Chevalier, Les Journalistes Du Net Au Yemen

March 16, 2018 | Author: ChevalierPatrice | Category: Yemen, International Politics, Publishing, Freedom Of Speech, Internet


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Patrice Chevalier (Gremmo) INFORMERAU YÉMEN : LES JOURNALISTES DU NET « Les journalistes ont peur. La liberté d’expression n’existe plus au Yémen ! » affirmait récemment un journaliste de presse écrite. Interrogé sur les conditions d’exercice de sa profession, il résumait en ces termes abrupts le rétrécissement progressif du champ politique et le durcissement du contrôle exercé par l’État. À défaut d’avoir été totale, cette liberté d’expression, permise par la constitution et réglementée par la loi de la presse et des publications de 1990, connut son « âge d’or » entre 1990 (date de la proclamation de la République du Yémen avec la réunification des ex-Yémen Nord et Sud) et 1994 (date de la guerre civile). Si certains sujets ont toujours été condamnés par les textes (remise en cause de l’unification et atteinte à la sûreté de l’État), d’autres interdits, tacites, s’y ajoutent à partir de 1994 (critique du président, corruption/argent du pétrole/budget de l’État, relations yéméno-saoudiennes). Conscients des lignes rouges à ne pas dépasser, les journalistes yéménites pouvaient néanmoins exprimer les opinions les plus diverses à travers une grande variété de titres (journaux indépendants, journaux d’opinions et organes de partis politiques 1). Dans un ouvrage paru en 1999, al-Mu‘îd fait état d’une presse yéménite florissante et témoignant encore de cette liberté. C’est le 11 septembre 2001 qui, selon le Yemen Times, constitue le véritable tournant2. Contraint de se positionner aux côtés des États-Unis dans la Global War on Terror (pour éviter au Yémen d’être placé sur la liste des Rogue States comme en 1991), le président ‘Alî ‘Abdallah Sâlah applique l’une de leurs exigences, à savoir le Law & Order, en mettant l’accent sur le second terme (Burgat, 2006, p. 12). Sous couvert d’« ordre » et de lutte contre le terrorisme, le pouvoir menace et/ou entame des actions judiciaires contre des journalistes ayant critiqué le gouvernement, tant pour son rapprochement avec les Américains que pour son incapacité à gérer une situation politique et économique de plus en plus délicate (guerre civile à Sa‘ada, velléités de sécession dans l’ex-Yémen du Sud, appauvrissement rapide d’une majorité de Yéménites). Des journalistes sont menacés, frappés ou emprisonnés, des journaux sont suspendus, saisis au sortir de l’imprimerie, connaissent des retards de distribution… Dans ce contexte, l’internet se développe en tant que support et vecteur d’information. Pour palier aux problèmes de fabrication ? Pour contourner la censure ? Quelle que soit la réponse, il reste que les journalistes professionnels n’ont désormais plus le monopole de l’information face à l’émergence d’un « journalisme citoyen ». La presse traditionnelle s’empare du Net Des journalistes de presse papier. En effet. en chattant sur internet. prend conscience. originaire de Mârib. journaliste et rédacteur en chef de l’hebdomadaire al-Shûra (un organe du par de l’Union des forces populaires). Par lui. jugé et emprisonné pour avoir dépassé les lignes rouges en écrivant notamment sur le budget de l’État et la corruption.L’internet est introduit au Yémen en 1996 via les compagnies TeleYemen et Public Telecommunications Corporation.al-shora. à prévenir les aléas de fabrication et à rester présents sur le front de l’opinion.net Début des années 2000. pour quelques journaux d’opposition régulièrement suspendus. a peu investi ce domaine et semble s’en désintéresser. Décidé à « promouvoir Mârib et sa région » en qualité de journaliste. crée un site web (www. Obtenant le soutien des autorités locales. lassé de voir son journal fermé puis proprement contrôlé par l’État. C’est