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May 24, 2018 | Author: saharian | Category: Sufism, Muhammad, God, Religious Behaviour And Experience, Religious Belief And Doctrine


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Bismillâh ar-Rahmân, ar-RahîmAu nom de Dieu le Clément, le Miséricordieux par Dr Ahmad Badreddine Hassoun, Grand Mufti d’Alep D ieu a doté l’homme des sens afin qu’il soit un trait d’union entre l’univers, avec tout ce qu’il comporte comme causes et accidents, et son monde intérieur avec ses sentiments, sensations et qualités. Dieu a placé dans sa merveilleuse création qu’est le corps humain de formidables énergies et de subtiles sensations. Il en a fait l’écho de causes extérieures et intérieures. Les sons provenant de l’univers ont provoqué des effets évidents sur les réactions de l’homme, ses sentiments voire ses mouvements. L’univers qui nous entoure émet de façon permanente les mélodies les plus douces. Les arbres et les branches des arbres en balançant, les fleurs en dansant et les oiseaux en chantant diffusent les airs divins les plus merveilleux et interprètent les mélodies les plus exquises. Ils s’adressent ainsi aux êtres dont les cœurs sont purs et les âmes célestes par des signes qui disent leur bonheur et expriment leur sens profond de l’adoration. C’est pour cela que l’Imam al Ghazali a dit : “celui qui n’a pas été remué par les fleurs du printemps et les cordes du luth a une âme corrompue pour laquelle il n’existe pas de remède.» Je n’ai pas rencontré d’amoureux sincère dont l’âme baigne dans le firmament de l’amour éternel de Dieu et dont le cœur a été purifié par sa lumière sans que cet amour n’ait surgi en lui à partir de la parole pleine de bonté et de la mélodie céleste rythmée débordante issue de Dieu. C’est ainsi que l’univers a été entouré par son Créateur de splendides enceintes faites des chants les plus suaves de l’existence et d’une musique émanant des cordes sensibles du cœur qui reçoit de l’amour débordant de Dieu l’hymne de la foi et du bonheur éternel. Traduit de l’arabe par Saadane Benbabaali Professeur à Paris III 2 Le samâ’, audition et entendement L orsqu’ils s’organisèrent en confréries soufies au début du ixe siècle, les mystiques musulmans adoptèrent la musique comme support de méditation, comme moyen d’accéder à des états de grâce ou d’extase, ou simplement pour “nourrir l’âme” c’est-à-dire régénérer le corps et l’esprit fatigués par les rigueurs de l’ascèse. Le samâ’, qui signifie littéralement “audition”, désigne dans le soufisme cette tradition d’écoute spirituelle de musique et de chants, dans des formes très variées et ritualisées à des degrés divers. Le sens même du terme samâ’ suggère que c’est bien ici l’écoute qui est spirituelle, sans que la musique ou la poésie aient forcément un caractère sacré. L’ “audition” peut d’ailleurs porter sur tout son, naturel, artificiel, ou artistique, ainsi que sur les sons “subtils” du monde caché ou du cosmos. Dans son sens éminent, l’audition est synonyme d’ “entendement”, c’est-à-dire compréhension et acceptation de l’appel divin, ce qui peut aller jusqu’à l’extase, le ravissement, le dévoilement des mystères. Donner un contenu à l’extase et une signification à la musique, tel fut le premier souci des mystiques musulmans. Il s’agissait aussi de répondre aux docteurs qui prétendaient proscrire cette pratique, et de mettre en garde les novices qui risquaient de n’y voir qu’un divertissement. On invoqua des mythes fondateurs, tels que celui du Pacte Primordial (Alast), où Dieu interroge les descendants d’Adam contenus en puissance dans ses reins : “Ne suis-je pas votre Seigneur ?” (alastu bi rabbikum), à quoi tout homme a répondu dans la prééternité “oui je l’atteste”. De nos jours encore, les hymnes mevlevi modulent une réponse extatique à la voix suave du Créateur dont la musique est l’allégorie : “Oui, mon Âme, oui mon Seigneur, oui mon Aimé”... (Balî jânam, balî miram balî dust). On attribua le premier samâ’ musical aux anges qui parvinrent par ce stratagème à capturer l’âme extasiée d’Adam et à l’enfermer dans le corps. Le renversement de ce mythe est que la musique peut aussi permettre à l’âme du mystique de s’évader du corps et de s’affranchir des contingences du temps et de l’espace. La musique est donc l’écho sensible du verbe Divin, des sons angéliques, célestes (le vent du paradis ou le grincement de sa porte), ou cosmiques (l’harmonie des sphères). Dans les 3 spéculations gnostiques, elle est un élément de l’ordre du monde et, par le biais des intervalles, elle tire son essence de l’harmonie des sphères et des nombres, donc de l’Intelligible. Certains grands cheikhs ont usé très modérément de la musique tandis que d’autres étaient des passionnés de samâ’ et de danse. Très rares furent ceux qui expressément déconseillèrent cette pratique, et même les tenants de la tendance “sobre” du soufisme, contrairement à certains oulémas, ne se prononcèrent jamais contre la musique en général. En revanche, la plupart d’entre eux insistèrent sur la façon d’écouter. Dans le grand débat sur la musique, sa licéité et son bon usage, qui durant des siècles opposa les soufis et les puritains, c’est bien d’avantage l’audition plutôt que la musique elle-même qui est prise en considération. “Tu as besoin de l’oreille du cœur, pas de celle du corps”, dit Mawlânâ Rûmî (xiiie s.) à propos du samâ’. Il en va de même pour la poésie, souvent mise en musique : “il faut écouter ces paroles par le cœur et l’âme ; il ne faut pas les écouter avec son soi d’eau et de terre”, dit ‘Attâr. Plus précisément les derviches sont généralement invités à réunir certaines conditions afin de tirer tout le bénéfice du samâ’. Selon Semnâni (m. en 1336) il s’agit : “- d’avoir renoncé au monde - d’avoir renoncé aux désirs - d’avoir lutté contre son soi impérieux - de pratiquer la “remémoration” dhikr - de considérer Dieu présent - de voir tout d’un œil pur. Il faut aussi un temps propice - un endroit propice - ne pas laisser participer les jeunes gens - ne pas se forcer à s’agiter ou au contraire à rester tranquille mais, comme le préconisent les soufis “fils de l’instant”, se comporter tel que le moment (waqt) le commande”. Dans l’ensemble, ces recommandations définissent également, semble-t-il, les conditions optimum d’une écoute purement esthétique, tant il est vrai que l’expérience de la Beauté et l’expérience du Sacré sont deux voies convergentes vers l’appréhension du divin. Jean During, chercheur au CNRS, ethnomusicologue B ibliographie : “Musique et extase, l’audition mystique dans les traditions soufies” par Jean During, éd. Albin Michel 4 La Syrie, terre des prophètes La Voie Soufie O n demanda au grand maître Junayd pourquoi les soufis éprouvaient une forte émotion spirituelle et s’agitaient pendant l’audition de la musique sacrée. “Quand Dieu, répondit-il, a demandé aux âmes dans le monde spirituel, lors du Pacte primordial : “Ne suis-je point votre Seigneur ?”, les âmes furent pénétrées par la douceur du discours divin. Quand elle entendent la musique, ce souvenir les réveille et les fait se mouvoir.” L a S yrie , T erre des P rophètes La Syrie actuelle fait partie d’une région, autrefois unifiée sur le plan culturel et politique, que l’on appelle parfois “Grande Syrie”, ou Bilâd al-Shâm, et qui englobait également la Jordanie, la Palestine et Israël ainsi que le Liban. Le Bilâd al-Shâm est donc la terre des prophètes, 5 D amas . plusieurs centaines de prophètes auraient séjourné ou seraient morts. qui a toujours attiré les personnalités religieuses. et certains cheikhs parcouraient ses pentes chaque vendredi. Ghazâlî. héritier des monothéismes proche-orientaux. certains de ses descendants y reposent. fille de l’imam al-Hussein. liée au zuhd (“détachement”. “consacré à la retraite et à la solitude. Les grandes confréries qui y naissent au xiie siècle. a pu élaborer sa spiritualité et ses pratiques dévotionnelles sur cette topographie immémoriale du sacré. refuge des saints pour tous les temps. par exemple. il n’est qu’à parcourir les nombreux ouvrages écrits sur les mérites distinctifs (Fadâ’il) de la ville pour s’en rendre compte. nous dit-il. Le prophète Muhammad lui-même aurait vanté les vertus de cette région. en 1328). tels que Sayyida Zaynab. Dès les premiers siècles de l’Hégire. mais le soufisme syrien sera surtout alimenté par l’Irak. “renoncement”) voit le jour. telles que la Qâdiriyya. lors de sa période de quête mystique. réputé à tort être opposé à la mystique.et l’Islam. exercent une empreinte profonde sur le paysage initiatique syrien : même le théologien Ibn Taymiyya (m. 6 . qui domine la ville. une école spirituelle. La position centrale de la Syrie dans l’aire musulmane explique l’importance qu’elle a toujours eue pour la culture islamique. aux exercices et aux combats spirituels”. y séjourna près de deux ans. s’affilie à l’ordre de ‘Abd al-Qâdir al-Jîlânî. marchant pieds nus “par respect pour les savants et les saints qui y sont enterrés”. et aurait incité ses Compagnons à s’y établir. Sur le mont Qassyoun. De fait. refuge des S aints La tradition islamique a réservé à Damas une place de choix dans son espace spirituel . et Sayyida Ruqayya. Il y était. fille de l’imam ‘Alî.  Damas est l’une des plus anciennes métropoles de l’Islam. Le Prophète l’avait décrite comme une terre d’élection. la personne d’Ibn ‘Arabî fut l’objet d’un opprobre de la part des “juristes” damascènes. car ceux-ci ne comprenaient pas son œuvre. saint protecteur de D amas Mais le saint le plus enraciné dans la ville. très audacieuse sur le plan doctrinal. nous avons ainsi plusieurs témoignages montrant que la tombe du maître servait de dépotoir. mosquée. après une longue pérégrination qui commença en Andalousie. Ces censeurs avaient imposé leur point de vue à la population . un de ses premiers ordres est d’édifier un complexe monumental (mausolée. etc.I bn ‘A rabî Le “Grand Maître” Ibn ‘Arabî. vers 1930 dessus ! Lorsque le sultan ottoman Sélim prend Damas aux Mamelouks.Damas. en 1240. Son mausolée est situé sur les pentes du mont Qassyoun.) sur la tombe d’Ibn ‘Arabî. et que ses adversaires urinaient Confrérie Mawlawiyya . ou “faubourg des saints”. s’y est fixé. du marché qui court dans les venelles avoisinantes au terminus des bus de la ligne Cheikh Muhyî ad-Dîn. 7 . Il attire des pèlerins venus du monde entier. Le rayonnement du maître se mesure dans le fait que le quartier où il est enterré porte son nom : Sidi Muhyî ad-Dîn. qui construisit au xiie siècle son ribât hors les murs. quant à lui. est Cheikh Arslân. jusqu’à l’arrivée des Ottomans. “le vivificateur de la religion”. en 1516. dans l’ancien faubourg de Salihiyye. C heikh A rslân . Mais il n’en a pas toujours été ainsi : de sa mort. L’endroit est en effet un lieu de vie permanent. Depuis ses origines en effet (xive siècle). celui que la tradition damascène désigne comme “le protecteur de Damas et sa région”. la dynastie ottomane avait pris fait et cause pour le maître andalou et sa doctrine métaphysique. Saladin. Cheikh Arslân y pratiqua les deux jihâd : le jihâd mineur. l’Amour sera ma religion et ma foi Laqad kuntu qabla al-yawn (Ibn °al-Arabî) CD1 Plage 11 . à la fois contre les Croisés et les Fatimides chiites du Caire. menuisier de son état. afin de lui demander l’autorisation d’entrer dans la ville. a droit à moins d’égards de la part de la population. et les gens qui s’estiment spoliés s’adressent à lui. s’était installé après avoir pris Damas aux Byzantins (en 635). c’est-à-dire la lutte armée contre les Croisés qui cherchaient à s’emparer de la ville. soit le combat qu’il mena contre son âme charnelle pour l’amener à s’éteindre en Dieu.