais d’une saison de l’âme humaine. 1983 . 1903. une Française du nom d’Émilie Michel (appelée aussi Micheline). 1957. Ses figures assises ou debout derrière la brume me parlent plus que toute autre œuvre excepté celle de Léonard de Vinci. 16. ses couleurs et son arrière-plan. d’une saison au sens chronologique. the Love Letters of Khalil Gibran and Mary Haskell and her Private Journal. Michel. D’autres critiques penchent pour une femme italienne qui s’appelle Rosina 14. ici. l’Automne renvoie à des œuvres de Carrière. 213 . mais il a connu le mystère de la douleur : il a su que les larmes rendent toute chose étincelante. 13 Le titre de cette œuvre d’art est très symbolique. 15. 1996. et Éd. Gibran. A. éd. p. datée de 1888. Paris 1908-1909. dans une lettre adressée à Mary Haskell et datée du 23 juin 1909 : Je sais maintenant que l’œuvre de Carrière est la plus proche de mon cœur. reprise en brochure (Paris. connue sous le titre de Femme se coiffant et qui se trouve au Musée Rodin à Paris 16. encore moins météorologique. en mars 1901. Najjar.06 ND Habchi 25/06/03 9:33 Page 213 Notes et documents … Un seul de mes tableaux fut retenu. Otto. essai critique. 15 En effet. Paris. L’artiste compose avec des couleurs harmonieuses la silhouette d’une femme à la poitrine dénudée représentée jusqu’à la taille et le bras droit relevé sur la tête. cit. en particulier à une de ses peintures. Paris. 1994. Carrière peintre comprenait les visages et les mains plus que quiconque. Beloved Prophet. Et la vie de Carrière n’est pas moins belle que son œuvre. et Jean-Pierre Dahdah. Paris. The Love Letters of Khalil Gibran and Mary Haskell and her Private Journal.. Beyrouth. 94 . Khalil Gibran. Éditions Marcel Scheur. 1931. p. Eugène Carrière. p. Bushrui et J.). 23. Rousseau.. Knopf. celui de l’Automne qui représente une femme dont la poitrine est dénudée et dont les cheveux et le voile sont caressés par le vent. que Gibran a connue à Boston. p. 14. Hoyek. Zikrayati Ma’ Gibran. Eugène Carrière 1849-1906. 211. On a de bonnes raisons de penser qu’il s’agit d’une amie de Marie Haskell. Il a tellement souffert. En outre signalons un écrit de Carrière qui a pu retenir l’attention de Gibran : il s’agit d’une conférence donnée à Paris. Musées de Strasbourg. 1967. op. 109 . 9 . qui fut son premier modèle. A. S. p. 29 p. Voici ce qu’il écrit de Paris. op. Il ne s’agit pas. edited and arranged by Virgina Hilu. cit. p. The Letters of Kahlil Gibran and Mary Haskell. une biographie. cit. À travers sa stature. souffre d’une certaine lourdeur. à partir de Turner. Beyrouth. plus présent. Osons identifier ce paysage à une vue du Mont Liban. nocturne. soleil. de la Réunion Des Musées Nationaux. Dans ce sens. 20). Retenons ensuite L’Aube ou L’Aurore (huile sur toile. Il faut dire aussi que le corps.06 ND Habchi 25/06/03 9:33 Page 214 Notes et documents tableaux. 1960. p. 1912) pour le mélange harmonieux. sa vision propre. Il semble bien qu’ici l’artiste libanais a réussi son pari de création. voir respectivement p. tandis qu’il est dans l’œuvre de Gibran plus gracieux et plus léger. Tous les éléments se manifestent au regard (eau. terre. ou si l’on veut dans l’ombre d’une chevelure opulente. Devant la toile La Femme et l’Harmonie de la Nature. dans l’œuvre de Carrière. 58. c’est la même approche polyvalente vis-à-vis des couleurs. En poésie comme en peinture. qui représente une femme nue. Paris. Mais si nous comparons l’œuvre du peintre libanais à son modèle français nous remarquons que dans l’Automne le visage est plus dévoilé. air) à travers des couleurs presque translucides. Elle peut soutenir la comparaison avec des toiles de William Turner comme Matin sur la Montagne de Coniston. Catalogue J. Mais c’est la même tactique que Gibran adopte lorsqu’il est poète. Le « romantisme » de ce tableau conserve une dimension ou une résonance symbolique. ou encore Paysage avec une rivière et une baie au loin (vers 1845) 18.W. un tableau » ?) 17. au temps des origines. conscient ou inconscient. La lumière claire ici est synonyme de désir teinté de nostalgie. Turner à l’occasion du cinquantième anniversaire du British Council. assise sur un 17. On peut comparer aussi le tableau de Gibran à une autre peinture d’Eugène Carrière : la Femme se peignant (reproduction dans Dubray. Gibran.5 x 81. celui du retour. c’est le dévoilement pudique d’une nudité presque totale. on voudrait dire angéliques. 1984. p. Ici. 108 et 148 (d’où l’explication des titres en français). nous ne sommes pas loin d’une peinture visionnaire. 65 x 81 cm. 18. Voir Œuvres complètes traduites de l’anglais en arabe.M.3 cm. et surtout qu’il a affirmé son autonomie par rapport à un modèle qu’il admire. nous pouvons avancer que cette peinture tente d’« ouvrir » le cœur de la nature pour dévoiler sa beauté. Nous constatons encore une différence de tonalité entre les deux artistes : le cadre chez Gibran est ensoleillé. 