Deucalion-1-(1946).pdf

March 24, 2018 | Author: Steven Williams | Category: Being And Time, Martin Heidegger, Jean Paul Sartre, Existence, Ontology


Comments



Description

I1DEUCALIO~ CABIERS DE PHILOSOPHIE PUBLIES SOUS LA DIRECTION DE JEAN WAHL DEUCALION CAHIERS DE PHILOSOPHIE DIRECTEUR: JEAN WAHL ((DEUCALION >> PARAlT TROIS FOIS L'AN LE NUMERO : 250 Fr. Abonnement (un an) : France et Union fran~aise : 700 Fr. Etranger : 900 Fr. Tous les fonds doivent etre verses au C.C.P. 49-60-21 Paris ' EDITIONS DE LA REVUE FONTAINE 40, Rue des Mathurins (Anjou 45-14) PARIS 1 EDITIONS DE LA REVUE FONTAINE J- 1a.db ~ ,, 1 .. · ~Ä'EPOQUE DE DEUC~I~N, CHEF DE PHpA, ET FILS DE PROMETHEE ET DE CLYMENE. ZEUS RESOLUT DE PUNIR LA MECHANCETE DES HOMMES, L'INIQUITE DE ~YCAON ET DE SES FILS Y AYANT MIS LE COMBLE. L ENVOYA DONC UN DELUGE A LA TERRE ET, :::OMME LES EAUX S'ELEVAIENT, DEUCALION )RDONNA A SA FEMME PYRRHA D'APPRETER ~·ARCHE QU'IL AVAlT CONSTRUITE SUR L' AVERfiSSEMENT DE SON PERE PROMETHEE. OR EN Y ~NTRANT, LUI ET SA FEMME, ILS FURENT PORTES iUR LES EAUX PENDANT HUIT JOURS, ET LE NEUVIEME L'ARCHE DEMEURA SUR LES HAUTEURS )U PARNASSE. ILS LAISSERENT CETTE NEF SUR JA CIME ET OFFRIRENT UN SACRIFICE A ZEUS, JEQUEL ENVOYA HERMES POUR EXAUCER TOUTE >RIERE FAlTE PAR DEUCALION. LE JUSTE )EMANDA ;LA RESTAURATION DE LA RACE iUMAINE; HERMES DIT QUE LUI ET SA FEMME \VAlENT A SE COUVRIR LA FACE DE LEURS v1ANTEAUX, ETA JETER DERRIERE EUX LES OS )E LEUR MERE SUR LE CHEMIN. LA SAGESSE QUI fENAIT A CE GEANT DE SON PERE PROMETHEE JUI ENSEIGNA QUE SA MERE, C'ETAIT LA TERRE; L FALLAITDONC JETER SIMPLEMENT DES PIERRES )ERRIERE SOl PENDANT LA DESCENTE DU PAR~ASSE. LES CAILLOUX AINSI SEMES DEVINRENT )ES HOMMES ET DES FEMMES, ET COMMENCEtENT AUSSITOT CETTE DURE VIE DE LABEURS 2UI EST DEPUIS LE LOT DE L'HUMANITE. iTEPHANE MALLARME - / / PRESENTA.TION LES bouleversements au milieu desquels nous nous sommes trouves et nous trouvons sont aeeompagnes de profondes modifieations de la ptmsee, peut-etre dans son; essenee meme. Il faul savoir ee qui a disparu et ee qui survit. D'autre part il s'agit de maintenir les grandes traditions de la eulture oeeidentale, sans nlier d' ailleurs que d' autres formes de eulture ne puissent lui eire equivalentes, mais en a/firmant aussi que< eelui qui eherehe trou1/era en elle les equivalents de foules ees autres formes . . Le reel interet que soulevent les problemes philosophiques aujourd'hui est le signe qu'un grand nombre d'individus, et dans un eertain sens la masse elle-meme, devient sensible a eette idee d'une evolution, peut-etre d'une revolution des modes pJJJlosophiques de penser. Au sortir de ees dures epreouves, ou en est dans ses parlies les plus vivantes, qui ne sont pas toujours les plus eonn'Ues, l'aetivite philosophique en Franee et dans les autres pays? C'est ee que nous nous e/foreerons de voir. Il y aura lieu peiut-etre aussi de dissocier eertains elements de theories importante<s et de nous demander ~ elles ne eontiennent pas des eomposantes assez heterogenes. [ 9 ] bien que parfois un non discret se trottl/era oppose a certaines /armes de pensee. Deucalion prmdra des pierres df!' toutes /armes et de toutes couleurs.. DEUCALION Nulle doctrine preconrue ne nous guidera. Or par Deucalion devint ensemencee Entre le roseau rare et Ia mer courroucee La forme ou Demeter s'est soudain avancee. sont des testaments et des injonctions. ne se fera sentir ici. et cela d'auta11t JEAN WAHL plus que si les concepts philosophiques doivent etre revises. dans les numeros suivants. Je Lautman. de Landsberg. Il allait. et d' autre part df} savants constituera un caractere essenfiel de la revue. de Cuzin. La presence de peintres. L'eau s'ecoule a travers un millier de canaux.'siques ou qu'elles soient les emissions et les ondulations de l'activite mentale. ils le seront par le contact meme de la philosophie avec ces autres acti'llites. de Hincbelin. nous l'esperons. de Cavailles. de Politzer. de Fondane. toujours a nouveau commencee. Sans doute bien des philosophes inconnus sont tombes. a nos yeux. C'est qu'il vit emerger hors des eaux les Cailloux. mais parce qu'elles n'ont jamais ete acfttelles et reelles. Dans le sol lapide s'ouvrit un grand sillon. que ceux qui possedent des pages d'eux soient assures qu'ils recevront accueil dans la re-vue qui ne separe pas l'esprit d'existence de l'esprit de resistance. La philosophie teile qu'elle sera comprise ici ne sera pas separee des autres activites humaines. Ils nous indiquent ce que nous ne de-vons pas oublier. Meme ces derniers quand leur forme sera non-dogmatique pourront etre • presents. Deja nous avons entre les mains des pages de Landsberg. Aucun dogmatisme. Pour les autres. ]ean WAHL. Le ciel s'etend sur lui sans recevoir sa plainte. ceci est un appel a ceux qui ont leurs manuscrits. les unes transpare1ztes. vivants dans les consciences vivantes d' aujourd'hui. Les jetant d'un bras fort dans le limon fertile. car ce n'est pas mt dogmatisme que de nous fermer a des expositians trop resolument dogmatriques des grands dogmatismes. le soleil dorant ses deux genoux. Puisse le souvenir. [ II ] . Dans ce premier numero le lecteur trouvera des articles qui. Que le jour ou il les jette puisse etre marque d'un caillou blanc. Deucalion. N aus esperons. La terre molle encore a re~u son empreinte. saus ces formes. de mhne qu'ils sont. c'est a peine un heros. Et les hommes rougis par le jour indocile Se sont dresses. plus que [e SOUVenir. !es autres opaques. donner des pages du Pere de Montcheuil. de poetes. suivant tes pas. non parce que nous ne !es es timans pas actuelles aujourd'hui. de Paul Petit. plarant l'homme au-dessus de taute pensee soi-disant sereine ont par la meme exalte la pbilosophie Dans le premier numero nous dannans en memoire df} leurs grands noms des pages d'Yvonne Picard. ou encore parce qu'elles ont epuise leur seve. de ['fJ'spr# et Je [a resistance des philosophes heros 11ous guider toujours et nous montrer qu'il y eut des philosophes qui. DEUCALION Les dieux ne sont plus Ia .. qu'elles soifflt l'etude des emissions et des ondulations Ph'l. de Halbwachs. L'engeance homme. HEIDEGGER ET SARTRE par ALPHONSE DE W AELHENS . avec Heidegger. TI est tout d'abord indiscutable que Sartre a de Sein und Zeit une connaissance parfaite. que Heidegger interroge sur l'existentialisme fran~ais se serait ecrie « en se tenant Ia tete dans les mains: Mon Dieu. a l'occasion. Nous ne savons pas ce qu'il faut penser de Ia materialite de ce temoignage. a Ia fa~on des phenomenologues entre parentheses. comment il faut concevoir leur situation respective dans l'existentialisme contemporain. un commentaire plus penetrant de la philosophie de Heidegger que ceux dont l'Etre et le Neant nous apporte Ia preuve. Et ce n'est pas la une constatation sans [ 15 ] .une entrevue qu'elle eut recemment. Prenons donc provisoirement acte du fait. je n'ai pas voulu cela ». attitudes dramatiques. dans le numero ELATANT d' Action date du I 8 janvier I 946. et demandons·nous en laissant parler les textes de Heidegger et de Sartre. en le mettant. c'est une maniere d'agir a laquelle les lecteurs de son reuvre n'ont jusqu'a present guere ete accoutumes. On trouvera dif:ficilement une comprehension plus exacte et. R Ia journaliste Dominique Desanti nous rapporte. et quand a proclamer urbi et orbi ce qu'il a ou n'a pas voulu. TI ne semble pas que l'auteur deSein und Zeit soit tres porte aux . chez ces auteurs. Cette these ne se borne pas seulement a proclamer que la philosophie doit necessairement etre existentielle. Gallirnard. l'Etre et le Neant peche quelquefois par omission. Par la. c'est-a-dire ceux qui prirent la succession de Kiurkegaard et de Nietzsche. Cf. de la philosophie classique. n'est que partiellement fonde. mais sur ce point aussi il arrive frequemment a Sartre de se prononcer explicitement. plutot rares. on peut soumettre toutes ses affirmations historiques a la plus severe critique sans qu'aucune succombe a l'epreuve. * ** Il nous parait a la fois vrai et faux de qualifier Sartre un philosophe Heideggerien. les appreciations de cette sorte sont pareillement susceptibles d'etre confirmees par l'historien . l'existentialisme se distingue foncierement. soit qu'il mette en lumiere une opposition (comme par exemple a propos de la signification existentielle de la mort) (r). [ r6 ] ( 17 ] 2 . une Ontologie qui. N ous esperons que les pages qui vont suivre apporteront une contribution a la solution de ce probleme. n'insistons pas. L'existant s'interroge lui-meme en vue de constituer une connaissance. Paris. ce n'est point cependant. Car. 1945. Sartre estime que par Heidegger s'est ouverte une phase nouvelle dans l'histoire de la philosophie et une phase a laquelle il est reserve d'edi:fier la seule philosophie valable. d'avoir trahi l'existence au profit de la connaissance. Sartre cesse toutefois d'etre un simple disciple ou meme s'oppose franchement a son maitre. Il faut donc accorder a Sartre la double originalite d'avoir reussi a constituer une theorie de l'etre en generat. Sur le sujet qui nous occupe. relativement a cette philosophie. (I) L'Etre et le Neant. D'une maniere generale. d'ailleurs contradictoires. sur la nature des travaux inedits que Heidegger aurait ou n'aurait pas acheves. il n'y a guere de philosophe contemporain plus obstinement mal compris meme de ses pairs que Heidegger . B. puisque ce serait un jeu vraiment trop facile que d'accumuler. (3) 11 va sans dire que nous ne pouvons faire etat que de l'ceuvre publiee de Heidegger et devons negliger les informations. (z) Sein und Zeit. les citations. devant etre disjoint) cherchent une connaissance de l'existence.r AL1'HONSE DE WAELHENS DEUCALION interet lorsqu'il s'agit d'un auteur exceptionnellement peu favorise a cet egard. dette. ce qui confere a Sartre le privilege assez rare d'etre un philosophe capable d'emettre un jugement historiquement defendablc sur la situation de sa propre reuvre dans l'histoire de la philosophie. 183. Il n'y a rien de tel chez Sartre. parfois signees de noms aussi illustres que ceux d'un Busserl ou d'un Brunschvicg etalant les contresens et les erreurs de doctrine ou d'appreciation les plus manifestes. elles sont. d'abord lorsqu'il etend l'analytique existentiale a des problemes et meme a des domaines au moins provisoirement ignores de l'auteur de Sein und Zeit et surtout lorsqu'il integre l'ensemble de CeS descriptions phenomenologiques a Une « Ontologie » dont certains principes sont probablement inassimilables par le heideggerianisme orthodoxe. N aturellement ceci ne prejuge en aucune fa~on des ~elations reelles entre les deux philosophies. soit qu'il reconnaisse une. la connaissance qui interroge l'existant. Car s'il est vrai que Heidegger et Sartre (le cas de Jaspers. Le propos d'etudier systematiquement la nature et la valeur de l'apport heideggeden dans la doctrine de l'Etre et le Neant se justifie donc amplement. c'est-a-dire selon la concep·tion de Heidegger' avoir pour objet une theorie (I ) de 1'etre de l'~xistence conquise a partir d'une hermeneutique de l'etre de 1'existence humaine (2). mais Sartre va jusqu'a faire siennes Ia plupart des implications et des conclusions qui font l'originalite de l'analytique existentiale de Heidegger. p. quoi qu'il en soit de son but. beaucoup plus favorable. Lorsqu'il parle de Heidegger. et ceci justifie la face positive de notre jugement. p. Est-ce a dire qu'il suffise de Iire I'Etre et le N eant pour etre parfaitement eclaire sur les relations Heidegger-Sartre ? Cette conclusion serait outn!e parce que si les allegations de Sartre touchant Heidegger sont le plus souvent exactes. 617. en fait. pour Heidegger est demeuree a 1'etat de pur projet (3) et ensuite d'avoir edi:fie cette ontologie en organisant (I) Notons ici que le reproche adresse par Benjamin Fondaue aux existentialistes de la seconde generation. Fonclane : Le lundi existentiel et le dimanche de l'histoire in L'existence. Certes. p. [ !8 ] 11 7.. qu'on lise Seitt und Zeit ou l'Etre et le N eant. Heidegger se fondait sur des affirmations analogues (4) pour declarer que seule une structure complexe pourrait rendre compte de l'Etre du Dasein. Seul le temps. On sait que pour Heidegger la description de l'etre de l'existence humaine. p. Le Pour-soi tel que nous le decrit Sartre est tres proehe du Dasein de Heidegger. au contraire a cru en toucher le fondement : le Pour-soi « se fait etre explicitement pour soi comme n'etant pas l'etre. p. s'accorderont pareillement dans la conception detaillee de cette structure. On nous avertit tout d'abord que l'Etre de Ia conscience ne coi'ncide pas avec lui-meme dans une adequation pleiniere (2) et que par consequent la conscience est un etre dont l'existence pose l'essence (3) .. 318. que cet etre. Sartre. source du present n'est rien d'autre que le Pour-soi lui-meme en tant qu'il se definit par Ia neantisation de l'existant. Sem und Zeit. p.ALPHONSE DE W AELHENS DEUCALION sur la base d'idees et peut-etre d'experiences metaphysiques pour le moins etrangeres a Heidegger un « materiel » phenomenologique heideggerien deja elargi. (r) « Das Sein des Daseins besagt: Sich-vorweg-schon-sein-in (der Welt) als Sein bei (innerweltlich begegnendem Seiendem). (3) L'Etre et le Nearlt. L'Etre et le Niant.. IJJ. p. que mon essence s'edifie tandis que j'existe et par le fait de cette existence meme. p. c'est que j'ai a me faire . p. disait Heidegger permet par son caractere ekstatique l'unite du souci (3). p. 42. selon le Iangage de Heidegger. C'est ce qu'il nous faut maintenant etablir. Quant a Ia maniere de concevoir ce temps. (z) L'Etre et le Niant. 325· (6) « C'est a tout l'Etre-en-soi que le Pour-Soi est presence c:. Sem und Zeit. mais. Il est vrai que si Heidegger se contente de reduire tout present une maniere de « se rendre present » un existant intra-mondain. Sartre soutient que pareille structure ne peut exister sans contradiction que si eile est essentiellement deploiement de Ia temporalite. presque a coup sur. a (r) Le Pour-soi « est fuite hors de l'etre co-present et de l'etre qu'il etait vers l'etre qu'il sera ». (7) L'Etre et le Niant. I 92. r64. eile est pratiquement identique chez les deux auteurs.. au contraire. L'Etre et le Neant. Le passe est pour Sartre le Pour-soi ressaisi et noye par l'En-soi (4). l'anticipation et la presence aux realites intra-mondaines. (3) Le temps: « ermöglicht die Gazgheit des geglieederten Strukturganzen der Sorge in der Einheit ihrer ausgefalteten Gliederung ». Sein und Zeit. (4) « Das Wesen des Daseins liegt in seiner Existenz >>. On prevoit des lors. ~ry. s'appuyant sur des raisons identiques pour proclamer complexe Ia structure de notre etre. Il est conscience de . Comme Heidegger encore. que l'un et l'autre philosophes. Opposition grace a laquelle il est aupres de Ia realite de l'En-soi (r). (2) L'Etre et le Niant. incapable de jamais s'egaler a lui-meme se revelera foncierement ekstatique. Dieses Sein erfüllt die Bedeutung des Titels Sorge ». 324. trouve une definition semblable. C'est bien le sens qu'il faut attacher a Ia description qu'en presente Heidegger lorsqu'il montre le passe comme une maniere d'etre ce qu'on n'est plus tel qu' on l' etait (5). 314. En d'autres termes Ia presence a. Il n'est pas difficile de decouvrir dans l'Etre et le Neant l'equivalent de cette structure. Et il en est bien ainsi. La structure de notre etre combine trois elements formeilement irreductibles : la dereliction. complexe susceptible d'etre realisee selon deux modes differents. 166. n6. « Le Pour-soi est 1' etre qui a a etre son etre SOUS Ia forme diasporique de Ia temporalite » (2). a l'etre intra-mondain. (s) Sein und Zeit. p. r68.. du Dasein met en lumiere une structure. comme negationintime de . 167. Ensemble ils constituent le souci et definissent notre etre comme etre dans le monde (r). Quant au present il s'identifie dans 1'Etre et le Neant a Ia presence a l'En-soi (6). p. p. I1 vit de Ia dialectique qui unit et oppose en lui Ia facticite et Ia transcendance.. 298. on chercherait en vain chez lui une precision sur Ia nature meme de cette « presentification » . Chacune des trois ekstases. si je ne suis pas adequat a moi-meme. r88. (4) L'Etre et le Niant. » (7). et si j'ai a me faire. [ 19 ] . c'est que mon existence ne resulte pas d'une participation a une essence immuable et preformee. celui qu'il entend privilegier. c'est avouer que Ia conscience se reduit a un vide irreel que Ia chose aurait a remplir. En realite cette legere difference de doctrine a une enorme importance au point de vue de ce qu'on pourrait appeler avec Jaspers. et c'est en:fin supposer que etre. il est de fait que Heidegger. Lorsque Sartre decrit a Ia maniere de Heidegger les trois ckstases temporelles. s'est decide pour un autre postulat... il montre bien. p. I 1 9· 20 ] [ 21 ] .. realite et chose brute sont de purs synonymes. (z) L' Btre et le N iant. ne · peut se comprendre que comme une activite de negation. Teile est bien Ia principale dif:ficulte de tout existentialisme : axe sur une experience de base. ce n'est pas la presence a Ia chose-massive qui nous ecrase ou qui nous happe. [ . mats au contraire aggraver Ia portee du dissentiment. Ia capacite structurelle du Pour-soi d'etre toujours en avant de lui-meme. (2~ Le Dasein. (4) Sein und Zeit. sence aux choses. (J) L'Etre et le Niant. 2::t6. a l'interieur meme de cette derniere. l'ethos de l'une et l'autre philosophie. (2). pp. s'il entend privilegier ce constitutif du temps. ·« Heidegger a raison de dire que le Dasein est toujours in:finiment plus que ce qu'il serait si on le limitait a son pur present » (I). 3 2 5) et cette caracteriStique structurelle est la racine meme de toute experience du futur ou de l'avenir. C'est a peine si. Mais ceci implique. il resterait a voir si placer Ia :fin de toute conscience dans l'identi:fication a Ia chose n'est pas un autre postulat. existence. plus profondement de nouveaux projets pour Ia conscience percevante.DEUCALION ALPHONSE DE WAELHENS Mais du meme coup. p.ssant n'est absol~ment rie~ qu'une pure negation . l'avenir (ou Ia Zukunft) est interprete par l'un et l'autre auteur comme Ia capacite structurellement inherente au Dasein ou au Pour-soi « d'aller vers » ou de se rapporter a. x88. Pretendre qu'il n'y a originellement dans Ia connaissance qu'une fascination (I). comme une fa~on de nier qu'on soit Ia chose tout en l'etant intentionnellement. e~t « in seinem Sein überhaupt zu-Künftig .. Sartre revendique pour le present (3) un primat que Heidegger reclamait en faveur de l'avenir (4).. L'Btre et le Niant. p. et encore cette opposition tient-elle a des options relevant de Ia psychanalyse existentielle et erigees en principes plutot qu'a une prise de position theorique. Il est vrai que cette derniere circonstance ne semble d'ailleurs pas attenuer. et par eile se manifeste pour Ja premiere fois Ce qui SC revelera etre en :fin de compte Ia seule opposition vraiment fondamentale entre les deux philosophes . On le voit. :. p.. Dans ces cas en effet qui representent le fait immediat du connaitre. s'il n'y a Ia comme le soutient l'auteur qu'un « postulat ». a quel point toute sa philosophie est dominee par l'experience de la chose-masse ecrasant le moi. cette neantisation. . dit Heidegg~r. source du present. Or. c'est proclamer que cette conscience n'accede au reel que dans la mesure ou eile s'egale a la chose. et insiste cependant sur le fait que notre pre(x) L'Etre et le Neant. Et comment ne le serait-elle pas puisqu'une teile conscience devrait etre a Ia fois et absolument chose et negation de la chose ? C'et pourquoi aussi le « prejuge fort repandu parmi les philosophes (qui) fait attribuer a la conscience la plus haute dignite d' etre. (Setn und Zeu. parce qu'elle pourvoit l'existant de ses determinations expresses. Et teile est bien Ia position de Sartre. p. Or.'9 (1) « L'exemplification psychologique et empmque de cette relation originelle (la connaissance) nous est fournie par les cas de fascination. 329-331. dans l'ordre ontologique. il est en fait incapable d'imposer Ia primaute de l'experience choisie. le connai. mais au contraire l'experience de 170. conformement a une etymologie qui se retrouve en fran~ais aussi bien qu'en allemand. Elle seule explique qu'il tienne le Pour-soi pour du non-etre et une conscience absolument consciente d'ellememe pour contradictoire. engendre sur cet existant de nouveaux possibles ou. de presenter et cette experience et ce primat comme une necessite contraignante pour tous les hommes. ne peut etre maintenu apres une description plus poussee de la notion de presence » (2). Il n'y a clone aucune divergence essentielle entre Heidegger et Sartre touchant le role et Ia nature de la temporalite. Parmi les elements structurels du Dasein. sur la conception de l'angoisse selon Heidegger Quoi qu'il en soit. 235 sqq. ce qui differencie Sartre de Heidegger. c'est-a-dire de cela meme par quoi precisement. (3) L'Etre et le Nlmnt. ce que nous disions a ce propos a la p. comme chez Sartre. 259 (note 4) de notre travail sur La Philosophie de M. D'une fa~on generale. C'est pourquoi l'idee de Ia mort.22 ] a propos de pro- (I) Nous avouons. au contraire. celle de notre existence en tant que creatrice de possibles. Je sais bien que 1'angoisse (I ) nous replace devant 1'existant brut et nous fait voir a quel point nos constructions « morde~t » peu sur cet existant. du reste. par contre. du moms quant apresent. On peut probablement attribuer a une raison analogue la totale et surprenante carence de Heidegger touchant l'ontologie du Corps propre. ce role de « reactif » fondamentat qui pour l'Etre et le Neant est devolu a l'oppression massive de l'En-soi ou de Ia chair. Heidegger. soit justement celle qui n'a aucun equivalent. Il est possible quc la partie de l'reuvre de Sartre que l'histoire retiendra comme la plu~ valable. C'est qu'en effet. A ce dernier point de vue.23 ] . [ . Ceci. d'une maniere generale. Antoine Roquentin n'oublie jamais ses nausees et il n'essaie meme pas d'en edulcorer Ia signification : la technique des « moments parfaits » lui demeure une comedie incomprehensible et presque ridicule. du reste. qui marque precisement Ia Iimite et la vanite de nos possibles. perceptible dans les dernieres con~er. l'experience de Ia chose ou de l'En-soi qui sert de fondement a la philosophie de Heidegger mais. A la Nausee qui exprime le pur contact de l'En-soi et le sentiment du corps comme pure facticite charnelle. meme accompagne des reserves que nous avons dites. (I) Nous reviendrons du reste. selon laquelle il y a une filiation directe de Husser1 a Heidegger et de Heidegger a son admirable Phenomenologie de la Perception. 1'Absurde du deploiement d'un complexe de projets qui ne tend a rien d'autre qu'a se detruire lui-meme. est. ma1s . toutes les descriptions relatives a l'elaboration du sens de l'existant par le Dasein rendent un son beaucoup moins realiste que celles de Sartre. dans une certaine mesure de l'indifference et du desinteret a l'egard de l'existant brut. i1 est assez significatif de constater que. des la lecture de La Nausle. dans Sein und Zeit : Ia philosophie du corps propre. encore qu'il soit l'unique sens dont puissent etre dotes les existants aussi bien individuellerneut que dans leur ensemble. c'est plutot le nom d'Albert Camus qu'on serait enclin evoquer. demande encore quelques explications. L'idee ou l'experience de !'absurde teile qu'on vient brievement de Ia caracteriser appelle Ia definition d'une ethique que. On serait ainsi amene a cette conclusion que. il est d'ailleurs tres remarquable a et Sartre. mais il reste neanmoins que pour Hetdegger ces constructions temoignent de Ia part du Dasein d'infiniment plus de gratuite et d'arbitrage qu'il ne parait chez Sartre (2). ce n'est pas. [ . l'experience de l'ecrasement ne camporte pas de soi. Sous ce rapport. ces oeuvres sont materiellerneut trop peu COOS!derables pour qu Jl SO!t possJble d'en tJrer des conclusions sßres blemes 'qui n'y sont point explicitement traites.ALPI:iONSE OE W AELHENS DEUCALION l'elan de la creation et. si l'on ne s'applique a determiner le sens exact de notre corporeite. est constamment susceptible d'un oubli ou d'un travestissement qui parait inconcevable dans l'autre cas. Merleau-Ponty qui poursuit dans cette meme direction des recherches dont on n'a pas encore fini de mesurer les immenses consequences. repond dans la perspective de Heidegger. A ce poi_nt de vue nous ne saurions partager l'opinion de M. nous sommes au monde. ~2) Une re~~tion a ce ~oint de vue. et Heidegger nous en avertit souvent. si etroitement allies qu'ils soient au plan de la reflexion philosophique organisee. I1 n'y a rien dans Sein und Zeit par exemple qui ressemble aux subtiles analyses par lesquelles Sartre defend et sauve le realisme de Ia qualite (3). C'est un merite essentiel de l'existentialisme fran~ais que d'avoir compris des le Journal Metaphysique de Gabriel Marcel. Nous ne saurions donc confirmer sans y ajouter les reserves ici indiquees. pp. joue dans la philosophie de Sein und Zeit un role essentiel. Heidegger et Sartre se separent neanmoins en une certaine mesure par l'inspiration originelle dont cette reflexion se nourrit (1). n'avoir pas immediaterneut saisi. l'experience de !'absurde en raison de sa nature plus mediate et reflexive. qu'on ne saurait definir l'existence humaine par l'etre dans le monde.nces pubhees par _He1de~ger. peut etre et meme parfois est quasi-cantrainte de s'oublier dans l'urgence des dches ordinaires. Celui qui s'est senti une fois pris par Ia massivite ecrasante de la chose et reduit a elle. pp. identique. nie la neantisation elle-meme. mais en realite. puisse s'effacer jamais. Ils sont figes. en fait. Il est « Iumen natu- [ 24 ] [ 25 ] a (I) Nous n'oserions en dire autant de son epistemologie. le damnes de Sartre perdent leurs paupieres a:fin que disparaisse jusqu'a cette modeste evasion. On connait Ia reponse de Heidegger et celle. si elle definit Ia valeur supreme. La lucidite cst bien la valeur fondamentale de l'existence. se trouver dans le vrai relativerneut a soi-meme. moins franchement avoue dans Sein und Zeit. 6-Io. M. des lors qu'elle a ete faite. ni l'hero'ine d'Intimite. Cependant a la base meme de la theorie heideggerienne de Ja lucidite. ces victimes d'un En-soi qui les happe SOUS la forme nauseeuse du physiologique pur. Ou encore : < par son surgissement meme. ou le regard de l'autre nous constitue en chose. . Il est en effet contradictoire que l'experience de la congelation. dans Vom Wesen der W akrkeit. si l'absurdite de l'existenoe humaine comme ensemble. Il faut clone en conclure que l'homme est entierement a l'origine de ses valeurs et que celles-ci resultent de son libre choix. de Camus. la distin~tion entre Sac/wnwahreit et Satz'(J. les theses relatives au fondement de la verite dans les choses j epistemologie de la verite. ni le Daniel des Chemins de la Liberü. si j'ose ainsi dire. cette neantisation mineure qu'est le clin d'reil. Nous appelons Ontologie dc la verite.. apparaissent. du Dasein (2). c'est. Sur ce point. un nouveau rapprocherneut avec Sartre s'impose.'ahr!teit. il faudra se demander si la lucidite a son egard doit etre promue au rang de valeur et comment cette lucidite pourra se defendre contre les retours offensifs incessants de Ia banalite quotidienne. et cette confirmation est d'autant plus precieuse qu'elle a pour objet une valeur qui entretient avec la lucidite le Iien le plus etroit : etre lucide. ces textes confirment pleinement notre hypothese . C'est parce que le Dasein est un existant qui est dans son etre relation a tous les existants clont il projette le sens. comme obsedes et incapables a son egard de tout recul neantisant. Or. Teile est la raison majeure pour laquelle la problematique de l'authenticite occupe chez Heidegger et chez Camus une place qui lui est refusee dans I'Etre et le Neant. 230. IJ3· On trouve des expressions analogues chez Sartre : le Poursoi se realise comme presence realisante a tout l'etre ~. l'ontologie heideggerienne deIaverite n'est aucunement ambigue (r) . n'ont encore la force de s'y derober un seul instant. Or. p. apaisante de par l'importance meme qu'elle se donne. Car il reste toujours traneher Ia question prejudicielle de savoir si vraiment la lucidite doit etre inconditionnellement poursuivie. L'Etre et le Niant. Campbell a l'ordinaire plus penetrant. C'est ici le point delicat ou la description phenomenologique se fait affirmation normative. Sein und Zeit reporte en effet le fondement de toute verite dans Ia structure meme de l'existence humaine. Mais il s'est longuement cxplique sur le fonderneut de cette valeur particuliere qu'est Ia verite.9. pp. le Pour-soi est devoilement de l'etre comme totalite ». 227. 22. cf. est ici victime d'une illusion d'optique. qu'il est aussi constitutif non seulement de toutes les verites effectivement reconnues mais encore et surtout de la possibilite meme du vrai (3). Sauvegarder l'authenticite d'une teile experience. I1 projette retrospectivement sur les feuillets du grand traite de Sartre une lumiere qui. une fois que l'experience de la compression du reel ou celle de l'engluement et de la viscosite qui la preparent se sont abattues sur eux. conformement au vocabulaire de Heidegger. assurer son maintien ne pose donc aucun probleme. Ceci est fort net dans le Mythe de Sisyphe. p. ne jaillira que plus tard.DEUCALION ALPHONSE DE W AELHENS que la plupart des heros engendres par le philosophe de la neantisation. 230. Au contraire. 226. Ni les personnages du Mur. Aussi voyons-nous que dans l'enfer. ni Erostrate. Pourquoi? Parce que tel est le decret de ces philosophes. c'est ce qui s'explique du reste aisement si l'on tient compte que Heidegger ne traite pas explicitement de la valeur comme telle. ne trouve-t-on aucun passage de Sein und Zeit qui enonce pareille these SOUS Ia forme litterale que nous venons de lui donner . (3) lbid. Sans doute. p. les theses relatives aux possibilites et aux conditioni! de notre connaissance des choses. constamment suppose par les termes memes qui decrivent l'existence authentique. (2) Sem und Zeit. . on ne peut manquer de songer la eoneeption sartrienne de la liberte comme !a seule interpretation acceptable... Klostermann.. 283. 16. et presque dans les memes termes. . (3) L'Etre et le Niant. p. mais sans que nous nous identi:fiions a eux. Personnne sans doute. La liberte caracte · rise i·existant constitutionnellement doue du pouvoir de mettre en lumiere et d'apprehender un autre existant. il entend ici le fondement de la possibilite intrinseque (5). Sartre dira : « dans ee rapport ek-statique qui est eonstitutif de Ia negation interne et de Ia eonnaissance. Et si l'on veut maintenant s'eclairer sur le rapport qu'entretient Ia liberte neantisante avee l'existant. IS-I6. damit dieses in de~ was es ist und wie es iiSt. 51. La liberte est par de:finition ek-statique et ex-sistente (8) . p. y lisons-nous. si la liberte est preeisement ce pouvoir de deeroehage.t dec. ek-sistent ». elle nous permet d'etre aupres des existants en les laissant etre ee qu'ils sont. ne eontestera que. Aussi prolonge-t-il son etude de la eonnaissance et de la liberte par une deseription qui s'efforce d'identi:fier ee pour-soi au Manque. . . 13· .re: Lorsqu'o~ reflechit a la portee d'une pareille af:firmatwn en evttant de lui conferer le sens. sous une terminologie qui fait ressortir le eote positif de notre presenee l'existant plus que l'aspeet negatif de notre non-identi:fication a lui (et eette differenee est eonforme a ee qui' a ete dit plus haut sur les experienees qui sont la base de l'une et l'autre philosophie) personne ne eontestera que Ia coneeption heideggerienne evoque irresistiblement l'idee de la liberte eomme neantrisation de l'en-soi. op. . p. bien a a :... avee l'en-soi.5. . Francfort-s-Main. 13· . une theorie du manque comme source de la negativite dans le Dasein (pp. le reeul neantisant. e'est neantiser l'en soi qu'il est . (7) « Das Sicheinlassen auf die Entborgenheit des Seiendem yerhert sich !nch~ 1n dieser sonder entfaltet sich zu einem Zurücktreten vor dem Seiendem. (8) « Die Freiheit ist in sich aus-setzend. 225. S'il en etait besoin un Opuseule expresserneut consacre l'elucidation de la verite (3) est venu quinze ans apres Sein und Zeit preciser ces af:firmations en les renforc. (1) Sein und Zeit. I 94 3 · ( 4 ) « Das Wesen der Wahrheit ist die Freiheit » op. p. .. il reste que Heidegger met l'aeeent sur Ia premiere partie de Ia de:finition. Bien que le vocabulaire en soit tres different de celui de Sartre. c'est pour l'auteur de Vom Wesen der Wahrheit.. PP· . « Le pour-soi n'a d'autre realite que d'etre Ia neantisation de l'Etre » (2). (4) Sein und Zeit ebauche. Cette hypothese ne sera pas ent1ereme~. Etre libre. e'est l'en-soi en personne qui est pole eoneret dans sa plenitude et le pour-soi n'est rien d'autre que le vide. est du reste deJa exphcitement rejetee dans Sein U1Zd Zeit.. cit. L'essence de la verite.. ou se detache 1'en-soi » (3). 711. la doetrine que Heidegger exposait Ia meme annee dans Vom Wesen der Wahrheit. Mais si Ia eonnaissanee eonsiste a etre ee que l'on eonnait tout en ne l'etant pas. Il faut clone eomprendre que l'homme est en mesure de pouvoir constituer une verite parce qu'i! est lib. (I) L'Etre et le Niant. La verite de notre existence reside dans notre capacite de de:finir le vrai et de constituer dans la verite (2). '" · · (6) Cette interpretation. cit. mais en reeulant devant cet existant de sorte qu'il apparaisse tel qu'il est en luimeme. a a a. sich offenbare . . p. 221 de cet ouvrage. de neantisation (et est clone bien Ia condition de Ia eonnaissanee vraie). cf.cun (6). 712. ». est-il necessaire de le dire. La liberte ne saurait etre rien autre que eette neantisation » (I). selon lequella verite dependrait du simple caprice d'un eha. I 33· (2) Sein und Zett. sur la nature de la liberte. [ 26 ] [ 27 ] ) (2) L'Etre et le Niant. p.. est la liberte (4).ALPHONSE DE WAEI. sur l'ouverture de l'existant . 297. ctt. op. « Etre pour le pour-soi. (s) « Wesen ist dabei verstanden als der Grund der mneren Moghckheit. Et Heidegger d'ajouter que par essenee. il est vrai.HENS DEUCALION rale » (I). 221.. une eomprehension adequate du texte nous amene tres pn!s des positions defendues par l'Etre et le Neant. ( 3 ) Vom Wesen der W arhrhett. p. 305) mais il ne va pas jusqu'a affirmer que l'etre du Dasein s'identijie a la neantisation. Ou nous nous trompons fort. . pp. cit. au lieu que Sartre est plus soudeux de Ia seeonde. op. evidemment absurde. ou nous retrouvons iei. pp.ue par les explications ulterieures de Vom Wesen der W ahrhetf. On ne trouve pas l'equivalent de eette doetrine ehez Heidegger (4).ant. Ja eapacite constitutionnelle de s'ouvrir al'existant et de s'en remettre a lui de s'effacer devant lui sans s'y perdre (7). mais. Le poursoi est effeetivement perpetuel projet de se fonder soi-meme et perpetuel eehee de ee projet (5).. tolere et meme requiert d' etre eommentee en termes sartriens si l'on veut en saisir l'exaete portee. eompaete vis-a-vis de laquelle nous nous sentons . p. 713. p. On ne peut ehereher a savoir Pourquoi le pour-soi existe sous Ia forme du pour-soi : « tous Ies pourquoi en effet sont posterieurs a I' etre et le supposent. On ne peut fonder ee qui est a Ia souree du fondement en general : l'idee d'un fonderneut absolu est eontradietoire. Cette proposition passablement enigmatique a premiere vue. p. eependant. Cependant nous ne saurions songer un seul instant a reduire Sartre au rang de simple diseiple et il est temps de montrer. si Heidegger nous demeure jusqu'a present eomptable d'une theorie generale et expresse des valeurs. p. Vom Wesen des Grundes repond sans equivoque a eette question.) La Nausie.. Vom Wesen des Grundes. ramene toute notre experienee a l'epreuve du primat oppressif de la ehose massive. Il s'ensuit que ma liberte est l'unique fondement des valeurs et que rien. 110. Comme le Dasein est la souree de toute intelligibilite. (3) c Die Freiheit ist der Grund des Grundes ~. p. qu'a une liberte aetive qui Ia fait exister eomme valeur du seul fait de Ia reeonnaitre pour teile. au eontraire. On ne peut que eonstater un. pleine.n'etre rien. 167. ne me justifie d'adopter teile ou teile valeur. Nous avions entrepris eette longue demonstration en vue d'etablir que.nent libre. il s'ensuit avee une absolue rigueur que Ia liberte est bien ee qui fonde l'idee meme de fondement. Heidegger irait-il jusqu'a endosser eette af:firmation de Ia eontingenee radieale. Dira-t-on qu'il faut ehereher plus loin et se demander ee qui fonde l'apparition au sein des existants de ee type partieulier d'existant doue de liberte ? Une teile question n'a aueun sens pour Heidegger puisque le sens.ou sommes supposes nous sentir . (4) L'Etre et le Niant. C'est Ia plus pure doetrine sartrienne. Heidegger edi:fie toute sa philosophie sur l'experienee de la gratuite de nos pouvoirs qu'il deeouvre eependant sans prise sur l'existant brut. plus preeisement ou reside son ineontestable originalite. p. En tant qu' etre par qui les valeurs existent je suis injusti:fiable » (I). Eile est clone identiquement eelle que developpe I'Etre et le Neant: Ia valeur « ne peut se devoiler . {1) Vom Wesen des Grundes. p. « Le pour-soi n'est pas fondement de son etre eomme neant d' etre. ee meme fait qui peut nous en fournir l'explieation. il est aussi absolument impuissant (2). Absolm. eapaeite de projeter !'intelligible s'identifie. En partieulier aueun homme n'est suseeptible de trouver une justi:fieation au fait qu'il existe. Cette eoneeption plaee le Dasein a la souree de Ia valeur. 76. une eonsequenee presque inevitable. Ia de:finition meme de l'etre nous Iivre sa eontingenee originelle » (4). L'etre est. p. eomme la (1) L'Etre et k Niant.) Vom Wesen des Grundes. 713. (s) L'Etre et le Niant.. N otre liberte est aussi un abime (I). l'intelligibilite et l'etre n'apparaissent eux-memes que par Ia surreetion de eet existant. nous l'a~ons vu. La liberte y est deerite eomme le fondement de tous les fondements (3).ALPHONSE DE WAELHENS DEUCALION qu'elle en soit. (:z.. il s'est clairement explique sur Ia eoneeption qu'il entendrait defendre. (3) L'Etre et le Niant. 715. 714. [ 29 ] [ 28 ] . elevee par Sartre au rang de verite ontologique premiere ? « L'essentiel e'est Ia eontingenee » (2). sans eause et sans nt!cessite. absolumenf rien. sans raison. il fonde perpetuellerneut son neant d'etre » (3). pensons-nous.e fois de plus l'identite de vues absolue qui regne entre Heidegger et Sartre. Sartre. C' est par le pour-soi que Ia possibilite d'un fonderneut vient au monde » (6). a la liberte et eomme enfin intelligibilite et fondement sont des notions a Ia Iimite indiseernables. a notre sens. C'est toujours. en un eas. p. (6) L'Etre et le Niant. teile ou teile eehelle des valeurs. 108. 109. (:z. x8. la revelation que le sens de l'existant depend de nos projections et qu'ainsi nous sommes a l'origine absolue de l'etre (non de l' existant). les aspects kierkegaardiens de la meme experience. Viendrait. 39· [ 3I ] . en tant que revel~tnce. . pp. qui chez Sartre est l'essentiel de la nausee et domine completement. ne serait-ce qu'en vue de fonder l'operation logique de Ia negation qui.concevoir une Ontologie du Corps. 42. . p. Ceci nous amene a examiner de plus pres les conceptions heideggerienne et sartrienn. 46. 371. po rt'ee du p h. le tourbillon ou toutes nos pensees se brouillent pour nous pousser vers ce que Kierkegaard definissait comme le peche. [ 30 ] est tel en question. Cet elargissement est particulierement sensible en trois « n!gions » de Ia philosophie. La secende concerne Ia dialectique de nos rapports avec autrui. ne peut tirer sa signification que d'une experience du neant (I). (z) L'Etre et le Nümt. 11 ne serait cependant pas impossible a un commentateur subtil de pousser en ce sens l'interpretation de quelques textes de ~as is~ M~t~physi~ (4) mais en _realite. On peut se demander si ces developpements qui constituent a n'en pas douter une.oit que desormais tout lui est Possible. il est permis de cr01re que ltdee du ·corps comme « forme contingente que prend la nece~site de ma contingence » (I) est de celles que Heidegger pourratt reconnaitre comme un fruit legitime de sa pensee. Si nous manquons d'indications precises sur Ia maniere clont Heidegger. c'est-a-dire vers l'affirmation de soi comme absolu. ces passages nous parats:'ent msptres pl?tot par le souvemr de Ia description kierkegaar. s'aperc. cette vxlle et moi-meme. comme liberte. a .. d'equivalent chez Hetdegger. p. Ce qui (x) L'Etre et le Niant. L'experience de Ia nausee (2). ou plus generalerneut de I e~-so1 (3) ne semble pas avoir. repetons-le. teile qu'elle s'est fixee dans les ceuvres publiees du philosophe allemand. le n. sans les effacer neanmoins. Enfin.. La premiere tauche a l'ontologie du corps qui. p. Ia derniere pose les principes de la «" psychanalyse existentielle ». ce Jardm. si tout neant a SOU origine dans Une Operation neantisante du pour-soi. il n'en est pas moins vrai que ce neant. Les deux auteurs s'accordent a penser que contrairement a ce qu'af:6.e du neant et de Ia neantisation..rme le pur logicien. pp. La destruction ' (x) Was ist Metaphysik. (J) Ce dernier sens est plus marque dans La Nausie que dans L'Etre et le N' t • " reduite ' ou 1a.ALPHONSE DE WAELHENS DEUCALION Elle consiste tout d'abord dans l'extension tres considerable qu_e l'aut~ur de I'Etre et le N eant fait subir a Ia problematique hetdeggenenne. Sartre a consacre de nombreuses pages a la phenomenologie du neant. ' · 7· (s) Reellerehes p·hilosophiqrtes. c'est avant tout la decouverte du possible comme tel. et qu'il est absolument responsable du sens de toot ce qui est : d'ou le vertige.d~enne du tourb~llon et ?u vertige (Schwindel). une fois secrete par la conscience. parce qu'elle implique de soi une denegation possible. Mais il ne s'y joint point cette nuance d'horreur et de degout pour l'existant en soi. (2) L'Etre et le Niam. suppose deja une certaine negativite et. que par une expenence analogue a celle d un Sartre ou un Levinas (5). V. Ces aspects pourraient etre synthetises en disant que l'homme. Quand il arrive qu'on s'en rende compte l:a vous tourne le creur et tout se met a flotter. 404.enomene paraxt a l'aperception de l'en-soi corporel ean Au contraxre! La J!ausfe eleve ~ette porte~ a l'epreuve de tout en-soi comme tel : « Tout est gratuxt. Sans deute. La reponse sera sans deute affirmative quant a l'essentiel. 1 7. p. se decouvrant comme source de possibles. clone. S'appuyant sur une serie de descriptions d'une rare penetration. par contre. du corps comme facticite pure.eant (2). contribution de premiere importance a Ia phenomenologie de ces diverses « regions » restent conformes a l'esprit de Ia philosophie de Heidegger. cette aperception est-elle inseparable d'une experience d'impuissance radicale a l'egard de l'existant brut qui demeure intouche en lui-meme par nos projections. Ia question du neant doit necessairement se poser. nous l'avons deja remarque. voila la nausee » p 1 6 ' (4) Was ist Metaphysik. est saisi par eile dans et sur les choses. il prouve a Ia fois que si le neant n'est pas un etre. 3 8 7. n'a guere retenu l'attention de Heidegger. L'Etre et le Niant. Sartre va meme plus loin en montraut que taute interrogation. 12 . p. estiment-ils. Si Ja neantisation est ecoulement de l'existant comme totalite. La revelation de l'etre comme etre est inseparable de celle de l'existant comme existant et toutes deux sont suspendues a l'experience du neant : « exnihilo omne ens qua ens fit » (5). le manque impliquent le neant mars ne sau~rent ~lO. (s) Was ist Metaphysik. dans le Iangage de Sartre. Elle est decouverte de mon impuissance. est pareillement la condition de la decouverte de l'etre comme tel. p. de le transir de neant. la decouverte du neant est le privilege d'un sentiment. 18. 19. p.eler. nous projetions de l'etrc comme M. D'autre part. Pareille revelation est d'autant plus caracteristique de l'angoisse que les autres sentiments ont precisement pour nature de nous rattacher a l'existant dans sa totalite (3) (encore qu'ils ne nous permettent pas une saisie expresse de cette totalite comme teile (4). pour y decouvrir tres precisement a l'reuvre la neantisation qui est l'etre meme du pour-soi. le devient de toutes nos conduites. ipseite et liberte sont des notions pour Heidegger etroitement reliees.bien plus qu'une experience positive d' ecreurement SOUS la pression ecrasante d'un en-soi massif (3). La neantisation du neant est une experience de l'existant comme refus de mes projets ou. [ 33 ] 3 . En lui j'atteins l'existant dans sa pure alterite. au dela de la desagregation. Cf. l' objet propre et exclusif (2).de l'etre . s6z. ALPHONSE DE W AELHENS (das Seiende als solches) (I). Ce qui prime. comme pur « coef:ficient d'adversite » (2). 20. _la. Tel n'est pas l'avis de Heidegger. Poursuivons neanmoins. Et si enfin.prrvrlege de 1 ang01sse. (4) Was ist Metaphysik. On peut donc parler dun . PP· 18. Des lors. On s'aper~oit maintenant que la neantisation. il faut bien que l'homme lui-meme soit une neantisation. [ 32 ] (1) Was ist Mettilhysik. on ira jusqu'a 44· (z) Was irt Metaphysik. est un fait objectif et non une pensee (r). on doit ajouter que si l'homme est capable de neantiser l'existant. (6) Was ist Metaphysik. l'angoisse.( DEUCALION ie manque ou l'absence par exemple. mais eile fait s'ecouler. projection d'etre. la defection. l'esprit en est assez different. 15.. cette impuissance n'exclut pas la joie sereine de l'existence resolue. 22). Cert~ins auo:es sentimen~s et attitudes. comme nous l'avons deja vu. c'est le sentiment de la vanite de nos possibles projetes . p. On n'aura donc qu'a analyser une de ces conduites.u. z3. 19. en un certain sens. (z) L'Etre et le Nlant. 14. p. Que je voie se defaire la totalite. c'est l'aperception de l'existant brut dans l'epreuve de sa resistance a nos projets. on dira que l'angoisse implique que cet existant comme totalite soit tt·anscende (4). en tant que tel (Was ist Metaphysik. Was ist Metaphysik. bien qu'arrivant a l'etre par l'homme. (4) Was ist Metaphyrik. transcendance. Pour lui. On ne sent se desagreger que cela meme clont on a senti la coherence et si l' on se trouve. hain~. il est pareillement faux de pretendre que l'angoisse detruit ou nie l'existant en sorte que le neant serait l'absence nee de cette destruction. p. p. glisser l'existant comme totalite (c'est-a-dire comme etre) et cet ecoulement est l'epreuve de la neantisation du neant (6). p. Jourdain faisait de la prose. 16. p. p. dans son heterogeneite radicale a 1' egard de tout intelligible. il devient inevitable que cette m!antisation transparaisse en chacune de nos demarches . Mais comme on ne saurait donner que ce que l'on a. si eile est la condition de la decouverte de l'existant brut comme tel. dont le neant constitue si 1'on ose dire. suppose que je l'aie possedee. Jusqu'au moment ou eclate la vanite de l'intelligibilite que nous projetons sur l'existant.' le re. 26. p. la mauvaise foi par exemple. Nostalgique. p. (3) Was ist Metaphysik. elle n'est point sterile. (s) Ibid. ce qui est vrai de l'interrogation. Or le neant n' est pas un existant (5)' il n'est meme pas un objet qui s'offrirait a nous en sus de l'existant ou a cote de lui. La neantisation me place face a l'existant brut (1) L'Etre et le Neant. Encore que en soi le contenu de pareilles affirmations demeure tres proehe de celles qu'on trouve chez Sartre. (3) Au contraire. mais suppose aussi que je sois deja au dela d'elle. L'angoisse ne nie rien. rnais plutot cornrne la vie unique. 55. Il se contente d'affirrner que l. si l'on donne a ce mot le sens qu'il a toujours eu. or. toute af:firrnation non laterale de lui-rnerne (3) ou. Quant aux developpements donnes par Sartre la dialectiquc des rapports hurnains et a la p~ychanalyse existentielle. dans son ceuvre publiee. Voici qu'apparait en pleine lurniere ce par quoi Sartre s'ecarte decisivernent de Heidegger. puisque le pour-soi n'est qu'un constant echappernent a lui-rnerne (2). bien fondee : il reproche a Heidegger. d'abord de n'avoir pas vu au Contraire de l:Iegel que l'esprit est le m!gatif ou en langage phenomenologique que le Dasein ne saurait etre source de neant sans etre lui-rnerne neantisant (4). (3) « L'annonciation de ce que je suis ne peut etre elle-meme thet. (4) L' Etre et le N iant. Sous l'influence d'une experience de l'en-soi cornrne rnassivite opaque. oppressive et ecrasante. Et pourtant Sartre adresse a la conception heideggerienne du neant une objection capitale et sernble-t-il. il n'arrive pas a presenter une doctrine capable de fonder ontologiquernent le rapport du Dasein aux autres existants bruts. 25.ALPHONSE DE WAELHENS DEUCALION conclure que Ia liberte et l'ipseite sont elles-rnernes en dependance de l'experience du neant {I).que ». 54. une neantisation. Voila pourquoi Heidegger ne s'est pas resolu a nier l'experience de la conscience possession de soi et. qu'il faut lui refuser toute possession de soi. Or. il doit clone de quelque rnaniere se rapporter au neant . Ainsi clone. 20. Si Dieu a cree ex nihilo. (2) Ibid. Nous avons ecrit au debut de ces pages que Heidegger n'a jarnais reussi. Sans doute est-ce une possession inseparable d'un projet : je ne me possede pleinement moi-merne qu'en anticipant rnon neant dans rna rnort. consequernrnent.et neantisation cornrne il le fait. que le pour-soi est en lui-merne non-etre. Sartre est parfaiterneut prepare cette conclusion. 24. Or. force est d'avouer que les visions ultirnes. 251. a definir le pour-soi par le non-etre. il lui est facile de decrire le pour-soi cornrne etant en lui- a ( r) Was ist Metaphysik.t Niant. 59· (z) L'Etre et l. p. les experiences fondarnentales sur lesquelles s'appuient l'une et l'autre philosophie pourraient bien etre incompatibles. pp.. p. a a (I) « L'ctre pc f gui lc ll Cant vient au illO!lde doit etre SOll propre IJeant ».. Cela prouve seulement une fois de plus que l'idee Heideggerienne de neant est essentiellernent liee a celle de l'absurdite de nos possibles plutot qu'a l'experience de l'engluement dans le solide de l'en-soi. selon Sein und Zeit. [ 35 ] . toute personnalite. Il sernble d'ailleurs que si Heidegger venait un jour a s'e~pli­ quer . Pour lui. a laquelle nous sornrnes prornis rnais que provisoirernent nous dorninons par l'organisation que lui impose la lurniere intelligible de nos projets. 23. sans adrnettre du rnerne coup que l'etre du Dasein est indiscernable du neant. Ceci irnplique. du neant (2). il n'est pas facile de decider s'ils derneureut un fruit legitime des premisses heideggeriennes. a constituer l'ontologie generale qu'il se proposait. (3) Ibid. 62. il le decrirait non cornme un bloc chosi:fie. qu'il est impossible d'identifier projection . Cette phrase qu'on irnaginerait tiree de I'Etre et le N eant se cornplete par un assaut contre l'idee de creation qui lui aussi annonce Sartre. il ne voit pas. rnysterieuse et inepuisable de la realite tellurique. pp.mais une telle explication n'est-eHe pas contradictoire ? -sur l'en-soi pur. negativite pure (I) et de retablir ainsi }'unite de l'ontologie : seul l'en-soi existe dans sa solidite cornpacte. il est contradictoire qu'il le connaisse puisqu'il l'exclut absolurnent (3). L'hornrne est clone le lieu. «Platzhalter». de l'etre. c'est quoi Heidegger ne s'est jarnais resigne. p. [ 34 ] rnerne 11011-etre. tout au rnoins. p. parce que d'autres experiences font obstacle a cette decouverte. l'authenticite de l'existence resolue irnplique une position et une possession de soi. d'edifier. p. L'Etre et le Niant. En fait.e Dasein a pour caracteristique existentielle d' etre projetant . Il est incontestable que Heidegger n'a pas ete jusque Ia. L'Etre et le Niant. n'empeche pas l'Etre et le Nean_t de developper une doctrine qui. r 18. (2) « L'essence des rapports entre consciences ce n'est pas le Mitsein. Sein und Zeit.ALPHONSE DE WAELHENS DEUCALION . Heidegger a peu ecrit sur l'Autre. PP· _. (4) Sein und Zeit. Sartre pousse par l'experience qui voue toute conscience a l'ecrasement. con~ctence de se fuir et de se detruire en s'abimant dans Ia sohdtficatwn de l'en-soi (2) ne saurait etre ramenee sans plus a la the~e de ~ei­ degger qui attribue au Dasein une ten~ance presque mcoerctble a s'interpreter sur le mode des choses. Sur la defenre d'un tel ideal par Heidegger. pp. L'Etre et le Neant. (3) Sein und Zeit. cela va de soi. on ne trouve chez Heidegger de reference a la position hegelienne selon laquelle chaque conscience poursuit la mort de l'autre.lyses existentielles respectives.iere jusque ~ans l'esprit meme de sa philosophie.e selon laquelle le visque~x nous donr:e la nausee parce qu'il manifeste la tendance propre a tou:e. 32 r. Enfin l'idee d'une psychanalyse existentielle ne nous parait pas. p. en principe. Mais ici Ia difference des experiences de depart propres a l'un et l'autre philosophes doit jouer a nouveau. ne saurait avoir les memes hesitations. Le sang des autres. [ 37 ] . a (r) Sein und Zeit. 11 devrait clone admettre que chacune de ces manieres resulte d'un choix ultime decelable en principe par le type d'organisation que l'ensemble des projets d'un Dasein donne tend donner au monde.6. Le lecteur jugera s'il est possible de mamtemr la concluswn que nous avions annoncee : la dependance certaine. p. au plan de l'existence journaliere. p. 298.pe~plent . le pluralisme heideggerien s'arrete mi-chemin et echoue retablir un unitarisme toujours favorable aux interets de l'ontologie. a * ** a Nous avons ainsi exprime a peu pres tous les points sur lesquels le problerne de l'influence de Heidegger . (r) Sein und Zeit. (3) L'Etre et le Neant. et importante que Sartre manifeste a 1' egard de Heidegger en un grand nombre de questions et qui s'affirme d'une certaine man. a Heidegger definit l'existence humaine par Ia liberte de l'etre-aumonde et reconnait qu'il y a d'inn. 270. 11 est vrai que Heidegger rejette neanmoins toute experience intersubjective. 264.sur ~artre peut s~ poser. mais meme a celui de l'authenticite. Mais au lieu que chez Sartre l'etre-en-commun definit une situation de Iutte implacable (2) qui ne peut etre suspendue qu'au plan de l'entreprise pratique qu'on se decide a tenter ensemble et sans que celle-ci arrive jamais a constituer une intersubjectivite (3). c'est le conflit ».6-57· (2) L'Etre et le Neant.ombrables manieres d' etre au monde ( r). 701. voire opposees. un existential de moimeme (r). elargit Sein und Zezt tout en s'opposant lui. pour Heidegger la collaboration est Ja regle : l'hostilite ou l'indifference a autrui est qualifiee de mode negatif de l'etreen-commun (4). q~u . 502. a la fois. Sans doute affirme-t-il que le Mitsein est un element structurel. 14 r. p. Sous cette derniere modalite l'etre-en-commun nous permet et nous incite a laisser autrui absolument maitre de lui-meme (5). 120.ses en~o~rs (3) · Les deux demarches procedent en reahte d mtentwns dtfferentes. cf. Nous pouvons clone conclure que. non seulement. p. Et en ce sens il doit admettre l'idee d'une dialectique de l'autre. q. 289._ 348. et il est peu probable que Heidegger et Sartre puissent jamais s'accorder sur les cad~es de leurs psychana. ici aussi. 11 entre avec eclat dans les voies de Ia dialectique hegelienne et connait les memes succes que celle-ci. 502. l'mterpretation sartrienn. On ne saurait s'en etonner puisque. pp. (5) C'est l'impossibilite d'un tel ideal que veut mettre en lumiere le roman de Sirnone de Beauvoir. Nulle part. Par exemple. pour l'auteur de I'Etre et le N eant toute conscience est sensible. Contraire a l'esprit de la philosophie de Heidegger. 239. P. Sartre) par ~· ' JEAN WAHL le Neant » .ESSAI SUR LE NEANT D'UN PROBLEME (Sur les pages 37-84 de « L' Etre et cle J. comme on le verra de mieux en mieux par la suite. - LES NEANTS ET LE NEANT Dans son introduction. suivant en cela Busserl. ou du moins si elles lui permettent de le reveler autrement que par instants . et le phenomene [ 41 ] . bien qu'il ne veuille pas se reclamer de ce maitre qu'il ne reconnait pas pour un maitre. Mais nous aurons a nous demander si certaines idees qu'il met en avant ne lui cachent pas le reel. de Bergson . il faut le suivre dans son effort pour aller vers « la familiarite pre-interrogative » (p. ou cru decouvrir deux regions de l'etre. I. et aussi. Les deux regions de l'etre etaient abstraites. s'efforcer d'etablir une Iiaison entre les deux regions de l'etre. il va marquer les limites de sa tentative precedente. I L . ou plutot qui va s'operer. « Les resultats de l'analyse ne sauraient se recouvrir avec les moments » de Ia synthese qu'il va operer. et par Ia meme. deux types d'etre. 3 8. Sartre avait decouvert. Il va. maintenant dans les pages que nous allons etudier. 39). Car « la conscience recele en soi une origine ontologique vers l'en-soi.faut suivre avec toute l'attention qu'elle merite la tentative de Sartre pour « ouvrir les yeux et interroger en toute naivete ». un non-etre " -_du' savoir en general. Plus loin. une certaine mefiance en nous. comme celles de Kant et de Busserl. disons-nous. q. hors ~e no~s.on differente en disant : « C'est Ia possi. la question implique l'existence d'une verite ». ete.-~tre de Pi~rre.t pas suivi les enseignements de Platon qm montre dam le « ee qu 1l n'est pas » simplement l'idee d'alterite. « Cette reponse.g_ari~ue double. puisqu'il doit paral:tre a la conscience ». Nous saisissons en tout cas. La verite etant non-erreur introduit un troisieme non-etre comme determinant la question. En sera-t-il de mcme quand il parlera un peu plus loin de deux possibilites egalerneut objeetives ? Et encore de l'objeetivite du neant? C'est une quest!on que nous aurons a nous poser. Sartre iei va maintenir la realite de 1a negation (mais qui veut detruire la rchlite de Ja negation ?) . et en.e pourvue de signifieation. non.mmobd. C'est ec que pn!eise Sartr·e d'ailleurs : il s'agit d'une attitude huma~~. l'inadequation de sa grande dichotomie. e'est l'etre qui me la donne ». Ce que I'etre sera s'enlevera necessairement sur le fond de ~-e q~'~l n'est pas ». par eette volonte d'insistance a la fois sur la eonscienee et sur l'objeetif. On voit que Sartre a fort bien vu les dangers.JEAN WAHL DEUCALION' est un abstrait. et reussie parfois. ou p Ius exaetement possibilite de non-etre de 1' etre transcendant.ues. Pour poursuivre nos regrets. c'est faire (ce serait faire. Sans doute Sartre pourra [ 42 ] [ 43 ] . Ma1s est-il. en effet.on profonde. Non-etre de cette tasse.1. « Enfin. « Je suis au monde » (tendanee objeetive dirons-nous grossierement et c:n simplifiant les choses) est amene a eoineider avec : je me tiens devant le monde dans une attitude interrogative (tendance subjective). un trait bien earacteristique de Heidegger eomme de Sartre : la fusion profonde.bilite permanente du non-etre. au meme titre que l'eleve ou le soldat absents. a moins que « obiectif » ne soit entendu simplement comme « existant pour un autre eomme pour moi ». disent : non. On voit que l'ambigüite du mot objectif que nous avions notee n'est pas sans consequence. dit-il. il y a non-etre.twns. dit-il. iei. _ Quel dommage que Sartre n'ait pas entendu 1c1 les avert1ssements de Bergson (et d'un assez grand nombre de logieiens allemands). n s'agirait d'envisager les eonduites eomme des realites « objectivement neeessaires »? Mais remarquez que « objeetivement » veut dire iei simplement qu'un autre que moi pourrait les envisager aussi bien que moi. et ~eme dans chaeun de ces trois non-etre.sse a la limite (ingument) et transforme la possibilite de nonetre en non-etre et l'indetermination en une determination du non. ils ne disent pas : non. I1 y a la ee que nous pourrions appeler un proc~de me. en etant absents. Quoi d'etonnant qu'il le dise puisque la non-determination est non:etre et que la determination aussi est non-etre.satiOn de la pensee qui nous met en faee du non-sav01r et au non-etre. un double passage a la limite et une d~uble J. Comment ne senonsnous pas d'apres lui. quel dommage qu 1l na. Quelques expressions. ?o~s. Detruire la realite de la negation. Sartre eonclut que nous sommes environnes de neants. il faut clone se rattaeher a Heidegger et a son etre-dans-le-monde . Oui. eveillent deja des objections et des critiques. qui conditionne nos questions sur l'etre ». e'est cet etre-dans-le-monde qu'il va ehereher a determiner. Bien plutot qu'a des. De l'autre. dit-il. Ma1s il p. En realite. dirons-nous plutot) s' evanouir la n~alitc de la reponse. Dans !e processus de 'l'interrogation tel que Sartre le pres:_nte iei d'un eote le non-savoir est realise. En fait il va aller bien plus loin que « la realite de la negation » puisqu'il va tenter de prauver l'idee de l'existence objective du non-etre. Observons ~ue Sartre ne parle iei que de possibilite de non-etre et non de _non-et~e reel · ou eneore il parle simplement d'une non-determinat10n. la poss1bil1te dun non-etre eneore plus particulier. non-environnes de non-Ctre ? Il formule encore son affirmation d'une fa<. entre le subjeetif et l'objeetif. il y a. ou plus exaetement tentee de fa<. . JUSte d eenre « du non-etre ». philosophies abstraites. alors qu'il serait preferable de d1re : des no~­ etre ? C'est la possibilite permanente de tel ~u tel de Aces trOlS non-etre particuliers qui conditicnne ~~s. « Et e'est encore le non-etre qui va circonscrire la reponse. ici. il contredit (du moins au premier abord) la conception classique qui va de Parmenide et de Platon a Leibnitz puis a Hegel et a Bergson.. mais le neant qui est a l'origine de la negation. qui s'est continuee dans Eckart. C' est un des merites de Ia theone de HetdeggerSartre que de permettre une etude phenomenologique de certains etats ou de certaines tendances negatives. ou voulant ou non-voulant. Certes le passage suivant ou Sartre part de l'idee de destruction est plus frappant. de rendre Conternporains l'un de 1'autre 1' etre et le neant). La question est une conduite pre-predica tive. il doit y avoir pour Sartre quelque chose qui es~ l'etre-autre (du moins Ia possibilite d'etre dit etre-autre) et qut [ 45 ] . pour se rattacher a une autre conception. Admettons-le. comme pour Heidegger. II. a Sartre lui-meme (page 5I). continue-t-il. Quant au neant. je peux interroger du regard. Mais de tou~ cela.