à l’endroit où le chef de l’armée musulmane. est ma seule croyance Où que se dirige sa caravane. ou encore le grand sultan mamelouk Baybars. en effet. Ce souverain est le seul parmi les chefs temporels à jouir auprès des Damascènes d’une aura de sainteté. cherchaient fréquemment pour leur demeure dernière la protection de lieux chargés de sacralité : édifices religieux vénérables. désormais.. il nourrissait pour celui-ci une vénération telle qu’il se fit enterrer avec un morceau de la scie ayant appartenu au saint. mais il est aussi visité pour un but précis : roi équitable de son vivant. Nûr ad-Dîn. Saladin. Contemporain de Cheikh Arslân. et surtout le jihâd majeur.. sans doute parce que son souvenir est davantage lié à l’Egypte. se fit le héraut de l’Islam sunnite. Des cérémonies soufies se tiennent régulièrement chez lui. il veille maintenant encore à la justice. tombes de saints. Khâlid Ibn al-Walîd. Jusqu’à une époque récente. qui ceignit Damas de ses murailles encore visibles. l’étranger allait rendre visite au saint dès son arrivée à Damas. sont enterrés à proximité de la Mosquée des Omeyyades. Jusqu’à ce jour j’ignorais mon Bien-Aimé Puisque ma religion de la sienne était éloignée L’Amour. autre prince pieux et défenseur de l’Islam à être enterré à Damas. Le souverain zenkide Nûr ad-Dîn. Les hommes du pouvoir temporel. . 10 . Ces deux noms divins révèlent à eux seuls la plénitude et le souci d’équilibre qui caractérise l’Islam : il n’y a pas de religion exotérique authentique sans ésotérisme. car le sanctuaire du prophète Yahya (Jean-Baptiste) est enchâssé au cœur de l’édifice. la Mosquée doit également jouer un grand rôle eschatologique. L’endroit serait également un haut lieu de l’ésotérisme islamique : certains initiés affirment qu’il s’y tient chaque vendredi à l’aube le dîwân awliyâ’ al-Shâm. ou “conseil des saints de Syrie”. Il en redescendra à la fin des temps pour combattre l’Antéchrist. est présenté à la fois comme l’Extérieur (alZâhir) et l’Intérieur (al-Bâtin). invisibles aux yeux des profanes. et qui protègent et “gouvernent” la ville et sa région. et est intégrée dans la vie religieuse. comme ils le font d’ailleurs dans d’autres mosquées de la ville. appelé précisément “minaret de Jésus”. la tradition affirme que le Messie arrivera sur terre à Damas. Ce sanctuaire reçoit un flux continu de visiteurs et de pèlerins.L a G rande M osquée des O meyyades de D amas La Grande Mosquée des Omeyyades témoigne à elle seule de la profondeur historique et de la permanence de la sacralité de Damas : elle est bâtie sur les fondations d’un temple grec. Jésus n’est pas mort sur la croix. des ordres soufis y effectuent régulièrement des séances de dhikr. ritualiste que l’on nous montre trop souvent. elle a toujours été le foyer de la vie religieuse et spirituelle de la ville intra-muros. l’Islam n’est pas cette religion légaliste. en 715). lors des travaux qui eurent lieu sous le califat d’alWalîd (m. Pour l’Islam. dans le Coran. mais il a été élevé vivant aux cieux. en effet. Ghazâlî rapporte qu’il s’y enfermait pour y passer la journée. en jugeant selon la loi islamique. La tradition rapporte que la tête de Yahya aurait été trouvée de façon fortuite. de beauté et 11 . De toute évidence. Les ulémas et muftis de la ville ne sont-ils pas eux-mêmes souvent des maîtres soufis ? Il n’est donc pas étonnant que cette dimension spirituelle de l’Islam ait investi la Mosquée des Omeyyades. mais il n’y a pas non plus d’ésotérisme authentique en-dehors d’une forme religieuse reconnue. L’héritage prophétique dont se réclame l’Islam s’y manifeste de façon tangible. L e S oufisme dans l ’I slam Dieu. L’Islam bien vécu délivre avant tout un message de miséricorde. et on sollicite le prophète pour toutes sortes de vœux. revêt un caractère très orthodoxe. Quoi qu’il en soit. puis romain qui devint une église avant d’être transformé en lieu de culte islamique. Or. Achevée au début du viiie siècle. sur un des minarets de la Mosquée. La mystique damascène. Ancrée dans un passé immémorial. réalité divine et réalité de toute chose. assurent les maîtres. son “noyau” ésotérique qu’entourent la pulpe et l’écorce de l’exotérisme. si l’on veut. Des rites tels que la prière. Les faveurs divines elle-mêmes. telles que les miracles. avec ses dogmes. Il lui faut donc se placer sous la direction d’un guide. ou rayons. car “qui n’a pas de maître a Satan pour maître”. et de l’horizontalité bien établie de l’Islam. Pour rendre compte de la pluralité des dimensions de l’Islam. car le novice n’a pas le discernement nécessaire pour dissiper les illusions qu’entretient son ego ni pour déjouer les pièges de Satan. peuvent être données du soufisme. Le parcours de la Voie est semé d’embûches. Pour cela. sont deux aspects d’une seule et même réalité. celleci est à la fois partout et nulle part. ses rites. primordiale et universelle. etc. qui fut porté lors de son Ascension nocturne (Mi‘râj) jusqu’à la Présence divine. le soufisme représente au contraire son “cœur” vivifiant. La Voie soufie consiste en un processus initiatique devant amener l’aspirant (murîd) à gravir l’échelle de la hiérarchie universelle de l’être. conduisant au centre : c’est la Tarîqa.d’harmonie. c’est-à-dire dans l’observance extérieure de la religion. disent les maîtres. Si la Haqîqa existe immuablement per se. où “réside” la Haqîqa . Seuls certains entreprendront le voyage initiatique qui consiste à se rendre vers le centre du cercle. terme qui signifie “la Voie”. Il a pour modèle le Prophète. se révèlent pernicieuses si elles le détournent de sa progression sur la Voie. Mais mille autres définitions. Potentiellement. 12 . en tant que religion parachevée. celui-ci a en effet l’aptitude de devenir “l’Homme parfait”. Il est. ils utilisent aussi le symbole géométrique du cercle. La circonférence représente la Sharî‘a. le fruit de la rencontre entre la verticalité. ils doivent emprunter une des voies. le jeûne ou le pèlerinage sont en fait des montures spirituelles pour ceux qui en perçoivent le symbolisme et le sens ésotérique. Loin d’être un aspect excentrique ou marginal de l’Islam. chacun peut progresser sur la Tarîqa selon ses prédispositions et sa modalité propres. La force spirituelle qui se dégage des chants de Hamza Shakkûr nous invite à pénétrer dans la tradition mystique de l’Islam : le soufisme. La plupart des hommes restent toute leur vie sur la circonférence. L a V oie S oufie : T arîqa Selon l’adage soufi. il y a autant de chemins menant à Dieu que de “fils d’Adam”. de la Sagesse éternelle. il est évident que l’être contingent ne peut y accéder qu’à partir de la Sharî‘a : l’une et l’autre. la Loi révélée qu’il appartient à tout musulman de suivre. . méditation sur les “signes” (âyât) par lesquels Dieu Se fait connaître dans l’univers et en nous-mêmes (cf. qui réfléchissent sur terre la lumière du soleil qu’est le Prophète. l’aspirant recourt à des méthodes qui doivent le conduire à la réalisation spirituelle. terme-clé du lexique coranique qui signifie à la fois se remémorer et invoquer Dieu. les soufis s’attachent au dhikr. il se perçoit encore comme adorant Dieu. qui correspondent à autant de vertus spirituelles. Hormis le fikr. Lui-même.L e C heikh . Coran XLI. Entretenant généralement un lien subtil avec lui. Le dhikr a une dimension cosmologique très profonde car il incite à se souvenir du Pacte (mîthâq) scellé entre Dieu et les hommes dans la pré-éternité. qui surviennent chez le mystique sans qu’il les ait suscités. des “états spirituels” (ahwâl) fluctuants et éphémères. 53). remémoration du divin Parallèlement à son rattachement à un maître et. D’où l’importance. de la chaîne initiatique (silsila) par laquelle les cheikhs transmettent de génération en génération cette baraka jusqu’à nos jours. au-delà. Mais là réside la difficulté : tant que l’homme n’a pas atteint un certain niveau de contemplation. et qui restent acquises pour celui qui les a atteintes. Tous les maîtres insistent sur la sincérité et la pureté d’intention requises de l’aspirant. qui provient de Dieu. 172) : par cette réminiscence que constitue le dhikr. il va sans dire. sont perçues comme autant d’expressions particulières de la Voie muhammadienne (al-tarîq al-muhammadiyya). ils puisent à son influx spirituel (baraka). C’est pourquoi les différentes voies initiatiques. ou ordres soufis (turuq). dans les ordres soufis. L’un d’entre eux les compara à autant de lunes. en effet. la moindre considération pour les œuvres pieuses qu’il accomplit. à la source muhammadienne. 14 . C’est lui le Maître des maîtres. fruit de la discipline initiatique (mujâhada). Du début jusqu’au terme de sa quête spirituelle. etc. L e D hikr . ne sont jamais que ses représentants. le soufi a pour modèle le Prophète. avant l’incarnation sur terre : “Ne suis-Je point votre Seigneur ? Ils dirent : oui. le mystique cherche à revivre l’expérience du “jour du Pacte”. nous en témoignons” (Coran VII. Les auteurs du soufisme distinguent ces stations. et les multiples maîtres du tasawwuf. comme étant sincère. les a parcourues. guide spirituel La fonction du cheikh est d’aider le disciple à traverser les différentes “stations” initiatiques (maqâmât). lequel devra traquer dans les recoins de son âme la moindre trace de complaisance pour lui-même. Nawhu al-hamam (Ibn al-Bura i) CD1 Plage 11 qui a précédé la création et donc la séparation des êtres de Dieu. Pitié. Car dans la désobéissance. le novice éprouve le besoin de se retirer du monde . ou par la répétition d’une formule précise. jouent le même rôle : rappeler avec nostalgie l’état d’union primordial. ou encore la flûte de roseau (ney) de Rûmî. sur mon sort le censeur a pleuré. Accorde-lui aujourd’hui la faveur de Ton pardon. lorsque l’homme s’est suffisamment empli de Dieu. la conscience est encore maintenue et ce n’est que dans le “dhikr de l’intime (sirr)” qu’elle disparaît : la dualité entre le sujet qui invoque et l’objet de l’invocation est alors abolie. La colombe se plaint à cause de la douleur de l’éloignement Quant à moi. auprès de Toi. même au milieu de la foule (jalwa).La plainte de la colombe sur la branche m’a attristé Voyant l’ardeur de mon amour. la plus connue en Occident étant la danse circulaire des derviches tourneurs. c’est par crainte de Dieu le Clément. Il n’y a point lieu de me blâmer si je pleure. Leurs techniques se singularisent par exemple par l’invocation d’un nom divin particulier. il peut Le mentionner en toute circonstance. fruit de la volonté. Par la suite. Ton serviteur craint les tourments de Ta punition Et pour échapper aux brasiers de l’enfer. Les soufis utilisent des modalités différentes dans leur pratique du dhikr. doit faire place le “dhikr du cœur”. Certaines voies initiatiques pratiquent le dhikr à 15 . il se réfugie. Les séances d’audition collective de chant et de musique (samâ’). la pratique de la retraite (khalwa) répond à cette nécessité. Pour invoquer Dieu. je me suis longtemps égaré. Seigneur. gardée parfois secrète. le fondateur des derviches tourneurs. qui symbolise la rotation des planètes autour du soleil. pour celui que Ton mal afflige et qui Te supplie. mais d’autres subdivisions existent : au “dhikr de la langue”. Les auteurs distinguent souvent trois étapes dans l’intériorisation du dhikr. A ce stade. ont dû jouer un rôle de guide de plus en plus apparent dans la société. Bistâmî (m. qui est le véritable maître de la cérémonie : par cet intermédiaire. C’est lorsque la lumière de la prophétie s’est éloignée que les saints musulmans. ce qui choque les docteurs de la Loi et entraîne le procès de plusieurs soufis : Hallâj est supplicié en 922 à Bagdad. affirmait-il. en 911) en incarne le versant “lucide”.haute voix tandis que d’autres le font intérieurement. Au cours de cette phase d’exploration. le soufi est introduit dans la Présence divine. Peut-être le soufisme. Les soufis suivent d’ailleurs