1914-1915). tandis que chez Carrière il reste dans une sorte de brume. le paysage est un morceau choisi du vaste univers. Cumberland (1798) ou Paysage italien. 214 . Dar Sader et Dar Beyrouth. 199. le mariage heureux des couleurs dans un paysage qui jaillit de l’enfance même de l’artiste. Si nous considérons que l’art avec Gibran émane de sa vision poétique et philosophique du monde (ne dit-il pas : « l’art est un pas tracé par la nature vers l’éternel et l’œuvre artistique une brume coulée dans une image. 63. sans doute Civita di Bagnoreggio (1828-1829). Éd. contrairement à celui de Carrière qui est sombre. (huile sur toile. amplifie les couleurs et transforme là encore un paysage qu’on appellera naturel en un espace spiritualisé. Ministère de la Culture. L’espace fait l’objet d’une sorte de transfiguration à travers des couleurs riches en reflets. Horizons of the Painter. Voir sa reproduction dans Wahib Kayrouz. et pour la reproduction de ce tableau : Khalil Gibran. 22. p. op. ou Jeune baigneuse. 81 x 60. 215 . collection Lehman. une dynamique verticale et.8. Flammarion. op. Gibran dans son musée. 1995. une femme au torse nu. dans le premier cas. La nudité qui va devenir de plus en plus omniprésente l’aide à sentir (à re-sentir). Cette toile qui se situe dans une période assez stable de la vie de l’artiste. (aquarelle. Collection du baron de Chollet.3 x 64. cit. à tête penchée. Dans la deuxième. les n° 20. 21 x 28 cm. un personnage nu. au seuil d’un sommeil ou d’un assoupissement. la voie picturale est pour l’auteur du Prophète un exercice spirituel qui lui permet de dévoiler dans la Nature une autre nature. Gibran à Paris. comme Torse de femme au soleil (187576. Il faut noter qu’il avance dans sa découverte spirituelle du monde et dans la manière de l’exprimer. 1892. Mais il faut ajouter que la sensualité du Français a disparu et que seul demeure. Dans les deux cas. cit. coll. d’Auguste Rodin et d’Émile Antoine Bourdelle 23. tant du point de vue technique. 19. compagnon de Gibran à Paris en 19091910. (aquarelle. FMA. montre par sa sérénité que l’art de Gibran s’est à présent amplifié dans un cadre humain et naturel. artiste et visionnaire. est étendu sur une multitude de personnages nus de dimensions plus réduites. Prenons à présent La Montagne. 20. transcrit une force aérienne. Il faut donc les mettre en rapport avec l’invention plastique. On peut comparer ce tableau à un autre. p. Fribourg.. Tous trois ont cherché. 21. p. 1969. 193 et 195. de la maîtrise picturale que du point de vue de la force symbolique qui transparaît. que l’on a appelé L’homme et la Symphonie de la nature 20. dans le deuxième. Une présence féminine semble méditer sur son propre repos. op. op. on demeure surpris par une sorte de nudité transparente et par la clarté qui inonde la nature 19. la jambe droite tendue en avant 22.7. p. un saut plus qu’une évolution est décelable. comme toujours. 74-75. Suisse) 21. En outre. recueillis (1957) par Edvick Shayboub et traduits de l’arabe par Roger Gehchan. C’est l’artiste lui-même qui a donné ces titres à portée évidemment symbolique.. Chez le Français comme chez le Libanais. Paris. latent dans le flagrant. a les bras relevés. le travail de spiritualisation du corps et de son cadre naturel. un microcosme inscrit dans le macrocosme. Souvenirs de Youssef Hoyek. dans le souvenir de son séjour parisien et de ses découvertes d’Odilon Redon. dans un calme impressionnant. de profil. Autrement dit. Beyrouth. fusion du corps féminin et de la lumière. dans son « ermitage » à New York. New York) ou encore Baigneuse debout (1896. c’est la nature féminine. Musée du Louvre). « Les petits classiques de l’art ».. 81 x 64. 20 x 25 cm. Cf. Entre les deux. 76. 1916-1921). 81. Ici. Khalil Gibran artiste et visionnaire. ce qui est caché dans le visible. Paris. cit.. Voir respectivement les n° 20 et 93 dans l’inventaire publié dans Khalil Gibran. essentiellement le mouvement qui imprime. 46 et 48. cette toile n’est pas sans rappeler certaines de Renoir. même union. Gibran sait capter par le tracé les mouvements du corps et des corps. Voir les reproductions de ces toiles dans Renoir. 23. 192. cit. éd. Dans la première. vers 1916-20) et L’Envol. Il faut situer ces deux œuvres dans le contexte d’une installation à New York.06 ND Habchi 25/06/03 9:33 Page 215 Notes et documents linge blanc posé sur un rocher. Paris. p. Or cette image du Prophète/Christ en pleine lumière conserve le mystère auquel a pensé Gibran en se confiant à Mary Haskell le 16 juin 1923 (quelques mois avant la sortie du livre). p. 1923). Fatigué. cité in Petit Larousse de la Peinture. 