le cas par exemple de Muhammad al-Sâlihî qui fonde le webzine Marebpress en janvier 2006.se révèle rapidement être un moyen de contourner les interdictions à paraître. de l’image désastreuse de sa région auprès de ses concitoyens3. la publication sur internet . battu. Muhammad al-Sâlihî dépasse l’objectif touristique. les grands journaux yéménites visent à gagner un lectorat extérieur (la presse papier n’étant pas. L’État.qui échappe au cadre législatif .net) destiné à devenir l’unique support de ses articles. finiront par ne plus exister que sous leur version numérique. Par ailleurs. Quelques journaux d’opposition. controversés ou censurés se tournent naturellement vers le Net qui tend à devenir pour eux un refuge. et la censure. témoigne de leurs problèmes. (Illustration 01) De nouveaux journalistes : l’exemple de Marebpress. Contrairement aux journalistes yéménites à qui il reproche de ne pas vérifier leurs sources et de diffuser des rumeurs sans fondement à partir de leur salon. il imagine d’abord créer un journal papier avant d’opter. illustre parfaitement ces deux cas de figure. nombre de responsables de journaux partisans considèrent que créer et maintenir un titre (papier ou numérique) relève moins d’une entreprise lucrative que de la nécessité de participer au débat public. il va à la rencontre des gens. qui en raison du nombre restreint d’internautes. les possessions terriennes du président ou encore les « héritiers du pouvoir ». pour le format du webzine. Peu à peu. une ville à l’ouest de la capitale où il suit des études d’informatique. diffusée hors du pays). n’a pas pris conscience de l’impact à venir de la nouvelle technologie. il inaugure début 2003 le prototype de ce qui deviendra plus tard Marepress : Marecity. l’internet attire des personnes extérieures au monde des professionnels de l’information. mais c’est à partir de 2000 qu’il fut utilisé à des fins d’information. Muhammad al-Sâlihî. Néanmoins. renonçant à la version papier. La version numérique est d’ailleurs souvent la copie conforme de la version papier. Plusieurs fois menacé. al-Khaywânî. au vu des coûts d’impression faramineux et des longues procédures administratives. sauf exception. Le parcours de ‘Abdulkarîm al-Khaywânî. . Parmi ces collaborateurs occasionnels. Le gouvernorat le prive alors de sa subvention et fait fermer Marebcity fin 2005. Grâce à son équipe de six journalistes. fait rare au Yémen. nouveau site totalement indépendant du soutien financier de l’État. Aden et Mârib. internationaux et nationaux. en ArabieSaoudite. il n’a pas de concurrent direct. À la différence des autres journaux ou sites web qui se focalisent sur les questions politiques. « La particularité de ce site et ce qui le rend attractif tient à la nature des sujets traités ». ces journalistes font du reportage.alexa. en dépit des freins que lui oppose le gouvernorat4. même si beaucoup rechignent à l’avouer. au Canada. politiquement neutre. Marebpress est quasiment le seul média à s’intéresser aux Yemeni Stories et aux problèmes quotidiens des personnes interviewées. Néanmoins. Marebpress est un site d’information indépendant. l’équipe est composée d’autodidactes formés à l’écriture à travers leurs interventions dans des forums de discussion. et qui est à la recherche d’une presse de qualité traitant du Yémen. Avec des lecteurs qui appartiennent vraisemblablement à une élite intellectuelle et urbaine. ce qui se traduit par une meilleure qualité de l’information.com . il est également devenu une référence pour des journalistes de presse papier qui y puisent leurs informations. ce sont les Yéménites de l’étranger (voire des étrangers tout court) qui constituent la majorité du lectorat5. on compte une journaliste palestinienne de Gaza qui leur fournit régulièrement des exclusivités. Dès son lancement. ancien journaliste d’al-Jazîra résidant aux États-Unis.de la