l’exemple du Prophète en évitant la vie d’ermite. certains mystiques contrôlent mal leurs débordements d’extase. à ses débuts. Les expériences pionnières ont lieu durant les trois premiers siècles. les orientalistes s’accordent désormais à donner au soufisme une origine coranique et muhammadienne. Leurs membres se réunissent régulièrement pour participer à un dhikr collectif. “le soufisme était une réalité sans nom alors qu’il est maintenant un nom sans réalité”. ou en Asie centrale celles du bouddhisme et de l’hindouisme. L es O rigines du S oufisme Les termes sûfî et tasawwuf ne figurent ni dans le Coran ni dans la Tradition du Prophète. La raison nous en est donnée par un maître du xie siècle : du vivant du Prophète et de ses Compagnons. Par exemple. qui sont leurs “enfants spirituels”). Ces séances sont souvent nommées hadra car le participant doit sentir la présence (hadra) subtile du Prophète. Quoi qu’il en soit. héritiers des prophètes. en se mariant et en ayant des enfants (sans compter leurs disciples. Par la suite. les soufis savent tirer 16 . etc. tandis que Junayd (m. a-t-il reçu au Proche-Orient l’influence des “pères du désert” chrétiens. en 877) représente le caractère “ivre” du soufisme. en 1111). la relation initiatique entre maître et disciple se systématise et se structure progressivement à partir du xiie siècle. L’aspirant se rattache à un ordre en prenant le pacte avec le maître de cet ordre . mais les démarches demeurent généralement individuelles et il est rare qu’un aspirant reste toujours auprès du même cheikh. après avoir quitté toutes ses fonctions. et se montrent plus prudents dans leur expression mystique. etc. les disciples se fixent maintenant autour de grands maîtres qui proposent un enseignement particulier et font école. la culture islamique est donc fortement imprégnée par le soufisme. La relation de maître à disciple revêt une grande importance dès les débuts du soufisme. ordres initiatiques soufis C’est à cette époque que se constituent les ordres soufis. il traverse une profonde crise intérieure . L es C onfréries M ystiques . Pour de multiples raisons. en Egypte l’Ahmadiya (d’Ahmad al-Badawî) et la Shâdhiliya (d’Abû l-Hasan al-Shâdhilî). Le soufisme. Apparaissent notamment en Irak la Qâdiriya (de ‘Abd al-Qâdir al-Jîlânî) et la Rifâ‘iya (d’Ahmad al-Rifâ‘î). il voyage durant plusieurs années et trouve dans le soufisme la délivrance. 17 . À partir du xiie siècle. qui attire alors un nombre sans cesse croissant de personnes.leçon de ce procès. des savants musulmans qui font autorité s’affilient au soufisme. revêt un aspect communautaire de plus en plus prononcé . c’est le cas du grand Ghazâlî (m. dont le parcours personnel aura valeur d’exemple : savant renommé de Bagdad. ou confréries (tarîqa. et en montrent la parfaite orthodoxie . en Asie centrale la Naqshbandiya (de Bahâ’ al-Dîn Naqshband). il a alors des oraisons à réciter quotidiennement. en Turquie la Mawlawiya (les “derviches tourneurs” de Mawlana Jalâl al-Dîn Rûmî). Dans son sillage s’inscriront de nombreux “savants soufis” cherchant à réaliser l’osmose entre la Loi et la Voie. qu’il faudrait traduire par “voie initiatique”). Désormais. La tradition damascène du chant religieux La plupart des chants enregistrés ici font partie du patrimoine spirituel syrien. Cette doctrine spirituelle très raffinée est également distillée dans la poésie mystique. aux xiiie et xive siècles. Il participe aux séances collectives de dhikr. Ibn al-Fârid. Ainsi l’explicitation des doctrines de la “Réalité muhammadienne” et de “l’Homme parfait”. L e M awlid . puisque ce maître a influencé tous les courants soufis après lui. est un éminent représentant. coïncide-t-elle dans le temps avec l’émergence de formes dévotionnelles centrées sur le Prophète. telles que la célébration de l’anniversaire de sa naissance (Mawlid). en 1235). en 1240) en constitue le meilleur représentant. qui ont lieu dans des mosquées ou dans des bâtiments appartenant à la confrérie (appelés généralement zâwiyas). dont les formulations ésotériques sont souvent rejetées par les “juristes” de l’Islam. voire damascène. C’est autour de la personne du Prophète que se fait cette double évolution. car elles participent l’une et l’autre d’un même mouvement d’extériorisation. Au cours des premiers siècles. ils revendiquent désormais leur héritage muhammadien en déployant une prophétologie à caractère ésotérique : si le simple croyant ne voit en Muhammad que la figure de l’intercesseur. son rayonnement s’exerce même dans les milieux non-musulmans d’Occident. 18 .souvent adaptées à sa propre évolution. célébration de la naissance du prophète L’apparition des confréries et la formulation ésotérique du soufisme ne sauraient être dissociées. puisées dans la tradition “classique”. S’en démarquent quelques poésies mystiques (qasîda) d’Ibn ‘Arabî et d’Ibn al-Fârid (CD1 plage 5). dont l’Egyptien Ibn al-Fârid (m. Le “Grand Maître” (al-Shaykh al-Akbar) Ibn ‘Arabî (m. De nos jours. contemporain d’Ibn ‘Arabî. avec l’élaboration des doctrines sur la sainteté. elles sont connues dans tout le monde musulman. les soufis ont été absorbés par l’expérience de l’Unicité divine . le gnostique s’attache à sa fonction cosmique d’ “isthme” (barzakh) ou intermédiaire entre Dieu et les hommes. Parallèlement à cet essor des ordres soufis se développe un soufisme fortement métaphysique. Exaltant l’ivresse de l’Amour divin. Eric Geoffroy. La célébration de l’anniversaire de la naissance du Prophète (al-mawlid al-nabawî) est une des principales manifestations de la dévotion portée à Muhammad. L’importance donnée à ce dernier registre caractérise la religiosité damascène. Maître de conférences à l’Université de Strasbourg 19 . Chaque année. et donc de la Sunna. A la fin du xve siècle. ce qui n’est pas le cas dans les autres métropoles du monde musulman. évoquée plus haut. des soufis y instituèrent le majlis salât ‘alâ an-Nabî. les festivités durent jusqu’à deux mois. et donnent l’occasion aux nombreux groupes de chant religieux de se produire dans tous les quartiers. Les chants d’éloge que nous offre Hamza Shakkûr vivifient donc la tradition damascène la plus authentique. représentée notamment par Nawawî. on y célèbre officiellement l’Ascension du Prophète vers la Présence divine : le Mi‘râj. Le poème le plus célèbre de ce répertoire est la Burda. chaque appel à la prière (adhân) entonné par les muezzins est suivi d’une formule de “prière sur le Prophète”. le 27 du mois de Ramadan. Ces éléments doctrinaux sont distillés à doses variables dans le genre littéraire que constitue désormais “la louange du Prophète” (al-madh al-nabawî). Autre exemple de cette vénération : les litanies d’éloge au Prophète (salawât) chantées à la Mosquée avant et après la prière du vendredi (CD1 plage 2). Damas est alors un bastion pour la défense du sunnisme. Apparue au Proche-Orient au xiie siècle. a certes passé sa vie en Egypte. mais il est natif de Syrie. La Mosquée des Omeyyades fut bien sûr un théâtre privilégié pour toutes ces formes de dévotion. Celui-ci a eu beaucoup de disciples syriens. Ibn Kathîr et Dhahabî. De nos jours encore. par ailleurs. soufi égyptien d’origine maghrébine.au demeurant. A Damas. Les chants se partagent en louanges divines et “implorations” (ibtihâlât) d’une part. rédigé par al-Bûsîrî (m. en 1296). par exemple. qui irrigue la création entière et par laquelle les mystiques musulmans expliquent la production du monde. et en louanges du Prophète (madh) d’autre part. Depuis au moins le xiiie siècle. mais la vénération que vouent les Damascènes au “premier et dernier des prophètes” était sans doute ancrée bien avant. ou “modèle prophétique”. Parallèlement se développe une perception métaphysique du Prophète : derrière la personne charnelle que fut Muhammad réside sa “Réalité” précréaturelle. al-Haqîqa al-muhammadiyya. qui se prolonge aujourd’hui sous certaines formes. elle a pris une grande ampleur à Damas. la “référence au Prophète” y est devenue centrale. nuit de prières dévolues au Prophète. Ce siècle et celui qui le suit voient ainsi éclore une école proprement damascène d’étude de la Tradition prophétique (Hadîth). Vie et enseignement d’un soufi au temps des croisades. 1998.Ibn ‘Atâ’ Allâh. Geoffroy). La sagesse des maîtres soufis (traduit et commenté par E. revue Autrement hors-série sur Damas. Eric. 1997. Dervy. Paris. 1993.B ibliographie : Sur Damas : . Djihâd et Contemplation .Geoffroy. Grasset.Geoffroy. . éd. n°65. Sur le soufisme : . “L’empreinte de la sainteté”. Paris.166-174. Eric. p. . éd. repris par les Mawlawyya dans leur takiyya (centre de confrérie). Les suites sacrées y sont appelées nawba-s. derviches tourneurs en Occident) a été fondée par le grand poète persan Jalâl al-Dîn al-Rûmi (1207-1273). et suivi de prières pour le Prophète. les poèmes sont du genre qasîda. ou muwashshah. Modes et rythmes sont communs : ils restent constamment ouverts aux échanges avec les musiques modales de la région. Bien que ce rituel soit surtout diffusé grâce à des interprètes turcs. La thématique est traditionnelle. l’art musical de Damas se caractérise par des suites (Wasla).L Les Derviches Tourneurs de Damas a confrérie mystique sunnite des soufis Mawlawiyya (Mevlevi-s en turc. installé à Konya (Anatolie). multirime et multimètre. généralement jouées dans les cours. des traditions locales existent en Syrie. des rituels d’invocation de Dieu (dhikr-s) et des extraits de la Nativité du Prophète (mawlid). extraites des différentes versions du mawlid. B ernard M oussali 21 . possèdent un répertoire vocal particulier. terme réservé aux profanes par les anciens Andalous et les Maghrébins. utilisant des formes rhétoriques et une imagerie ancienne. ancienne capitale des Omeyyades et étape du pèlerinage vers la Mecque. Leur expressivité (hiss) est fondamentalement sereine. Elles comprennent aussi des bénédictions (ta’îra) en prose rimée et rythmée (saj’). Certaines phases du rituel comportent la profération litanique de l’unité de Dieu (kalimat al-tawhîd) ou du nom divin (lafz aljalâla) choisi parmi Ses 99 qualificatifs (asmâ Allâh al-husnâ) dont fait partie le pronom apocopé Hû (Lui). comme celle des Omeyyades. monorime et monomètre. La différenciation entre le profane et le sacré reste largement inopérante. Généralement accompagnés d’un chœur masculin (bitâna). en Egypte. en Irak depuis le xvie siècle : elles ont survécu à l’abolition de la confrérie turque et au suicide du grand maître Abd al-Hâlim Thsélébi Bashi. Généralement anonymes ou d’attribution incertaine. souvent d’origine populaire. des modes (maqâm) et des rythmes originaux. toujours subtilement inventive et réglée rythmiquement de manière rigoureuse pour mener progressivement une assemblée vers la transe (inkhitâf) ou la méditation (ta’ammul) selon le choix des confréries. les récitants desservent le “samâ” (concert sacré) en y intégrant des extraits du répertoire de la Grande Mosquée. Certaines grandes mosquées. Un des principaux centres de l’Islam. Le rituel ne peut être interprété dans les mosquées où l’instrumentarium est interdit ou uniquement constitué de percussions. 