Au nom d’Allah, le Tout-Miséricordieux, le Très-MiséricordieuxÔ Oumma du Tawhid ! Ce fascicule a été rédigé par l’équipe du Collectif Réflexions Musulmanes (CRM), qui vous propose fraternellement un rappel sur les fondements de l’islam. Notre collectif vise, avec la permission d’Allah, à revivifier la Oumma en tentant de redonner au Tawhid sa place fondamentale. Le CRM faisant de la réflexion l’un des outils essentiels de sa méthodologie, ce texte visera à préciser et rappeler les notions importantes de la doctrine islamique que chaque musulman doit connaître, assimiler et vivre au quotidien. 1° Un rappel sur le Tawhid Sur quoi porte le rappel qui fait l’objet de ces lignes ? Il porte tout simplement sur le premier pilier de l’islam : le Tawhid, ses fondements, ses priorités et ses bases élémentaires, toutes ces choses qui déterminent ce qu’est notre religion et ce qu’elle n’est pas, si nous sommes musulmans ou si nous ne le sommes pas. Et si nous avons choisi ce sujet en guise de rappel, c’est en raison du constat suivant : la société contemporaine, les idéologies forgées par les humains, le délaissement d’une vision islamique sur la société, l’individualisation des musulmans sur tous les plans, tout cela a entraîné la décadence au sein de la « Oumma » (la communauté musulmane). Et cette décadence a été rendue plus facile et s’est accentuée parce que les bases de l’islam ont été délaissées et incomprises, mal enseignées et mal transmises. Par ailleurs, nous constatons, au sein de la communauté musulmane de Belgique, que les éléments secondaires de l’islam font plus régulièrement l’objet de cours et d’études que le Tawhid, qui est pourtant le socle de l’islam. Précisons que si le Tawhid est invalide, ces éléments secondaires sont également invalidés. A ce propos, le célèbre savant indo-pakistanais Chah Ismaïl Chahid disait : « Le chirk est généralement répandu parmi les gens et la compréhension du concept du Tawhid est quant à elle très rare. Beaucoup de ceux qui prétendent être les porteurs de la Foi ne comprennent pas la signification du monothéisme et du polythéisme (tawhid et chirk). En apparence, ils sont musulmans, mais inconsciemment, ils sont impliqués dans des actes de chirk. Par conséquent, nous devons d’abord tenter de comprendre la signification du Tawhid et du chirk afin que nous puissions connaître leurs avantages et leurs inconvénients. »1 Le célèbre compagnon Amr Ibn Al ‘As disait : « La meilleure chose que nous devons préparer est l'attestation de foi ». 2 Notre rappel a donc pour ambition, si Allah le permet, de préciser ces bases fondamentales, d’exposer leur sens avec des preuves tirées du Coran et de la Sunna, et de démontrer qu’en comprenant ces définitions et en les intégrant dans notre vision du monde, en les développant dans nos réflexions et nos méditations, dans nos cœurs et dans nos actes, nous pourrons envisager un retour vers une compréhension et une pratique authentiques de l’islam. C’est à ce prix-là que la Oumma pourra redevenir la fierté des musulmans, in cha Allah. Le Dr. Ismaïl Al Faruqi ne cessait de le répéter: « Sans le tawhid, par conséquent, il ne pourrait y avoir d'islam. A l'évidence, non seulement la Sunna de notre Prophète serait mise en doute, et ses impératifs ébranlés, mais l'institution même de la prophétie serait détruite. S'attacher au principe du Tawhid est donc la pierre angulaire de toute piété, de toute religiosité et de toute vertu. Naturellement, Allah et Son Prophète ont élevé l'observance du Tawhid au statut le plus éminent et en ont fait la cause des plus grands mérites et récompenses.3 » 1 Chah Ismaïl Chahid, Taqwiyatou al imane, (Le renforcement de la foi), chapitre 1 Rapporté par Muslim. 