~ons meme ~ue. le non-etre ». il va tenter de nous montrer qu'il y a une comprehension imn.DEUCALION JEAN WAHL traduire cette idee d'alterite en une negation. « Quelle que soit la reponse.ut con.e~iate du ~on-etre sur fond d' etre. Ce qui d'ailleurs est discutable. ce n'est pas la negation qui est al'origine du neant. . le neantologisme. De plus si cette interrogation du carburateur est pour Sartre un devoilement d'etre.~ots « n~ttement formule ». encore moins ou en tout cas auss1 peu. Mais il commence par admettre que seul l'homi:ne detruit. L'etre inter. Sur ce point. car 1l faut dtstinguer Ia c~nscience de Ia destruction et la destruction . il faut u~e presen. Pour lui.adme. ou meme pensant mats dans un mode de subpensee. ou ne le faut-il pas ?) . c'est que je les con~ois plus ou moins co~me pensant. et en dehors de cela.. la meontologie se fonde sur la realisation d'un mot (sans compter que Sartre se rend coupable de ce qu'il reprochera a Hegel.roge n'est ?as d'abord un etre pensant. Je me prepare a la fois au devoilement posslble d etre et au devmlement possible de non-etre. Mais la traduction inverse (de la negation en alterite) apporte une bien plus grande souplesse. En tout cas. realisation non pas meme d'une abstraction: mais d'un mot. (Sans doute il a raison de dire que meme pour qu'on affirme qu'il y a autre chose apres l'orage qu'avant. le carburateur que j'interroge »· Sans doute il ne s'agit ~as ?'etres Rensants et cependant si je me porte en face d'eux dans 1attttude d mterrogation. dont le point d'origine peut etre trouv~ dans le neoplatonisme (et peut-etre dans Platon lui-meme). la medenologie ou. du geste » bien qu'a vrai dire il [ 44 ] faille peut-etre ajouter au mot jugement les. « Il n'est pas vrai que la negation soit seulement une qualite de jugement. A la premiere observation que fait Sartre.ce de l'homme mais cela ne prouve pas grand chose. Grande conception eile aussi et grande tradition. Si mon auto a une panne c est la bougte. car l'orage ne detruit pas moins que l'homme. De meme que Heidegger. Par l'etude de cette idee. rien ». enfin dans Heidegger. « La negation proprement dite m'est imputable. il tirerait son origine des jugements negatifs ».clur~ ~ue ma question enveloppe une certame comprehenswn. partiellement dans Kant. et se garder de conclure du cas de 1mterrogatwn au cas du jugement. on ~e pe. qu eile soit une relation d'etre avec le non-etre (ce qui est le comble de l'abstraction realisee a Ia fois pour l'etre et le non-etre). comme nous choisirons de le dire ici. l'homme ne detruit pas plus que l'orage. De meme que l'ontologisme. - LA MEONTOLOGIE Sartre prevoit d'ailleurs de telles objections : « On va nous objecter que 1'etre en soi ne saurait fournir de reponses negatives ». se formuler ainsi : « L'etre est cela. nous pouvons donner notre adhesion. Sartre repousse cette conception. ou si l'on veut. dans Schelling. c'est qu'il intro~uit le ju~icatif dans le pre-judicatif. Sartre poursuit neanmoins et conclut : « Ainsi une nouvelle composante du n!el vient de nous apparaitre. dans Boehme. ici. Qui ne voit qu'il y a. eile pourra. De toute fa~on. l'analyse cesse d'etre juste quand Sartre continue: « ce n'est pas necessairement un homme que le questionneur questionne sur l'etre. pre-pred~ca­ tive du non-etre. ous avons montre. 11 nous a paru incroyable. Ce que Sartre veut prouver. que la fragilite arrive a l'etre. Nous pouvons laisser ce point non sans avoir remarque cependant. Car il y a une reeile separation. Ou fera-t-on interver 1e nen sous pretexte que le toiouton est cela et rien d'autre? la~s c'est la une plaisanterie._ cela n' a _pas. ardon.e fragile » (r) cela veut dire qu'une certaine prot.~UCALION JEAN WAHL >t.bord un rapport de l'homme a J'etre. que : 1l y a du non etre.1t lies. mais : de ne pas etre ceci. Pour poser la non-alterite il mt un te~oin a~ssi bien ~ue pour poser 1'ab~rite. De lus. de noter la formule : « cela ne serait rien encore si l'etre n'et "t :ouvert comme frag 1le ». Naturellerneut nous n'acceptons pas plus ce meontologisme que l'ontologisme. Pour qu'il y ait Jestrucon ~JO~te-t-11. Ici encore la tendance bJective et 1a tendance subjective s'affrontent l'une a 1'autre. la rapidite avec laquelle Sartre pense avoir prouve la these. Cette [ 47 ] .ofon~e : om1us negatzo est determinatio. apres l'ample developpement accorde a la parenthese. a! il faut ecrire non pas : de non-etre. « Pierre n'est pas dans le cafe »." et par les gestaltistes un peu negligee. nous dit-on.b1~1te de non-etre peut etre donnee dans des circonstances dctermees : On nous d~t . Puis il faut un decoupage qui nous met.le de la revue.1'e't an t a' 1'"etre. cette mort ne sera destruction que si eile . Mais d'abord la phrase serait bien plus satisfaisante si elle etait inversee : pour que l'homme prenne des mesures de preservation ou de destruction. a savoir que la destruction suppose une comprehension pd:-predicative du neant. Mais pardon encore. nous l'avons vu est deja neantisation ».en plutot le CO!ltraire. en c-esence d'un etre. C'est par l'homme. il nous a paru peme croyable. etres VIVants. Remarquons a ce propos 1'emnloi ~ ~ot : tra~scend~nce pour ~a~quer simplement le rapport d'~tre . qu'elle est un fait objectif. « ce qui. Et si on dit que c'est l'ensemble de ces mesures qui rend les villes destructibles. Sartre veut-il dire que omnts determmafto est negatio » ? Mais comme la forrnule en quelle on peut transcrire l'enseignement du Sophiste de P1aton t non seuleme~t. com:ne nous l'avons dit. ou encore : une probabilite definie de ne pas etre ce defini. Ici le pre-predicatif parait un peu oublie. Tout cela ne constitue d'ailleurs qu'une parenthese (mal venue dans son ensemble si elle est reussie en quelques details). Enfin. Sartre pense qu~il y a 1a une tleantisation en ce sens que j'ai organise tous les objets du cafe sur fond sur quoi Pierre est represente comme devant paraitre. « I1 y a une transphenomenalite du nonetre comme de l'etre ». plus souple mai~· plus . de destruction ou de pn!servation.~ie? e? e~et qu'un etre est fragile s'il pone t son etre une poss1b1hte defime de non-etre. et ainsi on ne ou~!"a1t pas pl~s dire. et la voie tracee par Busserl et Heidegge!. I1 est vrai qu'il semble ne pas avoir ete satisfait de cette trop rapide demonstration et il etudie plus precisement un jugement negatif. l'observation qu'il vient de faire apph~uera1t au meme aussi bien qu'a l'autre. an~erieur a 1'affirmation de l'etre-autre.. Ou veut-on re (on veut dire en fait tout cela a la fois) quek « 1'etre etant est k?"':':ert comn. si on fait abstraction de l'homme : il y a e 1 etre. La N ef sur le systeme de Sartre. a1'11eurs la meme ambip-uite 1ez Heidegger. Observation interessante : la · destrucon se.1 homme a un etant. fondee sur un behaviorisme qui parait illegitime.t « ve~ue » comme teile. 11 faut d ?. pour qu'il y ait destructibilite il faut que l'homme prenne des mesure.de subjectivite.ttre" neann:oms que s1 1e cyclone peut amener la mort de ~rtams. A (r) I1 est amusant. ete prouve jusqu'ici .ra1t un ph~nomene . auss1 bten que pour indiquer 1e rapport . continue Sartre. Nous pouv~ns :lme. en cc sens que fragiiite et caractere partiel so. il faut qu 'il y ait destructibilite. « C'est l'homme qui detruit ses villes par l'intermediaire des seismes ou directement ». N . est-a-d1re une transcendance. que Sartre ait choisi !tte voie pour introduire le neant dans son exoose. c'est encore un complet renverserneut de la situation reelle. Oui. c'est bi. Nous ne serons clone par forces d'accepter la conclusion d'apres laquelle la destruction est chose humaine. et quand nous 1'avons Iu dans u~ 'tlc. une reell~ partiellite· des etres anterieurs a la perception. I1 reste cependant ici une ambigu1te.. ~t Sar~re ne 1e nierait pas. Roquentin voyait mieux quand il regardait l'herbe des ban1ieues monter a l'assaut de la cite. 57) qu'il existe une quantite infinie de realites qui ne sont pas seulement objets de jugement.rme objectif n'a pas ete defini suffisamment. pour le moment. La conscience.. « Nous sommes dans Ia sphere de la conscience. l'absence de Pierre ne peut pas etre dite plus un fait objectif que l'absence. malgre ce que dit Sartre. clont Heidegger. Aussi ne pouvons-nous admettre que le jugement de negation soit conditionne par le non-etre. pour reprendre un des mots de Sartre. sinon le resultat de mon attente ? Ici encore. Resumons les resultats auxquels nous sommes arrives jusqu'ici . les pages sur le neant ont ete hantees constamment par un monisme du neant qui fait negliger ses differentes irisations. il me concerne. en tout cas. il concerne mon attente. par un megarisme qui immobilise..tout le COntraire d'un nt!ant) consiste dans le fait que chaque element de la piece tente de s'isoler. etc. cet evanouissement sont tres differents l'un de l'autre. mais le cafe-en-moi. un peu comme un des Sophistes du Cratyle immobilisait toute chose. redoutees. en nous et hors de nous. avait tente de nom delivrer. qui. comme nous l'avons deja signale. compense par un nonhumanisme qui pense que les choses elles-memes repondent. Le cafe glisse. de l'autre un non idealisme. Le fond serait d'abord le fond par surcroit et deviendrait le fond sur fond duquel. un evenement original et irreductible ». il se fait fond pour une forwe determinee .. Il a raison de dire (p. Remarquons tout au moins que le neant de Pierre n'est pas du meme genre que Ja neantisation du cafe. mais qui sont eprouvees. de Jules Cesar. le te. Il me la presente partout ». Donc cette neantisation n'est pas une neantisation de Pierre et n'est pas une neantisation du cafe. « Le cafe poursuit sa neantisation. En tout cas notons qu'ici nous sommes dam l'idealisme. James et Bergson ont fort bien analyse de tels evanouissements. ou realisme. pas » qui n'est pas pense. Mais reste-t-on fidele a cet idealisme quand Oll ajoute : « La condition necessaire pour qu'il soit possible de dire non. Pourtant Sartre maintient que Pierre s'enleve comme neant sur le fond de neantisation du cafe. nous trouvons ce flottement entre le subjectif et l'objectif que nous avons note. qu'est-il. il n'y a pas grand chose de commun entre le neant du fond et Ia forme de m!ant. car le non-etre. Pierre s'evanouit (suivant les expressions de Sartre). c'est que le neant hante l'etre » ? Ainsi d'un cote un idealisme que nous ne pouvons certes approuver et qui reserve Ia negation a Ia conscience. l'absence de Pierre n'est que sa presence autre part . c'est que le non-etre soit une presence perpetuelle. Non. Pierre absent ne hante pas le cafe.. Nous aurons plus loin a revenir sur les Iiens entre negation et liberte. nous voici replonges en eile. nou~ a montre qu'il y a un « ne . combattues. « Je suis temoin de l' evanouissement de tous les objets que je regarde >>. par un humanisme qui attribue a l'homme toute destruction. Mais ce glissement et. dans plusieurs des plus fortes parties de sa philosophie. Et h conscience ne peut produire Ia negation que sous forme de conscience de la negation ». ne peut pas plus satisfaire. Admettons (alors que cela n'est nullement prouve) qu'il y ait cette double neantisation.DEUCALION neantisation premtere de toutes les formes. de s'enlever sur le fond constitue par la totalite des autres objets et retombe dans l'indifference de ce fond. par un objectivisme et un subjectivisme clont nous voyons mal comment i]s subsistent l'un a cote de l'autre (alors que bien plutot il faudrait [ 49 ] . il y a la pour eux un vide actif. Seulement. par l'etre humain et qui sont habitees par la negation dans leur intra-structure. et le fond par surcroit. « Car le fond est ce qui n'est vu que par surereit ». ici. Sartre affirme que la negation est comme une invention libreo « C'est une brusque solution de continuite qui ne peut en aucun cas resulter des affirmations anterieures. ]EAN WAHL Il reste que Sartre. comme il l'appelle (remarquons que c'est neantisation. Il y a la sans doute au moins deux conceptions differentes du fond (peut-etre y en a-t-il trois) . il ne concerne pas le cafe. plus precisement. Et. pas plus que tout a l'heure nous n'avions un neant de savoir devant un neant d'etre. « Mon attente a fait arriver l'absence de Pierre comme un evenement reel concernant le cafe ». i1 y a le fond sur fond duquel.. ce n'est pas seulement le neant. L'essence est moins abstraite que l'etre (au sens du mot : etre que Hegel lui donne au debut de Ia Logique. on voit mal comment Hegel pourrait fixer un moment pur de l'etre ou nous ne trouverions meme pas trace de cette structure premiere ». par son caractere intellectualiste et par son affirmation du plein. d'Eckart. « Si d'ailleurs l'etre des choses consistait a manifester. nous n'avons pas pu le suivre bien loin. si forte qu'elle soit. celle des neo-platoniciens. SARTRE CONTRE ßERGSON Sans doute il y a quelque chose d'attirant dans une affirmation comme celle-ci : « Comment pourrions-nous meme concevoir la forme negative du jugement si tout est plenitude d'etre et positivite ? » Et il faut bien reconnaitre que la critique bergsonienne de l'idee de neant. que ces deux explications sont vraies l'une et l'autre. Notans d'abord qu'il n'est pas juste de dire que l'etre est reduit par Heget a une signification de l'existant. la negation nous arracher « au mur de positivite qui nous enserre ». et comme nous le disions l'attrait de cette affirmation (de la m!gation) mais aussi rappele. Qui ne voit qu'il ne s'agit pas du meme moment de l'idee d'etre. C'est qu'il envisage une autre signification (au sens le plus ordinaire du mot: signification) que celle qui est ici choisie par Hegel. malgre le desir que nous avions de rendre justicc a1' « autre grande tradition ». Il n'est pas juste de dire non [ 50 ] plus que l'etre est enveloppe daris l'essence qui en est le fondement et l'origine. c'est la negation qui est inconcevable ». Il faut reconnaitre a la fois la force. de Boehme. suivant l'expression de ~artre. ou du moins. c'est que Hegelet Sartre ne donnent pas la meme signification au mot : etre. T out le dynamisme de Hegel est transforme en statique par Sartre (clont Benda peut-etre ne desavouerait pas ici l'argumentation). qu~nd Hegelle voit comme manifeste abstrait et quand Sartre le voit comme manifestant. l'avaient bien plus cherchee dans les choses memes. C'est une tache difficile que de se debrouiller dans la critique sartrienne de Hegel. - SARTRE CONTRE HEGEL Dans Ia voie indiquee par Sartre. l'etre de Ia logique. ' Mais quand Sartre objecte a Bergsan : « S'il y a de l'etre partout. Sartre en est reste a Ia conception d' Aristote et de saint Thomas. Et d'ailleurs on ne voit pas tres bien la signification du mot meme de signification dans cette expression. nous laisse insatisfaits. Sartre poursuit en disant que l' etre est la condition meme de toutes les structures et de tous les moments. III. car nous verrons qu'en fait il les rend contem- [ 51 ] . il faudrait determiner de quel point de vue on regarde le systeme hegelien. 49). De meme que la formulation de la these bergsonienne. . Ce qui fait que nous ne nous etonnerons pas s'il maintient contre Hegella non-contemporaneite de l'etre et du non-etre (du moins en theorie. Tachons de traverser ces fils barbeles. Le plus important. le de plus en plus manifeste. qu'un Hegel et peut-etre encore plus un Kant.---r--i DEUCALION JEAN WAHL depasser cette alternative comme Heidegger et Sartre lui-meme nous le proposent). qui nous ferait croire qu'il y a pour Bergsan quelque chose qui serait « de l'etre » opp-ose au non-etre. ou que le caractere d'etre manifestant ne fait pas partie d'une structure immuable de l'etre. si du moins c'est le mot allemand dasetin ou le mot allemand existenz que l'on traduit par : existant. et le plus manifeste. de Schelling et de voir. cette affirmation peut etre discutee.ou le premier Etre de la logique n'a pas l'essence pour son fondement ou son origine). l'une par l'autre? Sartre pour critiquer Hegel s'est place tout a fait a l'exterieur de Hegel. avant de le dire. ou plus probablement encore. car alors il faudrait un etre de cet etre » (p. I1 est difficile egalement de donner un sens a la phrase : « il n'est pas admissible que l'etre des choses consiste a manifester leur essence. il est faux de dire que l'etre des choses consiste a manifester leur essence. D'ailleurs si on l'accepte on ne peut introduire le non-etre daris l'etre que du dehors . pour nier que l'etre soit autre qu'il n'est. precisement il ne determine pas l'etre comme consistant a manifester ». par un mouvement externe ? (I) Ne nous etonnons pas si Ia suite de Ia page 49 est particulierement critiquable.rmations sont permises. et c'est ce que Sartre reproche a Hegel. il doit reconnaltre que l'etre n'est pas ce qu'il est. est question de moment.l re ·1 f u?la meme chose. presque toutes les affi. tantot mouvement externe par lequel cet etre est entraine. qu'on le pense d'abord comme autre qu'il n'est. Peut-etre d'ailleurs quand il nous dit que pour Hegel. g ' I aJt [ 52 ] superfi. seul etre veritable pour Hegel. Mais Hege! le dit-il ? le dit-il a ce moment ? car tout.DEUCALION JEAN WAHL porains l'un avec l'autre) (I) et qu'il Ia fonde sur le principe de non-contradiction (precisement mis en doute par Hegel). il y a addition externe du non-etre a l'etre . [ 53 ] .non-etre et intr 0 d ·t don. alors que cela ne peut pas etre reproche a Hegel (il y a bien d' autres reproches a lui faire). Et ceci montre qu'I"l n' dou t e pas 1e d. Quant a dire que Hegel introduit d~ ~~hors le neant dans l'~tre. a Evidemment. et particulierement. Sartre sera expose aux deux objections que lui-meme fait a Hegel et clont la premiere n'est pas juste pour HegeL Par contre.ciel. Hege! de les « contemporaneiser a» sans 1' avec _I'autre. nous ne le ferons pas. C'est comme si on disait : « Mais si le mouvement consiste a etre en A et non A et si'l'entendement se borne a le voir en A. . et qui ne peut donc en aucun cas defi. car il faut bien_.et de nier -le temps. pour le meme Hegel. « Mais si le depassement vers l'essence constitue le caractere premier de l'etre et si l'entendement se borne a « determiner et a perseverer dans les determinations ». alors que d'autre part.c Ie nean ' t dans 1''etre tout aussi· bIen · ' m que Hege!. n'a-t-il pas ete assez profondement dans l'etude du mode hegelien de penser. Sartre affirme : « qu'on nie de l'etre tout ce qu'on voudra. Quand il critique l'ambigu1te de Ia notion de depassement chez Hegel pour qui le depassement serait tantot un jaillisseme~t du plus profond de l'etre. SI l'on nous permet cette expression. mais peut et doit fort bien etre reproche a Sartre. que peut-il entendre par le mouvement externe dans une philosophie pour laquelle tout Iien externe est toujours (x) ~e plus curieux c'est que Sartre « veut nous expliquer commeut l'~tre qui est ce qu'Il est peut n'etre que cela ~ c'est-a-dire est non . Ia conception satrienne de l'en-soi qui est une des plus discutables idees de la philosophie de Sartre.~n plus prectse. Pour chacune des deux regions de l'etre qu'il distinguera. mais la pensee l'est-elle? D'abord on observe que (I) Teile est d'ailleurs la force de la dialectique hegelienne que soit que Sartre maintienne que l'etre n'est pas autre que ce qu'il cst ou admette qu'il n'est pas ce qu'il est. Ainsi pour l'etre en soi. cette espece de temps logique ou se meut Hegel fait beaucoup a l'affaire. putsque pour Hegel c'est un abstrait pour Sa~t~e une conditi?~· d'apres son propre terme. .. r01t · ensmte · d e reprocher a. on ne peut faire qu'il ne soit pas. chcz Sartre et chez Hegel. L'expression est parfaite et forte. de penser. pour l'etre pour soi il y a contemporaneisation de l'etre avec le non-etre. c'est encore meconnaitre Ia pensee hegehenne et sa marche dtalectique. et d'une fa<. chez Hegel. ajoute-t-il : « le non-etre est une negation qui vise ce noyau de densite pleniere lui-meme ». ce n'e~t pas du meme etre qu'il s'agit. Le reproche d'introduire du ?ehors le non-etre dans l'etre pourrait etre plus legitimement fait a Sartre . C'est opposer a la conception hegelienne du pour soi. il lui est. le neant dott ~tre posterieur a l'etre. on ne voit pas comment. du fait meme que l'on nie qu'il soit ceci ou cela ». croyant que dans de tels domaines. on ne voit pas comment il ne determine pas Ie mouvement comme etant en A et non A ».nir le depassement qui lui est essentiel. du moins pour sa conception de l'etre en soi. puisque bon gre ma. une condttton concrete.La negation ne saurait atteindre le noyau d'etre de l'etre qui est plenitude absolue et entiere positivite. contemporain. D'apres Sartre. le vide de ces domaines se pretant tout arrangement. et le temps. JEAN WAHL DEUCALION le m!ant qui semblait achever ce que la m!gation ne pouvait faire, devient negation. Sans doute cette negation est une negation .faite par le non-etre, semble-t-il Mais si nous l'admettons, nous sommes devant de formidables difficultes. (Si le non-etre se nie, ne va-t-il pas devenir affirmation ?) Et si nous ne l'admettons pas, nous retombons dans Ia these classique : le neant vient de la negation, et non la negation du neant. Sartre semble etre pour Heidegger contre Hegel, c'est-a-dire admettre la negation neant, contre la negation negativite. Mais peut-etre comme nous en avons des maintenant le pressentiment n'en est-il rien. · En outre, continue Sartre, atteignant ce noyau, c'est lui-meme que le non-etre est represente comme atteignant et non un noyau autre que lui. « C'est en son creur que le non-etre se nie ». (Ceci, ecrit sa~ doute SOUS l'influence de Heidegger, nous expose a la redoutable eventualite de voir le non-etre - se niant lui-meme -devenir, comme chez Heidegger dans le stade plus recent de sa meditation, positivite pleniere). Sartre ajoute : « Hegel oublie que le vide est vide de quelque chose ». Oui bien, oui tres bien : cela pourrait etre un rappel vers la conception du neant determine, de l'Autre, qu'a tracee Platon. Mais Sartre continue : le neant est vide d'etre et l'etre vide de neant. C'est a nouveau oublier Platon et les pages admirables du Sophiste, les plus definitives qui aient ete ecrites sur le neant avec celles de Hegel et de Bergson. C'est particulierement ne pas voir a quoi tend Hegel ace stade de la dialectique. Pour lui, l'etre et le neant ce stade, sont deux neants. Donc que l'etre soit vide de neant et le neant vide d'etre le resultat est le meme pour la dialectique hegelienne : ils sont tous deux neants. La refutation de Hegel par Sartre ressemble de tres pn!s a une refutation thomistique : « Ce qu'il faut rappeler ici contre Hegel c'est que l'etre est, et que le non-etre n'est pas ». La page 5I qui rencontre la pensee bergsonienne sur le neant ou s'inspire d'el1e, nous parait bien superieure a celles qui l'entourent. Ici Sartre demontre que le neant est posterieur a 1' etre, et il a [ 54 ] arrive a la formule que nous proposions : toute negation est determination. Page qui merite d'etre classique. Exemple des etranges inegalites de Sartre. Son regard, ici non entrave; saisit les choses d'une vue pleine. Alors, hors des sophismes et des paralogismes, la pensee de Sartre s'eleve, brillante et forte. IV. -- SARTRE CONTRE HEIDEGGER Sartre parle d'un progres de Heidegger sur Hegel (I). C'est plutot d'un progres de Hegel sur Heidegger qu'il faudrait parler. Iei le temps ne fait rien a l'affaire. « L'etre n'a plus ce caractere d'universel scolastique qu'il a chez Hegel ». La formule demanderait une discussion. Car : I o Cet universei scolastique est critique par Hegel (precisement quand il s'agit de l'etre, et c'est pourquoi l'idee de l'etre est niee pu lui immediatement, devient immediatement neant). 2 o L'universel scolastique est accepte par Heidegger. Ce qu'il y a a dire en, faveur de Heidegger, et ceci est important, c'est que, suivant ici des indications de Busserl sans doute, il a vu qu'il y a une comprehension pre-ontologique, que nous prefererions quant a nous appeler une comprehension non seulement pre-ontologique, mais meme non-ontologique. Sartre pense que la description heideggerienne signifie qu'il y a emergence de la realite humaine dans le neant. « C'est dans ic neant seul qu'on peut depasser l'etre ». Ainsi le mouvement de transcendance se :fige ici dans le neant, aussi bien que pour d'autres il se :fige dans l'Ens perfectissimum. D'ailleurs les expressions meme de la meontologie et celle de l'ontologie coincident necessairement : « C'est du point de vue de l'au-dela du monde que l'etre est organise en monde ». La clemergence de Ia realite humaine a partir de l'etre parfait est remplacee par la sans doute non moins mythique emergence hors (I) Quand Sartre enonce la conception Heidcggerienne . de fo~ces reciproques d'cxpulsion que l'etre et le neant exercent l'un. contre l'autre, rl ne. trent pas compte du fait que cette conception est celle d'un phüosophe encore plus rmportant et plus original que ne l'est Heidegger. C'est la conception de Kant plus encore que ce n'est la conception de Heidegger. [ 55 ] JEAN WAHL DEUCALION du nön-etre, et le suspens dans la realite divine remplace par le suspens dans le neant. Heidegger maintient (contre Bergson), que 1a question: d'ou vient qu'il y ait quelque chose plutot que rien ? est legitime ; eile est legitime pour la pensee qui se place dans le Neant, operation dont Bergson niait ]a legitimite. De la theorie ainsi exposee, Sartre adopte certains traits : <.: Certes on ne saurait nier que l'apprehension du monde comme monde est neantisante. Des que le monde apparait comme monde, il se donne comme n'etant que cela ». Mais peut-on faire du ne ... que, un cas de neantisation, au sens legitime du mot ? Ce que Sartre ne veut pas accepter, c'est l'essentiel de la theorie heideggerienne : la priorite du neant sur le non. I1 admet bien que la negation tire son fonderneut du neant, mais il soutient qu'au fonderneut du neant, il y a le non. C'est ce qui va le faire retourner de Heidegger a Hegel. Ce qui faisait le plus grand attrait, la plus grande nouveaute de la theorie heideggerienne du neant, cette flamme sombre qui brillait en eile, mais peut-etre il est vrai, en son centre, etait un faux diamant noir, va s'eteindre chez Sartre . comme elle s'eteint d'ailleurs, mais d'autre fac;on, et en jetant plus de feux, dans l'appendice que Heidegger a mis a son essai sur Qu'est-ce que la metaphysique? Le m~ant est negation, dit Sartre. Etait-ce la peine de nous dire que le neant est l'origin·e de la negation, et non vice versa, si tous les deux sont identiques? Il est vrai que Je neant est negation comme etre, en Opposition a - ou en distinction de -- la negation comme acte. Mais nous savons par ailleurs qu'il ne peut etre qu'un acte, et cette distinction elle-meme est vom!e a l'ecroulement. Ici, une phrase ou est rappele un passage de Heidegger qui cvoque dans l'esprit du lecteur la thcorie de Bergson : « Le neant ne peut etre neant que s'il Se neantise expresserneut comme neant du monde, c'est-~-dire si dans sa neantisation, il se dirige expressement' vers ce monde pour se constituer comme refus du monde ». De meme plus loin, page 57, reprenant le motif de la page 51 : <•· Le neant, s'il n'est pas soutenu par un etre se decouvre en tant que neant ... le neant ne peut se detacher que sur fond d'etre ». Donc de Heidegger a Bergson, et maintenant nous allons pouvoir dire : de Bergson a Hegel. . . N ous allons voir apparaitre en effet de mteux en mteux la difference entre Heidegger et ~artre et la ressemblance ent.re Sartr~ et les hegeliens : « Loin que la transcendance qui est proJet d~ so1 par dela puisse fonder le neant, c'est au. contrair~ .le neant qm est au sein meme de la transcendance et qut la condttlOnne ». Dans un des passages du Iivre ou eclate le mieux sa bonne foi et aussi son eclatante inferiorite, sur ce point, par r~pport .a Heidegger, Sartre ecrit : « la caracteris~ique de ~a phtlosophte heideggerienne c'est d'utiliser pour dec~tre l.e d~se.m des term~s positifs qui marquent tous des negat10ns tmphct~es ..Le d.asem est hors de soi dans le monde ; il est un etre de lomtams ; tl est souci · il est ses propres possibilites ; tout cela revient a dire que le da;ein n'est pas en soi, qu'il n'est pas a lui-meme dans ,.une proximite immediate, et qu'il depasse le monde en tant qu tl se pose lui-meme comme n'etant pas en soi et n'eta~t pas le mond~. En ce sens, c'est Hege] qui a raison contre Hetdegger quand tl declare que l'Esprit est le negatif ». Or ce qui fait la valeur de la philosophie de Heidegger, co~­ trairement a ce que pense Sartre ici, c'est qu'elle parle pa~~OlS positiverneut de ce que Heid~gger appe~~e l'etre. C'est la posttlOtl et non la negation qui constttue ce qu tl y a de valable dans la philosophie de Heidegger. . . Sartre pens~ d'aille~rs que Heg,el n'e~t p~s y~us sattsfatsant que Heidegger car 1l n'auratt pas fonde la negattvtte comme structure ' l'esprit, pas plus que Het'd'egger n ' a f ond,e. 1a transcende l'etre de dance comme structure du Dasein. A vrai dire, on se demande ce qu'il faut a Sartre. En thomiste qui s'ignore, Sartre ecrit : « Dans les deux cas, on nous montre une activite negatrice et on ne se preoccupe pas de fonder cette activite sur un etre negatif ». Le deuxieme reproche qui va etre fait est mieux ~on~e : << Cette theorie du neant coupe le neant de toute negat10n concrete ». I1 ne s'agit donc pas de trouver un neant par dela le [ 57 ] JEAN WAHL DEUCALION monde, mais un neant dans le monde. La distance, clont il fait une analyse particuliere, l'absence, l'alteration, Ia repulsion, le regret, Ia distraction, telles sont ces negations reelles, ces « negatites » comme Sartre les appelle. « Il s'agit simplement, ecrit Sartre, en se tenant dans Ies limites de l'etre, de refuser un attribut a u~ sujet ». Les negations sont SOUtenues par l'etre et dispersees dans l'etre. Le neant, dit-il tres justement, est soutenu par l'etre, ne peut se neantiser que sur fond d'etre. « Si du neant peut ehre donne, ce n'est ni avant ni apres l'etre, ni d'une maniere generale cn dehors de l'etre, mais c'est au sein meme de l'etre, en son creur ». Ainsi Sartre abandonne Heidegger et vient se ranger de nouveau aupres de Platon, de Hegel, de Bergson. A vrai dire Heidegger a revele n!eemment que son N eant n'est pas different de l'etre, c'est l'etre lui-meme en tant que distinet des etants particuliers, et lui-meme avait clone rejoint Platon et les neo-platonieiens dans l'aspeet positif de leur theologie negative (I). Ajoutons encore une fois a ee sujet que Sartre fait expressement ici ce qu'il avait reproche a Hegel de faire : il contemporeanise le neant et l'etre. Ajoutons enfin que nous avons laisse de cote les trois petits mots qui finissent la phrase. Apres : « au sein meme de l'etre », Sartre ajoute : « comme un ver». Il s'agira de savoir si cela n'inflechit pas la meditation de Sartre en un sens qui n'est pas logiquement neeessaire. Ici Roquentin peut-etre a repris Ia parole. Qu'avons-nous vu dans Ia double critique faite par Sartre a Hegelet aHeidegger ? Eneore une fois eette stabilisation des termes du probleme, ce que nous avons appele son megarisme, mais aussi Ia negation de ee megarisme qui va le faire se retourner de Heidegger vers Hegel. ,. (r) Deja dans la conference, Heidegger avait dit: « Le neant appartient a l'etre de l'etant ». Dans le Post-Scriptum, i1 se demande si le neant, n'etant aucuu etant particulier, n'est pas l'etre meme. Le neant, dit-il plus loin, en tant qu'autre par rapport a l'etant, eit l'etre meme. V.- LA NON-ORIGINE DU NEANT Le neant, pose par le fait meme que. nous nous interroge?ns sur l'etre, eomme le disent egalement He1degger et Bergson, 1 un pour nier l'utilite de cette interrogation (Bergson) ~}'autr~ pour 1a fonder (Heidegger) ne peut etre en dehors de 1 etre m comme notion complementaire et abstraite (rappe1ons que H~~el e~t ca:ac: terise ici de maniere superficieHe) « ni comme m1heu mfim. o~ l'etre serait en Slispens ». Tel est le resultat auquel Sartre est arnv~. Or, ajoute-t-il, ce neant intra-mondain, l'Etre en, soi ne s~u~att le produire. Car, c'est la raison que donne Sartre ~pres Parme~!de, 1'etre est · le non-etre n'est pas. Ou, comme d1t Sartre : 1 etre comme pl~ine positivite ne contient pas le neant comme une de s~s struetures. Mais il y a une autre raison, e'est que l'etre -. et particulierement l'etre en soi tel que l'a defini Sartre - n'eXIste pas. Mais ce neant ne sera pas non plus produit par 1e neant en tant que celui-ci se neantise. Ici a nouveau le mode de penser que nous avons appele Thomiste - en nous rendarrt coup.able sa~s doute de quelque injustice enverssaint !homas- va se fa1re s_ent1r. Heidegger avait choisi le mot : nea~user, pour tenter ,de d1re c.e que le neant est (car le mot est, est 1mpro~re ~our le neant), ma1s Sartre explique : « seul l'etre peut se neant1ser, car de q"';lel~ue fa~on que ee soit, pour se neantiser il faut etre,. ». (A vr~1 d~re, pour Heidegger le neant neantise plus encore qu 1l ne se neant1se. Et ce qu'il neantise a de l'etre avant d'etre neantise). Si le neant est ... si le neant n'est pas ... Nous nous raJ?pelons le Parmenide, ou plus exactement nous ~ rentrons ; c~r Heid,egger avait eehappe ou cru echapper a certames de ses dtffieultes, en evitant Ia formule : si le neant est. '" Pour Sartre le neant possede seulement une appar~n.ce d e,tre ct ce n'est clone pas a tort que nous evoquons le Parmemde. C est Parmenide qui eonsaerait son deuxieme chant a cette apparence d'etre qu'est le neant. . . , , Sartre ote toute activite au neant : 1l n'est pas, 1l est ~te ; ' ' t 1se' :>. ' · ' L e neant il ne se neantise pas : i1 est neant1se. est nean. N'est-ce pas sous ces vocables heideggeriens, Ia pensee bergsomenne qui est reprise ? [ 59 ] par nature. dansunetat neutre. Comme si l'etre ne pouva1t engendrer ltdee de non-etre.est posstbthte pour Ia realite humaine de se secreter un neant qm ltsole. comme on s'y attendait.et encore -. un etre par quoi le neant vient aux choses ». que l'~tre ne saura1t .e. 6 I).de neantiser et clont le caraetere douteux apparait encore mieux quand on voit intervenir l'idee de liberte. • (x) C'est a cause de ce que nous avons app~le son eleatisme que Sartre est force de se representer le non-etre commc un affatbhssement (p. eile est arraehement a elle-meme ».~n~endrer qu: de l'etre. et d'autre part le questionne se neantise lui-meme en ce sens qu'il se deeroehe des series causales . nous prenons cons~iene~ de ~o:re ~tre dans le monde en tant que l'idee de monde tmphque ltdee d homme (car e'est par rapport a l'homme qu'il y a un monde). (En realite il faudrait qu'il soit en dehors du monde deJa pour qu'il ait aussi l'idee du monde). il dmt clone neantiser le neant dans son etre. Mats il vmt dans la liberte mise en jeu dans le Doute methodtque taute la liberte cartesienne alors que ce n'en est que le premier aspect. le neant vtenne au monde ? Sartre pense qu'il doit pouvmr se plaeer en dehors ~~ l'etre. que Sartre appellenon pas neutralisation.. Ainsi nous retrouvons toujours eette double neantisation : du questionneur et du questionne au sein de la question.un etre en qui dans son etre il est question de son propre ne~nt. . pour poser une question. eontenir en lui le neant. Et d'ailleurs eomment le supporterait-il puisqu'il l'a en lui? . il est . ._~~g!tative qu'il est permis de dire . de d~sordre . ereation d'une neantite.l'homme est un etre qui fait eclore le m~ant en tant qu'il s'affect~ lm-meme dans son etre a eette fin ». mais il peut se mettre avee l'etre dans un rapport tel que lui-meme s'isolant de l'etre se neantise (bien que ce mot ne soit pas prononce iei) et devienne libre.montre ~es negatites tirant leur origine d'une att~nte OU d'~n 'pro Jet ?umam: nous nous rappelans l'analyse bergsomenne de _ltde. mais neantisation. Notans que eet etre qui supportera le neant se trouvera. de 1'etayer perpetuellement de son existenee meme. car on ne voit pas pourquoi pour interroger. d'une question humaine. On voit par la que la neantisation est un processus humain · « . L'homme est l'etre par qui le neant vient au monde. car d'apres Sartre. e'est que la realite humaine ne peut s'arraeher au mond'e que st. Et quand Sartre nous . il faut se desengluer de l'etre. pierre d'angle de la eonstruetion sartrienne : « reste clone qu'il doit exister un etre qui ne saurait etre l'etre en soi et qui a pour propriete de neantiser le neant » (ne pourrait-on pas aussi bien ecrire : de neantises 1' etre) « de le supporter de son etre. (Nous voyons iei des expressions extstenttelles empruntees a Heidegger intervenir dans la theorie du neant). il y a seulement eette differenee que la ~ega:10n ICI devtent ~~e « rubrique eategorielle d'un moment eategonel » par lequel.JEAN WAHL DEUCALION C'est ici que nous trouvons Ia phrase fondamentale. a propos de son etre . Mais que doit etre l'homme pour que~ par lu~. « Ce qui parait d'abord avee evidence. echapper a l'ordre eausal. cette liberte pr~. Un tel etre ne peut ni recevoir le neant ni le produire . . Ce n'est que pour cette premiere liberte. en eleate. «. Ici Sartre 'compare sa theorie avee celle de Deseartes~ c?mp~raison qu'il a reprise dans un article de Labyr~nthe . et c'est eet acte de situer dans la question meme que l'on pose le donne entre l'etre et le non-etre. ' . [ 6o ] Remarquons iei eneore comme l'analyse de Sartre cotoie l'analyse de Bergson.et a vrai dire .11 est son propre neant >>. Sartre pose. Or il faut dans la question d'une part faire du donne une pre-· sentation oscillant entre l'etre et le non-etre. ( 61 ] . ~it Sar~re.. il faut se deerocher des series eausales. }'our tous deux le neant depend d'une question. Admettons eette formule.. et sera peut-etre par la un peu trop fragtle pour le supporter. st Je comprends bien.qu'e~le. (Mais on a deja illegitimement sans eoute identifie l'idee de nonetre et non-etre) (I) • Or l'homme ne peut engendrer le non-etre. double neantisation que nous avons deja eu l'occasion de mettre en question. double et ~eme tnple. mais dans Ia mesure ou 1l se" neant1se. d'apres Sartre. Pour [ 62. au lieu de prendre Democrite et Pyrrhon. a savoir que la negation suppose Ja liberte et Ia liberte une rupture dans le temps. dans la pensee de Sartre.Y . Comment de Ia allons-nous a Ia preuve de Ia theorie que l'on nous avait annoncee? Comment peut-on prouver que le moment negatif n'est ~ossi~le que.1vat1?~ du nt~ant par le neant. smon quadruple negation. On pourrait dire que. pour que Ia rupture dont nous parhons so1t poss1ble et . Pour prouver sa these.e . comme pour Democrite. se neantiser perpetuellement. Neantisation du monde. mais pour le dernier ek-stase dans les choses. . de Husserl et de Heidegger pour qui Ia conscience humaine est une sorte d'echappement a soi.il est evident que si Descartes fonde le doute sur Ia liberte. Ou bien. et nous irions peut-etre par la plus profonderneut .peut ~1en. Bien plus nous nous persuadons du v1de de cette demonstration du vide. Ia liberte n'est pas tout entiere identifiee avec Ia suspension du jugement). semblable a celm ~Ul se voyalt ~eJa da~s un pass.avoir d. Non seulement le neant est fissure.ge ~e l'Introduction. et pour les deux premiers intentionnalite vers les choses. Et derr.s ar~ivons lC. le Dubito dependrait de la theorie cartesienne du temps. une rupture avec 1etre. « Tout processus neantisant exige•de ne tirer sa source que de lui-meme » (nous verrons d'ailleurs un peu plus loin qu'il ne peut meme pas tirer sa source de lui-meme). Ia des actes de pensee qu'aucun e. cet arrachement serait lui-meme non liberte. Ce qu'il veut fonder c'est l'idee d'une coupure. mais fort bizarre). car d'apres lui le neant ne peut etre pense que par une teile fissure. par celle de Hegel (mais Ia negativite hegelienne n'est pas du tout le fait d'entourer 1'etre de neant). Sartre fortifie ici son opinion par celle de Descartes (mais . ~arce que Ia conscience est en dehors de toute determmatiOn anteneure et qu'il y a.mo. mais la fissure ne peut etre pensee qu'en une sorte epoche. prenons Descartes et Descartes : le Descartes du Dubito ergo sum et le Descartes de Ia creation continuee et de l'independance des moments du temps . Or remarquons que cet echappement n'est pas pour eux Iiberation.~n eplphenomemsme etrange. q'?an~ nous voyons Sartre nous dire qu'il ne pe~t .~t anterieu~ ne peut determiner ni motiver. par celle de Brentano. (t) De meme un des passages anterieurs oii Sartre -'??ntrait comment !es realites · t po 51'tr'ves retiennent la negation comme condrtron de la nettete de leurs p1ememen contours. . d'une fac. il renonce a etre l'origine d'un autre phenomene » fut-ce une seconde neantisation. n est pas une per:eption) neantisation de l'objet de l'1mage ~P1e~re ~st ~bsent] neantisation d'elle meme.actualite pleine. ] que nous ne soyons pas e~ face . Cependant il voit que tout cela n'est pas suffisant pour justifier sa theorie d'apres laquelle la conscience s'arrache aux choses et a elle-meme et s'evade de la sequence causale. un decrochage de l'effet ~ar rapport a Ia cause? Mystere et discretion (au sens de : discontinuite). Sartre renvoie a l'analyse qu'il a faite de l'image dans ses livres anterieurs.andons ce que signifie un arrachement a soi (nous retrouverons 1ci les observations de A. . Alors que nous avions note precedemment son monisme du neant nous pouvons noter ici son pluralisme des negations. Patri) : cela ne peut etre que arrachement a soi en tant que non liberte. A vrai dire. comme ce qui les arrete a ce qu elles sont. seul Pyrrhon peut penser l'atomisme (c'est fort ingenieux. (l'Image. Nou. d'une fissure dans la trame de Ia conscience . j'isole et determ~ne Jes exis~ants » qui vient a nouveau eveiller en nous le souvemr du Soph1ste de Platon (1).que ~ous ne soyons pas maintenus dans un present « dens: et pl~m » ~I faut prouver que l'image est negation. ces trms neant1sat10ns n en fo~t qu'une. .on encore plus complete. A .l a . mais le regard de Sartre !ait c~n:me pulluler les neantlsations (le resultat est toujours neant d a11leurs). sinon..d'une . par lequel I absence de P1erre n"est pas de~erml­ nante pour le regret de ne pas le voir.JEAN WAHL DEUCALION dangereuse comme toutes les formules de ce genre : Ia sublatio sui n'est pas plus claire que Ia causa sui.. « Un et~e . Il ne reste de tout ce passage qu'un precieux membre de phrase : « a 1'aide de negatites. ce n'est pas rien mais une mise hors de jeu. mais un rien actif puisqu'il est la liberte. Certains ont admire ce passage (voir certains articles de la revue Espnit et de la Nef) mais nous avouons. ne peut paraltre comme mon possible qu'en s'elevant sur le fond des possibles logiques que comporte la situation .? « n neant s'est glisse. et nous voyons que cette condition est le rien. C'est la meme question que l'on pourrait poser lorsqu'on lit plus loin (p. On nous demande de considerer que rien ne separe . pas est surtout ici une fa<. Reste a se demander s'il est vrai que le possible que je realise.. du rien tOUt Court a la mise hors de jeu. Maispar quoi va-t-illa remplacer? Toute l'habilete de Sartre consistera a transformer la phrase : « Rien n'est venu se glisser entre l'etat passe et l'etat present » en la phrase : « Rien est venu se glisser entre l'etat passe et l'etat present >>. il y a un doute qui vient a l'esprit. On voit d'ailleurs que ce que Sartre entend par rien. si on a pu conclure du « rien ne » au rien tout COUrt. je ne suis pas celu1 que Je sera1 ». car la liberte n' est autre chose que la conscience se 1 Vivant elle-meme COffitne neantisation de SOll passe. 6 5 ) . Nul doute que cette affirmation de la liberte comme neantisation du passe n'enferme un element de verite . « 11 faut clone que l'etre conscient se constitue lui-meme par rapport a SOll passe. Mais le mot : neant d'etre ayant ete applique aussi bien a la liberte qu'a ces possibles qui ne sont pas mes possibles. Et ce rien est absolument infranchissable. ce qu'ils sont bien en effet. Sartre a reproche a Heidegger d' avoir tendance a presenter les negations SOUS formes positives. Quand Sartre ecrit : « rien ne peut m'obliger a tenir cette conduite » quel est a nouveau ce rien ? Est-ce le rien ne .. cornme separe de ce passe par un neant. Ainsi le ne.JEAN WAHL DEUCALION Sartre refuserait la comparaison que nous avons faite de sa theorie avec celle de la discontinuite des moments du temps. interprete suivant les indications de Kierkegaard : l'angoisse est saisie du neant et vertige devant la liberte (car ces deux elements sont presents chez Kierkegaard). que ce rien soit conscience de rien.. forme SOUS laquelle s'est enfin reveJe le rien est Ia liberte.. Kierkegaard eilt dit : en tant qu'elle est sollicitee et entravee par rien.. ce qui ne veut pas dire qu'elle enferme toute la verite. » Ainsi le hors de jeu. purement concevables c'est-a-dire concevables par un autre. justement parce qui'l n'est rien. de l'analyse par laquelle Sartre doue les possibles d'un etre transcendant et purerneut logique (remarquons l'ambiguite du terme transcendant qui tantot indique transcendance vers l'etre. Ne l! 5 . si je comprends bien.on de dire. tantot le monde en tant qu'il est la-bas. « Ce qui separe l'anterieur du posterieur c'est precisement rien ». Et nous nous demandons encore s'il a le droit d'appeler cette chose qui s'est glissee un neant. il y a la peut-etre melange d'abstraction et de concret. et cela d'autant plus.ou rplutot que rien separe .le present du passe. 11 y a une difference entre les expressions de Kierkegaard et celles de Sartre : Sartre ecrit : « Dans l'angoisse la liberte s'angoisse devant elle-meme en tant qu'elle n'est jamais sollicitee ni entravee par rien ». et aussi eile est de savoir s'il est legitime de transformer cette neantisation du passe (neantisation d'ailleurs relative et completee aussi par l'appropriation du passe) en unc secretion de neant (p. Sans doute ces possibles non-miens sont appeles un neant d'etre. ou 1~ rien. sur le mode de ne 1' etre pas ». pas plus que dans les passages correspondants de la conference de Heidegger. Est-il vrai que ces autres possibles soient moi-meme et condition de la possibilite de mon possible ? Je ne le crois pas. Ici intervient le phenomene de l'angoisse. tantot ma negativite perpetuelle et mon arrachement perpetuel a moi-meme et tantot enfin comme ici la resistance a cet arrachement perpetuel) et en fait des possibilites externes. n'y voir « rien ». dit-il encore. 11 faut reconnaitre neanmoins la force. Mais la question pour le moment est de savoir si la demonstration a ete legitime. mon possible concret. 79) : « 11 arrive que je m'efforce de me distraire de Ia constitution des autres possibles qui contredisent mon possible ». qu'on nous dit qu'en_ meme temps : « je suis celui que je sera1.. Nous eherchians la condition de la possibilite pour la nature humaine de poser le neant. Mais i1 faut. et ce que j'ai ete est un neant.nter certaines choses positives (comme le futur) sous forme negattve? En outre il nous dit : « C'est la conscience d'etre son propre avenir sur le mode du n' etre pas que nous nommons angoisse ».e d'adopter teile ou teile valeur. Mais lorsque Sartre ajoute que l'homme est separe de son essence par le neant. « Notre nature. Ces ·diverses formes d'angoisse sont le principe de ce que Sartre appeilera ]a mauvaise foi : « je suis ma pro~esse sur.e d'adopter telle ou teile valeur ? Plus loin encore Sartre ecrit : le neant que je suis. Et la phrase serait beaucoup plus claire si on la renversait: c'est en neantisant le rien qui la fait exister pour elle-meme comme transcendance que ]a conscience se produit elle-meme comme immanence. consiste a re-trouver. 7 r il parle de l'existence de ce rien qui s'insinue entre les motifs er l'acte. Mais l'acte est toujours par dela l'etre essence . ne peut me contraindre a faire ceci ». Ce qu'il aurait fallu dire au contraire c'est : ce que j'ai ete constitue mon essence . Le motif ne parait que comme correlatif d'une conscience du motif. Cela signifi. Remarquons que ce que Sartre met en lumiere. d'apres ce que Sartre dit lui-meme. Et de ce fait c'est la totalite des caracteres qui expliquent l'acte. et tantöt l'affirme. N ous arrivons maintenant a des lignes qui montrent bien l'essence de l'existentialisme.JEAN WAHL DEUCALION pourrait-on reprocher a Sartre la tendance qu'il a a ~rese. nous ne comprenons plus (r). c'est l'idee du passe comme ineffi. De meme je ne sais s'il convient de parler du neant qui me separe de ce que je serai.e. mais du moment qu'on nous dit qu'en meme temps le moi futur depend du moi passe. Mais est-il vrai que ce que le JOueur salSlt c'est la rupture du determinisme ? Non . on voit que ce n'est qu'une des deux fa~ons de les presenter. . dit-il encore. ne me justifi.cients est condition de ma liberte ». « Cela signifi. Nous ne comprenons pas plus. demeure toujours derriere nous et eile nous hante comme l'objet permanent de notre comprehension retrospective ». qu'un rien neantisant m'ote toute :excuse. mais ce qu'alors nous cessons de comprendre c'est pourquoi cela a ete formule sous la forme : « un neant qui separe l'homme de son essence ». En transposant la defi. doublement un neant. Rjen.antBt ce rien sert a refuter la theorie de l'independance des moments du temps. a ete.e le neant ( 1 ) Page 64 Sartre nous dit : « ce qui separe l'anterieur du posterieur c'est preciscment rien » et p. pas meme ce que j'ai ete. . et il lie ces deux theories : etant apparition pour la conscience le motif est ineffi. que rien. Definition peut-etre arbitraire .nition du passe de Matiere et Memoire dans le domaine circonscrit par les Donnies Immediates nous aurons en tout cas une partie de la theorie de Sartre. a re-creer ma decision. Quanta dire que: c'est en se posant e11e-meme comme immanence que la conscience neantise le rien qui la fait exister pour eile-meme comme transcendance.cace. les choses peuvent etre presentees ainsi . le neant. ~e mode du n'etre pas ». L'idee d'une re-creation ex nihilo ne peut etre pensee. justifi. la conscience lui echappe par le fait meme de le poser. comme ayant ete (c'est-a-dire comme etant non present) et comme etant ce clont je ne tiens pas compte. l'essence du non-essentialisme de ' ' L'essence c 'est t out ce qu ' on Sartre.e. precisement parce que tout ce qu'on peut designer chez l'homme par la formule: cela est. En deuxieme lieu il rapproehe cette theorie d'une theorie idealiste (inspiree d' Alain sans doute) de la conscience. il n'est acte humain qu'en tant qu'il echappe a toute explication qu'on en donne. Ainsi rien. une teile phrase pose beaucoup [ 66 ] de questions : d'abord qu'est-ce que neantir le rien? On ne neantise pas le rien. c'est plutot lui-meme determine qu'il saisit. Est-il vrai qu'il saisisse un neant qui le separe de lui-meme ? Et en quel sens est-il vrai que «" rien » ne l'empeche de jouer ? Est-il vrai que ce qu'il faut c'est recreer ma decision ex nihilo? Non. La conduite decisive emanera d'un mot que Je ne suts pas encore. peut indiquer de l'etre humain par : cela est. dit Sartre. Oui. . et . « L ' essence c ' est ce qut. mais l'etre ou un etre. Nous comprenons . reprend-il un peu plus loin. de ce fait meme a ete ». dit-il encore. puisque l'acte que je ferai. un peu plus loin. car il y a des formations par nous-memes de notre propre avenir qui ne comportent pas l' angoisse. « La structure des motifs comme ineffi.cacite. Mais faut-il traduire ce rien par : neant et ecrire : le neant me justifi. . meme pour ces passages. Sartre a lie les deux idees de transcendance et de non-etre. Ia theorie kierkegaardienne nous presenterait la veritable donnee immediate de Ia liberte. c'est Ia liberte d'autrui _». implique precisement ce neant qu'elle supprime ». Sartre ne semble pas VOlr de difficultes dans cette negation de Ia negation qui n'est pourtant pas af:firmation. et que.goisse nait du neant. Remarquons que dans de tels passages. Quoi de plus positif en ce sens que le neant ? Ce que l'on veut eviter et ce que }'on ne peut eviter. « C'est dans l'immanence absolue dans la subjectivite pure du cogftto instantane que nous devons 'decouvrir l'acte originel par lequell'homme est a lui-mellJif son propre neant » (cf. Il su_ffit de ~ rappeler ce que Bergson a d1t de Ia creatwn d. Mais ici une question reapparait : Ia transcendance d'une part. trouver l'immanence sans transcendance. ne pouvons connaitre notre liberte. qu apres Ies Donnees Immediates. Bergson echappe finalement a la critique. 79).. c'est etre angoisse devant l'angoisse. il avait envisage. des revolutions de l'ame. . (Pourquoi instantane ? Busserl lui-meme a insiste sur les constantes protentions et retentions qui constituent notre vile mentale). L'une. La fuite devant l'angoisse (qui nait du neant) est-elle aussi un processus de neantisation ? L'an. il faut ajouter que cette ressemblance nous pouvons la ressentir en nous-memes. n'aurait-il pu faire un effort pour Ia delivrer de ce residu de la pensee de Kierkegaard qui est l'angoisse ? Quoi qu'il en soit. des con~er­ sions dei rearrangements du caractere auxquels le mot meme . . A la theorie bergsonienne de la liberte. ou il veut trouver l'unite de 1' etre et du n' etre pas. au moment ou nous avons discute Ia critique du bergsonisme. c'est cette Separation entre mQi et mon moi futur par un neant (p.e sm par sm. ' ' de rearrangement ne peut plus convemr. lc1. 84. Ia critique parfaitement inju~te du bergs?ni_sme. la theorie bergsonienne. l'autre. Et il est presque amusant de voir Bergson qui a montre comment [ 68 ] autrui ni meme nous-memes en tant que connaissant. comme un « objet constitue ». ce n'est pas notre liberte teile qu'elle s'apparait a elle-meme. Jamais. Bergson n'a considere le moi comme quelque chose de tout constitue. Mais pourquoi lier si profondement angoisse et liberte ? Sartre qui a essaye de liberer Ia theorie heideggerienne de l'idee de l'etre pour la mort. les motifs qui sont formes apres. Sartre oppose Ia theone kierkegaardienne. l'angoisse. en tout cas. Mais c'est ainsi qu'aujourd'hui on lit et interprete Bergson. . Apres avoir vu notre sortie vers l'en-soi (dans l'lntroduction) et notre sortie vers le non-etre (dans le premier chapitre) sortie qui conditionne d'ailleurs Ia premiere puisque l'en-soi n'est pas nous.n. et certaines pa~es de 1~volutto. Notons sur ce point encore. 79). l'instantaneite du cogito pre-reflexif). Mais il ajoute qu'il faut aller plus loin que ces negatites.creat_rrce. p. Rien de plus injuste sur ce point que la conclusion de la critique de Sartre : « Ce qu'il a constitue de la sorte. ou peut-etre est-elle neantisation. Meme si on admet que ceci peut s'appliquer dans une certame mesure aux passages des Donnees Immediates ou Bergson parle de l'indefinissable ressemblance de nos actes avec nous-memes. pour en revenir au passage sur le neant que nous etudiions. . pour savmr. C'est alors que va intervenir l'analyse de Ia mauvaise foi qui « destinee a combler le neant que je suis dans mon rapport a moi-meme.DEUCALION JEAN WAHL (que j~ suis) (p. qu'il faut aller vers le neant originel et au dela des transcendanc~s dans l'immanence. Sartre pense avoir montre l'existence de Ia liberte empirique comme neantisation de l'homme au sein de Ia temporalite et comme condition necessaire de Ia condition des negatites. Sartre chosi:fie le moi au moins autant que Bergson (et sans doute davantage). Mais il en note une autre proehe parente de celle-la : fuir l'angoisse. Ainsi la neantisation de la neantisation ne peut que Ia neantiser. . comme en temoignent non seulement les cours qu'il fit. se fonderait sur un processus deja construit. n'aurait-il pas mieux valu eviter le mot general neantiser? . il abandonne Beidegger pour Busserl.mais s~n arti~le ~ur I'Effort Intellectuel. mais le divertisseme~t est neantisation de oette neantisation. ont-ils ete de:finis d'une fa~on satisfaisante? En effet. le non-etre de l'autre. Bergson ava1t montre les declSlons trrationnelles. Sartre se retourne des lors vers la conscience. accuse de nous donner une liberte telle qu'elle est vue par autrui. 1affirmat!on de Ia pnmaute de Ia metaphysique sur Ia theorie de ~onna!ss~nce.recedentes.catwn. s'oriente vers sa theorie de Ia liberte ou se fonderont tous ces motifs. . le realisme epistemologique. et du rien a Ia mise hors de jeu. il veut aussi montrer Ia realite du neant (et sa vision ne ressembie-t-eile pas a celle qu'aurait un de ces heros acephales de Chirico clont Ia subjectivite niee se remplit d'objets heteroclites ?). Le ~omsme du. futurisation.Pour prendre seulement six pages de ces chapitres (les p. Quand il s'agit du possible.transcendances dans l'immanence (p.des phenomenes de l'etre (qui allait mener a 1ontologtsme du premter chapitre) et meme a un dualisme de deux formes d'etre qui va dominer toute l'reuvre. voulant fonder paradoxalement un humanisme objectiviste.. au rien. I1 Y a Ia transcendance qui nous engage dans le non-etre (p. N'y aurait-il pas avantage. constamment niant les theories bergsonienne et hegelienne. possibilisations au lieu de les grouper sous un vocable trop general et necessairement ambigu ? Nous pourrions sans doute faire une observation assez sem~lable ~our le mot transcendance sur lequel nous avons deja appele 1attentwn. en ce sens que montrant dans l'homme l'origine du neant..mc~s du ~a~se et du fut~r (p. 7 s83) tl y a la transcendance de la realite humaine. Et ma liberte s'angoisse d'etre le fonderneut sans fondement des a [ 71 ] . un dualisme . avatt f~tt. mais constamment les longeant l'une et l'autre. glissant du rien ne. cela ne peut-il pas nous amener a voir que ces analyses ne sont pas reellement fondees sur le premier chapitre pas plus qu'elles ne sont fondees sur l'Introduction? Une revision des concepts fondamentaux sur lesquels L'Etre et le N eant parait fonde devient necessaire pour que puisse etre preserve tout ce qu'il y a de precieux dans Ia suite de l'ceuvre. d'ailleurs. 7 s. ~e moms~e des phenomenes. Et nous avon~ vu deJa quelques autres emplois du terme. Sartre. joignant Ia suspension Pyrrhonienne et le vide democriteen. 84) cjui tantot peuvent etre hees a la precedente et tautot lui etre opposees. affirme. . ne sont pas places sur le plan de Ia reflexion. et valables. phenomene. et comment Ia moralite quotidienne de meme que l'action quotidienne est exclusive de l'angoisse. puis retabli.nous avons retrouve dans ce premier chapitre. L'echec meme de cette ontologie n'est-il pas une corroboration de Ia philosophie de l'existence en tant qu'elle est opposee toute Ontologie? Si. « En tant qu'etre par qui les valeurs existent. recouverts qu'ils etaient par des interpretations ou des conclusions discutables. si differentes qu'elles soient. a les appeler : passetfi. neantiser veut dire : transferer dans le f'. So). afin de faire c~atoy~r sur le reel les diverses neantisations. cet idealisme venait s'unir a un epiphenomemsme que . a peine plus avance qu'au debut et se voyatt face a des problemes qui lui paraissaient insolub~es. Elles montrent comment l'angoisse ne nous apparait pas ordinairement.DEUCALION J:EAN WAH:t. dans ce premier chapitre. sans arriver pourtant a nous satisfaire. A. il est vrai que bien des elements des analyses ulterieures sont importants. De meme. Il y a la un tres beau passage sur les valeurs. supposant que mon possible vecu est lie a d'autres possibles qui seraient egalement vecus et non vecus pourtant. neantiser veut d1re : rendre poss1ble. I1 y a les tra~scen?. voyant maintenant un pullulement de negations au lieu de ce monisme du neant des pages p. je suis injustifiable. et en tout cas n'arrivait pas a etre prouve. 82 ) (clont le~ ~eux transce~dances du passe . Retournons-nous vers les pages 74 a 77 qui sont remarquables. A Ia fin de l'Introduction a l'Etre et le N eant le lecteur s'~tait trouve. traduisant le positif en negatif. Quand il s'agit du temps. 83).ltur ou dans le ~asse. a~res tours et retours.chteen. parce que nos possibles ne sont pas thematises.le avait ete compromis par son voisinage avec un tdeahsm~ quast-:fi. place a. puis nie. ma transcendance en tant qu'elle soutient et depasse mon essence (p. la description de l'intentionalite husserlienne 1extst:nttahsme tel qu'il se faisait jour dans cette introduction' et le hen qu'on cherchait a etablir entre le subjectif et l'objectif: I: [ 70 ] etaient autant d'elements importants. c?"tams moments. Il y a l'apprehension transcendante des negatites.et du futur peuvent etre considerees comme fatsant partie). qui elles memes sont dites etre des transcendances et de~. mais clont l'importance se voyait parfois mal. Le realisme ~p~st~mologiq'. dans Le Choix de 1. a discernees dans Ia pensee contemporaine. en parlant de tout autres philosophies. Depuis Bergson. 58 : « Objectivite dans l'en-soi. Elle 1'a clone ete. sur l'un de leurs adversaires. et les pages que Sartre a ecrites contre le serieux a la fin de son Iivre. comme necessaire.