22 . Or. le Qânûn peut avoir lui aussi un rôle normatif contestable au sein de l’ensemble car il induit un tempérament réducteur du fait de l’empirisme défectueux des luthiers. Cette problématique du tempérament égal est stigmatisée non seulement par les ethno-musicologues dont Alain Daniélou fut le précurseur non exempt d’interrogations mystiques. ceux-ci ont un vaste répertoire en partie a cappella dans lequel fort heureusement n’a pas été introduit le synthétiseur qui normalise les gammes arabes en 24 quarts de tons tempérés et altère la perception fidèle de l’intonation traditionnelle. j’ai supprimé tout instrument européen y compris les cordes (violon. D’autre part. je n’ai eu de cesse d’en explorer l’immense richesse et la grande variété. et en quelque sorte mon inspirateur. En effet. Ayant depuis longtemps déploré l’inflation dérisoire du grand orchestre moderne au détriment du takht (ensemble traditionnel). mais aussi par les créateurs californiens du “Movement of Just Intonation” qui ont cherché à recréer un langage musical physiologiquement légitimé par les ratios puisés au long du spectre des harmoniques. Les théories foisonnantes des intervalles des musiques d’Orient de l’Antiquité à nos jours s’avé23 . réduisant les instruments purement arabes à un rôle de figuration. mes recherches dans le domaine acoustique et physico-mathématique de l’intonation m’ont naturellement rapproché des chanteurs d’obédience religieuse. solistes virtuoses et maîtres de la tradition reconnus comme tels dans leur pays. J’ai fondé l’ensemble Al-Kindî en 1983 avec cette perspective et quelques principes et idées-forces qui ont guidé mes pas jusque dans la réalisation du “Salon de Musique d’Alep» et de ce nouveau CD consacré au répertoire religieux syrien. outre la fascination qu’exerce sur moi l’univers spirituel des soufis. ont véritablement phagocyté l’espace sonore. par le biais du maître irakien du luth Munir Bashir. violoncelle. contrebasse) qui.Al-Kindî et le Concert Sacré D epuis ma découverte émerveillée et quasi fortuite de la musique arabe en 1976. Pour ces enregistrements. si elles s’adaptent fort bien à l’intonation des musiques extra-européennes. j’ai réuni autour de moi des instrumentistes et chanteurs d’exception. Pour la même raison. outre les indispensables taqasim qui donnent libre cours à la créativité de l’instrumentiste. et on joue quasi exclusivement quelques Sama’î standardisés excessivement rabâchés et tronqués dans leur développement. j’ai sélectionné les chants les plus riches sur le plan rythmico-mélodique qui mettent en valeur le phrasé et le timbre somptueux du Sheikh Hamza Shakkûr ainsi que son talent d’improvisateur (Anashîd et Ibtihalat). elle est devenue un élément emblématique de l’identité nationale syrienne. dans le répertoire instrumental. égyptien. Depuis 1991. Ces belles pièces rarement interprétées et présentées ici dans leur intégralité restent fidèles à l’esthétique moyen-orientale alors que l’interprétation arabe de pièces turques est toujours sujette à polémiques. nous avons exploré les richesses du patrimoine religieux syrien vocal et instrumental et contribué. sous l’argument fallacieux qu’ils seraient ennuyeux. je l’espère. si elle a perdu un peu de son ésotérisme en rejetant les apports turcs et persans originels. Une autre modeste innovation consiste à avoir choisi comme ostinato de la plage 11 du CD 1 un rythme à 13/4 dont la complexité accroît à mon sens la profondeur métaphysique des improvisations.rant peu fonctionnelles. les Bashrâf ne sont plus jamais joués. Pour ce disque. syrien. Chorégraphiée pour l’usage des fêtes religieuses officielles et diffusée à la télévision par exemple lors du 27e jour du Ramadan. s’est enrichie de l’apport syncrétique des rites des nombreuses confréries mystiques toujours vivantes à Damas. La liturgie des derviches tourneurs. à le faire mieux connaître en occident. Cette basse continue engendre un effet contrapuntique des plus orthodoxes mais que l’asymétrie du rythme Mur°abba enrichit en regard des rythmes binaires généralement utilisés. Nous sommes redevables au Sheikh Nâbulsî d’avoir introduit au xviie siècle l’instrumentation dans les confréries mystiques en Syrie et d’en avoir légitimé la pratique sur le plan théologique. j’ai choisi quatre préludes instrumentaux d’auteurs purement arabes. grâce à l’amitié de l’hymnode Hamza Shakkûr. j’ai dû réaliser de nouveaux instruments. en soumettant ces systèmes scolastiques à une étude comparative et critique à la lumière des pratiques vivantes dans le monde arabe. tunisien et irakien. Lors du choix crucial du répertoire. héritier en quelque sorte du Sheikh Nâbulsî. Julien Jâlal Eddine Weiss 24 . alors que bien trop souvent les chanteurs modernes alternent de façon peu cohérente les mâqâmat de peur de lasser l’auditoire. J’ai tenu absolument à préserver l’unité modale de chaque suite à la manière des anciens. 25 . L’Islam qu’il représente. est celui du mysticisme et du bonheur dans la foi. après avoir suivi depuis 1977.Le chant S heikh H amza S hakkûr Né en 1947 à Damas. La musique L’E nsemble A l -K indi Julien Jalâl Eddine WEISS. tunisiens. né à Paris en 1953. Disciple de Saïd Farhat et de Tawfiq al-Munajjid. l’oraison s’y mêle à la danse et la prière à l’art. Français. syriens et irakiens. Devenu un virtuose de la cithare sur table (qânûn). le Sheikh Hamza Shakkûr est muqri (lecteur du Coran) et munshid (hymnode). libanais. une corpulence imposante et un charisme certain. Son dynamisme à l’affût de voix arabes inconnues de l’Occident qu’il 26 . turcs. il se convertit à l’Islam en 1986. éloigné de tout intégrisme. il assure la continuité du répertoire de la confrérie des Mawlawiyya. où il est éminemment populaire. d’origine alsacienne et suisse. il mène une carrière à la fois de soliste et d’accompagnateur au sein de l’ensemble Al-Kindî qu’il a fondé en 1983. Considéré comme l’un des plus grands interprètes actuels de chants musulmans. l’enseignement de maîtres égyptiens. il préserve sans concessions un art sobre et intériorisé qui exclut toute afféterie et développe ses improvisations dans le contexte d’un art modal ancien . Chef de la chorale des Munshiddin de la Grande Mosquée des Omeyyades de Damas. il dessert les cérémonies religieuses officielles en Syrie. Sheikh Hamza possède une voix de basse au timbre ample et chaud. en Syrie. Il est intégré depuis quelques années à l’ensemble Al-Kindî et participe à ses tournées en Occident. Sa parfaite maîtrise des cycles rythmiques les plus complexes en font un interprète respecté du riqq (tambourin à cymbalettes). issu de l’école turque. Il ne cesse de parcourir l’Europe. les alépins Sabri Moudallal. ce virtuose du luth arabe (oud). ou qu’il enregistre. et posséde une connaissance encyclopédique du répertoire traditionnel. résidant en France. Adel SHAMS EL DIN. le damascène Sheikh Hamza Shakkûr. Né en 1946 à Alep. avec ces illustres voix d’Orient : l’irakien Hussein al-Aczamî. et le tunisien Lotfi Boushnak. Muhammad Qadri DALAL. Ce lien s’est davantage solidifié depuis qu’il s’est établi à Alep dans un palais mamelouk du xive siécle où il organise régulièrement un salon de musique traditionnel. Flûtiste damascain. à la recherche d’une sonorité veloutée et ronde. Il est le dépositaire du style du luth alépin. il est considéré comme le meilleur interprète de la flûte de roseau nay. dont il est devenu l’incontournable accompagnateur. 27 .accompagne. élève de Abdelsalam Safar. ce percussionniste égyptien est un des piliers de l’ensemble Al-Kindî depuis sa fondation. Né en 1950 au Caire. Ziyâd QÂDÎ AMIN. est devenu une notoriété musicale dans son pays. l’a conduit à devenir le trait d’union idéal sur le plan du concert entre deux mondes. Omar Sarmini et Adib Daiykh. The world around us is constantly emitting the sweetest melodies. ar-Rahîm In the name of God the Forgiving. This is why the Imam al-Ghazali said: «he who has not been moved by the spring flowers or the strings of a lute has a corrupt soul for which there is no known cure». Translated from the Arabic by Saadane Benbabaali Professor at Paris III 28 . and his own inner world with its feelings. God has placed all sorts of tremendous energies and subtle sensations. All sounds coming from the universe have provoked visible reactions in man and on his feelings and even his movements. Thus the whole universe has been enclosed by its Creator within splendid walls made of the sweetest possible songs and a music coming from the heartstrings . These messages of happiness.it has sprung up within him from the bountiful words and heavenly music that stem directly from God. God the Merciful by Dr Ahmad Badreddine Hassoun Grand Mufti of Aleppo G od gave Man his senses for them to be a link between the universe and all the causality or chance incidents it holds. making them the echo of inner and outer causes. I have never come across a man sincerely in love whose soul is bathed in God’s eternal love and whose heart has been cleansed by His light. singing birds are all emitting the most wonderful divine tunes and singing the most exquisite of songs. are addressed to the pure in heart and heavenly of soul. Trees and their branches as they sway in the breeze. In the wonderful creation the human body represents. nodding flowers. sensations and qualities.Bismillâh ar-Rahmân. without this love having a single source .of a heart open to the hymn of faith and eternal happiness promised to him through God’s boundless love. the expression of the Creation’s adoration of the Divine. of Whom music is the allegory or metaphor: “Indeed. The first sama’ was attributed to the angels who used it to capture Adam’s soul in its state of bliss and confine it within his body. indeed. Some basic myths behind the practice were invoked. rapture. as a means of access to the state of grace or ecstasy. without the music or poetry being necessarily religious in content. all ritualised to a greater or lesser degree. Even now mevlevi hymns still return an ecstatic reply to the sweet voice of the Creator. They had also to reply to the doctors who tried to proscribe this practice. Moreover this ‘listening’ can refer to any sound. (meaning literally ‘listening’). listening and understanding I n the early 9th century. that is an understanding and acceptance of the call from God. chanting and songs of various forms. bal” miram bal” dust). or quite simply as “soulfood”. In Sufism the sama’. which can lead as far as ecstasy. they adopted music as a support for meditation. artificially created. something that would give new vigour to a body and soul tired by the rigours of the ascetic life. such as that of the Original Covenant (Alast) when God asked of Adam’s potential offspring trapped in his loins: “Am I not your Lord?” (alastu bi rabbikum). The very meaning of the word sama’ suggests that it is the act of listening that is spiritual. my Lord. in other words. This myth has its absolute opposite when we remember that music can also enable the soul to escape the physical body and move outside the contingencies of time and space. The major preoccupation of the Muslim mystics was to give the ecstasy a real content and the music a true meaning. indeed my Beloved”É (Bal” janam. as well as the ‘subtle’ sounds of the hidden world or of the cosmos in general. whether natural. the word is synonymous with ‘understanding’. to which every man in pre-eternity replied: “Yea. or artistic. bliss. the unveiling of mysteries. Thus music is the vibrant echo of the Divine verb. we do testify”. denotes the tradition of listening in spiritual fashion to music. my Soul. and put the novices who might think of it as pure entertainment on their guard. 29 . In its predominant sense.The Sama’. when the Muslim mystics organised their Sufi brotherhoods or orders. on the other hand. “You need to listen with your heart. its legitimate status and proper use. not with the bodily self made of earth and water”. The same can be said about poetry. B ibliography : “Musique et extase. always behave in the manner dictated by the moment (waqt)”. this means the dervishes are usually required to ensure a certain set of conditions so as to reap the fullest benefit from the sama’. l’audition mystique dans les traditions soufies” / Music and ecstasy. Certain great shaykhs only made moderate use of music. but as the Sufis or ‘sons of the moment’ recommend. In concrete terms. In Semnani’s (d.N. said ‘Attar. it is one of the elements in the essential order of the world and through its intervals.of angelic or celestial harmonies and sounds (the wind of paradise or the squeaking of its door). whereas others were passionate about the sama’ together with dance.consider God to be present . unlike certain ulemahs. these recommendations would also seem to describe the optimum conditions for listening to music on a purely aesthetic level. often set to music: “One should listen to these words with one’s heart and soul. There is also a right time . 