3 Ismail Al Faruqi, Tawhid : philosophie du monothéisme musulman, ITTT, 2006 2 1 2° Les fondements de l’islam et l’importance de leur compréhension La première et la plus fondamentale des questions que nous devons nous poser est la suivante : pourquoi Allah, le Sage, l’Omniscient, nous a-t-Il créé ? La réponse est claire : « Je n’ai créé les djinns et les hommes que pour qu’ils M’adorent »4. Dès lors, la question suivante doit être : comment nous a-t-Il fait parvenir ce message, et comment doit-on L’adorer ? Cela aussi, le Très-Haut nous l’indique dans le Coran, Allah dit : « Quiconque mécroit au taghout tandis qu'il croit en Allah saisit l'anse la plus solide, qui ne peut se briser. »5 L’anse la plus solide désigne, selon les savants, l’islam et la compréhension de la parole « La ilaha illa Lah ». Il est ensuite impératif de comprendre ce que signifie le mot « taghout » pour pouvoir saisir l’ « anse la plus solide ». En islam, les savants tiennent compte de la signification des mots selon la langue arabe mais pas uniquement : il faut également prendre en compte la définition que donne la doctrine islamique d’un certain nombre de notions. Quand le sens islamique et le sens linguistique diffèrent, c’est le sens islamique qui prévaut. Selon le cheikh Ali Al Khoudeyr, élève du célèbre savant Ouqla Al Chouaybi, le terme arabe taghout est dérivé du verbe « toughiane » qui signifie, au sens linguistique, «transgresser, dépasser les limites, s’élever ». Allah en parlant du récit de Noé évoqua l’eau qui « déborda », c’est le terme « tagha » qui fut utilisé pour décrire le fait que l’eau a « dépassé ses limites ou son niveau. » Ainsi, toute entité qui s’approprie un pouvoir, un droit ou toute autre caractéristique qui ne revient qu’à Allah Seul est « un taghout » qu’il soit suivi, obéi ou adoré comme le précise Ibn Qayyim et de nombreux autres savants. Nous retiendrons, à travers le verset 16 de la sourate 36, que le message de tous les prophètes fut identique : « En vérité, Nous avons envoyé un messager à chaque communauté avec le message suivant : « Adorez Allah et écartez-vous du taghout ! » L’Imam Malik Ibn Anas définissait ce terme en disant que : « Le taghout est tout ce qui est adoré en dehors d’Allah. »6 Quant au savant Abd Al Rahman Ibn Abdellah connu également sous le nom d’Abou Boutayne, il nous en donne également une définition islamique : « Le taghout comprend tout ce qui est adoré en dehors d’Allah, tout chef égaré qui appelle au mensonge et l’embellit. De même, toute personne que les gens ont choisie pour qu’elle juge entre eux avec des lois de la jahiliya, contraires au jugement d’Allah et de Son Prophète . De même, les sorciers, ceux qui incitent à l’adoration des statues, ceux qui en mentant veulent attirer les ignorants dans l’ égarement en leur suggérant qu’un mort exauce le besoin de celui qui s’adresse à lui et qu’il a fait ceci et cela, ce qui est, ou un mensonge ou un acte du diable. Ainsi, il les attire dans le grand chirk. Et ce qui est à l’origine de toutes ces catégories, et le plus grand parmi elles est le diable. C’est lui le plus grand taghout ».7 Qui plus est, le Taghout est une entité qui change, prend différentes formes et évolue. C’est la raison pour laquelle il convient d’actualiser la compréhension de cette notion afin de nous adapter au contexte qui est le nôtre et reconnaître ces idoles modernes, déclarer leur fausseté, s’en écarter et éprouver de la répulsion pour ces dernières. Le fait d’unifier Allah, de L’adorer, Seul, sans associé, est appelé le « tawhid ». Au sens linguistique, ce terme signifie en fait : faire d’une chose, quelque chose d’unique, comme le précise Ibn Mandhour dans son célèbre ouvrage La langue des arabes8. En revanche, le fait de lui associer quelque chose, ou quelqu’un, est appelé le « chirk », qui consiste dans le fait « d’attribuer une part à quelqu’un ou à quelque chose », écrit le cheikh Al Hazimi.9 C’est dans ces termes que résident les fondements les plus importants de l’islam, et le salut de nos âmes. Le musulman doit impérativement comprendre et analyser ces termes et leurs conséquences. 