corruption au sein du gouvernorat… Ce n’est pas du goût des autorités mais al-Sâlihî refuse de se laisser dicter une ligne éditoriale. Ta‘izz. Marebpress. tous originaires d’une région spécifique dont ils ont la responsabilité au sein du journal. ainsi que des correspondants basés en Grande-Bretagne. souvent jeune. Tous ont à cœur de témoigner de la réalité des Yéménites vivant dans ces différentes parties du monde. Dhâla. En outre. est lancé début janvier 2006. Officiellement. au regard d’un État affirmant que le Yémen connaît une période de stabilité sans précédent et que les problèmes y sont soit . Premier site d’information yéménite consulté après seulement un an et demi d’existence. al-Sâlihî est le seul à interviewer et photographier les kidnappeurs. À l’exception d’un de ses membres ayant étudié le journalisme au Caire. seul site indépendant et fiable. Survient l’enlèvement d’un groupe de touristes italiens dans la région : profitant de sa présence sur place. en Iraq. attire donc l’attention des médias traditionnels. Marebpress. Damt. donnant droit d’expression à toutes les tendances. Marebpress couvre la presque totalité du pays depuis Sanaa. etc. À ce noyau dur s’ajoutent des volontaires : journalistes ou intellectuels yéménites résidant au Yémen ou à l’étranger et travaillant déjà pour d’autres titres. témoigne un journaliste du Yemen Times. L’AFP et Reuters reprennent son article et achètent les clichés. Munîr al-Mawrî. Au final. Marebpress affichait une moyenne de 26 000 internautes par jour entre septembre et décembre 2007 selon le site spécialisé www. d’un shaykh de Ma’rib. directeur de www. soit inexistants. le Diwân al-yamanî. il est évident qu’un site publiant des articles traitant de la guerre civile à Sa‘ada ou des fac-similés prouvant la corruption de certains membres du gouvernement lors d’accords pétroliers. dans un pays où la presse est davantage une presse d’opinion que d’information. former et embaucher plus de journalistes. La majorité de ces internautes n’intervient pas . Même si l’on constate une forte baisse de sa fréquentation depuis le mois de septembre 20077. Ces forums yéménites sont en majorité locaux ou thématiques. autorisés à censurer tout internaute outrepassant les limites de la bienséance (souvent religieuse ou sexuelle). il pressent plutôt que le pouvoir la restreigne encore. femme.org ou al-yemen. la ligne éditoriale du site qui consiste à informer et seulement informer dérange 6. Selon Nabîl al-Sûfî. hommes et femmes confondus.org) qui. d’un directeur d’hôpital… Fort du succès de son site. il faisait état d’environ 55 000 internautes quotidiens en septembre 20078.net. informatique. Cela dit. En outre. Le but des créateurs est avant tout la mise en relation de Yéménites. Le premier forum yéménite. Les initiatives de ce type se sont depuis multipliées. il est le plus ancien forum existant. mais. en vertu de sa qualité reconnue. al-Sâlihî souhaite aussi instaurer une consultation semi-payante et. chaque internaute rédigeant ou réagissant à certains des articles en fonction de ses intérêts. al-Sâlihî ne cache pas recevoir de l’argent de mécènes proches de partis d’opposition. soit trois ans après l’apparition de l’internet au Yémen. vraisemblablement par un opposant au régime. éducation/culture. al-Sâlihî a ouvert une version anglophone fin janvier 2008.newsyemen. bénéficie d’une audience nationale. même s’il doute qu’elle puisse être réellement efficace. et de créer des conditions d’échange et de dialogue. Ces forums sont. Les forums internet : émergence d’un journalisme citoyen. « modérés » par les administrateurs de sections. notamment via une loi spécifique aux médias en ligne. avait été lancé en 1999. aujourd’hui disparu. Tous les forums adoptent un format structuré en sections thématiques qui varient très peu : informations/politique. outre la vente de photos. « réussir à faire