30 .practise the ‘remembrance’ or dhikr . mystic listening in the Sufi tradition. According to gnostic teaching. was put great emphasis on the way of listening. All in all. in other words.R. In the great debate waged over centuries between Sufis and more orthodox believers. rather than with your body” said Mawlana Rum” (13th c. Only a very few went so far as to advise against this practice and even the followers of the more sober trends of Sufism never actually spoke out against the practice of music in general. 1336) words. the accent was always much more on the act of listening than on the music itself. by Jean During.young people must not be allowed to take part .S.have struggled against one’s overriding self .never force oneself to act or move.a right place . one should remain utterly quiet. one must “have given up the world. it draws its nature from the music of the spheres and the world of numbers. about music. on the contrary.) speaking of the sama’.have given up all desire . or of sounds from the cosmos (the music of the spheres). from the Intelligible. But what most of them did do.see everything with a pure eye. for surely the experience of the Beautiful and the experience of the Holy are two paths that meet up on their way to perceiving the Divine? J ean D uring ethnomusicologist and research worker at the C. S yria . So the Bilad al-Sham is the land of the prophets. land of the P rophets Modern-day Syria is part of a region that was once unified on the cultural and political level. so that whenever one of them hears music now. a holy 31 . Israel and the Lebanon. the gentle sweetness of the divine words penetrated each soul for ever. and was sometimes known as “Greater Syria” or Bilad al-Sham. It also included Jordan. This was his reply: “ When God asked the souls in the spirit world. the memory of this sweetness is stirred within him. Land of the Prophets The Sufi Way T he great master Junayd was asked why the Sufis felt such powerful emotions in their spirit and the urge to move their body when listening to sacred music. Palestine. causing him to move. at the moment of the First Covenant: “Am I not your Lord?”.Syria. the spot is truly bustling with life. Even the theologian Ibn Taymiyya (d. The Prophet described it as a chosen land. incorrectly supposed to be opposed to mysticism.“He who brought religion alive”. In fact some of his descendants have been laid to rest there . His mausoleum is to be found on the slopes of Mount Qassyun in the old quarter of Salihiyye or the saints’ quarter. The Master’s influence can be gauged by the fact that the quarter where he is buried bears his name: Sidi Muhy” ad-Din . brotherhoods or orders such as the Qadiriyya have left a deep mark on the range of initiatory rites in Syria. The important 12th c. where Islam. from the market held in the nearby narrow 32 . was able to develop its spiritual dimension as well as its religious rituals. the daughter of the Imam al-Hussein. for instance. The prophet Muhammed himself is said to have praised the virtues of this region and urged his Companions to settle there. engaged in spiritual exercises or combats”. was initiated into the order of ‘Abd al-Qadir al-Jilan”. Several hundred prophets are said to have stayed or even died on Mount Qassyun which overlooks the city. and indeed. resting place of the S aints Damascus has a special place in Islamic tradition and its religious geography . just as every Friday certain shaykhs would climb barefoot up the slopes “out of respect for the wise men and saints buried there”. and Sayyida Ruqayya. During the first few hundred years of the Hegira. the daughter of the Imam ‘Ali. a refuge for holy men for ever and ever. Syria has always played an important role in Islamic culture because of its central position on Islamic territory. I bn ‘A rab ” The “Grand Master” Ibn ‘Arab” settled in Damascus after a long period of travel that had started in Andalusia.one has only to run down the list of works citing the distinctive merits (Fada’il) of the city to realise its importance. spent nearly two years there during his long spiritual quest.land going way back in time. a spiritual school linked to the zuhd (‘detachment’ or ‘abnegation’) emerged but Syrian Sufism was mainly inspired by Iraqi thought. it attracts pilgrims from all over the world. D amascus . for example. Ghazal”. Damascus is one of the most ancient Islamic cities and has always attracted men of religion to its walls. 1328). heir of the Near-Eastern monotheistic religions.Sayyida Zaynab. He tells us that while he was here he spent his time “in retreat and solitude. Saladin. these religious censors had managed to impose their point of view on the common people. NΩr ad-D•n is the only secular head of state to have been conferred with saintly status by the Damascenes. Shaykh Arslan carried on both jihads here . Ibn ‘Arab” was the object of hatred and disapproval on the part of the Damascene doctors of religion. which is also visited for another very precise reason . still visible today. S haykh A rslan .alleyways to the bus terminal for the Shaykh Muhy” ad-Din line. a mosque etc. Sufi ceremonies are held regularly in his palace. another pious prince and defender 33 .the minor jihad. in other words. with a mausoleum. the Ottoman dynasty had taken up the cause of the Moorish master and his metaphysical teachings. or the combat he led against his fleshly soul so as to bring it to extinction before God. For ever since its foundation in the 14th century. Until very recently any stranger who arrived at the city would go and visit the saint immediately on arrival and ask his permission to enter the town walls. the patron saint of D amascus But the saint who has really left his mark on this city. Unfortunately. But it was not always like this. so those who consider themselves badly done by inevitably turn to him in their time of need. on the same spot where the Muslim army chief Khal”d Ibn al-Wal”d had set up post after the capture of Damascus from the Byzantines in 635. and the major jihad. and who is designated according to Damascene tradition as “the patron saint of Damascus and the surrounding area” is Shaykh Arslan who built his ribat ouside the city walls in the 12th century. the armed struggle against the Crusaders who were trying to seize the city. who failed to understand his outspoken approach to the doctrines of Islam. and we even have several eye-witness accounts proving that the master’s tomb was used as a dump and that his enemies went so far as to urinate on it ! When the Ottoman sultan Selim seized Damascus from the Mamluks in1516. He was a contemporary of Shaykh Arslan whom he held in such veneration that when he was buried he gave orders for a piece of the saw that had belonged to the holy man to be buried with him (for Ibn ‘Arab” was a carpenter by trade). made himself the herald of Sunnite Islam. he still sees that justice is correctly meted out. for after his death until and the arrival of the Ottomans in 1240. one of his first tasks was to order the construction of a whole complex of buildings on the site of Ibn ‘Arab”’s tomb. The Zenkid sovereign NΩr ad-D”n who had the city walls built.a lover of justice and the fairest of kings in his lifetime. aimed against both the Crusaders and the Shiite Fatimids of Cairo. as indeed they do in other mosques in the city. Ghazal” recounts how he used to shut himself in there for whole days at a time. which was then covered by a church. For Islamists. So it is hardly surprising that this particular spiritual aspect of Islam has taken the Ummayad Mosque as its centre. a council of Syrian saints takes place (d”wan awliya al-Sham). no doubt because his name is linked with Egypt rather than Syria. resistant to all attempts to undermine its essentially sacred nature. in fact the ulemahs and muftis of the town are often Sufi masters as well.. known appropriately as “Jesus’ minaret”. in the form of the sanctuary of the prophet Yahya (John the Baptist) embedded in the very centre of the building. Anchored in an ageless past. The Mosque is built on the foundations of a Greek temple. basing his judgements on Islamic law. Men of worldly power often sought places of high spiritual charge as their final resting place.. it is they in fact who protect and govern the city and the surrounding area. some initiates even going so far as to say that every Friday at dawn. For mysticism in Damascus is very orthodox by nature and totally integrated into the religious life of the city. the Mosque also has an important eschatological role to play. he was carried up to heaven alive. Ever since its completion in the early 8th century it has been the heart of the city’s religious and spiritual life intra muros. Nur ad-D”n. Tangible evidence of the prophets that Islam claims for itself is to be found here too. on one of the minarets of the Mosque. on the site of the tombs of holy men. but he is not held in the same esteem by the city’s population. Saladin and even the great Mamaluk Sultan Baybars are all buried near the Ummayad Mosque. 715) was Caliph. though they remain invisible to the uninitiated. Whatever the truth of this story. before being turned into a place of Islamic worship. is also buried in Damascus. T he G reat U mmayad M osque of D amascus The Great Ummayad Mosque is sufficient proof of the historical grounds for Damascus’ consecration as a holy place. 34 . thus we find their tombs in venerated religious buildings. Sufi orders do hold regular dhikr sessions here. The sanctuary has a constant flow of visitors and pilgrims and all sorts of vows and requests are made to the prophet. This is also claimed to be one of the high spots of Islamic esotericism. Tradition has it that Yahya’s head was found fortuitously during building work undertaken when al-Wal”d (d. He will come down again at the end of time to combat the Antichrist. Jesus did not die on the cross. Tradition has it that the Messiah will arrive on earth in Damascus. covered by a Roman one.of the Islamic faith. . These two names alone reveal the fullness and desire for balance that is so typical of Islam. but there can be no authentic exotericism outside a recognised religious form either. i. Islam is obviously not the law-bound. bringing life and vigour to it. To attain his goal the initiate must take one of several paths or ways leading to the centre. beauty and harmony. it is a religion that preaches a message of clemency and mercy. surrounded by the flesh and skin of the exoteric side. rites etc. on the contrary it represents the very heart-beat of the religion.Sufism in Islam In the Koran God is presented as being Without (al-Zahir) and Within (al-Batin). ritualistic religion that we are so often given to believe. Most people spend their whole life on the circumference. so to speak. They use the geometric symbol of the circle to give an idea of the multiple dimensions of Islam: the circumference represents the Shar”’a. If properly lived out. etc. known as the Tar”qa (‘The Path’).e. they observe religion from the outside. this is both everywhere and nowhere at one and the same time. the dwelling place of the Haq”qa: divine reality and the reality of every single thing. or Revealed