25. 25 Nous arrivons à une œuvre capitale par son caractère symbolique : Le Visage d’Al-Mostafa ou La Face du Prophète (fusain. 1542-1543. 103. À soi-même. il faut que tous les traits soient expressifs. 1979. L’art. La Face du prophète devient comme un livre ouvert dans lequel chaque élément physique peut être vu ou lu comme un attribut spirituel ou moral. Redon. Après un effort pour copier minutieusement un caillou. une main. 25 . Entretiens réunis par Paul Gsell. 1922). et qu’il s’établit un dialogue entre la lettre et le graphisme. de plus particulier et accidentel. étant dans mon lit. II. p. 1911. un monde aux multiples perspectives est créé. 1999. le plus nécessaire à mon expansion a été. Journal et notes (1re éd. à briser les stabilités et les conformités des lignes et des contours. Corti. Confidences d’artiste. un brin d’herbe. Bernard Grasset éditeur. L’art devient une sorte d’exercice mystique. c’est-à-dire utiles à la révélation d’une conscience. s’il consigne avec exactitude les divers linéaments d’une physionomie. 24 Ou encore ces propos de Redon : Mon régime le plus fécond. Avec un simple fusain. Mais il faut en venir à l’essentiel : ce visage a été conçu pour que s’établisse un rapport de ressemblance avec la face du Christ qui a obsédé Gibran durant toute sa vie. Il faut dire que ce fusain était destiné à illustrer le LivrePoème. c’est celle-là seule qui importe : c’est celle-là que le sculpteur ou le peintre doit aller chercher à travers celle du masque. j’ai alors besoin de créer. 2000. 99 et nouvelle édition Grasset. nouv. je l’ai dit souvent. t. Paris. The Prophet. j’ai vu cette face claire et nette 24.06 ND Habchi 25/06/03 9:33 Page 216 Notes et documents chacun à sa façon. je lisais un livre. il ne mérite nullement qu’on l’admire. Paris. p. La ressemblance qu’il doit obtenir est celle de l’âme . je me suis arrêté. En un mot. C’est Mary Haskell qui rapporte les propos de Gibran : Ne vous ai-je pas raconté comment j’ai vu la Face du Prophète ? C’était une nuit. Il y a ici ce que l’on peut appeler l’incarnation du rythme et du regard qui donne à l’œuvre sa légèreté et sa profondeur spirituelles. Rodin.5 cm. mais sans les rapporter à un caractère.. de copier directement le réel en reproduisant attentivement des objets de la nature extérieure en ce qu’elle a de plus menu. j’ai fermé mes yeux … Durant ce sommeil. Gibran pourrait faire siens les propos de Rodin quand celui-ci confie à Paul Gsell : Si l’artiste ne reproduit que des traits superficiels comme le peut le faire la photographie. 47 x 39. 216 . je sens une ébullition mentale venir . de me laisser aller à la représentation de l’imaginaire. éd. un profil ou toute autre chose de la vie vivante ou inorganique. 1900. La Face du Prophète était. Les Musées de la Ville de Strasbourg. Il est évident que la figure d’Orphée permet d’associer le peintre et le poète. Dans cette composition.. Ce n’est donc pas une simple figure décorative. Flammarion. la rêverie poétique chante. 26 Cette confession aide à mieux saisir ce que recherche le poète et peintre : un effet magique ou mieux. cit. au printemps (du monde. En premier lieu. ami de Gibran. Balat. de la vie. une lumière enveloppante. 106. mais une vision liée à une prophétie. éd. G.. mais qui échangent leurs forces ou leurs effluves : un corps illuminé. Bruxelles. I. ou encore l’Orphée de PierreAmédée Marcel-Béronneau. De ce passage de l’un à l’autre de ces éléments s’impose ce qu’a voulu exprimer le peintre qui est aussi poète : l’apothéose d’une voix 28. Voir aussi. Éditions Musée des Beaux-Arts de Tourcoing.06 ND Habchi 25/06/03 9:33 Page 217 Notes et documents La vision onirique a duré une minute ou deux. Mais il ne faudrait pas la considérer comme un sujet propre à Gibran. Beloved Prophet (Mon Prophète bien-aimé). une nature qui semble écouter et des arbres étranges devenus des ombres et des échos d’eux-mêmes. ou l’art tourné vers le monde intérieur de l’Américain Albert Pinkham Ryder (1847-1917). une poéticité picturale. ou l’Orphée du peintre français Alexandre Séon (1855-1917). principe cher à Gibran. Combien j’ai enduré dans la création de La Face du Prophète. op. auteur d’un Orphée et Eurydice. Les Métamorphoses d’Orphée. une ligne précise … Je désirais alors aller à l’atelier pour fixer cette ligne dans le tableau.5 x 27 cm.108 et sq. Montréal-Paris. qui va jouer du contraste entre brume et lumière. 35. 1923-1931). un moment qui saisit la nature à l’aurore. 413. Parfois je dormais… Je me levais subitement. Je me trouvais à table avec mes amis. Musée communal d’Ixelles. Préface d’Édouard Schuré. 27. 16 juin 1923. une reprise du visage de Jésus. op. ou bien l’Orphée de Gustave Moreau. du chant). puis elle a disparu. Je me levais et les dessinais. l’Europe symboliste. 