4 5 Sourate 51-Verset 56 Sourate 2-Verset 256 6 Ibn Khatir, Jami’ Al Bayane Fi tafsir Al Qour’ane, 2/294 ou Abderrahman Ibn Hasan Ibn Al Cheikh Al Moujadid, Fath Al Majid (explication du Kitab Al tawhid) 7 Cheikh Ahmed Ibn Hamoud Al Khalidi, Al Idah wa attibiyane, page 5 8 Ibn Mandhour, Lissane Al ‘Arabe, volume 3/448 9 Cheikh Ibn Omar Al Hazimi, Explication des trois fondements 2 En effet, voyez ce que disent les versets suivants : « Certes, Allah ne pardonne pas qu’on Lui donne des associés. A part cela, Il pardonne à qui Il veut. Quiconque donne des associés à Allah s’égare, très loin dans l’égarement. »10 Le chirk est donc, comme le dit Louqman cité dans le Coran, « une énorme injustice »11. Il est l’opposé du tawhid puisque notre Seigneur nous ordonne : « Adorez Allah et ne lui donnez aucun associé »12. Tout cela, nous démontre l’importance du Tawhid, le rejet obligatoire du taghout et du chirk, sans quoi on annulerait notre islam. Le fait de mécroire au taghout et d’adorer Allah seul constitue par conséquent l’essence même du premier pilier de l’islam : l’attestation du tawhid, la chahada. L’imam Abderahman Ibn Hassan Al Cheikh a écrit, à propos de cette attestation, qu’elle « ne bénéficiera à celui qui la prononce qu’à condition qu’il sache ce qu’elle veut dire ».13 Cette attestation est « La ilaha illa Lah », parole qui peut se diviser en deux parties, l’une impliquant l’autre : d’abord une négation, qui appelle à ne vouer de culte et d’adoration à rien ni personne (la ilaha, « point de divinité » qui est également le rejet et le désaveu du taghout, à savoir le « koufr bi taghout »), suivie d’une affirmation, qui déclare qu’il ne faut vouer ce culte qu’à Allah, Seul, sans associé (illa Lah !: « sauf Allah »). Mais pour bien comprendre cette parole, il convient évidemment de préciser cette notion d’adoration et de tawhid. Cela afin de déterminer son sens islamique, et pour que cette parole ne s’arrête pas au plan théorique mais puisse se réaliser de façon concrète. Les savants de l’islam et parmi les plus grands érudits, afin de bien faire comprendre ces notions cruciales, ont expliqué le tawhid en le déclinant sous trois catégories, chacune dépendante des deux autres. Cette méthodologie permet de bien saisir les nuances du tawhid, et permet de ne pas tomber dans le piège du chirk (de l’associationnisme) comme nous le verrons ensuite. Quelles sont donc ces catégories ? Le cheikh Soulayman ibn Abdallah résume ces trois catégories : « L’Islam en tant que Religion est nommé Tawhid, car il se base sur le fait qu’Allah est Unique dans Sa Seigneurie et Ses Actes et qu’Il n’a pas d’associé. De même, Il est Unique dans Son Être et Ses Attributs dans lesquels Il n’a pas de semblable. Et Il est Unique dans Son Oulouhiyyah et l’Adoration et Il n’a pas d’associé. Donc, le Tawhid avec lequel sont venus les Prophètes et Messagers de la part d’Allah se divise en ces trois catégories. Chaque catégorie est indispensable à l’autre. Aucune catégorie ne peut être séparée de l’autre. Alors, celui qui vient avec une de ces catégories sans l’autre, cela signifie qu’il n’est pas venu avec le Tawhid dans sa forme complète. »14 Voilà donc une définition du Tawhid au sens islamique, reste à détailler quelque peu ces catégories afin de bien les assimiler : 1ère catégorie : le Tawhid Arrouboubiyah, ou Tawhid de Seigneurie. C’est le fait d’unifier Allah dans Sa Royauté et Ses Actes, comme le fait de créer, de donner la vie ou la mort, de pourvoir à la subsistance, de guider ou d’égarer, de connaître l’invisible et le caché. C’est une catégorie indis pensable. Mais si elle est nécessaire, elle n’est toutefois pas suffisante. Car bien des personnes reconnaissent ce tawhid mais ne sont pas musulmans et ne sont pas agréés par Allah, Exalté Soit-Il. La preuve est dans ce verset : « Dis : “ Qui vous attribue de la nourriture du ciel et de la terre ? Qui détient l’ouïe et la vue et qui fait sortir le vivant du mort et le mort du vivant et qui administre tout ? ” - Ils diront : “ Allah ” » - Dis alors : “Ne Le craignez-vous donc pas ” »15. 10 11 Sourate 4-Verset 116 Sourate 31-Verset 13 12 Sourate 4-Verset 36 13 Dourar Assaniyya, volume 2, pp 252-255 14 Tayssir Al Aziz Al-Hamid fi Charhi Kitabi Tawhid, p. 21 15 Sourate 10-Verset 31 3 De même : « Et si tu leur demandes qui les a créés, ils diront très certainement : “Allah” »16. Cela nous montre avec suffisamment de clarté l’importance, dans la compréhension de notre dîne, de catégoriser et comprendre les termes. En effet, se contenter de cet aspect du Tawhid, le réduire à la Seigneurie, ne suffit pas pour être musulman. Il faut également les deux autres catégories. 