Law which every true Muslim should obey. We could say that it is the fruit of the meeting between the fundamental and universal verticality of eternal Wisdom and the well-established horizontality of Islam as a complete religion with its established dogmas. Sufism is far from being an eccentric or alternative aspect of Islam. But the masters claim that there are at least a thousand other definitions of Sufism as well. 36 . its esoteric core. Any authentic exoteric religion has its element of esotericism as well. Only a few will undertake the journey of initiation that will take them nearer to the centre of the circle. The spiritual power emanating from Hamza Shakkur’s songs draws us into the mystical tradition of Islam embodied in Sufism. for the novice is not always discerning enough to dissipate the illusions maintained by his ego. for “he who has no master has Satan as his master”. Whilst the Haq”qa is eternalper se. The journey along the Way is strewn with pitfalls. corresponding to the same number of spiritual virtues. so he must take himself a guide who will lead him forward. any human being who depends on it can only have access to it via the Shar”’a. every man can progress along the Tar”qa according to his nature and his own chosen way. a spiritual guide The shaykh’s function is to help the disciple go through the different stations (maqamat) of the initiation process. He himself has of course already gone through these rituals. fasting or a pilgrimage are spiritual settings for those who can grasp the symbolism and the esoteric sense they contain. his example being the Prophet who was carried into the Divine Presence when he made his night-time Ascension (Mi’raj). The Sufi Way consists of an initiation process intended to help the aspiring adept (mur”d) to climb the ladder of the universal hierarchy of beings.T he S ufi W ay : T ar ” qa The Sufi adage claims that there are as many paths leading to God as there are sons of Adam. According to the masters. Thus any such person has in fact the potential to become a “perfect Man”. Sufi authors distinguish between 37 . T he S haykh . Even divine favours such as miracles can turn out to be pernicious if they hinder his progress along the Way. nor is he sufficiently clear-sighted or perspicacious to thwart Satan’s traps. Rituals such as prayer. the Haq”qa and the Shar”’a are two aspects of one and the same reality. 38 . we do testify” (Koran VII. the Sufis set great store by the dhikr. in fact the numerous masters of the tasawwuf are only his representatives. And this is precisely where the difficulty lies . the dhikr . considered to be the Sun. a man of sincerity etc. and which. remain acquired for the person who has reached them. drawing upon his spiritual influx or energy (baraka) which comes directly from God. who must search into the innermost recesses of his soul to seek out the slightest trace of complacency on his part. All the masters are united in the emphasis they place on the sincerity and purity of intention required of every aspirant. “Am I not your Lord ?” And they said. One such master has compared these religious teachers to so many moons reflecting the light of the Prophet. Hence the importance in Sufi orders of the initiatory chain (silsila) though which the shaykhs have transmitted the baraka from one generation to another. the aspiring Sufi has recourse to other methods besides his attachment to a master that will lead him to spiritual fulfilment.the stations which are the result of initiatory discipline (mujahada). recollection of the D ivine Over and above the inspiration he draws from Muhammed. denoting both remembering God or calling Him to mind. Apart from the fikr. This is why the different initiatory paths or Sufi orders (turuq) are all considered to be special expressions of the Way of Muhammed (al-tar”q al-muhammadiyya). etc. T he D hikr . a meditation on the outward signs (ayat) through which God reveals Himself both in the universe and within ourselves (cf. 172). the mystic seeks to relive the experience of the day of the Covenant which preceded Creation and therefore came before all living creatures were 39 . on earth. a keyword in the Koranic lexicon. from its earliest beginnings to its conclusion. once attained. the Koran XLI. or the least bit of recognition for any pious works he may achieve. All the way through his spiritual quest. and invoking Him. The dhikr has a profound cosmological dimension because it helps the disciple to remember the Covenant (m”thaq) sealed between God and man in pre-eternity before man’s arrival on earth.for the level of meditation attained by man is so low that he never ceases to see himself as someone who adores God. right up the present day. and other changing and ephemeral spiritual states (ahwal) which happen to the mystic independent of his own will. With this recollection. the Sufi’s example is the Prophet. He is the Master of all masters. “Yea. They usually maintain a relationship on the subtle or impalpable level with him. 53). whereas others do it in silence. the result of one’s own will. though there are also further subdivisions. consciousness is still maintained and it is only when the faithful arrives at the “dhikr of intimacy” (sirr) that normal consciousness disappears. Perhaps Sufism was influenced in its early days by the Christian “desert fathers” in the Near-East. Sufi writers often describe three different phases of the interiorisation of the dhikr. Whatever the truth in this. When the light of the prophecy dwindled. he is the intermediary who will lead the initiate into the Divine Presence. whereas now it is a name that has no reality”. At this stage. Certain initiatory Ways practise the dhikr aloud. such as the invocation of one particular name of the Divine. whose origins are to 40 . who is the real master of ceremonies here. or their Buddhist and Hindu equivalents in Central Asia. he can mention His name in any conditions or circumstances. The members of the different orders gather regularly to take part in a group dhikr. hence the practice of retreat (khalwa). or the repetition of a specific formula. symbolising the planets rotating round the sun. often kept secret. The novice will feel the need to withdraw from the world in order to invoke God. An 11th century master explained this as follows: whilst the Prophet and his Companions were alive “Sufism was a reality that had no name. heirs of the Prophets. thereby wiping out the duality between the subject who is invoking and the object of his invocation. modern-day orientalists all concur on the doctrinal basis of Sufism. had to take up a social role as spiritual guides.they are used to evoke with nostalgia the soul’s original state of union with God.separated from God. even in the midst of a crowd (jalwa). with the inner voice. often referred to as a hadra because those taking part are purported to feel the impalpable presence (hadra) of the Prophet. T he origins of S ufism The terms sufi and tasawwuf do not appear either in the Koran or in the Tradition of the Prophet. where they listen to music and chanting (sama’) or Rum”’s reed flute (Rumi being the founder of the whirling dervishes) have the same function . when he feels himself sufficiently suffused with the Divine. the best known in the West being the circular dance of the whirling dervishes. The group sessions held by the Sufis. Their techniques have special distinguishing features. should give way to the “dhikr of the heart”. The “dhikr of the tongue or language”. Subsequently. Sufis use all sorts of different methods to practice the dhikr. it became more and more obvious that the holy men of Islam. Allah. Sufis follow the Prophet’s example and avoid living like hermits. certain mystics did not have complete control over the excesses brought about by their state of ecstasy. He was a well-known wise man from Baghdad. who represents the ‘wild’ side of Sufism. During this exploratory phase. one of them being Ghazal” (d. 911) was the living embodiment of its ‘clear-sighted’ aspect. was tortured in Baghdad in 922. Later Sufis learned their lesson from this and were more cautious about the way they expressed their mysticism. for instance. Si tu es à tout moment à mes cotés. Allah. Puisse ta générosité toujours durer Dieu. who went through a severe personal and spiritual crisis. Ataynâka bi-l-fakr CD1 Plage 6-2è chant . and this shocked the Doctors of Law and even ended with several Sufis being brought to trial. A toute provision je peux renoncer. Hallaj. on the contrary. they marry and have children (not to mention their disciples or spiritual children). prière sur l’Elu. As further proof of this. Take Bistam” (d. lâ ilâha illâ-llâ. Allah. Then certain Muslim wise men of authority associated themselves with the movement and demonstrated its perfect orthodoxy. The founding experiences happened during the first three hundred years of Sufism’s existence.be found in the Koran and the Muhammedan Tradition. et qu’elle soit pour nous Protection et sérénité. il n’y a point d’autre dieu qu’Allah Nous venons à toi. 1111) whose personal career set an example to all those who came afterwards. Allah. 877) for instance. whereas Junayd (d. pauvres et démunis Toi qui détiens toutes les richesses Et ne cesse de nous combler de tes bienfaits. Having given up all his public duties. Some of the most noteworthy of these are the Qadiriya (school of Abd al-Qadir 42 . T he B rotherhoods . The relationship between master and disciple has always been very important in Sufism but each man usually has control over the steps he undertakes to progress. So Sufism has made a profound impact on Islamic culture ever since the 12th century. Various other wise men of Sufism followed in his footsteps. This was also when the trend towards the collective side of Sufism began to make its mark. and form schools or orders. which should be translated by ‘way of initiation’). Thus disciples would gather around one or other of the great masters. and it was in Sufism that he finally found delivrance from his spiritual torments. and attract more and more adepts. and an aspiring Sufi rarely remains with one shaykh. all seeking to achieve the perfect osmosis between the Law and the Way. he set out on a journey that lasted for several years. There are various reasons why the initiatory relationship between master and disciple became schematised and gradually acquired its own structure from the 12th century on. or initiatory orders of S ufism The Sufi orders were founded at this time (they are known as tar”qa. each with his own particular teaching. conferring the whole tradition of the Prophet with esoteric elements. 1240). the Naqshbandiya (Baha’ al-D”n Naqshband) in central Asia etc. Ibn ‘Arab” (d. often adapted to his own position on the Way. T he M awlid . An ordinary believer sees Muhammed as his intercessor. the Sufis were completely taken up with the experience of One-ness with the Divine. During the first few hundred years of Sufism’s existence. A form of Sufism with a pronounced metaphysical element developed parallel to the growing number of Sufi orders. Its content was so esoteric that it was often rejected by the doctors of Islamic law. the intermediary between God and men. So the 13th and 14th century teachings exposing the “reality of Muhammed” and the “perfect Man” coincide with the emergence of certain forms of worship centred around the Prophet. since all the different currents of Sufism that came after him bear traces of his influence and nowadays his influence is even felt in non-Muslim circles in the West. the feast . and the Shadiliya (Abu l’Hasan al-Shadhili).al-J”lan”) and the Rifa’iya (attached to Ahmad al-Rifa-i) in Iraq. As the doctrines on holiness became more clearly defined. is undoubtedly its best representative. to be recited daily. 