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Aspects psychosomatiquesde la consultation en gynécologie CHEZ LE MÊME ÉDITEUR Dans la collection Pratique en gynécologie-obstétrique: CANCER DU COL UTÉRIN, par Ph. MORICE, D. CASTAIGNE. 2005, 256 pages. DÉPISTAGE DES CANCERS GYNÉCOLOGIQUES ET MAMMAIRES , par Ph. DESCAMPS, J.-J. BALDAUF, P. BONNIER. 2004, 176 pages. ÉCHOGRAPHIE ET ÉCHODOPPLER EN GYNÉCOLOGIE, par R.-Ch. RUDIGOZ. 2004. 256 pages. GYNÉCOLOGIE DE L’ADOLESCENTE, par E. THIBAUD. 2005, 230 pages. L’INCONTINENCE URINAIRE DE LA FEMME, par R. VILLET, D. SALET-LIZEE, A. CORTESSE, M. ZAFIROPULO. 2005, 2e édition, 144 pages. L’INTERRUPTION VOLONTAIRE DE GROSSESSE ET SA PRÉVENTION, par J.-C. PONS, F. VENDITELLI, P. LACHCAR. 2004, 352 pages. MALADIES DU SEIN, par A. BRÉMOND. 2004, 224 pages. MANUEL DE SEXOLOGIE, par P. LOPÈS, F.-X. POUDAT et coll. 2007, 480 pages. MÉDECINE ET BIOLOGIE DE LA REPRODUCTION, par S. HAMAMAH, É. SALIBA, M. BENHAMED, F. GOLD. 2004, 2e édition, 384 pages. Autres ouvrages : ADOLESCENCE ET PSYCHOPATHOLOGIE, par D. MARCELLI, A. BRACONNIER. Collection Les Âges de la vie, 2004, 600 pages. AMP. L’ASSISTANCE MÉDICALE À LA PROCRÉATION EN PRATIQUE, par J. LANSAC, F. GUÉRIF et coll. 2005, 2e édition, 602 pages. A SSISTANCE MÉDICALE À LA PROCRÉATION , par F. O LIVENNES , A. H AZOUT , R. FRYDMAN. Collection Abrégés, 2006, 3e édition, 222 pages. DERMATOLOGIE EN GYNÉCOLOGIE OBSTÉTRIQUE, par L. MACHET, L. VAILLANT. 2006, 2e édition, 366 pages. PRATIQUE DE L’ACCOUCHEMENT, par J. LANSAC, H. MARRET, J.-F. OURY. 2006, 4e édition, 553 pages. PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ADULTE, par Q. DEBRAY et coll. Collection Les Âges de la vie. 2005, 416 pages. PROTOCOLES CLINIQUES EN OBSTÉTRIQUE, par D. CABROL, F. GOFFINET. Collection Abrégés de périnatalité, 2007, 2e édition, 256 pages. 40 QUESTIONS SUR LE MÉTIER DE SAGE - FEMME , par C. P ONTE , F. N GYEN , M.-A. POULAIN. Collection Périnatalité, 2007, 253 pages. STÉRILITÉ DU COUPLE, par J.-R. ZORN, M. SAVALE. Collection Abrégés, 2005, 2e édition, 336 pages. Aspects psychosomatiques de la consultation en gynécologie Michèle LACHOWSKY Diane WINAVER Ce logo a pour objet d’alerter le lecteur sur la menace que représente pour l’avenir de l’écrit, tout particulièrement dans le domaine universitaire, le développement massif du « photocopillage ». Cette pratique qui s’est généralisée, notamment dans les établissements d’enseignement, provoque une baisse brutale des achats de livres, au point que la possibilité même pour les auteurs de créer des œuvres nouvelles et de les faire éditer correctement est aujourd’hui menacée. Nous rappelons donc que la reproduction et la vente sans autorisation, ainsi que le recel, sont passibles de poursuites. Les demandes d’autorisation de photocopier doivent être adressées à l’éditeur ou au Centre français d’exploitation du droit de copie : 20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris. Tél. : 01 44 07 47 70. Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés réservés pour tous pays. Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, des pages publiées dans le présent ouvrage, faite sans l’autorisation de l’éditeur est illicite et constitue une contrefaçon. Seules sont autorisées, d’une part, les reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective, et d’autre part, les courtes citations justifiées par le caractère scientifique ou d’information de l’œuvre dans laquelle elles sont incorporées (art. L. 122-4, L. 122-5 et L. 335-2 du Code de la propriété intellectuelle). © 2007. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés ISBN : 978-2-294-06816-4 ELSEVIER MASSON S.A.S. – 62, rue Camille-Desmoulins – 92442 Issy-les-Moulineaux Cedex Avant-propos M. LACHOWSKY, D. WINAVER Cet ouvrage a pour ambition d’être différent des traités ou des manuels médicochirurgicaux classiques en gynéco-obstétrique. Il sera traité ici de la relation médecin-patiente confrontée aux pathologies gynéco-obstétricales, c’est-à-dire de l’approche du malade autant que de sa maladie. Ainsi, les auteurs des différents chapitres abordent leurs thèmes non seulement avec leur savoir, mais aussi avec leur rapport personnel à la médecine et à la prise en charge de leurs patientes. Historique « Les maladies qui échappent à l’âme contribuent à dévorer le corps » dit Hippocrate quatre siècles avant J.-C. Socrate, un siècle avant lui, énonçait déjà: « Les Thraces sont en avance sur nous car ils savent que le corps ne peut être guéri si on ne soigne pas en même temps l’esprit. » Les théories psychosomatiques sont directement issues des postulats freudiens. Freud, avec la découverte de l’inconscient, permet à la psyché de prendre sa place dans un grand nombre de pathologies liées à des troubles névrotiques. Ce sont des médecins psychanalystes qui jettent les bases d’une médecine psychosomatique. Georg Grodeck, dès 1917, veut réunifier le corps et l’esprit: « Ils sont une seule entité hébergeant un “ça”, une puissance par laquelle nous sommes vécus, alors que nous pensons vivre. » La définition de la médecine psychosomatique par Frantz Alexander reste d’actualité: c’est l’usage coordonné et simultané des méthodes d’ordre médical et psychologique. Il n’est donc pas question de suivre l’opinion de Groddeck, soit remplacer le traitement médical par une psychanalyse. Comme Alexander, lui-même psychanalyste et excellent médecin, nous pensons que la médecine psychosomatique est une approche globale de la personne malade, et Ivan Pavlov. Selye poursuit la même démarche et redécouvre le stress. Les neurophysiologistes ont une autre approche de la psyché. à propos d’un cas clinique. Il organise des groupes de médecins qui. Il étudie la dyade constituée par la relation mère-bébé. dans la même ligne. d’abord médecin puis psychanalyste. voire pathogène. Spitz. en 1876. où s’intriquent émotions. ambitionne d’expliquer le psychisme par la seule physiologie. Pour Hans Selye. Pour Marty. les pathologies de l’âge adulte sont la continuité de processus amorcés dans l’enfance. réfléchissent aux difficultés relationnelles dans leur pratique quotidienne.X Aspects psychosomatiques de la consultation en gynécologie pas seulement de son organe malade et de sa maladie. Le premier d’entre eux. Plus tard. L’exagération des réponses issues essentiellement de l’axe hypophysosurrénalien serait nocive. essayant de purifier la psychopathologie de l’odeur de soufre des théories freudiennes sur la sexualité. Elle enseignait aux étudiants du certificat de gynécologie l’écoute. dans les années 1970. Cette attitude nous paraît particulièrement fondée dans le domaine de la gynécologie. mot inventé par Walter B. Une approche originale de cette médecine du corps et de l’esprit est littéralement inventée dans les années 1950 par Michael Balint. parle de « somatisations » chez le nouveau-né sous forme de troubles digestifs ou d’eczéma. le stress est la réaction non spécifique d’un organisme en réponse aux stimuli provenant d’un environnement perturbant. il faut citer un de ses prédécesseurs: René A. Avant de parler de l’École de Paris créée par Pierre Marty. Robert Dantzer suivent les mêmes voies. Henri Laborit et. La gynécologie psychosomatique À la même époque. et à affirmer que l’existence d’une pathologie somatique du nourrisson est liée à une relation spécifique avec sa mère. véritable entité indifférenciée. l’implication person- . En France. contemporain