1995 . 28. pour moi. L’analyse même rapide de ces quelques œuvres que nous jugeons marquantes fait apparaître d’un point de vue synthétique trois ordres de questions générales mais de portée inégale. cit. Finissons par Orphée (aquarelle. Bien au contraire cette figure a retenu l’attention de nombreux artistes contemporains de Gibran. Giban dans son Musée. il faut partir de trois éléments distincts. le visage transparaissait brusquement … J’en captais une ombre. p. t. p. pour qualifier cette conjonction du dessin et de l’écriture. Cet Orphée est une clé pour ouvrir la cité d’Orphalèse à laquelle Gibran fait allusion dans son Prophète 27. 1995. Citons quelques noms : le peintre et le sculpteur anglais George Frédéric Watts (1817-1904). Voir notre chapitre sur la « cité idéale de Gibran » in Poétiques du Liban et du monde arabe. l’influence de 26. journal de Mary Haskell. dialogue avec la lumière. Ce qui surprend. Bruxelles. dans lequel Delville invite les artistes à la spiritualisation de l’acte pictural. surnaturel. l’un des maîtres « spiritualiste » de Gibran. alors que des détails nouveaux s’étaient éclaircis pour moi. c’est la nudité d’Orphée. Si l’on veut détailler l’aquarelle. p. totale en plein air. On est devant ce que l’on pourrait appeler. et quelques reproductions dans Paradis perdu. Ce paragraphe est cité aussi par Wahib Kayrouz. ou enfin l’Orphée du peintre symboliste belge Jean Delville (1867-1953) qui est aussi l’auteur de La Mission de l’art. 217 . le plus célèbre des sculpteurs modernes de la France et dont Gibran fut l’élève à Paris (en 1909-1910). 228 . p. Gibran et Rodin On rapporte qu’Auguste Rodin. Ils font partie des années d’apprentissage de Gibran. Gibran Hayyan wa maytan (Gibran dans sa vie et sa mort). 2 . car c’est lui le William Blake du XXe siècle. Pierre-Marcel Béronneau. Khalil Gibran. à New York. 1932 et 2e éd. en 1919. Galeries du Grand Palais. a dit : “Le monde doit attendre encore beaucoup du poète et génie du Liban. cit. La Bibliothèque des Arts. Évoquons ici quelques noms : Pierre Puvis de Chavannes. Paris. Philippe Julien. Ides et Calendes. p.. Baden-Baden et Paris. 247-248. Paris. op. Gibran. l’homme et le poète. elle se trouve aussi dans Habib Mas’oud.” » (L’original arabe est : ‘ala al-’alami an yantazira kathiran min cha’iri lubnan wa nabighatihy Gibran fahouwa william Blake al-qarn al-’ichriin). Enfin. Peintres de l’Imaginaire. Bruxelles. la présence d’un modèle qui semble plus prégnant que d’autres. la phrase du maître place l’artiste libanais dans un contexte symbolique que nous avons déjà identifié. Éd.. et Robin Waterfield. 1985-1992 et particulièrement le volume III (1987) qui couvre la période 1908-1912 dans laquelle Gibran vivait à Paris : aucune trace de Gibran Khalil Giban ! Cependant. symbolistes et surréalistes belges. Éditions des Musées Nationaux. Cette fameuse parole rapportée depuis par tous les biographes de Gibran et devenue célèbre lors de la publication de son livre Le Fou (The Madman : His Parables and Poems. Somoy. les traces de cette rencontre où Gibran raconte à sa confidente et mécène comment il a rencontré. p. et Paris. Nous retiendrons plus particulièrement l’exemple de Rodin. Gustave Moreau. cit. comme nous l’avons déjà évoqué. 218 . Nous proposons quelques pistes pour de nouvelles lectures. il y a le problème évident et multiforme des rapports entre la peinture et la poésie. Éd. 1976. L’influence de Rodin sur la formation du jeune artiste libanais est une influence complice qui entre dans le cadre d’une réception et d’une 29. 1991 . Kahlil Gibran. De Puvis de Chavannes à Matisse et Picasso vers l’art moderne.. découvrant l’art du jeune Gibran. à Sao Paulo. question qui déborde largement le cadre de cette contribution. Paris. 2002 . nous trouvons dans la Correspondance de Gibran avec Mary Haskell. in Mon Prophète bien-aimé. Dar Ar-Rayhani. sous la direction de Serge Lemoine. Beyrouth.. 199200. a dit : « Voici le William Blake du XXe siècle » 30. 1re éd. 1973 . Une Biographie. Même si nous n’avons trouvé aucune trace de ce mot ou de cette anecdote dans la correspondance de Rodin 31. 1918) est rapportée. Paris. et voir aussi Suheil Bushrui et Joe Jenkins. le « grand Rodin » dans son atelier et ailleurs au Grand Palais. 1972 . cit. dans la Préface d’Alice Raphael « On the Art of Kahlil Gibran » in Twenty Drawings. op. sans doute parce qu’il ne s’agit pas de simples problèmes techniques mais d’une communion spirituelle : il s’agit de William Blake. voir aussi à ce propos Jean-Pierre Dahdah. Gustave Moreau. op. lors de l’exposition de son tableau L’Automne . 1976-1977 . Le Symbolisme en Europe. chez Knopf. 31. à deux reprises. certains tombés aujourd’hui dans l’oubli. 