UNIVERSITE HASSIBA BENBOU ALI –CHLEFDEPARTEMENT DE FRANÇAISModule : Sociolinguistique Enseignante : Melle. MEDANE Niveau : 3éme année LMD 2012-2013 Cours n°2 Qu’est-ce que la sociolinguistique ? Introduction : Initialement décrite comme une des branches de la linguistique externe par le fait qu’elle serait une sorte de rencontre entre une théorie linguistique et une théorisation sociale, voire sociologique du fait linguistique, elle tend à devenir – au moins dans les pratiques de recherches – une discipline autonome et distincte de la linguistique parce que son objet de recherche n’est plus le même. En effet, même si le terme langue est commun aux deux disciplines, pour la seconde, langue renvoie à un objet tendanciellement homogène (sans exclure les variations… du système), pré- existant à ses usages, posé comme un outil de communication bref à un système dont il convient surtout de faire la description, quand pour la première, langue renvoie à un objet nécessairement hétérogène, nécessairement produit des usages sociaux, plurinormé, engageant fondamentalement la construction des identités, la socialisation, le rapport au monde, bref un objet complexe qu’il importe bien entendu de décrire mais en lien avec la recherche d’une intelligibilité sociale tant de la description elle-même que des rapports entre les phénomènes langagiers et les phénomènes sociaux. Définir la langue d’un point de vue sociolinguistique Suivant une tradition scientifique bien établie en linguistique interne (contestée par la sociolinguistique), ne peuvent prétendre au statut de langue que des systèmes linguistiques tendanciellement homogènes. Le terme langue renvoie d’un point de vue sociolinguistique à ce que Philippe Blanchet (1998 : 50) définit comme un réseau minimal (du point de vue linguistique) de variétés (en quelque sorte un système de systèmes) identifié par un même terme et une conscience linguistique spécifiques. Autrement dit, des individus et/ou groupes d’individus décident, selon une dynamique sociale qui peut être fort diverse, de survaloriser des traits de proximité entre variétés (et non plus de faire l’inverse) pour construire la conscience d’une intelligibilité suffisante pour activer les discours métalinguistiques permettant son amplification et le sentiment d’une unité identifiante ; qu’ils proposent ou choisissent de dénommer ce processus, alors implicite, pour le distinguer des autres processus d’identification, fait de ce processus une langue. Dit autrement (Bulot, 2004), une langue est ainsi non seulement une pratique discursive (une pratique du discours) mais encore des pratiques discursives sur ce discours (un discours sur la pratique) ; cela implique d’avoir des outils de description et d’interprétation qui appartiennent à ces deux niveaux et, qui plus est, procèdent de l’un et l’autre. Cela signifie que le concept de langue renvoie en l’état à une production tierce, c’est-à-dire : 1. nécessairement sociale : une langue n’existe que parce que les locuteurs intériorisent son existence via des/leurs pratiques linguistiques tant représentées qu’effectives ; effectivement, deux systèmes linguistiques identiques sont des langues différentes si leurs locuteurs respectifs les construisent ainsi. Le concept même de « frontière linguistique » n’échappe pas à cette détermination (Bavoux 2003 : 25) : les langues sont construites distinctes pour assurer, en toute hétéronomie, la part identitaire de chaque communauté sociale qui à la fois se l’approprie et la produit (Bulot, 2004), 1 mouvement des populations. des rapports aux idéologies. 