2ème catégorie : le Tawhid Asma wa Sifat, ou le Tawhid des Noms et Attributs. Selon l’imam Ibn Taymiya, dans l’ouvrage Majmou’ Al fatawa, cet aspect du Tawhid se comprend comme suit : « C’est rendre Allah unique, Seul, gloire à Lui, le Très-Haut, de la manière dont Il s’est Lui-même nommé, dans ce qu'Il s'est Luimême attribué comme caractéristiques, dans Son Livre, ou par l’intermédiaire de Son messager, en affirmant ce que Allah a affirmé de Lui-même et en rejetant ce qu' Allah a nié Le concernant. Sans changer le sens de ces noms et attributs, ni en supprimer, et également, sans en expliquer le comment et ni faire de comparaison (avec la création). » Allah nous dit d’ailleurs : « C’est à Allah qu’appartiennent les noms les plus beaux. Invoquez- Le par ces noms et laissez ceux qui profanent Ses noms : ils seront rétribués pour ce qu’ils ont fait »17. Et «Il n’y a rien qui Lui ressemble ; et c’est Lui l’Audient, le Clairvoyant »18. 3ème catégorie : le Tawhid al Oulouhiyah, ou le Tawhid de l’Adoration. C’est à travers cette troisième catégorie que nous pouvons, en tant que musulmans, donner sens aux deux premières, et être des « mouwahidines » islamiquement parlant, tel que nous l’a enseigné le Prophète . Cette catégorie implique pour nous d’unifier Allah à travers nos actions, nos espoirs, notre adoration. C’est la crainte que nous devons Lui témoigner, l’invocation, le suivi et l’obéissance dans Sa Législation, l’amour et l’espoir, toutes ces actions que nous devons vouer uniquement à Allah, Seul, sans associé. La peur du châtiment et le désir de la récompense doivent pareillement Lui être voués. « C’est Toi (Seul) que nous adorons et c’est Toi (Seul) dont nous implorons secours »19. Le cheikh Soulayman ibn Abdallah écrit, dans le même ouvrage précédemment cité, à propos de cette catégorie : « Cette catégorie du Tawhid est le début et la fin de la Religion. Ceci est la première et la dernière chose pour laquelle ont prêché les Messagers. Ceci est la signification de « La ilaha illa Lah ». Allah est Celui qui est adoré avec amour, crainte, exaltation, respect et toutes les autres sortes d’adorations. C’est pour cette catégorie du Tawhid qu’ont été créé les créatures, envoyé les Messagers, révélé les Livres. C’est par sa cause que les gens se sont séparés en croyants et mécréants, les heureux parmi les habitants du Paradis et les malheureux parmi les habitants de l’Enfer ». Au terme de cette définition, nous comprenons mieux pourquoi il incombe à chacun d’entre nous de chercher à bien comprendre les bases de l’islam. En effet, une mauvaise compréhension peut mener à l’égarement (qu’Allah nous en préserve). Le musulman doit comprendre le monde à partir des enseignements tirés du Coran et de la Sunna. La recherche du savoir est la première étape pour découvrir la vérité. Ce qui nous ramène à l’un des objectifs de ce rappel : quelles déficiences dans la compréhension de ces bases fondamentales ont entraîné la faiblesse et la humiliation de la Oumma ? Et qu’est-ce que la Oumma ? La Oumma est la communauté des musulmans, des « mou’minin », « ceux qui ont al imane », qu’on traduit par « les croyants ». Cette communauté se doit d’être forte, soudée, obéissante envers Allah le Créateur de toute chose. De nombreux versets commencent par « Ô vous qui avez cru !». Et notre Seigneur, Exalté Soit-Il, nous a certes prescrit des devoirs individuels, mais également des devoirs collectifs. C’est la raison pour laquelle l’islam est politique, et qu’on ne peut séparer l’un de l’autre. En effet, la politique vient du mot « polis », mot grec qui signifie la cité, la société au sens moderne. 