43 . such as the celebration of his birthday (Mawlid). whereas the gnostic places more emphasis on the Prophet’s function in the cosmos as a sort of bridge or isthmus (barzakh).day P rophet ’ s birth celebrating the It is impossible to look at the brotherhoods and the esoteric content of Sufism as two separate entities. the Mawlawiya (the whirling dervishes of Mawlana Jalal al-Din Rumi) in Turkey. This double evolution is centred around the Prophet. as one of its foremost representatives. he then receives certain prayers. 1235). they placed more emphasis on their descendance from Muhammed. Any novice wishing to enter or attach himself to an order makes a pact with the master. for they both have a role to play in the same move to exteriorise the spiritual awakening. The Grand Master (al-Shaykh al-Akbar) of this form of Sufism. The essence of this extremely refined spiritual doctrine was also captured in mystical poetry. and here we may cite Ibn al-Farid (d. He takes part in the group sessions of dhikr which are held in mosques or buildings belonging to the order (usually known as zawiyas). a contemporary of ‘Ibn Arab”. All these doctrines have filtered in varying degrees into the type of literature known as ‘songs of praise to the Prophet’ (al-madh al-nabaw”). the Prophet’s 44 . al-Haq”qa al-muhammadiya.behind the Muhammed of flesh and blood lies his Reality of the pre-Creation. and in Damascus it has taken on major proportions. This holy celebration made its first appearance in the Near East in the 12th century. (We should not forget that Ibn al-Farid was born in Syria. discussed earlier. Another example is the night of prayers in the name of the Prophet (majlis salat ‘ala an-Nab”). with its all-pervading influence (it is said to have affected the whole of Creation). Every year. Another school developed in parallel where the Prophet was perceived in metaphysical terms . This was when a real school of doctrine and study of the Prophet’s tradition proper to Damascus started to flourish (13th and 14th c.R eligious singing - the D amascus tradition Most of the chants or songs recorded here are are part of the Syrian spiritual heritage. but the great veneration in which the people of Damascus hold the ‘first and last of the prophets’ had certainly become part of life before this. part of the so-called classical tradition. The songs can be divided into songs of praise to God and songs of entreaty (ibtihalat) on the one hand. The Ummayad Mosque was of course a kind of natural theatre for all these different forms of worship. an occasion for the many groups of religious singers to perform all over the town. its main exponents were Nawawi. instituted by some late 15th century Sufis and still celebrated today in certain forms. Many of his disciples were of Syrian origin. an Egyptian Sufi from North Africa. who use it to explain the creation of the world. They praise the blissful state of divine Love and are well-known throughout the Muslim world. do not fit into this category. though he spent his whole life in Egypt). The importance attached to the latter is typical of the religious fervour in Damascus. track 5). where reference to the Prophet has become a central pillar of belief since at least the 13th century. 1296). Some mystical poems (qas”da) by Ibn ‘Arab” and Ibn al-Farid (CD1. Even nowadays. At this time Damascus was a bastion of defence of the Sunnite tradition and the sunna or ‘example of the Prophet’. Hamza Shakkur’s songs therefore belong to a totally authentic tradition. and songs of praise to the Prophet (madh) on the other. Ibn Kath”r and Dhahab”. and its key role for Muslim mystics.). or that of Damascus. The most famous poem from this repertory is the Burda written by al-BΩs”ri (d. Celebrating the birth of the Prophet (al-mawlid al-nabawi) is one of the key events emblematic of people’s devotion to Muhammed. the festivities last for anything up to two months. In Damascus each call to prayer (adhan) chanted by the muezzins is followed by a sort of ‘prayer about the Prophet’. And yet another example to demonstrate the strength of the Damascene’s veneration: the litanies of praise to the Prophet (salawat) chanted in the Mosque before and after the Friday prayers (CD 1. lecturer at Strasbourg University Bibliography: see page 20 45 . a practice not known in the other major cities of Islam. E ric G eoffroy . track 2).ascension into the Divine Presence (Mi’raj) is marked by official celebrations on the 27th day of the month of Ramadan. Egypt and Iraq since the 16th century. Its music has several typical features . modes (maqam). The ceremony also includes blessings(ta’”ra) in scanned rhyming prose (saj). sucxha as the Ummayad Mosque. have their own vocal repertory. chosen from amongst the 99 attributes (asma Allah al-husna) . taken from the different versions of 46 . Certain stages of the ritual include the psalmodic recitation of the One-ness of God (kalimat al-tawh”d) or one of His divine names (lafz al-jalala). and always subtly inventive. the former capital of the Ummayads and a halt on the pilgrimage to Mecca. The concert must include excerpts from the repertory of the Great Mosque. Although this ritual has spread mainly because of its practice by the Turks. they survived the abolition of all the Turkish orders in 1925 as well as the suicide of the Great Master Abd al-Halim Thselebi Bashi. the rhythm is strictly measured so as to lead the assembly gradually into a state of trance (inkhitaf) or meditation (ta’ammul). plus some unique rhythms taken up by the Mawlawis in their takiya (the meeting place of the order).one of these is the apocope HΩ (He) . Damascus. rituals invoking God (dhikr-s) and excerpts from the Birth of the Prophet (mawlid). a term used in the past by the inhabitants of Moorish Spain and North Africa to refer to secular suites.followed by prayers for the Prophet. and their task is to lead the faithful into the sama’ (the sacred concert).The Whirling Dervishes of Damascus T he mystical Sunnite order of Sufis known as the Mawlawi order (or Mevlevi-s in Turkish. The ritual cannot be performed in mosques where the use of instruments is strictly forbidden. The hymodists are usually accompanied by a male-voice choir (bitana).the suite (wasla). is one of the main centres of Islam. whirling dervishes in the West) was founded by the great Persian poet Jalal al-D”n al-RΩmi (1207-1273). The sacred suites are known as nuba-s. Some important mosques. local traditions have existed in Syria. apart from certain percussion instruments usually played in the courtyard. who lived in Konya in Anatolia. The concert is basically serene in expression (hiss) and mood. according to what each order prefers. the mawlid. often of popular origin. The poems. or they might have a variety of rhythms and metres (themuhwashshah type). using rhetorical forms and images going way back in time. are usually anonymous or cannot be attributed with any certainty. The themes are all traditional. for they have common modes and rhythms and are always open to influences from the modal music of the local area. B ernard M oussali . Hardly any distinction is made between sacred and secular. of the qas”da type (a single rhyme and a single metre). indeed this is a two-way process. 48 . so I have abandoned all semblance of a European instrument in my Ensemble. I was astounded and overwhelmed by his music and I have been exploring its richness and variety ever since. members of 49 . they have really taken up all the available musical space. In fact. thank goodness. He did not adopt his position without having certain mystical misgivings and questionings. partly a cappella where. For both recordings I engaged musicians. so to speak.Al-Kindî and the Concert of Sacred Music M y discovery of Arab music dates from a chance encounter in 1976 with the great Iraqi master of the Arab lute. Similarly. these singers have a vast repertoire. mathematics and physics with relation to intonation brought me naturally closer to singers of religious conviction. In another direction. Certain principles and basic ideas provided my guidelines for the recording of “The Aleppian Music Room” and now for this new CD devoted to the religious music of Syria. This problem of equal temperaments has been condemned by ethnomusicologists. Munir Bashir. and recognised as such in their country of origin. and in the end they reduce the role of the Arab instruments to mere secondary status. singers. with Alain Dani≥lou as the first to speak out on the subject. there is as yet no sign of a synthesizer .this reduces the Arab scales to 24 tempered quarter tones and alters any true auditive perception of the traditional intonation. In 1983 I founded the Al-Kindî Ensemble with precisely this aim . I have always deplored the ridiculous tendency of modern orchestras to keep increasing their size. the problem has been tackled by creative musicians in California. apart from the fascination the whole spiritual universe of Sufism holds for me. including stringed instruments such as the violin. the cello and the double bass. my personal research in the domains of acoustics. and in many ways he has been an inspiration to me. for although they do in fact adapt well to the intonation of music from countries outside Europe. to the detriment of the takht. instrumental virtuosi and masters of the tradition of exceptionally high standard.to continue exploring the domain of Arab music. an Egyptian. We owe a debt of gratitude to Shaykh Nabulsi for having introduced musical instruments into the mystical brotherhoods in Syria in the 17th century. These beautiful but rarely performed pieces presented here in their entirety adhere closely to the Middle Eastern aesthetic. I selected songs and chants that were rich in rhythm and melody and which would highlight Shaykh Hamza Shakkur’s phrasing and timbre as well as his improvisational talents (Anash”d and Ibtihalat). other than their fear of tiring the listener. This basso continuo gives rise to a totally orthodox contrapuntal effect. whereas Arab performances of Turkish compositions always give rise to debate. enriched by the assymetric rhythm of the Mur’abba. certain standardised Sama’i are played. I chose four instrumental preludes by pure Arab composers: a Syrian. As for the crucial point of choice of repertory. Now the QanΩn can also have a questionable ‘standardising’ part to play in an ensemble since. whereas all too often modern singers alternate the maqamat without any real grounds for doing so. usually excessively reworked and rehashed and completely devoid of any real development of the genre. The multiple theories from Antiquity through to modern times on intervals in music from the Orient are not really practicable so I had to make some new instruments. and to do this I made a comparitive critical study of these various theoretical systems in the light of practices still in use in the Arab world. on the fallacious grounds that they might be boring to listen to. For this record. apart from the indispensable taqasim which give free rein to the musician and his creative powers. by the very fact that since lute-makers do not always have any sound experience behind them. I was absolutely firm about keeping the modal unity of each suite.the “Movement of Just Intonation” who have tried to recreate a physiologically viable musical language using ratios taken along the whole spectrum of harmonies. and for having regularised their use from 50 . in the instrumental repertory the Bashraf are never played any more. For similar reasons. in comparison to the more frequently used binary rhythms. it often leads to a reductive temperament. Another modest innovation consists of having chosen as the ostinato for track 11 on CD I a 13/4 rhythm with a complexity that in my opinion heightens the spiritual depth and content of the improvisations. instead. exactly as they were performed in former times. a Tunisian and an Iraqi. 