communiquer hommes et femmes est un exploit à mettre au crédit de ces forums9 ». ses sources de financement proviennent essentiellement de commerçants.mineurs. fait forcément partie de l’opposition. people/funny . lancer un service de messagerie téléphonique. à l’exception du Majlis al-yamanî (ye22. Al-Sâlihî estime peu probable qu’elle s’améliore dans les prochaines années . grâce à ces revenus supplémentaires. comme partout. Parallèlement aux webzines sont apparus des forums de discussion (muntada) qui jouent un rôle non négligeable dans la diffusion d’informations et le débat d’idées. Créé au Caire en 2000. islam. littérature/poésie. Visant des accords de partenariats avec des médias internationaux. Seul bémol à ses rêves : la liberté d’expression des médias. tant au Yémen qu’à l’étranger. santé. Des traductions germanophones et francophones sont à l’étude. D’autres. En outre. tentant de diffuser des idées nouvelles issues de leurs expériences vécues « ailleurs » . ne doit cependant pas être sous-estimé. de l’autre. souffrant de ce monde individualiste qui les rejette et utilisant les forums pour conjurer leurs concitoyens de conserver leur vie. ces « journalistes citoyens » profitent de cet espace de liberté pour aborder des sujets sensibles sur le plan social ou politique. surtout pas au sein de la presse traditionnelle qui offre moins de liberté. et par conséquent peu ou pas traités dans la presse traditionnelle.e. à attaquer frontalement le Président. au point d’espérer donner naissance à des groupes de pression capables d’influer sur certaines décisions du gouvernement. à notre connaissance. Conscients de l’impact potentiel de leurs articles. Néanmoins. Ils sont généralement jeunes (18 à 40 ans) et éduqués. écrivent dans ces forums sans attendre la moindre efficacité de leurs interventions sur le plan politique. bien que minoritaire. arguant du fait que trop peu de Yéménites ont accès à l’internet. on voit poindre une forme de journalisme citoyen qui. Même si l’on note la présence de quelques opposants politiques qui profitent de cet outil pour propager leurs discours politiques au Yémen. certains internautes ont en effet très à cœur de s’exprimer sur des sujets pouvant faire débat et école. les journalistes alimentant les sites d’information restent tenus à une certaine rigueur professionnelle. leurs traditions. ou de la surveillance des services secrets. la majorité des visiteurs des forums se connectent depuis l’étranger11 et il ressort que bon nombre de Yéménites expatriés les utilisent pour garder le contact et se tenir informés des évolutions en cours dans leur société. . des Yéménites le plus souvent désillusionnés par l’Occident. moins optimistes. le cas échéant. la liberté d’expression et le pouvoir Soumis à la relecture d’un rédacteur en chef. les utilisateurs se répartissent selon deux grandes catégories : d’une part.e. les sections les plus visitées sont généralement people/funny. Intellectuels. celle des « passeurs ». peu d’entre eux ont songé à devenir journalistes et. ils sont conscients des limites à ne pas franchir sous peine de représailles. les Yéménites bien intégrés dans leur pays d’accueil (essentiellement les pays arabes). i. i. Le net. Cela n’empêche pas certains webzines de tester les réactions du pouvoir en franchissant prudemment certaines lignes rouges même si aucun webzine ne s’est pour le moment risqué. Ce que mettent en exergue les internautes interviewés. c’est l’anonymat dont ils bénéficient dans le Majlis al-yamanî10. étudiants ou encore militants de partis politiques. économiques ou sociaux agitant le Yémen actuel . celle des tenants du « choc des civilisations ». littérature ou encore informatique. leur culture.régulièrement sur les sujets politiques. A l’abri des réactions de leur famille. Comme dans le cas des webzines. Certains professionnels de l’information avouent fréquenter