d’Alexander. Il est le premier à filmer des consultations où interagissent mère et enfant. La découverte de son fameux réflexe conditionné permettrait de comprendre l’ensemble des retentissements de la vie psychique sur l’organisme animal et humain. plus récemment. symboles et affects quand sont atteints les organes qui donnent la vie. Cannon en 1911. Hélène Michel-Wolfromm a été la véritable pionnière de la gynécologie psychosomatique. de mieuxêtre. liée à la sexualité. pour découvrir au cas par cas la vérité complexe et unique de chacune. Sans être psychiatre. Cela permet d’éviter une routine professionnelle sclérosante et d’enrichir la relation soignant-soignée. riche de son histoire et de ses émotions. ménopause. Ainsi. si l’étude des maladies entre bien dans le registre de la « médecine basée sur les preuves ». le champ de la gynécologie est beaucoup moins limité qu’on ne l’imagine. celle de la personne malade exige d’autres voies de recherches et de connaissances. Rien ne doit être banal pour nous. de s’ouvrir à une approche humaniste où la personne malade n’est pas seulement une pathologie à traiter. mais un individu unique. Si. c’est généralement la femme qui prend en charge la santé de toute la famille. Cet ouvrage est destiné aux lecteurs (médecins. par exemple. une médecine de prévention et de conseils: contraception. kinésithérapeutes. Cette pratique suppose et exige une forme d’entretien (pas une conversation) qui ne s’attache pas seulement au symptôme mais à ce qu’il représente pour la femme et à ce qu’il recouvre. etc.) désireux d’élargir le champ de leur pratique quotidienne. n’hésitons jamais à le faire. Elle a vite abandonné la catégorisation des patientes (on parlerait aujourd’hui de profils psychologiques). Celleci doit passer par une implication et une formation personnelles. la même collaboration avec les autres soignants autour de la patiente. la modestie. Or. infertilité. infirmières. Cela ne dévalorise en rien ni le gynécologue ni sa patiente. Cette médecine-là. la vie fait irruption dans les consultations avec des demandes spécifiques qui ne sont pas toujours des demandes de soins mais de qualité de vie. elle s’est intéressée aux névroses retentissant sur le corps des femmes et sur leur sexualité. à la filiation possible ou impossible. Rien n’est jamais banal pour notre patiente. L’exercice de la médecine psychosomatique implique les connaissances scientifiques et techniques propres à toute pratique médicale. est au cœur de la vie. pour Avicenne. de l’homme et des enfants. En effet. « guérir un malade c’est lui permettre de poser sa question ». On a pu dire que c’est une médecine pour bienportants. En effet. La gynécologie est une spécialité qui concerne la femme. la même rigueur.Avant-propos XI nelle. sages-femmes. la même exigence. ce qui n’est guère quantifiable. Le cursus universitaire ne prend toujours pas en compte l’approche psychosomatique. même si nous n’avons pas la réponse… . membre du Centre de diagnostic prénatal de l’Institut de puériculture. Alain PROUST : gynécologue obstétricien. Véronique MIRLESSE : obstétricienne. Paris. maternité « Les Vallées ». Paris. Saint-Denis. CHU BichatClaude-Bernard. maternité Aline de Crépy. religion. Dominique CORNET : gynécologue accoucheur. Marc ESPIÉ : maître de conférences. Gilberte STEG : gynécologue. hôpital Cochin. droit et procréation ». Paris. responsable de la consultation Infections sexuellement transmissibles. gynécologue médicale spécialisée en colposcopie et traitements de la pathologie du col.Liste des auteurs Jean-Marc BOHBOT : andrologue. Natacha ESPIÉ : psychologue clinicienne. Paris. Paris. Institut de puériculture. Paris. directeur du Centre des maladies