17) : "Du fait que la langue est un fait social il résulte que la linguistique est une science sociale. Antoine : "L’état actuel des études de linguistique générales". la sociolinguistique est admise comme une discipline où l’on admet le travail pluridisciplinaire (ethnologie. Dans l’état actuel. et le seul élément variable auquel on puisse recourir pour rendre compte du changement linguistique est le changement social. structure de la communication. prestige culturel. Champion. pourquoi ça marche comme cela (qui implique qu’être sociolinguiste suppose des connaissances théoriques et méthodologiques en plus et hors du seul champ linguistique) ". socialement. tandis que le sociolinguiste. stratification sociale du langage. chargement linguistique en cours. officialisation). constituée par et pour un système d’interactions entre des locuteurs sur une aire territorialisée. c’està-dire un espace de légitimité sociale que les mêmes locuteurs construisent comme étant celui d’une légitimité d’usage linguistique. Qu’est ce que donc la sociolinguistique ? Définir la sociolinguistique n’est pas une tâche véritablement aisée dans la mesure où si ce que l’on appelle la linguistique est relativement consensuel ou pour le moins socialement identifié. démographie …. se pose essentiellement la question de savoir comment ça marche.2. Boyer dans Sociolinguistique. pidginisation. ce que les chercheur-es nomment telle renvoie à des pratiques de recherche. stylistique. la sociolinguistique francophone est plus récente encore dans la mesure où elle constitue une critique radicale (Marcellesi. Dans les faits. repris dans Linguistique historique et linguistique générale. Son objet d’étude est orienté vers l’étude des rapports langue / société vis-vers ça. 3. le débat sur la délimitation de l’objet d’étude de la sociolinguistique et le choix d’une dénomination exacte a connu une diversité de propositions d’où un désaccord entre plusieurs écoles de pensée. créolisation. diverse et hétérogène : son usage varie localement. géographie. 2003) mais en même temps constructive et active des premiers moments et des limites de la linguistique. etc. A ce titre beaucoup de question surgissent. à l’intervention.etc. le sexe des interlocuteurs. ethnographie de la communication. Mais à un moment donné. Paris. comportement bilingue et multilingue. les genres de discours. selon les types d’interaction. la diversité des approches peut laisser croire à une dilution du champ. ce qui pousse lentement la sociolinguistique à étudier le rituel ethnique et son rapport avec le linguistique ou encore à étudier la situation sociale des langues tout en essayant de décrire ou d’expliquer ou à faire entrer en jeu des facteurs sociaux tel que la dominante politique ( décision. attitude envers le langage. 1921 (rééd. Non seulement parce que chaque communauté linguistique a ses propres questionnements. philosophie. mais encore parce que si on ne se cantonne qu’à la seule dimension francophone. tout en se posant cette question (ce qui signifie qu’être sociolinguiste implique des compétences quant aux outils descriptifs des formes) doit compléter son questionnement. variation linguistique. anthropologie. linguistique). p. courant économique. leçon inaugurale au Collège de France (13 février 1906). Territoire et objets (Delachaux et Niestlé. à l’éthique qui diffèrent. des positionnements théoriques. histoire. analyse du discours… Quelques définitions de la sociolinguistique : - Meillet. 1996) : 2 . L’une des façons de formuler la distinction entre linguistique et sociolinguistique est d'opposer deux formulations : le linguistique qui observe et décrit la langue ." - H. 1965. Malgré le désaccord entre les uns et les autres une attitude de compromis a permis de donner fin à cette crise et à admettre la possibilité de regrouper sous le terme sociolinguistique plus d’une douzaine de domaines : standardisation et planification des langues. psychologie. Ce pôle peut être défini comme celui de la sociolinguistique des institutions. polynomie). psychologie. à telle interaction entre deux ou plusieurs interlocuteurs. « De la crise de la linguistique à la linguistique de la crise : la sociolinguistique ».] notre objet d’étude est la structure et l’évolution du langage au sein du contexte social formé par la communauté linguistique. la coexistence de plusieurs systèmes et l’évolution dans le temps de ces règles et de ces systèmes. Et là nous renvoyons au second module de ce cours…. Louvain BOYER H. pp. Les sujets considérés relèvent du domaine ordinairement appelé "linguistique générale" : phonologie. Peeters. 