assidûment ce(s) forum(s) pour s’informer ou s’exprimer sur des sujets prohibés de leurs propres colonnes. aux yeux des observateurs étrangers. avant de conclure à un appel à la sécession. certains livraient une analyse de la situation politique yéménite pour le moins inhabituelle : « Le Sud du pays est colonisé par le Nord qui lui-même se trouve sous le joug de la tribu du Président ». le pouvoir reprochant principalement à leur auteur. Depuis deux ans. simple « mise en garde » due au fait qu’al-Salihî n’a pas le même contentieux avec le pouvoir qu’al-Khaywânî. jouit d’une liberté de ton peu commune dans la région. le pouvoir use néanmoins de la censure. Néanmoins. en effet.net a été momentanément interdit après la publication d’articles sur la guerre civile à Sa‘ada. d’une façon toutefois plus conforme au discours officiel. Inculpé puis emprisonné au mois de juin 2007. affirmaient-ils. ‘Abdulkarîm al-Khaywânî. Ceci n’a pas empêché Marebpress de publier d’autres articles sur le sujet. même si celle-ci. ils ne s’embarrassent pas de circonvolutions pour donner leur opinion. Le pouvoir ne lui a pas intenté de procès mais al-Sâlihî a reçu la visite de la police politique qui l’a menacé de sévices.com (opposition islamiste) ou le Maljis al-yamanî qui avaient témoigné d’une trop grande hostilité envers le président-candidat durant les élections de 2006. le jour même de cette fermeture. nasspress. dans le Majlis al-yamanî. en juin 2007. cette opinion n’aurait pu être imprimée dans la presse. plusieurs articles sur Sa‘ada.com n’était pas un bon exemple pour la liberté de la presse »… En juin 2007. Néanmoins. Même si aucune législation ne régit encore ce domaine. il a ensuite été libéré pour raison de santé et attend aujourd’hui son jugement12. la stratégie du pouvoir à l’encontre des forums se veut plus « discrète » et spécifique en utilisant notamment des intervenants chargés de diffuser la parole officielle. certains sites basés dans le pays.Quant aux internautes utilisant les forums de discussion. Les utilisateurs de Marebpress affirment ainsi que durant les présidentielles de septembre 2006. le ministre des Télécommunications a déclaré que « par ses exagérations. puis à une grâce du président qui voudra faire bonne figure devant la communauté internationale. tels alshora. Dernièrement. plus temporairement. Passable des plus lourdes peines d’emprisonnement prévues par la Constitution de 1990. nasspress. al-shora. le pouvoir yéménite prend la mesure du potentiel oppositionnel de l’information circulant sur l’internet. et ce probablement parce qu’un internaute y avait appelé à la sécession du Sud . Il arrive que des forums de discussion soient eux aussi momentanément censurés. d’avoir été en contact avec les « rebelles » et d’avoir dévoilé des informations sur la situation dans le Nord. bloquant les sites d’opposants sudistes exilés à Londres ou au Caire et. qui échappent aux prérogatives de son collègue à l’Information. al-Khaywânî n’exclut pas un très opportun accident de voiture13… Marebpress a également diffusé.net (opposition zaydîte). le ministre de l’Information déclarait que la liberté d’expression ne devait pas servir à propager des écrits appelant à la fitna (« sécession » dans ce contexte) et au chaos14. Lui et son avocat s’attendent à une lourde peine. cinq internautes au « style agressif » semblaient avoir clairement . Ce fût le cas du Majlis al-yamanî début 2008. Pour ces mesures. issus de milieux sociaux les plus divers. Mais de l’avis des internautes. les journalistes yéménites se servent d’internet pour vérifier des informations quand ils ne cherchent pas leur source d’inspiration dans les webzines. Les étudiants. en compilant les articles intéressants pour les transmettre à leur famille et à leurs amis restés au pays. et ce à mesure que la parole des internautes se libère. du matin au soir. pour relayer sans