16 17 Sourate 43-Verset 87 Sourate 7- Verset 180 18 Sourate 42-Verset 11 19 Sourate 1-Verset 5 4 La politique prend donc le sens de « manière pour une communauté d’être gérée ». Si l’islam constitue une communauté faite de droits, de devoirs, d’une vision sur la société et la manière dont elle doit fonctionner, alors il est impossible de séparer la dimension politique de la dimension islamique, sans quoi ce serait vider cette religion de sa substance. Un des devoirs qui incombe à la Oumma est celui d’élever la parole d’Allah au -dessus de toutes les autres paroles, d’appliquer Sa Législation, d’établir Son Dîne au-dessus des autres. Le verset suivant le prouve : « Ô vous qui croyez! Si vous faites triompher (la cause d') Allah, Il vous fera triompher et raffermira vos pas »20. C’est là un exemple clair d’un devoir qui incombe à la Oumma, et c’est là aussi une preuve que l’islam n’est pas une religion qui se limite à l’espace privé ou individuel. Et de quelle manière faut-il faire triompher cette cause ? Notamment en légiférant et en jugeant selon ce qu’Allah a révélé, puisqu’Il dit dans le Noble Coran : « Et ceux qui ne jugent pas d’après ce qu’Allah a fait descendre, les voilà les mécréants », « ceux-là sont des injustes », et « ceux-là sont des pervers », ainsi que « A chacun de vous Nous avons assigné une législation et un plan à suivre »21. C’est là une preuve évidente que l’islam n’est pas une religion qui permet à quiconque de légiférer sur des bases autres que le Coran et la Sunna. Il est frappant de constater que beaucoup de musulmans se remémorent avec nostalgie l’époque du Califat lors de laquelle ce dernier éclaira et guida l’humanité en suivant les principes de la législation d’Allah. Pourtant, ce modèle politique n’est plus la référence pour la Oumma. Il est dès lors indispensable, aujourd’hui, pour la jeunesse de l’islam de renouer avec les notions d’Etat islamique, de Hakimiya, de Chari’a et ce qui s’y rapporte afin que les musulmans contemporains soient véritablement les porteurs du message authentique de l’islam et afin qu’il puisse redevenir miséricorde pour l’humanité. Conséquence de cela : la communauté des musulmans, la Oumma, a des devoirs collectifs, parmi lesquels celui d’établir la Législation d’Allah au-dessus de toutes les autres législations. Par ailleurs, défier Allah en appliquant d’autres législations (par exemple sur base d’une idéologie forgée par des humains) mène à la mécréance. Ce qui signifie que c’est un acte qui annule le tawhid. Le professeur Sayed Qotb disait : « L’Islam s’appuie sur un fondement qui diffère de ceux sur lesquels sont bâtis tous les autres systèmes d’organisation humaine. Il se base sur le principe de la souveraineté et de l’empire de Dieu seul, le seul qui puisse légiférer. En revanche, les autres systèmes clament la souveraineté de l’homme, qui établit ses propres lois. Ces deux principes étant inconciliables, le système islamique ne peut rejoindre aucun autre et on ne peut le qualifier autrement que de musulman. »22 Et si nous reprenons les catégories du Tawhid tel que nous les avons mentionnées plus haut, on comprend mieux pourquoi : premièrement, Allah est le Seul à pouvoir régner en toute connaissance de toute chose. Cela fait donc partie de Sa Royauté et Sa Seigneurie (Tawhid Arrouboubiya) que d’établir une législation, et cette législation sera la seule parfaite car Il dit « Le jugement n’appartient qu’à Allah. Il vous a commandé de n’adorer que Lui »23. Ensuite, donc, Il est le Seul à avoir l’attribut du Législateur Suprême (Tawhid Asma wa Sifat). Allah nous interpelle dans un verset : « Allah n’est-Il pas le plus Sage des Juges ? »24. Ce qui, troisièmement, a des conséquences sur nos actes en tant qu’adorateurs d’Allah, Seul, sans associé (Tawhid Oulouhiya). Cela implique que nous ne devons obéir qu’à Lui, et qu’obéir à quiconque qui légifère avec autre que ce qu’Allah légifère revient à suivre et obéir ce qui « transgresse » les limites, donc à suivre le taghout, celui-là même qu’Allah nous demande de ne pas suivre ! Voilà comment en partant des bonnes définitions, avec une approche claire et méthodologique, nous parvenons à comprendre ce qu’Allah nous demande et ce qu’Il nous interdit. C’est l’approche qui consiste à 20 21 Sourate 47-Verset 7 Sourate 5-Versets 44-45-47-48 22 Sayed Qotb, La justice sociale en islam, p. 145, éditions Al Biruni 