du sein. praticien attaché des hôpitaux de Paris. faculté de médecine Lariboisière-Saint-Louis. attachée à l’hôpital Saint-Antoine. Vanves. Sylvain MIMOUN : gynécologue et psychiatre . membre fondateur de la Société de gynécologie obstétrique psychosomatique. Diane WINAVER : gynécologue. Paris . Paris . hôpital Saint-Louis. Institut Fournier. Anne-Isabelle RICHET : praticien en gynécologie et endocrinologie. hôpital Delafontaine. Luc GOURAND : gynécologue obstétricien. attachée à l’unité d’andrologiesexologie. Hélène JACQUEMIN-LEVERN : gynécologue. responsable du département d’échographie. hôpital privé d’Antony . Paris. membre fondateur de la Société de gynécologie et obstétrique psychosomatique. Paris. coordinateur scientifique de la journée « Éthique. praticien hospitalier. responsable du Centre d’IVG et de contraception. Danièle HASSOUN : gynécologue obstétricienne. membre fondateur de la Société de gynécologie et obstétrique psychosomatique. . Paris. Michèle LACHOWSKY : gynécologue consultante en psychosomatique. maternité « Les Bluets ». service du Pr Patrick Madelenat. président du réseau Périnat 92 sud. Paris . Irène BORTEN-KRIVINE : gynécologue. service du Pr Bernard Debré. directeur d’enseignement du diplôme universitaire de gynécologie psychosomatique. service de médecine fœtale. Liste des abréviations ASC-US ACTH AMH AMP Anaes AVC CCAM CIN CMV CRF CU DHEA DIU FCS FIV FSH GEU GnRH HAD HAS hCG HPV HSIL HSV IAC ICSI IFSF IMG Ined Inserm IRM IST IVG LH LHRH MIP MST OMS SA T2A THS VIH VPL VVMR atypical squamous cells of undetermined significance (anomalies indéterminées des cellules squameuses) adrenocorticotrophic hormone (hormone adrénocorticotrophine/ adrénocorticotrope) antimullerian hormone (hormone antimullérienne) aide médicale à la procréation Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé accident vasculaire cérébral classification commune des actes médicaux cervical intraepithelial neoplasia cytomégalovirus corticotropin releasing factor contraception d’urgence déhydroépiandrostérone dispositif intra-utérin fausse couche spontanée fécondation in vitro hormone folliculostimulante grossesse extra-utérine gonadotropin-releasing hormone (hormone libératrice de gonadotrophine) hospitalisation à domicile Haute autorité de santé human chorionic gonadotropin (hormone chorionique gonadotrope) human papilloma virus (papillomavirus) high grade squamous intraepithelial lesion (lésion intraépithéliale squameuse de haut grade) herpès simplex virus insémination artificielle avec sperme du conjoint injection intracytoplasmique de spermatozoïde index of female sexual function (index de la fonction sexuelle) interruption médicale de grossesse Institut national études démographiques Institut national de la santé et de la recherche médicale imagerie par résonance magnétique infection sexuellement transmissible interruption volontaire de grossesse hormone lutéinisante luteinising hormone releasing hormone (hormone libératrice d’hormone lutéinisante) maladie inflammatoire pelvienne maladie sexuellement transmissible Organisation mondiale de la santé semaine d’aménorrhée tarification à l’activité traitement hormonal de substitution virus de l’immunodéficience humaine virus particle like vulvovaginite mycosique récidivante . M. les sous-entendus. Elle en prend conscience avec plus ou moins de précocité. marqué par la mise en route de la fonction reproductrice et amoureuse. La fillette a grandi. La formidable poussée hormonale qui transforme le corps de l’adolescente en corps sexué change le regard de l’entourage et modifie sa relation aux autres. Les premières règles marquent le début de la puberté. Les regards. le corps et l’esprit de l’adolescente