nuance le discours officiel et contredire les internautes proches (des idées) des partis d’opposition. préférant de beaucoup s’informer sans bouger de chez eux. De . mâchent du qât en discutant de toutes sortes de choses. les qualifiant de “ séparatistes ”. tout comme la presse écrite papier. paraît vouloir reprendre le contrôle d’une opinion à qui il aurait jusqu’ici laissé trop de liberté. de “ terroristes ” ou encore d’“ imâmites ”. ils insultent les personnes critiquant le pouvoir. le débat d’opinion. qui semble saisir davantage les enjeux. Les familiers des forums ne s’y trompent pas et accueillent ces interlocuteurs d’un “ Bienvenue ! Nous savons qui vous êtes et vous n’avez rien à faire ici ” ». le gouvernement ne serait pas en mesure d’imposer un contrôle total. Reste que la situation de la liberté d’expression ne s’améliore pas. et notamment de politique et de problèmes sociaux. ces longues séances durant lesquelles les Yéménites. un journaliste de presse écrite notait que des personnes susceptibles d’appartenir aux services secrets participaient aux discussions du Majlis al-yamanî : « Il ne s’agit pas de simples internautes favorables au président . à sa propre échelle. leur portée ne peut manquer de s’élargir. il est trop tard pour revenir en arrière : même si une loi devait être votée. L’utilisation de l’internet semble néanmoins avoir d’ores et déjà instauré quelques changements dans la pratique journalistique. les sites internet semblent être de plus en plus souvent la cible de la censure. devienne une sorte de passeurs d’idées auprès de sa communauté d’origine et renouvelle ainsi. Grâce aux maqyâl-s. Quelles perspectives ? Si. Peu rompus aux exercices d’enquête ou de reportages de terrain et.pour mission de promouvoir le candidat officiel alors que le forum (et le site) montraient une préférence pour le candidat de l’opposition conjointe. bien au contraire. ils sont là. Malgré les déclarations officielles du gouvernement affirmant qu’elle est l’une de ses préoccupations principales. les webzines et forums de discussion concernent à priori et avant tout une « élite ». bien peu d’internautes envisagent un avenir sombre. À l’occasion. Sans être optimistes sur le court terme. ces informations issues de la toile sont à leur tour répercutées en milieu urbain rural mais également à la campagne dans la mesure où il n’est pas rare qu’un des enfants de paysans. Le pouvoir. Dernièrement. opposants et intellectuels yéménites vivant à l’étranger relaient de plus en plus systématiquement le contenu de sites censurés au Yémen. devenu internaute dans le cadre d’études supérieures menées au Yémen ou à l’étranger. l’internet pallie certaines lacunes. C’est notamment grâce à ses enquêtes de terrain que le site d’al-Sâlihî a bâti son succès auprès de grandes agences de presse occidentales. dans un pays où les statistiques manquent cruellement. grâce aux journalistes et intellectuels expatriés qui relaient (via des mailing lists) auprès de leurs collègues restés sur place ce qu’ils trouvent sur les sites censurés. face à l’émergence d’un journalisme citoyen concurrent.plus. en ne se contentant plus de véhiculer des opinions mais en signant des articles nourris. et où la communication officielle est loin d’être satisfaisante. en citant parfois la source15. des articles qui reprennent ces informations. Cette mise en circulation spontanée des informations « interdites » s’accélère et il est de plus en plus fréquent de lire dans la presse écrite yéménite d’opposition. D’autre part. on constate que des journalistes du web (Marebpress) instaurent de nouvelles méthodes de travail. La réussite de ce webzine incitera-t-elle des journalistes yéménites de la presse papier et numérique à travailler de façon plus « professionnelle » ? La question reste ouverte. Le fait s’avère d’autant plus important à souligner qu’une des caractéristiques des médias yéménites est le manque d’impact extérieur. étayés et pertinents. mais il probable que. la presse yéménite a accès à davantage d’informations. . les professionnels de l’information aient de plus en plus à faire preuve d’un réel savoir faire. Enfin. le procès devrait se dérouler en février 2008. nous mettons la réalité entre tes mains »). Égypte 7. Jordanie 4 %. 