23 Sourate 12-Verset 40 24 Sourate 95-Verset 8 5 se rapprocher de la compréhension des Compagnons du Prophète et des générations pieuses qui ont appliqué ces principes, ainsi que des grands érudits de l’islam. Parmi ces érudits, Ibn Al Qayyim dit : « Un taghout est tout ce qui dépasse les limites que ce soit dans l’adoration, le suivi ou dans l’obéissance. Donc le taghout des gens est celui qu’ils placent comme juge en dehors d’Allah et de Son Prophète, ou quelqu’un qu’ils adorent en dehors d’Allah, ou qu’ils suivent sans prendre en considération Allah, ou bien qu’ils obéissent dans une affaire [tout en désobéissant] à Allah. Quiconque ne juge ou ne se tourne pas vers ce que le Messager d’Allah a apporté comme jugement suit une fausse divinité. »25 Et cela est prouvé par le Coran et par la Sunna. La transgression dans l’obéissance, en prenant une autorité législative autre qu’Allah, est une transgression dans l’adoration comme nous l’indique une parole prophétique : le compagnon ‘Adi ibn Hatim, qui était chrétien avant sa conversion, raconte : « Je me suis dirigé vers le Prophète en portant une croix autour du cou ». Il me dit alors : « Ô ‘Adi ibn Hatim, retire cette amulette de ton cou ! ». Lorsque je suis arrivé devant lui, je l’ai entendu réciter : « Ils ont pris leurs moines et leurs rabbins comme divinités en dehors d’Allah »26. Je lui ai dit : « Ô Messager d’Allah ! Nous ne les prenions pas comme divinités en dehors d’Allah ! ». Il répondit : « Ne vous interdisaient-ils pas ce qu’Allah a rendu licite et vous l’interdisiez ; ne vous autorisaient-ils pas ce qu’Allah a interdit et vous le rendiez licite ? ». Je répondis : « Oui ». Il dit : « Et bien, c’est en cela que réside votre adoration ! »27 Le savant Mohamed Amin Al Chanqiti commente le verset qui fait l’objet de ce hadith comme suit : « Associer à Allah dans le jugement et lui associer dans l'adoration, signifient la même chose… Celui qui suit un système autre que celui d'Allah, une législation autre que celle d'Allah, il est comme celui qui s'est prosterné devant une idole, il n’y a pas de différence entre les deux, ils sont tous les deux associés à Allah. » La preuve qu’obéir à une autre législation que celle d’Allah est du chirk se trouve dans le verset suivant, où Allah dit : « Il n'associe personne dans son jugement. »28 L’islam est donc un dîne qui appelle à suivre et appliquer les Lois révélées par notre Seigneur, l’Omnipotent, le Sage par excellence, et qui intime à la communauté des musulmans l’ordre d’élever cette parole au-dessus des autres croyances, des autres dogmes, des autres législations. L’islam est donc également incompatible avec des systèmes qui relèguent son expression dans l’espace privé et à l’extérieur des espaces de législation (incompatibilité claire avec la laïcité) ; de la même manière, l’islam est incompatible avec tout système politique qui associe des personnes ou des groupes à Allah dans la Législation (c’est donc incompatible avec l’oligarchie, la démocratie, le communisme, etc.) Aujourd’hui, dans la société contemporaine, et suite à la colonisation et au démantèlement des puissances musulmanes, suite à la chute du califat, suite aussi aux mouvements d’immigration de larges populations musulmanes dans les pays occidentaux, tous ces concepts élémentaires (catégories de Tawhid, Taghout, Chirk dans le pouvoir législatif, Oumma, Législation d’Allah) ont été soit oubliés, soit déformés, soit incompris. Les idéologies occidentales ont imprégné nos cerveaux et nos actes à tel point qu’il faut un effort de réflexion, de méditation et d’apprentissage afin de retourner au sens premier des versets et des paroles de l’Envoyé d’Allah . Comme nous l’avons noté au fil de ces lignes, la communauté musulmane est affaiblie par des lacunes dans ces bases fondamentales, et les coups portés par les idéologies laïques, séculières et démocrates ont été tellement puissants qu’il faut aujourd’hui transmettre le message de la vérité et faire honneur au travail des réformateurs. Et c’est en raison des déviances constatées sur le plan de la Législation d’Allah et