ont été transformés à bas bruit par ses sécrétions hormonales. ils sont en avance sur sa féminité. C’est un événement. Le développement de la pilosité précède souvent celui des seins. LACHOWSKY De l’enfance à l’adolescence Entre l’enfance et l’âge adulte. Ce premier signe de la prépuberté est commun aux garçons et aux filles. WINAVER. l’adolescence est un temps de perturbations physiques. son corps lui paraît étrange et étranger. Est-ce le début de l’adolescence ? Certaines filles ont leurs règles vers 10 à 11 ans. Mais auparavant. Certaines sont dégoûtées par ces quelques poils longs et lisses. les plai- . Leur croissance est parfois douloureuse. par les premières sécrétions vaginales qui empèsent le fond de la culotte. elle vit souvent ses seins de façon négative. Au début. ce sont déjà des jeunes filles. La petite fille naît à la féminité avec l’éclosion de ses bourgeons mammaires. cela se voit. plus ou moins d’intérêt. incongrus sur leur vulve d’enfant. ainsi que par ces bras et ces jambes qui poussent d’un seul coup.1 La consultation à l’adolescence D. d’autres vers 16 à 17 ans. psychiques et émotionnelles. les rendant maladroites. C’est une contrainte physique. Les seins commencent à se développer. et par les changements de l’odeur corporelle. ce sont encore des enfants . une affirmation de la liberté à l’égard des parents. dans un désir contradictoire d’originalité et d’identique. se comparant aux copines et aux photos des magazines. tantôt désespérées. une rupture avec l’enfance. passent des heures à se regarder. Elles veulent à la fois se différencier des normes familiales et ressembler aux autres filles de leur âge. découverte dans la toute petite enfance. trop chaleureuse ou trop maternelle. elle fait le dos rond et cache ses seins naissants. souvent oubliée. Il faut être attentif à la relation mère-fille. savoir proposer de parler à l’une sans l’autre. La première consultation La première consultation de gynécologie n’est pas une démarche facile pour l’adolescente. Elles commencent à découvrir leur pouvoir de séduction. elle aussi observe et jauge ce médecin en face d’elle. Elle est le plus souvent angoissée à ce premier rendez-vous. Il faut s’y adapter. le mamelon a une vie à part. ses mimiques. On se regarde. trop de technicité sont . La première prise de contact en face à face permet déjà d’appréhender cette jeune patiente.4 Les âges de la vie santeries familiales la gênent. La peau en est douce. À l’inverse. Ce temps est nécessaire pour qu’elles s’adaptent à tant de changements. les tatouages. elle vient parfois avec sa mère. Leur corps devient un sujet de préoccupation majeure. Les ados s’enferment dans la salle de bains. il convient de ne pas avoir d’attitude trop séductrice. par son copain . traquant les plus petits défauts. Elle vient seule ou accompagnée par une amie. examinant chaque détail. Les estrogènes qui font pousser les seins éveillent aussi des émois sexuels qui étonnent et perturbent la fillette. une provocation. son excitation procure des sensations physiques nouvelles. ne pas poser de questions dont les réponses pourraient être gênantes. les piercings signalent l’appartenance à un groupe. Beaucoup connaissent déjà le plaisir de la masturbation. angoisse visible ou masquée sous une fausse désinvolture. trop de distance. son vocabulaire. Les marques sur le corps. tantôt satisfaites. Pour essayer de la mettre à l’aise. Avec leurs seins. sa gestuelle. Les seins leur apportent une image sexuée d’elles-mêmes réfléchie dans les yeux des autres. elles découvrent une sensualité nouvelle. elle veut juste des informations. tester les connaissances sur le préservatif. Ce temps de parole est précieux pour tester ses connaissances. surtout