-P. le philosophe. rien n'avait ete ecrit d'aussi fort contre le determinisme (cela n'empeche sans doute pas le detracteur clont les bonnes intentions premieres couvrent de mauvaises intentions secondes.. des idees de Hegel et de Bergson. Ou qu'ils lisent encore.. le grand subjectivisme et le grand objectivisme (r). neantis par la conscience de ma liberte. est d'abord unc conduite d'excuse ou s1 on veut le fondement de toutes les con·duites d'excuse ». toutes les barrieres. Que les detracteurs de Sartre lisent les pages 76 et 77 . et le restera. injustifiable et sans excuse ». en meme temps que de l'emprise. pas sur. s'ils ont bonne foi plus que ces bonnes intentions qui ne portent pas au Paradis. tous les gardes-fou s' ecroulent. son reuvre eilt ete utile. par Roger Troisfontaines. peut-etre les regrette-t-il ou les regrettera-t-il ? Mais c'est surtout Ja je crois (j'espere) une question de mots. surtout n'eut-il fait qu'insister sur les conduites pre-p~edicatives. Ia premiere partie de Ia page 78. de voir en Sartre un materialiste) : « Le determinisme psychologique. n'eut-il fait que poser a nouveau le problerne qui sera sans cesse debattu. (r) Cf.DEUCALION valeurs . et de Platon. Je decide seul. mis en lumiere l'existence en tant qu'irreductible a l'essence. C'est l'angoisse devant les valeurs qui est reconnaissance de l'idealite des valeurs ». N'eut-il fait que mettre en lumiere les deux tendances qu'un Sheldon. ces detracteurs. avant d'etre une conception theorique. de la realite de la negation et donne l'exemple. « J'emerge seul et dans l'angoisse en face du projet unique et premier qui constitue mon etre . Convient-il de qualifier d'esprit de serieux l'attitude opposee. et en tant que se mettant en question elle-meme. je n'en suis. subjectivite dans la liberte pure " [ 72 ] REMARQUES SUR UNE NOUVELLE DOCTRINE DE LA LIBERTE" par AlME PATRI . p. et ils y reconnaitront. dans sa tentative pour le resoudre des dangers du megarisme et de ce monisme des notions clont il est victime. Sartre. si elle pouvait etre utile ou nuisible a la cause d'une revolution que tout le monde s'accorde a reconnaitre necessaire. La controverse etant amenee sur ce terrain. Pour refuser a l'homme toute espece de destin. la doctrine de la liberte totale n'en souleve pas moins des problemes analogues. les champions de la doctrine sartriste et Sartre lui-meme avaient la partie belle contre des adversaires pour qui la question de la verite et de l'erreur paraissait avoir si peu d'importance. d'autant plus qu'on n'ignore pas l'entreprise fondamentale d'avance promise a l'echec ? A l'image classique de l'attelage platonicien. Jules LEQUIER.c: 1 e 'Clous tiens pour capable de tracer un cercle carri et d'icrire dedans laquelle des deux esi Athenes. On s'est demande si la nouvelle philosophie de la liberte etait encourageante ou decourageante pour les hommes de bonne volonte.nt ne pas se sentir angoisse. en invoquant des exemples contradictoires pour savoir si le fatalisme sterilise ou non les efforts de la volonte humaine. LE debat autour de l'existentialisme fran~ais a surtout concerne jusqu'ici les merites extrinseques de la doctrine de Sartre. de Rom1 ou de Carthage. :. On discutera longtemps. Sartre substi-tue explicitement celle de l'ane qu'on fait mareher avec une carotte attachee au bout du fouet. sans s'inquieter d'ailleurs tellement de savoir ce clont il s'agit. Mais tandis que d'aucuns se [ 75 ] . Devant une aussi « ecrasante responsabilite » comme. Elle ne se JUsti:fie pas pour autant. Teile est la signi:fication de cette nouvelle opposition entre l'essence et l'existence : Ia liberte humaine n'ayant qu'elle-meme pour Iimite. La question_ du bon raisonnement n'est pas a confondre avec celle de ce qu1 sent plus ou moins bon. Chacun. M 11" de Beauvoir suppose que l'on « resiste » a l'Existentialisme. Sartre aussi bien que Heidegger. aussi bien qu'avec une religion revelee. 1I Y a touJours des_accommodements variables avec le temperament de chacun et les c1rconstances dans lesqueiles il se trouve implique. encore moins qu'on leur dise toute Ia verite sur leur compte. M 11 " de Beauvoir n a pas de peme a psychanalyser certains adversaires et a attribuer leur refu~ d'a~hesion a quelque inavouable « resistance ». Ce sont Ia precisement les odeurs et les saveurs sur lesquelles il serait vain d'epiloguer. Teile etait bien en un sens Ia pensee existentielle a ses origines. il ne saurait etre question d'une essence de l'homme capable de pred~terminer son existence. parce que les hommes etant devores de « pulsions » contradictoires et pieins de « mauvaise foi ». lorsque chez Kierkegaard. sUtvant son_ humeur personnelle. le souci d'architecture dogmatique qu'11 s'est impose est pour sa doctrine theorique une assez redoutable epreuve. La question des sanctions pragmatiques de Ia doctrine ne saurai_t ~tre indifferente au philosophe. pourra clone interpreter la nouvel~e doctrme dans le sens d'un optimisme ou d'un pessimisme. La mode s'en etant melee. Ma1s en fin de compte. ont opte dans un autre sens. Mais il ne f~~drait pas se presser de courir trop vite a Ia reciproque. L'exigence que Sartre a deliberement admise. Un certain mode de pensee peut se vouloir refractaire a toute espece de systematisation. de tarte a Ia creme pour tou tes sortes de gens qui ont parfois acqu1s « L'Etre et le Neant » au prix du marche noir mais se _ sont bie~ gardes d'en ~ecouper ensuite plus de trois pages: Ia chose se con~o1t. mais normalement eile ne d~vra1t mtervenir qu'apres des enquetes d'une autre sorte. Ils le sera1ent b1en plutot par l'espece de « weltanscha~unggeruch » qui se degage des romans et des pieces de theatre d. ffins le -?-u~ero 3 des « T emps Modernes ». eile se donnait comme antiphilosophique plutot que comme philosophique. 1 auteur des « Mouches » et de Ia « N ausee ». Chaque systeme philo·sophique nouveau pretend triompher des contradictions dans lesquelles se sont empetres ses predecesseurs. surtout lorsqu'il s'agit de l'appreciation des systemes philosophiques pour lesquels les sanctions pragmatiques sont vagues et incertaines. 11 est d a1lleurs douteux que les contempteurs de Sartre soient offenses p~r des raisonne~ents ~u'ils ne" se sont guere donne Ia peine de sutvre. eile ne saurait a eile seule fournir Ia justi:fication. . ils n'aiment pas Ia coherence. c'est d'etre une philosophie de la liberte humaine qui voudrait etre Ia plus radicale qu'on ait osee jusqu'ici. C'est au contraire l'existence humaine de:finie par les modalites de son projet fondamentat aux prises [ 77 ] [ 76 ] . Stendhal a fort b1en dtt que « tout bon raisonnement offense ». telles sont les seules questwns dignes d'etre posees a propos d'unt: entreprise de dimensions aussi considerables que celle de « L'Etre et le N eant ». 1' « existentialisme » etant devenu une sorte. il faudra bien etre amene a reconnaitre que _Jes ide~s professees !'ar les hommes n'ont pas l'influence qu'on sera1t tente de leur attnbuer sur leur conduite effective. Elle n'en est qu'une condition mineure a laquelle l'histoire de Ia pensee humaine ne permet de donner qu'une signi:fication assez relative. si l'on ose ainsi s'exprimer. d'autres font le contraire. chez Nietzsche et plus lointainement chez Pascal. 11 n'est pas de doute cependant qu'elle soit quelque chose. La coherence n'est pas toute Ia verite. Mais si Ia tradition excuse Ia pretention. Avec une ~etaphys~que quelconque. Quelle est Ia valeu~ des raisonnements de Sartre. quel poids leur donnent les « expene_nces v:ecues » qu'il invoque a leur appui. L'essence de l' « existentialisme » de Sartre. 11 faut b1en convenir que jusqu'ici c'est l'ordre inverse qui a prevalu.AlME PATRI DEUCALION s~tisf~nt ~e succes empiriques et restent indifferents a Ia perspectr~e dun echec transcendantal. Le systeme de Sartre ne fait naturellement pas exception. ma liberte ? [ 79 ] . le monstre qui est en train de les devorer ? Il est paradoxal que l'on semble etre contraint de parler d'une « essen~e » de 1' « existence ». mort volontaire que Sartre esqmsse beaucoup trop raptdement dans un paragraphe de c L'Etre et du N'eant . Dans l'hypothese admise explicitement par Sartre. dise Sartre. de ehereher a Sartre une pure quereile de mots. puisqu'en vertu d'une exigence de ce meme systeme. que nulle puissance au monde. c'est que les essences devraient etre subordonnees au moins quant a leur manifestation a l'existence humaine. en cotoyant sans cesse 1'abime ou je pourrais me plonger si . on voit la pure liberte seenher aussitöt le venin qui Ia tue. mais la volonte de faire de l'existence subjective la clef de voute d'un systeme philosophique. Et c'est iei que commence a retentir le signal d'alarme de l'antinomie. Maisee « pour soi » identifie a la pure liberte. meme de renoncer a sa liberte ? Quoi qu'en. Elle donne lieu exactement au meme type d'antinom'ie. meme pas la sienne ne saurait etre capable de lui arracher ce dangereux attribut. L'auteur de « L'Etre et du Neant >> declare a de multiples reprises que « l'homme est eondamne a etre libre ». Ia doctrine existentialiste de Ia pure liberte se contredit elle-meme des qu'elle est enoncee. L'homme est ce qu'il se fait etre et s'il le fait c'est en vertu d'un libre choix. S'il fst vrai qu'une mort volontaire existe. De telles formules. La logique du systeme de Sartre. Ia Iimitation est effective et constante: i1 y a un choi:x: qui m'est interdit. qui forge a chaque moment son essence. C'est en ce sens qu'il faut comprendre que « une liberte n'a pas d'autres limites qu'elle-meme » et paradoxalement ce sont bien AlME PATRI des limites qui lui sont ainsi imposees.:e l'antinomie. ce qui ne veut pas dire que j'y renoncerais e:ffectivement. s'il y en a une. il faut bien qu'il y ait un cas au moins ou cette liberte est effectivement exercee. il faudra bien dire que c'est parce que tel est son destin. On peut donner a cet argument une tournure plus directe en s'appuyant sur la lettre aussi bien que sur l'esprit des expres-· sions et des exemples de Sartre.DEUCALION avec des situations concretes. c'est parce qu'on peut y demontrer a la fois un theoreme et sa negation : il ne doit pas y avoir d'essenee de l'homme (conclusion expresserneut tiree par l'auteur) et cependant il doit y en avoir une (conclusion contenue implicitement et qu'un simple examen eritique permet de degager sans postulat nouveau). que « l'en-soi » des choses ne puisse apparai:tre qu'en fonetion du « pour soi » de l'homme.ie renon~ais a Ia liberte ( r). ne devientil pas par la meme. Si c'est parnature que l'homme est libre. l'existence humaine ne saurait prendre placc parmi les essences. C'est par necessite que nous avons la liberte. et notamment a celui de b. Sa ( 1 ) 11 faudrait ici songer a~ probH:me de la mort. de construire un « existentialisme » ne permet guere d'y echapper. Nous nous proposons de revenir ulterieurement sur cette question. il n'existe aucune raison · logique de preferer une des deux hypotheses a l'autre. comme toutes les formules totalitaires des philosophes systematistes d'ailleurs. de quel droit nierait-on que je puis par ma liberte mettre fin 3. lorsqu'on expose la pensee de Sartre. on ne voit pas que son existence echappe a la juridiction du royaume des essences. Que serait cependant une liberte destinee a ne jamais s'exercer? Si je suis libre de renoncer a ma liberte. Limitee par elle-meme. ne recelent-elles pas dans leur flanc. en soi » a sa maniere ? Nous sommes loin iei. Si l'homme üe peut echapper a sa liberte. un «. Quel est le comble de Ia liberte ? Etre libre de tout. Ia pure liberte est tout aussi bien detruite que si elle se trouvait limitee par une cause etrangere. Mais dans un cas comme dans l'autre. Semblable a celle du menteur qui declare : « Je mens ». Si nous disons que son systeme engendt. de « necessite » n'est-ce pas retrouver le dur Iangage de la philosophie des essences a laquelle on voulait precisement echapper ? Chaque chose est ce qu'elle est et ne peut etre autre que ce qu'elle est. Mais parler ainsi de « condamnation ». sauf de ne pas etre libre ou bien libre de tout. on pourrait penser que la Iimitation est seulement eventuelle : je puis renoncer a ma liberte. L'une et l'autre satisfont egalement a la definition de la pure liberte qui est de ne se trouver limitee par rien d'autre que par elle-meme. mais seulement qu'a chaque moment je choisis d'etre libre. Dans l'autre.. malgre les apparenees. qu'il ne s'est pas donne a lui-meme sa liberte par un acte de liberte. Uti trou qui se creuse dans « l'en soi » et le « pour soi » apparait avec son inexplicable liberte de n'etre pas ce qu'il est et d'etre ce qu'il n'est pas. il possede au moins une propriete bien qu'elle ne soit pas du meme type logique que les autres. L'opposition des formules de Heidegger et de Sartre a propos du neant qu'ils voudraient tous deux considerer d'une maniere egalement radicale. en effet. Les raisons de Sartre de preferer Ia formule : « Le neant n'est pas » a toute autre qui conduirait a admettre que « le neant est » sont logiquement aussi douteuses que celles qui l'amenent a soutenir que « nous ne sommes pas libres de ne pas etre libres ». Pour Heidegger le neant n'est pas. Plus exactement. si nous avons bien compris Sartre.DEUCALION AlME PATRI Iimitation est donc reelle dans une hypothese comme dans l'autre car apres la plongee de Ia liberte dans le gouffre de Ia necessite. pour Sartre le neant n'est pas mais « il est neantise » dans son etre. mais aussi pour admettre la necessite d'en parler en quelque fac. Lorsque Descartes af:firme a titre d'axiome de la raison natureile que « le neant n'a pas de proprietes » il souleve. sans y prendre garde. Ce choix me serait-il permis il .ue d'une maniere inverse par les deux philosophes : pour Heidegger l'etre se constitue sur un fond de neant. ce qui les conduit a inventer d'etranges neologismes. Un pur neant paralt aussi inconcevable qu'un vrai mensonge ou qu'une pure liberte.on. Mais d'un autre cote si le neant n'a meme pas Ia propriete de n'avoir pas de proprietes. La relation de l'etre et du neant est conc. Dans tous les cas on est amene a dire que « le'neant n'est pas le neant ». l'homme est ce neant lui-meme. ' faut envisager que tous les choix deviennent interdits. Platon avait deja montre dans le « Parmenide » que si l'on dit que « le non-etre n'est pas » i1 faudra bien lui conceder l'etre de son non-etre et par consequent l'etre. i1 faut bien que le neant prenne rang en quelque maniere parmi les essences. il n'est pas davantage le neant. Tous deux s'accordent pour soutenir que le neant n'est pas. lorsqu'on veut lui attribuer Ia signi:fication radicale du « rien absolu ». ••• On sait que pour Sartre liberte est synonyme de « neantisation ». Mais l'essence prend assitot sa revanche . Ni l'un ni l'autre ne se trouveht sans predecesseurs dans l'histoire de la philosophie. C'est donc qu'il n'est pas le nt~ant. pour Sartre c'est « le neant qui se constitue sur un fond d'etre ». Sans doute en est-il de meme d'une existence sans essence : une telle existence ne pourrait etre que l'existence du neant. Le neant d'Heidegger est un neant extra-mondain qui pourrait faire songer au vide dans lequel les cosmogonies sto'icienne et pythagoricienne faisaient respirer le monde. engendre une antinomie semblable a celle de Ia pure liberte. il ne peut co'incider avec lui-meme a Ia maniere des choses qui ne sont que ce qu'eiles sont. si l'on admet une existence du neant. un seul choix m'etait interdit. [ So ] On peut s'en assurer en remarquant qu'elles equivalent l'une et l'autre a la proposition : « Le neant n'est pas le neant ». mais il « neantit » l'etre. il ne sera plus question d'un retour. C'est par Ia faille du neant que l'homme emerge dans le monde et s'il n'a pas d'essence c'est parce qu'a aucun moment de son existence. Dans Ia premiere hypothese. peut etre envisagee comme une nouvelle iiiustration de l'antinornie. le neant intra-mondain de Sartre ferait songer plutot au vide des atomistes et son illustration par l'image de l'intervalle ou de la distance pourrait aiier dans ce sens. ce trou dans le monde. Si l'on admet avec Heidegger que le neant « neantit ». Plus generalement il est egalement impossible de dire que « le neant est » et que « le neant n'est pas » : ces deux propositions contradictoires entre elles sont egalement contradictoires en elles-memes. il faut [ Sr ] I . puis-· qu'il dispose toujours de la faculte de choisir. la question de savoir comment il faut interpreter cette absence de propriete : aucune propriete sauf celle de n'avoir pas de propriete ou bien aucune propriete meme celle de n'avoir pas de propriete ? I1 va de soi que si l'on dit que le neant n'a aucune propriete sauf celle de n'avoir pas de propriete. Il est remarquable de constater que cette notion du neant. Sartre voudrait echapper a cette consequence : son neant intra-mondain ne devrait ajouter a l'etre aucune espece de propriete nouvelle. encore a M. en qui dans son etre. Le neant de Sartre nous renvoie cependant a celui de Heidegger pour cette excellente raison que l'emploi d'un verbe au passif ne dispense jamais de celui de l'actif qu'il suppose. l'etre de l'etre « neanttse ». La critique adressee a Ia theorie leibnizienne de Ia liberte est particulierement signi:ficative a cet egard. Le neant extra-mondain prend fi. classes.?U7 emprunter.nt. Des lors ce neant si on lui concedait en outre la faculte de penser et de parler. Il semble d~nc rigoureusement depourvu de toute espece de proprietes « meme celle de n'avoir pas de proprietes ». Wahl une de ses formules.lui-meme sous forme affirmattve ausst bten que.gure d'une nouvelle espece d'etre qui s'ajouterait a l'etre du monde pour constituer avec lui le T out. nous renv01e a. Mais comme il est bien evident qu'une pioche ne saurait etre un trou. S'il est vrai pour l'auteur de Ia « Theodicee » qu'Adam a choisi librement de prendre Ia pomme puisqu'il ne s'est trouve contraint par aucune necessite exterieure. Adam a choisi de prendre Ia pomme parce qu'il etait Adam et pour aucune autre raison. sont les memes que ceux. Il semble ainsi que l'on revienne par un chemm m~erse ~ rla ceH~bre demonstration hegelienne de l'identite entre l'Etre p~r et 1~ _PUr ~ea. Pour l'auteur de « l'Etre et du Neant ». Le mystere de cette demonstration pourrait d'ailleurs commencer ~ se d~sstper ~~ ~ on 't que pour la logique classique elie-meme le Tout de 1 ExtensiOn dott etre songeat • · 11' 1 b equivalent au zero de la comprehension et que pour 1a 1?gtstlqu~ r?sse tenne e ver e Atre ne saurait s'attribuer ~.e~ d~ sub~tl­ tuer a Ia voix active et a Ia voix passive une forme reflechte. mais aussi a l'instrument. il faut lui reconnaitre non seulement [ 8z ] [ 83 ] . L'equivalence d'une pioche et d'un trou est donc le dernier resultat de ce difficile exercice verbal destine au surplus a nous faire entendre ce qu'est l'existence et Ia liberte humaine. C est bien ce que fait Sartre en derniere analyse lorsqu'il _requiert !lue << l'Etre par qui le neant arrive dans le monde » sott « un etre ( ) M Wahl nous fait remarquer a ce propos que dans les de~niers text~s l'Heidegger. clont la pretention de fonder la negation sur le Neant pourratt a ell~ [!Oulc f. se trouve identifie finalerneut a « l'Etre :. La conception de Sartre selon laquelle nous sommes condamnes a etre libres est si peu compatible avec les autres exigences de son systeme qu'il se trouve amene implicitement a Ia dementir.. si l'on veut admettre qu' Adam soit vraiment libre. La derniere ressource est donc d admettre Ia comctdence de ~a « neantisation » passive et de la « neantisation » acti. L'image du trou nous soutien. I1 faut sans doute admettre que Ia concept10n de l'auteur de « Was ist Metaphysik ? » correspond a l'hypothese : « le neant n'a aucune propriete sauf celle de n'avoir pas de proprietes » (I).bEUCALION AlME PATRl bien lui accorder au moins une propriete : celle qui est marquee ·par le verbe actif. lorsqu'il ne craint pas d'af:firmer que « l'Etre par qui le neant vient au monde doit etre son propre neant ». qui a permis de le creuser. Le neanttse. Si l'on dit du neant qu'il est l'etre « neantise ». u~ neantlsant.tre env~Jager la n~!lpparition. le « Neant :.!. il soit question du neant de son etre ».r quel~ue ~hose pour le « neantiser ». Les problemes de la « Medenologie ». ne pourrait-il dire a sa manie~e : N~hilo. on con~oit bien qu'en :fin de compte tout ceci revienne a dire que « le neant n'est pas le neant » de Ia meme fa~on qu'il avait fallu precedemment reconnaitre que Ia liberte n' etait pas Ia liberte puisqu'elle se trouvait transformee en prison. Un autre geste d'Adam eilt suppose un autre Adam dans un autre monde mais rien de tout ceci ne dependait d'Adam. qm ~e ~auratt ~t e c aucun des existants :. de celUI qut ~-· « est ete » c'est-a-dire que son etre est « un etre d'emprunt ». P. Le premier homme en choisissant ainsi n'aurait fait qu'obeir a Ia necessite interieure d'une essence qu'il ne s'etait pas donnee a lui-meme. du reahslll_e ?ntolog1que des. quel qu'il soit. Sartre n'en estime pas moins qu'une teile liberte n'est qu'un leurre.oit un trou.. Il n'a pas d'a~tre etre que ~'etr~ de l'etre qu'il a rejete. mais s'il etait Adam c'est parce que Dieu l'avait fait tel en vertu du calcul du meilleur des mondes. il faut bien songer non seulement a ce qui etait Ia avant qu'il fut Creuse et que l'on retrouve autour de lui SOUS forme de terre rejetee. C'est un trou dans le monde et rien de plus. ergo sum. sous forme :egative. il ~a~t bien supp_ose.dra-t-elle pour comprendre ce dont il s'agit ? Si l'on conc. T out homme a sa maniere est pour Sartre le premier homme. La question reviendra alors de savoir si 1'Adam qui a choisi Adam en tant qu' Adam (Adam Kadmon ?) s'est ou non choisi lui-meme en tant qu'operant un pareil choix. Cette reproduction constante et indefinie de la meme question est d'ailleurs la caracteristique de celles qui se trouvent soulevees par les propositions du type de l'Epimenide. en se particularisant dans des details d'execution d'importance secondaire au . si l'on songe encore a ce que pourrait etre une pareille liberte. S'il est vrai qu'Adam s'est choisi. Si je me suis fait moi-meme.on qu'il n'en resulte qu'un Dieu manque. Mais si l'on admet avec Sartre que Ia nature humaine c'est Ia liberte. je me suis fait homme et si je me suis fait homme. je me suis fait libre. pourrait etre le projet fondamental de l'Humanite. Et si l'on n!pond encore par l'affirmation.on qu'on devait admettre precedemment une liberte au dela de la liberte.ce qui conduit a supposer une sorte d'anteriorite de l'etre sur lui-meme. Passant a la contre-epreuve on peut montrer que les difficultes logiques qu'entraine la notion du choix d'un etre par lui-meme sont exactement les memes que celles d'un choix de la liberte par la liberte. identique a son objet. mais aussi homme du Moyen-age. s'il est vrai qu'il n'etait pas cantraint d'etre Adam. il en faudra une troisieme et ainsi de suite. Le choix d' Adam enchainerait-il cependant les autres hommes de teile sorte qu'ils se trouveraient prisonniers de leur liberte parce que volontairement le premier homme se serait engage dans cette prison et les y aurait engages ? 11 va de soi que cette interpretation serait incompatible avec les hypotheses du systeme de Sartre. faire choix de Ia nature humaine c'etait choisir Ia liberte. Ainsi la liberte n'est limitee par rien. La liberte choisie suppose une liberte donnee mais cette liberte a-t-eile ete choisie ou non ? Si on la supposc choisie. independamment meme de la difficulte logique precedente. etc.2). se contredit elle-meme une fois de plus. mais qu'il choisit aussi le monde dans lequel il arrive : un homme du Moyen-age au caractere emporte s'est choisi non seulement homme au caractere emporte. un troisiemc Adam sera necessaire. Le choix de la liberte.J ne saurait donc exclure le choix du caractere specifique et le suppose. Mais il en est exactement de meme si l'on admet le choix d'un etre par lui-meme. il faut meme aller plus loin et dire d'un etre libre non seulement qu'il se choisit lui-meme. La liberte d' Adam ne saurait restreindre Ia mienne. . puisqu'il etait le premier homme. Le choix du « projet fondamental » peut-il etre autre que celui du « caractere intelligible » dont les manifestations empiriques se derouleraient « par la suite ».echissons aux consequences logiques d'un choix d'Adam par lui-meme. I1 est « responsable dans son etre de l'existence d'une nature humaine » (p. c'est de la nature humaine qu'il a du faire choix. Le choix du caractere individuel . en tout etat de cause.AlME PATRI DEUCALION le choix de son geste mais aussi celui de son etre en tant que c'est cet etre qui eclaire son geste. Sartre montre fort bien que si 1'on dit que je suis lihre parce que j'ai choisi d'etre libre. de la meme fa<. Le sujet du choix ne pouvant etre. TI faut qu' Adam se soit choisi lui-meme en tant qu'Adam. On est donc bien conduit a dire que ma liberte depend de ma liberte. Sartre admet qu'il en est ainsi effectivement de chacun de nous : on aborde ici la notion capitale dans son systeme du << projet fondamental » en vertu duquel un etre se fait lui-meme. comme Sartre le soutient par aiileurs ? Refl. Adam n'etait donc nullerneut cantraint d'etre libre. choix fait contre Dieu pour etre Dieu mais de teile fa<. 60. en assumant par un libre choix son « etre dans le monde ». le choix du caractere individuel etant equivalent dans son cas a celui du caractere specifique. Si nous comprenons bien. La liberte sera-t-eile cependant limitee par eile-meme. il faudra consentir ici a poser un etre qui choisit au dela de l'etre choisi. La liberte qui s'est choisie elle-meme en tant que projet fondamental d'assurer tel ou tel « etre dans le monde ». · Sartre developpe effectivement par ailleurs de semblables conceptions ou des theologiens pourraient voir une nouveile interpretation du peche originel. on se trouve engage dans une regression a l'infini. Il reJette aussi bien la theorie de la creation continuee p_ar ?1eu que. Sartre proteste naturellerneut contre une semblable interpretation du << projet fondamental » mais les arguments qu'il invoque pour dis·tinguer sa conception de celle de ses illustres predecesseurs ne sont guere convaincants. ·. CI ? L:t Mais dans ces conditions comment pe~t-1 etre . Une conversion de taut l'etre ne doit pas cesser d'et~e p~ss1 e. Elle ?ter~t tout sens au « projet fondamentat » et meme a taute espec~ e projet car un projet ne se conc.a ma mer . constamment ma merci. s'accomplir. Mais si l' on mc concede une teile liberte noumenale. Bien que l'on se trouve cantraint d'adopter le Iangage d'un « par la suite » pour opposer le deroulement des evenements empiriques a l'Evenement fondamental. c~lle qu'on pourrait imaginer de l'auto-creation contmuee.ac.oit pas sans duree d'accomph:sement ce qui nous paralt etre t'argument decisif. 1t do1ve. te « projet fondament_at » dOlt ~tre. ce ~ue t ~n co~1<. comment ech~pp~~ cet. Si te projet fondamenta est . Si l'on se refere toutefois au mythe d'Er l'Armenien. es: subordonnee man existence.. . JC me t~1sse . taute la richesse de l'existence se trouve concentree dans le monde des essences. . tandis que le choix du projet fondamental etant choix d'un etre dans le monde suppose le monde et taute sa richesse (p. lc temps ne saurait avoir de prise sur lui. d~ taute {. te choix du detail de ta rou~e o~ . Sartre va m~me · ~a conceder que le choix du projet fondamentat ne se constttue Jusqud · s te temps puisque c' est tui qui fait naitre te temps (p. La doctrine du choix accompli au dela de l'existence manifestee dans le temps dispensait Platon de reconnaitre al'homme une libertc empirique d'un type quelconque. suppose. Ce cho1x ne saura1t s ac:om~ 1r en fonction des particularites timitees. faute de mot. c'est en dehors du temp~ qu'un pareil choix a du.01t d'ailleurs puisque dans c~tte doct~~ne t etre et te phenomene d01vent se confondre mais non a ta mamere de Hume. etant [ 86 ] AlME PATRl donne son caractere d'engagement to~al.e consequence que c'est parce qu'il se trouve etre C011St1tUt1 de « t 'essence » ? a On voit bien toutefois qu'une pareille consequence repug~e philosophie de t'existence.1~~ )). tarn t t' dev1ent d'importance secondaire. Cette position est d'ailleurs parfaiterneut logique avec elle-meme puisque selon P1aton.ms t an t qu1 pourrait etre a ta a a [ 87 ] .on }~.DEUCALION regard de celle du choix accompli ? Puisqu'on retrouve ici la doctrine bien connue de Platon. de Kant et de Schopenhauer. Si man essence. Le choix du « caractere intelligible » etant accompli « a partir de rien » et « contre rien » serait finalerneut choix de rien.... « posstbte a ~out instant » car te temps seton tui n'est pas fa1t d msta~ts. bien que ce soit dans de pareilles s1tuat10ns qu. liberte seton Sartre devrait avoir a ta f01s tes attnbuts ~e la hber~e empirique et ceux de ta tiberte nou~enale.~elle . Chez Kant eile avait pour objet d'etablir saus deux perspectives differentes le determinisme et la liberte. La creat}?n continuee par Dieu nous ferait retrouver encore te~ essences ~reees qui ne peuvent se soutenir elles-memes dans t'e~~stence. b er. C' est une fata!ite empirique qui va se trauver suspendue a un acte de liberte transcendantale. ma liberte empirique n'est-elle pas perdue ? Le choix s' etant accompli en dehors du temps. Ainsi torsque par consentement selon Sartre. Il ne saurait clone y av01r de caractere rmmu~~~e. et dans la doctrine de Schopenhauer le choix accompli de lasorte permet d'accentuer encore la nature immuable du « caractere » de chacun pendant taut le cours de son existence. on ne voit pas que Ia doctrine du « caractere intelligible » merite ces accusations puisqu'il y a plusieurs lots a choisir et que le choix s'opere a partir d'une existence anterieure. 55 9) · pas an ·t " . L" aut~­ creation continuee dissoudrait man etre en "pous~~tere. de t~lle ou . Je me la1sse tomder de fatigue parce que man projet fondamentat est u?' ~et aban . se rea 1~r. qu 'il se trouve ou non a ma tibre dtspOS1t10n.« s1tuat.> survol du monde empirique. au royaume intemporel des tssences et non dans le monde de 1'existence.. Sartre se refuse cependant a dire qu'elle_ est. Une conception de 1a nature d e t.« essentiel » et non pas tes « projets secondaires ». chez Platon.on devant le monde. les perspectives de la philosophie de l'existence nous ramenent encore a celle des essences. 559). permettaut de distinguer suffisamment l'anteriorite logique et ontologique de l'anteriorite chronologique. Le choix d'un « etre dans le monde ». consideree a la lueur de ses antinomies. c'est une nouvelle qui commence. La nature de l'instant est pour Sartre une nature privilegiee qui ne saurait se realiser a tout moment. que l'on croirait que cette espece de cassure cians l'existence que suppose Ia conve.ous ramene aux perspectives les plus traditionnelles de celle des essences. Or l'existence et le temps sont pour Sartre des termes synonymes._sion irnplique necessairement Ia rupture de l'unite de l'essence. D'une maniere ou d'une autre. tandis que l'on admet que le temps n'est pas fait d'instants. Si 1' on veut parler de liberte. en effet. ne sont pas teJlement autres qu'inverses et complementaires de celles qui s'etaient manifestees auparavant. C'est a tort. Lorsque l'instant surgit. la nouvelle philosophie de l'existence r. ne saurait etre autre que l'essence que cette existence manifeste..AlME PATIU DEUCALION particulierement heureuse semble constituer Ia tentative de solution. on jugera de la valeur de « l'instant » par ce qui s'ensuivra mais toujours dans cette meme perspective. Il y a clone pour Sartre qui retrouve ici l'inspiration de Jaspers. une rupture dans la continuite de la duree ordinaire qui pour cette raison ne saurait etre qu'extraordinaire. Cette description est conforme a celle que de nombreux romanciers. Empiriquement encore on pourrait y voir Ia manifestation d'une sorte de loi d'alternance qui ne serait nullement incompatible avec le plus strict determinisme. Cette constatation n'est pas pour diminuer des merites que l'on connait par ailleurs suf:fisamrnent eclatants. Si nous comprenons bien. les exemples concrets de conversions montreront bien que les possibilites nouvelles qui se revelent alors. * Sous un autre aspect encore. philosophes. c'est subordonner constamment l'existence a quelque chose qui ne peut se trauver ailleurs qu'en [ 88 ] dehors du temps. Que la grace qui se manifeste a Ia faveur d'un « instant » remonte du plus profand de nous-memes ou qu'elle fonde sur nous de toute la hauteur du ciel. :fin d'un :. Des instants surgissent dans le cours du temps. Toute liberte se manifestant par un choix et tout choix impliquant un sacri:fice. il ne saurait s'agir dans un cas comme dans l'autre. Ia doctrine sartriste d'une « liberte qui n'est lirnitee que par elle-meme » merite une attention particuliere. Si le temps n'est pas fait d'instants et si des instants surgissent dans le cours du temps. une conclusion logique s'impose en effet : c'est que l'instant qui descend dans le temps prend sa source ailleurs. Soutenir que le projet fondamental est toujours a Ia merci d'une conversion operee dans l'instant. A vec la theorie de « !'Instant » il va falloir admettre qu'il en est de meme pour le projet de la conversion. Mais avec la liberte transcendantale c'est aussi un autre monde que celui de l'existence. Il faudra clone admettre que mon existence se trouve subordonnee a quelque chose d'autre qu'a elle-meme et ce quelque chose d'autre que l'existence et qui fonde l'existence. Empiriquement. elle pourrait n'etre en cffet que Ia revelation de ma veritable essence dans sa totalite. le choix d'un etre libre est necessairement celui d'un etre fini. quelle que soit l'interpretation theologique ou metaphysique admise par ailleurs. c'est une ancienne existence qui s'acheve. Des lors Ia proposition de Ia philosophie traditionneUe que Sartre et Heidegger ne cessent de combattre : « C'est l'essence qui fonde l'existence » va se trauver retablie dans tous ses droits. L'instant qui doit etre a la fois commencement et :fin. d'un acte de ma liberte empirique. C'est une liberte transcendantale qui se trouve requise ici comme precedemment. mais le cours du temps n'est pas fait d'instants. une :finitude essentielle de Ia liberte. pour Sartre l'instant est comme une sorte de dechirure dans le cours du temps. Sartre a deja concede que le projet fondamental initial ne saurait se constituer dans Je temps puisque c'est lui qui fait naitre le temps.~ncien cycle de duree et commencement d'un nouveau est le moment de Ia conversion. Les « instants » auxquels Sartre fait allusion ont toujours ete decrits par lui comme l'effet d'une sorte de grace. << La liberte qui n'est limitee que par elle-meme » se trouve effec- . Manifestee dans Ia vision internpareile de l'instant. poetes et mystiques ont donnee de la nature de certains « instants ». il n'en resulte pas cependant que 1es SltUatlOnS CO~Cretes dans 1e~­ quelles je puis me trouver en decou1ent de ~a meme fa~on. je n'aurais pas rencontre ce rocher. ne 1aisse Ras d' et~e dsset obscure. Sans doute. ont ete eiles-memes choisies. .t reussie puisqu'elle pourrait etre repr?duit~ d~n~ ~haque cas . De telles situations n'existent pas en fait. Sartre entreprend cependant de n:ontr~r que d~ns chaque. Ayant fait le projet d'aller droit devant moi. qu en. C'est le choix du projet qui fait naitre Ia quali:fication de ce qui peut le servir aussi bien que l'entraver. Comment pourrait-on nier qu'elle impose effectivement du dehors des 1imites a Ia liberte.esca1~de projetee. c esta-dire qui confere a ses donnees une SlgntficatlOn sans 1aquelle elles SC trouveraient reduites a l'etat d' « existants bruts ». que Ies obstacles aussi bien que 1es « uste~sil~s » d~ 1a . Il est facile d'envisager des situations d'un caractere plus dramatique dans lesquelles interviennent des etres [ 91 ] .. Si l'on consentait a se placer dans Ia perspective ou les jeux ne sont pas encore faits ou il s'agit de se decider . On pe~t se demander cependant dans quelle mesure elles se rapportent b1en au problerne de Ia liberte de Ia decision. car ce n'est pas moi qui ai place le rocher sur la route. On pourrait songer a interpreter 1a. d'un autre cote. « 1e projet » librement assume projette sur l'ens~mble de Ja S.tie e a formu1e se1on 1aquelle: « i1 n'y a de 1ibert. Ia « s1tuat10n » apparaitrait d'une toute autre maniere.1gmficat10n d'obstacle aussi bien que 1es asperites 1eur va1eu~ d'mstr~ments de 1a realisation. Cette derniere assertion destinee a eclairer . proposition parfaitement ana1ytique au sens kant1en ~u m?t. E~ e~et. 1e rocher perdra sa s. Il ne s'agit pas ici de contester le bien fonde d'analyses brillantes avec lesquel1es au surplus Ia Theorie de Ia Forme et 1e Behaviorisme teleologique de To1man nous avaient deja familiarises. s'il est possib~e de. puisqu'en fournissant les donnees. Des 1ors ces « situations » ne vont-elles pas appara1tre co~me 1mpo~ant a 1a 1iberte autant de 1imitations du type externe. s1tuatwn ~ en genera1. et non plus simplement d'executer ~ne decision. 11 est remarquab1e en effet que dans ces descriptions. montrer ~u~ le concept d'une 1iberte de choix exige u?'e «. Sartre adopte constamment Ia perspective d'un choix qui n'est plus a accomplir. C~ roche~ me ~ara1t-11 ~< d1f~c11e a esca1ader ». Ma1s 11 dev1endra1t a1ors d~ffic1~e d~ maintenir 1a seconde partie de l'argument : « C'est 1a hberte qui fait 1es situations ». projet d'aller ~e ravant sur cette route. cette qua1ificatwn n'ex1ste qu en fonctwn d u~e . c'est 1a 1iberte qui fait de 1a ~~t~at10~ ce qu eile est.1~ ~e1ation . pre~er~ par. mais.AlME PATRI ~i>:EUCALION tivement 1imitee a 1a 1iberte qui peut ne manifester qu'en « situation ». ma1s Ia rencontre qui n'etait pas comprise dans le projet initial ne saurait etre consideree comme un fait de ma liberte. En effet. a l'esca1ader. s1tU~t10n » en disant que toute 1iberte de choix suppose qu un c?oiX m est donne. si je n'avais pas fait I. Abandonnerai-je ce projet. mais qui a deja ete accompli de teile sorte que Ia liberte de l'execution parait seule en cause et non plus Ia liberte de 1a decision. el1e Iimite 1es possibilites du choix? 11 ne s'agit pas d'inventer une situation chimerique dans laquelle aucun projet ne serait en cours de realisation de teile sorte que la puissance nue de 1a liberte aurait besoin d'u~ moteur etranger pour passer a l'acte. mcompatih1es avec 1a doctrine d'une 1iberte qui ne serait « 1imitee que par ellememe )). cas d'espece. On pourrait donc penser que 1a demonstratwn e~. Mais les donnees d'une situation ne sont jamais stables de teilesorte qu'a chaque instantdes rencontres imprevues contraignent effectivement a accomplir des choix nouveaux. c'est 1a 1iberte qui fait qu'il y a des « situations ». a ~e c~ntourner ou bien a renoncer a mon projet Initial. de Ia situation eclair~ a Ia lumiere du projet.et q'! 11 est possib1e de soutenir que 1a hberte hm1tee par 1a s1tuat10n r 90 1 concrete n'est effectivement Iimitee que par elle-meme.rea~1sat10n prennent 1eur va1eur.gene~a1e qui existe entre 1a 1iberte des projets et 1a « factleite » des s1tuatwns avec 1esquelles eile se trouve aux prises. je rencontre un rocher qui m'in~i~e.ltU~tlO~ Ia 1umiere qui lui est propre et c'est en fonct10n de cet ~c~a1r~g. On ne saurait dire que les hypotheses qui s'imposent alors a mon choix.. Da~s cette hypothese ce seraient 1es d~nn~es o:ff~rtes a~ chmx q~1 c?nstltueraient 1a « situation ». Ce concept etant contradictoire en lui-meme ne saurait engendrer que des consequences contradictoires. Ainsi constamment. Un sage pourrait dire que je n'aurais du me promener a pareille heure sur des routes desertes. cette proposition est parfaitement analytique : tout choix suppose des donnees a choisir et les donnees n'ont pas ete elles-memes choisies. mais qui serait en meme temps liberte de choisir. Je rencontre un malfaiteur qui me propose l'option classique entre Ia bourse et Ia vie.• DEUCALION humains ou des personnages surnaturels comme dans le recit de Ia Bible. Ce n'est cependant pas moi qui ai decide une pareille situation. il ne saurait etre question de faire qu'ils ne l'aient pas ete et leurs consequences sont irrevocables. Ia liberte du choix se trouve limitee par quelque chose d'autre que par elle-meme. Comme nous l'avons dit plus haut. ces choix ayant ete accomplis. De meme Adam n'avait pas choisi de se trouver dans le Jardin et ce n'est pas lui qui avait formule Ia defense qui du meme coup constituait Ia tentation. mais seulement rechercher a quelles conditions elles pourrait etre possible. Si « le peche est lie avec la loi » c'est que Ia liberte d'Adam ne suffit pas a elle seule a expliquer le peche. Au cours de cet examen purement critique nous n'avons pas prt!tendu etablir l'existence d'une liberte de choix. Ces conditions ne sont pas celles qui se trouvent incluses dans la doctrine de Sartre. Elles s'imposent du dehors a celui qui choisit. Nous trouvons donc finalerneut la raison des antinomies qu'engendre Ia notion d'une liberte qui ne serait limitee que par elle-meme. [ 92 ] LE TEMPS CliEZ HUSSERL ET CHEZ HEIDEGGER YVONNE PICARD . Dans Ia mesure meme ou elles paraitraient resulter de choix anterieurs. c'est deja philosopher. la demarche philosophique essentielle est analytique : elle consiste a retrouver l'etre cache. Donc la philosophie n'inaugure rie11 a proprement parler . La recherche mene de l'empirique au transcendantal. de l'ontique a l'ontologique.~ tlll !941. Exister. devoiler le Dasein masque a lui-meme. de l'authentique a l'inauthentique n'est pas compris de la meme fa~on par ces deux philosophies. l'une comme phenomenologie existentielle (C'elle de Heidegger) et l'autre comme phenomenologie reflexive (celle de Husserl). mais dans Ia meme direction qu'elle Ia connaissance de l'existant. eile se borne a prolonger l'attitude spontanee. Il nous semble qu'une teile methode (ne differant pas sensiblement de celle de Kant) est animee d'une sorte de confiance dans le salut philosophique. nologiques.N ous voudrions montrer a propos du problerne du temps tel qu'il est traite par Heidegger et par Husserl l'opposition de deux methodes phenome. mais masque en ceci Ft (1) Nous tenons a honneur de publier ces pages d'Yvonne Picard. a remonter du conditionne au conditionnant. Ip!)rt!! ep Allemagne dans un camp de concelltration.c'est-a-dire encore « l'experience qui donne leur sens a toutes les ·autres :. [ 9S ] . a decouvrir ainsi de quelle fa~on est possible l'existence dechue. etudiante ~ Sorbonne. :J!:lles OJ:~t e~e. Pour ffeidegger. efritc.. a pour· suivre plus loin. I1 ne faut qu'expliciter les projets implicites que formait la « banalit~ quotidienne ». qu'on pourrait designer. le rapport de l'originaire a l'origine. Bien que l'une et l'autre recherchent c l'existant tel qu'il se montre :. c'est-a-dire l'etre le plus originaire . u. et deja meme pour l'inauthentique. . la facticite. la spatialite du Dasein ne sont-ils que l'expression d'une decheance fatale due a l'inconstance essentielle de l'exist. ayant reconnu son destin. Le Dasein est partout et toujours « . bien qu'on camprenne encore en quoi consiste l'aba?don de cette verite de l'existence. Cocbin p. un temps plein.a priori .. mais clont il suffit de reconnaitre que ce sont ceu:x qui se posent dans Ia philosophie meme de Heidegger. 1'Augenblick ou instant revelateur. La conscience est a l'abri de la dispersion. p. r62 ).au sens intime dans le sens Kantien du terme. Elle est une fois pour toutes ce qu'elle doit etre. se preserve de retomber en arriere de soi-meme. le relachement de la tension qui met pour la premiere fois le Dasein face a face avec lui-meme. --. le propre de l'existence authentique est de toujours avoir a soi le temps. Z. a s'absorber en lui-meme (p. a se detacher de l'avenir et du passe par lesquels seuls il est. Tantot au contraire Heidegger mon"tte qu'il y a un mode de temporalisation du temps qui en conserve la valeur primitive. cette difficulte se traduit par une ambigüite d~ns la pe~ee meme de Heidegger : tantot la temporalisation de la temporahte ongma1re semble amener necessairement le retour a un concept vulgaire de temps. rien n'est plus a recommencer.toutes choses qui n'appartiennent qu'a l'existence non encore authentifiee. Ainsi semble realisable l'affirmation du chapitre sur la mort : c La realite humaine (Dasein) par l'elan de son ant1c1pation. son geschehen est aussi un mit-geschehen . 367) de deduire l'espace du temps ou d'accorder .t repose de la fac. on cesse cependant de voir pourquoi cette decadence est encore possible . C'est pourquoi.. c'est-a-dire le retour a !'Unentschlossenheit.on vivante et durable et un ·glissement vers l'inauthentique dont on sait pourtant a present qu'il est degn- r 97 J 7 . qui fait que le Dasein cesse de se comprendre lui-meme et ne s'interprete plus qu'a partir de ce dont il se soucie. et desormais sa liberte ne peut etre alienee.le Dasein a non seulement un destin. (S. Au futur authentique correspondrait alors un passe authentique.ence ? n'est ainsi que reporte c. u. il appartient. de ne jamais le perdre (§ 79). il dit bien souvent que l'espace est un temps dechu. 417-418). mais une destinee. Ainsi donc les questions ne se posent plus. u. une fois parcourue la voie qui mene a l'existence authentique. p. a un souci du monde. § 74). ce qui ferait par la-meme jaillir un pn\sent authentique. n'a pas de peine a maintenir sa fidelite a soi-meme. Il y a bien ainsi un c zirkelhaftes Sein des Daseins »· (S. en arriere du pouvoir etre deja compris et de · « devenir trop vieille par ses victoires » (Nietzsche) (trad. de la fragmentation et co~e du mo~naya~e..on suivante : le temps decrit par Heidegger comme authentique est-il un temps riche. un temps d'experience? Ne se trouve-t-il pas vide de tous ses contenus (le monde. naissance du premier regard de conna. une question demeure sans reponse : d'ou vient la chute comme teile ? En quoi constitue-t-elle une fatalite ? Heidegger ne semble pas toujours croire que la banalite quotidienne doive reprendre ses droits apres l'accession a la c vraie vie :. La decision n'est pas et ne peut jamais redevenir un evenement empirique.. c'est-a-dire un moyen d'acceder a la conscience des autres hommes (et surtout des hommes morts) dans ce que Heidegger appelle le retour et la « replique » du possible ? Quelle portee faut-il donner aux affirmations comme celle-ci : le Dasein existe essentiellement (et authentiquement) comme realisant une co-presence avec d'autres. les choses dans le monde.. c'est-a-dire aussi l'analytique exi!>te~tielle) ne realisera pas un gain veritable sur la comprehension preontologique. § 67: « Alles Entspringen im ontologischen Felde ist Degeneration ~ ). Mais le problerne souleve plus haut : l'etre-au-monde. Le Dasein. L'espace cesse ainsi de paraitre veritablement originaire. Il semble etre une degradation du temps. Bien que Heidegger se deiende (p. la Gewesenheit. La conscience ne peut pas etre sans d'ores et deja comprendre.un privilege . p. dans la verite ».a une communaute. de son existence en une serie de « maintenant » discontmus. « Dans la decision resolue reside la constance existentielle qui a d'ores et deja. de l'oubli. (C'est une question de savoir s'il y aurait un monde et un etre dans ce monde si le Dasein parvenait vraiment a se maintenir dans l'existence authentique. 3 I 5). l'acceptation de la mort dans son sens ineluctable. L'Entschlossenheit n'est pas un etat vecu qui ne durerait qu'autant que l'acte de resolution lui-meme. Z. 11 n'apparait que comme une consequencc du Wesenhaft verfallen caracteristique de l'existence (cf. Z. c'est-a-dire une presence vivante du moi a l'autre que moi-meme . 369.ou bien Ia solitude que reclame l'etre pour la mort est-elle si radicale qu'elle rep~msse derriert! elle toute comprehension de !'alter ego ? La mort comme possibilite de l'impossibilite d'un Dasein ou d'un « etre-la » a-t-eile pour consequence d'arracher l'existence a ses possibilites effectives et concretes ? Est-il sur qu'il · y ait une clef de l'histoire. a se deraciner en quelque sorte. Le decret qui ouvre l'avenir le Iivre pour l'eternite. Mais cette dificultc lormelle est selon Heidegger pleinement compensee par ce fait que la verite est alors garantie une fois pour toutes. La question generale est : quel peut etre le contre-coup de la decouvette d'une existence authentique sur l'existence decrite jusque-la ? L'alternative doit-elle etre Iaissee entre un etre a !a verite presque impossible a realiser d'une fa<. anticipe chaque instant possible ».issance. De ce point de vue. Problemes qu'il ne s'agit pas maintenant de resoudre. l'ayant-ete-avenir. a un peuple. a un~ geqeration (S. dit encore Heidegger. 75 ). les autres Dasein) ? La situation presente qu'il revele constitue-t-elle un present reel. de par son essence. sans hens V1s1bles les uns avec les autres. Heidegger reconnait en toute bonne foi que cela occasionne une espece de cercle vicieux : la connaissance (et en particulier la connaissance philosophique. Pourtant.YVONNE PICARO DEUCALION s(ulement qu'il se contentait de connaitre (kennen) la verite sans Ia reconnaitre (er-kennen) pour teile. Apres la « decision resolue ». la reconnaissance du primat de l'avenir. constitue par l'oubli de l'avenir et par une pretention injustifiee du present a s'imposer. le temps de Husserl n'est un « vorhanden ». il ne cesse de la voir (§ 81). Husserl dit lui auss1 : 1 etre est le temps. seulement la prise de conscicnce ne constitue pas pour lui un changement radical capable de bouleverser les rapports de la realite humaine avec le monde. profilee. pour le monde de se « mondaniser ». une forme unique d 1 ralite. erendce deux philosoph' L H ppos1t10n er 1es. IV. . . que. - Caractere dialectique du temps. un courant de consCience. e a ou 1' 1 d · age ». ·et reconnaissions en meme temps que le passage de l'empirique au transcendantal ne peut se faire d'une fa<. . il y a une non-resolution (Unentschlossenheit). ~~ur 1instant. c'est-a-dire une determination d'avenir ». La philosophie une fois instauree ne permettrait plus de se contenter de l'existence primitive comme tclle. C'est qu'au fond il n'y a selon lui qu'une fa<.re apres le renoncement aux -'v1'dence . la « tonalite :!> affective (Stimmung). C'est toujours une certaine maniere d'etre pour le futur qui explique en dernier ressort les structures originales de la conscience : la comprehension (Verstehen). . malgre les detours et les ruses les plus subtiles de la conscience pour se cacher a soi-meme. C'est du temps aprt!s la reduction ph' ''1 d · • · ' . Il faudrait prendre a Ia lettre la phrase de Hegel : « Ia philosqphie est le monde renverse »..echir ici n'est pas celui du monde 0 d ~ nature (auquel on se refere lorsqu'on dit que Ies choses « prennent de u1. a Iaquelle Ia conscien~e n:aura~t pas d~ part.. n'est pas un temps psychologique. d'etats vecus (Erl. Le mouvement qui fait que l'etre se deploie et se determine s'effectue toujours dans le meme sens. la chute (Verfallen). Toutes ces metaphores sont fausses Elles ' Ii 'a · b 1 · ne s app quent qu ce qw es~ a so ument objective. Nous entendons seu ement ~a. L'etre au monde. . les · · d'mgees · ' I.on purerneut analytique. parce qu'elle est changement de sens du mouvement spontane de la connaissance.. c est ~ne consc1ence du devemr. Tel~~ est pour Heidegger l'e55ence de la conscience. c est-a. que le Dasein se perd dans un monde qu'il connait mais qu'il ne reconnait pas comme connu . a ce qui est chose dans le monde ' et non au temps pns dans sa source. pour le temps de se temporaliser : a partir de l'avenir. Consequence pour le primat de ID.. comment faut-il entendre au juste cette relation de « fondation » . l'oubli sont des consequences rigoureuses de la temporalisation a partir de la temporalite originaire. identiquement semblable. il faut que nous admettions decidement qu'il y ait antithese et conflit . Pas plus que le temps d~ He1degger.DEUCALION YVONNE PICARO dation et erreur. Toute l'ambiguite de la philosophie de Heidegger est enfermee dans cette phrase: « das Wesen des Daseins liegt ein seiner Existenz. » l'essence de la realite humaine se trouve dans son existence. aux rs1t1ons croyance mcapables de se justifier elles-memes. Heidegger dit bien. pas non plus une reception de contenus. « A la source de toutes ces degradations. ce n'est pas un devenir. l'ave~. [ 99 ] .Temporalite et intentionnalite. I1 y a une sorte d'auto-position du moi passif (ici de la facticite) qui est eternellement la meme et qui se retrouve. lui aussi. " s naives. une operation constituante monotone qui permet 1 1 ~ a dtempoles probl' • 11 1 a so ut10n e tous emes parce qu e e est a source de toutes les determinations. • I . Cela veut-il dire que l'essence est fondee sur l'existence et dans ce cas. Merne si le Dasein fuit en apparence la mort. Ce qu'~l s'agit de comprendre. la Befindlichkeit. N'y a-t-il pas une possibilite d'existence qui soit la conciliation de ces deux extremes ? N'y a-t-il pas de synthese ? Mais pour qu'il y ait synthese. qui est objectivation non consciente d'elle-meme comme objectivation.. Meme les modes d'etre au temps les plus inauthentiques comme l'attente. un temps dans lequel nous serions comme ' 1" • dans un milieu speCial.r la.11 ne tombe pas sous les critiques par Heidegger contre conceptions vulgaires du temps. Non seuleme t c temps sur lequel il faut refl. un ecoulement. Espace et temps chez Heidegger et Husserl.ne doit-elle pas hre plutöt un rapport d'opposition dialectique qu'un rapport d'inherence ? ou bien cela signifie-t-il (ce qui est a craindre) que l'essence est comme deja la dans l'existence. Ainsi se n!vcHe toujours.LA THEORIE DE HUSSERL NE TOMBE PAS SOUS LES CRITIQUES DE HEIDEGGER l Le temps ?usserlien. entre l'ontique et l'ontologique .entre ce qu'on pourrait appeler l'a posteriori et l'a prfori heideggerien.bnisse) se succe~ant par une sorte de loi fatale inexplicable. ·· de . une conscience du temps.on pour le Dasein d'exister. projetee. dit Heidegger. derriere les modes d'etre en apparence les plus divers du Dasein. et qu'il suffit d'une sorte de travail d'epuration pour la retrouver dans sa verite et sa plenitude sans qu'un progres veritable soit accompli pour cela ? Une phenomenologie non plus existentielle mais reflexive devrait prendre conscience du caracti~re absolument revolutionnaire de la reflexion sur l'existence. e temps que usserl reconnait pour veritable n ' pas ~ette sorte d'uniformite de temps heideggerien C'est un tem d: lpre~ente · ps 1a ect1que. - Conclusion : temporalite et reflexion. on par e e ce qu1 est « vieux comme le monde ») mais ce n est. di · enomeno og1que qu 1 Olt s ag1r. Si bien que c'est precisement dans 1 di1f' des conceptions du temps que doit se ehereher en definitive l'o a . la curiosite. r en e ors e la multiplicite. « L'engendrement de modifications incessantes est le temps meme » (Zeitsbewusstsein. Il y a une reorganisation continuelle de la conscience a partir d'impressions creatrices (Urimpression) sans cesse renouvelees. ~ ~xbaplphque a la temporalite originairc. e. e ~ es on e. pour mieux dire. qu'elle est intemporelle. ne peut UI convenir qu'a titre d'image meme le d « F ux » et 1 t d • nom e es ermes e source premiere. C'est un changement chose qui se deroul. tOUJours se changer en repos ou 1 . Elle ne rejette pas definitivement hors du temps la Zeitbewusszein. ni multiplicite non-union. Au contraire meme 1 flp seb ~ ux ne peut amst etre etendue en continuite avec soi' e ux a so u est un changement qui ne co t 1' 1 . encore une fois.alement pas entit!rement satisfait. m unite par elle-meme d h d privee d'unite. d' .ou. Mais cette transcendance de la conscience cloit etre entendue d'une fa«on particuliere. cela signifie seulement ' tl ne dure pas (note 6). pour surmonter la multiplicite des « evenements » se place d'emblee dans une activite pure.. e rea tse. 1tssement ».n'est-il pas emprunte aux conceptions vulgaires. tl n'y a rien qui dure » (E Let ::ore: b~ ~af du~ee su~pose toujours un identique dans la serie du temps. l'union de l'union avec Ia . etant emprunte ol Jec tvtte.. est-a. « 11 est. se ep 01~-t-I ' . Il faut renoncer des l'abord a toute explication par les « contenus ». que ce c angerne t •' · le t n n ~a~t pat c an~e~ent des contenus individuels qui se presentent dans I' ' · . Zeitlos (note 6). Busserl precise immediatement qu'il n'entend pas par la soit un defile en lui-meme incomprehensible. L'etre individ 1 ' qu en tant que tel durant (l"t . ats ce a ne stgmfie pas que la structure de la te tttuee pa_: une f?~me vide.) la su JeCttvtte a so ue et clone tout no ' 1· d a l' b. comment doit-on decrire la « forme » du temps. rapidement. Ell . Les critiques de Heidegger au «Ich denke» kantien (entendu en ce sens etroit) trouveraient ici leur place et ne seraient pas desavouees par Busserl. n'etant qu'une contre-partie de la « dispersion » ontique.ement de constitution d'objets temporeis ? p on. assurant leur interpenetration et leur continuite par une sorte de fusion dissolvante. Nous avons dtt que le flux etait la forme de la temporalt'te' h h . (c'est-a-dire une unite factice trop vite atteinte). c. Si le temps ne doit pas etre conc. mais par la les depasse. atteignant et modifiant qualitativerneut les contenus euxmemes. une Jetzfolge? Non. clone processus » (§ ) C ' rneme est un processus de chan ement d 35 · e processus lui~pression qui persiste. .a~te et etats.exige toujours un quelque •. ~epos .ux a:: p~ur ~x el~X qu on peut parler d'une Serie COnstante et d'un perseverant a traver: e ».UI c:ha~ge. ' 1' • an qu une impress on :'eta~. Ce n'est que dans ~:1 . . comme le dit Regel. le nom de flux qui lui est applique est-il adequat ? Husserl dit du flux absolu qu'il est preempirique. de quelque fa«on que l'on entende cette alteration « Die Zeitform ist nicht selbst Zeitinhalt ». pour cette raison du mbo. e: SI le processus . au-dela de toute passivite. ' - f Comment le f1 d' 1 · '1 deploiement en fl ux. m qu on peut Ul Onner. Au de. eternel et temporel .ou pluto't 11 op t1 11 1 f d e e est au-dela de ces posl ~ns. g a une o~ure: re~:~~ daeutnont cha?gement (une rd . dit-il (§ 3 6. de la conscience derniere. Busserl emploie le mot de flux (Zeitfluss) qui designe le phenomene originaire de la temporalite : production ininterrompue de nouveaux aspects d'une chose per_<:.changement qui est ici en uestion cati pa~~ c~mmeffnous 1 avons vu. « Aucu~ morceau de flux ne peut se changer en non flux (note 6) :.u so I e qUI s a tere. ' ~ne orme o Jets perseverants (beharrlich). de genese spontanee de J·a1'1 . sa spontaneite. n'est lui-meme qu'un ontique. ~por e pas a ternattve du 1 sans aucune ch~se . ps o Jectt ' ou se sttue la duree est f d' b' . . h angement peut amst « aucune ha d f1 ' . comment y a-t-il .. Voil:i ce qui fait la non-inertie de la conscience.mt c~nsne peut etre chotst d'une fa«on arbitraire. Si le flux absolu est zeitlos. La « conscience du temps » se presente d'abord comme neutre a 1' egard des distinctions trop tranchees entre permanence et succes( IOO J sion. note I). de contenus inertes soit un changement plus subtil. par un schema abstrait. . en c angement. ux · En quot constste lc mouvement de tem oralisati qut est ausst mou. ~mps.~~::~te . sa structure formelle constituante ? Et. non-changement comme 1 f . de nouveaux modes de se donner d'un son qui se prolonge. ue ou concret n est pensable que comme e re en tant qu etre est temporel.tre etant avec continuite dans le temps ns cet etre contmu. naturante. Busserl n~a pas recours comme Kant a un « Je » eternel qui. ontiques. il faut qu'il soit J·ustt'fie' ' e tsc~e~a fi er en h' ' 1 · · 'fi . ' ' 1. constttue essentiellement par une qmodifi?n qua ttattve a ectant des contenus materiels) Le eh . Lorsqu'il emploie le mot pour 1a premiere fois. ce qui la constitue en flux vivant. f . t ~uss~rl n est. e att e J?rocessus emptnque.e JUSttp enomeno ogte stgm e toujours faire assister au mode de production. n est p . le temps est l'etre me'me) « d urant avec c t' · ' • . [ IOI J .s un processus. Husserl rejette a la fois l'atomisme psychologique et les critiques de cet atomisme qui n'en sont que des « animations ».DEUCALION YVONNE PICARO Pourtant. purement spectaculaire.mutte. Husserl adme~­ trait lui aussi qu'un tel « Je». de toute prise possible de 1'experience sur lui.ue. invariee. de la temporalite ? Ne designe-t-il pas une suite de maintenant. Mais cette perseve'ra c 't' d 1 f1 n e se constttue comme ~t ne ~ut convenir au flux lui-meme. Elle est synthese de l'un et du multtple. fin. identique da on . Le changement qui est a comprendre ne peut etre une modification reelle de contenus reels. Le . Mais ce terme de flux n'est-il pas mal choisi .u a partir de ce qui est dans le temps (innerzeitig comme le dit Heidegger) et constitue individuellerneut comme etre temporel (ce qui est contenu dans le temps doit precisement etre un individu de cette sorte). car la capacite de presence a elle-meme de Ia conscience n'est pas sans limites. po .u. imp1ique par le nouveau . ce n est pm. fait avec toutes 1es .ote. cette negatlVlte. ce qui est 1a marque de sa constance et de sa solidite.car le maintenant qui par l'apparition d'un nouveau maintenant passe a la retention n'est pas pour autant coupe du maintenant qui l'avait precede. Le dessinne serait pas alors une ligne (comme dans Kant). un commerce (l. ~~v~a.e~:tn~~::~ dait. · 1· d e son en maintenant retenu. et sans cette nouveaute a orme certaine constance au sem n'aurait pas d'occasion d'etre. '1 ' 1ui-meme un abso1u.r. un « grand maintenant » comportant impression. se retrouve sans cesse. ou ~ut Celui-ci t:Usfor~e par la meme 1e maintenant precedent mamtenant appara1 · . se pose. L . ideal.e~t de l'idee d'un dev~nir qu'il s'agit de rendre compte. du temps ? n'. 1 f ld . On peut rapproeher cela de ce que Heidegger appelle 1'adherence du monde ambiant (die Umhafte der Umwelt. lmprevlsible dans ce qu'elle a de createur (il est essentie1 a 1a c?nsclence. et ainsi de suite . Ainsi se constitue peu a peu une unification et une continuite abso1ue de Ia conscience du temps . • ue arce que le prem1er mamtenant c1ateur un a ~o~nera. et pa~ . est condition sine qua non du souvenir authentique. a . e comporter ' · · ' d ne pas etre fermee sur so1 comme une cette ouverture. serieux. d'avenir et de passe encort! reels. a propre'?~~t' ~arl. . - CARACTERE DIALECTIQU'E DU TEMPS ET PRIMAT DE L' AVENIR ui fait en definitive que la conscience « prend f?rme » et « prend q 'elle se tem ralise c'est qu'a chaque mstant un nouveau du.sa ~aue~e. re-presentation (Vergegenwärtigung) qui s'effectue d'une maniere discontinue.nt est Na~eveloppe a son tour un horizon de protention. l'attente. u. Z. d' une nouveau t'e.) : la perception actuelle s'insere a chaque fois dans un monde non pen. 1'imagination) pourront s'elever. effectif. sans eesse reeommencee. ~o~s. ou encore bien qu'il n'y ait pas. vu.~11. ce qui est 1'indice que le temps. de cette access1b1hte a 1 avemr contre-coups e essentielle a la conscience. rehe seu ement un co . d Or d'ou 1a nouveaute vient-elle a 1a conscienee ? C'e~t. ne nous interesse pas seu1ement ici par l'a1teratlon quahtatl_"~l qu e ~ alt su ~~ a un contenu mais aussi par 1e fait qu' elle est essentle ement 'nouveau le ' ' 0 urrait dire que ce n est pas e irremp1ac. de passe absolu (Vergangen) pour la conscience. et separee de . Cette « accumulation des emboitements » qui produit un C effacement » fatal (§ I 3) fait comprendre egalement COmment emerge un « champ de presence ». ainsi que 1e dit Husser1. pas d' H 1 (ou l'ecou1ement) n'est pas tab1e.mamte~anrtemql~elr e: d::en Ainsi · 1 · • •t me sens du mamtenan. on peut se servir du terme de Heidegger. et s'actualisant modifier retentionnellement l'instant qul le prccequ 1 peu .:it ~~~gir -~ne [ 102 ] ~~ hori~~: adec..J'mgang comme dit Heidegger) de familiarite qui n'est pas encore une rememoration et une reconnaissance.. 