les débats sur la laïcité, la démocratie et le nationalisme, ainsi que les nouvelles formes de chirk, que des savants ont élaboré une catégorie qui en réalité découle des trois autres catégories du Tawhid : le Tawhid al 25 26 I’lam al Mouwaqi’ines, volume 1, p. 50 Sourate 9-Verset 31 27 Mousnad d’Ahmed et Tirmidi. Hadith bon, authentifié par Tirmidi, et Al Albani dans Silsilat sahihat, hadith n°3293 28 Mohamed Amin Al Chanqiti, Adwa’ Al Bayane, tafsir de la sourate 9 6 Hakimiyah. Cette catégorie vise à revivifier notre compréhension du dîne d’Allah et à éviter de tomber dans des égarements dont la gravité n’est plus à démontrer. Al Hakimiyah dérive du mot arabe « houkm », qui peut signifier « jugement, loi, pouvoir, décret ». C’est donc une catégorie qui permet d’insister, puisque c’est là que le bât blesse, sur l’importance de juger selon ce qu’Allah a révélé, et l’importance à accorder à l’attribut d’Allah comme Législateur, le Seul à pouvoir décréter ce qui est licite et ce qui est illicite. Les preuves sont : « Le pouvoir [houkm] n'appartient qu'à Allah. Il vous a commandé de n'adorer que Lui. Telle est la religion droite; mais la plupart des gens ne savent pas »29. Il y a de très nombreux autres versets qui insistent sur cela: « Est-ce donc le jugement [houkm] du temps de l'Ignorance [Jahiliyah] qu'ils cherchent? Qu'y a-t-il de meilleur qu'Allah, en matière de jugement pour des gens qui ont une foi ferme? »30. La loi divine est donc la seule que le musulman applique, l’unique corpus juridique qu’il reconnaît, la seule source de loi qu’il avalise : ces principes, au contenu révolutionnaire, impliquent pour les adeptes de l’islam de devenir des résistants et des opposants à l’ordre établi, des réformateurs et des guides, des défenseurs du bien et de la justice, partout dans le monde. Les musulmans sont dès lors chargés de libérer l’humanité des chaines de l’asservissement. Ils inviteront les hommes à s’extraire de la servitude aux êtres humains et aux fausses divinités, balayant ainsi toutes les structures politico-juridiques qui se sont illégitimement accaparées la souveraineté sur les hommes alors que celle-ci ne revient qu’à leur Glorieux Créateur et exclusivement à Lui. Ainsi, l’islam rejette tous les systèmes qui organisent la vie des hommes sans puiser dans les commandements d’Allah et attribuant la légitimité de la loi au peuple ou à toute autre entité. Ni dieu ni maître sauf…Allah, tel est le message de l’islam. Le professeur Mona Aboulfadl explique : « La communauté de l’Islam est née, avec en son centre, la religion de l’unicité de Dieu (Tawhid) et posée sur les piliers de la vérité et de la justice ».31 Le Prophète a dit dans un hadith rapporté par Al Hakim : «J’ai laissé parmi vous deux choses avec lesquelles vous ne vous égarerez pas si vous les suivez correctement : le Livre d’Allah et ma Sunna ». 3° « Al walaa wa al baraa », ou l’alliance et le désaveu L’implication directe de la parole du Tawhid est bel et bien le principe de « l’alliance et du désaveu ». Allah nous recommande de rester une Oumma unie dont les membres s’allient les uns aux autres. Ainsi, al « walaa » engendre rapprochement, amour, solidarité, fraternité, secours et soutien entre ceux qui empruntent la voie du Tawhid : « Et cramponnez-vous tous ensemble au “Habl” (câble) d’Allah et ne soyez pas divisés; et rappelez-vous le bienfait d’Allah sur vous : lorsque vous étiez ennemis, c’est Lui qui réconcilia vos cœurs. Puis, par Son bienfait, vous êtes devenus frères. Et alors que vous étiez au bord d’un abîme de Feu, c’est Lui qui vous en a sauvés. Ainsi, Allah vous montre Ses signes afin que vous soyez bien guidés. ».32 Le second principe est celui du désaveu du chirk et de ses adeptes. En effet, rejeter le chirk uniquement n’est pas suffisant, il faut également se désavouer des partisans du chirk, et ce, peu importe la doctrine qu’ils professent, qu’elle soit chrétienne, hindoue, bouddhiste ou encore séculière-laïque. C’est dans ce cadre que la doctrine du « désaveu » trouve toute sa pertinence. En effet, le mal du chirk ne réside pas uniquement dans l’entité déifiée, parfois cette entité n’est qu’un objet parfaitement inconscient. Le mal réside avant tout dans les paroles et actes des adeptes du chirk ; en se dissociant des mécréants, la différence entre les ténèbres et la lumière s’en trouve d’autant mieux réalisée et mise en évidence. 