3 . mais partiellement incomplète.B. LABOV W. des types de variations. au sens strict du terme. Delà chaux et niestlé. Champion..fr http://creoles.. William. Rennes. concerne davantage les pratiques "à la base". psycholinguistique (qui étudie en particulier les mécanismes psychologiques liés à l’appropriation et à l’utilisation du langage). philosophie. 2008) dans le rapport à ce qu’il est convenu de nommer le terrain.fr/sociolinguistique/definitions.Il essaye dans l'article introducteur. celui de la micro-sociolinguistique. tels la forme des règles linguistiques. l’une des façons rapides et commodes de définir la sociolinguistique est de dire qu’elle étudie la co-variance entre langue et société.. 1976.. sociologie. Sitographie : www. de la structure sociale. Sociolinguistique. je dirais volontiers qu’il s’agit là tout simplement de linguistique. il faut reconnaître que le territoire du sociolinguiste au sein de la "linguistique" conçue comme ensemble disciplinaire est un territoire perméable aux ensembles disciplinaires connexes : anthropologie. Presses Universitaires de Rennes 2. Perméable également aux autres linguistiques : sémiotique et linguistique textuelle (qui s’intéressent à l’organisation et à la cohérence des discours). Territoire et objets. Cette définition reste intéressante. pragmatique linguistique et analyse conversationnelle (attentives à la structure des échanges et aux interactions qui s’y réalisent). - Labov. Paris. Car une discipline se caractérise aussi par son champ d’intervention.free. "L’état actuel des études de linguistique générales". 2001. 9-10).. Introduction à la complexité de l’enseignement du Français Langue Étrangère. 1976 : "[. dans Sociolinguistique (épistémologie. 1996.. 2003 (1980). 1921. 258) Conclusion Au final. Sociolinguistique. Cahiers de Sociolinguistique 6. "Les domaines de la sociolinguistique". Meillet Antoine. de préciser comment situer la sociolinguistique par rapport aux disciplines voisines : "En première approximation. La question n’est pas tant de savoir ce qui enclenche ledit changement que d’en comprendre les enjeux sociaux.sociolinguistique. des pratiques linguistiques de groupes. Ed. Cette dernière discipline.htm. repris dans Linguistique historique et linguistique générale. on cherche à comprendre les rapports dialectiques qui existent entre le changement linguistique (ce que l’on appelle les langues mais plus encore tout ce que l’on parle et écrit en relevant change) et le changement social (les sociétés perdurent mais sont dynamiques)." (p. Éditions de Minuit. leçon inaugurale au Collège de France (13 février 1906). de Minuit. les enjeux circonscrits à telle pratique de communication. ethnologie. L’autre pôle. ethnolinguistique (attachée à décrire toute sortes de langues) et dialectologie (qui s’est donné pour tâche de répertorier la variation géolinguistique en fonction des parlers toujours en vigueur ou des substrats de langues actuelles). du reste. Autrement dit. Paris. Paris.. chevauche largement l’un des pôles du domaine. S’il n’était pas nécessaire de marquer le contraste entre ce travail et l’étude du langage hors de tout contexte social. Sociolinguistique. sans oublier la sociologie du langage. 5-11. leur combinaison en systèmes. Lausanne BULOT T. 1998. L’Harmattan. morphologie. histoire. MARCELLESI J. langues régionales. celui de la macro-sociolinguistique.. Références bibliographiques : BLANCHET P. 9-34. Les problèmes théoriques que nous soulèverons appartiennent également à cette catégorie. syntaxe et sémantique. « L’essence sociolinguistique des territoires urbains : un aménagement linguistique de la ville ? ». Ce qui va caractériser la sociolinguistique plus avant est qu’elle tend à s’inscrire de plus en plus dans le champ des sciences sociales : les recherches sociolinguistiques questionnent le champ même de l’intervention (Bulot.." (pp. dans Sociolinguistique urbaine (Variations linguistiques : images urbaines et sociales). 39-68.