1acunaire. l . Il y a clone retention de retention.YVONNE PICARD DEUCALION a Ia genese du phenomene. protention et un certain nombre de retentions. Teile est donc la forme sans cesse reconstruite de la conscience temporelle : horizon de protention et de retention. 1 · c n'est que parce que chaque mstant est v1se . Spannweite). Ce ·qui est retenu est garde « in Griff ». 1 avons. • h ) D'aillcurs ffi seulement donne comme ecou1ement en genera1 (Fhessen uber aupt :. . re a expliquer un phenomene d'ecou1ement ? Une forme. Les obstacles ainsi poses ne sont pas en eux-memes resistants. Comment se construit 1a forme .structure qu'on peut' dessiner. temps ». de passe mort. forme que toutes 1es autres. ) N ute qui b' chose : « Bewusstsein ist nicht ohne Impress10? ») (n. par rememoration explicite (Wiedererinncrung) necessitant un acte specifique de 1a conscience. c:e II. mais seulement un ayant-ete-une-presence (dagewesenheit). su. mais permet seule l'accession a ce monde qui n'est jamais saisissab1e totalement comme ideal. dans un rapport. ce qui marque a tout instant notre finitude et constitue des bornes a Ia liberte. Il y a ainsi une memoire spontanee qui rend possible l'oubli qui. 1 • . ror de S. Il faut voir comment.mais non pas a l'infini . al . l~s q ' d l'ext'stence de cette contingence. . mais sont aussi constamment remplaces par de nouvelles barrieres. Mais cette familiarite a une portee restreinte (ici encore. ren-· voyant a un instant impressionnel sans cesse rejaillissant .qui est comme le terrain sur 1eque1 les modes d'etre au temps plus complexes (le souvenir. il y a toute une partie de ce passe qui ne m'est aecessible qu'indirectement. comment une forme pourrait-elle a elle seu1e. « chaque phrase a 1a meme autres une seu1e forme :.us1 qfu une . n. pesant. et c'est pourquoi. d' '-venir qui de nouveau le fera devemr passe. p. comme a portee de la main. La conscience a toujours des horizons fermes. . impossible a ranimer. se deploie de lui-meme. a l'agilite de la conscienee. et toute connaissance est fondee sur cette perception primitive. · ' d'abord en protention . Le « F1lessen ». [ 103 ] . comme dit Bergson. p • f1range. e . Ce ? es:e~:~:c!d !aintenant 'peut encore etre relie eta1t 1ul auss1 ouvert a 1 avemr q . dmge vers e1' utur. en • Ce ~:n~:~n~:~a~l-:::. a son tour.. « ce ue' » 1e was de cette nouveaute qul nous tmporte seu ' mats aussl son ue s~n da~s. Il faut ehereher 1es consequences et. • comme etant annonla meme 1ui c'est-a-dire qu'il se connalt lul-meme comme pas~ager.ea~:t. ~ fai~ qu'a chaque instant elle est affectee d'une impresslon J~llhssa~te. Ce milieu lourd. . mals d'un dcvemr ven. . le Dasein l'emporte a chaque instant avcc lui et ne peut jamais faire evanouir entierement ses frontieres. bien qu'en droit mon paGse tout entier me suive a chaque instant.able. selon 1'expression de Heidegger. i1s peuvent constamment etre ecartes. La « queue » de retention peut etre plus ou moins 1ongue . tout en se perdant. son _sens pro~re. lt usser . du passe et du present . Zi) qu'un seul horizon susceptible d'etre represente par un « schema horizontal » qui se repete identique a lui-meme. mais elle est determinee par la forme de Ia loi du tcmps » (note 6). Il appartient a la structure a priori du temps d'etre' ainsi a trois termes. mais « il se mediatise continuellement avec lui ». ni non~etre.la retention n'a de sens que pour et par l'impression. ainsi le temps se constitue dans une conscience du temps. impression brute. Mais cet instant est par definition insaisissable . ou elle est partout presente a la fois. n'est pas ce qui existe d'abord pour etre ensuite relie aux « maintenants » precedents. 35 o) et que la temporalisation ne s' effectue pas piece a piece (id.on rigoureusement continue aux instants anterieurs. comme dit Heidegger. Le maintenant prive de sens. au sens etroit. enfin par le present. comme nous disons desormais. different « toto caelo » du non-Jetzt. Husserl est donc bien eloigne de donner.le second etant au creur du premier comme le noyau qui donne au fruit tout son prix et sa valeur. le lendemain apparait comme « un [ !05 ] . ibid. « Le temps est indivisiblement evenement (impression) et structure (stn.chaque phase de cette sorte fcrmant un « bloc » (Zeitbewusstsein § 3 8) une coexistence absolue. dans cette auto-constitution du temps. en se reliant d'une fac. il y a une contemporaneite du futur.YVONNE PICARO DEUCALION mais deux lignes repn!sentant les dimensions du futur et du passe. L'instant n'est. De lui on pourrait dire ce que Malraux dit de la vie profonde : « construction fatale. en effet. Le Jetzt pur est « quelque chose d' abstrait qui ne peut exister pour soi » (ibid. Il n'est pas. parce que comme tel il participe justement de la nature de ce qu'il [ 104 ] Iimite. de liberte et d'attachement. a la fois conscience du changement et conscience d'une loi de changement » (note 6) qui est donc radicalement distincte de toute conscience d'un temps empirique. un present au sens !arge (le champ de pn!sence) et un maintenant (Jetzt. Il y a ainsi deux presents . en faire « cette chose etrange » dont parle Platon dans le Parmenide. Le Iien de l'etre au non-etre. u. de necessite et de contingence. comme une couche (Schicht) ou encore une vague qui s'ecoule et s'ckroule d'un seul coup. d'activite et de passivite. Z. dit Husserl (§ 15) on decoupait le « grand present » en deux parties. A l'interieur de ce Präsenzfeld ou la conscience s'absorbe totalement en ellememe. ou quelque soit !'ordre que l'on veuille donner aux trois extases. de l'instant (entendu comme reel) au non-instant (entendu comme ce qui n'est plus reel) n'a pas a etre ehereheil est donne par Ia nature meme de l'instant. p. tel est le temps hu!serlien. empreinte directe du caractere polydimensionnel de ce dernier. il ne serait pas instant s'il n'etait pas immediatement detrone par UD DOUvel instant qui a SOll tour ne peut etre saisi au VOl.une « Gleichursprünglichkeit » des trois extases (S. L'instant n'est qu'un infinitesimal la Iimite ideale (ideale Grenze. sans cesse reprise. ni etre.. d'un permanent constitue. Ces formules heidegeriennes ne sont que Ia transposition de l'idee husserlienne d'un present total ou il est impossible d'assigner une part fixe a l'une quelconque des dimensions du temps . qui a leur tour n'apparaissent comme anterieurs que par et dans cette relation. dit Husserl.la mediation n'est teile que parce qu'elle est mediation d'un immediat-mediat. mais la mediation de l'un a l'autre. Z. L'immediat n'est donne comme immediat que par la mediation . L'un et l'autre s'exigent et s'engendrent reciproquement. L'impression originaire n'a de sens que pour et par la retention .et le present (au sens !arge) est tout ce qui possede cette Iimite. l'enserre mais ne peut la fixer.tcture de retention unifiant le temps entier) (§ p).ou.. ou de comporter. Synthese creatrice. c'est-a-dire que ce sont deux notions necessairement relatives.chaque nouveau maintenant faisant oublier le precedent et etant lui-meme incapable de se depasser. Il ne se devoile a lui-meme comme maintenant qu'en cessant d'etre maintenant. celle qui contiendrait l'instant serait privilegit\e mais la division devrait recommencer indefiniment.) d'abord par le futur. d'une duree.). un primat quelconque au present entendu au sens heideggerien: multiplicite de maintenant qui se chassent l'un l'autre et qui ne sont pas relies entre eux . convergeant Vers le point Iimite de l'instant. 345 de S. engendrant dans leur repetition une ligne horizontale COntinue a Jaquelle elJes s'appuient et SUr Jaquelle il Eemb}e que l'instant se deplace . § I 5) des deux intentionnalites protentionnclles et re-tentionnelles qui tendent vers lui . ce qui fait qu'a chaque fois « la temporalite se temporalise tout entiere » (S. 329). que pour Husserl le rapport de Ia forme du temps a sa matiere est lui aussi dialectique. toujours le meme et toujours un autre comme dit encore Heidegger. ce n'est que si l'on cesse de comprendre son caractere de Iimite que l'on peut s'etonner devant lui. p. Et il faut l'appeler Iimite. C'est ainsi seulement qu'il peut se faire que « la forme qui demeure porte cependant Ia conscience du changement qui est un fait primitif. Dire que le rapport impression-retention est qialectique c' est dire. Si. pure passivite. u. de permanence et de succession. toujours recommencee. d'une fa~on plus generale. ni l'un ni l'autre.dessin donc a trois dimensions coupe sur le temps. l'instant) . L'impression n'est pas « un contenu qui serait apporte du dehors a Ia forme. trois extases et de ne former pourtant a chaque instant qu'une « unite temporeUe extatique » (p. et mediat et immediat renvoient absolument 1 l'un a l'autre et leur rapport est diale'etique. d'anticiper l'avenir autrement qu'en se lc representant comme un present non encore reel et incapable d'amener un imprevu : dans Ia banalite quotidienne. ensuite par le passe. d'un hasard unique ». u. La conscienre qui a ttn avenir n'est pas une chose. La tcndance a se depasser soi-meme lui est immanente. non thematisee. L'ignorance a son egard n'cst pas. L'avenir est un a priori une dimension originaire sans laquelle la conscience ne serait pas. dit Heidegger. un texte chiffre clont je ne possede pas la clef reste mysterieux pour moi). et voila pourquoi il est in·determinable. Transformer le temps en une Serie monotone. 3 24). promesse d'Erfüllung. ( I06 ] seder :. l'etre temporel comporte ainsi une privation essentielle qui le fait aller au dela de toute realisation effective. Iei se precise leur difference essentielle que nous devons examiner maintenant. ce qui evite 1a confusion et empeche que trop de sens divers s'offrent en meme temps a la conscience. comme le dit Hegel : « L'etre pur et le neant pur sont identiques ». ce fond de neg3tion. Alors que la chose ne sent pas la privation. z. Le Dasein. mais au contraire raison d'etre de la reflexion condition de possibilite d'un regard de connaissance explicite.abime . il resulte de l'existence d'un a-venir pour la conscience humaine. Z).La conscience qui a un avtnir n'a pas d'idees au sens Je eidos qui puissent etre comme des choses fermees sur soi. Tel est le sens de l'expression husserlienne : la conscience est « ouverte » pour que du plein apparaisse. Et pour lui seul la phrase : « deviens ce que tu es » peut ainsi prendre un sens (S. On peut rapproeher cela de la conception husserlienne de la protention qui est comme une avidite de toute la conscience actuellement constituee et unifiee a l'egard de ce qui est a venir. si peu a peu par la reiteration de ce mouvement de passage au passe. u. une id~e qui serait complete par elle-meme (Verstehen ist nicht thematische Erfassen. P· ZJ-Z4)· Le neant appartient a l'essence de l'etre qui est temps. accessible a la nouveaute. mais qui ouvre les voies. retenus SOUS le regard de Ia conscience. - Que C(dui-ci n'est pas donne comme une chose. Negativement. le pro-jet. Elle n'est pas limitee et bornee comme un etre inerte. il l'est pourtant existentialement ». Le nouveau maintenant ne fait pas oublier les maintenant anterieurs puisque ceux-ci sont gardes intentionnellement. en tant qu'etre d'ores et deja decouvert. Etre ce n'est pas etre d. c'est-a-dire vis·er quelque chose en vue de quoi cet etre puisse exister. La temporalite se temporalise a partir de lui (et c'est d'ailleurs la seule raison pour que le mouvement du temps qui passe soit oriente. non-vivant. un sens). Conformement a l'idee fondamentale de Husserl. Le temps ne sera plus represente que par une ligne droite. vers l'avant comme devan't un . le vident en quelque sorte. s'objective. Pour Heidegger.qu'il n' est clone pas principalement source de dispersion. par nemple. § 3 r ) . u. L'avenir n'est pas uniquement imprecis faute de donnees suffisantles (a la fa<. « L'existant n'a de sens que dans la mesure ou. Mais il est impossible a preciser par essence.puisqu'il est au contraire continuite absolue. c'est-adire a partir de ce sur quoi ce projet porte ~ (p. comprendre l'avenir a partir du present equivaur alors a faire disparaltre cette dimension du futur.DEUCALION YVONNE PICARD eternel hier » (§ 71 ). 11 faut dire du Dasein que « ce qu'il n'est pas encore dans son pouvoir etre. non saisie expressement par elle-meme. et meme. Elle est un defaut de savoir irreductible. pour qu'une creation et une nouveaute soient poslement inherent· a la conscience.!vant un avenir etale devant moi. ait une direction. est toujours davantage que ce qu'il est en fait (tatsächlich) ou quand on le reduit en termes de Vorhanden et de Seinsbestand. Les choses n'existent que pour [ !07 ] . Pour comprendre. il deviendra comprehensible dans un pro-jet de l'etre. Heidegger appelle cette deformation du temps qui en fait une suite de « maintenant » qui se ressemblent un nivellement. je ne sais pas en fait ce qui arrivera.qui n'aurait rien a gagner ni a perdre de lui. devoile les horizons a l'interieur desquels la comprehension reflechie se realisera. . C' est au contraire une sorte de prise sur l'avenir qui est liee au destin des evenements. 3 3 6 S. 11 faut qu'il y ait. 3· . mais encore il admet comme Heidegger que l'avenir a un primat dans la constitution du temps. Le projet est cette pre-comprehension. (Platzhalter des Nichts . Z. Or le temps ·de Husserl n'est assurement pas comme celui-la un discontinu . qui le fait etre· plus que tout ce qu'il est.Was ist metaphysik. Elle n'est pas prisonniere de tout ce qu'elle a ete et est encore. de negativite. et non plus seulement implicite (comme dans la retention) porte vers le passe qui s'ecoule et par }a meme SC precise. il faut donner un sens a l'etre. d'etre consistant. il n' en reste pas moins que cet oubli est la condition necessaire du rappel du passe dans un souvenir veritable .on clont. un plan de construction ou rien ne serait a remanier. Elle n'est pas la somme des evenements qu'elle a subis. considere comme seule evidence. d' enrichissement constant de la Zeitbewusstsein. mais jr ne puis pas le savoir. qui ferait tableau.. le futur n'est pas du tout objet. ou encore. Non seulement. suivant la definition cartesienne de l'erreur « l'ignorance de quelque connaissance qu'il semble que je devrais pos- a l'avenir. objet de contemplation et d' etude . x. un Vorhanden. l'Entwurf n'est pas quelque chose d'indifferent au futur . toute connaissance est ainsi definie comme connaissance d'horizons ou encore comme perspective. les anciens presents disparaissent du champ d'actualite.et de l'expression heideggerienne : fhomme est le point d'appui du neant. essentielsibles. leurs conceptions s'opposent seulement dans ce qu'elles ont de positif. p. Non seulement Husserl ne donne pas un privilege naif au present. Ils admettent les memes consequences negatives du primat de l'avenir . ce vide. Pourtant Heidegger et Husserl ne sont pas · pleinement d'accord sur la nature de cettc primaute. car si l'avenir devoile la possibilite d'un etre a soi. une apparence deployee par ~ne eternite intemporelle que la mort ne pose pas de problemes veritables a la vie meme. eile prouve qu'elle est infinie preciscment en se determinant comme finie ? Car la negation est finitude. comme le d~t bien Heidegger. L'elan anticipateur. il semble que le moi vivant soit rt!parti entre un present et une multiplicite de passes ou anciens presents. est un "i!tre libre et une conscience de soi. Car l'avenir hussedien est sans terme. Ces formules sont l'equivalent de la demonstration husserlienne de l'unification dc la concience par l'avenir. seulement pour ce qui est deoasserneut de cette negation. le pouvoiretre dans lequel il s'agit de son etre absolument propre. Elle est.ger). il faut de plus savoir s'il transforme cette possibilite en realite.. mais d'une sorte particuliere. existant de. § 53). de le posseder. permet l'acces au sens des choses. On peut remarquer que la mort est un a-venir. dit Heidegger . Nous savons ce qu'il en est pour Heidegger. passe d'un etat ou eile existe a une situation ou eile connait. c'est si l'etre pour la mort permet au Pasein d'en venir totalerneut a soi-meme. a deja. privation. anticipe chaque instant possible » de sorte que le temps soit ainsi comme vu completement du point de vue de l'avenir. c'est-a-dire que des intentions ou des pro-jets portant sur l'avenir sont peu a peu remplis par le mouvement progressif de temporalisation objectivante. dit Heidegger. est impensable il ne peut etre mediatise.cesse d'etre vecu pour etre connu (assume. dit Heidegger). [ !08 ] L'elan vers la mort ecarte definitiverneut les retours a la facticite. ainsi maitres du temps ? Non. Ainsi la . l'un et l'autre la positivite la plus haute de la realite humaine ? Pas encore . a un moment quelconque. La decision anticipante assure la « totalisation » de l'existence eile est la preuve de son pouvoir de former un tout (ganzseinkönnen). puisque justement eile arrete a eile l'avenir..qu'elle !ui ~ssi: gne n'est pas teile qu'elle permette de le dommer. Est-ce a dire que Husserl meconnaisse le problerne de la mort ? Refuserait-il de dire avec Heidegger que le Dasein existe pour sa fin. place enfin l'homme devant son soi. toute realisation actuelle.elles naissent de lui et ne suffisent pas a l'absorber enrierement.. non pa: seulement la contingence pour Pexistence (au sens ou le contmgent est ce qut s'insere mal dans la forme de ma vie. libere a jamais le Dasein. existiert endlich ? Sans doute pas car ce n'est que pour une philosophie qui voit dans 1e temps une image. les engendre veritablement. C'est pourquoi il est le moi authentique. 11 faudrait donc distinguer entre etre pour sa fin et etre comme fini . et eile seule. 11 est toujours vu du present. la possibilite de !'impossible. pris en lui-meme. au heu de la fa1re evanoutr comme le cr01t He1degger (§ : « 11 y a dans la decision-resolue.. L'avenir est ce qui permet enfin au Dasein d' « en venir a soi-meme » (Sein und Zeit § 6 5). (Encycl. nous possedons une puissance de depassement inconditionnee. L'lntention unique qui est en soi Intention sur la chaine des plenitudes possibles clont parle ftusserl (p. cesse d'adherer a ses impressions pour en faire des significations.plus ~eneuse 1a menace de dispersion.l'intentionnalite la plus profonde. Mais ce qu'il faut se demander. puisqu'elle est accession assuree a cette eternite. D'ailleurs. 11 la revendique comme individuellement esseulee » (S. jamais en possession totale de la verite.son pouvoir etre le plus propre. n'existe pas necessairement de la seconde maniere. de par son essence. Elle n'est donc pas un phenomene du temps (l'instant de la mort. les relie. place d'emblee au dela de toute chute. intentionnalite operante (fungierende Intentionalität) ou latente. et par la meme devant sa solitude.ort. elle n'est jamais accomplie. si « la decision resolue. u. et le present renait toujours. Mais on decouvre que l'avcnir est ce qui fonde ces passes et ces prescnts. ce qui apparait comme lui etant etran. le rapport infini aTec soi :.et dire que la1 conscience. Elle n'impose donc pas rigoureusement de fin au temps. de 1 av01r a soi comme le voudrait Heidegger.a de ce pouvoir etre fondamental .YVONNE PICARI> DEUCALION autant qu'eiles prennent un sens. Il est ainsi la puissance essentielle de l'esprit . La referen~e a l'avenir amene-t-elle les memes resultats chez Husserl ? Sommes-nous. Hegel n'a-t-il pas raison en disant que « meme quand on parle de la raison finie. Il deploie devant la conscience les espaces necessaires pour qu'elle sc meuve. en tant que multiples et dispersees. L'avenir est ce par quoi le passe prend figure et forme .:on. sont en de<. dit Husserl. de depasser entierement sa facticite. s'il lui donne un sens plein dans l'existence elle-meme. et qu'ainsi eile ne fait pas a proprement parler question. Les possibilites concretes de l'existence. $ H9) Dialectique du fini et de l'infini. De plus la mort est la contingence de l'existenc~ la plus . il n'y a pas de oassage continu de l'avenir au passe). en nous revelant a chaque fois son caractere de partialite. c'est-a-dire a leur Ihre le plus veritable. ou encore la fi:'.n_:. 41 I Zeitbewusstsein) nous arrache a toute Erfüllung. ne. Au premier abord. mais les fait venir a l'etre. 11 y a clone toujours l'a-venir pour la conscience. mais contingence de ]'existence e~le-meme en :lle-meme. Ainsi pour Husserl comme pour Heidegger l'avenir est ce qui donne la verite. Mais si l'avenir est ce par quoi l'homme comprend. radicale. la premiere fac. Nous avions dit que Husserl et Heidegger n'etaient d'accord que sur les consequences negatives de la decouverte du primat de l'avenir. Z. Il est la racine cachee de laqueile ils sortent. ne voient-ils pas en lui. une extension originelle de l'existence 75 [ 109 ] . fa1t que rendre . ancrant plus profonderneut d~ns la cont1~gence. Mais cette verification est un ideal a poursuivre. et sa realisation complete est rejetee a l'infini. Nous sommes toujours libres d'aller au dela d'elles. Il « fait comprendre a la realite humaine qu'elle doit assumer. l'ipseite originaire la subjectivite absolue (Zeitbewusstsein § 36). Le futur est ce par quoi le passe devient vrai. non pas du dehors et comme apres coup. . le souvemr reflechi est comme Ia resultante de deux mouvements en sens contraire dont l'un est l'expression de Ia tension . Si precisement nous pouvions prendre. il ! a bie~ un primat de l'avenir. ventable du mouvement. les syntheses actives sur une synthese pasSive. une secousse qui arrache a la passivite ' 0 . mon av~nir. c~nscience. Selon J. Heidegger ne differe pas de Husserl. sans besoin qu'intervienne une coherence apres coup :. qu a a constltution d'un unique present.ention le maintenant actuel . l'a a~andonnee a_ un ~ertam . que 1 ela~ ~ers. I1 faut toujours composer avec ell.tO~Jours un c?nfh. Amsi.mps : lorsq~~ n~us portans des jugements sur les choses.une dialectique. Mais Heidegger n'ayant pas reconnu cette exig~nce ~Ialectlque qui est au fand _d~ la tempo~ali~e. apres la declSlon-. il n'a pas eu de seropule a cesser de prendre _au seneux cette ' mobilite. pourquoi ce repliei?ent du temps sur lui-meme par lequel on assume un passe ? A~opter le ~mt de . Nous ne pouvons jamais abandonner les horizo du temps. quand il etait mainte~an:. au heu d accueilhr et de la1sser s ecouler passwement chaque impression nous les . intention continuelle vers ce qui a ete indication vid~ de so~venirs possibles) et l'autre Ia marque de l'intention du p~sse comme ancien present vers le nre~~nt :~ctuel (le maintenant ecoule. qu'il parle lui aussi de l'unite horizont~le extatique de ~a ~emporalit~.t de vue d'une autre dimension que le present. On peut objecter que sur ces points. mais 1l y a . se re-passe. d'autre part. nous ne sommes pas at. contracte une « epaisseur de duree ». une perspecti. par. caracterises par Ieur « orientation changeante vers le maintena:: pur. puisqu'il n'aurait pas ete pris dans }a prem1ere synthese eXIstentielle..ue sur lui. J~. reconstitue Ce' qu'il avait pre-constitue dans un pro-jet eXIStentieJ ? N'y a-t-il pas la l'indication d'une dialectique du temps pour laquelle la reflexion le retour sur soi est une transformation. Mais au contraire.) m cesser d'etre ce centre vers quoi taut converge. u1t que que c ose de nouveau ~). od . pourquoi y aurait-il un present et un passe. et que :finalement il n'y t: ( ( IIO ) ' III ) . jamais perdue. de nouveau.P~)l. Mais cet accent donne a I une des. 1 ~ve?Ir peut • heurter comme un rayon lumineux sur un m1r01r et se reflechtr amsi vers le sy · passe et le present. Mais.passe qu'il fa~drait ens~ite a~sume. en bonne ogique. Aucun imprevisible ne peut donc.r~solue le temps est pour lui comme arrete. mstan~. qu1 fera1t Ia preuve du caractere partiel. Il est impossible de quitter cette conditiOn d etre situe dans Ie present . Ies empiristes auraient raison : le souvemr serait un f~agment detache qui revivrait.vemr n est n~ !a resu~~. revelat10n.peut v~mr a~res l~I.: d abord parce que Ia mort est pour Heidegger une :fi~ ab~olue. d1mens1?ns ?u t~mps n.i~ai. insuf:fisant. aurait-on « du mouvement pour aller ·n . Impression. dans Ia constitution du te~ps. pas regarder dans l'attitude irreflechie) vers l'avenir ou le passe. I h b UI.t ~t . la prise de conscience un moment orlginal.e fait pas disparaitre Ia forme originaire de Ia consc1ence : retentiOn. Aucun nouveau maintenant ?e . qu'est-ce qui fait au fond que chez Heidegger. protention.ante .YVONNE PICARO DEUCALION vivant » (p. surgir a s~ SUite. Husserl aurait donc eu raison de ne pas penser que.un rapport dialectique entre les deux points de vue. nous prenons en quelque sorte le te~ps en mams {amsi « Ia forme originaire du jucrement est celle d'un acte q · • h . " 1 ° la temporalisation du temps ne doit aboutir. pmsque Ia temporahsatiOn aboutit a la constitution d'un « instant connaissant » critique. Je puis pren~re partiel~ement le pom. .t. mais jamais de point de vue de _I . il n'adopte jamais « le point de vue de l'avenir » point de v~e qui est d'ailleurs rigoureusement impensable: s'il n'y avait que de l'avemr. Et c est po:urqum. p1us IOI '' 1 . Et c'est pourquoi le temps ne cesse jamais de passer.e. se replie ainsi sur lui-meme. 411. . de ce present premier en date et le repousserait dans le passe . le sou. c'est toujours zurück kommen.avem~: toUJ~Urs pomt de . !'Augenblick.~ une conscience du temps.e radicalement differente est impossible. Heidegger de !'Augenblick. Il a tout prevu. n1 la recompense d'un acte inconditionne qui. que son temps n'est pas vide du present. note xm) . N'ayant pas decouvert le: resso.taute conscience passee etant atnSI dtngee vers I Instant present. acte plein de Ia.ce qut f~It. Amsi.ant audevant de la mort. present eternel qui n'aura pas a tombe~ a so~ tour au passe. en effet. primitive ? Non.. d un.ant du present. un contre-coup. irait cueillir le passe « Ia ou il est » comme le feraient cr~Ire !es volontarist~s. . mais pour qui. f~tur {~uku~~1g) comme_ lorsq~~ nous perc~vons {Zeitbewusstsein. Il y a bien pour lui des modes divers d'etre au te. Mais alors le passe ne serait pas connu comme passe ü e pourrait ~~re « localise ::. Mais un tel retour ne se f" ait qu' une f" ots. terme au dela duquel je ne puis remonter .Iusse~I. Ce coup d'etat metaphysique a ete possible de la fa~o~ ~m. Que11e raison y a-t-il.et qui peut regarder (ou d'ailleurs ne. le ?asem ~ ela~c.du present actuel vers le passe (Ia retention. puisqu'on ne peut pas aller plus loin que la mort ? En consequence. et ce temps a l'envers ne serait en aucun: fa~. objec~iv~ns immediatement. Le retour sur soi n'est en effet possible que si l'pn fait du t~mps . Du rec~uvreme~t de ces intentionnalites jaillit Ie souvenir. vemr a sot pour le Dasein.t en pro. que. ). ne serait-ce qu un . l'instant totale. revemr vers un passe sans iequel l'avenir ne serait pas un a-venir. de le repeter ? Pourquoi.. le point de vue du present puisse etre abandonne et de ne pas accepter le pomt de vue de l'avenir.ence d'un moment du passe qui se decroche comme le disent les empmstes.nt s~ns Y avoir jamais exphcitement satisfait. a ~ a~ue mstant: pr . et qui embrassera l'avenir dans sa totalite co"!'me dit.vu~ d~ l'avenir ce serait faire un voyage sans retour. c'est-a-dire remontrait Ie cours du temps. q~n <~ pren_d du temps ». se ramene a une Situati?n co?crete. « auf das Jetzt gerichtet » note mJ. a pretendre par decret a une domination totale de l'eXI~tence. La connaissance est tOUJOUrs fondee s~r une impressionnabilite primitive. le pomt de vue du passe. Il ne peut que constituer un monde a part. elle forme des unites de duree. C'est dans la simultaneite absolue qui maintient ce bloc de duree que l'avenir. pas d'histoire. lui.~ 3 r ). cela parce que le present renvoie a l'avenir et que par consequent le passe comme ancien present renvoie au present actuel cornme avenir de ce passe. en consequence. Husserl montre en effet que non seulement la temporalisation a partir de l'avenir fait naitre un present. a une generation . alors que le Zusammen du present (au sens large) est celui de modes identiques dans leur forme. malgre les apparences. sinon. une chute. et qui n'est pas. il ne semble pas qu'il puisse y avoir un monde apres la decision resolue. il ne peut au fand en etre ainsi pour lui. Simultaneite et succession derivent l'une de l'autre.sont ainsi fallacieuses. c'est pourquoi il permet un etre a soi total. pas davantage de pn\sence a autrui. il appartient a priori a une comrnunaute. III. deux simultaneites (Zeit bewusstsein § 38) : celle qui regne a l'interieur du champ de presence. comme une couche qui se depose). Il y a. fatalement. Toutes les affirmations citees au debut : le Dasein authentique existe essentieilement comme realisant une co-presence avec d'autres. I1 faut voir maintenant comment. comme provisoire. Chaque extase se revele aussltOt a eile-meme comme non-extase. la continuite absolue a laqueile nous avions abouti n'aurait ete que celle [ 113 ] 8 . Or. eile est replongee dans le temps. de multiplicite et d'unite. u. p. et qui seul pennet qu'une succession. Il faudrait reformer sa notion du temps pour donner un sens a de teiles formules. Il y a deux coexistences. L'accusation de psychologisme portee contre Heidegger se confond alors avec celle d'avoir deduit l'espace (considere comme inauthentique) du temps (considere comme authentique) et de n' avoir pas vu qu'il y avait au dela de l'espace factice dans lequel se meut la banalite quotidienne un ·espace vrai comme milieu des choses. I1 se produit ainsi ce que Heidegger appeile une extase. il y a une repetition indefinie du temps qui est une consequence de son caractere dialectique (il est de l'essence de la dialectique d'etre infinie. Pour Husserl. est forcement psychologique. II faut insister maintenant sur ce fait que nous n'avions pas seulement affirme par la des rapports entre des perceptions. Elle amene a la fois cette apprehension simultanee et une succession irreductible. son destin est lie a une destinee. et l'instant de ce passage. Seulement c'est un Zusammen de modes de conscience derives l'un de l'autre d'une maniere continue. mais le passe d'un present. quelque chose qui nous echappe. ou plutot une unite temporeile extatique : l'avenir passe alors directement au passe.LA TEMPORAUTE EST L'INTENTIONNALITE Nous avons vu que le caractere dialectique du temps residait en ceci que le passe renvoie indissolublement au present et le present au passe. en me'me ttmps. exactement au moment ou le present authentique (le champ de presence hussedien) se constitue comme ayant-ete-avenir (avenir passe) un second passe est par la meme forme (le champ de presence precedent) qui disparait d'un bloc. et c'est pourquoi il n'y a pas. directement le passe d'un avenir. Z. 3 6 3 note I) que pour lui aussi « l'intentionnalite de Ia conscience est fondee sur la temporalite extatique de l'existence humaine ». acquierent une place fixe dans le temps (. il n'y a pas de place assignable pour lui entre deux regions clont l'une serait devolue au futur et l'autre au passe. et la quasi-coexistence qui s'etablit entre ce champ de presence d'une part et le champ de presence precedent qui devient passe. Il y a Ia une promesse que Hl!idegger ·'n'a pu remplir.2 ] chaos. renvoient dialectiquement l'une a l'autre : le temps est synthese de continuite et de discontinuite. et non de l' authenticite) correlativement. Je Jetzt pur ne peut etre saisi. la decouverte de l'etre pour · la mort. la protention a la retention. mais toujours. nous jette a des ob-jets) sont une seule et meme chose. un temps qui n'est pas intentionnel et nous separe des choses. Le temps authentique de Heidegger n'etant pas mu par cette dialectique interne. dit Husserl. qu'une suite se constitue. un ensemble de l'impression actueile et des impressions passees. il ne peut nous assurer une presence vivante au monde. le passe et le present jaillissent ensemble. a un peuple. de dialectique chez Heidegger).coup pourquoi l'etre au monde est pour Heidegger une decheance.. resultant de la pertc du temps veritable (toutes les analyses de la spatialite originaire du Dasein sont mises au campte de la facticite. Il est emergence et immersion sans heurts et sans [ 11.DEUCALION YVONNE PICARO aurait pas ainsi de synthese totale. prises au sens d'evenements de la conscience . par rapport auquel ces etres sont situes. mais que. Bien que Heidegger assure (S. comme une vague. il . Nous comprendrons du meme . des « etres » temporeis marques et delimites une fois pour toutes . L'avenir de Heidegger ne fait rien tomber. du present total que Heidegger a seul considere. et c'est pourquoi la mort ainsi comprise isole radicalement. puisque son temps n' est pas dialectique. au contraire.lui est impossible de nous faire penetrer dans le monde unique et commun de l'inter-subjectivite. Heidegger n'a pas tenu campte du contre-coup instantane qui agite le passe a Ia suite de la naissance d'un nouveau present.mais elle ne les separe pas pourtant du reste du temps. Mais cette individuation continue ne s' arrete pas aux limites du Präsenzfeld. est comme mort. Heidegger oublie que. Pas de monde. Le temps dialectique et l'intentionnalite (comme ce qui nous fait etre a un monde. eile fait tomher le present precedent dans le passe. Il y a un Zusammen qui resulte de la continuite des modes d'ecoulement et il y a un autre Zusammen qui n\sulte de ce que le mode d'tkoulement est identiquement lc meme (§ 3 8) (Je present passe d'un seul coup. un « Zusammen ». Au Iieu de cet etre singulier [ II4 ] q~i en ?n . il doit etre possible de montrer a present que nous etions deja par les analyses precedentes. La temporalisation. une unification mediate. puisqu'ils n'etaient pas explicitement distingues les un~ des autres . apparait comme la source principale de divi~ion et de dispersion de l'existence. mais qui en definitive. les unites synthetiques constituees par l'intentionnalite longitudinale deviennent clone la matiere d'une nouvelle apprehensio~. Les perceptions. cf. ni d'ailleurs d'actes purs. puisqu eile fa1t de 1objet commun une partie reelle des perceptions au travers desquelles il apparait alors qu'il n'en est que l'unite ideale. l'une dans.ru etre ~ l'reuvre.) un jour ecoule uniment est ce dont il est le plus· difficile de rendre compte et de parler. si l'on en mesure les consequences.ons : il y a d'une part. L'unite de mal conscience se fait ainsi de deux fa<. celle de l'objet qui « vit » (§ 43) dans ses apparitions multiples.r connexion fluente constituent l'unite temporelle du contenu Immanent qm s enfonce dans le passe.DEUCALION YVONNE PICARO d'une duree vecue formant un monde coupe des objets. par quoi se cree une ressemblance continue de ce que je suis avec ce que j'ai ete aux instants d'avant. il semble qu'on puisse conclure au premier abord. Il y a deux fa<. l'objet immanent comme l'appeile Husserl. a-t-il ete dit. par laquelle aura lieu la synt~ese obJeCtive p~oprement dite . sans accrocs. ~eile de l'intentionnalite transversale. soit en se reportant! a l'evenement subjectif. ce sur quoi eile s'appuie pour poser des choses transcendantes ce sont les produits de cette premiere constitution ». je le detache partiellement de Ia date de son apprehension premiere. en s~ recouvrant les une!l les autres dans le souvenir. a la perception de ce theatre qui a fait date dans mon existence. et l'espoir de montrer que toute conscience cst esscntiellement conscience de quelque chose devrait maintenant etre abandonne. en tant qu'elles tireront toute leur valeur de cette accession a un sens general (etre perception du theatre eclaire) ne seront pas con~~es comme faisant a proprement parler date dans l'histoire de Ia conscience. Elles· nous ont pa.sens ~·a e:e donne ~ar la rrcept!on premiere en un mode unique. Z. mais au contraire « inseparablement unifiees comme deux faces d'une seule et meme chose » (§ z9 ). etablie a un niveau de constitution plus complexe et qui assure Ia Iiaison synthetiaue canstitutive des objets transcendants. ~omparo~s Ia perception comme Erlebnis a un cliche photographique. le theatre lui·meme. !'Erlebnis. forcement grossiere. Mais il fait appel a une image analogue lorsqu'il dit (§ 43) que dans le cas de l'elaboration d'une chose identique dans le temps. qui s'accomplit dans le Souvenir. les pe~ceptions qui correspondent a DOS cliches) traversees par un rayon Iien. et de prouver que ces deux formes d'intentionnalites.si retentions et protentions sont des intentionnalites. le passe tire son sens du present. La dche de Husserl sera maintenant de montrer que l'intentionnalite transversale ne designe pas une operation magique inventee tout expres pour me faire passer « du c6te de l'objet » au lieu de me renvoyer constamment a moi-meme comme le fait l'intentionnalite longitudinale. de l'appn!hension du « transeendarrt :. et que l'expression precedemment employee : le mouvement de temporalisation est mouvement d'objectivation. se creant elle-meme par l'enchainement spontane des impressions nouvelles . desorma1s Impossibl~ a repr?du1re. le sens.s'Ü est bien vrai que Ia conscience du temps ne contient pas de tels contenus.10~s) sont c~nst1tuees par des contenus originaires porteurs d'apprehensions ongma1res ~ qu1 dans ~eu. que se jouent a travers la conscience deux formes d'intentionnalites (§ 39 et note 8) : intentionnalite longitudinale. I1 nous faut donc voir comment le problerne de l'intentionnalite doit necessairement se [ 115 ] . permettaut ainsi de le voir et non plus seulement de le vivre. dit Husserl. par une quasi-perception.a1t en souvenir un theatre objet commun de percept10ns possibles. il faut concevoir comme une Serie d'effigies (Bilder.l'e~ification de la . car selon une remarque de Heidegger (~ 79 de S. tous les points qui se trouvent sur ce rayon etant identifies et representant un seul point objectif. . ne sont pas fondamentalement distinctes. S1 nous. une unification immediate. par « Deckung ». Quoiqu'il en soit de ces metaphores. sur Ia voie de l'objectivite. soit l'anciennement per~u. comme nous l'avons dit. l'objet transcendant. qui par transitions insensibles. Il y a d'autre p. dont nous avons surtout parle jusqu'ici. si l'on projette en surimpression plusieurs cliches differant legerement les uns des autres pourra finir par s'en detacher a Ia maniere d'un type generique dans la the~rie des images composites des psychologues. m appa1. au lieu de le voir comme autrefois sous les especes d'une unite immanente. H:uss~rl n'e~pl?ie pas une teile comparaison. et le temps utilise de cette facon se donne a 1a reflexion comme le plus lacunaire qui soit. mais est toujours synthese de matiere et de forme. assurent l'apparition d'une unite plus concentree. devait etre prise dans son sens le plus litteral.intentionnalite transversale. Si. non des modifications qualitatives de contenus passifs .~l011S qu'1J faut distinguer J'unite qui fait d'un cliche Une epreuve part1c?here. u. assure le passage d'un champ de presence a un autre et se meut ainsi sur un plan d'immanence . je le pense maintenant comme une unite ideale identi:fiable a travers des manifestations successives (d'ou le nom d'intentionnalite transversal~) meme si ceiles-ci sont discontinues.tous ses « profils » n'ayant alors aucune peine a se lier entre eux. De ce dedoublement possible. clont le nombre pourra etre aussi grand que l'on voudra et qui.perception ou du champ de presence. DO~ dl. ~yant sa valeur propre et l'unite de l'objet qui. Mais « passe » peut ici signifier deux choses : soit Ia perception ancienne. un seul point de Ia chose. § 43 : les unites immanentes Qes perce?t.rt. Les contenus de Ia perception transcendante. assure le detachement a l'egard du passe. SOit en reproduisant directement. separees pour la clarte de l'explication. Lorsque je me rappeile ce theatre illumine. 1autre dans la constitUtion du souvemr reflechi.ons de se 10uvenir d'un theatre eclaire (§ Z7). et reciproquement . . comme etre a part. qui s'exerce meme dans l'etat de demi-paresse. le sujet et l'objet.. comme le rememore de cette rememoration » (§ 39 ). son identite. en devenant n\tention. sinon par la reflexion philosophique qu1 le prolonge et le rend plus difficile. l'avant-derniere est preservee d~ la.tte phrase. Pour qu'elle se donne . n'ecarte pas seulement un moment de Ia conscience constituee et un autre. multiplici~e organisee consciente des multiplicites passees. en effet. une sensation et une sensation. entre la noese et le noeme. son unite ne peut etre ( 117 ] . quand j'y reflechis. passant de note en note. ~·etr~ ~ien d'a. puisqu'il etait deja Ia (mais non comme objet) dans l'impression seulement en le posant pour Ia premiere fois expressivement. continu et discontinu. ~ais le ~robleme est aussitot pose que resolu. En effet. comme un souvenir de A ne rend pas seulement conscient le souvenir mais aussi A. . Elle se gonfle et s'etire dans le temps. mais aussi une intentionnalite en rapport avec le retenu de seconde sorte lui-meme en retention. il faut l'attribuer a un detachement de Ia conscience constituante d'avec elle-meme et non pas au decoilement de deux choses. Le problerne devrait alors. l'essentiel de cette structure consiste en ceci que le passe est retenu. mais encore la conscience et ce dont eile est conscience. qui d'abord ne faisait pas de doute parce qu'elle n'etait pas meme affirmee. d'un deux ex machina. eile lui confere sa nature de chose une.utre que la melodie meme. De meme. pour reprendre l'expression de Malebranche. mais qui pour l'instant n'a pour moi aucune existence separee. qu'il soit anterieur a la connaissance que j'en prends. Le Präsenzfeld n'offre pas. l'accession a Ia chosc. il faut d'abord que toute note nouvelle ne fasse pas evanouir la precedente. se poser d'abord et avant tout pour le present. de partage entre la perception et le per~u. La structure meme de Ia conscience temporelle Ia gratifie d'une memoire sans contrainte.et comment le passage. Il n'est pas besoin d'une intervention speciale. et l'autre l'objectif. ainsi. il y a simultaneite absolue de la Wahrnehmung .e~schemung) ne se.t du Wahrgenommen. Le sens commun objecte immediatement que. toujours possible. . s'il est bien vrai que l'homme qui se souvient se reporte tantot a l'ancienne perception. passant sans cesse d'etre elle-meme. · reunies par accident. Dans la conscience impressionnelle. ou mieux encore. dit Busserl. et finalement (une intentionnalite) en rapport avec le donne premier en date (l'impression originaire) qui penetrant ici est objecti-z:e. mais que celle-ci soit encore presente.et l?~squ'une troisieme note apparait. retenue . L'ob-jet comme tel. d1spantwn co_mme Ia derniere.. et non seulement par retention simple. unc cmqu1eme notes surg1ssent. du moins pour Ia reflexion spontanee. qui se separeraient comme une feuille de papier que l'on enleve d'un bloc-note. mais encore par retention de retention.site de. d abord purement Immanents. Si l'objet cesse a un moment de m'apparaitre ainsi comme contemporain. mais comme le fruit d'un acte de reflexion continu. l'un etant pour lui le subjectif. il n'y a donc pas qu' « une intentionnalite en rapport avec le retenu immediat. ne prend corps que pour et par la retrospection. fait surgir Ia distinction entre l'apparition (Erscheinung) qui est Ia distinction meme du present et du passe et l'apparaissant (Erschei- [ 116 ] nende). l'eco~lem~nt du tem~s . L'intentionnalite. De meme qu'une representation de l'apparition d'une chose (Ding. ne vient p~s s'interposer entre moi·-meme et l'objet senti. s'il semble toujours. qui est l'etre meme de Ia conscience temporelle.DEUCALION YVONNE PICARO ramener a celui des rapports du present et du passe . comme ce dont on se souvient. En effet. c'est precisement parcc que l'impression originaire. retention de retention. devient pour Ia pensee un probleme. Ceile-ci ne le cree pas ex nihilo. ma conscience ne garde pas seulement deux notes a Ia fois. mais du mouvement seul de Ia temporalisation pour que l'objet devienne le theme de Ia pensee. il n'en reste pas moins que c'est parce que la perception premiere etait deja conscience de l' objet que le souvenir de cette perception peut ainsi se dedoubler. entre ce crayon qui m'apparait comme rouge et ce que j'appellerai plus tard la « sensation » de rouge. de toute absence d'un objet quelconque a la pensee. lui-meme situe dans la duree et soumis a Ia neces. Soit une phrase musicale. et par consequent. Les sons. ne s offre Jama1s dans une ev1dence aveuglante. pour qu'elle l'identifie a travers ses apparitions multiples. tantot a l'anciennement per~u. et fait ainsi Ia difference entre les deux. Et si l'on se demande comment il se fait que la conscience soit conscience de quelque chose. chaque mesure nouvelle emporte avec eile les mesures e~oulees. je puis vivre en c~. Par l'existence du souvenir seule se marque Ia difference entre Ia conscience et ce clont eile est conscience. entre Ia perception et l'idee. Nous devons montrer au contraire que la precisement il n'existe pas. La melodie se defait a mesure qu'elle se fa1t.. non pas comme une loi intemporelle. eile s ennch1t et s approfondit de teile sorte que j'apprends enfin a Ia connaitre. d'une fa~on derivee. de l'un a l'autre est a Ia fois ce qui permet de poser et de n\soudre cette question metaphysique derniere : de quelle fa~on Ia connaissance peut-elle atteindre a l'etre ? Ce n'est pas en effet un hasard si l'on recourt au souvenir pour essayer d'elucicjg Ia nature mysterieuse de l'intentionnalite. Dans ce dernier cas. etc .. Ia conscience s'epaissit progressivement.comme une phrase et non comme une succession de notes privees de sens. ma1s auss1 a Ia chose qui se manifeste. selon lui. rapp~r:e pas seulement intentionnellement a cette appantiOn de Ia chose. L'intentionnalite transversale s'edifie sans efforts sur l'intentionnalite longitudinale. de la perception et du per~u (note 5 ). se transcendent peu a peu et Ia forme de la melodie se dessine. Par cette reiteration continue. Mais a mesure qu'elle s ecoule. Simultaneite qui ne doit pas s'entendre comme la consequence empirique d'une rencontre de deux termes etrangers constitues chacun a part soi mais comme la source originelle et l'explication derniere de toute presence. lorsqu'une quatrieme. en passant. a tous les degres.exion et le souvenir sont correlatifs d'une attention pleine. Cette impression de nonplenitude. Il n'y a pas seulement une rangee simple de phases successives. C'est pourquoi dans ce cas s'abimer dans ses reflexions equivaut a ne pas refl. Elle semblait connaitre Ia vanite de ce bonheur clont elle montrait Ia voie. mais encore pour tout ce qui est perceptible. totale. Mais Swann croyait y distinguer maintenant du desenchantement. susceptibles d'etre dans le temps. dit l{usserl. consequence d'une association passagere par une conscience qui assemble ce qu'il lui plait) mais cette musique la-bas que je n'entends pas . car Ia refl. lorsqu'il dit. une vie rudimentaire au niveau d'un fl. Il y a des objets contemporains a ceux que je vois en ce moment. leur duree. distribuant ~a et Ia les dons de sa grace. eile pourrait apparaitre comme une determination empirique. l'objet lui-meme peut changer reellement.compns comme mon futur. comme le detachement qui succede au regret :. mais toujours indiquee et jamais possedee. a Ia rigueur.ux simple d'actualite. la conscience. et d'autre part. que les choses s'inserent dans le temps. l'oiseau se deplace. parlant d'une teile phrase : « Elle passait a plis simples et immortels. d'autres unites : les choses qui durent de leur cöte. nous en trouvons l'expression chez Proust. !e passe comme mon passe. dans les moments de detente. la perception d'un mouvement ext~rieur exige la vie eveillee. a longue portee qui accepte la difficulte croissante et comme l'enchevetrement des rapports que cree l'apparition a Ia conscience d'impressions toujours neuves. le pole d'organisation de la chose. Car si la conscience est essentiellement conscience de quelque chose comment tout ce qu'elle pose ne participerait-il pas a son etre le plus profond. mais visibles (ungesehen. d'un systeme metnque valable umversellement ? Outre qu'il est bien improbable que l'on ait ainsi constamment a sa disposition les connaissances complexes. Il y a donc a la fois.. et cette couleur que je vois (si la contemporaneite n'etait que cela. que je -le veuille ou non. parce que nous disons. les choses. le fait s'evanouir. Elles cessent d'etre dans le temps. que j'y pense ou non. sans doute au moment meme ou je parle il y a parmi tous ces instruments non audibles certains d'entre eux qui jouent « Iargo » et d'autres qui jouent « presto ». Dans sa grace legere. dans leur temps. le futur etant . qui est le temps. S'il s'agit d'une chose dans l'espace. de la position temporeUe anterieure. par chacun. Soit un oiseau qui passe en volant (note 6). necessaires ( II8 ) ( II9 ] Pour Husserl. souci me possede. L'effectivement per"u. du temps objectif. du moment que je ne me SOUCle plus du monde. celui qui importe pour moi en cet mstant. constitution de phenomenes subjectifs (Erscheinungen) de perception.YVONNR PICARD DEUCALION teile heure et que nous donnons l'heure a la montre par cette parole. Ils n'ont donc pas le meme « tempo ». aber sichtbar) (note X). Mais comment reconnaitre la difference de leurs rythmes s'il n'y avait pas quelque commune mesure. en changeant ou sans changer. immanent ou objectif. Le problerne de l'apparition des objets c'est-a-dire ~e l'intentionnalite nous conduit ainsi a examiner celui du temps des objets.echir. applicable a tous ? Et cette commune mesure. joue ainsi non seulement pour ce que je per"ois en fait. est-elle simplement le resultat d'une convention ? Convention implicite alors. comme le fait Heidegger (§ So). Sont contemporains non ~ulement ce son que j'entends. une minute du monde (et non pas seulement une minute de moi-meme) passe a chaque instant. precipitant en quelque sorte le processus de reiteration. Ia retention amene avec eile deux series de modifications intentionnelles : celles du percevoir et celles du per"u (note 8). ce qui est comme colore par ma vision expressive n'est pas seul pose comme existant. et son deplacement dans l'espace pousse chaque phase de. une perception. avec ou sans changement et dans les unites· <k ces phenomenes. a tous les niveaux. Alors que dans l'exemple du son musical. le monde cesse de vieillir. Heidegger pense que c'est pour moi. car ils l'appliquent sans erreurs appreciables. Dans toute perception qui n'est pas perception de Ia conscience interne. mais temps toujours et fondamentalement. que je ne vois pas . ~e mamtenant comme mon maintenant. il pouvait. Mais cet accord pourrait-il etre si parfait s'il ~esultait simple~ent de la possession absolue. Dans chaque position spatiale que l'oiseau occupe reste attache a lui l'echo des manifestations precedentes. qui affecte ce champ de presence. une suite de maintenant. et par le meme processus. Ils sont non-vus. et ces objets derriere moi. au contraire. que je quitte Ia vie factice pour la vie veritable. En meme temps que s'accomplit une « sedimentation » analogue a celle que nous avons etudiee dans le cas precedent produite par la conscience retentionnelle des apparences (Abschattungen) passees . seulement un peu plus complexe encore. le temps des choses s'evanouit. 11 y a le temps qui est l'etre. La loi de passage au passe. et dans la ~esure ou ce. Dans ces conditions. le processus d'objectivation est le meme. d'une part. de champs de presence qui durent. l'empechant de s'absorber indefiniment en lui-meme. une pure acceptation. en voyant une montre : maintenant il est Quel mode d'etre faut-il donner a cette temporalite objective? Soit un champ de presence. On ne peut pas dire. et que Ia conscience redouble d'efforts pour ne pas Se laisser distancer. mais aussi d'etre hors de lui. cet echo vers l'horizon. Dasein me preoccupant du monde. pour eviter de perdre Je SOUVenir de plus en plus riche des instants passes. mais une serie adherente a chaque phase. y avoir. qui n'a pas besoin d'etre renouvelee constamment et qui est sans cesse presente a l'esprit de tous. celui ou se terminera l'action entreprise. a sa temporalite ? Il n'y a pas. Car en meme temps que par la retention et la rt!tention de la retention se fixe l'identite. que les choses soient datables uniquement parce que nous leur conferons le temps. avec le meme ineffable sourire. . eile avait q'{lelque chose d'accompli. Une sorte d'intcntionnalite longitudinale relie entre eux les differents aspects presentes par Ia Statue. ses modifications deviennent visibles. comment accorder ce que nous disons maintenant et ce que nous avons vu precedemment concernant la distinction de la chose et de son apparition.u ? Ne devons-nous pas nous maintenir au niveau de constitution de l'experience externe pour expliquer Ia duree et les changements des choses. dans la mesure ou nous avons dans notre affirmation de la contemporanette des choses du monde. Il faudrait dire. Il y a comme un « recouvrement point par point entre les deux series »( (§ 4 3 ) . La conscience temporelle n'est pas seule responsable des alterations que subissent les objets. Comment l'identifie-t-on au cours de ses reelles metamorphoses ? C'est ici encore b temporalite qui fait l'unite de la chose. et la raison pour laquelle.conf~ston inevitable qui s'etablirait s'il avait raison. il y ait une « Veroffenthchkett ~· une publicite du temps ? Cette contr. Une chose. S'il y a une commune mesure. [ 121 ] .a. eile doit etre pre-intellectuelle.besoin d'un metre ni d'une montre pour savoir qu'un cheval court plus vtte qu un homme. la nature veritable.. de meme que Ia cohesion des multiples impressions et perceptions d'une conscience est assuree par Ia continuite d'ecoulement du Zeitfluss originaire.<l:u~ le laboureur seme lentement (§ 3 8). retentions et protentions originaires portent les caracteres d'apprehension de Ia chose spatiale ». eile a clone une sorte de destinee. la co-presence d'autrui et ne pas les rejeter 1 un et 1 autre dans I mauthenttctte.ue comme susceptible de se m~difier. avions-nous dit. qu01qu tl a~rive. il faut deja que Ia chosei soit reconnue comme une unite pour que.: ~ 01seau chante vtte.Busserl qu'il n'y a « qu'un temps imma~ent pour tous les objets ». ne sommes-nous p:. Maintenant. pendan~ . il aurait pu donner un sens ~ouveau. presente a la conscience vivante de chacun. tl en a la~~s~ ec~_apper. prelude et condition du temps objectif valable a tous egards (celut de~ montres et des calendriers) est aussi le rythme essentiel et fatal _de . wobei jeder das gesagte « jetzt » ver~hteden datle:t : Je~zt. Mais ne peut-on pas objecter que nous confondons purement et simplement temps immanent et temps objectif et que. » n'avait de poids et de valeur que par un tel c: souci factice ». La serie de ces Bilder (ou effigies). Il faut clone dire avec . depasse' les limites du champ de presence.monde e~ . comme sur deux lignes paralleles. Sans doute les et:es te~porels ne font. La chose elle-meme doit pouvoir etre conc. et le _le~t. Nous sommes maintenant sur le plan de l'objectivite . Et l'un apparait a travers l'autre. des phenomenes subjectifs (Erscheinungen) de Ia chose. a l'etre au . ce n'est pas seulement l'unite d'une multiplicite d'aspects. Mais comment Hetdegger exphque-t-tl qu en f~tt. est pour ainsi dire traversee par un rayon Iien. et tous les points qui se trouvent sur ce rayon sont identifies de teile sorte qu'ils representent un seul point objectif. et par consequent de durer. un temps qui lui est propre. il reste toujours qu'il n'es_t pas . un seul point de la chose (§ 43 de Zeitbewusstein). Si nous eherehans quels peuvent etre les rapports entre ce temps phenomenologique et l'espace-temps de Ia statue. Z. sur ce fond d'identite. tout passe pour elles.YVONNE PICARO DEUCALION pour l'edification d'un tel systeme.t. d'autre pa. et non a celui de l'experience interne ? La temporalite phenomenologique ne se confond pas avec la temporalite objective. se cree 1a dtff~renctatton conti~ue des moments du temps phenomenologique. La convention n'explique pas tout et si le « maintenant. Ce tem~s tmmanent. pas tous meme usage de la possibilite qui leur est donnee. comme le fatt ~~d~ggt'r (§ S.ts [ 120 ] tombes dans une SOrte d'hylozo!sme ? Ne parlons-nou~ pas d'une ame du monde en parlant d'un temps du monde ? Enfin. u. l'obj·~ctivation se fait. La statue qui est reconnue a travers les differentes vues que l'on prend d'elle est de plus passee de l'etat de bloc de marbre a son etat present. effecti~. l'on tombe d'accord ? Et comment peut-il affirmer que dans Ia . aucun « maintenant » n. pour que Ia duree de la chose elle-meme soit objective. ~a dte~_er oder jenes sich begibt »).. avant toute connaissance reflechie et theorique. mais de retrouver la meme loi a deux niveaux differents. ~u~i~ue chacun fasse. mais eile la presente (darstellt) par un processus qui prolange celui par lequel s'edifie la chose identique dans le temps. cela. Pl~s profonde que les distinctions « ontiques ~ entre le rapide. un age. nous voyons que « les impressions. nous avons egalement perdu le droit d'appliquer a ce present elargt la 101 de passage au p~sse caracteristique de la conscience comme suite d'etat~ vecus et de percepttons rtstreintes ? Sous pretexte d'echapper au psychologtsme. nous l'avons vu. Le temps de l'immanence et celui de Ia transcendance ~ecoulent ainsi de Ia meme vitesse. c'est-a-dire qu'elle n'est pas Ia seule source de diversite dans le monde. de Ia perception et du perc. un repere absolu. de profils changeants. qui camporte essentiellerneut la contemporanette ? S ~1 avatt vu.) que tout le monde dit ensemble « maintenant » en stg:ufiant 79 a chaque fois par la quelque chose de different dans le temps et dafiSI ~ espace ( « Im nächsten Miteinandersein können mehrer~ « Zus~mme~ » « jet~t » sagen. Mats tls ont pourtant ~e poSSibillte fondamentale commune que leur ouvre l'apparition d'un nouvel mstant.ad~ction n'est-elle p~s Ia preuve qu il n'est pas arrive a montrer ce qu'il espe:att~ et que so~s fr~texte de retrouver le temps authentique dans sa purete. il faudratt adme~tre ~ue les Dasein ne s'entendent pas entre eux. comme ceux que l'on obtient lorsqu'on fait tourner une statue sur son socle. c?n~tl­ tuant a !'inverse de ces dernieres. Or.. e~t _defintttf : c'est en somme le « jaillissement » caracteristique du flux ongmatre de la temporalite.~a co-extstence de t'Outes les consciences. Il ne s'agit pas de soumettre le percru a une loi qui ne vaut que par la perception. par Ia confrontation des divers contenus de conscience. de l'etre au monde primitif. Il semble que Heidegger. rejetes du cöte de cet espace · qui auparavant semblait prive de temps. tandis que chez Heidegger. La condition de cette position d'existence a plus vaste portee est Ia constitution d'un temps objectif unique pour tous les etres. Z. qui n'est plus comme tout a !'heure un terme etranger. ramene a Ia position d'un espace 3l un niveau d'integration plus eleve. pour ne pas etre simple dispersion. La co'incidence totale. qui n'a pas besoin de l'espace. et finalerneut une erreur (qtJi vient de ce que le present c s'oublie en lui -m~me :. alors que pourtant. il Ia commet lui-meme : son present (celui du temps authentique pourtant) s'est eternise. comme le dit Heidegger. mais soutenue par lui. Ainsi.. qu'elle n'existe que comme faisant figure et prenant place dans une serie. l'erreur qu'il signale dans Ia constitution d'un espace pour Ia facticite. et progresse pourrait-on dire sur Une Serie parallele a la mienne. qui preside a la constitution d'un present au sens large. 