584. d’autres prestigieux. Les Symbolistes. En second lieu. Collectif. Eugène Carrière. 1994 . Neuchâtel. L’Univers Symboliste fin de siècle et décadence. Publiée en 4 volumes aux Éditions du Musée Rodin. p. Flammarion. 1966. 30. Paris. p. Jean Delville… Voir à ce propos : Pierre-Louis Mathieu. en 1909. Flammarion. Collectif. José Pierre. comme Rodin 29. Collectif.06 ND Habchi 25/06/03 9:33 Page 218 Notes et documents quelques artistes parisiens. 218 et 226 . Puvis de Chavannes 1824-1898. où nous lisons : « Rodin. Paris. dans une lettre en date du 25 novembre 1917. datée du 17 avril 1909. datée du 7 février 1909. t. Beyrouth. New York. J’aurais donné n’importe quoi pour que ce Russe entende ce que le grand maître avait dit de son œuvre. Il est double : « le beau sublime et l’étrangeté la plus frappante » 34. 35 32. Tous les artistes de Paris étaient là. regardant avec avidité les ombres des âmes humaines… Le grand Rodin y était lui aussi. p. III. p. la nature est notre mère.. Or. le plus grand sculpteur des temps modernes. ibid.. Interlink books. 1981. il était très aimable à mon égard et envers l’amie qui m’a conduit auprès de lui. cit. Il vaut la peine de citer ce que Gibran pense de Rodin. nous relevons ceci : … J’ai eu le plaisir de rencontrer dans son atelier Auguste Rodin. 153 (voir l’original anglais. (Sa vie et son Monde). j’ai ressenti la même chose que cet Arabe. nous lisons : La muse du printemps est arrivée et je la salue par mes chansons… Le printemps est la plus noble expression de la Nature . sur le chemin du retour. Gibran évoque de nouveau le génie de Rodin en ces termes : Tout le secret de sa grandeur : la vraie vie palpite dans une grande partie de son œuvre . 207. Un mot de Rodin est d’une immense valeur pour un artiste.. Et lorsqu’il a vu l’œuvre de Michel-Ange. Gibran. il était si ému par sa puissance qu’il a écrit un beau poème intitulé Le Marbre Souriant. De la première. ibid. His Life and World. Beloved Prophet. et Toufiq Sayegh. il y a quelques jours . Sayegh. 1966. Il me reconnut et me parla de l’œuvre d’un sculpteur russe. et (Nabyii Al-habib). dans une lettre de 1912. Voir Jean Gibran et Khalil Gibran. Boston. 35. p. exprimant pour Rodin sa plus grande admiration. disant : « cet homme comprend la beauté de la forme ». 183. Adwa’ jadidah ‘ala gibran (Lumières nouvelles sur Gibran). New York graphic society. p. Cinq ans plus tard. à travers deux lettres qu’il adresse à Mary Haskell. et bien sûr je m’y suis rendu. et nous tous.06 ND Habchi 25/06/03 9:33 Page 219 Notes et documents acculturation positives. En vérité.. 1re édition 1974 et 2e édition. explique à Mary Haskell le secret de son génie. Sayegh. L’un des plus grands salons a ouvert ses portes.. 33 Enfin. 292). Ibid. op. nous essayons d’apprendre l’art de notre mère pour pouvoir nous rapprocher encore de notre père … Avril est le mois des salons et des expositions. Il nous montra une foule de merveilleuses choses en marbre et en plâtre… Je suis sûr que vous vous rappelez l’histoire que je vous ai racontée sur un Arabe qui est parti de son désert pour visiter l’Italie. op. Ainsi arrivé à la maison. 219 . Entendons par là que l’art de Rodin ou sa vision du monde recoupe celle que Gibran portait en lui sans qu’il en trouve la totale expression. p. 33. p. j’ai écrit un sonnet dont le titre est l’Homme. cit. le Créateur. 32 Dans la seconde lettre. 206-207. 34. sa conscience de la vie est une conscience merveilleuse et il pousse les autres à devenir plus conscients et plus éveillés vis-à-vis de leur propre existence. 183. après avoir quitté l’atelier de Rodin. Si nous essayons de cerner l’influence de Rodin sur Gibran.. artiste et visionnaire. le « visage » du grand artiste 37. 35. Wahib Kayrouz et Boulous Tauk. il existe un texte émouvant écrit en arabe en 1917 à l’occasion de la mort de Rodin. Éd.06 ND Habchi 25/06/03 9:33 Page 220 Notes et documents À côté de ces témoignages fragmentaires. le « portrait du grand homme » (l’expression est du poète lui-même). ou dans Khalil Gibran. p. conservateur. cit. 815-817. c’est-àdire ce qui n’offre aucune vérité extérieure ni intérieure. cit. Mais il faut noter une différence de tonalité. 220 . En ce qui concerne le premier point. le motif du Centaure ou plutôt de la Femme-Centaure. 81. Elle exprime ce qu’il cherche dans l’art. p. et d’autre part. en particulier sur sa conception de la laideur en art qui définit un idéal d’exigence et d’authenticité. sa façon de sentir. 36. 36. d’après Christine Crafts Neal. une figure qui cherche à prendre forme. op. Bacharia. Voir reproduction dans Gilles Néret. 39. parmi bien d’autres. p. Sculptures et dessins. Et il ne faudrait pas opposer le ton catégorique de Rodin à l’on ne sait quelle rêverie vague de Gibran. Paris. 