51 . Thou knowest my intimate secrets just as my outward acts. Thanks to my friendship with the hymnodist Hamza Shakkur. I begin my entreaties by praising your goodness. I have entrusted my earthly fate to Thy heavenly powers. we have been investigating the treasures of the Syrian heritage both in the vocal and instrumental domains. If Thou dost not grant me forgiveness.a theological and doctrinal point of view. relieve my worried breast. when it is also broadcast on television. In humility and acceptance I turn to Thee. my God. it has become a sort of emblem of national identity for Syria and the Syrians. The liturgy of the whirling vishes has probably lost a little of its esoteric content by rejecting the elements originally brought in from Turkey or Persia. as on the 27th day of Ramadan. Bi hamdika yâ ilâhî CD1 Track 6 . J ulien J alal E ddine W eiss O God.1st song . The ceremony has been choreographed for use on official religious holidays. I sincerely hope we have also been contributing to making this music better known in the West. on the other hand it has been enriched by the syncretic contribution of the numerous mystic orders still flourishing in Damascus. the heir so to speak of Shaykh Nabulsi. for example. Grant me Thy succour. O Thou. forgiving and full of mercy. our generous Lord. who else could do so ? Thou art Allah. since 1991. where he is immensely popular. to the exclusion of all affectation. the Lebanon.in Egypt. He was born in Paris in 1953 and was converted to the Muslim faith in 1986. is that of mysticism and happiness in the Faith. charismatic figure. after receiving teaching from masters all over the Arab world .Hussein al-Aczami from Iraq. Shaykh Hamza Shakur from Damascus and Lotfi Bushnak from Tunisia. his task is to assure the continuity of the repertory proper to the Mawlawiya order. Omar Sarmini and Adib Daiykh from Aleppo. where orison blends with dance. He travels constantly all over Europe with his illustrious Oriental vocalists . Syria and Iraq. and prayer with art. He is both a soloist and accompanist in his ensemble. The Islam he represents. is a muqri (Koran reader) and a munshid (hymnodist). Turkey. He is the disciple of Sa•d Farhat and Tawfiq al-Munajjid. His bass voice with its richly rounded timbre has made him one of the foremost perfomers of Arab singing. Sabri Moudallal. the Al-Kindî Ensemble which he founded in 1983. who are nevertheless unknown in the West. has turned him into a sort of ideal link between two worlds. 53 . He is the choir master of the Munshiddin of the Great Mosque in Damascus and serves at official religious ceremonies in Syria. Tunisia. his constant search for Arab vocalists to accompany or record. The music T he A l -K indi E nsemble Julien Jall Edine WEISS is French of Swiss and Alsatian origins. In the concert world. His art is uncompromisingly sober and introverted. far from being fundamentalist.The Singing S haykh H amza S hakur Shaykh Hamza Shakur. This link has become even more solid since he set up home in a 16th century Mameluk palace where he organises regular music-room concerts in the old traditional style. born in Damascus in 1947. He has become an absolute expert on the board zither (qanΩn).old modal art. He develops his improvisations within the framework of a centuries. Shaykh Hamza is an impressivley large. aiming at a smooth. rounded sound. a style emanating from the Turkish school. a pupil of Abdelsalam Safar and considered to be the best exponent of the ney (reed flute) in Syria. He has been one of the mainstays of the Al-Kindî Ensemble ever since it was created. He carries on the traditional Aleppian style for his instrument. Muhammad Qadri DALAL was born in Aleppo in 1946. and indeed he has become quite simply indispensable as an accompanist. 54 .Ziyâd Qâdî AMIN is a flautist from Damascus. His total mastery of even the most complex rhythmic cycles have made him a much respected performer on the riqq (tambourine with tiny cymbals). He has an encyclopaedic knowledge of the traditional repertory. He has been a member of the Al-Kindî Ensemble for several years now and takes part in all their European tours. Adel Shams EDDINE was born in Cairo in 1950. He is a peerless master of the Arab lute (the ‘ud) and is very wellknown in his own country. but is currently living in France. improvised poem with a Murrabba rhythm La plainte de la colombe m’a attristé .Pray on the name of the Prophet .Measured song in 7/8 rhythm Toi qui connais mon secret .Call to prayer 2 . poème improvisé sur rythme Murrabba° Ibtihal Mawzun.En Te remerciant pour Tes bienfaits.Appel à la prière .11’53 Bashraf Hijaz Murrabba° (Safar °Ali).7’26 “Yâ man sarâ” Chant mesuré .Dieu l’Eveillé . improvised poem with a Murrabba rhythm Avant ce jour j’ignorais mon Bien-Aimé Until this day I did not know my Beloved Arrangements traditionnels Julien Jalâl Eddine Weiss Traditional arrangements by Julien Jalal Eddine Weiss 55 . chants d’éloges au Prophète .“Nawh al-hamâm” (al-Bura°ï) Ibtihal Mawzun.Salawât .13’17 al-Nawba ou Hadra . prière sur le Prophète .prières .4’04 “Al-adhân” . the earth has become too confined for me 11 .The dove’s lament did make me sad .God the Wakeful One .Improvisation on the oriental zither by Julien Jalal Eddine Weiss 8 .6’53 “Yâ âliman bi s-sirr” .“Laqad kuntu qabl al-yawum” (Ibn al-°Arabî) Ibtihal Mawzun. lâ ilâha illâ-l-Lâh.We come to You bereft .Chant mesuré. Ô mon Dieu .5’21 “Mawlâyâ dâqat biya” . rythme 13/4 et Ibtihalat et Taqasîm Mawzun .Instrumental prelude 9 .O God. poème improvisé sur rythme Murrabba° Ibtihal Mawzun.Measured song Seigneur la terre m’est devenue trop étroite Lord.5’21 Bashraf Hijaz.4’38 “Inna-l-Lâha wa malâ’ ikatuhu yusallûn”.4’21 Taqsîm Qânûn en Mâqâm Hijâz .You who knowest my secret 5 .We are grateful to You for Your blessings.Les Derviches Tourneurs de Damas The Whirling Dervishes of Damascus Sheikh Hamza Shakkûr Ensemble Al-Kindî CD 1 .“Allâh qayûm” .“Bi-hamdika yâ ilâhî” .By yet more love 6 .prayers Dieu et Ses anges prient sur le Prophète . rythme dawr kabir 28/4 (Tawfiq al-Sabbagh). Ataynâka bi-l-faqr” Nous sommes venus à Toi démunis . rythme 7/8 .Priez sur le Prophète .Dhikr de la Grande Mosquée des Omeyyades Dhikr from the Great Ummayad Mosque . O my God . Allâh.“Allâh.Chant mesuré .Suite de Madâ’ ih.3’00 Ibtihâl “zidni bi farti al-hubb” Supplication improvisée sur un poème mystique de Ibn al-Fârid Improvised supplication after a mystical poem by Ibn al-Farid Par encore plus d’amour .“Yâ rabbanâ sallî °alâ tah” Ô Dieu.Prélude instrumental . a prayer on the Prophet 7 .God and His angels pray on the name of the Prophet 3 .Durée Totale 70’22’’ 1 .Improvisation de cythare orientale par Julien Jalâl Eddine Weiss . songs of praise to the Prophet .“Salâtunâ °alâ n-nabî” .Measured song Toi qui a accompli le Voyage Nocturne You who undertook the Nightime Journey 10 .4’34 Taqsîm Nay en Mâqâm Hijâz .Madih suite.Improvisation de flûte en roseau par Zyâd Qadî Amîn .Improvisation on reed flute by Zyad Qadi Amin 4 . compositeur irakien.Pray on the name of this Prophet 13 .Suite modale orientale d’Anashîd Dîniyya Oriental modal suite by Anashid Diniyya 10 .Pray.1’35 “Masdaru-l-ashyâ Ahmad” .Chant mesuré en mâqâm kurd .Prélude instrumental . Iraqi composer and disciple of Sharif Muhyieddin) 11 .Chant mesuré .Chant mesuré .Measured song Les chants me sont devenus agréables .Wasla mâqâm kurd .. you are the Chosen One “Mâdhâ u°abbir°an” . compositeur tunisien.Instrumental prelude (Sâlah al-Mahdî.Ibtihâl Mawzun Celui dont on attend l’intercession .O wonder of the heavens. wonder of the earth “Yâ rasûl Allâh anta-l-Mustafâ” .improvisation de luth .Supplication with vocal improvisation in maqam bayati..Measured song Source de toute chose .Suite modale orientale d’Anashîd Dîniyya Oriental modal suite by Anashid Diniyya 1 .improvisation vocale sur un poème mystique en mâqâm kurd ..5’21 2 ..3’44 “Yâ Mawlânâ sallî” .3’15 4 .Measured song in maqam kurd mode Le bien-aimé du Clément .Chant mesuré . .Chant mesuré en mâqâm kurd .Lord..Songs have become pleasant to mine ears 14 . disciple de Sharîf Muhyî-Dîn) .The Merciful One’s beloved “Mawlâyâ anta-l-Wâhid” .Ibtihâl .4’15 8 .I have turned my lament “Habîbun ilâ-l-Rahmân” . tu es l’Elu .Measured song Le chanteur qui s’est insinué dans le cœur des humains The singer who has found his way into the human heart “al-madad “ .Measured song Elle s’est révélée de nuit .Measured song Viens à mon secours .Thou source of all things Arrangements traditionnels Julien Jalâl Eddine Weiss Traditional arrangements by Julien Jalal Eddine Weiss 56 . after a mystical poem Seigneur.Measured song Priez sur ce Prophète .What can one say about a being… II . Tu es l’Unique .O messenger of God.2’01 5 .He whose intercession we await 16 .Chant mesuré en mâqâm kurd Measured song in maqam kurd mode Ô.Chant mesuré ..Chant mesuré. Priez. you are the Unique One “Yâ badî° as-samawâti wa-l-°ard” . a Tunisian composer and disciple of Shaykh ali Darwish from Aleppo) Taqsîm °Ûd .Measured song in maqam kurd Que dire d’un être.5’13 “Yâ man yurajjâ li-sh-shafâ°a” .4’06 6 . . messager de Dieu.Wasla mâqâm Râst .Improvisation on the lute Qadri Dalal “rafa°tu bi sirri” .Chant mesuré .She appeared in the night “shâdinîn sâda qulûb al-°umam” .(Ghânim Haddad.Chant mesuré .4’22 Samâ`î hijâz-kâr-kurd .Measured song Ô. Lord… “Lî tâbat al-aghânî” Chant mesuré .Supplication improvisée vocalement en mâqâm bayati sur un poème mystique .6’03 9 . en mâqâm bayati Measured song in maqam bayati mode Ô.Chant mesuré . merveille des cieux et de la terre .Ibtihâl .6’04 “Mâliku-l-mulk” .I have revealed my secret “rafa°tu shakwâya” .Come rescue me 15 .Durée Totale 61’26” I .CD 2 .Chant mesuré en mâqâm kurd .2’25 3 .Vocal improvisation on a mystical poem in maqam kurd mode J’ai révélé mon secret .3’19 “tajallat wa-njalat laylan” . disciple du Sheikh °aliDarwish d’Alep) (by Salah al-Mahadi. .O Lord of all kingdoms… 12 -1’32 “Sallû °alâ hâdhâ-n-nabî” .2’46 7 .Measured song in maqam kurd mode J’ai adressé ma plainte .Measured song Seigneur.5’16 Samâ`î Râst (Ghânim Haddâd. Seigneur de tous les royaumes. Julien Jalâl Eddine Weiss Traduction anglaise : Delia Morris Traduction de l’arabe : Saadane Benbabaali Enregistré au studio Vahé à Damas du 07 au 11 juin 1999 Direction musicale : Julien Jalâl Eddine Weiss Ingénieur du son : Romain Frydman Montage : Romain Frydman. 5. Romain Frydman.Conception et réalisation : Alain Raemackers & Julien Jalâl Eddine Weiss Conception graphique : Anne Thiollent. Gérard Violette. 27.a. rue Vandrezanne . Milan Création mondiale pour le Théâtre de la Ville de Paris Contact : Sabine Châtel . 75014 Paris Tél/fax (00 33) 01 43 20 92 28 . 38. Natalia Baraglioli et Sabine Châtel. Studio Cargo. 28. 22.12 rue Daguerre. Ministre de la Culture Syrienne. Jean During. Montreuil Mastering. 35. Nicolas Nilsson. Atelier Relations. Mimoun Nouri. l’IFEAD.fr Remerciements à : Ahmad Badreddine Hassoun. Bassel Kasnasrallah.31-33. Mady. 24.75013 Paris . 50) Ammar Abd Rabbo (page 20) Ferrante Ferrenti (page 54) Textes : Jean During. Christian Poché. 31.e-mail : alkindi@wanadoo. 16. 𝖯 & 𝖢 1999 . Philippe Vigreux. impression : Pozzoli S. Ahmad Badreddine Hassoun. Saadane Benbabaali. grand Mufti d’Alep. 26.Le Chant du Monde . 13. 45.p. Eric Geoffroy. 46) Nicolas Nilsson (pages : 9. Salah Stétié. page 4. Arles Crédits photographiques : Sabine Châtel (pages : couverture. 42. 36. Madame Najah Attar. 10. 48.
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