369 de S. Z).DEUCALION YVONNE PICARO il faut que les contenus ne soient pas consideres uniquement de ce point de vue. La succession apparait comme le temps pur. d'une perception. appele par le temps authentique lui-meme . Elle doit pouvoir etre elargie au dela des limites de mon umwelt. Mais cette appt:!1hension simultanee ne donne pas encore l'espace comme « unique AllRaum » (note X de Zeitwusstsein). L'etalement dans le temps de Ia perception originaire ne doit pas etre perdu au benefice d'une concentration et d'une convergence vers l'unite de l'objet. tout au plus imprime-t-il sur eile sa marque semblable a une tache (l'ancien maintenant. paye le prix de cette meconnaissance fondamentale. mais a tous les points differents du contenu dont il fait partie. « En lui-meme » le monde est l'eternel present . J'ai au contra:.re la garantie que lorsque j'irai la-bas prendre ce Iivre que pour l'instant je ne vois pas. de mon rayon d'action. parce qu'elle est succession simultanee. et sans qu'aucun rapport necessaire et dialectique les unisse. Tout ce que je per~ois en ce moment co-existe. § So S.il est innocent du temps . L'ambiguite forcee a laquelle il se trouve reduit est ainsi par ce problerne mise en pleine evidence. en effet. nous voyons aussitot que cette simultaneite suppose une succession. la perception passee est passe de quelque chose qui est encore actuel. mais alors reformer sa conception du temps. mais a me mouvoir continuellement su~ un terrain assure. dans sa theorie des . reconnaitre qu'il y a une espace vrai tout aussi bien qu'un espace factice. . Et comment dureraient-elles. non aux points correspondants des autres contenus. u. Nous lui reprochions plus haut de n'avoir pas eu du temps une conception dialectique c'est-a-dire de n'avoir pas considere que le passe et le present renvoyaient l'un a l'autre continuellement (tout au moins dans l'histoire humaine) sans qu'un present definitif puisse jamais s'instaurer. qu'il y a un temps des objets synchrone du temps primitif de la pure conscience .le passe est l' ombre portee par lui sur Ia cons. J'emporterais avec moi a chaque instant l'espace.ou bien. nous ne tardons pas a nous apercevoir qu'il n'en est pas au fond depourvu. sinon au rythme fondamentat qui est celui de ma concience. je retrouverai des meubles qui auront vieilli en meme temps que moi. a supposer que les choses ne soient dans l'espace que pour autant qu'elles s'inserent dans une perception actuelle la contemporaneite ou simultaneite serait remise en question a tout moment. Il a donc le choix entre admettre un espace qui soit Ia consequence d'une c chute :. de toutes les consciences ? Lorsque je rentrerai dans une chambre abandonnee apres des annees. Nous sommes donc forces d'admettre une contemporaneite plus etendue que celle qui regne a l'interieur d'un champ de presence . sous forme d'une contemporaneiteo [ 123 ] . une usurpation. il ne l'a pas.cience). L'indice . Si nous partons de la presence originaire des choses. celui-ci Ia repousse loin de lui . mais qu'ils soient objectives tels qu'ils sont en eux-memes. soutien d'un ecoulement. [ !22 ] l'elargissement est un empietement. En effet. Celui-ci doit a son niveau de constitution regagner quelque epaisseur de duree pour se faire a son tour une place dans un temps objective. par pieces detachees. de l'espace-temps du champ de presence ou Ia conscience est ce qu'elle perroit.ie passe n'est affecte qu'a la perception. liant entre eux tous les etres temporels.rapports de l'espace et du temps. dans toute leur « largeur ». : « l'expression du temps en espace est l'expression du temps au present » ). comme phenomene temporel et subjectif.ce qui entraine qu'il n'y ait pas d'espace pour le temps authentique. car il ne ffait pas evanouir la succession. c'est-a-dire de durer. mais le püle d'unite indispensable a l'existence d'une conscience. L'espace est donc bien. Mais chez Husserl.une simultaneite qui n'exclut pas la succession. Alors nait Ia discordance entre l'espace et le temps : chacun s'en va de son cote. l'espace n'est pas deduit du temps.et qu'ainsi se retrouve une simultaneite de seconde sorte. un present absolutise (Cf. et qu'ainsi il soit identifie. ce qu'il ne fait pas. Dans la conception husserlienne. ce present a le droit de s'etendre. comme les porteurs d'un Iien intentionnel. synchro~ nisme. Il faut donc qu'en quittant les choses des yeux je sache qu'elles ne cesseront pas pour autant de subsister. p. mais l'un et l'autre des deux termes interviennent necessairement et alternativement a leur place. La memoire et l'interiorisation constituent Ia chose veritable. du point de vue du temps. conscience de soi et du monde. Car au fond. un nouvel espace-temps. que chaque point du contenu represente clone un point different de Ia duree de Ia chose. si l'on suivait Ia logique de la temporalisation. comme de la terre a mes pieds. cet immediat une mediation. u. on devrai~ en admettre un. Il faut pour cela qu'il y ait un espace-t·emps des choses sans qu'aucun des deux termes (espace et temps) ait un privilege sur l'autre. Mais cette succession. parce que spatial. je n'aurai pas a franchir des abimes. n'est seulement que l'amorce du deploiement d'un espace. comme milieu des choses. Z. La philosophie est une theorie qui n'est pas suspendue en l'air . car eile doit commencer.). qui n'est pas resultat . Elle peut prendre a son ccmpte !es phrases de Hege! sur le commencement dans Ja philosophie : « la philosophie forme un non--eerde .reflexion et une phenomenologie de l'existence. antithese et synthese et qui en rend responsable le temps identifie ainsi la reflexion au temps meme. Zuzatz :m § z). il est possible de dire avec Husserl que la philosophie est une mediation infinie. u. Ainsi pensons-nous pouvoir caracteriser la difference entre une phenomenologie de la . l. Elle ne risque donc pas d'etre comme le cercle de Heidegger clont nous parlions au debut (cf. mais est une courbe qui se referme ».DEUCALION Une philosophie qui admet ce rythme de these. un terme demontre. 315 du S. (Philosophie du Droit. immediat. Tous les efforts pour faire comme s'il n'y avait rien eu entre l'irreflechi et la reflexion sont inutiles. car a un autre point terminal. eile ne commence pas immediatement.MENOLOGIE DE LA PERCEPTION" DE MAURICE MERLEAU-PONTY par ROLAND [ 124 J CAILLOIS . NOTE SUR L'ANALYSE REFLEXIVE ET LA REFLEXION PHENOMENOLOGIQUE A PROPOS DE LA " PHENO. eile a un terme premier. un cercle vicieux.a courbe ne se referme pas sur 1' existence premiere teile quelle. p. Et comme rien n'arrete alors la pensee. il doit apparaitre comme resultat. mais ce pourquoi la philosophie commence est immediatement relatif. pas meme ce retour aux origines et a !'immediat. 7 J . dans le fait qu'elle s'interroge sur sa possibilite. La reponse ne peut donc etre que le fait meme de la demande.s Je rCflechi et qu'on ne peut sans contradiction affirmer que l'irreflechi est l'etre qui reflechit. Il n'est donc pas possible de commencer la philosophie par une pure description de l'etre tel qu'il apparait. Comment une description de l'existence humaine est-elle possible dans la reflexion ? On voit immediatement que le savoir philosophique n'est pas comparable aux autres puisqu'il n'interroge pas un objet qui puisse repondre a la question posee. sans se demander en meme temps le sens que peut avoir cette entreprise. Elle fait apparaitre }'irreflechi COmme etant celui-la meme qui reflechit (I) et donc aussi comme un etre qui aurait pu ne pas reflechir. Mais la question critique doit porter ici non p-lus sur le contenu mais sur le fait meme de l'interrog. T oute phenomenologie est en meme temps « critique ». justifier sa propre existence. eile ne peut le faire qu'en montrant la necessite de cette reflexion.N ecessite de justifier Ia reflexion philos~phique pretend encore aujourS lad'huiphilosophie se definir par une reflexion radiI cale qui eclaire les autres demarches de la pensee et de l'existence toute entiere. Le sujet reflechissant qui s'interroge sur la reflexion se confond avec l'etre interrage qui est lui-meme. La reflexion trouve sa possibilite dans son existence meme. Elle doir se prauver elle-meme. [ I 2.ation philosophique. L'etre pour soi (r) Sans doute dira-t-on que ce n'est pas l'irreflechi qui < apparait ~ maf. Mais dans l'entreprise philosophique. nous n'avons pas Je choix (ou il faut nous taire) : nous pouvon~ seulement parler du Je irreflechi comme etre c: ayantete-irreflechi » et operant lui-meme une reflexion. Si. « Le monde.. page V).ROLAND CAILLOIS DEUCALION cornrne objet de reflexion philosophique n'est que son etonnernent d'etre pour soi. telles que je les vois maintenant dans Ia verite de Ia reflexion. qu'en ignorant l'experience philosophique qui conduit iusqu'a eile. ecrit Merleau-Ponty. ce qui signifie qu'il ne ]es accornpagne pas toujours dans une lumiere transparente et peut-etre meme jarnais. Il est vrai que l'irreflechi ne se manifeste qu'a Ia refle~ion. non pas dans le monde physique qui est objet de science et qui exige d' etre compris par les demarches qui conduisent a [ 1. Elle demeure comme fond qui donne sens a rnon acte de juger. Tout point de depart se revelant insuffi. L'irreflechi ne peut d'ailleurs prouver sa suf:fisance puisque precisernent il est en train de reflechir.ree a Ia reflexion sur elle-meme. Ia reflexion est une absolue necessite et l'essence meme de l'homme. L'expirience du point de depart Il n'est pas etonnant que Ia philosophie se heurte sans cesse au problerne de Ia rnethode et du commencement. ori comprend que cet acte puisse modifier Ia structure du donne et celle des operations de ma conscience. mais eile ne l'etait pas « avant » et eile n'a pas cesse d' etre originale parce que je parle sur eile et Ia considere maintenant « dans l'ordre du jugement ». Comment l'homme peut-il donc l'ignorer? On ne comprend plus son erreur ni sa finitude. avant que je les decouvre. Elle s'apparait a elle-rnerne : evenernent d'un etre qui reflechit. mais dans cette operation l'irreflechi parait fonder le caractere de dependance de Ia reflexion : l'existence hurnaine ne se revele pas necessairernent consac. en se detachant de la dernarche qui l'a fait naitre. celle de systeme ou de dialectique qui espere trouver dans l'achevement la justi:fication de chacune des phases en cn rnontrant le caractere inessentiel. Loin de detruire sa contingence apparente. Le cogito me decouvre en situation Le Cogito n'est pas rupture effective avec le monde puisque je decouvre precisement par lui que je suis au monde. La reflexion n'a clone rien change a la structure veritable du monde en le replac. mais comme un fait qui s'eclaire. au contraire. Ia reflexion fait apparaitre une contingence qui lui est essentielle.19 ] . Ia reflexion revele l'echec de tout point de depart. Dans cette perspective. renvoyant necessairement a autre chose qui le puisse justi:fier. La reflexion ne peut apparaitre comme un pur fondement qu'en perdant l'experience de son cornrnencement. lui-merne et tout le reste. comme un fait qui se fait. Cette experience s'eclaire en effet quand la reflexion n'est plus consideree uniquement comme evenement ou uniquement comrne fondernent. Ainsi on realise par avance des significations qui n'apparaissent pourtant qu'au philosophe Kant apres avoir termine sa Critique. elle n'est reflexion que par sa contingence. on ne comprend plus le cheminement de l'entreprise philosophique. Le monde et mon existence en lui ne sont pour moi que des significations qui etaient deja. ön ne peut se contenter d'enregistrer l'echec des tentatives. n'est pas un objet dont je possede par devers moi Ia loi de constitution. il faut encore rechereher la signification de cette etrange experience .ant dans sa perspective originaire : celle d'une pensee internporeUe pour laquelle tout a un sens dans la mesure ou le Je-Pense le lui donne. Kant a exprime ce paradoxe en disant que « le Je-Pense doit pouvoir accompagner toutes rnes representations ».sant. Ia reflexion est un acte de 1'etre humain par lequel il eclaire un irreflechi qui avait deja un certain sens pour lui dans son existence irreflechie. Elle ne peut se couper brusquement de ce qu'elle eclaire et qu'elle [ !28 ] n'a pas cree. L'exigence de philosophie scienti:fique qui recherche des elements de base incontestables. il est le milieu nature! et le champ de toutes pensees et de toutes mes perceptions explicites » (Phenomenologie de Ia Perception. Ainsi Descartes et Kant remontent par une analyse reflexive a une pensee pure qui n'est plus dans le monde mais pour laquelle le monde existe. L'analyse parcourt en sens inverse la synthese par laquelle la pensee s'est donne le monde. ce qui explique qu'il ne s'etonne pas necessairernent. La perception devient jugement synthetique par lequel je reunis le divers. C'est ce paradoxe qu'il nous faut eclairer. relevent de la rnerne nostalgie de rigueur. mais cette pensee VlSe mtentwnneile[ 130 ] ment le fait : revenir aux choses c'est essentiellement ehereher l'evidence du fait lui-meme. son milieu. je fais surg1r. pour comprendre la contingence. Cette demarche comporte sans doute un moment d tdeahte. ce ne peut etre pour considerer ces essences a part des faits mais bien plutot pour voir . mais ne cree aucun monde nouveau.ue Je. il ne peut que s' etonner d~ cette pr~s~nce ~t comprendre les manieres d'etre au monde q~1 le ca~actense. Par Ia reduction phenomenologique qut suspend mon adhesion spontanee au monde. La reflexion doit nous faire assister a sa propre genese. hors duquel eile n'est qu'abstraction et merite le reproche de gratuite.ieure a celle des objets naturels nous . Ia pheno~enolog1e signifie que l'essence n'est rien d'autre que le ~a1t ~el 9.• DEUCALION ROLAND CAILLOIS l'attitude scientifique.. Exercice . La reflexion tend a recouvrir le champ de l'irreflechi et en change Ia structure. a Ia surface de Ia chose. elle est d'abord et fondamentalement son horizon reel. pour ainsi dire. attendant qu'un artiste l'aper~oive et Ia fasse tomherdans le temps .le fait dans so~ essence. « La reflexion se verifie en s'exer~ant » (page XVI). Descartes ne croit plus a rien.u monde.« propose ». Ce qui suppose que nous sommes deja dans Ia verite et que l'essence ne saurait apporter la verite au fait du dehors. Le savoir parle d'une ex1stence qui lui permet d'etre savoir de l'existence. ma1s ne nous ltmpose pas puisqu'il faut encore un « amour >~ de ~·~rt ~our que . La seule reponse a Ia question: comment Ia reflexion est-eile possible. « pr~­ position » ait un sens. U n Je-Pense qui deploierait l'experience devant soi ne pourrait que [ 131 ] . non un obj. La reflexion ne retrouve pas l'universel. au contraire. mais on ne peut s'y tenir. Eil~ cha~g~ de sens le seul qui existe et dans lequel nous sommes engages. dans un Iangage transmissible et permet le dialogue avec autrui.­ cite. qui etait deja la et qul reste encore Ia pendant que je reflechis. Dans le doute. c'est le correlatif d'une Operation creatrice qui etablit Ia V erite.une modification de notre vision du monde. de Ia reflexion Une teile re:flexion ne peut retrouver un etre qui serait deja vrai avant eile et deja explicite quelque part dans Ia Pensee divine ou l'Esprit Universel. Mediation de l'essence Si donc Ia reflexion philosophique se donne pour tache de decouvrir l'essence des choses. La rationalite du monde n'est pas un donne.t cet elan vers eile. c'est-a-dire qu'il doute de tou! et que ~e tout est toujours Ia. Il n'y a pas d' evidence apodictique. mais dans le monde que je percsois. c'est-a-dire pour le comprendre jusqu'au bout de ~~ ~a~tl. Le cog1t? me decouvre en situation. je ne rends null~ment le J?onde i~manent a ma pensee. ou j~ vivais anterieurement a l'acte de reflexion. Ams1 I'Art en faisant entrer dans l'objet une puissance d'evocation supe.t. C'est pourquoi Ia reflexion ne peut jamais se prendre pour un point de depart absolu de l'activite philosophique. Elle a toujours du retard et doit sans cesse reprendre le debut ou plus exactement rechercher sans cesse Ia signification de son commencement qui est precisement l'existence sans laquelle elle n'a pas de raison d'etre. il faut une foi qui se mesure sans cesse a 1'experience et s' etonne de se changer en certitude. Ce que nous montrera la reflexion n'est pas deja realise dans l'irreflechi. eile est un ecla1rage. est donc Ia reflexion effective qui prouve le possible par le reel. u~e presence « immotivee ». que je sois trompe ou non. eile le construit pour eclairer le fait. L'histoire n'est que secondairement son objet. de meme quc la beaute n'est pas de toute eternite. En parlant d exphc1tat1ot. L'essence doit eclair~r 1~ fait comme fait non detruire sa contingence. D1r~-t-on qu'il ne peut etre au monde sans le sav01r ? Ma1s seule sa p~esence au monde rend possible ce savoir.cette. pour se comprendre eile-meme comme instauration. sav~ir du fait d'etre a. une transcendance des choses que Je n'avais pas prises jusqu'a maintenant comme theme de pensee puisque j'etais precisemen.Ie pense SOUS Ia forme du necessaire. Elle provoque seulement sa manifestation. en pleme lum1ere. en philosophie. ni de fin. Le monde vecu est toujours vecu avant que Ia reflexion puisse prouver quoi que ce soit de l'existence. Ne Ia pose-t-il pas. ou ne se distingue pas encore un pour-soi ( 1 ) Le Je-Pense c deploie :. si je n'etais. sans eertttude qu tl extste une rationalite integrale de l'etre. defini eomme subjeetivite absolue et non etre des ehoses et un cn-soi de:fini eomme pur objet. qui refleehit et qui traine avec lui une histoire . non paree qu'eile detruit une iilusion au pro:fit d'une realite. je eomprends que le monde doit pouvoir etre pense. « L'a V erites de fait et verites a priori [ 133 ] . eomment pourrais-je dire « e'est du bleu » si d'une eertaine maniere je n'etais d'abord autre ehose qu'un je-transeendantal qui rassemble le divers pour constituer l'objet. qui est mienne et qui m'apparait apres eoup etre neeessairement ee qu'elle est dans sa totalite. C'est dire aussi que eette question ne eomporte pas de solutwn puisqu'il n'est rien a quoi nous puissions aeeroe~er le ~~~t de. l'experience quand il possede en lu~ la loi de constitution du monde et par son activite constituante . ne pourrait plus eomprendre I'empirique qui ne serait plus qu'une sorte de deguisement de l'a priori. Nous avons l'experienee d'un Je non pas au sens d'une objed:ivite absolue mais indivisiblement defait et refait au eours du temps » (p. Je peux prendre Ia sensation pour objet paree que le sentir est un mode d'existenee et non un moment abstrait et ideal de mon experienee (p.par un schematJsme par exemple . paree que Ia reflexion est eilen'est pas coupee meme experienee. paree qu'e:ffeetivement il est « operante » pense. Or non seulement l'exp_eriellfe reste elle-meme apres Ia reflexion. Le monde doit pouvoir de la reflexion etre pense.rend c possible :. L'experienee ne peut etre seulement pour [a reflexioJt radicale Ia reflexion. mais eile apparait eneore eomme necessaire dans sa contingence. integre par eonsequent a la seule experienee qui existe.la sienne et en de~a eelle du monde qui eonduit au moment present. La reflexion n'est pas une perspective originaire ni le retour a une teile perspeetive (il faudrait eneore montrer que nous l'avions quittee). sa propre experieoce : il ne retrouve dans les choses que ce qu'il y a lui-meme introduit. eile est a eile-meme une q~es­ tion. Ia reflexion. 254)· Les verites « a priori » ne determinent clone pas la forme de toute experience possible . exceptionnelle sans doute mais e:ffeetive. le Je-Pense se fasse aveugle a lui-meme en se faisant passif ? En verite. dans mon attitude naive. parce qu'ayant quitte Ia Situation qui rend possible le fait de Ia reflexion. Iu~? Comment par exemple Ia sensation pourra1t-elle devemr 1ohJet de ma pensee. de. Comment la reflexion pourrait-eile comprendre l'eclairage « nouveau » clont bene:fieie l'irrefleehi si eile ne eomprenait en. il ne peut rejoindre l'experience e:ffeetive et se trouve eomme isole en faee de « toute experienee possible » ? Il faudrait clone qu'avec une sorte de perversite. Mais il n'en est rien. mais paree qu'eile maintient l'irrefleehi eomme tel. sinon la pensee ayant regagne sa perspeetive originaire dans la reflexion.ROLAND CAILLOIS DEUCALION poser sa propre passivite (1). Autrement dit la n!flexion radieale est « eonseiente d'elle-meme dans son operation » (p. La reflexion est un progn!s vers la V erite. Le Je et le monde ne sont jamais donnes ni penses eomme deux Idees (ee que Kant a montre) puisque « nous avons l'experienee d'un monde non au sens d'un systeme de relations qui determinent entierement ehaque evenement. Quand je refleehis. 2 53). ee n'est pas un etre mais une valeur qui justifierait Ia totalite de l'experienee si eelle-ei se deployait devant moi. une communion. Je eomprends pourquoi les ehoses devaient neeessairement se presenter a moi de cette maniere dans une vue naive du monde. Et a vrai dire eette question sur le rationnel n'a pas de sens puisqu'eile se eonfond avee le fait meme de la reflexion et nous renvoie a l'experienee que nous en faisons. 247). La verite a priori n'est clone rien d'autre que Ia verite du fait refleehi. Nous parlerions d'un autre monde que le notre si le fait n'avait pas ete ee qu'il fut. mais plus radiealement encore je saisis l'operation de ma reflexion. je me eomprends eomme etre . meme temps qu'elle vie~t de naitre. Elle s'ouvre sur le rationnel. le Je trariseendantal du eritieisme est l'unite d'une experienee qui pourtant n' est jamais donnee en entier. mais au sens d'une totalite ouverte clont la synthese ne peut etre aehevee. DEUCALION ROLAND CAILLOIS p.riori est le fait compris, explicite et suivi dans toutes les consequences de sa logique tacite, l'a posteriori est le fait isole et implicite » (p. 2 56). Ici encore on voit que la reflexion ne se separe pas de l'irreflechi, le champ transcendantal recouvre exactement le champ phenomenal, il en modifie I' eclairage. L'irreflechi devenu theme explicite de pensee, Ia verite a ete aper~U(} mais aussi etablie puisque l'a priori n'existait pas avant la recherche. L'eternel Loin clone que !'Eternite abolisse le temps, eile le suppose. La conscience est ouverture sur le monde et sur le temps, et s'il peut y avoir pensee de la permanence et instauration de l'Eternel, c'est que la conscience est temps et reprend, pour leur donner valeur actuelle, les verites de fait qui ne sont pas caduques par essence mais par abandon de l'homme. L'eternel est de tous les temps non parce qu'intemporel, mais parce que le temps passe est constamment retrouve, presentifie a nouveau. En ce sens toute verite de raison « garde un coefficient de facticite » (p. 4 51) mais toute verite de fait a chance de devenir une verite de raison. Ce qui n' etait que constatation empirique se constitue en verite eternelle par le projet humain d'etre a l'histoire en assumant le passe et en voulant l'avenir. 11 est vrai que la rationalite de l'histoire est un probleme, puisque l'histoire n'est jamais achevee et que chaque moment remet en question l'acquis. Cet inachevement essentiel fait du philosophe « un commen~ant perpetuel » selon l'expression de Husserl. Comme le disaient deja Kant et Hegel, la philosophie n'a pas d'objet. La reflexion doit donc se comprendre elle-meme comme entreprise philosophique dans l'histoire, c'est-a-dire qu'elle est toujours a refaire. « L'etre a la verite n'est pas distinct de l'etre-au-monde » (p. 452)· Le cogito « tacite » est vecue et dont « parle » Ia reflexion. La situation Iimite, !'extreme pointe du doute ou ma pensee m'apparait condition de toutes les existences n'est pas une sorte de revelation de l'intemporel qui projetterait tout a coup sa lumiere sur l'existence mais un evenement, une operation qui modifie effectivement la structure de la conscience. « L'evenement transcendantal » (p. 466) par lequel la conscience s'explicite elle-meme dans le temps en deployant le mouvement temporel de reprise de soi et de projection de soi n'est pas l'acte d'un Je-Pense, unite trancendantale qui rassemblerait la diversite de mes etats, c'est cet evenement meme qui est le Je. Mon existence temporelle n'est pas dans le temps, eile est le temps qui s'affecte lui-meme dan.s son continuel depassement, echappe immediatement a son etre vers le futur et constitue par la meme un passe. Dans la structure dialectique du temps se trouve l'esquisse de la reflexion qui n'est pas encore synthese active ou acte de synthese, mais synthese de soi avec soi qui se fait pour ainsi dire d' elle-meme : « cohesion de vie » ou, pour-parler comme Husserl, « synthese passive » (p. 472). L'interiorite subjecti~e et l'exteriorite objective ne sont pas separables, et nOn pas seulement comme deux notions dialectiques - ce qui laisserait subsister un penseur non situe - mais comme les deux aspects d'une meme unite existentielle : l' etre-au-monde. On connait le paradoxe Kantien : d'une part je suis a ·l'origine du monde par man pouvoir constituant et d'autre part je suis a l'interieur du monde spatio-temporel qui me contient et m'explique. Kant a fortement lie les deux faits jusqu'a placer, semble-t-il, Ia condition supreme de l'objectivite du monde dans Ia Iimitation de notre etre. Mais d'ou vient cette Iimitation ? Le Je-Pense se fait lui-meme passif, s'insere dans le monde et delegue a cet « objet » une procuration pour le representer ici-bas. Si le Je-Pense est intemporel, que peut signifier qu'il sc Iimite lui-meme ? Le cogito reflexif qui me permet de m'etonner de ma presence au monde suppose un cogito tacite par lequel je suis effectivement au monde ou plutot ce cogito fondamentat n'est rien que l'existence meme teile qu'elle En verite, la Iimite et l'illimite, l'activite et la passivite ne s'excluent que si l'on oppose par ailleurs le temps a !'Eternite. 11 faut donc pousser le paradoxe jusqu'a ses extremes consequences non pour l'expliquer ma1s pour en expliquer le sens [ 134 ] [ 135 ] ROLAND CAILLOIS DEUCALION cache. Il faut dire que c'est sous le meme rapport que je comprends le monde et que le monde me comprend : « je comprends le monde parce qu'il y a pour moi du proehe et du lointain, des premiers plans et des horizons ... c'est-a-dire enfin parce que j'y suis situe et qu'il me comprend » (p. 467). Dans la reflexion, je voudrais que tous les horizons deviennent themes explicites de ma pensee mais il surgit toujours d'autres horizons, ne serait-ce que ce passe que je viens de vivre et qui m'a conduit a la reflexion actueile. Je voudrais tout interioriser et je ne m'aper<;ois pas que je suis tout exterieur a moi-meme. Jamais nous ne pouvons nous representer le monde comme un pur objet et dans cette mesure nous devenons objet en lui et devons subir le jugement des autres sur nous et la sanction de l'histoire, mais n!ciproquement nous ne pouvons jamais nous considerer comme une partie du monde, puisque nous ne pourrions meme pas nous comprendre comme partie. Avant de poser quoi que ce soit comme objet de ma pensee, il est necessaire que cet objet ait deja ete « vecu » de quelque maniere, appartienne deja a l'epaisseur de mon passe, au projet de ma vie actueile, existe enfin comme une dimension de mon existence. Au-dessous de « l'intentionnalite d'acte » par laqueile je prends explicitement possession de l'objet comme objet et constitue un Iangage, une science, un art, des lois sociales, une « intention-· nalite operante » (p. 478) reuvre et vit sa propre tmite primordiale et comme naturelle. Le cogito reflexif qui constate l'intentionnalite d'acte ne doit pas en ignorer le sol existentiel ; la transcendance est au creur meme de l'etre, eile ne peut etre le resultat d'un acte explicite, eile fonde au Contraire tOUS les « actes » ·de la « vie psychique ». conscience pure, transparente a eile-meme de part en part et deployant devant eile un monde de relations non moins transparentes. On a la perception qu'on merite, certes, et ma Situation est a mon image, mais parce que je suis ma perception et parce que l'exterieur penchre jusqu'au centre de moi-meme et ne laisse aucun ilot interieur. Moi et le monde contenons necessairement de l'implicite et de l'obscur, je suis un horizon pour moi-meme dans la meme mesure ou le monde m'enveloppe. Le determinisme applique a l'etre-au-monde est absurde, mais le choix absolu de soi ne l'est pas moins. Ce sont la deux erreurs correlatives. L'etre humain est deja avant d'objectiver ce qu'il est et un choix implicite ne peut etre dit libre de la meme fa<;on Qu'un choix reflechi parce qu'il n'a pas la meme valeur phenome'";;.ale. Si Ia reflexion change effectivement la structure de la conscience en passant de l'implicite a l'explicite, eile change non seulement l'aspect du monde, mais le clavier sur lequel eile peut agir, elle modifie sa puissance d'action. La reflexion fait apparaitre les Iiens qui m'unissent au monde, eile ne leur enleve rien de leur urgence, eile permet seulem~nt de reconnaitre cette urgence. Mais c'est l'essentiel ; partir d'elle-meme, « Ia vie s'interprete librement ». a Si donc la reflexion « me donne a moimeme non comme une subjectivite oisive et inaccessible mais comme identique a ma presence au monde et a autrui » (p. 5 r 5), si je suis ce que je vois en etant mon corps et ma situation historique, il ne peut plus etre question d'une liberte qui inaugure a chaque instant l'etre que je suis. Je ne suis pas une Ma situation, teile que je la reconnais, n'est pas l'idee d'une situation, elle demeure un engagement effectif dans un etre-aumonde que certes je pourrais changer mais qui a plus ou moins de chance d'etre change. « Le choix que nous faisons de notre vie a toujours lieu sur la base d'un certain donne » (p. 519). Et ce donne ne peut jamais etre un pur-· objet devant une pure conscience reflexive, je ne peux me couper de lui et decider absolument de mon rapport a lui. Je n'ai que des possibilites proches ou lointaines, mais aucun pouvoir radical de modifier ma situation. Je ne peux jamais me considerer comme constituant le reflechi parce que le reflechi est toujours en un sens « deja constitue » (p. 517), je ne peux donc modifier ma situation que de proehe en proche. Il est v rai, comme le dit Sartre, que je suis libre « jusque dans mes passions », je pourrais en effet n'etre pas passionne et je me suis choisi passionne, m:1is ce qui importe, c'est que j'ai plus ou moins ( 136 ) ( 137 ) La liberte ROLAND CAILLOIS DEUCALION de chance de rompre effectivement avec ma passion, il faut pour cela que je tisse de nouveaux rapports avec le monde et avec autrui, et Ia reflexion y concourt avec l'action en tant qu'evenement, en tant qu'operation objectivante. Ainsi la reflexion ne fait apparaitre aucune coupure radicale entre un en-soi Iivre au mecanisme et un pour-soi libre de lui-meme, distinction qui obligerait a concevoir une causalite qui aille du monde a la conscience ou a !'inverse un pouvoir constituant qui aille de la conscience a son objet. Elle me revele, au contraire, en train d'reuvrer dans le monde et revele le monde comme l'horizon de mon projet et la puissance de mon action immediatement presente dans mon corps et de proehe en proehe jusqu'a ce fond lointain et inhumain que j'appelle nature. Il n'est donc pour moi aucun moyen de rompre les Iiens intentionnels qui m'unissent au monde (je ne suis pas plus libre en me ref~giant dans une iilusoire subjectivite pure), je suis engage non pas meme dans un etat de ~iberte, mais dans un combat de Iiberation que je n'ai pas voulu. C'est la un fait comme le fait de la reflexion, qui peut comme eile apparaitre comme fondement de tous mes actes et pourtant j'ai toujours aetre libre comme j'ai toujours a reprendre tout mon etre irreflechi dans l'entreprise philosophique. Ma liberte n'est pas hors du monde, eile se mesure a ma puissance d'ouverture dans le monde, elle est dans mon reuvre et non dans ma tete. jamais etre entierement objet pour moi-meme, ni autrui (p. 412.) ni mon corps, ni le monde. Sans doute je me decou:vre a moi-meme dans Ia reflexion mais l'essence du Je n'est pas d'etre manifeste a lui-meme. Je comprends que l'abstraction de la subjectivite pure me coupe de mon etre engage dans le monde, l'essence du Je revelee dans la reflexion radicale doit rejoindre le fait du Je, le comprendre jusqu'au bout comme fait, comme existence histo~ique, individu.e,U:• unique et aussi comme existence anonyme ancree dans la soc1ete, la nature vegetale et les pierres elles:-memes. Dans Ia phenomenologie il ne peut etre question de terme fonde et de terme fondant au sens de puissance constituante et d'objet constitue, d'activite et de passivite ; la reflexion suppose l'irreflechi mais c'est par elle qu'il se manifeste et devient objet de philosophie. Ce rapport n'est nullement hors du temps, il est la dialectique du temps lui-meme qui se sait, se « comprend » : la reflexion philosophique ne quitte pas l'histoire, elle demeure immanente au flux temporel, eile ne rejoint pas une verite eternelle, elle Ia constitue par un dur labeur, par Ia comprehension perma11ente de 1'etre implicite qui se fait et defait avec l'histoire. Comme l'histoire elle-meme, eile est sans fin et porte dans sa profondeur « le mystere du monde et de Ia Raison » ( p. XVI). Quels sont donc les rapports entre la reflexion et son objet ? L'une des propositions les plus troublantes de l'idealisme est sans doute que « l'irreflechi n'apparait qu'a la reflexion ». On voulait par Ia montrer l'insuffisance de l'irn!flechi qui n'est meme pas connu comme irreflechi en dehors de la reflexion. On disait encore: le vecu n'est meme pas vecu puisqu'on ne sait pas qu'on le vit. Pourtant ce savoir de Ia vie signifie seulement que la reflexion tend a objectiver l'experience vecue toute entiere. voulant ainsi n!aliser le paradoxe d'un Etre-objet qui serait en meme temps pur sujet sous Ia forme du savoir : c'est-a-dire Dieu. Mais je ne peux La reflexion philosophique [ 139 ] IL Y A par EMMANUEL LEVINAS . s'impose a la meditation philosophique et s'efface pour elle avec la meme facilite. La relation entre « etant » et etre.l'existant .ce par quoi un existant existe . la collectivite.dans ce qui existe. d'un Dieu. ou ne salirait l'isoler. rien dire et qui ne devient intelligible que dans son participe .a l'idee de cause de l'existence. Celle-ci sera comprise dans sa confusion avec l' « etant ». d'un « etant en general ». semble-t-il. ne relie pas deux termes independants. Elles tiennent a l'habitude de situer l'instant . mais qui n'en sera pas moins un « etant » et non pas le fait. La pensee glisse insensiblement de la notion de l'etre en tant qu'etre . Il exerce deja [ 143 ] . qui sont des etres ou des. Dieu. entre . clont l'essence ne contiendra a la rigueur que l'existence. n'ont certes rien d'accidentel.atome du temps au dela de tout evenement. le genre.1 6 L'ßTRE EN GENERAL LA distinction entre ce qui existe et cette existence meme. substantifs. ou l'action. et 1'evenement ou l'acte dc leur existence. l'individu. La difficulte de separer etre et « etant » et la tendance a envisager l'un dans l'autre. ou l'evenement pur ou l'reuvre d'etre. L' « etant » a deja fait contrat avec l'etre . Il y a comme un vertige pour la pensee a se pencher sur le vide du verbe exister clont on ne peut. Il est. Le commencement. nous pourrions dire que la nuit est l'experience meme de l'il y a. Si le terme d'experience n'etait pas inapplicable a une situation qui est l'exclusion absolue de la lumiere. n'est pas l'indetermination du sujet. la forme pure de l'objet . comme le pronom de la troisieme personne dans la forme impersonnelle du verbe. par lui-meme. Mais ce neant lui-meme? Quelque chose se passe. est indecomposable. non point un auteur mal connu de l'action. ou semblaut d'attribut. anonyme. qui est anonyme. se pose un « etant ». en lui. C'est par cette articulation qu'il se distingue de l'eternel qui est simple et etranger a l'evenement. puisqu'on n'en descend pas vers les especes par adjonction de differences specifi.de ce qui n'equivaut pas a cette transcenfait l'existence de l'etant dance-la. I1 n'est ni une qualite qu'un objet supporte. dans l'etre en general. Deja le « quelque chose » en general. L'indetermination de ce « quelque chose se passe ». dans son refus de prendre une forme personnelle. flit-ce la nuit et le silence du neant. personne ou chose. il est articule. Cette consumation impersonnelle. n'est pas le point de depart d'une meditation qui aborde l'etre en general.la « polarisation » de 1' etre en general. qui est encore l'instant de la creation.ques. et cependant dans la formule « ceci ( 144 ] est » . par l'evenement . Non pas que la naissance soit la reception d'un depöt ou d'un don par un sujet preexistant . en general. comment l'approcher? 2° LA NU1T Imaginons le retour au neant de tous les etres . est 1' « etre ~n general ». mais inextinguible de l'etre. I1 l'exerce dans l'instant qui.choses et personnes. si l'instant n'est pas . L'etre se refuse a toute specification et ne specifie rien. la maitrise du sujet sur son attribut. ne se refere pas a un substantif. Mais la generalite de l'etre . en quelque maniere. lui impose dans l'instant du surgissement. accueille I'existence. Pour I' « etant » qui commence.choses exterieures ou monde interieur. l'etre se refuse a la forme personnelle. Ne faut-il pas.qui exprime l'idee de I' « etant » en general. meme la creation ex nihilo. un acte sur son etre. Ia naissance offrent precisement une dialectique ou cet evenement au sein de l'instant devient sensible. 1'origine. mais aussi a expliquer ce qui. a travers laquelle nous abordons les existants. un substantif qui s'en rend maitre . si l'instant n'est pas l'evenement meme par lequel dans le pur acte. Le commencement est deja cette possession et cette activite d'etre. celle qui murmure au fond du neant luimeme. il n'y a pas seulement a trouver une cause qui le cree. se place au-dessus du genre. Mais on peut se demander si cette adherence de I' « etant » a l~etre est simplement donnee dans l'instant. submerge tout sujet. I1 est impossible de placer ce retour au neant en dehors de tout evenement. puisque nous sommes immediaterneut ob~iges de declarer que cet attribut n'ajoute rien au sujet. a l'etre et au bien. si eile n'est pas accomplie par la stance meme de l'instant .l'etre devient attribut . Detache de l' « etant » qui le domine. nous la fixons par le terme d' il y a. l'evenement d'etre.qu'est l'instant ? Et si. qui comporte de la part de la crt!ature une pure passivite. n'a pas d'auteur. L'il y a trauscende en effet l'interiorite comme l'exteriorite dont il ne rend meme pas possible ]a distinction. ni le support de qualites. [ 145 ] 10 .dont nous n'allons pas d'ailleurs nous occuper ici . dans le pur verbe d'etre. Elle designe. qu'est-il? Que signifie sa generalite? Assun!ment autre chose que la generalite du genre. L'il 'V a. mais le caractere de cette action elle-meme qui. des lors. a l'analyse phenomenologique. ni l'acte d'un sujet. La distinction sujet-objet. voir la marque du caractere impersonnel de l'etre en general ? L'etre en general ne devient-il pas l'etre d'un « etant >> par une inversion.DEUCALION EMMANUEL LEVIN AS sur l'etre Ia domination meme que le sujet exerce sur l'attribut. Nous n'en empruntons pas la notion a un « etant » quelconque . Le courant anonyme de l'etre envahit. dans la difficulte meme de comprendre la categorie selon laquelle l'etre appartient a un « etant ». L'idee de 1' « etant » en general merit6 deja le nom de transeendarrt que les aristoteliciens medievaux appliquaient a l'un. L'instant n'est pas fait d'un bloc. et a t. envahit comme une presence. mais comme universel. C'est un grouillement de points. Elle n'est pas le pendant dialectique de l' absence et ce n' est pas par une pensee que nous Ia saisissons. Teile la ville irreelle. mais ce silence. par leur poids. nageant dans le chaos de leur existence.demeure sans correlation avec Ull interieur. comme il pleut ou il fait chaud. Le tout est ouvert sur nous. L'obscurite le remplit comme un contenu. est. l'espace nocturne nous livre a l'etre. nous distingue des choses et nous permet d'y acceder. meme quand ils nomment les choses les plus familieres. dans la nuit. Les objets eclaires peuvent nous apparaitre comme a travers leurs crepuscules. ce neant de sensations constituent une sourde menace. la transparence qui. L'art meconnu de certains romanciers realistes et naturalistes. de Zola. les choses et les etres nous atteignent comme si elles n'etaient plus au monde. Elle devient insecurite.EMMANUEL LEVINAS DEUCALION Lorsque les formes des choses sont dissoutes dans Ia nuit l'obscurite de Ia nuit. il n'y a pas « quelque chose ». Elle est immediatement la. Teile aussi la realite « fantastique ». L'esprit ne se trouve pas en face d'un exterieur apprehende. mais les ramene a l'etre indetermine. que rien ne menace : ce silence. mais plein de neant de tout. L'insecurite ne vient pas des choses du monde diurne que la nuit recele. au contraire. Certains passages de Huysmans. envahi. Anonymat essentiel. anonyme qu'elles suintent. les etres les plus habituels. mais ce n'est plus l'espace vide. sans en avoir pris !'initiative. au fait meme de l'etre auquel on participe bon gre. c'est. Il y a forme impersonnelle.si Oll tient Ce terme . par leur format. etou:ffe par elle. Il n'y a pas d'etre determine. Mais cette universelle absence est. Dans l'insomnie ou nous somme! rives elle. une presence absolument inevitable. mal gre. a a Aussi peut-on parler de nuits en plein jour. lui-meme. une presence. submerge par la nuit. sans qu'importe ce qu'il y a. a Les choses du monde diurne ne deviennent donc pas. produit le meme e:ffet: ces etres et ces choses qui s'abiment dans leur « materialite ». a son tour. a a I1 y a l'espace nocturne. la calme et souriante horreur de tel conte de Maupassant.ous les degres de cette negation. Il n'y a pas discours. cette horreur qu'elles empruntent leur caractere fantastique. elle tient precisement au fait que rien n'approche. depersonnalise. Il n'est plus donne. il n'y a pas de perspective . « hallucinante » chez des poetes comme Rimbaud. nous n'avons a:ffaire a rien . On est expose. Au lieu de servir aux etres. L'exterieur . a Ia fois. par laquelle elles sont donnees. sans qu'on puisse accoler un substantif a ce terme. la voix de ce silence est entendue et e:ffraie comme « le silence de ces espaces infinis » dont parle Pascal. Peuton parler de sa continuite ? Il est certes ininterrompu. retournant au sein meme de la negation qui l'ecarte. de rentrer dans sa coquille. comme une lourde ambiance n'appartenant a personne. cette tranquillite. La disparition de toute chose et la disparition du moi. ramenent a ce qui ne peut disparaitre. anonymement. horriblement presents par leur epaisseur. ils ne !Ont pas situes. que rien ne vient. n'importe quoi vaut pour n'importe quoi. L'absence de perspective n'est pas purement negative. inventee que l'on trouve apres un voyage fatigant . L'obscurite ne modi:fie pas seulement leurs contours pour la vision. Rien ne nous repond. Il y a en general. qui n'est pas un objet. Mais les points de l'espace nocturne ne se referent pas les uns aux autres comme dans 1'espace eclaire . Non point que les choses recouvertes par l'obscurite echappent a notre prevision et qu'il devienne impossible de mesurer l'avance leur approche. Il n'est plus monde. L'indetermination en fait l'acuite. T outefois cette analyse ne vise pas a illustrer la these du Professeur Mosch Turpin des contes d'Ho:ffmann: Ia nuit est l'absence du jour. Il n'y a plus ceci ni cela . [ 147 ] . Dans cette equivoque se profere la menace de la presence pure et simple de l'il y a. malgre leurs professions de foi et leurs prefaces. i1 est plein. Ia source de 1' « horreur des tenebres » parce que le regard n'arrive pas guetter leurs imprevisibles desseins . indeterminee absolument. mais ce rien n'est pas celui d'un pur neant. ni la qualite d'un objet. L' etre demeure comme un champ de force. Il est impossible devant cette invasion obscure de s'envelopper en soi. Ce qu'on appelle moi. pour jamais. a faire des imbeciles. degage de sa fonction de receptacle d'objets. peut-etre. Ceci . Si chez Durkheim le sacre tranehe sur l' etre profane. aux prises avec l'existence.Ia terrible mort la sainte mort. une peinture « fidele » ou excessive de Ia realite. par les sentiments qu'il provoque. Et pourtant les hommes continueront a philosopher. dans le texte qui suit d'Edgar Poe (r) relatif a 1a mort. dans l'anonymat de la nuit. comme si mourir etait encore etre au sein du neant.apres que . La raison est folie.dans cette materialite qui.-D. le personnage se trouve enferme dans un tombeau. comme on le pense parfois. ce redoutable vide . dans une participation au sens que Levy-Bruhl donne a ce terme. car. point de ci . Il n'y a. meditait mon esprit. loin de correspondre au materialisme philosophique des auteurs. La nouveaute de l'idee de participation introduite par LevyBruhl pour decrire une existence ou l'horreur joue le role d'une emotion dominante. un sentiment tres aigu de ce que nous appelons l'il y a.ceci . d'apres le traducteur. je le vois bien. toute issue etant fermee . mon desespoir. comme une monotone presence qui nous etou:ffe dans l'insomnie. Ceci est Ia mort .ceci est la seule eternite .sans puissance.sans mouvement. Le sujet est petri:fie.et quelle ö Belzebuth ! . Ils nous font apparaitre les choses atravers une nuit. en quelque sorte. mais avide d'etre puissant . Situation que le personnage transpose dans la mort elle-meme.c'est etre arrache a l'il y a. Nul ne connaitra mes sensations. Etre conscience . C'est ainsi. impuissant. pour jamais ».KMMANUEL DEUCALION ne donnent pas seulement. L'horreur est. de vague.pour jamais. Le passage cite a ete supprime par l'auteur dans l'edition d~finitive parue dans Broadway Journal. d'insignifiante anomalie . mais dans cet aneantissement. A plusieurs reprises il reprend explicitement ce theme dans ses contes. I1 faut noter les dpetitions qui donnent plutöt le rythme que le contenu de la situation. jusqu'alors. 3o L'HORREUR D'ETRE Le frolement de l'il y a. mais en la precipitant dans une vigilance impersonnelle. Il faut y insister.et aussi par Seneque.ceci. La situa-. seconde apres seconde. tion qui se repete presque identique dans son reuvre et qui constitue. ces "sentiments demeurent ceux d'un sujet en face d'un objet. aneanti . le secret du fantastique de Poe. ce rythme de l'absence du rythme. Calvocoressi.toujours. consiste dans la destruction des categories qui servaient. comme une menace indeterminee de l'espace lui-meme. a la description des sentiments suscites par le « sacre ».etre etendu da~s ce vaste.on persistant que la mort n'est pas assez mort. traduit par M. pages 8o4--8os dans un conte intitule c Perte d'haleine ~. alors que le passae-e supprime etait du pur Edgar Poe. le conte etait dans l'esprit d'Edgar Poe une parodie de Carlyle et d'Emerson. mais desireux de me mouvoir . c'est l'horreur. puisqu'elle est sujet d'existence c'est-a-dire. d'acces aux etres. qui. constitue le fond obscur de l'existence. Mercure tk Fr•11c11 du 16 nov'embre 1911.derriere Ia forme que Ia lumiere revele . Nous avons deja marque son insinuation dans la nuit.a l'etat de hideuse. « Ceci clone. nous trouvons. que dans la mort on est.je resterai toujours. apparait comme l'emotion fondamentale d'Edgar Poe.C'est ainsi que moi aussi je resterai toujours . c'est l'imminence d'un evenement. (1) Cf. mais penetrent . puisque l'existence d'une conscience constitue une subjectivite. L'identite de chacun de ces ( 149 ) . dans une certaine mesure.ceci . Ceci est Ia mort subie par Regulus . en est tout le contenu.quelle Eternite . l'approche. un mouvement qui va depouiller la conscience de sa « subjectivite » meme. clont on suit. Ia Philosophie est mensonge. maitresse de l'etre. cette obscurite qui est palpable et opprime d'un sentiment de su:ffocation . [ !48 ] LEVINA~ L'horreur d'etre enterre vivant.ceci est veritablement Ia mort. c'est-a-dire le soupc. mon epouvante. Sans ehereher dans une reuvre d'art l'equivalent rigoureux d'un concept philosophique et une interpretation de details s'appliquant a toutes les articulations d'une notion. Non pas en l'apaisant dans l'inconscient. deja nom. Les malfaiteurs inquietent eux-memes eomme des revenants.eette impossibilite de s'evader d'une existence anonyme et incorruptible constitue le plus profond ' du tragique shakespearien.. Les qualites sens. Take any shape but that. Ia notion de l'il y a nous ramene a l'absenee de Dieu. foneiererneut distinete de la participation platonieienne a un genre. and push us fröm our stooles. d'ou sortira un jour le Diel} des religions evoluees. a l'absenee de tout etant. Dans Maebeth l'apparition du spectre de Banco constitue egalement une experienee deeisive du « sans issue » de l'existenee.. « Heure du crime ». L'existenee privee de ehaque terme. Il est depersonnalise. le fantome. dit Maebeth. eonstamment sur cette Iimite de l'etre et du neant ou l'etre s'insinue dans le neant meme. etc .. Elle est Ia partieipation a l'il y a. les fantomes. est le Dieu « eneore » impersonnel. C'est l'ombre de l'etre qui horrifie Macbeth : l'etre se profilant dans le neant. est plus etrange que le erime lui[ 150 ] meme ». sans eommune mesure avee la puissanee emotionneUe qu'il degage et avee la nature meme de eette emotion. Le neant pur de l'an( I 5I ] . en tant qu'experience de l'il y a. Dans la partieipation mystique. Approach thou like the rugged Russian Beare. avant Ia lumiere. e'est }'horrible. sa partieularite d'etant. aller la ou Ia liberte et Ia negation operent. I dare. il annonee son retour. « The times has bene. c'est eela !'impossible. maitrisee par le sujet qui est.. 1'etre se eondense jusqu'a l'etouffement et arrache preeisement la eonscienee a sa « retraite » de conseienee. une angoisse de mort. Le cadavre. n'est pas eneore une depersonnalisation. par la meme.. tout au eontraire. Le revenant.. eonstitue l'element meme de l'horreur. This is more strange then such a murther is ». the man would dye. retourne a un fond indistinet . Ils se depouillent de ee qui eonstitue leur substantivite meme.DEUCALION EMMANUEL LEVINAS termes ne semble pas en question. Henee horrible Shadow. un terme est l'autre. de son pouvoir d'existenee privee que le sujet est depouille dans l'horreur. A l'il y a qui retourne ausein de toute negation. C'est. I1 porte deja en lui son propre fantome. e'est ehereher une sortie de l'etre. C'est de sa subjeetivite. to sleepe. Harnlet recule devant le « ne pas etre » parce qu'il y pressent le retour de l'etre (to dye. that when the Braines were out.to sleepe. Nous reeonnaissons en elle l'il y a. and my firme Nerves shall never tremble. « Et cela. « What man dare. n'est plus l'existenee de l'Un. si l'on peut dire. eomme fait nature!. Les spectres. L'horreur de la nuit. La « nausee » eomme sentiment de l'existenee. Point essentiel de toute eette analyse. rendent eompte. ne nous revele clone pas un danger de mort. But now they rise againe. La fatalite de Ia tragedie antique devient la fatalite de 1' etre irremissible. L'horreur ne tient pas au danger. pour Durkheim. deerit.bles de l'objet saere. eomme « les bulles de la terre » (the Earth hath bubbles). l'identite des termes se perd.erime et vice portent eux aussi Ia marque d'une realite surnaturelle.. que de l'indifferenee. L'horreur n'est. unreall mock'ry hence ». Les primitifs ne temoignent d'apres Levy-Bruhl a l'egard de Ia mort. Tuer. L'horreur est l'evenement d'etre qui retourne au sein de cette negation. l'existenee de l'un submerge l'autre et. comme si rien n'avait bouge.on. l'universalite de l'existenee jusque dans son aneantissement. Il en est tout autrement ehez Levy-Bruhl.. Ce retour de la presence dans la negation . eomme mourir. Qu'il y ait une fin. La partieipation d'un terme a l'autre ne reside pas dans la eommunaute d'un attribut . alors que l'horreur met a l'envers la subjeetivite du sujet. and there an end . de son retour fantomatique a travers les fissures par ou on 1'avait chassee. Dans le neant que eree le erime. « Heure du vice » . eomme porteurs de « representations eolleetives ». un monde ou rien ne prepare l'apparition d'un Dieu. La nuit donne une allure fantomatique aux objets qui la remplissent encore. Plutot qu'a Dieu. L'impersonnalite du saere dans les religions primitives qui.. les sorcieres ne sont pas seulement le tribut de Shakespeare a son temps ou un vestige des materiaux utilises . ni meme un danger de douleur. Les primitifs sont absolument avant Ia Revelation. per chance to Dreame). a l'il y a « sans issue ». de eette disproportion et de eette inadequation. en aueune fac. perd ee earaetere prive. ils permettent de se mouvoir. l'impossibilite de Ia mort. Il ne s'agit pas d'un « quelque chose » qui reste. d'horreur. Le fait que c'est un contenu obtenu par negation de tout contenu. est l'evenement impersonnel.et que dans Ia nuit et le tragique nous approchons . Horreur de l'~tre opposee a l'angoisse du neant . Ou me cacher ? Fuyons dans Ia nuit infernale ! Mais que dis-je mon pere y tient l'urne fatale ». dans Ia situation extreme que nous avons imaginee . L'obscurite ou plonge Ia conscience ayant eteint toute lueur dans 1' etre. dans le dernier chapitre de !'Evolution Creatrice. saisie et comprise en quelque fac. c'est la toute l'originalite de la situation. Phedre decouvre l'impossibilite de la mort. originellement. Le mouvement meme du style imitc constamment ce retour dc: l'etre au sein meme des attitudes ou des mouvements nel:'atifs qui l'ecartent. n'aurait plus de sens. 4° L'IL Y A ET LE NEANT Lorsque.c'est l'etre en tant que champ impersonnel.appliquee a Ja totalite de l'etre. l'horreur de la nuit « sans issue » et « sans reponse ». d'un « quelque chose » qui existe. Nier Ia totalite de l'etre. p1onger dans une espece d'obscurite ou. reste sans consideration. • Nous opposons dons l'horreur de la nuit. 11 n'y a rien. necessite d'en assumer a jamais Ja charge (r). mais il y a de l'etre. « le silence et l'horreur des tenebres » a l'angoisse heideggerienne . La negation n'aboutit pas a l'etre en tant que structure et organisation des objets . pp. ou du vide du vide. « Demain helas il faudra vivre encore ». et quel que soit le degre de cette negation appliquee a elle-meme. du moins. ne constitue par l'il y a. d'apres Bergsan a un sens positif en tant que mouvement de l'esprit qui rejette un etre pour en penser un autre . est l'existence irremissible. en tant que conscience de cette obscurite. L'obscurite est le jeu meme de l'existence qui se jouerait. son existence n'a plus rien de prive. sur Ia densite existentielle du vide lui-meme. Or.une illusion . le « sans issue » de l'existence. c'est. la peur d'etre a Ia peur du neant. l'eternelle responsabilite de son etre dans un univers plein ou. en tant que presence de l'absence. tout l'univers est plein de mes aieux. engagement irresiliable. La negation totale serait clone impossible. est egalement comprise comme contenu. ce qui s'af:firme et s'impose.DEUCALION EMMANUEL LEVIN AS goisse heideggerienne. a-substantif de la nuit et de l'il y a. n'est pas un contenu purement present.qui. peur d'etre et non point peur pour l'etre . La nuit dissipee au premier rayon du soleil. de dissolution du sujet. Situation de nuit. de presence de l'absence. l'horreur de la nuit ne se definit plus. Horreur de l'immortalite. (r) « Thomas l'Obseur ~ de Maurice Blanchot s'ouvre sur la description d'une situation qui correspond assez precisement a celle que nous appelons il y a (Cf. il semble entrevoir une situation analogue a celle qui nous amene a la notion de l'il y a. ou Ia negation et l'aneantissement et le neant sont des evenements ( I 53 ] . pour la conscience. Il aborde l'etre. et aboutit a un etant residuel. C'est comme une densite du vide. qui peut apparaitre certes apres coup comme un contenu. Bergsan montre que le concept du neant equivaut a l'idee de l'etre biffe. meme s'il n'y avait rien. dans toute sa critique comme un « etant ». etre en proie. comme un murmure du silence. mais qui. accomplit 1' « etre pour la mort ». Le « quelque chose » apparait « rien ». en particulier eh. atmosphere. r6). C'est precisement pour exprimer cette situation paradoxale que nous introduisons le terme d' « il y a ». « Le ciel. L'horreur execute la condamnation a la realite perpetuelle. demain contenu dans l'infini de l'aujourd'hui.. 13. · penser le neant . comme un champ de forces. champ. sa production par &11 negation. mais de l'atmosphere m~me de presence. eile se demeure en tant que fonctionnement. du vide de tout etre. Nous tenons a appeler l'attention sur cet etre-densite. de realite de l'irrealite. [ 152 ] La negation . chez Heidegger. qui ne s'identi:fie pas avec l'objet doue de cette densite ou saisi par le souffle de l'existence ou situe dans un champ de forces . L'obscurite. un champ sans proprietaire et sans maitre.ron. Mais Ia critique bergsonienne du neant ne vise que Ia necessite d'un etant. perpetuite du drame de l'existence. etre Iivre a quelque chose qui n'est pas un « quelque chose ». II. Alors que l'angoisse. de suspension de l'etre. impensable comme Iimite ou negation de l'etre. d'accord avec toute Ia philosophie occidentale. l'il y a est au-dessus de Ia contradiction . si dans l'universalite de l'il y a. le caractere dialectique de Ia presence de l'absence passe inaper~u. sortie.et cela dessinera une perspective limitee ou se place notre propos sur !'il y a . n'est pas la condition meme de l'hypostase. comme un ocean qui le bat de tous cotes. cet instant. Ia negation de l'etre est autre chose qu'une pensee impassible.f ) LA PLACE DES VALEURS VITALES par RAYMOND RUYER . le neant n'est pas possible en tant qu'intervalle et interruption. Dans· ce sens. ( I5.si. mais evenements impersonnels. si la conscience avec son pouvoir d'oubli. En tant que mort et attitude a l'egard de Ia mort. c'est-a-dire de l'apparition d'un substantif. Presence de l'absence. d'un particulier ausein du bruissement anonyme et universei de l'il y a. l' etre n'a pas de portes de . L'idee de Ia mort et de l'angoisse devant Ia mort a pu dans Ia philosophie moderne etre opposee a Ia critique bergsonienne du neant. est envisage par les existentialistes comme Ia Iimite. dans une meconnaissance de l'universalite de l'il y a . Mais il faut precisement demander . Mais. il ernbrasse et domine son contradictoire.DEUCALION comme l'af:firmation et Ia creation et Ia subsistance. Ia encore. Le neant. On part de l'etre qui est un contenu Iimite par le neant. cet intervalle du neant. mais mourir. comme la fin dc l'etre. d'epoche n'a pas un recours contre l'existence a laquelle eile participe. n'est pas voir le neant. le neant est pense independamment de l'il y a. cet arret. « Realiser » Ia pensee du neant. d'un nom. d) le hobereau . ou doit-elle etre enveloppee par les valeurs politiques. les difficultes humaines. en morale ou en politique theorique. con~ue comme un service politique ou doit-elle se soumettre a un Pouvoir spirituel et religieux ? Quelle est la place. dans une Civilisation harmonieuse. de l'homme social. doit-elle s'epanouir sans limites et comme a l'exterieur du corps social. de l'Art.elle dominer et enve!opper Ia religion. rendu ainsi plutot semblable a une usine. religieuses. [ 157 ] . esthetiques. ou utilitaire.vuEs d'une distance suffisante. c) l'explorateur..quelle est la place des valeurs vitales? De quelles valeurs doivent-elles etre enveloppees. par exemple. c'est le caractere vague et multiforme des valeurs vitales. du religieux. a quelles autres doivent-elles servir d'enveloppe ? Ce qui complique le probleme. a peu pres. au fonctionnement apparent. ou missionnaire. On sait. comme les visceres dans l'organisme. de la Science. n'est qu' accessoire) .. de l'aventure. Mais la vie ? Et surtout la vie consideree comme base immediate d'une culture ? Spranger a pu decrire le type de l'esthete.c'est une des questions brillantes du siede. mais quel est le type d'homme de la « culture vitale »? On peut hesiter entre : a) le jeune homme de belle sante .. ou comme la classe des artisans dans Ia Republique de Platon ? La politique doit. se reduisent a celle-ci : « Quelles valeurs doivent etre enveloppantes et quelles valeurs enveloppees? » L'economie. b) le sportif . du « theoretique ». l'aventurier (pour qui le but scientifique. ou journalistique. de l'homme de la puissance. de la Pedagogie ? Et surtout . et meme la religion. ce qu'est la science. deesse plus ancienne que les Dieux males ? La place qui convient a Ia vie au sens viril. et deja detache de sa richesse. sur ce probleme. qu'un roman de R. roman qui nous a paru longtemps lui-meme poser un problerne insoluble. une morale. au-dessous de la sagesse politique. Apres Culloden. g) le naturiste « panique ». le Master. ne peut s'empecher d'etre troublee par l'homme qu'elle a autrefois aime. de repartie. ou rester fidele au roi George. elegant et raffine . apres une Iangue [ 159 ] . le jaillissement juvenile. Il s'agit du cantraste et de la rivalite mortelle de deux freres. Mylord decide que les freres se partageront.ou pretendant. Henry est condamne a des economies forcenees et passe pour avare aux yeux de ses gens et de sa femme. a Julot . Chantage financier: James exige secretement d'enormes sommes. Quelle que soit l'issue de l'evenement. taciturne. de bravoure et d'aisance. James disparait. a Ia maniere de Nietzsche. au sens feminin et matriarcal. et clont l'autre est un homme excellent. ou meme a l'affranchi des chansans populaires. non seulement parce que sa position est atrocement fausse. il est Ia victime designee de son frere. Ia maison sera sauvee. joue l'affaire a pile ou face et va rejoindre le Pretendant. de sa seule vitalite. de mechancete aristocratique. en 1745. Chantage sentimental : le pere tout en estimant les qualites solides du cadet. attache a l'honneur du sang. depourvu de sagesse. depourvu de brillant. cruel comme un chat ou un diable. Supposons ce type humain a l'etat pur. ou plutot Ie noble. de l'esprit. De quel droit identifier. James. un peu lourdaud. la question se pose du parti a prendre : rejoindre le Pretendant. les chevaux. le gentilhomme campagnard encore pres de Ia terre. Mais le Master reparait. depourvu de l'enveloppement des autres valeurs. La valeur vitale camporte essentiellement Ia force et l'epanouissement organique. L'epouse vertueuse.