88-89. p. de voir. 38. chez Gibran. elle est. 37. Tandis que chez Rodin. 486. Par exemple : « Il n’y a de laid dans l’Art que ce qui est sans caractère. Khalil Gibran. Dix-sept fois au total. Paris. 99 . un dessin au crayon sur papier. Cf. op. Pour ce qui est de l’influence spirituelle de Rodin sur Gibran. artiste et visionnaire. ou encore dans Khalil Gibran. Rodin. on retiendra. p. Tome III. p. et dans L’art de la Peinture. Taschen. mais il est connu de certains chercheurs 36. 2002. nous devons distinguer ce qui relève d’une part d’emprunts possibles ou de parallélismes. 40. En particulier. tente de mettre sur papier le geste du sculpteur : d’un côté le travail de la matière. Rodin.. Seghers. Horizons of the Painter. La Personnalité de Gibran Khalil Gibran dans ses dimensions constitutives et existentielles. Éd. que Gibran pourrait faire sienne. Reproduit parmi d’autres illustrations dans Bushrui et Jenkins. » 40 C’est une prise de position. Gibran. cit. 99 . la Centauresse est une femme majestueuse qui est aussi une créature légendaire stimulant l’imagination. C’est un même idéal de l’Art et c’est la même mission dont l’artiste se sent investi. p. (1915) dessine. l’homme et le poète. En 1901. Rodin sculpte la femme Centaure ou Centauresse 38. pour ne prendre qu’un seul exemple précis et évident. s’inspirant de l’œuvre de Rodin. Ce thème du Centaure sera très souvent repris par Gibran entre 1908 et 1916 39. de l’autre le trait de crayon mais un trait brumeux. de rêver. Expositions et Beaux-Arts au Telfair Museum of Art où se trouve un bon nombre des œuvres de Gibran. en vers libres. L’Art. d’une communauté d’esprits. p. parfois hésitant et parfois plein de sobriété. et voir aussi les reproductions dans Vingt dessins. Gibran qui a réalisé en 1915. op. Précisons que ce texte curieusement ne figure pas dans les Œuvres complètes du poète. 1970. Khalil Gibran. il faudrait revenir à certains propos du sculpteur. 1985. Liban. après sa période d’apprentissage. Cité dans Charpier et Seghers. comme celle de Nietzsche. La Vie et l’œuvre de Gibran Khalil Gibran (thèse en Sorbonne qui remonte à 1957). Éd. Le Caire. Paris. 45. Blake et le sacré. Ellug. 1964 (Conférences sur les œuvres arabes de Gibran) . cit. 92 pencils studies. 42. 77 et sq. L’Œuvre de William Blake. Mon prophète bien-aimé. publiée à Beyrouth. 42 À côté de cette fascination pour l’Homme-Dieu 43. cf. Beyrouth.06 ND Habchi 25/06/03 9:33 Page 221 Notes et documents Gibran et William Blake L’influence de William Blake sur Gibran est pour nous double : elle est de l’ordre de l’image mais aussi du verbe 41. p. Mais elle n’a jamais fait l’objet d’une étude analytique comparée. Adwa’ Jadidah ala Gibran. quand l’auteur du Prophète pense l’acte poétique ou l’acte pictural. 456. Mysticisme et poésie. En effet. Les grands novateurs de tous les siècles savent ceci. Donnons en une citation ce que Gibran. 118 . Henri Didier-éditeur. et le livre essentiel de Pierre Berger. 1981. 45 41.. 1992. Et personne ne pourra saisir ou comprendre Blake par le moyen de la raison. 400. Xe année-n° 5. . coll. L’art de la peinture. tous les trois sont des « bavards ». 44. Université Stendhal. cit. introduction and commentary by Sir Geoffrey Keynes. New York. telle est ma définition de la poésie la plus sublime. « Images apocalyptiques ». 1990. « Études anglaises » 98. nous renvoyons le lecteur-spectateur aux études essentielles suivantes : Danièle Chauvin. Les Conférences du Cénacle Libanais. p. pense de Blake. ses dessins sont les plus profonds dans la peinture anglaise jusqu’à nos jours. 221 . Paris. Blake et son œuvre. Inc. William Blake manichéen et visionnaire. dans une lettre à Mary Haskell datée du 6 octobre 1915 : Ruskin. p. Dar an-nahar. « La généalogie du sacré ». Dover publications. » 44 Et lorsque Blake pose comme « règle d’or » de l’art le principe suivant : […] Plus la ligne de contours sera distincte. 1996. Gibran trouve dans la conception de l’art et de la poésie de Blake l’écho de sa propre vision. en dépit de ses dessins et ses poèmes. François Piquet. op. La Différence. Apocalypse et transfiguration. 1965. Mais Blake. 23 et sq. Mouhadarat fi Gibran Khalil Gibran. p.. c’est le plus grand homme anglais depuis Shakespeare . William Blake. 43. Bibliothèque de l’image. car son monde à lui ne pourra être vu que par l’œil de l’œil et jamais par l’œil tout court. Pierre Boutang. Éd. ses travaux : « Gibran al-khaled-Gibran l’éternel ». 162. nouvelle édition. a été relevée par plusieurs chercheurs. c’est l’homme. 1936. ou encore l’original dans Beloved Prophet. Cette influence de Blake. il est proche du Blake qui affirme : « Une allégorie qui s’adresse à la raison spirituelle tout en restant cachée à l’entendement. Nabiiy Al-habib. l’Homme-Dieu. Paris.. 