29 30 Sourate 12-Verset 40 Sourate 5-Verset 50 31 Mona Abul-Fadl, Oumma; la communauté charismatique, IIIT, 2008 32 Sourate 3-Verset 103 7 Détester le chirk, déclarer sa fausseté, s’en éloigner, croire en son invalidité et y voir un mal absolu conduit à considérer les défenseurs du chirk comme étant également dans l’erreur la plus complète, l’impureté et la mécréance, ils seront privés du Paradis et de l’agrément divin. Le Cheikh Ahmed Ibn Atiq disait, comme le rapporte l’ouvrage Dourar Assaniya: « Il n'y a pas dans le Livre d'Allah - après la question concernant l'obligation de se conformer au tawhid et l'interdiction de s'adonner à son opposé - de chose qui n'ait autant de preuves et qui ne soit aussi clairement exposée, que la question d'al walaa wal baraa ». Les adorateurs ou serviteurs d’autres qu’Allah, ceux qui se rebellent contre son commandement ou lui donnent des égaux, qu’ils aient été avertis ou pas, doivent pouvoir trouver dans les musulmans un miroir leur exposant clairement leur koufr (mécréance) et la fausseté de leurs idéologies ou croyances. Ainsi, le prophète Ibrahim mettait en pratique le Tawhid de la manière suivante : « Certes, vous avez eu un bel exemple en Abraham et en ceux qui étaient avec lui, quand ils dirent à leur peuple : « Nous vous désavouons, vous et ce que vous adorez en dehors d’Allah. Nous vous renions, et désormais l’inimité et la haine nous séparent jusqu’à ce que vous croyez en Allah seul. »33 Le cheikh Ali Al Khoudeyr explique dans son livre « Les réalités du Tawhid » que le désaveu des mouchrikines (adeptes du chirk, peu importe la forme que ce dernier puisse prendre) s’accomplit en exprimant de l’animosité dirigée contre le chirk et les mouchrikines, par les paroles et par les actes. Ainsi, le musulman, témoignant cette animosité, se placera volontairement sur une rive et laissera les défenseurs du chirk sur l’autre, tout en gardant un comportement juste, doux et noble mais ferme à l’égard de ces derniers. De cette manière, le vrai et le faux, le bien et le mal, le chemin des croyants et celui des égarés seront clairement différenciés. La démarcation entre le Tawhid et ses adeptes d’un côté, et le chirk est ses adeptes de l’autre, apparaîtra de façon éclatante. Le Messager d’Allah précisait qu’aimer pour Allah et détester pour Allah est le summum de la foi. Il disait, comme le rapporte l’imam Tirmidi: « Les anses les plus solides de la Foi sont l'amour pour Allah et la haine pour Allah. » Quel meilleur moyen pour se rapprocher d’Allah que de détester le chirk et ses adeptes et aimer le Tawhid et ses partisans ? Selon Abou Daoud et Al Baghawi, le Prophète a dit: « Celui qui aime pour Allah, déteste pour Allah, donne pour Allah et retient pour Allah, il a parfait la Foi. » Et pour finir, sache cher frère, chère sœur, que comme nous le rappelle l’imam Ibn Qayyim : « Le Tawhid est ce qu'il y a de plus clair, de plus noble, de plus propre et de plus pur, ce qui fait que la moindre chose peut le ternir et s'y imprégner. Le Tawhid est comme le plus blanc des tissus que la moindre trace peut souiller, il est comme le plus pur des miroirs dont la moindre saleté peut ternir la luisance, et c'est pour cela que la distraction peut lui nuire, ainsi que les paroles futiles, et les passions discrètes, son détenteur (mouwahid) doit alors tout mettre en oeuvre pour le perfectionner ou bien alors ses mauvaises passions finiront par prendre le dessus et devenir une tache sur son coeur bien difficile à enlever. »34 Et Allah est le plus savant. Qu’Allah fasse de nous des musulmans authentiques sous l’étendard du Tawhid ! L’équipe du CRM. https://www.facebook.com/CrmCollectifReflexionsMusulmanes Ramadan 1434, Juillet/Aout 2013
[email protected] 33 34 Sourate 60-Verset 4 Ibn Qayyim, Fawa’id 8 Ne pas jeter sur la voie publique.