··L Stevensan: « The Master of Ballantrae ». et nous avons le vrai gentilhomme. En nous occupant ici de Ia vie au sens viril du mot. L'aine.Dl!. a Ia Vie Sainte et Sacree. Ia chasse. voila le type incarnant Ia valeur vitale a l'etat naissant : il aime la vie au grand air. au moment du debarquement du Pretendant Stuart. Cybele. le brillant et mauvais sujet. Mais sa normativite propre. digne de nourrir une nouvelle morale et une nouvelle religion et de regner ainsi sur Ia cite des males. destinee a epouser l'heritier du nom. comme Nietzsche et Montherlant. qui sait mieux le flatter. Dans la noble maison ecossaise de Lord Durisdeer. Henry. de Ia religion. de science. par ses comedies et ses airs de martyr courageux. Une ou deux generations de plus. clont l'un est mechant. par ses graces aisees. c'est d'arriver a Ia « noblesse ». de style legendaire. Les deux freres finissent par se battre en ciuel. /) le « heros ». une science. mais parce que honnete. qui va d'Hercule a Don Juan. laissant le cadet. Le Master est blesse et decampe. Le cadet herite et epouse.UCALION RAYMOND RUYER e) l'aristocrate. et c'est le debut d'un lang martyre pour le malheureux Henry. qui ajoute a ce fond des qualites de brillant. Le fermier enrichi. vitalite et virilite ? Comment oublier Demeter. Henry. h) mais ce n'est pas encore tout. mais qui manque de ces talents « aristocratiques ». et meme un demon. de scrupule religieux . nous ne devons pas oublier Ia presence eternelle de Demeter. quelle figure fera le personnage ? [ 158 ] N ous ne cannaissans rien de plus profond. mais pourvu dc toutes les superiorites d'ordre « vital ». n'est peutetre pas celle que l' on doit laisser a Ia vie. Ia sante. avec son pere et une jeune et riche orpheline. au-dessus de l'economie. tirer une sagesse. a une preference invincible pour l'autre. les chiens. On le croit mort. y compris Je service de soi-meme. faute de l'etage des valeurs vitales. il est plus lucide. Stevensan r:. comme un. mon peuple m'aurait adore. sans que Stevensan le fasse contredire. comme la coupe de ses habits. p. Aueune reuvre ne donne autant l'impression de l'absence de Couleur. sans un souffle de vent. mais ne s'applique a rien d'autre qu'a son propre avantage. Que !e heros < vital ~ soit indifferent au but spirituel de son action. du Diable. de religion. le jeu. au gouvernement qu'il a autrefois combattu. a aussi quelque chose de surhumain. Le grand interet de cette figure du Master. mais le chemin qu'il va prendre quand il est egare dans la foret americaine avec le Chevalier de Burke . l'audace et l'elegance. si l'on isole. comme espion. C'est un parasite. Elle tourne au noir. parce qu'il n'a absolument aucun principe. La cruaute. De moralite. toutes pretes au service inutile. bien que resolu dans le meme temps a se battre en brave dans nos rangs et a notre [ r6o ] RAYMOND RUYER t ete » (I). J'etais ne pour faire un bon tyran. On avouera que si Stevensou est moins eloquent. C'est que la valeur vitale.. inhumain. I 8. il en a aussi la stature. l'indifference aux valeurs en superstructure relativerneut a la vie. corps chimique.ant a fabriquer de la fausse monnaie. est un absolu. meme corrompue par son isolement. ont quelque chose de pietre. l'on veuille bien comparer cette phrase avec les commentaires ajoutes par Montherlant a l'anecdote sur le duc de Savoie qui « s'entend avec l'adversaire et denonce nos mouvements a l'ennemi. Par exemple. le charme fascinant. non seulement le parti qu'il suivra. reste degrade « comme s'il avait subi quelque destruction dans ces delicats tissus ou l'ame reside ». Politiquement. Sa culture est une pure elegance. l\1ontherlant decouvre tres bien l'indetermination des valeurs vitales. le Master joue a pile ou face. d'avoir une nature royale : « Si j'avais pu regner sur des n~gres tout nus dans les deserts d'Afrique. Le Master est visiblement sympathique au romancier. l' « aristocratisme vital ». il n'hesite pas a se vendre. Les epees brillent au milieu des arbres depouilles du jardin. Il y a toujours indetermination quand un niveau de realite n'est pas enveloppe par ce qui doit normalement lui donner une forme.ous presente. c'est tout simplement l'indice qu'il doit etre subordonne a un ideal plus eleve. mais il l'interprete mal.n'en est meme pas question. qui laisse au contraire percer son mepris secret pour le frere martyrise. economiquement. et quand ce dernier lui reproche un tel enfantillage. Que. Devenez mon esclave. est le creur d un mystere . la maitrise de soi. s'il s'etait mieux connu . il n'aurait trompe personne. glacee... tous ces traits se retrouvent dans le surhomme de Nietzsche ou le heros de Montherlant. la liberte detachee et aventureuse. Ia profondeur positive. et vous ne verrez plus cette face sombre que je tourne vers le monde dans ma colere » (I). d'amour. un Dieu supreme. Tout est un ~. Ainsi aurait du parler Zarathoustra. sans confusion possible avec le heros au sens eleve et demi-moral du mot. mais au noir brillant. mais alors. Pour acheter sa grace. n'en est pas moins une valeur. La scene du duel entre les freres ennemis a pour cadre une nuit d'hiver. s'il est diabolique. il . et le sang meme du blesse parait noir. l'egoisme. la croyance en la guerre comme ultima ratio. il manque absolument de scrupules. seulement Ia noirceur . c'est le oui et le non qui s'etreignent et fusionnent deja dans le temps comme ils s'etreindront et fusionneront dans l'eternite. de grisitre. C''est tout oui et tout non. a l'etat dissocie. Ce qui donne tout son prix a l'reuvre du romancier ecossais. ce que Nietzsche a reve a l'etat de combinaison confuse. (I) Page 229 de l'edition Tauchnitz. il lui repond par ces mots: « Je ne connais pas de meilleure maniere d'exprimer mon mepris de la raison humaine ». . de terne.DEUCALION maladie. mais avec des confusions et des surcharges qui faussent l'analyse et egarent le jugement. c'est qu'il presente le type presque pur du « heros vital ». La-dessus Montherlant medite lyriquement sur ce qui lui apparalt comme une sorte d'eq?iv~lence met~physique ~u oui et du n?n : « ~ette histoire nous fait taueher cette eqmvalence qm. elle ausst. Son intelligence est brillante. n'a pas. Il se vante. C'est que les plus hautes qualites. Son evangile de la superiorite vitale n'aurait (I) Service inutile. A la maniere d'une epure. c'est que son heros. il prouve que l'expression « aristocrate mechant homme » est un pleonasme. ce rl'est pas Ia preuve que !'ideal heroique est h valeur vitale. Le Master. la hauteur vers le bas. On peut devenir bon graveur en s'exer<. Les divinites vitales » des religions negres. lle a quelque chose d'aveugle et d'impitoyable. de rappeler qu'ils disparaissent dans la Vie u sens spirituel du mot. etre malade . des imaginations repoussantes. nous le croyons. courir le sang. il est pueril de detourner les yeux de ces >pects repugnants. l'autre dans une phospho~scence religieuse. l'un dans l joie de la fete sociale et esthetique. Dans Je monde reel. le vin. ou l'ame. De l'amour sexuel brutal a un amour spiritualise. Mais la vie n. les vetements qui servent a « vetir ceux qui sont nus ».ciles a surmonter. pparemment. la poursuite de l'utile sans autre horizon nous paraissent grossieres. Mais on sent bien que les problemes qu'elle pose ne sont pas du tout insolubles et meme qu'elle prepare une base solide pour l'elan de ce qui vaut mieux qu'elle : pour une civilisation plus large. solitaire ou en groupe . se decomposer. Encore n'est-ce la sans doute u'une impression d'homme de la zone temperee. contre la mort. La grande industrie moderne pese d'un poids tres lourd sur l'harmonie sociale. Mais le passage est tres facile aux etages superieurs. luxe. L'economie 'pure.du moins demoniaque. n'a rien de sinistre. et le morceau le plus indigeste pour la bonne volonte religieuse. mais envelopper 'est pas nier. ses bases et ses sanies reste bien le grand scandale de l'univers. quand elles ne versent pas dans leur essence primitive un tel rces d'eau de melisse moralisante que l'iacre parfum primitif en rt completement recouvert. comme dit le R:eglement militaire « des tirs a tuer ». de lugubres institutions d'euthanasie.ciels d'A. eile alimente des appetits materiels aux depens d'aspirations plus hautes. Huxley .guration se fait sans peine : puissance. elle produit des laideurs difficiles a dissimuler. Ce qui scandalise dans les valeurs vitales idolatres. et la transfi. dans une uerre. d' Auguste Comte . pre-colombiennes. philanthropie . il n'hesite pas a prendre le parti de l'honnetete. c'est que vie est. Les Utopies vitales sont beaucoup plus vagues. Le pain. faire. On y aurait reconnu de ~op vieilles idoles. technique savante. sont cruelles comme une idole ~teque. tous ces produits economiques deviennent aisement des symboles religieux. Qu'est-ce que la Volonte Schopenhauerienne sinon une >mbre deesse de la Faim. L'opposition est complete avec de grands . pour une Iiberation spirituelle. c'est presque la Nature elle-meme qui nous donne un modele d'enveloppement de Ia vie. Sur un point. Devorer une proie vivante. SOUS la peau.camoteurs comme le Correge ou Raphael. Les fabricants d'Utopies sont fertiles en systemes qui resolvent les problemes economiques.ces humains. sont 'ouvantables et ont une odeur de sang. sinon satanique . hindoues. comme dit . avec : manque d' etancheite et les mauvaises odeurs que ces diverses perations comportent. La vie organique.imale est horrible. Les metaphysiques de la le. tout cela sort tout naturellerneut du travail. Cette difference d'ordre apparait deja dans les Utopies.le « Master of Ballans~ae » est tout de meme un cas Iimite .RAYMOND RUYER EUCALION u passer pour une religion nouvelle. Qu'il y ait un enveloppement normal t necessaire de l'ordre vital pur. des injustices diffi. SOUS la >ie ou la lumiere. comme les jumeaux artifi. ou faire ruisseler ! sang des breufs et des moutons dans un abattoir . mais apres fortune faite. Tandis que les cruautes inherentes a la Vie seront certainement bien plus diffi. Des reveries extravagantes. par essence. avec son avidite meurtriere. se preparer l decomposition finale.ciles a corriger. au moins sur le papier. comme celle de la Vierge mere. cependant. se fatiguer la chair. du Sexe et de la Mort? La vie vegetale. ce qui est deja quelque chose. pour une hygiene et un confort generalises. De grands peintres comme Rubens et Rembrandt Lvent « envelopper » la vie organique et les miseres. et l'habitant e la foret equatoriale est sans doute d'un autre avis. Mais on continue a voir. igerer. Un homme qui veut absolument faire fortune est redoutable. il en est de meme : les problemes poses par Ia phase economique actuelle seront depuis longtemps resolus et oublies que Ia guerre demandera tou jours des sacrifi. aucun terme ne peut etre supprime. Ia virginite. inverse dc l'ascetisme absolu. « enveloppe le corps ». avant de l'occire. Si Ia nature ne parvient qu'au prix d'un conflit. Ia cruaute et Ia grossierete de Ia vie reparaissent toujours SOUS des formes nouvelles. le mal spirituel en derivent au moins autant. rendait inevitables · les estomacs. social. effort dans lequel des mystiques. digerants. demandent ceremonieusement pardon a l'ours de Ia liberte grande.il est evident que Ia Situation meme des espckes vivantes. en demeurer d'accord (a condition de ne pas trop approfondir). des aristocraties raffinees en tel siede de gdce. un espion dans une cour de prison. du phallus. Non sans peine. La pudeur est un instinct nature! d'enveloppement. que nous avons nommee 1' « acceptation fascinee ». que laisse a lui-meme. Cette coutume primitive correspond exactement a ce qu'est Ia pudeur dans un autre domaine. peut deriver de ce qui est malicieux (böse). ont joue un grand röle . Et comme dans le systeme des valeurs. Tuerun mouton a l'abattoir. c'est Ia pudeur. les expressions sont passablernent conventionnelles. on ne voit pas du tout comment nous pourrons reussir. Elle en tire . des especes qui aiment trop Ia decoration et elles s'encombrent de leurs vains ornements . L'instinct nature! qui seconde l'effort humain. Le mal social. qu'une civilisation plus haute surmonterait. qui avoue sa honte. Meme si les especes vivantes sont des Etres reels qui peuvent se tromper. c'est toujours une operation repugnante. Ia pratique passionnee de Ia chasse et de Ia tauromachie ? Qu'il trouve si difficilement une voie moyenne quand Ia Nature elle-meme semble hesiter et se contredire ? Le problerne du mal. il fallait bien que cet effort allat dans le sens d'un possible nature!. mais qu'il serait ridicule de pretendre reduire a une SUperstition de civilises. a cacher l'amour sexuel sous l'amour spirituel. le refus de toute nourriture carnee d'une part et. concurrents et bataillants. comme historiquement. on peut. non sans de tres nombreuses n!gressions l'humanite arrive tant bien que mal a envelopper l'amour sexuel. que des fautes des hommes. a la rigueur. eile la divinise. dans quelque Sentiment qu'on le conduise. leur condition vitale essentielle. dans d'autres domaines vitaux. enveloppent plus elegamment les necessites vitales que ne savent le faire les civilises dans des circonstances analogues. sinon etre coupables . Elle refuse d'envelopper Ia vie. Le prophete genial qui en decouvrirait un equivalent approprie dans notre civilisation. Elle n'enveloppe pas seulement. eile cache en rougissant. Mais Ia cruaute de la vie. et non seulement l'esprit humain. 1 logiquement. il y a sans doute un effort humain. et c'est Ia ce qu'il faut souligner. les griffes et les dents. clont les modalites. Comment s'etonner. mais enfin. dans ce qu'il a d'insoluble. r r6. l'homme eprouve des difficultes insurmontables et qu'il ne puisse harmoniser des dissonances trop rudes ? Qu'il hesite entre un ascetisme absolu et une acceptation fascinee. dans Ia societe seconde des personnes. Que le mal spirituel soit l'reuvre de Ia mechancete et de la SOttise humaine. Donc. On peut meme trouver que les Peaux-Rouges de Ia foret canadienne qui.tificiel meme. ar. sont independantes de la malice humaine.d. d'une honte. Il est de l'essence de Ia vie de · comporter des individus. entre le pacifisme mystique. en l'homme sa creature.il y a des espckes paresseuses et elles se degradent dans le parasitisme. apres cela. on doit admettre que la Nature elle-meme-. l'objection de conscience. C'est dans !'ordre de la vie que l'on ne voit pas du tout comment ce qui est mal (übel). a cacher les dents et les griffes des individus vivants. avclit honte de la vie. d'autre part l'adoration du Dieu de Ia guerre. un ennemi a Ia guerre. mais ses dents et ses griffes.RAYMOND RUYER DEUCALION Nietzsche. Revenons maintenant sur Ia solution extreme. en s'excusant de leur etat· de famine. qui decouvrirait a Ia fois un style moral et une porte de sortie metaphysique et religieuse hors de l'abattoir et de Ia guerre meriterait d'etre suivi et honore. ne fait qu'un avec celui de l'enveloppement de la vie. C'est !'Esprit avec un grand E. qui viennent assez bizarrerneut a Ia fin du Livre de Job. Behe~oth et Leviathan. « Du combat avec l'octopus de la vie. et eile n'est jamais bien reprimee. parce qu'il est aussi un « viveur » au sens fort et religieux (r). et ce n'est pas necessairement par pure envie de heurter Ies timores et les hypocrites. sans passer par l'etage intermediaire de l'esprit et de Ia civilisation. ce qu'il y a d'irrationnel. de « mysterium tremendum ». Un coup d'Etat heureux. le Dieu-Serpent des Azteques. le sexe.. on n'a pas manque d'attribuer cc theme etrange a une reaction anti-puritaine du romancier anglais. que l'on s'efforce. est au centre de l'reuvre curieuse de Lawrence. le prophete de Quetzalcoatl. c'est une course de tauraux ou le sang et Ia mort s'accompagnent d'une volupte de mauvaise qualite. De plus. Les hommes ont toujours eu une certaine intuition de « sacre ». il avait a peu pres definitiverneut elu domJcÜe dans un hordel. l'auteur du Plumed Serpent. apres qu'a passe la demoiseile elue. eile Ia met au sommet. peut-on ajouter. J. L'horreur domine l'action. dans ]'herbe d'ete. il retrouve spontanerneut l'image du Serpent. Quel est le secret du passage du monstre a Dieu? Comment l'idee a-t-eile pu naitre si souvent.-P. pour l'Europeen. ( 1) c La vie. le hideux. incarne le mieux le caractere horrible de la vie. avec une sorte de courage. comme on sait. ne se cache une vipere. meme lorsque la fascination l'emporte. l'idolatrie des valeurs vitales. dans l'histoire humaine. Devant la foule urbaine et degradee. pour en avotr le sens plus aigu. on doit gagner cette douce fleur d'existence qui est fletrie au moindre contact ». Mais plus generalement. I1 n'e6t pas de roman de Toulet ou. le « god-stuff » gronde eternellement. Le plasma ethere du monde baigne les pieds et les genoux des hommes comme Ia seve terrestre baigne les racines des arbres. Nous devons naitre a nouveau >>. representent bien. Le cas le plus instructif pour nous est celui de Lawrence. T oulet est un ironiste. Mais le divin. mais ils sembleut n'avoir pu saisir et fixer cette intuition qu'au moyen d'equivalents et de « schemes » : le sublime. parce qu'il est passe visiblement de l'horreur a la fascination. puis avec une intervention un peu artificieile de Ia volonte a l'adoration. de convertir Ja bete gluante en une divinite ailee. le moins contestable des symboles phalliques. [ 167 ] [ I 66 ·] . L'reuvre de Lawrence en revele une des sources. le miraculeux et aussi le terrible. Et pourtant. avec le dragon de l'existence degeneree. en permanence ·de ses modeies favoris. « Les Dieux meurent avec les hommes qui les ont con~us. au bord du lac d'ou peuvent surgir a nouveau les anciens Dieux. il est. loin du Mexico affreux et moderne. l'explique par une « schematisation ». La premiere scene du Plumed Serpent. remarque Otto. comme hieroglyphe de la tvie. avec un son si vaste qu'on ne l'entend pas. c'est le serpent. Otto.du moins de reputation fascinant. Toulet etait aussi eloigne qu'il semble possible de ce curieux prophete britannique. incomplete. noie en ceremonie les saints catholiques de l'eglise du lieu dans les eaux du lac. comme Ia mer. de « numineux ». Ia vie dans ce qu'eile a de repoussant et d'attirant : le sang. la vie ! » c'etait l'exclamation familiere de Toulou~e-Lautrec. d'adorer l'obscene ou !'horrible? R. le crocodile et l'hippopotame. dans son etude si riche sur le « sacre ». autant que pour dispos:r. T oulet est un « viveur » dans le sens le plus fran~ais du mot. le Zarathq!!~tra indien. Le Serpent est en meme temps . le mystere vital se degrade aussi et devient ignoble. et l'on aurait vu un fanatisme mystico-politique tres voisin de celui que l'on a vu depuis en Europe. Quetzalcoatl. alors que Lawrence e~t depourvu d'humour autant qu'il convient a un vrai prophete. et il preche en vers libres le nouvel Evangile vital du Serpent a plumes. Ne sachant comment mettre Ia vie a son rang sans l'affaiblir.. La bete qui. Tout change. de monstrueux dans le « divin ». de cette c vie :.. de terrible. Bien entendu. Et l'on ne peut meconnaitre l'instinct qui le guidait quand. Mais il n'est pas necessaire d'etre sorti d'un milieu impregne de puritanisme pour percevoir que la vie a un aspect repoussant . Ramon.llAYMOND llUYlUl DEUCALION directement une religion. ame. De plus Ia premiere erreur en a entraine tres souvent une autre. ce n'est pas un hasard si on les trouve dans toutes les religions primitives. tout ce qui ressemble a l'attirail sauvage. parcourue de Sentiers qui ne menent qu'a . a une culture de l'ame par des chants et des danses de sauvages. n'accompagne que la douceur de Ia vie qui nait.ent. Ia religion sont des valeurs qui pour eile . pleine de vegetaux veneneux.comme l'antithese de l'esprit. on a pris en defiance l' element vital legitime et indisrensable de toute vraie culture.prennent en grippe. Pour peu que la morale de l'epoque soit hostile a Ia culture spirituelle et a l'intelligence. On ne sait jamais ce qui peut sortir de [ !68 ] l'ombre et du trouble laiteux d'une philosophie de la vie. its doivent etre parcourus l'un et l'autre. Au lieu de l'enveloppement hierarchique : vie. Ils ne peuvent etre sentis comme Dieux. ou du moins de ce qu'il y a d'irrationnel dans le religieux. Les griffes et les dents de la vie. l'un par l'homme. chez la femme. inverse et aussi grave.et ils n'ont pas toujours ete quittes pour la peur. Il croit que l'on peut passer directement de la chair et du sang a la divinite. il faut les comprendre. est toujours tente de capter de nouveau a sa source le sentiment primitif. Tout ce qui n'est pas transparent comme la pensee du geometre. ne leur disent plus rien. Une place est vide. et que l'amc ne peut etre sauvee que par le retour aux Dieux barbares. La femme est moins attiree que l'homme par les aventures politiques ou spirituelles . au sens religieux du mot. le plus nature!. par d"es ceremonies brutales et tenebreuses comme un sacrifice humain. Par prudence. Les intellectuels. meme stylisees et mises en collier.mais pour eile seulement . qu'elle sait instinctivement harmoniser. ou du moins de rever d'une nouvelle religion. la vie. on veut considerer qu'a partir de la vie. le bon allant directement a une religion vitale.DEUCALION RAYMOND RUYER le meurtre. Aussi un moderne qui se lance dans l'entreprise audacieuse de refaire une religion. Et l'esprit est devalorise. la culture de l'esprit par l'art et la science ne lui est certes pas inconnu ou interdit. il y a un bon et un mauvais chemin vers Dieu. herissee des debris de batailles sanglantes Vie organique et inutiles. que par ces attributs fascinants et horribles. et le pire est que les actes ont suivi. il n'apparait plus que comme une idole de la civilisation artifi. surtout quand ils ont eu peur de leur adversaire . Le cantraste entre l'ame et l'esprit. contre l'ame posee en ennemie de l'Esprit.-L. il en reste a cette premiere operation. L' elegance vitale. V oici clone que nous trouReligion vons le defaut beant de la culture humaine. La pensee de l'homme a fait bien des fois cette erreur d'itineraire. Stevenson. justement. l'ame. chez Demeter. le mauvais passant par la civilisation et l'esprit. Le passage par la politique. esprit. du religieux. les Divinites phalliques. l'autre par la femme. et la « religion vitale » de la femme n'a pas les traits repoussants de la « religion vitale » de l'homme. mais eile peut l'eviter sans dommage. a l'esprit. La verite est qu'il n'y a pas a choisir. Il y a bien en effet ' deux chemins.cielle. est un « scheme » tout nature!. Par reaction contre la vie divinisee. mais ils ne s'opposent pas comme le Bien et le Mal. ils s'en defi. Le sang.vont harmonieusement ensemble. Il oppose l'ame. ils en restent a l'esprit et condamnent ce qu'on leur presente . et social dangereuse. depuis de:1 dizaines de siecles.faussement . n'est jamais satanique comme chez le heros de R. entre la vic et l'esprit est ie cantraste entre le genie feminin et le genie masculin. Les Dieux buveurs de sang. depuis le triomphe trop complet des Indo-europeens et des Semiculture culture tes sur les Asianites et les Mevitale spirituelle diterraneens a regime matriMalrioreal familial politique arcal. mais il n'est pas conscient du caractere le plus important de ce domaine confusement entrevu: son caractere essentiellerneut feminin. a [ 170 ] LE MASCULIN ET LE FEMININ par WLADIMIR JANKELEVITCH . seule. sont grotesques et sinistres. il confond toujours vitalite et virilite. Imaginons au contraire l'intuition religieuse du romancier anglais chez une prophetesse de genie. Aussi la religion. Les recitations de versets et les effets de torse de Ramon. si nous la femme la grande tache qui lui revient et pour laissions laquelle. la nostalgie d'une culture et d'une religion matriarcales de la vie. Lawrence a le pressentiment. Chaque fois qu'ille tente. la vie qu'il preche a quelque chose de penible comme un homme habille en femme. tout devient un message important et l'Evangile meme clont nous avons besoin. Elle seule saura refaire de la vi~:.• une Bonne Deesse. alors que c'est le. Ce n'est pas al'homme a fonder une religion de la vie. Les prophetes de meme type que Lawrence ont un vague soup~on de cette place en friche. mais nous sommes en mesure de degager la formule et le principe de ces erreurs et de ces fautes de gout.DEUCALION des fondrieres . le heros du Serpent a plumes. chez un Zoroastre femme. Mais ils s'obstinent a croire que l'homme est capable de la remettre en culture et qu'avec plus de virilite nous serons sauves. genie feminin seul qui possede le secret de la nouvelle et necessaire religion. Le pouvoir spirituel et religieux appartient a la femme. une place qui s'assainirait et refleurirait si nous retrouvions a notre maniere Ie sens du matriarcat primitif. et non une Idole ensanglantee. et tout rentre aussitot dans !'ordre. et il tombe ou dans la frenesie ou dans le grotesque. eile est faite. Rien d'etonnant a ce que le principe nourricier. impure et douloureuse de la demi-conscience. s'il est vrai que le feminin est le quidditatif : car la femme est. plus interessee que l'homme a la fidelite du partenaire. par !'initiative fecondante (quoique elle-meme infeconde) de sa liberte. la femme transmet et fait la chaine : lieu de passage des generations. Car il y a un element de mauvaise conscience dans cette fidelite rivee au meme et que toute nouveaute effarouche. dans la region mixte. tout nous le dit . soit tout [ 173 ] . par son style d'existence. qui allaite l'existant de son lait maternel. a l'ange gardien de l'existant biologique. La fidelite correspond a une situation soucieuse et tout naturellement feminine. tout oriente v-ers la perpetuation de l'espece et la continuation de l'existant . et d'abord la vocation biologique du principe maternel. ou mieux I'arche ou le Principe tout court.' LA fidelite moyenne se situe dans l'entre-deux des extremes. qui est le principe du commencement. La fidelite est femme. n'intervient que d'une maniere discontinue. vehicule et vase de l'avenir virtuel. Pour parler le Iangage de Max Scheler je dirai que le vira s'oppose au feminin comme le jeune genie de l'esprit au venerable genie de la vie. Dans ces dches biologiques l'homme sterae. eile assure l'entretien des enfants qu'elle a portes dans ses flancs feconds. mats Ia Force. ne tenant a rien. contingentes . Et de plus Ia heaute n'a pas commence. La beaute est Splendor. r T . irradiation et calme continuite. Ia beaute s'exhibe ou s'expose comme le portrait qui. une naissance non-devenue. mieux vaut ne pas savoir comment elle est faite. qui est la vertu numero un. comme un volcan mal eteint. mais la femme est beaute. La beaute est l'installation de l'existant dans Ia perfection rayonnante de sa forme et de sa corporeite . mais. mais le genie de la vie est Ia chose belle elle-meme. releguant dans !'androgyne mythique Ia nostalgie de l'Humain integral. ou tout est risque hasardeux. la naissance d' Aphrodite etant elle-m~me ~ne naissance eternelle. elle prefere pour nous l'inquietude et les alarmes.exsistit . comme l'Eros viril de Diotime. meurt et ressuscite a tout instant. La Pornocratte ou les femmes tlam les tMnps modernes. J. 1 J ANKELEVITCH regarde statiquement de ses yeux immobiles. le centaure ou le poisson volant. seul pla~ de l'illusion. l'objet d'art qui est sujet . ephemeres.A. que la meme qui ne demande qu'a garder soit impuissante a edi:fier ! C'est la loi d'alternative sans doute qui divisa entre les deux sexes ces vocations complementaires. La vertu du commencement est la vertu de l'homme. incendiant lui-meme ces cathedrales que lui-meme construisit. elle est non point (comme Ia beaute) extension hypothetique sur le. profane l'eternel present de Ia femme . Et de l'acharneme~t de l'homme sacrilege a detruire parfois sa propre tdole pour sav01r ce qui se passe derriere ce beau front Iisse.. c'est-a-dire l'objet-sujet . le Courage du fort. Virtus. 1a pointe de Ia force penetre profondement dans les choses pour les rendre fragiles. le fort est tente par la beaute faible et inerme. nait. une contmuatlOn. qui est evenement.e de Schubert. Ia guerre. La jeune :fille et Ia mort . sans plus.voila un theme blasphematoire qui n'habite pas seulement l'imagination de Ro~sard et du xvf siede. mais passage du dedans au dehors. comme un moyen d'evasion dans l'eternel ? L'innocente apparence Est.res novae ! -clont l'homme est porteur represente assez bien cette amphibolie du Janus viril. pour le jeu aussi ou rien ne s'edi:fie. L'esprit de revolution. au lieu que Ia heaute s'etale en surface . le corps et le visage de Ia femme. aussi contradictoire que l'amazone.dans sa subsistance et consistance sans :fissures. eile representerait le monstre absurde de l'homme-femme.DEUCALION WLADIMIR absorbe dans les reuvres de Ia patx : au lieu que 1'arche. naturellement spasmodique et convulsionnaire. p. La feminite est vraiment l'Eternel femmm.orale genirale.. a Ia fois destructeur et createur (car il ne cree que dans le Zero de toute possession) est fait pour Ia chasse. l'Icone par excellence : l'image de Ia femme. pour connaitre les ressorts et la machinerie de Ia belle apparence . La polarite iondamentale de Ia Beaute et de la Force (r) donne le mot de toutes les antinomies sexuelles. a ce qu'il semble.. Oui. mais Ia Force. guerrier et inventeur. Vide problerne et secret sans mystere! Pour l'admirer. extrovers10n centnfuge et action irrationnelle sur les choses . positif par devant et negatif par derriere. en ceci que. le genie de l'esprit est le demiurge des choses helles . 1 . l'homme eprouve l'eternelle jeunesse. eile compromet notre bonheur. Traite ie m. Ia :figure de l'existant. Proudhon. Schopenhauer ne proposait-il pas au vouloir la contemplation des idees platoniciennes. au Musee. n'opere que dans Ia tension musculaire intermittente. Virtus !a ( 1) Rene Le Senne.. Ainsi tout est clair. c'est-a-dire l'extase esthetique. 531. a savoir le courage (r). nous (1) P. L'aventuriere. le nu feminin ne sont-ils pas les eternels inspirateurs de l'homme ? L'homme est artiste. ce!l~ encor. le devastateur est aussi l'ouvrier des choses helles. Comment s'etonner que le genie de l'esprit fabrique :finalement des <l!uvres de mort ? Mais quelle ironie voulut que le meme qui batit demolisse. ou les plus fabuleuses fortunes s'elevent et s'ecroulent tour a tour dans l'instant du coup de de. A Ia fois architecte et iconoclaste. r r7. l'homme-guerrier est aussi l'artiste . par violence. La force transforme. est plus contre nature que l'aventurier. eile ne se demande pas si les verites eternelles sont des creatures. Meme Pailas. a [ 177 ] 12 . eile. Resignee aux maux necessaires Ia feminine fidelite represente. seme et moissonne. l'Eros noctambule du Banquet. dont parle Socrate dans le Menon et toutes les plus humbles besognes de Marthe.. Il n'est pas jusqu'aux occupations feminines qui ne soient a leur maniere des besognes de continuation et de fidelite : Ia fidelite tisse de ses doigts Iegers les fils de Ia trame. sans remettre en question son << origine radicale » . vers Ia maison de Ia Sagesse fileuse .VITCH meubles. T olstoi . c'est-a-dire fait les gestes du travail technique applique a Ia matiere cependant que Ia femme fait cuire Ie· pain et les gateaux . le deroulement meme de Ia feminine continuation ? Pensez seulement a l'image ridicule et humiliante d'Heracles. ni si l'existence va de soi . car il est le principe coureur. Ia theorie des Vierges inactives. mais non pas s'il est metaphysiquement fonde. mais que Ia meme force tour a tour fabrique et abolit . le style juridique. apparait immobile dans sa mobilite meme. c'est Ia Production. qui apres tout est femme. comme Ia part de Ia feminite est Ia consommation qui est Ia zone mixte des besoins periodiques et de Ia quotidiennete. chargees de fleurs et de palmes. le tout ou rien de l'existence. c'est le royaume des fileuses bourdonnantes. n' a donc pas tellement raison que cela. 1a :fidelite formelle et femelle. il est indigne d'un boiar de filer le lin. c'est-a-dire n'a pas d'origine historique. il est indigne de faire de la denteile quand on peut exterminer les monstres : tant de force.WLADIMIR DEUCALION est le privilege de V ir et Ia fonction de Ia virilite. Le courage correspond a une economie organique Oll Ia musculature. le gout du menu detail. ou comme V enus naiverneut proposee au dehors. tout au long d'une frise. eile pretend seulement que son ordre soit legal. ce sont les soins du menage. qui nivelle le male et Ia femelle. non point qu'il soit legitime. si caracteristique de la nature feminine . au lieu que la question Quod ne comporte que des reponses simples et generales. c'est-a-dire qu'eile veut savoir s'il est conforme a la jurisprudence. dit le Comte Alexis K.n'est-ce pas Ia une inversion ironique des principes ? La geometrie moniste et f~ministe de Ia Republique. aussi. femme. eile se place sur le plan du droit qui est donne en fait. Tourneevers l'interieur.Proudhon. car sa vocation est de « demeurer ». nomade et leger a Ia course. eile sedentaire et toujours en residence. casaniere et sans profession. L'homme laboure. Ia sophia brodeuse et filandiere (1) apparait tournee vers le « chez-soi » Oll sont les (1) Moussorgski. Ia fidelite continue au Iogis sa sempiternelle tapisserie de Penelope durant que le courage chasse le sanglier ou parcourt les archipels. Ia fidelite sans imagination represente dans les deux cas une vocation inverse de Ia vocation courageuse. lui. lui. La fidelite respecte Ia loi et sait par creur le code civil qui est pourtant l'reuvre de l'homme legislateur. J ANKELl~. Le courage joue le oui ou non. Ia long~eur des membres inferieurs marquent Ia predominance de Ia vie de relation. Proudhon dirait que sa partie a lui. Ces besognes quidditatives. le gladiateur en vacances. des fideles Omphales qui trament le linceul des ancetres. de l'homme constituant. pour Ia danse et pour le pas lent et solenne! des processions : le cortege des Panathenees. les besognes de Ia vie quotidienne au foyer domestique. l'appareil osseux. n'est-ce pas. car le Comment de la continuation se decrit en son plus-ou-moins. « sauvant l'interieur ». remarque. de rester sur place ou « a domicile » . Chveia ( < La Couturiere »). charge des rapports ave·c le monde exterieur. etant plutöt faite. les dieux penates et familiers. Ce royaume feminin. par opposition au style ethico-metaphysique de l'homme. et qui nait toute fabriquee. montant. De la 1' attachement aux traditions. filant de Ia laine au rouet d'Omphale. de ces memes fortes mains qui dompterent l'hydre et les cavales .. l'atre. Pallas n'est-elle pas Ia patronne des tisserands et des fileuses ? N'est-elle pas la sagesse absorbee · dans son industrie arachneenne ? Iei Ia sagesse. a les jambes lestes et l'humeur peregrine . appliquee joindre des fils si delicats. les manes des chers defunts et les portraits de famiile. ce mot faisant mieux comprendre la position ambivalente et contradictoire du partenaire. de sorte que. l'elan vital. Quoi qu'il en soit. selon des lois mecaniques . dans le personnage de Diotime. il n'agit pas. c'est-a-dire qu'il opere sur place et de sa place. veut immobiliser l'ipseite dans une verite instantanee et statique . WLADIMIR J ANKELEVITCH quoi pense-t-il soudain ? A quelle croisiere? Pourquoi est-il distrait? Pourquoi semble-t-il ailleurs et toujours au dela de sa propre presence? Au mena~ant mystere qu'est l'homme pour Ia femme. mais au contraire eile est. les Grecs ont conc. une volonte irrfidele et qu'on accuse volontiers d'etre volage . sollicite au passage par toutes sortes de magnetiseuses et de trompeuses ferninites : par Circe et Calypso. inef:ficiente . « attirant ». elle devient tout fait instable et :fievreuse. mais l'insaisissable lpse glisse entre toutes ces images que sa compagne :fixe de lui-meme. pour operer. Eros subira l'attrait de l'existence innocente. La verite de l'homme est une verite dynamique. Dionysos habitera dans ses meubles et dans la maison de Ia fidelite. de la femme . Ce qui revient a dire : Ja chose seduisante n'est jamais cause suf:fisante . Deux mysteres se refractent ici l'un dans l'autre : l'homme pour la substantielle fidelite (qui est toujours un peu Res et substance) l'homme represente l'inquietant mystere de l'ipseite. et par les Sirenes qui sont Ia feminite . impuissante. Ce charme ferneile est. discontinue de commencement qui recommence sans cesse. en un sens. dans le sens ou Ia matiere plotinienne meduse l'esprit. le mystere mechant. sa vie d'Eros. eile n'est donc pas « principe ». en Ia devisageant. La femme "est plus que l'homme interessee a Ia stabilite et amour signi:fie pour eile bonheur. c'est de fonder et d'acquerir. l'idee masculine du sacrifice aventureux. en general. c'est pourquoi il est vite epris et vite depris au }ieu que. privee de son regulateur feminin. !'initiative virile. avec l'idee feminine du devouement quotidien. foyer et quotidiennete. par influence magique . C'est cela. c'est l'esprit moderne qui aurait apporte. sa vie errante. ni meme de complementarite. amoureux et terrible : a a (1) III 4. sans se deranger. privee du :fidele intervalle. la prophetesse de Mantinee. Car si la force est un charme pour la beaute.DEUCALION ni le pluralisme de Ia Politique d'Aristote ( 1) tellement tort : il y a bien. eile attend. celle de l'autre de conserver. Teile est la polarite des deux sexes que chacun entretient avec son heterogene un rapport non point de correlation dialectique. le Quod petri:fie par ses meduses devient quid par « complaisance » . Don Juan est pour ainsi dire la caricature de cette situation virile lorsque. le Charme. [ 179 ] . mais de tension contradictoire et de conflit. sa vie de Juan. l'affaire de i•un. la beaute est pour la force le charme par excellence. En d'autres termes: le Quod e:ffemine par son Eve charrneuse. a Ia lettre. 1277 b : autre est l'oikonomia de l'homme. on sait le retour du vagabond Ulysse. reconnu par une civilisation homosexuelle qui commence a peine. ensorcellede ses yeux de serpent. au lieu qu'il signifie pour l'homme plaisir-eclair et volupte de l'instant. plus lent a naitre. cause insuf:fisante. cette gorgone du charme. le Sentiment feminin est aussi bien plus lent a passer. mais il fascine. l'ombre fidele. il « n'agit » donc pas. un charme dangereux que la beaute redoute delicieusement (car eile craint ce qu'elle aime et veut avoir peur et desire la violence). a prendre conscience de Ia feminite. la beaute propose a la force sans domicile le havre de l'existant . d'un mot. malgre ce qu'on dit parfois. mais au contact. eile lui o:ffre de s'etablir et de cesser son pelerinage. la cause virile pour que spontanement eile entreprenne. Le couple de l'instant et de l'intervalle n'a pas ete. sa vie d'eternel ressuscite. La compagne. repond le mystere captivant que la femme incarne pour tout homme et que nous appellerons.u toute vertu sur le type quidditatif . « plaire » : persuader la cause entreprenante. c'est l'impenetrabilite mutuelle du quid au quod et du quod au quid qui explique le maitre-malentendu des sexes. une vertu de l'homme et une vertu de Ia femme : peut-etre parce que le sens historique du commencement leur manquait. autre celle. si agir est sortir de soi par mouvement efferent pour rencontrer Ia chose et Ia trans·· former non point a distance. Ia liberte. renvoyant le principe viril de avec a sans et de sans a avec explique qu'un menage heureux soit a }'egal d'un Cercle carre contradiction et non-sens metaphysique. refait. qui domestique le heros Herades : voici la cause initiale devenue cause seconde. ( I8<9 ] [ r8r J . Hereule en jupons. et quand Ia derniere fusee s' est eteinte dans le ciel tout a l'heure embrase de mille feux. defait : je te fuis. Car si la beaute fascinante apporte a l'homme l'hebetude. dit Diotime. ( Comme loin des Sirimes. fauve d'appartement . chacun s'adressant a l'absolument Autre et de telle fac.VITCH entre ses deux regrets. elle organise par des stratagemes illicites ou inavouables la quiddification et domiciliation de l'aventurier. >. l'energie « at home » maudit les filles-fleurs qui ont interrompu son passionnant periple. s'il perc. c'est aussi la mort. (2) tu es mon guerisseur . sophiste merveilleux ! ». Ainsi restez sourds aux sirenes. La Sorciere. Minon 8o a (sur la torpille). elle. aventureuse et voyageuse de son compagnon. C'est une femme. songe deja a quitter l'ennuyeuse Penelope.. comme chez Schopenhauer.. qui doute. le complaisant dit a Socrate. La femme fait ce qu'elle peut pour exploiter l'humeur entreprenante.on qu'aucun des deux partenaires. bien qu'elles fassent mauva1s menage. sibylle et magicienne ( r). ne peut comprendre celui qu'il exerce. Banquet. d'Eros. c'est-a-dire la « pervertit » et la devie. en me bouchant les oreilles .DEUCALION WLADIMIR musicienne. ni on ne peut vivre avec. merveilleux guerisseur. quiddifie par le miel des caresses. 203 d. le courage quidditatif s'ennuie dans son Ithaque et a peine rentre au bercail.oit l'enchantement inexplicable qu'il subit. les lares domestiques et le rouet de la :fidelite. et dans le Menon : Tu m'ensorcelles. (z) « Merveilleux enchanteur. elle deteste cela meme qui la seduit. La misogynie masculine s'est raconte toutes sortes de mythes pour justi:fier ce regret du voyage qui fait pendant a la Nostalgie. Toutefois la symbiose de ces contradictoires est aussi necessaire qu'impossible. une mystique de charme. Ici commence Ia tragedie. (r) Michelet. zr6 a . Sans :fidelite l'effectivite de l'instant serait des( 1 ) Banquet. disions-nous. et fait derailler Ia dialectique droite de l'aventure . mon eher danger. oscille d'un mouvement pendulaire J ANKELJ§. et l'un pour l'autre indechiffrables. la beaute et la force doivent cohabiter. L'energie a tout moment s'assoupit sur l'oreiller de la feminite . la laideur erotique. etc. Comment la :fidelite retiendra-t-elle le chevalier Courage? mais comment le courage a son tour se vengera-t-il de la Beaute qui. c'est-a-dire au regret du bercail : la conscience. mon beau danger. Ce debat. eile fait resplendir pour l'homme ebloui les merveilles ephemeres d'une nuit de quatorze juillet . la conscience virile qui ~on pas hypnotise.. comme une glu. mais l'epouse est pour l'homme un impossible-necessaire : ni on ne peut vivre sans. le philtre du danger developpent dans la chose belle l'appetit inextinguible et le malaise d'aporia qui deformera la beaute. mais electrise. c' est-a-dire 1'Amour Sorcier. L'extreme volupte n'est-elle pas la mort du quod? Ces deux charmes sont heterogenes. selon Michel Lermontov. la narcose et la stupeur. il ne reste plus au cceur de l'aventurier que l'arrieregout tres amer des illusions perdues. le preux se retire de ses prouesses pour faire du tricot. pour en:fin se poser sur l'existence conjugale . 1e mystere du retour qui racontait cette quiddi:fication du heros est clone en realite un mystere feminin. On peut echapper a un guet-apens en n'y allant pas . et a tout moment l'energie quiddi:fiee. Cf. elle utilise au mieux l'arme a double tranehaut de }'irreversible . par la voix de la tcherkesse Tamara. Circe et Medee. Car telle est l'amphibolie du sortilege : la force tentee en veut a sa tentatrice.. et la mort encore qui chante. la mort euthanasique du quod qui chante le chant des sirenes. et c'est ce qui fait tout !'insoluble de notre tragedie. l'attire et le :fixe ? Car s'il y a une menace mortelle pour le quid dans la boulimie erotique de la Force. la peri du Caucase. me:fiezvous de vos helles Helenes et du sourire attrayant ! Et inverserneut (r) Alcibiade l'effemine. Et d'ailleurs l'autre qui enregistre mes promesses prend au mot tous les serments d'ivrogne et toutes [ !83 ] . chiffons. choyee. celui-la qui est sadique. conquerir et caresser. Mais sans courage la possibilite feminine a son tour resterait fantomale : imaginez une societe purement feminine parmi les etoffes. Le Fort etait libre de dire non : du moins il fera. car le male fait une effrayante consommation de valeurs et de maitresses . eile represente le principe antique de la feminite. l'intervalle sans force . la fidelite n'est-elle pas un peu androgyne? La fidelitc est suspendue a l'acte de choisir qui est la prerogative de la viri[ r8. c'est-a-dire la restauration du passe. il renonce pour prix de sa liberte d'un instant a ses droits eventuels. la fidelite commence et le courage se continue. mais par l'etat de quietisme et d'attente ou eile persevere. la force quoique toute action. et qui. celui-ci qui est pederastique. et de la guerre. La fidelite est a Ia fois le quod qui propose. et elle est femme en cela. la beaute agit.DEUCALION \VLAOIMIR JANKELEVITCH tructive et devorante. de meme la fidelite decide de soi. Mais d'autre part. Ia bacchanale de l'inversion sexuelle? Sans feminite le courage perd le nord. dans l'instant du choix. mais ensuite. En fait la beaute a elle-meme de la puissance. l'eternel et maternel Germen . Oui. se ccHebre le culte de la reconnaissance et de l'amitie : car le jour de reception est le seul ou par la porte cntr'ouverte l'en-dehors est periodiquement admis au dedans. et le quid qui continue par mouvement acquis. photos.2. au sens d' Aristote. car le male Iivre a lui-meme brule ce qu'il adorait . glisse du present voluptueux dans le present mortel et s'abolit elle-meme : et voila les deux monstres opposes de Don Juan. et dans le cadre de cette piece illusoire qu'on appelle salon . au sens de Schelling. le serment de surmonter plus tard son degout.s ce chez-soi hypothetique de l'interiorite et de la clausura familiale que la force violerait volontiers par effraction. c'est-a-dire : ne reste pas eireanserite en son extension et cloturee dans sa morphologie . et cedant au libertinage. comme la fidelite est encore un peu force. osons dire qu'elle se devance elle-meme par ses avances et qu'elle est a soi circulairement sa propre cause . la fidelite spectrale . sadiquement l'instant aphrodisiaque . Il y a en eile du present actif et du passe passif. de meme que l'homme fa~onne la femme qui est l'argile de son courage. la piece ou il est le plus mal eleve et le plus ridicule de remettre en question les eternels presupposes de l'existence . possibilite indeterminee. ayant dit oui. ou receptive qui est d'etre aimee. dan. Mieux encore: la fidelite elle-meme en tant qu'elle est a Ia fois un acte et un etat. Et vice versa. empechant le statu quo. puisque helas ! le degout est aussi nature! que l'attachement . la piece ou l'on fait honneur a ses obligations et ou. la faible chimere de la femme. la situation feminine. elle est tangente a l'instant du Courage. Elle represente a la fois la philosophie de l'amant et celle de l'aime. la fidelite comme le remords. Car qu'est-ce que la guerre sinon le grandiose Iibertinage des hommes debarrasses enfin de leurs compagnes. la force est belle. renouvelle insatiablement. la force. eile est l'attachement au parti choisi. de la forme et de la matiere. mais comme l'article par excellence est l'article de la mort. la beaute est forte. a une forme. bijoux et babillages. tous deux creatures dc l'instant sans feminite. c'est-a-dire du pur masculin. Par le choix auquel elle s'accroche. nous pousse toujours en avant dans le sens meme du devenir. ainsi le courage est deja un peu femme ou intervalle dans l'endurance et la patience. a dates fixes. La force ne vit-elle pas dans les rues ? Cette societe serait. ] lite . saisie d'angoisse. substrat ou. dans sa vertigineuse febrilite Ia force pure devient folle. elue et d'attendre Ia grace : car le quid est sinon poupee du moins. en ordonnant une vie nouvelle autour de cette parole. freine Ia futurition en creant une stabilite nouvelle a partir de Ia parole une fois juree. a la lettre. Cette contradiction se resout d'elle-meme dans Ia synthese paradoxale de l'tirreversible et de l'irrevocable. la fidelite reunit en elle-meme les deux Situations : la Situation virile qui est d'aimer. D'une part Ia fidelite est une decision qui consacre l'impossibilite du retour en arriere. qui est le pouvoir d'un demi-sorcier sans cesse depasse par ses propres progenitures. ou bien exercer sa puissance en s'engageant et devenant serf. il capture en captivant. Le piege exploite ainsi l'unilateralite de notre pouvoir. et l'on dit eternel ou il faudrait dire plutot. car cet « revum » a justement commence. dans l'acte par lequel cette nouveaute se cree : chaque moment se veut eternel a partir d'un mot. nunc superstans. et irrevocable en tant qu'il Ia consacre definitive. ne designant que le sens de l'avenir. « immortel ». que Ia faible force se tendent a eux-memes . l'eternisation de Ia nouveaute qui relegue le passe dans !'irreparable est deja contenue immanente. il attire l' entree pour mieux interdire Ia sortie . car cette eternite. il developpe l'obstacle dans l'exercice meme de la puissance et comme un effet de cette puisllance : tel l'ingenieur par une ruse economique et persuasive. Ce piege que la femme faible et rusee tend au Fort est aussi un piege que le fidele courage. induit les forces naturelles a se dompter elles-memes. On a reconnu la la fatalite constitutionnelle de !'alternative : ou rester libre et degage. et meme. au sens de Lucrece. Ia force se prend a son propre piege. des paliers de fidelite ralentissent ainsi le progres irreversible et nous reposent de notre elan . comme un vecteur.1>EUCALION les protestations d'amour. mais il s'engage pour toujours. le piege. La disproportion du fiat et des consequences du fiat a tout moment immobilise le devenir : a toute minnte l'irrevocable nous fabrique un present eternel. dissymetrique. c'est-a-dire se Iimite et s'entrave elle-meme en s'exer9ant . ou plutot c'est le meme proces qui est irreversible dans l'instant ou il cree Ia nouveaute. souriciere magique. Car ce Tonjours est. c'est-a-dire impuissant. une « superstition » que !'irreversible voudrait refouler en en creant un autre . comme la soupape. Par une sorte de contradiction intestine qui n'est rien d'autre que la « tragedie de la culture ». car ce Tonjours n'a pas toujours ete. [ 184 ] SOLITUDE DE LA RAISON par FERDINAND ALQUIE . permet l'entree et empeche Ia sortie. et.premier sujet que Racine porta au theatre. des deux cotes. On n'epuise L E . une conscience encore. est Ia Iutte des freres ennemis. et Ia source de nos fureurs.. plus offerte sans doute. Nos seuls ennemis sont nos freres. par cela seul qu'ils ne sont point nous-memes. entre toutes. et. et ne peuvent le paraitre que si l'on suppose en Ia matiere quelque volonte hostile. l'homme se mesure avec ce qui lui ressemble. Car la Iutte de l'homme contre Ia matiere. ce n'est pas qu'elles soient. Et. Regel a assez averti que la guerre est dans le rapport des consciences. ce qui nous touche si vivement dans les luttes entre freres. et n'::t de sens que parce que toutes les consciences sont conscience . une fois encore. ne sont pas guerres. aperc. La colere. aussi.:oit-il. en Dieu quelque pere a detroner. l'un de ceux sur lesquels s'acheva l'reuvre de Schiller. Ia haine. et plus desarmee. c'est que l'on eherehe en lui. si donc. dans le conflit de la religion et de Ia philosophie des lumieres. Sentiments d'hommes COntre des hommes. funestes : c'est qu'ici se montre l'essence de Ia guerre. si l'animal est parfois torture. ne different de nous que par un trait. c'est-a-dire ceux qui nous ressemblant en toutes choses. ou sa revolte contre Dieu. a la Iimite. la meme verite. au moins a }'origine. la cruaute sont toujours. peut a bon droit se declarer humaniste. aimant et emu. d'un accord profond. est le seul humanisme coherent et total. par projet : d'ou naissent. Tous les penseurs semblent clone aujourd'hui se rejoindre en la conception d'un homme engendrant ses valeurs. et les metaphysiciens qui.. pour eviter le divorce entre l'homme et la raison. mais aussi actif. reduit l'homme a soi. I1 ne peut dire : « ma raison ». Son Abso1u n'est plus « subjectif ».. une science pour laquelle l'objet se reduit a l'objet connu. en la notion kantienne d'autonomie. !'infinite creatrice. mais la science qu'ils lui preferent est une science que nulle metaphysique ne fonde et ne met en ·place. Mais si. et l'on sent bien que l'affectif. ou en Ia morale de M. On sait Ia haine que certains marxistes ont vouee a l'existentialisme. la Raison etant commune a tous. par elan. que Descartes reservait a Dieu. Le Senne. clone. ma nausee. de:finie comme presence active au Monde. Car l'homme peut dire : « mes sentiments. L'union de cette action et de cette soumission apparait cn Ia notion cartesienne de liberte eclairee. Mais celles-ci n'opposent que les partisans de ce nouvel humanisme. il le fut au pro:fit de l'action pure : la liberte posant Ia loi fut alors preferee a l'amour de !'ordre. Le Senne. mais seulement : « la Raison ». DEUCALION pas vite une teile pensee. plus que quiconque. pour l'eviter. ment nos croyances que ceux memes qui combattent avec le plus de violence. temoignent. en ce qui concerne l'homme et son rapport avec le monde. dans les theses classiques. une science. les luttes qui dechirent notre epoque. opposant programme a programme. cree ses chemins. et non le fondement des autres . - . bien des querelles. et rejette tout ce qui ne peut etre fonde sur l'homme. et la question est seulement de savoir s'il se fait par technique. construisant la verite. d'un homme faisant et se faisant. Car la Situation que le monde actuel fait a Ia conscience semble determiner si forte. connaissant. la tradition classique s'effon. et semblent n'atteindre Dieu que comme une partie de l'humain. et bannir tout a fait la raison. en effet. on se tourne vers ceux qui la denoncent. Et sans doute. ideal a ideal. au sens de. aussi bien qu'en Marx.. en son essence. entre l'homme comme pur principe d'initiative et l'homme comme comprehension d'un ordre aper~u et accepte. en effet. ·se perpetuait une sorte d'equilibre instable entre l'homme comme liberte et l'homme comme raison. s'opposent les chretiens. on decouvre qu'ils professent aussi une philosophie voyant dans la realite humaine. Quant a M. sans doute. a l'objet subjectif. qui repand sa clarte sur toutes les querelies des hommes. a l'objet pour-nous. Mais deja beaucoup de chretiens n'osent plus parler de Dieu comme d'un Il. c'est-a-dire l'humain comme tel. ma mort ». tel M. conception de la vie a conception de la vie. et. auquel ils reprochent Ia solitude ou il enferme l'homme : celui-ci. insistent sur le depassement du moi par les valeurs.ant. et comme moyen au service de l'action et de l'appropriation. Et sans doute une teile conception peutelle inquit!ter. D'autres condamnent toute philosophie comme subjectiviste. mon angoisse. en particulier. ils rejoignent l'idee selon laquelle le pour-autrui est structure de notre conscience. ( 188 ] qu 1i1 declare solidifle.« personnel » : il n'est point objectif cependant. meme. Ia connaissance n'etant par eux vantee qu'en raison de ses suites techniques. qui af:firment la transcendance de Dieu. comme d'un Etre. y faisant apparaitre que c'est toujours une meme idee qui s'y oppose a elle-meme. y semble fait d'une liberte qui peut prendre n'importe quel chemin et qui. passa du cote de l'homme. 11 est clair que ce complexe devait etre dissocie. prive de valeurs qui lui soient exterieures. aux uns et autres. Cela se voit en Fichte. il se defie de l'Etre. le fondement unique des valeurs et de la verite. Le Senne. Elle eclaire. L'humanisme. en effet. I FERDIN AND ALQUII!. est voie d'acces vers le Reel au meme titre que la Raison. qui n'est que le point de vue non elucide du sujet humain sur le Monde. La V erite n'est ici qu'une valeur parmi les autres. . . qui parait etre le propre de notre temps. superieure a toute regle. Faisant de Dieu un Toi. qui. interlocuteur de ce dialogue qu'est la priere. de persuader que celle-ci est precisement ce qui nous fait hommes. et qui. fut longtemps confondu avec le rationalisme. le sujet n'est plus. transformant le Monde au lieu de le contempler. . Mais. Et Sartre. mais plutot ee qui me porte et peut rendre eompte de moi. semble-t-il. si le rationalisme est vrai. se mettre d'aeeord en leur rejet eommun de tout objet pose eomme en-soi et eomme Etre. ou n'est pas seulement lui : ee pourquoi il ne se sent jamais tout a fait au Monde. prenant comme point de depart celui des etres ou il est question de l'Etre. Et sans cioute cette tension vers ce qui n'est pas. l'homme ne peut sortir de soi. et clone un ordre imperatif. Mais les clefs du repos sont a ce point perdues que toute tentative de retour a l'Etre se change bientot en un nouvel elan ou s'exaspere en inquietude. amoureux de Ia vie eternelle. en effet. e'est d'abord se soumettre et eeder. soit aujourd'hui eombattu avee une egale violenee par les kierkegaardiens et les marxistes. freres ennemis entre tous. mais un etre qui hait la Raison objeetive. sont. les transforme et detru1t leur ordre nature!. clont la dehe eternelle fut de situer l'homme par rapport a l'Ordre Universel. Bergson reve d'abord ' . neeessite. d'abord ennemis. clont eile eonstitue Ia strueture. en leur amour du dynamisme. Et e'est d'une teile raison que la eonseienee moderne ne veut plus. quelque espoir informule de se rendre un jour immortel par Ia science. Sartre semble un instant vouloir partir de l'en-soi. Brunsehvieg et Bergson. eomme il hait tout ee qui n'est pas lui. par exemple. les sourees essentielles de l'humanisme moderne. La Raison est toujours exteriorite. et se situer en une autre dimension d'Etre.oit vite que ce neant est l'essentiel. tourne vers le eoneret. monde. et nier le sujet. Et l'on eomprend aisement que le rationalisme metaphysique. La reeoneiliation de l'homme et du Monde ne peut etre operee que par une pensee qui. et de Ia valeur unique du sujet humain perdu en une Nature deehue et tentatriee. et constitue tout ce qu'il decouvre de positif et de qualifiable dans l'en-soi lui-meme. etre operee que par un rationalisme metaphysique. presente dans les ehoses. de l'explieiter ou de la transformer. mais Ia transforme ensuite en une intuition creatrice. toujours die semble deeouverte en ee qui n'est pas nous. eomi?e on le voit dans Le Cimetiere Marin de Valery. et le progres teeh~iqu~. en deeouvre les eonditions a priori. ee pourquoi la liberte qui le eonstitue semble toujours ne pouvoir etre inseree dans le Reel. on verrait. Saintete chretienne et heroisme teehnique sont tous deux refus de Ia sagesse. s'accompagne-t-elle du regret et du desir de l'Etre. quelque desir de transformer le monde par ses reuvres. d'une meme revolte. par lequel l'homme s'impose aux choses. et qui. Heide~ger nous promet une philosophie de l'Etre mais. Il apparait clone maintenant. d'une intuition esthetique et contemplative des donnees immediates. Mais il s'aperc. je dois moi-memc etre explieable : la Raison n'est clone. ne peut plus franchir les limites de l'homme. peut nous fa1re un instant eonsentir a la mort. Et il y a toujours ehez le ehretien. et peut ainsi remettre a leur plaee les diverses attitudes humaines. Ici encore. du moins dans les theories extremes. ou il voit un neant. que l'homme n'est pas seulement un etre raisonnable. et ehez le technicien. Elle ne peut. en d'autres termes. eomme il hait l'Etre du monde. de Ia mer ou des arbres. Il s'agit bien toujours de ne point suecomber aux eharmes de Ia paix que notre regard trouve dans Ia eontemplation du ciel. eommune au chretien et a l'homme d'aetion. Si l'on passait iei des querelies d'aujourd'hui a eelles d'hier. se detaehant de l'experienee et ne se eontentant pas de la deerire. qui sont autant de rapports de Ia liberte et de l'Etre. L'affirmation ehretienne de la non-valeur du monde. et nes. Bien plus. la Iutte eontre la raison metaphysique et l'harmonie du monde gree fut toujours menee a la fois au nom du christianisme et de Ia teehnique. Etre raisonnable. coineidant avec le mouvement meme par lequel l'elan vital pose Ie. en l'affirmation que l'homme est moins l'un des objets possibles de la Raison que le point de depart de ses inventions ineessantes. Et il serait aise de trouver semblables mouvements dans le passage de Ia science a la t~chnique : on part d'une vision du Monde qui situe l'homme et [ [ 190 ] 191 ] . pas ee que je porte en moi. Au reste. en effet. et son desir constant de devenir un en-soi-pour-soi le condamne a cette inutile agitation que l'on nomme sa vie. L'ordre des objets est toujours pour mon desir un ordre auquel il faut obeir.PERDINAND ALQUIE DEUCALION et meme. depasse l'homme. s'il se sent absurde. Il craindra que Ia verite que vous invoquez. Et sans doute plusieurs. il usera d'un pragmatisme qui. 11 ne vous saura nul gre de ces justi:fications. aura du moins l'avantage de Ia maintenir au niveau du temporel. Mais le plus etrange est sans doute que. Ia verite objective de notre mort. les juger au nom de Ia transcendance qu'elles refusent. et se defiera de Ia distinction que vous voulez faire entre le marxisme et les ideologies qu'il condamne et explique. Il n'en est rien : ce serait Ia fonder encore l'existence sur Ia connaissance. Le caractere imprevisible du futur n'est en effet pas tenu pour le fruit d'une ignorance que du moins Ia coRfiance en ce qui sera pourrait venir illuminer. oubliant que 1' optimisme n'est pas seulement dans le courage du projet. et donc que le revolutionnaire conscient Yaut. Et nul ne juge plus possible le repos. n'aille rejoindre l'eternite de Ia connaissance au niveau de laquelle l'homme. N'est-il pas dair que. et donc se libere de l'histoire. par exemple. en effet. c'est [ 192 ] ( 193 ] . seuls. se desolent-ils de voir ainsi rejeter Ia metaphysique par des doctrines qu'ils croient valables en tout ce qu'elles affirment. dans la foi en un etre.DEUCALION FERDIN AND ALQUif: le meta sa place dans l'Univers. Et l'on arrive a l'~vresse de l'homme transformant son savoir en pouvoir. etant celle d'une pensee superieure a l'histoire. Ainsi. Le Dieu-homme des chretiens. c'est que tout n'est pas en lui mediocre? N'apparait-il pas que. le poids du monde est desormais sur nous. de sa veritable essence. leurs refus et leurs negations empechent de parvenir a leur totale verite. mieux que Ia distraction quotidienne. On pourrait penser. Heidegger. et l'on ne veut admettre d'autre transcendance que celle de Ia realite humaine elle-meme. pense enfin l'histoire en sa verite. en soi et dans l'absolu. Ainsi l'astronomie engendre Ia physique. nul ne peut plus saisir l'humain autrement que dans le vertige ou l'enthousiasme. mieux que le reactionnaire borne. Car justifier leurs doctrines serait preciment les rapporter a autre chose qu'elles-memes. Nous en avons la charge. ces dieux que tu pleures toujours ! Le temps va ramener l'ordre des anciens jours. et sans doute est-ce le seul qu'on nous puisse aujourd'hui proposer. Aussi les mots qui designaient jadis la confiance de l'homme dans le reel changent-ils eux-memes de sens. que vous pensez. ayant decouvert et compris les determinations qui. Sartre nous ont enseigne que le futur est imprevisible parce qu'il depend totalement de nous. Et Ia raison. Ia conscience de l'histoire ne pouvant. ne consent pas a se rapporter a sa source. qu'au niveau du marxisme Ia conscience. Bergson. parce qu'il n'est de futur que de l'homme. et determinee par l'histoire. Ne lui dites pas non plus que les valeurs qu'il deiend vous paraissent justes en ce qu'elles rapprochent l'homme . que Ia vie authentique de Heidegger est authentique parce qu'elle nous revele. ayant quitte les choses. la tenaient prisonniere. Ne dites pas non plus a un marxiste que vous croyez que le marxisme est vrai. J'ai peine a comprendre pourquoi Ia lucidite. et de sa subjectivite. et que. Sartre declare etran~ gement que sa philosophie est un optimisme. dont je suis. mais dans l'affirmation de la presence objective du Bien dans le Monde. La croyance en Ia liberte n'est que l'optimisme du vertige. dans leur negation de ce qui les depasse. avant tout ennemi de Ia metaphysique. l'homme-dieu des marxistes ne se combattent plus qu'au sein d'une commune angoisse. n'est plus qu'en nous. nul ne croit plus en Ia prornesse de Nerval : . Ils reviendront. et n'aimant plus Ia science que pour ses applications. qui regne aujourd'hui en tant d'esprits. pour rendre sa doctrine philosophiquement impensable. cela est clair. Il preferera subordonner encore ses af:firmations a l'histoire elle-meme et. les philosophes d'aujourd'hui en arrivent a refuser toute justification. si l'homme se sent mediocre. Et l'espoir dont nous parlent certains n'est pas davantage Ia foi dans le futur. jusque Ia. etre conscience dans l'histoire. et eile est a notre servtce. qui feront un jour triompher les Valeurs. ou en une Necessite. qui est celle de notre responsabilite. et l'amenaient a prendre pour des -valeurs internporelies ce qui n'etait qu'armes au service d'interets historiques precis. quelque mauvaise foi. Ce renoncement. Mais sa lucidite ne sait pourquoi et par quoi eile est lucide. est aujourd'hui perdue. semble-t-il. espoir ou desespoir. L'idee cartesienne. et sortir du moi en le rattachant a ce qui le fonde.DEUCALION que le fond de son esprit est raison ? Et. de l'acceptation parfois souriante. I1 rejette Ja metaphysique. et qu'elle fait de l'homme. et permet de juger insuffisante notre condition ou indigne notre nature. En cela. au sens propre du mot. qui donnera sans doute son style a notre epoque. le caractere essentiel de ce nouvel humanisme. une raison reduite a l'homme. par ou se manifeste une raison solitaire. n'en est pas moins presente . Une lucidite de mauvaise foij une mauvaise foi lucide. [ 194 ] LA THEORIE DE LA SCIENCE SELON BOLZANO par JEAN CA V AILLES . l'affectif est tenu pour affectif et la passion pour passion. Cette lucidite morose. eclaire et rend conscient ce cöte-ci. puisque c'est a sa lumiere que l':homme se juge fini. du reste. ne veut pas convenir que la _raison de l'homme depasse l'homme. privee de tout chemin vers un authentique depassement. et la passion ordonnee au temps de Descartes. depasse les frontieres de la philosophie : il fait le fond de l'indifference desabusee. peut etre nommee. pour etre meconnue. puisque. voila donc. selon laquelle l'idee de l'infini est premiere en moi par rapport a celle du fini. la confusion romantique etant dissipee. ou ne veut plus le savoir. refusant toute transcendance et tout depassement de l'existence par la verite. mais l'intelligence ne nous sert qu'a nier l'objectivite de tout Ordre. Rien n'est plus loin de nous que la nai:vete. Mais l'idee de l'infini. la conscience moderne est lucide. selon le gout de chacun. comme la sensualite eclairee donna le sien au xvm• siede. Ce en quoi i1 y a. n'est-ce pas que l'essence de sa conscience est aspiration au bonheur ? Mais l'homme refuse de nommer cet autre cöte de lui-meme qui seul. Car le desespoir et l'espoir ne sont qu'un sentiment unique chez celui qui. chez tous les penseurs modernes. et constitue le fond de ma conscience. qui est pourtant la seule voie par laquelle la raison puisse echapper a sa solitude. s'il se sent malheureux ou aliene. cependant. un etre metaphysique. parfois heroique du mediocre qui colore notre vie de tous les jours. sreur de Cavailles.un changement de type d'evidence. achevement rendu necessaire par le calcul infinitesimal. R. Bolzano s'eleve dans le Rein analytischer Beweis. La science est avant tout theorie demontree. L. L'ouvrage sera prochainement publie par les Presses Universitaires. D. une evidence que Descartes n'invoquait que pour les natures simples et qui pour Kant regit tous les raisonnements geometriques. La crise de croissance de l'analyse exigeait alors ainsi que le montrent les Etapes de la philosophie mathematique . et des Proues Univ6rsitaires de pouvoir en presenter ici quelques passages. Au niveau mathematique l'inspiration est cartesienne. deja l'infini syncategorematique du calcul differentiel reclame comme reference Ull infini a la Verite (r) Extrait d'un travail de Cavailles sur la logique et la theorie de la science. compose pendant l'internement au camp de Saint-Paul d'Eyjaux et presque entierement mis au point entre le moment de l'evasion et celui de la derniere arrestation par la police allemande. c'est un achevement de l'intellectualisation inauguree par la geometrie analytique.