2000. op. de plagiat et de manque de soins.. III. À mes yeux. 39 sq. Seghers. 1970 . mars 1956 . 260-261. Sur W. . op. in L’Art poétique. Paris. cit. II. . David Bindman. est la plus divine. cit. William Blake. Grenoble. p. p. La Divine comédie (illustrations). Mais voir aussi : Drawings of William Blake. Cité par Charpier et Seghers. Carlyle et Browning ne sont que des petits enfants dans le paradis de l’esprit .. Paris. Sa vision.. Didier Érudition. plus grande sera la marque d’imitation faible. siratuhu wa takwinuhu as-saqafi-Muallafatuhu al-‘arabiyah. Toufiq Sayegh. parmi lesquels nous tenons à mentionner notre regretté professeur Antoine Gattas Karam (mort en 1979). p. chap. p. op. selection. t. 10 . Gotman. et voir également : Khalil Gibran. l’homme pointe son index vers la terre pour libérer de leurs chaînes les corps assemblés dans le bas du dessin. n° 136 . 47. 139. Voir une reproduction de ces deux dessins dans Anne Carlisle. 222 . portant une balance dont le plateau droit est occupé par un personnage assis. Khalil Gibran. encerclé par un groupe de femmes nues 48. 1918). Il prélève deux figures de mouvements opposés. Alfred A. cit. Bonington. 76-77. l’ampleur que pourrait revêtir une étude de l’influence de Blake sur Gibran. 1983.. de l’importance accordée à l’espace céleste. Plus précisément. à partir de ces citations ou de ces repères. 1923. auteur du Prophète. op. Aphorismes. New York. p. 194 et 200. Université de Lille. et dans The Prophet. Knopf. Alam Gibran ar-rassam. Gibran a pénétré le premier dessin de Blake. La Résurrection des morts. Horizons of the Painter. p. Blake et autres maîtres. Mais c’est aussi une définition possible de son écriture. 51 . (28 x 21. dans une sorte de vertige. exposés au Fitzwilliam Museum. p. Constable.. à Cambridge 49. 125. c’est une aquarelle qui inaugure les douze aquarelles et dessins qui illustrent Le Prophète et à laquelle il a été donné le titre : L’être triade descend vers la mer de l’existence. En passant de Blake à Gibran. pour la description de ces deux œuvres/exemples. 1927. 49. Voir reproduction dans Wahib Kayrouz. op. Gibran affirme : « Il y a trois aspects que j’aime en littérature : la rébellion. traduction et préface de N. 1950. d’où la caractéristique « triple » 47. Quant aux œuvres de Blake dont Gibran semble s’être inspiré. de la dynamique sphérique commune aux deux poètes-artistes. nous renvoyons à deux dessins : La Résurrection des morts et La Vision de la reine Catherine. n° 154. La première est un corps nu qui tombe. Zakka. d’étendue océanique en cercles concentriques. cit.5 cm. op. pour en faire le sujet des deux œuvres que nous avons retenues. (en arabe : az-zat almouçallaçah an-nazilah ila bher al-woujoud). Khalil Gibran. la déformation et l’ambiguïté. on pourrait constater aisément la ressemblance entre deux styles. Turner. Le deuxième exemple est un des douze dessins au crayon qui illustrent le recueil de Gibran Les Cortèges. Pour Gibran. p. qu’il s’agisse de la distribution des pôles picturaux. cit. L’index ici semble indiquer 46. cit. Chez Gibran l’index est pointé sur une sorte de mer. Voir reproduction dans Kahlil Gibran. En effet. vu de dos. Éd. p. Ce dessin représente un homme nu debout. 13e édition.. Chez Blake. M.. Les Dessins anglais au XIXe siècle. p. Ce sera chez Gibran : L’être Triade. 48. la perfection et l’abstraction.) Elle présente un personnage nu. et auquel on a donné le titre : La Balance de l’Absolu (28 x 21 cm. Hypérion. Et les trois choses que je hais en elle : le plagiat. Horizons of the Painter. artiste et visionnaire. en position descendante (sorte de catabase vertigineuse) et pointant l’index vers la mer. cf. comme enveloppé par deux personnages nus. tête la première. Passons à présent à une simple mise en parallèle de deux exemples pris respectivement chez les deux artistes. op. » 46 On mesure sans doute. publié en langue arabe à New York en 1919.06 ND Habchi 25/06/03 9:33 Page 222 Notes et documents il semble définir des principes fondamentaux de la technique ou de la facture caractéristiques de Gibran. 