7 Trentième site le plus visité au Yémen. Thawra al-sahâfa al-yamanîya. rudes. 9-21. 9 Déclaration lors d’un colloque patronné par l’UNESCO sur la diversité culturelle (20-21 janvier 2008).9 %. Lire également Bashir al-Sayyed. Arabie Saoudite 10. in Critique internationale. 10 Chaque internaute doit s’inscrire avant de pouvoir participer à un forum . 8 Chiffre relevé le 9 septembre 2007 sur Alexa. 14 Cf. Sanaa. Selon cet article. Alexa. avril-juin 2000. BURGAT. AL-Mu‘îd. cette inscription est la plupart du temps anonyme (on leur demande seulement de choisir un username). 15 Le 10 janvier 2008 par exemple. seulement 13. en reprenant un article publié sur un site censuré de l’opposition sudiste. sans le dire. Fr. Nâyf Hasan.com. 11 Pour le Majlis al-yamanî par exemple. 3 Précisons que les habitants de Mârib n’ont pas une excellente réputation. Ainsi fichés. Émirats arabes unis 6. juillet-septembre 2006. le nucléaire au Yémen – une promesse électorale du président –. Trois journalistes de presse écrite (du journal alShâra‘). Trégan. « Yémen : jugé pour avoir osé parler d’une guerre oubliée ». 5 À la date du 17 janvier 2008. mais certains forums exigent le nom des internautes. Fr. La documentation française.3 %. p. p.rue89. cette réputation ne s’est guère améliorée depuis que sept touristes espagnols ont été tués lors d’un attentat suicide en août 2007. 6 Le slogan du site est le suivant : « Bi-l-naba’ al-yaqîn nadha‘ al-wâqi‘ bayn yadak » (« Par l’annonce du vrai. François-Xavier. il est probable que ceux-ci hésitent à s’exprimer librement. que ce soit à l’extérieur ou à l’intérieur du Yémen : bédouins.menassat. Selon un article paru en février 2006 dans le journal anglophone Yemen Times.com). Chine 4. « Le Yémen après le 11 septembre 2001 : entre construction de l’État et rétrécissement du champ politique ».8 %. « Les élections présidentielles de septembre 1999 au Yémen : du “pluralisme armé” au retour à la “norme arabe” ». avec une moyenne d’environ 22 000 visiteurs par jour entre novembre 2007 et janvier 2008.5 %. pratiquant volontiers les enlèvements de touristes afin d’attirer l’attention d’un gouvernement les ayant délaissés.8 %.com donnait la répartition suivante (pourcentage des utilisateurs en fonction des pays) : Yémen 26.5 %.marebpress. 25 novembre 2007.2 %. Bibliographie BURGAT.com.net. à la date du 17 janvier 2008. Palestine 3. Mais il n’est pas le seul à avoir été inculpé pour des faits similaires. 18 décembre 2007. le Majlis al-yamanî comptabilisait tout de même environ 20 000 visiteurs à la date du 16 janvier 2008. www. Markaz dirâsât al-mustaqbâl.5 % des utilisateurs se connectaient depuis le Yémen (source : Alexa.com. ‘Abdallah al-Wâhâb ‘Alî. 4 Cf.. 1999. 13 www. . un article estimé hautement coupable bien que non publié » intitulé Le bouc devenu président résumant « les trente années de pouvoir du président ». Nabîl Suba‘y et Mahmûd Taha. ce « procès vise[rait] à instruire. 1990-2000. etc. in Monde arabe MaghrebMachreq 168. Koweït et Allemagne 3. Malaisie 9. “Fearless in Yemen”. attendent également leur procès et risquent la peine de mort.6 %.. Paris. Paris. le journal de tendance socialiste al-Thawrî a abordé un sujet totalement inédit jusqu’alors. 67-75.2 %. Qatar 5. un article de Marebpress paru en janvier 2007 où al-Sâlihî relate les problèmes rencontrés. l’article (sans titre) du 19 janvier 2008 paru dans www. 12 Reporté une première fois. nº 32 (2006/3).1 2 Une soixantaine de titres.
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