[justement] le souci pn!dominant de Bolzano de mettre C 'EsTl'accent sur le caractere necessaire de la science. Contre les recours trop faciles a l'evidence. Nou devons a l'obligeance de Madame Ferrieres. Pour Bolzano. Le paradoxe de l'infini actuel oblige a rejeter le continu geometrique comme nature simple : or. N. il s'agissait de la transformation radicale de constatation en demonstration. [ 197 ] . on tombe sur un element existant qui peut servir d'extremite a l'accroissement. Ce~te ~nite est ~ouvement : comme il ne s'agit pas ici d'un l?e~l sctenttfique mats de la science realisee. Independamment d'autres rnotifs .manence. m~i~. c'est lui qui le premier definit correctement la hmtte. Une. c'est-a-dire qu'elle ne peut s'accom~oder d'un~ multiplicite e:tfective de realisations singulieres. Ainsi chez Leibniz.il y a la pour Leibniz une raison de rattacher le mathematique au logique: non seulement l'intuition spatiale se trouve renvoyee au plan de l'imagination. La pauvrete des moyens employes ne doit pas masquer le sens de l'entreprise : Ia science totale ainsi definie pose l'absolu et represente le seul moyen d' en atteindre une partie. Par un renversement revolutionnaire. 1erare 1e suivant les relations de dependance. les memes Bolzano considere .es af~rmatt?ns local.il repugne de nature a !'infinite. introduit la notion d'ensemble. en tant que. mais encore le nombre lui-meme.et manque resoudre problemes de la legitimite mathematique : apn!s les dif:ficultes de principes auxquelles s'embarrasse le xvnt siede pour le calcu~ i~fi­ nitesimal. comme pour l'ceuvre d'art d~ la meler a l'exteriorite aceidenteile d'un systeme sensible _' d·autre part eile exige l'unite. Dans l'entendement divin l'homogeneite rationneUe du fini et de l'infini s'exprime donc dans l'universalite du logique : ce qui est necessaire est ce qui se demontre.e~t. l'infini qui y entre : mais il ne s'agit plus pour un iritellect humain d'embrasser d'un seul regard un encha1nement complet.)EUCALION JEAN CAVAILLES Linique comme terme absolu. mais comme un objet sui generi~. l'idee est d~clSlve pour notre probleme. mais celles-ct se ~on. ou . . autonome dans son mouvement. I . dependant autant de l'un que de 1 autre et n'ayant pas de realite propre.on que les resultats ~o~~e !a stgmficatwn de 1 une exigent en tant qu'elle est science 1 utthsat~o~ des autres. Le Iien necessaire apers.et n'aper~oive pas la possibilite d'une pluralite d'irifinis -la division actuelle de la matiere a l'infini rend possible l'acccroissement arbitrairement petit d'une variable : ou que l'on s'arrete. ou l'insertion commune dans un systeme (I).par suite des antinomies classiques reprises par les contemporains de Leibniz .dttto~nent e~tre elles de teile fa<. Le changement ( ) D' ' l'"d' d' h"' h.si Ie temps stgmfie reference au vecu d'une conscience. D'ou l'idee de la combinatoire et les ebauches de la science et de Ia caracteristique universelles. d. Ia science se meut hors du temps .philosophiques ou historiques .. on n entend pas quelque chose qui soit inclus dans les reahtes nat~relles. original dans son essence. Mises a part les imperfections dues a 1'epoque. obJets ~e culture caracterises par la participation a une valeur q~ tls ~an~feste~t.tse~s dans l'espace et le temps. une science subordonnee utibsant les resultats de celles qui precedent comme principes regulateurs ( Note de l'auteur). non plus tm. D'ou philosophiquement un double enrichissement de la veine leibnizienne. dynamtsme ferme sur lui-meme. Cont~air. a l'interieur du phenomene sociologique. Pour Ia premiere fois peut-etre la sct~nce n'est plus consideree comme simple intermediaire entre I:espnt humain et l'etre en soi.u entre deux termes garantit l'ensemble : la puissance d'extension par iteration ou combinaison se trouve a la fois source de nouveaute et caution d'intelligibilite. Le phenomene bien fonde de l'espace a sa base intelligible dans la multiplicite extra-numerique infinie des monades. D'abord l'etre meme de la science est soumis a critique : il s' agit a la fois de determiner ce qui constitue une science comme telle et le moteur de son deve- loppe~. ne Hh-ce que le systeme des termes d'une serie. I1 n Y ~ pas diVerses sciences ni divers moments d'une science. t~rme. Atnsl eile ne se situe meme pas dans l'univers de~. quoiqu'il rejette le nombre infini . plus un absolu qu'un element dans le systeme des :xtstants.et non pas si etroitement lie a la valeur que ce soit de son essence. El~e n est p~s. theone de la SCience ne peut etre que theorie de l'unite de la sctence. l'incompletude et 1 e~tgence de progres f?nt partie de Ia definition. c'est le nombre qui est chasse du domaine de la rationalite parfaite.. St ~ on peut parler de la science d'un pays ou d'une e~o~~e. [ 199 ] . ~'une science unique aux disciplines variees . Seulement progres autonome.ement a eux. sans commencement a?so~u ni . ce qui apparttent ~ la SCience. d'une part son mode ~ actuahsatwn lUI est extnnseque . .1 ee une. progression necessaire et inde:finie. La regle interne qui Ia dirige pose chacune de ses etapes. l'accroissement se fait sans emprunt a l'exterieur: il y a rupture entre sensation ou opinion droite et science. On peut multiplier les crampons. Pour qu'il fut pose au dehors il devrait etre place sur le meme plan. Si le savoir total n'a pas de sens . En eile se retrouvent bien les traits essentiels : unite. arrangement sans justi:fication dont rien de necessaire ne peut suivre.JEAN CAVAILLES DEUCALION est en eile. La dif:ficulte apparait aussitot. a son tour. Il n'y a pas en realite distinction d'essence entre les anneaux durcis qui semblent marquer les termes et le mouvement qui les traverse. Aueune methode issuc de Ia doctrine ne peut retrouver la decision cartesienne : « sub scientia non cadit ». Comment un principe ou une reunion de principes qui dans leur contenu et dans leur rassem[ 201 ] . si en eux consistait le Iien demontrant il faudrait leur superposer indefiniment d'autres crampons. par cela seul qu'eile pose le but. Ainsi l'autonomie scienti:fique est simultanement expansion et cloture: cloture negative par refus d'emprunt ou d'aboutissement exterieur. par cela meme qu'il se pose.avec une conscience absolue existe un hiatus aussi reel qu'avec l'opinion. est au COntraire incorporation du monde a l'univers scienti:fique : meme si son sens n'est pas degage. on precise et justi:fie les caracteres precedents. meme pour les sciences de la nature. principe de sa necessite. loin d'etre insertion dans Ia nature. Il faut alors que ses enonces ne soient pas constitutifs d'un developpement particulier. sa valeur d'experience est a Ia fois dans son detachement d'un mortde de singularite et d'exteriorite. ou ce qui est n'a pas de signification en dehors de son existence actuelle (et determinee). La veritable science ne quitte pas le demontre : la conception moderne des systemes hypotheticodeductifs tombe SOUS la meme critique. toute en elles. Tel est le role de Ia structure. non par une explication qui aurait son lieu propre et serait. enfin fermeture sur soi. Mais celui-ci ne s'arrete pas : Ia demonstration. mais apparaissent immediatement dans une auto-illutnination du mouvement scienti:fique. obstacle aux theories effectivement pensees. D'une part tout concept ou systeme de concepts. il serait donc deja une experience. Mais le chemin ne doit pas etre aboli. non seulement de justi:fier et de preciser ces caracteres.d'enchainement. mais se confond avec la demonstration. il n'est qu'un mode d'af:firmation inconditionnelle. mais dans un devenir conceptuel qui ne peut s'arreter. En de:finissant une structure de Ia science qui n'est que manifestation a elle-meme de ce qu'elle est. de sorte qu'il ne peut etre question ni d'y preparer ni d'y deboucher . Enfin eile ne peut s'allier au non-demontre : on retrouve la reserve platonicienne contre la diano'ia qui emprunte au monde visible ses hypotheses. si 1'on veut qu'il se poursuive : le sens veritable d'une theorie est non pas dans un aspect compris par le savant lui-meme comme essentiellement provisoire. objet de reflexion. l'absorption de l'anterieur par le posterieur qui le justi:fie et dans une certaine mesure le supprime. mais par une revelation qui n'est pas distincte du revele. L'experience. Or. accroissement de volume par generation spontanee d'elements intelligibles. La structure parle sur ellememe. etend et rami:fie le domaine cree au moyen de combinaisons qu'eile etablit aussitot qu'elles sont possibles. La science est un volume riemannien qui peut etre a la fois ferme et sans rien d'exterieur a lui. Ia demonstration. donc partie d'ellememe. Ia representation d'une infinite absolument simple de tout le savoir est une image sans autre relation avec Ia realite de la science militante que de pousser a la Iimite une propriete du mouvement. se distinguant de lui pourtant par leur permanente emergence. et impossible a saisir ne varietur dans aucune : on se rappeile Ia dif:ficulte cartesienne des evidences . est a Ia fois exclusion et cxigence de l'autre : en ce sens. il n'est qu'une fa~on de s'imposer par une autorite qui n'emprunte rien au dehors. [ 200 ] La doctrine de Ia science est aussi pretention a Ia validite et a l'intelligibilite .l'extrascienti:fique radical n'en a pas davantage. presente dans son mouvement.ou natures simples . La structure de Ia science. 1 eile serait science de Ia science. mais de situer Ia discipline qui les pose. meme si eile apparait comme un corps opaque. et dans l'uni:fication virtuelle a laquelle eile doit necessairement un jour presider. non seulement est demonstration. D'autre part. non anterieur a la science mais ame de Ia science. discerner ensuite. Le problerne qui se pose alors est d'apprehender ce principe dans son mouvement generateur. est tout entiere demonstration. si eile le peut l'element essentiel permanent de ce qui est mobile par lui. sans avoir resolu ces problemes. n'ayant pas de requisits exterieurs mais exigeant a son tour Ja science. mais eile est posterieure a l'analytique qui donne le contenu de son objet et a l'ontologie qui l'acheve en etre. Double difficulte de Ia solution bolzanienne : si eile evite Ia Subordination a un existant historique ou a l'absolu de Ia conscience.DEUCALION blement ne sont pas eux-memes intelligibles peuvent-ils etre Je point de depart pour un deroulement intelligible? L'alliance heterogene d'un concret pur constate et d'un mode d'enchainement rationnel est simple image sans pensee. [ 202 ] LES REVELATIONS DE LA 'MICROPHYSIQUE par LOUIS DE BROGLIE . se constituer directement la premiere comme eile en avait l'ambition. de retrouver cette structure non par description mais apodictiquement en tant qu'elle se deroule et se demontre elle-meme. Construction d'une theorie pure des enchainements rationnels d'une part. d'autre part rapport a Ja science developpee. Autrement dit la theorie de Ia science est un a Priori. La science. L'epistemologie scientifique ne peut. eile doit poser eile-meme la totalite de ce qu'elle atteint. si eile est. c'est-a-dire logique. Les variables d'espace et de temps defi. Les consequences qui decoulent des nouvelles relations admises entre les coordonnees d'espace et de temps des divers observateurs sont assez deconcertantes au prem1er abord : ainsi un corps en U NE [ 2. les physiciens n'auraient pas volontajrefl!~nt desire adopter des idees aussi surprenantes et contraires a leurs intuitions usuelles. La theorie de la Relativite est en realite une theorie diffi.cile qui ne peut etre vraiment bien comprise que si l'on en suit dans le detail le developpement mathematique. mais 1'etude meme des phenomenes reels les y a conduits. c'est que les nouvelles conceptions relatives a l'interconnextion entre espace et temps ont ete imposees aux physiciens par la necessite d'expliquer des faits experimentaux: par eux memes. on ne peut defi.05 ] .nir un « temps universei » qui serait le meme pour tous les observateurs. Au point de vue qui nous interesse ici. Ce qui est curieux en cette affaire. entre l'espace et le temps des physiciens. Legrand public s'est beaucoup interesse a la Theorie de la Relativite et il en est surtout n!sulte qu'on a dit beaucoup d'inexactitudes et meme de sottises a son sujet. son apport essentiel a ete de montrer qu'il existe. En particulier.nies par les metres et les horloges qu'emploient deux observateurs en mouvement relatif l'un par rapport a l'autre ne sont pas reliees entre elles de la maniere qu'on admettait sans discussion autrefois : elles dependent les unes des autres d'une fa~on qui n'e5t pas du tout conforme a nos intuitions usuelles. des relations jusqu'alors insoup~onnees et tout a fait contraires a nos habitudes de pensee.premiere (et assez grave) atteinte a ete portee a nos conceptions classiques sur l'espace et le temps par ]e developpement des idees relativistes. l'espace et le temps etant devenus solidaires. de l'espace-temps. cou. cette influence du contenu sur le contenant n'a nen a vo1r avec le quantum d Action. ou son successeur l'espacetemps de la Physique relativiste. en quelque sorte. La vitesse de la lumiere dans le vide joue d'ailleurs un role primordial dans toute cette theorie : eile y apparalt comme la Iimite superieure des vitesses qu'un corps materiel peut atteindre.54. Bien plus profondement revolutionnaire a ete Ia theorie des Quanta. telles que les electrons. point n'etait besoin de preciser son mouvement et sa vitesse : on pouvait af:firmer qu'il avait passe dans teile position a l'instant t dans un systeme de reference bien de:fini sans avoir a se preoccuper de son energie. ils ne deviennent notables que si les vitesses relatives deviennent tres grandes. Pour localiser un objet dans l'espace. le present et l'avenir seront donc inscrits dans le cadre de cet espace-temps et chaque observateur les verra se succeder dans son propre present suivant des lois rigoureuses se traduisant par des equations differentielles. Ce que l'on nomme en effet 1'Action en Mecanique est une grandeur un peu hybride que 1'on peut exprimer comme le produit d'une energie par un temps ou encore comme le produit d'une quantite de mouvement par une (x) La theorie de la Relativite generalisee avait bien admis l'existence d'une i~Huence des corps situes dans l'espace-temps sur la . comme on les nomme. la theorie de la Relativite en constituerait plutot le couronnement. fondre l'espace et le temps en un continu a quatre dimensions. Jusqu'ici. c'est le sens profond de cette assez mysterieuse notion de quantum d'Action. ni celui des extraordinaires developpements que les idees de Planck ont pris en quelques annees. elles n'on pas cependant renverse le cadre spatio-temporel admis par la Physique classique. Nous ne pouvons reprendre ici l'historique de cette memorable decouverte. Pour employer les expressions cartesiennes. [ 206 ] continue de regner en maltre et le determinisme physique reste aussi rigoureux que par le passe. Ia :figure et le mouvement semblaient des choses tout a fait independantes.rbure. ou chaque observateur decoupe a sa maniere son espace et son temps. il ne faut plus considerer l'espace et le temps isolement. ~a1s. conduisant :finalement a cette forme nouvelle et speci:fiquement quantique de la Mecanique qu'on nomme aujourd'hui la Mecanique ondulatoire. ne sont point toujours negligeables : leur existence entraine necessairement certaines modi:fications des lois de la Mecanique et les ecarts qui en resultent par rapport aux lois de la Mecanique classique deviennent tres importants pour les corps animes de vitesses voisines de la vitesse de la lumiere dans le vide. des donnees qu'a priori aucune condition ne liait l'une a l'autre. Le cadre de l'espace et du temps desormais uni:fie. ces effets de Relativite. M. Quelqu'importantes et radicalement nouvelles qu'aient ete les idees introduites dans la Physique par la theorie de la Relativite. nous etaient apparus comme un cadre donne a priori et tout a fait independant de ce que l'on pouvait y metre (I). Tout le passe. espacetemps d'Einstein ou Univers de Minkowski. inobservables dans la plupart des cas de l'experience courante . Les particules de Ia Physique atomique.DEUCALION LOUIS DE BROGLIE mouvement paralt plus court dans le sens de son mouvement pour celui qui le voit passer devant lui que pour celui qui l'accompagne dans son deplacement : une horloge paralt aller moins vite pour qui la voit en mouvement que pour qui est immobile a cote d'elle. Bien loin de renverser la Physique classique. ni donner au temps un caractere universei: il faut. l'espace et le temps de la Physique classique. Assurement ces effets sont generalement tres petits. ce qui a permis de veri:fier par l'experience l'existence reelle de ces effets de relativite. Mais dans ce continu on localisera toujours exactement tous les « evenements » dont l'ensemble constitue l'histoire du monde physique. Ce qu'il nous importe surtout de bien comprendre. Neanmoins. ro-27 erg seconde). En introduisant dans Ia Physique le quantum d' Action mesure par la constante h de valeur tres petite. [ 207 ] . Or c'est precisement cette Supposition bien naturelle que l'existence du quantum d'Action nous oblige aujourd'hui a abandonner. atteignent souvent des vitesses elevees de cet ordre. tout a fait independant en particulier des mouvements et de l'evolution des corps qui y etaient localises. de l'ordre de celle de Ia lumiere dans le vide. mais tres precise (6. Sans doute en Physique relativiste. Max Planck a vers 1900 lance Ia Physique dans des voies vraiment toutes nouvelles. g.27. Elles sont clone bien a notre mesure. Ce sont Ia des remarques philosophiques qui remontent a Zenon d'Eiee. un antagonisme. une entite physique. ne peut etre veritablement rattache a aucun point de l'espace et du temps. subsistent sur Ia valeur exacte de ces grandeurs seront. Les relations d'incertitude d'Heisenberg paraissent apparentees ces remarques : elles nous apprennent. et Ia verite que nous sommes ainsi parvenus a entrevoir est assez troublante pour notre raison. Une poudre formee de grains suf:fi. c'est-a-dire est egale au quotient de 6. humaine. toujours liees par l'inegalite : Delta p x.onne autrefois. par le fait meme.s. Delta t y h existe entre l'incertitude sur l'energie et l'incertitude sur Ia localisation dans le temps.ni et une place bien determinee dans l'espace et dans le temps. Nous employons usuellement dans nos mesures le systeme des unites c. h. insistans sur sa petitesse par rapport aux grandeurs qui sont directement accessibles a nos sens. tout a fait insoupc:. Avant d'aller plus loin et d'etudier les aspects et les consequences de la notion du quantum d' Action.ro. mais ils sont si petits.ooo ans. qui a une localisation exacte dans l'espace et dans le temps est. clont la grandeur toujours Ia meme est exprimee par Ia constante h de Planck. mais ils sont si petits. C'est la. le quantum d' Action apparait comme tout a fait negligeable : dans Ia Physique macroscopique. qu'il est impossible d'attribuer simultanement a un corps un mouvement bien de:fi. La veritable signi:fication du quantum d'Action nous a ete notamment revelee par Ia decouverte des incertitudes d'Heisenberg sur lesquelles je reviendrai tout a l'heure. le gramme comme unite de masse. qui est doue de proprietes dynamiques.on essentielle. plus elle nous laisse dans le doute au suiet de son etat exact de mouvement et inversement. Par exemple si px est une des composantes de Ia quantite de mouvement d'une a [ 208 ] mobile ponctuel et x Ia coordonnee correspondante.55. entre le cadre de l'espace et du temps et les phenomenes dynamiques qui s'y deroulent. ils sont en si grand nombre dans toute la masse perceptible de Ia poudre que nous ne les discerl)ons plus. Or. la constante de Planck a la valeur inimaginablement petite 6. qui prend le centimetre comme unite de longueur. la mysterieuse notion de Quantum d' Action. Le quantum d'Action nous apparait alors comme marquant les limites entre lesquelles sont compatibles les conceptions de localisation dans l'espace et dans le temps et de mouvement evolutif ou Zenon d'Eiee apercevait deja. en effet. d'apres Heisenberg. tout se passera comme si 1'Action mecanique etait continue et non divisee en atomes. un corps qui evolue. dans ce systeme d'unites. I1 en est de meme pour l'action dans les phenomenes macroscopiques : les quanta d'Action existent toujours. Plus une experience ou une observation nous permet de preciser Ja localisation spatiotemporelle d'un systeme. I1 parait aujourd'hui certain que l'existence du quantum d' Action exprime_ un Iien.55 par un nombre qui s'ecrit << I suivi de 27 Zeros ». Or nous savons depuis le succes de l'etonnante hypothese introduite par Max Planck dans la theorie du rayonnement noir que I'Action se camporte comme si eile etait formee de parties invisibles. prive de toute propriete evolutive : au contraire. Dans l'expression precise des incertitudes d'Heisenberg Ia constante de Planck h intervient naturellement d'une fac:. Le cadre de l'espace et du temps est essentiellerneut statique : un corps. mais non pas conservation de l' Action). Alors qu'exprime-t-il clone ? C'est ce qui s'est peu a peu degage des progres de Ia theorie des Quanta. le sens le plus profand dc. Ces trois unites ont l'avantage d'etre pour nous relativement petites tout en etant directement perceptibles. Une relation analogue Delta E. il y a plus de 2. Comme 1'Action ne peut en aucune fa~on etre assimilee a une substance clont la quantite totale se conserverait (il y a conservation de l'energie dans les systemes isoles. apres toute observation.DEUCALION LOUIS DE BROGLJE longueur. C'est vous dire que pour notre echelle. la seconde comme unite de temps. les incertitudes Derlta et Delta x qui. cet atomisme de l'Action n'a rien a voir avec un atomisme materiel. a n'en pas douter.samment fins nous apparait comme un milieu continu. de veritables atomes. Delta x y. les grains existent. la troisieme a notre conscience de la duree. ils interviennent en si grand nombre dans tout phe[ 209 ] . son influence sera pratiquement nulle. les deux premieres a nos sens. ni aucune horloge : nous ne trouvons que des corpuscules d'une extraordinaire legerete (la masse de l'electron est d'environ 10 .em: d~ coor·· donnees cartesiennes rectangulaires au sens de la geomet~1e ~na­ lytique. mais qui cependant pour chaque observateur aura des coordonnees bien precises. qui serait le veritable cadre spatio-temporel universel. qUl s~ jouent a l'interieur des atomes . en la localisant exactement dans le cadre de son espace et de son temps: chaque evenement du monde physique sera represente par un point de l'espace-temps qui n'aura pas les memes coordonnees pour tous les observateurs. l'espace-temps.actement la position ou l'orientation dans l'espace d'un corps sohde : plus generalement.opique a pu se develoFper. Il en est tout autrement s1. que la necessite de tenir compte du quantum d ActiOn s'est netterneut affirmee.horloges. examinant les phenomenes de l'echelle atomique. Ces remarques sont es~entielles car ell~s nous exphquent pourquoi la Physique macr?sc. 14 1o secondes.~es de divers observateurs en mouvement relatif ne sont pas rehees d'une fa~on aussi simple qu'on l'avait tout d'abord pense. qui n'ait une masse tres superieure a celle des constituants des systemes atomiques. A vec ces regles et ces . dans cette tentative plutot batarde pour faire entrer de force les [ [ 210 ] 211 ] . De meme. Nous pou. rapportees au mouvement des astres fixes de la voute celeste. nous montrer que les indications fourmes par les regles et les horlo. cet. aucune horloge susceptible de mesurer exactement le temps. Aux grandes echelles. nous ne pouvons imaginer aucune regle.n~es m!eneures a 8 cm et avec des periodes d evolutwn mfeneures a I~-. les inegalites d'incertitude d'Heisenberg permettent de demontrer qu'on ne peut imaginer aucun systeme de referenc~ spatial reellerneut realisable. 011 pourra representer tous les phenomenes par des grandeurs bien Iocalisees dans l'espace et dans le ~emp~. De plus. 011 pourra a chaque instant marque par les horloges attnbuer des coordonnees precises a tout point materiel ou reperer e:x. d'une horloge. b1en ensu1te . C'est seulement quand la Microphysique contemporame a abo:de l' etude des phenomenes a tres petite echelle~ comme . Mais il n'en reste pas moins vrai que chaque observateur peut decrire toute l'evolution du monde physique.et le temps comme une sorte de cadre immuable dans lequel se locahsent exacternent et se deroulent inexorablement tous les aspects d~ monde physique.:x. aucun mouvement periodique observable pour mesurer les durees. On retrouvera ainsi la representation habituelle des phenomenes dans la Physique classique : on aboutira a concevoir l'espace .tangulatr:s entre elles et convenablement graduees qUl matenahsera1t un sys. qu'il n'y a point un espace et un temps universel. La theorie de la Relati:ite viendra. Rien clone n'oppose essentiellement les conceptions de la Physique relativiste a celles de la Physique classique. telJe qu'elle lui est accessible.dynamiques. on pourra continuer a supposer que l'evolution du monde physique se fait suivant les lois rigoureuses d'un determinisme rigide. que chaque observateur definit son espace et son temps propres et que les espaces et les temps propres des divers observateurs sont comme decoupes dans un continu a quatre dimensions. C'est donc uniquement par des moyens indirects que nous pourrons ehereher a rattacher les phenomenes qui se deroulent a tres petite echeJle a r:otre cadre usuel de 1'espace et du temps construit a l'aide de regles et d'horloges macroscopiques.Ista. Dans le domaine atomique. nous introduisons la notion de quantum d'Action.s~r d~s d. le temps serait mesure ~ar les oscillatwns isochrones d'un pendule. Bien plus. nous n'avons plus de corps solides ou liquides.LOUIS DE BROGLIE DEUCALION nomene macroscopique observable que nous ne pouvons p~us les distinguer.28 gramme ! ) et nous n'avons plus a notre disposition aucun corps de reference pour reperer les positions. la Separation du ca~re de l'espace ~t du temps et des phenomenes que nous y locahsons nous p~ra1t naturelle et correspond a notre intuition. avec un grand succes en ignorant 1ex1stence du quantum d ActiOn et e~ considerant le ~adre de l'espace et du temps comme pouvant ~erv1r a une description absolument precise des phenomlmes . Mais alors.o~s touJours imaginer un corps solide nous servant de corps de reference po~r reperer les positions des points de l'espace : un t~l corps sera1t par exemple un ensemble de t~ois r~~le~ rec. nous restans tres desorientes en face d'une realite subtile a laquelle ne s'appliquent plus nos conceptions intuitives les plus inveterees. ni a aucun instaut particulier de la duree . d'une fa~on qualitative. On peut clone dire qu'elle symbolise un mouvement. si l'on veut etablir une correspondance entre ces deux images. pourquoi il en est ainsi.st que ~~atisti~u~. « Ce qui est en un point ne peut etre en mouvement. La possibilite de separer l'aspect geometrique de l'aspect dynamique. appara1tront les mcert1tudes d He1senberg expnmant 11mposs1b1lite de representer d'une fa~on precise dans ce cadre l'evolution dynamique des entites elementaires.tions que nous apportent nos sens sur les phenomenes a rtotre echelle. Oll est amene a des formules OU :figure d'une fa~Oll essentielle· la constante h de Planck : ceci montre que Ia dualite des ondes et des corpuscules. a cet egard. la necessite d'employer deux images en apparence contradictoires pour decrire les memes phenomenes.LOUIS DE BROGUE DEUCALION pheno~enes elem~ntair~s dans ~n _cadre qui n'e. Cette onde envisagee dans sa de:finition la plus simple. de plus eile se propage en bloc dans une certaine direction. 11 est done nature! de le voir intervenir dans les equations reliant les grandeurs qui definissent le corpuscule et eelles qui de:finissent l'onde assoeiee. comme toutes nos habitudes de pensee se sont formees d'apres les indica. guidee par les resultats experimentaux. l'existence d'une relation profonde et longtemps meeonnue~ntre l'aspeet geometrique et l'aspeet dynamique des choses. puis pour les partienies materielles. dans taute sa purete pourrait-on dire. 11 est assez facile de comprendre. [ [ 212 ] 213 ] . tantöt l'image d'ondes periodiques occupant taute une region etendue de l'espace et se propageant dans une certaine direction. Tel est sans doute le sens profand que Zenon d'Elee eut attribue a l'opposition de l'onde et du COrpuseule s'if eut veeu au siede de la Mecanique ondulatoire. est intimerneut reliee a l'existence du quantum d'Action. il est necessaire d'invoquer tantöt l'image de corpuscules localises en un point de l'espace. cesse entierement aux tres petites echelles et. tandis que l'autre est le symbole d:u mouvement dirige con~u danstaute sa purete sans aueune preoeeupation de localisation. A la decouverte du quantum d' Action. Or le quantum d' Action exprime. pour rendre compte des phenomenes ou se manifeste l'action de la lumiere ou des entites elementaires de la matiere. abstraction faite de toute localisation spatio-temporelle : eile represente a l'etat pur un etat dynamique. N ous ne reprendrons pas ici l'historique de la decouverte de ce double aspect d'abord pour la lumiere. relier par exemple l'energie et la quantite de mouvement d'une particule a la frequence et a la longueur d'onde de l'onde qu'on }ui associe. Le corpuscule est une sorte de concept ideal cree par notre esprit pour representer Ia localisation de quelque chose en un point de 1'espace a un instaut donne : en Mecanique classique. est intimerneut reliee celle du double aspect corpusculaire et ondulatoire des entites physiques elementaires. qui etait tres approximativerneut realisee a grande echelle en raison de la petitesse du quantum d'Action. a etabli un parallelisme entre les ondes et les corpuseules. est· une onde plane monochromatique au sens habituel de Ia Physique mathematique : elle est homogene dans taut l'espaee et dans tout le eours du temps et n'attribue par suite aucun röle privilegie a aucun point partieulier de 1'espace. Oll lui donnait le nom de « point materiel » qui. envisage l'onde associee a un corpuscule. Disons seulement que. Corpuseule et onde sont donc des « idealisations » dont l'une est le symbole de la localisation striete dans l'espace et dans le temps. il faut regarder d'un peu plus pres ia hlaniere dont la theorie qui. 11 est plus delicat de de:finir le sens de l'onde : pour eela. De plus. est caracteristique. ni evoluer . Le corpuscule symbolise donc la localisation exacte dans le cadre de l'espace et du temps. c'est-a-dire la Meeanique ondulatoire. La presence de Ia eonstante h dans les formules de la Mecanique ondulatoire est simplement la marque de l'intervention neeessaire du quantum d' Action dans la Iiaison que cette Mecanique eherehe a realiser entre l'aspeet geometrique et l'aspeet dynamique des entites physiques elementaires. ce qui se meut et evolue ne peut etre en aueun point ». nous l'avons vu. ne peut plus etre en aucun point de sa trajectoire. M. Dans le macroscopique. plus l'aspect ondulatoire doit s'effacer et inversement. il faudrait peut-etre arriver a voir les choses comme les verrait un etre microscopique vivant a l'echelle atomique ou s'affirme le quantum d' Action. que faut-il faire ? I1 faut pouvoir mesurer exactement les coordonnees du corpuscule a un instant donne. ni l'energie d'un corpuscule a un rnoment bien defini de la duree. Et d'abord. nous l'avons vu. Comme la constante de Planck est tres petite par rapport aux unites h\lmaines. la correspondance etablie par la Mecanique ondulatoire entre les deux images doit etre nt!cessairement incomplete et limitee. se dissim~lent sous l'imprecision des donnees sensorielles et dans la masse confuse des moyennes statistiques.15 ] . l'autre doit completement s'evanouir. Or c'est le microscopique qui est Ia realite profonde. un jour. avec nos organismes d'une effarante complexite. poussant trop loin les exigences d'une critique trop aigue.LOUIS DE BltOCLlF.14 ] 2. si l'un de ces aspects se precise completement. a l'echelle des atomes. ou. dans le macroscopique. C' est peut-etre aIa lumiere des resultats de Ia Physique microscopique qu'il faudra. reprendre l'etude de certains grands problemes de Ia Philosophie. de l'energie et de l'instant ou elle est mesuree. avec nos sens relativement grossiers. C'est le grand merite de MM. Zenon d'Elee paralt avoir tort. car il sous-entend le macroscopique : c'est en lui qu'il faut ehereher les ultimes arcanes de la realite qui. Or MM. Pour preciser l'image ondulatoire qui. nous vivons a l'echelle des moyennes et des effets statistiques. Mais revenons a la Physique des quanta et precisons quelques consequences essentielles des incertitudes d'Beisenberg. Bohr et Beisenberg nous ont montre qu'aucun procede de mesure ne peut faire connaitre exactement la position d'un corpuscule dans l'espace et sa quantite de mouvement. si l'on considere l'onde associee. et la fleche. Mais. la localisation stricte dans l'espace et dans le temps et Ia determination rigoureuse des etats dynamiques paraitront tres sensiblement compatibles dans le domaine de la Physique macroscopique . Pour preciser exacternent l'image corpusculaire. que doit-on connaitre ? Il faut connaitre les grandeurs qui definissent l'etat dynamique. mais dans le microscopique. Bohr et Beisenberg d'avoir pu degager des equations de la Mecanique ondulatoire l'existence d'une Iimitation reciproque des images corpusculaires et ondulatoires. La constante h figure au second membre de ces inegalites et sa presence vient nous rappeler que c'est l'existence du quantum d'Action qui rend incompatible la localisation stricte dans l'espace et dans le temps et la determination rigoureuse des etats dynamiques. DEUCALION Mais si Ia localisation dans l'espace et le temps symbolisee par le concept ideal de corpuscule d'une part et l'evolution dynamique symbolisee par le concept ideal d'onde plane monochromatique d'autre part sont choses reellement antinomiques. Beisenberg les a exprimees par des inegalites liant les incertitudes qui existent apres une operation de mesure sur les valeurs des coordonnees et des composants de la quantite de mouvement. et ce n'est que par les yeux de l'esprit que nous sommes recemment parvenus a entrevoir le monde des phenomenes elementaires et des processus quantiques : ~·est ce monde cependant qui est sous-jacent a toute la realite physique et c'est en Iui que se trouve sans doute la solution de plusieurs des grandes enigmes de l'univers. c'est a 1'echelle de Ia Microphysique que leur incompatibilite fondamentale eclatera sans conteste. il faut connaitre sa frequence et sa longueur d'onde reliees a l'energie et a la quantite de mouvement par des formules classiques de Mecanique ondulatoire. Bohr et Beisenberg en ont donne l'explication en analysant Ies procedes de mesure que l'on pourrait [ [ 2. c'est d'ailleurs souligner la difficulte de ces problemes pour nous. Traduisant ces conclusions sous une forme quantitative. Plus l'aspect Corpusculaire se manifeste. represente la tendance dynamique de l'entite etudiee. sa perspicacite triomphe. puisque. Enoncer cette idee. comment se fait-il que des experiences convenablement agencees et faites avec precision ne puissent jamais nous permettre de mesurer simultanement les grandeurs geometriques et les grandeurs dynamiques avec plus de precision que ne l'autorisent les incertitudes d'Beisenberg ? MM. l'energie et la quantite de mouvement. pauvres humains : pour les resoudre. si elle est animee d'un mouvement bien defini. Pourquoi une experience de mesure bien faite ne parvientelle jamais a assigner ala fois a la realite physique etudiee un aspect geometrique et un aspect dynamique parfaitement precis. c'est de tirer les conclusions philosophiques qui en decoulent. Cette perturbation est liee a l'existence du quantum d' Action qui en fixe la Iimite minimum. Alors se presente a nous une conception tout a fait nouvelle de la relation qui existe entre le savant cherchant a connaitre avec precisio'n Ia realite exterieure et cette realite elle-meme. devient tout a fait important a l'echelle microscopique. objet de ses etudes. Dans la physique classique l'univers etait con~u comme forme de realites objectives evoluant avec une precision parfaite dans le cadre [ 1.!6 ] immuable de l'espace et du temps (ou de l'espace-temps Einstei-. les idees de MM. s'il pousse assez loin la precision dans la determination des caracteristiques dynamiques. c'est que les resultatsdes mesures constituant . il devra abandonner l'image corpusculaire et se rabattre sur une image purement ondulatoire. de ce qu'on veut mesurer. en poussant assez loin la localisation spatio-temporelle des entites physiques elementaires. Tout autre est Ia position du savant dans la Physique des quanta : il se trouve en presence de realites physigues qu'il ne peut pas etudier sans les perturber. de representer les connaissances que chaque physicien a pu acquerir et de dire quelles previsions ces connaissances lui permettent de faire au sujet des phenomenes a [ 2. L'essentiel dans tout cela. Bohr et Beisenberg car. une perturbation. negligeable dans les mesures macroscopiques. Il peut extraire de cette realite par des mesures appropriees certains aspects geometriques susceptibles de venir prendre place dans le cadre de l'espace et du temps que lui imposent les conditions de ses perceptions macroscopiques : il peut aussi en. Aussi dans cette Physique classique.les connaissances du savant ne decriront pas l'univers physique tel qu'il est. Et cela tient toujours essentiellement a l'existence du quantum d'Action: eile a comme consequence que toute tentative pour modifier un procede de mesure afin de lui permettre de donner par exemple une valeur plus exacte d'une coordonnee geometrique a pour contre-partie de lui faire donner une valeur moins exacte de la grandeur dynamique correspondante: ce que l'on gagne d'un cöte. il se tiendra egalement eloigne des deux extremes.DEUCALION LOUIS DE BROGLIE cffectivement ehereher a employer pour faire disparaitre les incertitudes : ils ont montre qu'aucun procede de mesure effectivement realisable ne peut les faire disparaitre et qu'elles ne tomberont jamais au-dessous des limites qui leur sont assignees par les inegalites d'Heisenberg. Ce qui nous interesse ici. con~u comme tout a fait exterieur a cet univers physique. Bohr et Beisenberg paraissent aujourd'hui assez universellement adoptees par les physiciens. et comme susceptible de mesurer exactement tous les parametres necessaires pour decrire les etats successifs de l'Univers. Mais dans tous les cas les relations d'incertitude d'Heisenberg seront satisfaites. et ce minimum. Nous dirons seulement qu'apres des discussions qui ont eu l'intert!t d'en faire preciser plusieurs points. beaucoup plus modeste. desorte que les inegalites d'Heisenberg sont toujours verifiees.17 ] . il faut une connaissance assez approfondie deSI. resultats et des methodes de la Physique atömique et de la Mecanique ondulatoire. alors que Ia Physique classique admettait sans discussion que cela devait etre possible? C'est parce qu'une experience de mesure comporte toujours. en partie incontrölable. au contraire. Nous ne donnerons pas ici d'exemples des raisonnements qu'ont faits MM. mais tel qu'il est connu par le savant a Ia suite d'experiences comportant des perturbations inconnues et incontrölables. Dans certains cas. nien) : le savant etait. La physique n'aura donc plus pour but de tracer les lois generales de l'univers independamment de ceux qui l'etudient: eile devra se contenter • du röle. pour les bien comprendre. Dans la plupart des cas. du point de vue de la Physique quantique. on le reperd de l'autre. admettait-on la possibilite de connaitre exactement les etats dynamiques dans le cadre parfaitement precis de l'espace et du temps. il arrivera a se les representer comme des corpuscules : dans d'autres cas. sans pour cela perturber aucunement ces etats. extraire des aspects dynamiques correspondants a sa concepion du mouvement pur. il ne connaitra qu'avec une certaine imprecision les grandeurs geometriques et les grandeurs dynamiques et devra alors combiner les images d'onde et de corpuscule. une mesure nouvelle pourra changer entierement la forme de _Ia fonction Psi. sans doute trop audacieuses. seulement probables. en effet. en effet. La Phystque quanttq~e. qui ne connait plus de realite puremt:nt objective et ne sait plus donn7r que des rapports entre 1'observateur et l'observe. en general.ordonnees d'esp.DEUCALION LOUIS DE BROGLIE venir. 1'a aussi rendu moins d6terministe. clont sont ainsi affectees les donnees initiales. pour pouvoir prevoir le mouvement d'un point materiel.ace x y z et d"Q temps. Avec les idees classiques. la physique relativiste inscrivait tous les evenements de l'Univers physique dans son espace-temps Oll se trouvait ainsi contenus taut le passe. La Physique quantique n'a pas pu maintenir ces. Cette grandeur est une fonction d: co.deterministe des phenomenes ? En Mecanique classique. Et ce dernier mot nous amene maintenant a expliquer comment l'intervention du quantum d' Action. mais aussi des observations et mesures effectuees par l'observateur. fera mieux comprendre la difference qui separe l'ancien point de vue du nouveau. Elle n'est plus Ia contemplation passive d'un univers :fige : eile devtent une Iutte corps a corps oll le savant parvient a arracher au monde physique qu'il voudrait connaitre quelques renseigne[ ments toujours · partiels. le physicien ne les possedera jamais avec exactitude : les inegalites d'Heisenberg s'y opposent. prise dans son ensemble. Une observation. rien ne s'oppose par suite a une prevision rigoureuse du mouvement ulterieur conforme a l'ideal deterministe. pourrait-elle parvenir a l'image si totalement objective de l'Univers qu'implique une description entierement . n'aboutit clone plus a une description objective du monde exteneur conforme a !'ideal en quelque sorte instinctif de la Physique classique : elle ne fournit plus qu'une relation entre l'etat du monde exterieur et les connaissances de chaque observateur. c'est-a-dire qu'elle est de:fime en chaque pomt de l'espace a chaque instant. le present et l'avenir. pourrait-on assigner aux evolutions dynamiques un cours parfaitement determine dans l'espace et dans le temps si la connaissance des localisations spatio-temporelles et celle des evolutions dynamiques ne sont jamais rigoureusement compatibles? Comment une physique. La science perd ainsi une partie de son caractere objecti~. ni les memes mesures. Un exemple. que chacun d' eux a effectuies. Comment. particulierement important. Or ~1 n'en est pas ainsi pour la fonction psi de la Mecanique ondulatmre : sa valeur varie pour differents observateurs suivant les mesures. le physicien quantique doit . independante de l'observateur. ils devraient tous lui trauver Ia meme valeur. En Mecanique ondulatoire on fait constamment intervenir une c~r~aine grandeur qu'on nomme la fonction d'onde et que l'on destgne par la lettre grecque psi. apres avoir rendu Ia science humaine moins objective. Le determinisme de Ia Physique classique postulait le deroulement inexorable de 1' evolution de l'univers physique dans le cadre de l'espace et du temps.2!9 ] . ne represente pas quelque chose qui aurait son siege en un point de l'espace a un instant donne : eile represente. eile devrait representer un etat local et mstantane de l'U nivers physique et par suite avoir meme valeur pour tous les observateurs. ne permettront plus que des previsions a leur tour incertaines. La fonction psi. relation qui ne depend plus seulement du monde exterieur lui-meme. Si cette grandeu~ etait une g_randeur du type classique. et les incertitudes. il faut connaitre exactement sa position et Sa Vitesse au meme instant initial : i1 faut clone pOU·· voir preciser exactement a cet instant initial sa localisation spatiale et sa tendance dynamique. Rencherissant sur cette conception. I1 n'en est plus de meme en Physique quantique : les donnees initiales qui lui seraient necessaires pour le calcul du JllOuvement ulterieur.218 ] [ . La Oll le physicien classique se croyait en mesure de dire : « Tel evenement se produira necessairement a tel instant ». af:firmations. ce qui serait inconcevable si cette fonction decri~att une rea~ite exterieure. En en effectuant des mesures precises. n'ayant point effectue les memes observations. l'etat des connaissances d'un observateur a l'instant considere sur la realite physique qu'il etudie : rien d'etonnant alors a ce que la fonction psi varie d'un observateur a un un ~utre puisqu'ils ne possedent pas en general les memes rensetg~ements sur le monde qui les entoure. rien ne s'oppose a ce que ces donnees initiales soient connues. lui permettant de faire des previsions incompletes et. il y a un certain nombre de gens qui se suicident : ce nombre est a peu pres constant. Viennent de nouveaux progres de la Physique experimentale. Comment cela est-il possible? Tout simplement parce qu'en Physique quantique. il y a encore des lois de probabilite. l'existence de certaines variables cachees qui. on pouvait considerer les positions et les vitesses individuelles des molecules du gaz comme des variables cachees. et le determinisme pourra etre restaure. en introduisant une relation nouvelle entre les aspects geometriques et dynamiques de l'U nivers qui interdit une connaissance exacte de ces deux aspects. non sans vraisemblance souvent. Pourra-t-on en trouver une autre? Cela ne parait guere probable si l'on reflechit a Ia fac.on. je Ia vois s'allumer. mais je sais que le nombre des personnes [ 221 l . que certains de ces elements nous echappent dont Ia connaissance serait necessaire pour mettre en evidence le determinisme. Mais. J. Chaque semaine. nous revelant ces elements ignores. Et cependant cette constance des lois statistiques ne nous interdit point de croire que les hommes sont libres de se suicider ou de ne pas se suicider. Le phenomene individuel ne parait pas pouvoir etre prevu a l'avance. Ne peut-on alors supposer que les theories quantiques actueiles meconnaissent. Qu'est-ce donc que des variables cachees ? En Physique classique. diront les partisans du determinisme. elles aussi. c'est-a-dire Ia previsibilite parfaite des phenomenes observables. On peut comparer cette Situation a celle qui existe pour Ia statistique des faits dependant de la volonte humaine. je n'en sais rien). comme M. l'existence de variables cachees echappant a nos investigations experimentales. cela ne prouve pas qu'il n'y ait pas un determinisme complet des phenomenes naturels. a Paris.. mais sur un tres grand nombre de phenomenes elementaires on peut annoncer que teile proportion se produira de teile fac. mais ce sont Ia des circonstances aisement contrölables. dans Ia theorie thermodynamique des gaz. a entraine ainsi l'impossibilite d'etablir des lois de succession rigoureuse entre les phenomenes observables. j'ignore totalement si Ia personne qui porte ce nom se suicidera ou ne se suicidera pas dans Ia semaine qui va venir. von Neumenn a pu le montrer. dans le domaine macroscopique qui est celui de la Physique classique. Et l'on parlera volontiers de « variables cachees ». le determinisme existe pratiquement. la Physique quantique dans le domaine qui lui est propre des phenomenes a tres petites echelles. alors qu'il ne nous apparait plus dans le domaine microscopique. cela prouve seulement que nous ne connaissons pas tous les elements clont depend le deroulement des phenomenes naturels. est incapable de maintenir Je determinisme. on avait aussi rencontre des phenomenes clont Ia description paraissait incomplete et l'on avait invoque. Oui. Mais. L'une des voies par lesqueiles on pouvait esperer ramener [ 220 ] Ia Physique au determinisme se trouve ainsi barree. Bref.LOUIS DE BROGLIE DEUCALION etre plus modeste et annoncer seulement que diverses eventualites plus ou moins probables sont possibles. Si je prends au hasard un nom dans l'annuaire des Telephones. notamment en Thermodynamique. Si je tourne le commutateur qui lance le courant dans cette Iampe electrique. variables clont Ia connaissance aurait ete necessaire pour arriver a une description complete du systeme. si elles nous etaient accessibles. direz-vous. il y a tout de meme du determinisme dans le monde physique. que Ia Iampe ne soit pas brulee et que les plombs n'aient pas saute. La probabilite s'installera en maitresse dans les enonces de Ia Physique theorique et c'est seulement dans quelques cas tres exceptionnels que des previsions certaines seront possibles. s'il n'y a plus de lois rigoureuses. C'est ainsi que. Ainsi il pourrait croitre un peu dans les periodes de crise et de privation et dirninner dans les periodes calmes et prosperes (a moins que peut-etre ce ne soit le contraire. il ne parait pas en etre ainsi: en effet. mais on peut concevoir qu'il varie legerement en fonction des circonstances. Ia forme des lois de probabilite qui se presentent en Physique quantique n'est pas celle qui correspondrait a l'existence de variables cachees. a condition toutefois que le secteur ne soit pas en panne.on et teile autre proportion de teile autre fac.. permettraient de · paraehever la description des phenomenes de Ia Microphysique et de les soumettre au determinisme ? En realite.on clont l'intervention du quantum d' Action. Ce sont Ja des questions si importantes et si difficiles que nous ne pourrons ici que les effleurer. il est necessaire de les considerer comme formant un systeme auquel on doit associer une onde unique evoluant dans l'espace de configuration. Dans la physique classique. I1 arrivera donc le plus souvent que les zones de localisation possible des corpuscules cmpieteront les unes sur les autres : c'est en particulier ce qui • [ 223 ] . Autrement dit. d'autres idees nouvelles tres surprenantes s'introduisent quand on considere des systemescontenarrt des corpuscules de ~eme nature physique. on suppose touiours que dans une assemblee de corpuscules on peut individualiser chaque corpuscule.on generale : ici. le systeme. les corpuscules sont en general. taute tentative d'isoler les constituants d'un systeme detruit. Nous reviendrons sur ce point en parlant de Ja complementarite. * ** I1 nous faut maintenant dire quelques mots des conceptions nouvelles de la Microphysique en ce qui concerne les ensembles de corpuscules et la possibilite d'individualiser les corpuscules apparteriant a de tels ensembles. Au contraire. - Dans 1' etude des systemes de corpuscules par la Physique quantique.DEUCALION LOUIS DE BROGLIE qui vont se supprimer dans cette prochaine semaine nura a peu pres la valeur moyenne normale. en e:ffet. Mais s'il existe entre les corpuscules des interactions. des lois de probabilite. Taut comme les images d'onde et de corpuscule. L'onde psi qui represente les connaissances de l'observateur sur le systeme et permet de suivre son evolution n'est pas. bien que les corpuscules de meme nature physique soient absolument identiques entre eux. par exemple en lui attribuant un 11umero determine. par cela meme. I1 n'en est plus de meme en Physique quantique. comme nous l'avons vu. l'espace de configuration du systeme. mal localises puisqu'en general leurs coordonnees sont affectees de certaines incertitudes d'Heisenberg. donc [ 222 ] qu'on mutile ce systeme. on pourrait les considerer isolement et leur associer une onde dans l'espace ordinaire. traduite analytiquement par l'intervention de termes d'energie potentielle. possedarrt autant de dimensions qu'il faut de coordonnees pour definir la position de tous les constituants du systeme. tel par exemple qu'un atome contenarrt plusteurs Clectrons. et cela parce qu'il existe encore. Si les corpuscules du systeme n'interagissaient pas entre eux. taute tentative pour localiser exactement l'un des corpuscules constituants exige qu'on l'arrache au systeme dont il fait partie. La representation de 1'evolution d'un ensemble de corpuscules a:ffecte en Mecanique ondulatoire une forme abstraite particulierement peu intuitive. En particulier. C'est donc a l'existence d'in-teractions. puis de continuer a les distinguer en suivant constamment la suite des positions qu'ils occupent a partir de l'instant initial. meme dans la Physique micröscopique. les images de constituants et de systeme ne peuvent jamais etre simultanerneut definies avec prtkision dans la realite physique telle qu'elle se Iivre a nos observations. et par suite suivre son evolution au cours du temps en le distinguant constamment de ses camarades. representable dans notre espace ordinaire a trois dimensions : elle doit se representer dans un espace fictif. que le systeme doit de posseder une individualite globale dans laquelle viennent plus ou moins se fondre celles des corpuscules constituants. Le systeme apparait ainsi comme une sorte d'unite d'ordre superieur au sein duquel les constituants sont d'autant plus difficiles a isoler qu'ils sont plus forterneut lies entre eux par les interactions. la possibilite de les localiser constamment o:ffre a la Physique classique un moyen de les individualiser. I1 semble ainsi que l'idee de constituant elementaire et celle de systeme nous fournissent des images qui ne sont jamais simultanerneut valables en taute rigueur : taute observation qui permet de mettre en evidence l'existence du systeme est incompatible avec un isolement des constituants. pour chaque observateur. clu moins d'une fa<. L'indeterminisme des phenomenes elementaires est donc parfaiterneut conciliable avec le determinisme des phenomenes macroscopiques. Cette hypothese est parfaiterneut logique en Physique classique ou l'on admet que les corpuscules sont parfaiterneut localises dans l'espace a chaque instant : il est alors possible de distinguer les divers corpuscules d'apres leur position dans l'espace a cet instaf1t. p~rvenir a le considerer a part : pour lut rendre son mdtvtduahte. Pauh. Comment cela est-il possible. Je remarquerai seulement que les formules assez ab~trat~es auxquelles.DEUCALION DEUCALION arr. On devra par exemple se contenter de dtre : ?ans cet ensemble de corpuscules. des plus import. une enceinte contenant un gaz forme de molecules de meme nature obeissant au principe d'exclusion. Sans le principe d'exclusion. le f?rmalisme de Ia Mecanique ondulatoire des system:s cette dtspantion de l'individualite pour les corpuscules de meme. ». Ia theorie du spectre de !'Helium dont j'ai parle tout a l'heure en apporte Ia plus belle illustration qu'on puisse souhaiter. nous supposons parfaitement connus leurs etats de mouvement.au~re etat.ature phystq~e est ~e J?rincipe d'exclusion enonce par M. etat individuel exclut Ia presence de toute autre particule de meme nature dans le meme chat. et il est des lors moins etonnant que chacune d'elle puisse interdire a l'autre d'avoir son propre etat de mouvement. l'importanc~ du principe d'exclusion dans Ia Physique atomique est extreme : c'est lui qui explique la stabilite et la diversite des diverses formes d'atomes qui correspon. Ia seule maniere de les distinguer etait de ~es locahser ddferemment dans l'espace et que cette possibilite · a dtsparu. nature. c'est lui qui explique pourquoi ces elements simples ont des proprietes physiques et chimiques differentes presentant une periodicite bien connue en fonction de leurs poids atomiques. dans toute l'enceinte qui les renferme. il y en a tant qui son. on ne peut clone plus les mdtv~duahser. car on peut dtre ausst : Ia presence d'une ?e ces particules dans un certain [ 224 ] 11 n'en est que plus curieux de constater combien ce principe est contraire a nos idees intuitives. Du reste. Une des conclusions les plus etranges a laquelle a mene le de_:eloppement de .