49. Paris. p. dans un déhanchement courbe.. Cette silhouette. La seconde. il ne faudrait pas conclure que Gibran est un simple réceptacle de formes et d’idées. Mais c’est aussi le vaste cercle de corps nus qui tournent autour du géant en une ronde éthérée qui doit attirer l’attention. d’êtres allégoriques. envahissante chez Gibran) qui fait passer ces corps de l’idée « blakienne » à l’être « gibranien ». » 51 Ce sont de telles phrases – principes. cit. Lumières nouvelles sur Gibran. entièrement nu. tant par ses ouvertures et ses curiosités que par les transformations qu’il opère des modèles qu’il admire. t. 50. l’originalité de Gibran par rapport à son modèle. est un jeune homme vu de face. tandis que l’autre plateau porte un petit être accroupi. alors que chez Gibran la chaîne des nus fait alterner des corps vus de dos ou de face. p. **** De ce qui peut apparaître comme un survol ou un repérage de quelques influences déterminantes qu’il vaudrait mieux appeler affinités créatrices. Nous y voyons en effet un homme debout. Mais ce pourrait être un point de départ. j’essaye de lui donner une présence. qui porte une balance. maximes – qui rendent compte de la place singulière qu’occupe Gibran dans l’art qu’on peut appeler occidental. sans jugement de valeur. beaucoup. Nabiyi al-habib. Sayegh. On a insisté. je suis un créateur de formes. III. 51. Du point de vue plastique. p. Une base nouvelle de lecture pour que le travail de l’artiste éclaire plus que ce ne fut le cas jusqu’à présent l’imagination du poète. il est un cas unique. mais très vite il re-élabore. op. 210. (Mon prophète bien-aimé). et en tout cas inexact.. C’est avec le dédoublement d’un dessin de Blake et avec la transposition d’un autre dessin de Blake que l’on peut saisir ce qui est à la fois l’influence de l’Anglais sur l’artiste libanais et. » 50 Et plus encore : « Je ne suis pas un penseur. Il est difficile. Il est plus proche en ce sens du doigt du Dieu Créateur pointé sur Adam dans la fresque célèbre de Michel-Ange. surtout dans les années d’apprentissage. certes. À ceci près que les corps sont drapés. chez Blake. courbé sur lui-même. entre Occident et MoyenOrient. Le bras de gauche (pour le spectateur) est appuyé sur un plateau. on peut dire que c’est la nudité (si importante. de parler pour Gibran d’allégories. op. brandissant une balance dont les plateaux sont à des niveaux différents. un autre porte une couronne de laurier. Tous tournent dans un mouvement circulaire de spirales ascendantes : lyre et laurier renvoient à un contexte à la fois mythologique et poétique qui a certainement retenu l’attention de Gibran. l’autre de la lyre. déhanché. 223 . ce qui accentue l’effet de flottement. à la charnière du XIXe et du XXe siècles. 27. En ce sens. cit. Il reçoit. Sainte Catherine est entourée par des corps angéliques : l’un joue de la trompette.06 ND Habchi 25/06/03 9:33 Page 223 Notes et documents le sein d’un mystère. nous la retrouvons chez Gibran dans le dessin intitulé La Balance de l’Absolu. Cette ronde renvoie à celles de Blake dans La Vision de la reine Catherine. C’est l’occasion ici de citer ce que dit Gibran : « Lorsque je peins un tableau. Ce travail multiforme effectué. Il y a enfin des cas d’osmose entre imaginaire pictural et imaginaire poétique : c’est évidemment le cas pour The Prophet. nous n’hésiterions pas à mettre en avant une autre caractéristique qui n’est pas si fréquente : une œuvre qui. Eugène Carrière. ou plutôt de confrontation. De telles études permettraient de mieux situer Gibran dans le contexte qui couvre la fin-de-siècle et les premières décennies du XXe siècle. plastique. sans toutefois en tirer toutes les conséquences ou sans exploiter à fond ce qu’elles offrent : le symbolisme du poète et de l’artiste. Mais il ne faudrait pas exagérer. Il y a aussi. qui est ici proposée.06 ND Habchi 25/06/03 9:33 Page 224 Notes et documents à titre introductif. enfin sa dimension visionnaire. Il y a bien sûr le Gibran illustrateur de ses propres œuvres : c’est un premier cas simple de dialogue entre l’écriture et la pratique artistique. à préciser plus que cela a pu être fait jusqu’à présent trois caractéristiques qui fondent l’univers de Gibran et sur lesquelles la critique semble d’accord. en direction de ce que l’on est obligé d’appeler des artistes mineurs ou oubliés. Odilon Redon. grâce à la prise en compte de l’activité picturale. l’importance ou la fréquence de ces rencontres entre art et littérature. si complexe. pour toute une première partie de sa vie. Jean Delville…). tant en peinture qu’en littérature. sur deux grandes figures qui furent pour lui formatrices. modeste. on pourrait revenir à sa poésie et avancer alors quelques éléments de comparaison. son spiritualisme ou plutôt son idéalisme. une activité picturale qui sert pour ainsi dire de préparation ou de mûrissement de son univers poétique. Dans les trois types de relations envisagés. Mais il faudrait prolonger et diversifier les approches de cet univers pictural. mot que seule la perspective historique ou chronologique peut justifier (Puvis de Chavannes. est à elle seule un champ d’études et d’interrogations dans les perspectives qui sont celles de la littérature générale et comparée. il y a matière. selon nous. Sobhi HABCHI CNRS-CRAL-Paris 224 . S’il fallait justifier la contribution.
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