si l’on soigne sa mère ou sa sœur. qu’elle a droit à une confidentialité absolue. on n’est pas seulement dans les techniqupes. notamment sur sa sexualité : les cases de l’interrogatoire se rempliront plus tard quand elle sera en confiance. bien . mode de vie –. Il ne faut pas hésiter à l’encourager à poser à son tour toutes les questions qui la préoccupent sur son corps. Les adolescentes reçoivent des cours d’éducation sexuelle. son fonctionnement et parfois sa féminité. les IST : tout cela représente un travail didactique qui permet de savoir où elle en est. elle n’a pas forcément débuté sa vie sexuelle . il est bon de lui dire. Le vrai motif de la consultation apparaît parfois à la fin de l’entretien ou lors de cet examen. Même si le secret médical va de soi. pour apprécier sa maturité psychosexuelle et comprendre sa vraie demande. tabac. ce qu’elle en a retenu.La consultation à l’adolescence 5 néfastes. Quant à la prévention des IST. Expliquer les méthodes contraceptives. C’est aussi le moment de parler d’autres dangers pour la santé – drogue. Mais il importe de ne pas se faire trop d’illusions : ces connaissances risquent de s’envoler dans l’émotion d’un premier rapport. la pilule du lendemain. de son avenir de femme. Les questions banales de la grille médicale en gynécologie ne sont pas forcément anodines pour toutes. alcool. « Je viens pour la pilule » Quand l’adolescente dit : « Je viens pour la pilule ». notamment sur la contraception et la prévention des infections sexuellement transmissibles (IST) mais elles ne se sentent pas toujours concernées quand elles ne sont pas en situation. Utilise-t-elle des protections internes ? Sa réaction. L’examen gynécologique n’est pas obligatoire cette première fois si elle ne s’y sent pas prête et quand elle ne se plaint de rien. mais dans l’intimité de chacune. sans dramatiser. de sa sexualité. Ces interrogations poussent parfois la jeune fille à réclamer l’examen gynécologique pour se rassurer. La simple demande : « À quel âge avez-vous eu vos premières règles ? » permet parfois de savoir comment l’adolescente a intégré le début de sa féminité. sa réponse renseignent sur sa liberté à l’égard de son corps ou sur les tabous maternels. Il ne faut pas poser d’emblée des questions qu’elle jugerait intrusives. Ménageons sa pudeur. avec ou sans pénétration. Du physiologique au pathologique Lorsqu’on prend le temps d’expliquer à cette jeune patiente ce qui est normal (aspect de ses sécrétions vaginales. sa peau. etc. Même si les frottis cervicovaginaux ne sont plus systématiques chez l’adolescente. douleurs. etc. gonocoque. de proposer un test VIH en cas de changement de partenaire. masculines ou féminines. actuellement. Trop courte pour s’y allonger complètement. etc. imprudences sexuelles. de retirer sa culotte alors qu’on la garde à la médecine scolaire. elle oblige à une position vécue comme impudique. le médecin peut se faire une idée de la relation mèrefille. Il reste encore cher et non remboursé . la décision exige donc l’implication des parents. Elle a peur d’avoir mal.) qui sont encore responsables de stérilités tubaires. de sa glaire cervicale. chez le pédiatre ou le généraliste. humiliante. deuxième cancer de la femme. sa pilosité reflètent son état hormonal. Il faut lui en expliquer le pourquoi : son poids. fièvre inexpliquée. qui tue encore 1 000 femmes par an en France (voir chapitre 15). Il ne faut pas craindre de redire la nécessité d’utiliser le préservatif contre les IST. et de leur prévention par vaccination. Toute anomalie (pertes. Si l’examen gynécologique est accepté. on lui donne la capacité de reconnaître ce qui doit l’alerter.). la lumière est crue. Les instruments font peur. . il