~vera toujours pour . C'est sur elles notamment que reposent Ia theone du spectre de l'Helium et celle de la formation de Ia mol~cul~. Alors. le monde physique serait entierement different de ce qu'il est reellement. tant d'autres sont dans tel autre etat. C'e~t ce q~'on nomme le principe d'exclusion. mais alors d'apres les relations d'incertitude d'Heisenberg leurs positions nous sont tout a fait inconnues. Autrement dit. On voit combien sont contraires a notre intuition les [ 225 ] 15 .dent aux 92 elements simples de la Chimie. Pour pouvoir individualiser un corpuscule. les numeroter. il est evident qu'on ne. 1. Considerons.t dans tel et~t.1 ne m'est pas possible de vous expliquer ici comment se tradutt dans. La voici : puisque nous supposons nos deux molecules animees du meme mouvement.l~s constituants d'un meme systeme lorsqu tls sont fortement hes entre eux. puisqu'en ratson de le_ur re~se~blance. en particulier. . etc. deux particules ayant exactement le meme mouvement se trouveraient en quelque sorte a l'etat potentiel. par exemple.Ia Mecanique ondulatoire des corpuscules de meme n.nts constituants de Ia matiere. tel autre dans tel . En Physique quantique. on est ainsi amene sont parmi celles qui. ont re~u le plus de confirmations directes vena~t ?e 1 expenence. tl faudrait l'isoler.ste~~ po~r. puisque notre enceinte peut etre infiniment grande et par suite nos deux molecules infiniment eloignees l'une de l'autre? La reponse a cette objection est tres subtile et met bien en lumiere l'insuffisance de notre intuition habituelle de l'espace. Jamais On ne pou~ra dtre : tel COrpuseule est dans tel etat. en Mecamque ~ndu~a~Oire. Pour certames categones de particules et notamment pour les electrons qui sont l'un. Fixons notre attention sur deux molecules situees a deux extremites opposees de l'enceinte : le principe d'exclusion nous apprend qu'elles ne peuvent pas avoir le meme etat de mouvement. pourra plus suivre l'individualite des corpuscules. L'exactitude d~u principe de Pauli est aujourd'hui hors de doute: ses verifications sont innombrables et. elles peuvent se trouver partout a l'interieur de l'enceinte et nous n'avons aucunement le droit de soup~onner qu'elles sont tres eloignees l'une de l'autre. d'hydroge~e clont Ia confirmation par l'experience est parttcuherement brtllante. il faudratt 1 a~racher au sy. les etats que peuvent prendre Ies ensembles de telles particul~s sont soumis a une restriction bien curieuse : « deux de c~s parttcules ne peuvent jamais se trouver dans le meme etat indi· vtduel. quand on a affaire a des ensembles · de ~orp~scul~s de meme nature physique. Niels Bohr. et meme dans une certaine mesure simultanement. toutes ses cellules ou fractions de cellules a une analyse physico-chimique complete comprenant l'isolement et l'examen separe de toutes leurs parties : or il est bien evident qu'une teile analyse aurait pour effet.2. les deux aspects corpusculaire et ondulatoire jouent a une sorte de jeu de Cachecache de fac. Nous ne pouvons insister sur Ia difficile et tres abstraite Mecanique ondulatoire des systemes de corpuscules et. Si l'on veut. bien avant d'avoir ete poussee jusqu'a son terme. on ne peut pas dire ou se trouvent les corpuscules de lumiere. eile semble se reduire a un ensemble de processus physico-chimiques.on a pouvoir preciser la trajectoire d'un photon. aspects qui nous paraissent contradictoires.on que M. dit M. deux ou plusieurs images en apparence contradictoires. Le principe d'exclusion et d'ailleurs toute Ia Mecanique ondulatoire des systemes de corpuscules sont choses que notre intuition ne parvient pas a s'assimiler et cependant leur validite est absolument imposee par les resultats experimentaux. on modifie le dispositif de fac. tantöt eile parait s'affirmer comme caracterisee par un dynamisme evolutif qui transcende la physico-chimie. au contraire. s'est demande M. aspects qui se completent en s'opposant. si l'on observe effectivement les franges [ . En vertu des relations d'incertitude. Ia vie en tant que dynamisme organisateur aurait disparu. le systeme et le constituant elementaire paraissent aussi. Bohr a tiree des relations d'incertitude de M. deux aspects complementaires de Ia realite un peu analogues aux aspects ondulatoire et corpusculaire des entites physiques? Et voici comment il a esquisse le developpement de cette idee. N'y aurait-il pas Ia. n'a pas necessairement le caractere univoque et coherent qu'on lui attribuait generalerneut dans les theories classiques. Bohr. Ia dualite des ondes et des corpuscules en Mecanique ondulatoire montre qu'il peut parfaiterneut en etre ainsi. il faut [ 227 ] . l'examen des phenomenes d'interference de Ia lumiere montre que. Comme par une curieuse precaution de Ia nature. qui a ete un des principaux fondateurs de la theorie moderne des atomes.u le sens reel de la dualite des ondes et des corpuscules. il a eu l'idee qu'il y avait Ia un exemple d'un fait susceptible de se rencontrer dans d'autres domaines de la science.on qu'ils ne viennent jamais s'opposer l'un a l'autre. il devient impossible d'observer effectivement les interferences. nous retrouvons encore et toujours l'existence du mysterieux quantum d'Action. La Vie nous apparait sous des aspects opposes : tantöt. a aussi beaucoup contribue au developpement de Ia Physique quantique en general. Comme nous l'avons dit. Bohr a fait une tres originale tentative pour appliquer la notion de complementarite aux phenomenes de Ia Vie. Or. de provoquer Ia mort de l'etre vivant etudie. nous aborderons Ia question de la « complementarite » au sens de Bohr. Pour decrire les realites observables. au contraire.26 ] d'interferences. en un certain sens. et que si. Par exemple.LOUIS OE BROGLIF DEUCALION circonstances que l'on rencontre ici. Heisenberg. constituer des aspects complementaires de Ia realite. I1 y a la. c'est que les diverses images n'entrent jamais en conflit aigu et ne nous conduisent jamais a des contradictions. et c'est la Ia grande lec. Pour arriver a reduire le fonctionnement d'un etre vivant a des processus physico-chimiques. Ayant bien aperc. Mais rien n'interdit de penser que ces circonstances peuvent se retrouver pour d'autres questions que celle des ondes et des corpuscules. il peut etre necessaire d'employer a tour de röle. mais qui en realite se completent puisqu'il faut les considerer tour a tour pour obtenir une description integrale des faits observables. M. teile que nous Ia permettent notamment l'existence de quantum d'Action et Ia perturbation de l'observe par les moyens d'observation. les photons. il faudrait soumettre tous ses tissus. M. Inutile de dire qu'a l'origine de toute ces difficultes. La seule chose qu'on puisse exiger de cette representation multiforme. suivre le fonctionnement du dynamisme vital. Pour lui. des « aspects complementaires de Ia realite ». pour terminer. Ia description des phenomenes naturels. l'aspect onde ne s'affirme que quand l'aspect Corpuseule s'estompe et inversement. Au moment ou l'analyse physico-chimique des tissus serait complete. Bohr. on comprend pourquoi M. les genes. L'on voit combien interessante est l'idee de M. un minimum de matiere. Bohr et combien sa conception des aspects complementaires de la realite est susceptible. Jordan.LOUIS DE BROGLIE DEUCALION dans une large mesure respecter l'integrite des tissus et des cellules d~ l'etre vivant et alors l'analyse physico-chimique de la matiere VIVante restera forcement fort incomplere. un mammifere par exemple appartient en un certain sens au monde microscopique. N ous suivrons pour cela les suggestions emtses par M.ech~lle qu~. tout le comportement des organismes vivants parait finalement regle par quelques centres directeurs clont l'activite oriente tout le dy~am~me vital. qui depuis quelques am1ees s'est particulierement interesse a ces questions. c'est pour achever de vous montrer tout l'interet philosophique de la jeune Microphysique. les notres par exemple. beaucoup ~ ?rgamsmes VIVants.tre avec son t~m~~se complexite : ce sont quelques centres « orgamsate~rs » ~u1 dmgent .~vell~s conceptions de la Microphysique pourront peut-etre n?us at~er a co~prendre les mysteres de la Vie. elle a ebranle le determinisme et jete des doutes etranges sur l'individualite des particules elementaires . Elle nous a montre que l'espace et le temps sont des concepts purement statistiques . remarque M. Ce sont les noyaux des celluleSj sexuelles et meme certaines parties de ces noyaux. d'interesser les philosophes. dire quelques mots sur les rapports qui s'affirmeront peut-etre un jour entre la Micro~h~sique et la Biologie.28 ] dans !'Evolution creatrice : « L'acte d'organisation a quelque chose d'explosif : il lui faut au depart le moins de place possible. Or nous avons vu que les phenomenes macroscopiques de ce genre obeissent pratiquement. nous avons nommee macroscopique : ils sont en parti~uher le stege de ph~nomenes extremement complexes ou intervtennent un nombre tmmense de processus elementaires. chacune de leur cote. T out ceci est encore bien conjectural : la Microphysique et la Biologie auront. elle nous a revele les aspects « complementaires » de la realite : demain eile nous aidera peut-etre a comprendre les mysteres de la Vie ! [ 229 ] . ce role directeur d 'elements microscopiques subsiste: c' est dans quelques cellules de la substance grise de notre cerveau que siegent les mysterieuses puissances qui orientent toute notrc activite intellectuelle. appartiennent a l. Les elements directeurs de son dynamisme vital sont. En effet. Meme dans les organismes adultes. Pascal Jordan.2. eminent physicien quantiste Allemand. Si je me suis risque a vous dire quelques mots en terminant sur ces hypothetiques perspectives d'avenir. Bergson ecrivait [ . sentimentale et volontaire.ndeur des systemes atomiques et c'est clone avec l'aide des conceptions de la Microphysique que leur fonctionnement devra sans doute un jour etre etudie. en terminant. Avec beaucoup de profondeur. On reste confondu d~vant la pet~tesse de ces elements directeurs ou siege tout le mystere de la Vte. Mais.tout le travail de croissance des jeunes orgamsmes vtvants en v01e de developpement. ' Au premier abord. Quand on a bien reflechi a cette etonnante regulation du dynamisme vital par quelques elements microscopiques. de l'ordre de gr:t. par ses remarquables extensions possibles. Jordan a pu dire que. nous voudrions. Pui~ue nous avons eu l' occasion de parler des phenomenes de la Vte. Ceci est en particulier bien connu de ceux qui ont etudte quelque peu l'embryologie et suivi les etonnants progres de la genetique contemporaine. aux lois de la Physique classique. bien des progres a faire avant de pouvoir se rencontrer. en raison de leur caractere essentiellerneut statistique. qui tr~nsmettent ~'une generation a l'autre tout le patrimoine hen!dita. comme si les forces organisatrices n'entraient dans l'espace qu'a regret ». il peut semhier extraordinaire de croire que les n01. en effet. malgre les apparences. METACRITIQUE DU PURISME DE LA RAISON PURE par JOHANN GEORG HAMANN TEXTE PRESENTE ET TRADUIT par PIERRE KLOSSOWSKI . n'a de coinmun avee Ia spirituelle digression de Hamann que le titre. aeeueillie avee autant Je JeconsiJeratiott justement meritee. I 8 3)' a titre de supplement d'information : « . a propos Je la Metracritique . c'est-a-dire d'en. Apres avoir Jzt. il laisse au lecteur le soin de « le deplier en une main ouverte ».ait plus faeile que le saut d'un txtreme a l' autre.HEGEL icrit Jans Sll Iangue etttde sur Hamann. mais il la conrait saus la forme du Iangage. en un systeme de l'Etat. propre a mettre un terme a tous les litiges de la saine raison eomme de la frure deraison. Hamann se situe au centre du probleme Je la raison et en demontre la solution . jmbliee naguere avee beaueoup de pretention. du purisme de la raison pure : « On a dejmis longtemps fait etat Je eet essai (Rink. en une main otwerte aux doigts tendus pour saisir l'esprit de l'homme [ 233 ] . il exfrrime le desir de se proeurer le de Uno de Giordano Bruno ou serait explique ee principium coincidentia: auquel lui-meme medite depuis des annees sans arriver ni a l'oublier ni a le comprendre.. p. est present a l'esprit de Hamann d'une maniere tout a fait constante . et qui. ce princip~ de coincidence lui s·e·mblerait toujours l'unique raison suf:fisante de toutes les contradictions et Te veritable procec de leur Iiquidation et de leur arbitrage. de la legalite et de la moralite. I 800) pouT y faire reeonnaitre la souree ou Herder avait fruise sa propre Metacritique. ne s'est point donne la peine que Dieu en un sens superieur s'est donne lui-meme pour developper . dans SeS eonfributions a /' bisfaire Je f'invasion mitaeritique. » Puis il a recours a une lettr'e de Hamann a Herder (reuvres VI. que tout le franseendantaT bavardage de la raison Kantienne lui J>arait n'aboutir qu'a un pedant verbiage de cttistre et que rien ne ser. On voit que l'idee de eo'ineidence qui eonstitue la base< de la philosophie et que nous avons montre en etroit rapport (chez Hamann) avec sa tbeologie eomme avee son propre earactere et qu'il devait lui-meme expliciter analogiquement par l'exemple du Iangage. Hamann.. eommente Hegel... tirer ce qui seul serait utile a la scienee. mais que s'il n' a tendu qu'un « poing serre ». pour sa part. en un systeme de l'bistoire universelle.. » Suit une paraphrase presque textuelle de eet essai que Hegel qualifie de « grandioses autant que fort baroques expectorations de son aversion foneiere pour 1' abstraction comme pour la confusion des termes antinomiques et pour ce qu'elle produit . tombee dejmis dans l'oubli..t! noyau compaet de la verite qu'il est Lui-meme (d'anciens philosopbes disaient Je Dieu qu'il est une spbere) en un systeme de la nature dans la realite. Hamann s'oppose a Kant apres avoir attendu de lui qu'il liquide Ia philosophie des lumieres et le rationalisme Wolffien. Comme plus tard Kierkegaard s'opposera d Hege/. • a et huma1ns. que le besoin de Ia science en generat demeurait etranger a son esprit. il tonne a tort et a travers contre la pensee et la rllison qui seules peuvent etre le veritable moyen de ce developpement conscient Je Ia verite et de Ia croissance de celle-ci en un arbre de Diane. ni non plus le pur et simple fait Je sentir et d'user (Prakticiren). pratiquee par Kant. Car ~a · de la sensibilitl avec le. ont voulu demontrer que Hamann n'avait rien compris f!t ne pouvait rien comprendre d l'entreprise Kantienne. comme aussi Je laisser se satisfaire Ia pensee. au lieu de laisser parler Ia Revelation. ce n est Ia qu une attztude de stratege dans la Iutte philosophique et religieuse de la fin du XVIII" siecle.ce Dieu qu'Il est. elle .e • • de Revelation ni de raison. Parole aprcs avoir parle dans les choses et par la bo?tche des prophetes a revet. .rr-ats a ratson qur 1 ' pretend etre avant la paro!e du commencemtnt. tls ont ete aussr. !a communication des 1d1omes drvms st· b"en t pu l . il est vrai d'abord seulement formelle. Mais dans ce monde cree par la parole divine et aliene . Les hommes ~nnt do~c. un lourd et concentre brassage en soi-meme. des :tres. il a revele le rapport de Ia nature et de l'esprit. el!e. Ainsi Hamann peut dire : R~v~qu •au d"t" 1 1on btion et experience sont une meme chose. postu/er Ia Revelation). il est simplement chretien. p~r la ~r?le · que l'unite primitive. anglais que _Pour le transcendentalisme de Koenigsberg. Sämtliche Werke xx. Je le laisser se developper l!t par Ia se confirmer dans cette derniere. l'e'":pirisme. c' est-a-dire selon sa nature Ia faculte meme de survoler d'abord le developpement divin ou plutot Ia faculte d'y penetrer pour reflechir ensuite le developpement divin. ne receva:zt p us eu~ vte e a source de meneraii!nt une existence pour eux-memes. Hamann s'insurgf! contre Ia trahison du « Httme prussien » qui. Les homd rvrn ca ' l > 1 f · d is a les nommer · et ainsi ils ont trouve e moyen u a ozs e · ' 1 · ·1 "t mes Ont appr repondre a ce que leur disait la Parole et de s'entendre entre eux. Au lreu de manger Oriainelle 1 ö • • l'arbre de' vie nous avons comme nos premters parents mange' J e l' aro~e de la connaissanc~. abstruse intel/igence. [ 235 ] .u h · t le sang des enfants des hommes. crees de teile sorfe qu' ifs jmissent repondre ceffe fa.P!us ~ensu~­ liste qu'idealiste. Qu'est-ce que le monde cree pour Hamann? C'est la forme du langage divin. rom .s ~tres son~ crees de teile sorte qu'ils puissent entendre le Iangage dwtn ~Ut s ad~~sse ~ eux dans et par les choses creees. ct t y avat a a ·danger et une chance : un echange entre la Parole creatrice et la parolc un " d' avec . mai~ un systeme developpe J'organisation int~lligente dont le sommet forme/ est Ia pensee. 1 · de l'esprr·t· d · de Ia chair' de l'ame et ues sem a ete. il a au contraire fort bien compris a quoi Kant devait aboutir. . n'est qu imko. pour repondrc il leur a ete donne ausst de decl11ff.rer le langag_ .t · rtce. a appns leur langage pour constr. Or.tttre. crees qu• d'abord entendent. esperant deceler le secret du m.Ia Parole de Dieu et que Ia Parole a places dans le monde cree par. Stuttgart. « (Hege/. La parole est la ra1son mcme. . et encore que les structures auxquelles Kant porta cette pensee ne pussent legiiimement lui suffire. a son genie litteraire comme a l' un des precurseurs du romantisme allemand. · ehe' dans les choses. Pierre Klossowski. en escamotant ou en sous-estimant le croyant. L'idealisme ne pouvait etre qu'un succedane dangereux du christianisme reduit a son expression ethique. en usurpe Ia place pour jeter les fondements d'une nouvelle metaphysique. 1930 ).ole qu_i s'a~resse ~ ~X travers /e~ creatures. x828. et par quoi exclusivement. · pr 'der a' nouveau de ce contact qui n est aufre que receotlV!te. La Aufklärung que combat Hamann. · d' · · l'unitc nouvelle de l'exrstence etrutte par une ratson tuer. monde ongtnel. . . par sa mo rt . Sympathique a Hume (dont le scepticisme parait ne pas empieter sur le domaine de Ia. Or en tant que chr~ften. aux yeux de Hamann. et qui semble meme. de Ia pensee.Pour. pomt· ad11lt ITC e .onde ~n soi . [ 234 ] Le Mystere de l'Incarnation est la cle de VoUte de Ia pensee de Hamann: qu'il ait manifeste plus de sympathie . esprit qui /ui-meme n'esf pas qu'une simple. cela et rien d'autre ct par quoi aussi. Mais s'ils peuvent entendre. Les commentateurs areligieux de Hamann qui se sont surtout attaches a sa personnalite. sans ·h l paro ·e. dott rarson es t ts· sue du contact _ .. cet effort de faire valoir Ia pensee et sa liberte dans tous les domaines de l'esprit. tou1o11rs oce • de la Parole du commencement.tl crolf et il aff~rme d'abord Ia creation du monde par la Parole et ensutfe lmcarnation de la parole increee dans la creature. Pas . Ce. über Hamann's Schriften in Jahrbücher für wissenschaftliche Kritik.pour le dommer: de ld sont issus ces systemes babeliens que la parole tnsurgee dresse contre le Ciel de la Parole' de Dieu. Du memc coup ils ont donne de Hamann un portrait tronque par leur propre areligiosite. humazne. le besoin de prendre conscience du contenu dans Ia pensee. 1 · . a ar tr f · 1· • divin commencerait a prendre une signi icatron pour ur-meme en message l 1 · d l meme temps que les noms et les mots... Il ressort beaucoup plus des jugements de Hamann (cites plus haut) sur Ia critique Kantienne et les plus diverses expressions de ses ecrits comme aussi de tout ce qui constitue sa particularite. Car les choses sont comme des caractercs.a 1 P ' creee ou au contraire une separation de Ia parole creee ar~l'c crea' p t' du moment 011 le monde cree cessant de servir de chrffre au . Mais ce langage divin s'adresse a des etres cre~~ egalement par .a c a1r e . peine ou effort qui reprisenie Ia destination de /'Esprit pensant en soi et le devoir manifeste de celui-ci Jepuis que Lui-meme s'est degage de sa forme de sphere concentree et s'est fait le Dieu revele. il la meconnait JZbsolument comme aussi Ia liberte. Revelation apres avoir mis en cause l'entendement.: t p rverse · Taut n'est que parole pour Hamann . Hamann est un croyant avant tout et du point de vue du dogme chretien.DEUCALION PIERRE KLOSSOWSKI ef J'attirC1' a /ui. epuration supreme et pour ainsi dire empirique. mais encore eile promet avec autant d'audace et d'impudence a ses impatients contemporains apparentes. La seconde epuration. [ 237 ] a l'empirisme. et do~ne comme un infini maximum ou un minimum a l'intuition immediate. Quant a « l'importante decouverte » . La !'remiere epuration de Ia philosophie consistait en fait dans Ia tentative. elle se trouve de taute evidence dans le simple usage du Iangage tel que l'ont developpe la perception et l'observation la plus vulgaire du sens commun. n'aurait encore tauche le creur d'aucun philosophe. Ca~ apres que Ia raison eilt eherehe durant plus de 2. peut aussi eventuellement etre saisi (genommen). il est encore une distinction plus generale. mais consiste simplement en des conditions subjectives par quoi tout. plus aigue et plus pure en vertu de laquelle la raison est a Ia base de tous les objets. sans appartenir a aucune de ces trois categories et par consequent n'a besoin ni d'une notion empirique ou esthetique. ni d'une notion logique ou discursive. plus on se tait et se recueille et l'on perd taute envie de parler. sans et avant meme toute experience d'un objet. Sur cette double im-possibilite et sur la considerable difference des jugements analytiques et synthetiques se fondent la matiere et la forme d'une doctrine d'elements et de methodes . car independamment de !'essentielle distinction de la raison en tant qu'objet ou source de [ 236 ] connaissance ou mode de connaissance. « Malheur aux tyrans lorsque Dieu s'occupera d'eux. encore plus transeendarrte que Ia premiere. Au nombre des mysteres celes clont Ia tache. ne vise a rien de moins qu'a l'independance par rapport a l'experience elle-meme et a son induction quotidienne. . Or il reste encore une troisieme epuration a faire. 11 nous semble d'abord que le nouveau scepticisme. en partie manquee. Or il nous arrive devant cette idole ce qui etait arrive a cet ancien sage devant l'ideal de la raison. mue par Ia reconnaissance de cette meme dette. en partie mal comprise. sans qu'une perspicacite particulierement profonde soit necessaire pour cela. sans autre credtttf que la tradition et l'usage. voici que non seulement elle n'hesite pas dans Ia carriere progressive de ses precurseurs. (I) Rarmann ironise parce qu'il s'en tient. mystique et enthousiaste eveque de Cloyne. et cela dans le plus bref delai. Hume fut difficilement devenu le grand philosophe pour lequelle tient Ia Critique. de toutes les Sources et de tous les modes de Ia connaissance. Plus on y reflechit. Hume la considere comme l'une des plus grandes et des plus inestimables decouvertes qui aient ete encore faites dans la republique des savants. figure la possibilite de connaitre humainement des objets de l'experience. au declin d'un siede critique ou le double empirisme frappe de cectte. » Cette affirmation de l'eleatique. cette universelle et infaillible jJrierre Philosophale necessaire au catholi-cisme et au despotisme a laquelle Ia religio11 devra soumettre sa saintete. sans parler de leur solution.ooo ans on ne satt trop quoi au dela de l'experience. mais liees a un certain terme qui donne plus d'ampleur et d'extension a leur signification et qui les evoque chaque fois qu'il se rapparte a un objet particulier. de rendre Ia raison independante de taute tradition et de toute foi en !a tradition.JOHANN -GEORG HAMANN METACRITIQUE DU PURISME DE LA RAISON PURE « UN grand philosophe a pnhendu que Ies idees generales et _ abstraites ne sont rien que des idees particulieres.: celle du Iangage! ~·~nique et dernier organe et critere de la ratson. doive infiniment plus au vieil idealisme que ne le laisse entendre cette incidence et que sans Berkeley. source ou mode de Ia connatssance. laisse apparaitre de jour en jour plus suspect et ridicule son propre denuement du point de vue de l'epuration kantienne (r). George Bekerley. Ia legislation sa majeste. ~uelque chose rien con~u comme objet. cela tout particulierement. lui. des dimensions divisees d'une maniere ideale. du Iangage des forestiers. comme dtt le sage Helvetms. cependant la synthese du predicat avec le sujet. a gauche. Mais en admettant meme que dans la topique transcendantale la distinction entre en defa et au dela importerait encore moins que /' hysterion proter01t dans un a priori et un a posteriori. sern!e entre les trois doigts de scribe syllogistique de son poing herculeen. de si inconstant de si inde:finissable. dans lesquelles on ne rencontre rien de ce qui appartient [ 239 ] . par une analyse aussi arbitraire que sa synthese de la levure trois fois vieillie de nouveaux: phenomenes et de nouveaux meteores sur son mouvant horizon.i>EtrcALtö:N Pourquoi demandent-ils apres Lui ? Mene. avant et sans. un quelque chose = x. En:fin il va sans dire que si les mathematiques peuvent pretendre a un privilege de noblesse en vertu de leur universelle et necessaire garantie. Ia metaphysique. il n' en reste pas moins que la marque de naissance du nom s' etend du front jusqu'aux entrailles de toute la science et que sa terminologie se comporte a l'egard de tout autre Iangage artisanal et technique. de lignes et de surfaces suivant.ouvent et representent leur synthese et Ia possibilite de celle-ct au moyen de constructions visibles ou de formules et d'equations symboliques par Ia sensibilite desquelles tout malentendu se voit exclu. mais le Iangage est aussi le foyer des malentendus de la raison par rapport a elle-meme. des mineurs et des ·ecoles comme le mercure a l'egard des autres metaux. mene. Les sons et les lettres ne sont clone que de pures formes a priori. Reste encore une question capitale: Comment la faculte de j1enser est-elle Possible ? La faculte de penser a droite. sa tendance au doute et son arbitrage esthetique. Mais alors que la geometrie determine et :figure meme 1'dealite de ses notions de points indivisibles. clont la certitude apodictique se base principalement pour ainsi dire sur une definition kyriologique de la perception sensible la plus simple et tout d'abord sur la facilite avec laquelle JOHANN GEORG HAMANN elles p. qu'il n'en demeure ~n :fin d: campte rien qu'~n jeu d'ombres magiques. qu'elle cree des signes et fait des miracles au moyen de cet omniproducteur-et-destructeur qu'est le baton magique et mercurial de sa bauche ou bien au moyen de la plume d'oie fendue.infaillible instinct des insectes. etc. le talisman ou rosaire d'une superstition transcendantale vouee a des entia rationis. si riches en merites . en quoi consiste en meme temps l'objet propre dc b raison pure ne dispose comme moyen terme (Mittelbegriff) de rien autre que d'une vieille et froide predilection pour les mathematiques. cette pretention ferait tomher Ia raison humaine au-dessous de l. de leur vide et de leur plenitude dans les propositions ideales. conformement aux predictions et aux miracles de Samuel Heinecke. Rien qu'a ce nom de : metaphysique apparait cette lesiOil originelle et cette lepre de l'equivoque que l'on n'arriverait pas a guerir ni a elucider si l'on s'avisait meme de remonter a son lieu d'origine situe dans la fortuite synthese d'une preposition grecque. en partie a cause de la frequente coincidence de Ia notion la plus grande avec la plus petite. elle. tekel aux sophistes ! Leur obole sera trouvee trop legere et leur comptoir sera brise ! » Riceptivite du Iangage et spontaneile des notions! C'est dans cette double source de l'equivoque que la raison pure puise tous les elements de son caractere revendicateur. en partie a cause de l'in:fini du discours avant les peroraisons. par des signe~ et des Images . tout au plus. avec et par dela l'experience ? Guere n'est besoin de deductions pour prauver la primaute genealogique du Iangage sur les sept fonctions sacrees de propositions et de conclusions logiques ni pour etablir son heraldique. Non seulement Ia faculte tout entiere de penser repose sur le Iangage. Il est vrai qu'a considerer maints jugements analytiques on pourrait conclure a une haine gnostique pour la matiere et a un amour mystique pour 1a forme . qu'elle engendre. abuse de tous les mots et de toutes l~s :figures rhetoriques de notre connaissance empirique pour en fa1re toutes sortes de hieroglyphes et de tvpes de relations ideales et transforme au moyen de ce savant grabuge l'honnetete du Iangage en quelque chose de si insense. si obstinee de ce que Ia nature a reuni ! Les deux troncs ne perdrontils pas leurs racines et ne vont-ils pas deperir du fait de cette dichotomie? Un tronc unique ne conviendrait-il pas bien mieux en tant qu'image de notre connaissance poussant deux racines. les mysteres synthetiques de deux figures correspondantes et contradictoires a priori et a posteriori. si arbitraire. toute en flagorneries pour l'indifferentisme regnant (cette vieille mere du chaos et de Ia nuit dans toutes les sciences des JOHANN GEORG HAMANN mreurs de Ia religion et de Ia legislation ! ) . de sa delimitation et de sa determination par des figures. renaisse Ia rosee d'un pur Iangage naturel.DEUCALION a l'experlence . La plus antique ecriture etaient la peinture et le dessin qui des le debut avaient pour objet l'econon'llie de l'espace. comme dit saint Arnobius .ecreation annoncee et prochaine. Ia communication des idiomes de leurs forces. ni profaner le figuier de la grande deesse Diane.. sensible ou a Ia notion d'un objet . l'une vers le ciel. Or si la sensibilite et l'entendement procedent tels deux troncs de Ia connaissance humaine d'une seule racine commune. ils appartiennent avec leurs elements a la sensibilite et a l'intuition. mais selon l'esprit de leur insti[ 241 ] 11i . comme aussi avec l'inversion que predilectionne la raison pure dans ses theories. les notions de temps et d'espace se sont rendues dans toute la sphere de l'entendement aussi universelles et aussi necessaires que le sont la lumiere et l'air pour l'reil. ont obscurcis. domaines qu'une raison baptisee pure per antiphrasin et que sa metaphysique. paraissent etre tout au moins les matrices de toutes les connaissances intuitives.Ia chronique mysterieuse et scandaleuse de leurs concubinages et de leurs viols . i1 suffit de constater que la vipere nourrie dans le sein du Iangage vulgaire (die Schlechte Busenschlange der gemeinen Volkessprache) nous donne Ia plus belle image de l'union hypostatique des natures de Ia sensibilite et de l'entendement. ce qui coinciderait davantage avec la ·priorite du pense et la posteriorite du donne ou du saisi. a quoi bon desormais une separation si brutale.inaudita specie solaminis. sans recourir pour cela au panegyrique grelot de la Iangue d'un Engel ! alors je pourrais faire ouvrir les yeux au lecteur afin qu'il vit monter les armees d'images a la forteresse du pur entendement et des armees de concepts descendre dans le · profond abime de la sensibilite Ia plus tangible sur une echelle a laquelle ne saurait rever aucun dormeur et Ia danse de ces mahanaim ou de ces deux armees de Ia raison . Le plus ancien Iangage etait Ia musique et comme le rythme sensible des pulsations et de la respiration nasale.la theogonie de toutes les formes titanesques et heroiques de Ia Sulamite et de la muse. tant et si bien que l'espace et le temps quand ils ne seraient pas des ideae innatae. Les mots ont clone un pouvoir esthetique et logique. ce sont la les veritables elements esthetiques de toute connaissance et de toute raison humaine. l'autre au contraire invisible doit etre pensee par notre entendement. En tant qu'objets visibles et auditifs. y compris la transubstantiation des conditions subjectives et des subsomptions en predicat et en attribut subjectif par Ia copule d'un mot fort ou d'une cheville pour abreger l'ennui du temps long (der langen Weile) et remplir le vide par des galimatias periodiques per T hesin et Antithesin. si bien que les objets sont donnes par Ia premiere et penses par le second . l'autre dans la terre ? La premiere Iivree a notrc sensibilite .et d'une nouvelle vierge immaculee . mais aussi a l'elucidation et a l'elargissement des deux domaines respectifs ainsi que de leurs limites. l'oreille et la voix.qui pourtant ne saurait etre Ia mere de Dieu pour laquelle Ia tenait saint Anselme. dans la mythologie de Ia lumiere et des tenebres . Ah ! si je disposais de l'action d'un Demosthene et de sa triple energie rhetorique ou de Ia mimique encore a venir. Ia vivante image originelle de toute mesure du temps et de toute proportion numerale. Sans pourtant attendre Ia visite d'un nouveau Lucifer se levant dans les hauteurs. C'est pourquoi sous l'influence surabondamment persistante des deux plus nobles sell$~ de la vue et de l'ouie. bouleverses et rases a tel point qu'il faut attendre que de l'aurore de la Aufklärung et de Ia t. 11 est peut-etre encore quelque arbre chimique de Diane propre non seulement a la connaissance de la sensibilite et de l'entendement.jusqu'au jeu des formes d'une antique Baübo avec elle-meme . Mais alors on se trouve devant de nouvelles intuitions et de nouveaux phenomenes de mots qui coincident aussi peu avec la notion du mot donne que les differentes intuitions elles-memes. a l'entendement et au concept. Par consequent. libre a chacun de faire du poing serre une main largement ouverte. Ce que la philosophie transcendantale metagrabolise. par ce lien repete. a la faveur de laquelle l'une des deux syllabes se trouve a priori. Par consequent.-re KLOSSOWSKI). (Tratluit tle l'al/. la lettre de ses elements.emand par Pie. les mots en tant qu'objets indetermint!s de notions empiriques. Est-il par ailleurs possible. Estnetique transcendantale. le pai'en la raison et la sagesse. demande l'idealisme. L'analyse n'est rien de plus que Ia coupe a la mode. Des lors Ia derniere possibilite de puiser Ia force d'une intuition empirique sans objet ni signe dans Ia pure et vide propriete de notre affectivite intime et exterieure constitue la demande d'un point fixe et le premie-r mensonge. du Iien d'un signe. pour autant que leur signi:fication n'est determinee en rien par ce qui appartient aux sensations. Le Juif avait la parole et le signe. pour en faciliter la comprehension au lecteur non averti. Est-il des lors possible. moi. Les materiaux donnes ou saisis appartiennent aux forets categoriales et ideales. les mots sont autant de pures et empiriques images que de pures et empiriques notions : empiriques parce que les sens de Ia vue et de l'ouie en re<. p. Ia pierre angulaire de l'idealisme critique comme de toute l'architecture aerienne de Ia raison pure. est-il possible d'extraire de la forme qui determine l'ordre de ces caracteres et dt: ces syllabes. mais necessaire et indispensable a poste-riof'i. des impossibilites de mots et ne deviennent que par l'institution de l'usage des objets determines de Ia raison. ou bien de percevoir les huit caracteres groupes selon une relation determinee ? Ici. de ces six lettres ou de ces deux syllabes. [ 243 ] . des fantomes de mots. des charades « welsches » et de plaisants rebus par l'analyse des caracteres ou des svllabes dans de nouvelles formes. demande l'idealisme d'une part. l'esprit de son institution. sont des phenomenes critiques. (x) Cf. Reclam. est-il possible d'en tirer quelque chose de Ia notion du mot raison ? Ici Ia Critique a une reponse toute prete dans les deux plats de sa balance. il vient de decouvrir comme deja invente le caractere universei d'une Iangue philosophique qu'il avait vainement eherehe jusqtie Ia. je l'ai interprete selon le sacrement du Iangage. il est vrai. est-il possible de trouver dans la pure et simple intuition d'un mot Ia notion de celui-ci ? Est-il possible d'extraire de Ia matiere du mot raison. 11 est vrai qu'il existe dans quelques langues plus ou moins de mots clont on pourra creer des logogryphes.JOHANN GEORG HAMANN DEUCALION tu/Jion et de leur signification. des phenomenes esthetiques (1). arbitraire et indifferent a priori. Ia notion a Ia faveur du signe comme a la faveur de l'intuition elle-meme se voit communiquee.oivent leur modi:fication . c'est-a-dire les huit caracteres ou les deux syllabes du mot Vernunft (raison en allemand) ou dans n'importe quelle · autre Iangue ? Ici l'un des deux 'plateaux de Ia balance de la Critique indique un non decisif ! Mais ne serait-il pas au moins possible de deduire de Ia notion de Ia raison la forme de son intuition empirique dans Ie mot Vernunft. impregnee et incorporee a l'entendement. Kant. de trouver dans l'entendement l'intuition empirique d'un mot ? Est-il possible de trouver dans Ia notion de Ia raison Ia matiere de son nom.pures. des non-mots. se nomment selon le texte fondamentat de Ia raison pure. de ces consonnes et de ces voyelles. ed. probablement parce que dans son reve. en tant qu'objets indetermines de l'intuition empirique. avec l'intuition de l'objet lui-meme et. Peut-etre un semblable idealisme forme-t-il tout le mur de separationentre le judaisme et le paganisme. Les mots. selon l'eternelle rengaine de l'antithetique paralIelisme. 48-49. l'autre a posteriori. de meme que la synthese Ia couture superfetatoire d'un tailleur de corporation. l'Homere de Ia raison pure pousse un ronflement af:firmatif aussi sonore que Ie oui de Hans et Grethe devant l'autel. au magasin des provisions peripateticiennes et academiques. Cette signi:fication et sa determination precedent au vu et au su de tout un chacun. i ' ' .FRAGMENT D'UNE LETTRE SUR KIERKEGAARD par PAUL PETIT !... Mais la dialectique reste utile pour les pauvres bougres qui sont restes des individus. La dialectique n'est reine que de l'appropriation. et en nous au moins en puissance un « homme universei » qui y participe. [ 247 ] . Je saint. K. et c'est ce que vous voulez sans doute dire. montre bien par son exemple que la dialectique supreme n'est pas rationaliste. En tous cas S. c'est que le mouvement (esthetique) de l'interieur a l'exterieur est signe de faiblesse tandis que le mouvement inverse.qui nous pouvons faire (par le renoncement) une si grande place que notre moi individuel est aneanti ou tout comme. L'homme universel. Le point central est la proposition. n'a plus besoin de sens pour percevoir ni de dialectique pour adherer a la verite.. Ne dites pas que ce qui se repand est « totalement denue de force » . 11 y a une verite universelle Brahma-Atma a Iaquelle nous participons. Mais c'est par les sens que nous nous les approprions. K. 11 faut encore etre dialecticien pour refuter la dialectique de Socrate. Or Ia verite spirituelle n'est pas plus produite par la dialectique que les objets qui nous entourent ne sont produits par les sens. Ce qui est vrai. et a. exemple le soleil qui repand sa lumiere et qui est le symbole de Dieu. croit qu'un dialecticien trouve ou meme produit Ia verite.TEL lecteur de s.. ta.. Toute cette encre vous a paru lourde et noire. il m'eut ete impossible d'avoir Ia moindre creance en 1'astrologie) . sa. Son reuvre. Quand on en penetre le sens. / L'EMPRISE DU DüNNE par LIONEL ABEL (TraJuit par Jean WAHL) . La seconde est qu'il n'y a pas ma. le plan socratique sur lequel il se pla~ait postulait cette appropriation de Ia beatitude. comme ille dit. en eut certes convenu . . mais seulement la beatitude eternelle. K. S'il n'eut pas ete proehe du sien. est signe de force. il ne reste plus que du blanc ! Deux choses pourtant sont justes dans votre lettre.genie en moins . K. C'est ce que j'ai ·essaye de montrer dans une grande note de Ia Preface au Post Scriptum.DEUCALION religieux. a fait. Mais c'est justement ce que K. C'est gentil a vous de vouloir m'alleger. est un vomitif et eile aboutit a un allegement total ! 11 est aussi uvidenskabelig que Tchouang-Tseu. (Je suis navre de n'avoir pas reussi a savoir l'heure de ma naissance pour vous demander de faire mon horoscope.doit etre tres voisin de celui deS. La premiere est que mon ciel .. de l'exterieur vers l'interieur. Je l'ai ecrite justement pour eviter au lecteur une fausse interpretation du Iivre qui me semble avoir ete Ia votre. . [ 251 ] . Iet thunder thunder. Lost! Let nothing be unlike ! If the calm is not for me or of the sky. Sky skys and space makes space. the space. Traduit par Jean WAHL.. I shall stand fast. que le changement change que le tonnerre tonne et que l'eclair montre l'eclair al'eclair ! je me tiendrai solide autre sur le meme gazon. the blue clouds cloud and blue. Si le calme n'est pas pour moi.. l'espace. LIONEL ABEL. les nuages. If the tree tried ? From branching branches a bird goes bird .. if a windin wind the wind . le /roid -avec-lumiere . LIONEL Perdu! Que rien ne soit non semblable. le seul dieu qui peut n'etre ni dieu ni garde. Iet change change. les nuages bleus nuagent et bleuent. other on the same sward. le bleu. the clouds... grey now goes greywards out of cold-with-light. and the lightning show the lightning to the lightI . cold-with-light . [ mng. Lost! Is there no shelter under this tree that might be a man . the grey. si un ·vent dans le vent le vent. le gris. le gris maintenant devient grisaille hors du froid-avec-lumiere... the one god who may not god or guard. ou du ciel.DEUCALION LIONEL ABEL Le ciel se cielle et l'espace fait l'espace . ABEL. Si l' arbre arborait ? De branches branchantes. un oiseau devient oiseau. the blue. Perdu n'y a-t-il aucun abri sotts cet a·rbre qui pourrait Ctre un homme. SUR UN POEME INEDIT DE RAINER MARIA RILKE P'!r JEAN WAHL . oire du cceur. Et tout cela se fait soudain. de precieux fruits. son hissement. comme l'a dit Rilke aus~i dans la premiere elegie : « ne pas rester est le sens ». affermie aux branches. quelle est Ia force projetante? » Jamais le mouvement de Ia balan<. Ce domaine du cceur est aussi le domaine du temps. de Ia curiosite du cceur devant lui-meme. il n'existe que cet etre-la : « le etre-la possible. vers de plus hauts lieux. Mais ces lieux sont sans cesse abandonnes dans un mouvement de retour. vers le feuillage qu'elle hante. cet etre proehe ». Le mouvement seul existe . ces vues.oire n'atteint ces lieux mais toujours s'en approche. Voisinage sans cesse evanouissant. Rilke voit une balan(?Oire.oire. il est aupres d'eux.Nous sommes dans le domaine du cceur. sans cesse fugitif. d'un mouvement de plus en plus risque. meme ce retour vers l'ancien apporte le nouveau comme dans l'instant. a une branche si haute qu'elle est invisible. l'Autre et l'univers. dessus et entre. vers des fruits. ses hesitations. Mais c'est voisinage plus encore que presence. Sure balan<. Et le balancement va sans cesse. 11 va decrire ses elans. Sans cesse de nouveau ces voisinages. Rilke s'interroge : « qui a donne l'impulsion. ces nouveautes. elle est Ia balan<. dessous. [ 255 ] . combien pres . Rilke s'identi:fie avec celui qui est a chacun des plus hauts points du mouvement et aussi a ce meme vivant quand il est dans l'intermediaire . les a [ :z. d'un monde qui n'est pas seulement le monde sensible. je suis apparente a l'autre que moi. mais ce n'est pas la l'important. qu'elles soient chaque fois encore une fois nouvelles. de celui qui a cette experi'ence surgissent des surabondances. par nos anticipations. une circulation entre le visible et !'invisible. il participe aux vues et aux joies . Iei l'objectivisme en quelque sorte reprend sa revanche. comme dans Novalis. Et les deux moities du mouvement s'appellent l'une l'autre. deux que nous ne voyons pas ? Et ces deux moities non vues. Est-ce le meme qui a ordonne le mouvement et l'elan. l'action du premier moteur et l'action de Ia pesanteur. elles donnent une plenitude a 1' elan. N'y a-t-il pas quatre parties de ce mouvement balance. Ne for~ons pas. se brise en cet elan. ne les prenons pas comme une reflexion ou un miroir de cet elan d'ici-bas. il n'y a plus cette surabondance qui vient d'une tension purement interne . et voit de mieux en mieux l'apparentement de l'individu et du monde . Nous sommes au. alourdi par Ia curiosite du creur dont nous avons parle. deux que nous voyons. Et chaque fois nous allons a nouveau vers le nouveau. Mais dans ce mouvement incessant. Des lors. tout semble partir de l'individu. les vivants vivent de Ia mort des dieux et les dieux vivent de la mort des hommes. sous l'impulsion de Ia force d'en-bas. Puis vient le depart. Au milieu nous serons par instants dans les bras de l'equilibre. le conge que moi-meme je prends des choses quand (et ici l'idee de 1'Autre qui me domine reapparait) Ia force projetante sur Ia realite de laquelle on interrogeait au debut.'point extreme du subjectivisme de Rilke puisque... Nous trouvons ici une union de l'Autre et du meme. elles s' elancent. joies que nous avons parcourues. de Ia pesanteur. Mais ce conge meme me le rend plus apparente. Ainsi.s6 ] choses. lui qui etait distinct de moi jusqu'ici. Et chaque fois quelque chose est passe. il note les elans qui partent de lui. nous retournons vers le nouveau.. comme chez Heraclite . ont besoin l'une de l'autre. nous prenons possession de quelque chose . les yeux de son esprit voient maintenant un cercle. Aux deux bouts de Ia corde nous nous rendons compte des. chacune des moities du chemin est une moitie de joie. puisque completant les mouveinents vus par le mouvement invisible. elles le tendent. Simplement qu'elles soient. DEUCALION JEAN WAHL Voici en effet le retour. une idee risquee comme le mouvement meme de Ia balan~oire. ici du moins. Mais soudain une idee se presente Rilke. comme dans Platon. De sorte que ce qui brise apparente. n'est plus . Chaque partie du mouvement est egalement precieuse. et qui ordonne ce retour ? Rilke ne le dit pas. a moi qui maintenant m'unis a lui. devant Ia balan~oire. dans ce risque meme et d'un point a l'autre de ce risque. se transforme dans son contraire. de moi. et chaque moment. de ces vues et de ces moments. mais sans doute c'est la meme volonte qui veut que nous allions vers le ciel et vers la terre et qui nous balance au-dessous et au-dessus et nous fait hesiter. Nous ne pouvons pas ne pas penser aux formules d'Heraclite par lesquelles il enon~ait l'identite du· chemin vers en haut et du chemin vers en bas. [ 257 1 17 . Sans doute y a-t-il une unite entre Ia cantrainte terrestre et l'injonction vers le ciel a travers le tournant de Ia pesanteur. LA QUERELLE DES YEUX ET DU COEUR FRAGMENT EXTRAIT DES " FUREURS HEROIQUES " I par GIORDANO BRUNO Presente et traduit par PAUL-HENRI MICHEL i I 'I a Londres, ou il etait gentilhomme de 1'ambassadeur de France Michel de Castelnau de Mauvissiere, que Giordano Bruno composa, entre 1 s8 3 ~t 1585, le dernier Iivre qu'il ecrivit en Iangue italienne. Ce Iivre pathetique et eblouissant, publie en I 58 5 SOUS le ti tre De gl' heroici furori, porte dans IOD edition originale, l'adresse d'Antonio Baio, a Paris ; mais on a lieu de croire qu'il fut en realite imprime a Londres, probablement par Thomas Vautrollier. Les c Fureurs » que Bruno se propose a la fois comme .theme poetique et comme objet de meditation sont celles de l'amour. Le c Furioso :., dan.s sa Iangue (et dans celle des autres poetes italiens du xVI" siede), c'est l'homme amoureux jusqu'a la frenesie. Mais ici la fureur s'accompagne J'heroisme - et le heros, selon la doctrine brunienne, c'est l'homme qui, prenant conscience de sa dignite et de sa place dans l'univers, tend de toutes ses forces a se hausser jusqu'a la perfection supreme, a participer a la lumiere eternelle, a la vie etemelle. Par c fureurs heroiques » il faut donc entendre l'amour du souverain bien, amour absolu et sans reserve qui, a travers des soutfrances et des delices ineffables, des travaux, des perils de toutes sortes, tend a l'union avec bieu. Pareil amour n'atteindra jamais son but, n'obtiendra jamais une recompense situee a des hauteurs inaccessibles. Le heros ne l'ignore pas, mais le propre du heros est de se donner une dche au-dessus de ses forces. Sa vie sera celle du chasseur a Ia poursuite des idees divines, dont il finira par etre lui-meme la proie : C 'EST ...e'l gran cacciator Jovenne c•cc;.. Giordano Bruno, qui n'a jamais renie son enthousiasme platonicien, emprunte au Banquet Ies cHements d'une doctrine de l'amour et, par Ia, se rattache a un vaste mouvement philosophico-poetique dont les origines remontent au xv- si~cle [ 261 ] DEUCALION florentin. Apres Marsile Ficin, Pie de la Mirandole avait enseigne que l'amour veritable est un desir intellectuel de la beaute ideale, et cette le~on, recueillie par les poetes, leur avait inspire le dessein de sublimer l'am~ur courtois .e~ d'en appliquer les expressions traditionnelles a des fins metaphyslques ou rehgteuses. La Delie de Maurice Sceve est, en France, un exemple de cet effort singulier. Mais si la tentative clont les Pureurs Heroi'ques sont le temoignage (encore plus que le resultat) porte la marque d'un siede, elle porte aussi. la marque per: sonneile de Bruno. L'ascension erotique ou il s'engage tout entter est pour lut une aventure violente, et le livre qui la traduit se pd!te, comme toutes les ceuvres ou le genie se montre a l'etat pur, a une multiplicite d'interpretations, clont aucune ne l'epuise et clont chacune l'enrichit. Les Pureurs Heroiques se presentent sous forme de dialogues familiers, au cours desquels les personnages en scene recitent des vers, attribues pour la plupart a un mysterieux poete qui demeure absent et que l'on desig~e so~s le nom de II Furioso. Chaque poeme recite fait l'objet d'un commentatre qut en elucide les allegories et en devoile le sens philosophique. Un pareil Iivre est assez riche pour sa:isfaire plusie_u~s familles de lec:eurs: Les uns y gouteront surtout un lyrisme a la fo1s prec1eux et enflamme qut remuera en eux des souvenirs et les laissera hesitants entre Gongora et Shakes~ peare. D'autres seront plus sensibles a' l'ironie sous-jacmte au commentaire dialogue, clont la subtile analyse met. en relief, en meme temps que les arde~rs du Furioso et que la noblesse de ses ambitions, les extravagances de sa pensee, les outrances de son langage. Vue sous un certain jour, la tentative desesperee du poete ne s'apparente-t-elle pas aux exploits insenses d'un Don Quichotte ? Sans doute, mais, par la bouch: d'un de ses· personnages, Bruno nous avertit qu'il est deux sortes de folies, l'une bestiale, l'autre divine, l'une au-dessus, l'autre audessous des zones moyennes du. sens commun ; et la folie du Furioso - autant et plus encore que celle du Chevalier de la triste figure - est une folie divine, superieure a la raison, s'opposant a elle comme la fureur dionysiaque (dans les Bacchant es d'Euripide) s'oppose a la sagesse trop humaine de Penthee. Il n'est pas interdit non plus de voir dans, les Pureurs Herolques une sorte de supercherie litteraire. D'apres un erudit italien, M. A. Sarno, les poemes du Furioso seraient de veritables poemes d'amour inseres, apn!s coup, dans un ouvrage philosophique ecrit sous une tout autre inspiration. C'est certainement la une fa~on ingenieuse de comprendre un texte souvent deconcertant et d'expliquer certains disparates entre les vers et le commentaire en prose. Toutefois le. livre de Bruno n'esi pas de ceux dont on se debarrasse si facilement. Quel que soit l'esprit dans lequel on l'aborde, il ne prend son relief qu'eclaire par le destin tragique de son auteur. Il ne peut etre bien lu qu'aux flammes du bucher. L'ouvrage se divise en deux parties comprenant chacune cinq dialogues. Chacun a son sujet propre, mais toujours rattache a ce theme central : l'amour de la beaute souveraine. Le dialogue dont nous essayons de traduire, sous le PAUL-HENRI MICHEL titre « La quereile des yeux et du cceur », le texte poetique est le troisieme de la seconde partie. 11 contient huit sonnets clont voici, en quelques mots, les arguments: 1° Le cceur se plaint du feu qui le consume et accuse les· yeux d'etre cause de ce cruel incendie : Ia premiere etincelle en est venue par eux (puisque Ia connaissance eveille le desir). z <> Les yeux a leur tour se plaignent : ils sont remplis de larmes- qui, repandues, inonderaient l'univers ; et ces· !armes viennent du cceur. 3° Le cceur se justifie : comment serait-il Ia source de ces eaux abondantes, lui qui n'est tout entier que feu ? 4 ~ Les yeux opposent au grief du cceur une objection analogue : noyes, fondus en eau, comment donneraient-ils naissance au feu ? Ainsi les deux reponses sont deux nouvelles questions, auxquelles il ne sera plus repondu. Ces quatre sonnets formentune premiere dispute. Les quatre autres, qui posent un problerne different, se succedent suivant un ordre semblable : demande du cceur, demande des yeux, reponse du cceur, reponse des yeux; et cette fois encore les reponses prendront une forme interrogative : 5° Comment se fait-il - demande le cceur - que ces eaux inepuisables, clont les yeux se pretendent remplis, ne jaillissent pas en fleuves debordants et ne provoquent pas un nouveau deluge ? 6° Comment se fait-il - demandent pareillement les yeux - que ce feu inextinguible, dont le cceur •se dit embrase; ne s'eleve pas en flammes geantes, jusqu'au ciel ? (Que signifie cette puissance qui ne se traduit pas en ad:e ? ) 7° Le cceur repond : Sur le feu infini qui est · en moi s'etendent les eaux infinies qui sont en vous, et « l'infini ne peut surmonter l'infini ». 8° Et les yeux : Les eaux infinies qui sont; en nous sont combattues par Ia puissance infinie du feu qui leur interdit le passage. Ainsi ni les yeux ni le cceur ne peuvent manifester leur passion. Comment le pourront-ils jamais ? Teile est la question finale qui, elle aussi, demeure sans reponse. Chaque sonnet est suivi d'un bref commentaire qui en donne le sens litteral. La signification de l'ensemble fait l'objet d'un expose plus etendu auquel est consacree la fin du dialogue. Reprenant l'argument des deux derniers poemes, Bruno (par la bouche de Liberio) developpe d'abord cette idee que les deux puissances infinies des yeux et du cceur, s'opposant l'une a l'autre, se neutralisent. Elles sont egales, puisqu'il n'y a pas de degre dans l'infini, et chacune interdit a l'autre de se transformer en acte, en sorte quelles restent des puissances, des virtualires cachees au plus profond de l'etre. Ces puissances du cceur et des yeux sont, symboliquement, celles de l'affection et de l'intellection (affetto et intelletto). Infini est le souverain bien (objet au beau soleil. l'ame ne cesse de progresser. et l'ame s'abreuve du nectar divin a la source de vie eternelle autant que le comporte son vase propre » . que si fort me tourmente ce feu ardent qui de vous derive? Creature mortelle. risque d'etre de«u. le creur egalement. Le champ de vue des yeux ne cessant de s'elargir. a sa maniere. Paul-Henri Michel. Bruno introduit brusquement une autre idee. abrite dans ce corps. le poeme de Ia grace ?! Nous l'ignorons. se met en marche vers Dieu. et (fait-il dire a Liberio). Mais les Pureurs Heroiques ne celebrent et ne veulent celebrer que l'effort de l'homme qui. Peut repandre sur l'univers de si grands fleuves au flot si debordant qu'il serait aupres d'eux un maigre ruisseau celui qui inonde l'Egypte et. et clone i~satiable.DEUCALION GIORDANO BRUNO propose a la connaissance et a l'amour) . le bien. infinis clone l':. Bruno a marque le dessein de son ouvrage et les limites qu'il lui avait imposees.tppetit de connaitre. « est de boire et non d'avoiri bu le nectar ». etrangere a l'allegorie des yeux et du creur. Voici pourquoi : L'infini qui s'etend devant l'ame et la sollicite n'est pas « privatif et negatif ». et le desir s'eteindra en lui sans avoir ete satisfait. entre sept doubles rives. par vous. Aurait-il ecrit plus tard. cette double fontaine Aux dernieres lignes du dialogue. ainsi que toute objection fondee sur une trop courte sagesse . Principe de vie. il s'arretera pourtant. Les yeux re«oivent les clartes du dehors (apprehendent les especes) et en transmettent au creur l'impression . Premiere demande des yeux au creur Esuries satiata. le creur: te\. et elle n'est pas mienne. vaincu par la fatigue. pres du soleil. mris l'ame etant a chaque instaut aussi comblee qu'elle peut l'etre. je suis. d'une part en effet la perfection du bien qu'il convoite preserve le conquerant du. Bruno insiste sur le fait que l'action des yeux et du creur est double et reciproque. L'ame ne sera-t-elle clone jamais satisfaite ? Il est vrai que le champ ouvert a son ambition conqt1erante est sans limite. satietas c!suriens. qui l'inclinerait a l'inertie. Comment peuvent-elles jaillir de toi. le beau dans la mesure ou s'etend l'horizon de sa capacite. les objections qu'eleverait un Cineas contre cette conquete sans borne perdraient leur force. toujours bienheureux et toujours en proie a la meme ardeur devorante.oit l'impression transmise et reagit sur les yeux (puisque l'affection eveillee·en lui fait naitre les larmes). la terre la plus glacee. et que sa soif n'epuisera jamais la source d'eau vive. puisqu'elle peut toujours depasser ses fins. sous la plus le-nte etoile de l' Arctique. nc me promettent pas meme l'ombre du salut? Vous me fites captif d'une main qui me tient et ne me veut pas . « bien des gloses seraient necessaires » s'il fallait parler du second. Revenant a son allegorie. de sa conquete qu'il fait resider sa joie : « Le plaisir des dieux » dit fortement Giordano Bruno. ces eaux plus abondantes que ne le furent jamais celles d'oit les N ereides font emerger leur front qui chaque jour. comment dois-je nourrir sans repos un incendie si grand Que toute l'eau des mers et que. Au contraire. sans attendre le secours d'en haut. loin de suffire a en reprimet la flamme. tel est le conquerant vulgaire (tel est Pyrrhus) . hors de· lui. Elle serait pourtant coupable envers elle-meme si elle se rendait au conseil d'une fausse prudence. Le& yeux ont deux « offic:!s » . renait et meurt ? A l' egal d' Amphitrite. desir et rassasiement seront pour lui inseparables : 11 n' a parle que du premier. le desir. Toujours de«u. et d'autre part c'es·t dans l'acte meme. mais « positif et affirmatif » . . il ne signifie pas « negation de fin ». se jette a la mer. 6 creur.subtile dis'tinction que Bruno explique par une metaphore quand il oppose infini de tenebres et infini de lumiere. •ce double mouvement n'aura pas de fin . Loin de s'exclure. et aussi le regret de ne pouvoir tout ernbrasset : le feu du creur et l'eau des larmes. tel est le heros qui a consacre sa. mais « affirmation d'une fin infinie » . Dans l'infini du souverain bien. se repand dans les choses (quello ehe dalla divinita si diffonde a le cose). de la divinite. ce qu'il en est de moi je l'ignore. je ne suis pas vivant. car j'appartiens a cette ame. 6 mes yeux. mais toujours avec le sentiment d'une pleine satisfaction : « L'intellect re«oit la lumiere. A l'amour qui « aspire a la divinite » (et caracterise l'existence heroi:que) il oppose 1' amour qui. vie a la conquete du bien supreme. de lui-meme. mais elle sait qu'au dela du cercle de son horizon Ia lumiere regne encore. Par cette rapide et unique allusion a l'amour de Dieu pour les creatures. Premiere demande du creur aux yeux Comment se fait-il. toujours rassasie et toujours affame. l'un acquiere force qttand l'autre lui resiste? Premiere reponse des yeux au creur Ab creur! a tel Point ta passion t'egare qu(!< tu as perdu le Sentier de taute verite. comme le feu. s'il ne pt'Ut l'eteindre. Comment serions-nous source d·'ardente flamme. destructeur de cet ordn~ eternel. mais bit'n le feu.GIORDANO BRUNO DEUCALION Nature. Aueune fumee ne s'cleve qui nous arrache des pleurs: tout garde sans defaut son etat propre. ace petit univers. ne St' deverse pas sur le monde S'il est vrai.ffet tout COntraire? Je ne devrais pas vous noyer. pour la raviver? Aveugles ! croyez-vous que d'une si ardente flambee derive ce double flot et que ces deux sources vives Tirent de Vulcain leur aliment .te jaillissant hors de ce huste. donna deux Zurnieres pour se gouverner . au lie'u de t' ouvrir passage a travers nous et par les a. par nous.irs ? Nulle etincelle n'est aperp.66 ] Avez-vous laisse tomher jusqu'au sol et se meler a la terre um seule goutte d'eau qui me permette de dmtler de ce que taute apparence m'oblige a croire? Seconde demande des yeux au creur Si toute matiere en /eu com/ertie et des lors. qu'en moi s'allume une flamme immortelle et que je ne suis qu'un feu ardent. c'est pourquoi De nous et non d'ailleurs Neptune pourrait recevoir a nouveau son grand empire. pourquoi sejournes-tu. Tu ne sois pas emporte. Et le ciel impassible accepte que nature soit violen:tee et que dure la violence. qu'un si grand jt'U d'amour tourmente. d'oit vient-il que toi. rie:•t n'apparait qui ressemble a un corps embrase ou reduit en cendres.. toi. si tout ce qui m'approche s'eva11011jt en fumee et si mon incendie s'etend au ciel. si le sort voulait qu'il le perdit. mais vous reduire en cendre. . d'un seul elan jusqu'au soleil? Dans ces basses regions qui te sont etrangeres. Iaissani derriere lui Ct'S deux humides portes. mobile et legere. 6 mes yeux. [ 2.comme parfois il se produit que de deux contraires. s'eleve vers les hauteztrs du ciel. comme1tt se fttit-il. Pour y etendre le dornaine des divinites marines et reduire celui ou regnent les autres dieux ? Pourquoi ne voit-on pas renaitre les JOUrs oit Deucalion aborda les montagnes ? Comment ce grand brasier ne vous devore-t-il point? D'oit vient que. comme la Zurniere par les vitres. 6 mes yeux. de vous issu.•ent. Seconde demande du creur Premiere reponse du creur aux yeux Si tous les fleuves courent a la mer ecumeuse et vont en grossir les aveugles abimes. rapide comme le 1. Tout ce qui e·n 110us se montre et se cache est semence de mer . ce torrent jete sur ma flamme pour l'eteindre oit. Ou sont-ils donc ces ruisseaux debordants. puisque l'eau n'est pas ma substance. VOUS en eprouviez tln e. alors que nous donnons naissance a la mer ? Serais-tu fol assez pour croire que le feu nous traverse. Pour te faire eprouver cette immense ardeur? Vas-tu penser que. de flamme il n'eost raison. il penetre jusqu'a toi? Tu les as converties en eternelles sources. sensation ni pensee. qu'un double flot. . . . .. . . comment lui rendrons-nous la divine beaute pitoyable ? Alphonse de W AEHLENS .. (texte presente et traduit par Pierre KLossoWSKI). . Jean WAHL . . car la nature abhorre l'ombre des profondeurs. M. Louis de ßROGLm . . . .-P. de Maurice Merleau-Ponty). par le ciel. .. . . Le Temps chez Husserl et chez Heidegger. . . .. . . . . .. . . . .. . MICHEL).. . Rilke. . . . grace auquel vous ou moi pourrions rendre manifeste. . ]ANKELl~VITCH . se refuse a croire: le feu qui est en moi ne peut prendre son vol et cet incendrie sans mesure ne se voit point. . . . ..ES Pol est celui qui. . . . Jean WAHL Heidegger et J. Pour le salut de cette ame.168 ] G. . . . Ferdinand ALQUIE Jean CAVAILLES . (Sur les pages 37-84 de l'Etre et le Neant). (texte presente et traduit par P.-H. . Le Masculin et le Feminin. dis-nous qui pourra jvzmais se faire gloire * J.. . . son sort cruel? Si nos Jouleurs restent cachees. . Raymond RuYER .. . si le mal dont tu souffres comme nous peut d'autant moins se manifester qu'il est plus grand? [ . helas. . Sur un poeme inedit de R.. . . .. .. . quel parti prendrons-nous jamais. . . .. . . . . c'est que Nature ne veut pas que tout perisse. La Theorie de Ia Science selon Bolzano.. . . .. Wl. Essai sur le neant d'un probleme. . . .. . .. rejetees aux tenebres par une puissance contraire. . . . . Les Revelations de la Microphysique. . . . . ne con:nait rien et. . . Paul PETIT . . Lionel ABEL . . .. hors de la raison. .. . Frontispice d'Andre MASSON . . Et maintenant. .. . . .. . D'etre le herault de notre malheureux amour. Aime PATRI Yvonne PrcARD . elles ne roulent pas leurs /lots vers la mer.. . Metacritique du purisme de la Raison pure . .. . . . Note sur l'analyse reflective et la reflexion phenomenologique. La place des Valeurs vitales. .. . . . . Emmanuel LEVINAS . et l'infini ne peul surmonter l'infini. . . . . . . . HAMANN . .. .. . .. . . Present11tion Car au-dfJssus de lui s'etend l'ocean des yeux. . . Dites-moi. .. . . . . . . .DEUCALION Seconde reponse du creur aux yeux TABLE DES MATIEB. .. toi qui peux opposer anotre force une force egale. * Seconde reponse des yeux au creur Des fontaines que nous sommes. . (A propos de La Phenomenologie de la PerceptiOfS.. . les eaux ne jaillissMt pas: leur impetueux elan est brise. WAHL). . hors des apparences. Giordano BRUNO . . o mes yeux. . .. Sur une nouvelle doctrine de la liberte. . . .. . . aussi ne voit-on point se creuser leur double vallee. . . . Roland CAILLOIS . .. La forcfJ infinie du ClEUT embrase interd~t le passage a ces fleuves qui ne sont que trop hauts . ... Solitude de la Raison. cmur afflige. La Querelle des Y eux et du Creur. . . . Si la flamme et la sphere se font equilibre.. Lettre sur Kierkegaard (fragment). . . L'Emprise du Donne (traduit par J.. . . . . . . . . . . I1 y a. . .. . . . . Sartre. RUE DU MONT-CENIS-PARIS f8e .ACHEVE D'IMPRIMER LE XXX AOUT MCMXLVI SUR LES PRESSES DE L'IMPRIMERIE CHANTELARD 111. I EUCALION CABIERS DE 'PHILOSOPHIE PUBLIES SOUS LA DIRECTION DE JEAN WAHL f EDITIONS DE LA REVUE FONTAINE .
Copyright © 2024 DOKUMEN.SITE Inc.