faut parler des HPV (human papilloma viruses). annonçons nos gestes au fur et à mesure. Ce nouveau vaccin est un événement : il est efficace dans la prévention du cancer du col. de consulter rapidement si de petites excroissances (condylomes) apparaissent sur les zones génitales. même et surtout si elle n’a pas encore eu de rapports sexuels. nommons chaque partie de son corps que l’on examine. beaucoup de mères s’en inquiètent et s’informent. On parle moins aujourd’hui des autres IST (chlamydia. D’ailleurs. elle a honte de montrer cette partie intime d’elle-même qu’on lui a toujours appris à cacher. on risquerait autrement de faire passer un message pervers : l’amour et la sexualité sont des facteurs de risque. son développement pubertaire. Il n’est pas évident d’être complètement nue. pensons à tout ce que la jeune fille en a entendu dire.6 Les âges de la vie sûr . du rythme des règles. La table gynécologique n’est pas engageante.) doit amener les adolescentes à consulter sans attendre. même sous pilule. À la réaction de la jeune patiente. même si l’on sait que tout peut changer demain. Elle gagne une sorte de confiance en elle et en ce médecin. ni intrusif. Les pathologies La gynécologie de l’adolescence est en général une médecine de bien-portantes. d’une asymétrie d’une petite lèvre ou des seins. il ne peut pas blesser. Nous ne devons pas ignorer cette plainte. mais parce qu’elle a bien réussi l’épreuve de l’examen gynécologique. névrose qui mérite une prise en charge psychothérapique et pas seulement quelques paroles rassurantes. sans insister. Elle sera souvent plus accessible aux informations sur les préventions que lors de l’interrogatoire. a autant d’importance que la clinique. Elle ne veut se déshabiller devant personne. Elle ne se résume pas non plus à une ordonnance de pilules contraceptives. prendre du temps permet parfois à l’adolescente de savoir où elle en est. pleurs. Gestes de protection. malaise vagal nous alertent et forcent notre parole. À l’issue de l’examen. ni protecteur. premier face à face de part et d’autre du bureau. d’une pilosité qui la choquent. Le réchauffer à l’eau tiède le rend un peu moins déplaisant. ou pire. Faisons-la participer. information et communication. C’est souvent à ce moment qu’elle se plaindra de telle ou telle disgrâce qui l’inquiète ou l’obsède. Il convient cependant de faire attention à une dysmorphophobie. son vagin et son col dans un miroir si cela l’intéresse. le soulagement de l’adolescente est généralement palpable. elle est normale. où la pédagogie. elle se voit anormale et se vit comme telle. Elle a peur que son corps livre au regard du médecin un secret dont elle a honte. Être ni moralisateur. On peut lui proposer d’apprendre à connaître sa vulve. Oui. Il est bon de lui faire toucher le spéculum si elle le désire : il est lisse. ni normatif. Mais restons attentifs à son comportement. de vergetures. ce nouveau rite de passage.La consultation à l’adolescence 7 décrivons ce que l’on cherche et ce que l’on perçoit tout au long de l’examen. C’est parfois au cours de l’examen qu’elle osera évoquer des attouchements. Pas seulement parce que c’est fini et que ça n’a pas été trop douloureux. Mais la consultation des adolescentes n’est pas seulement une réponse à des demandes d’informations sur leur normalité et leur accession à leur féminité. Elle traite des pathologies de la puberté – . défense des releveurs. Conduite à tenir devant les aménorrhées L’aménorrhée primaire. les parents sont concernés. la vaccination prophylactique contre les HPV oncogènes (voir chapitre 15) sera demain le moyen le plus sûr de prévenir le cancer du col. la puberté est tardive. ses jeux.8 Les âges de la vie précoce. métrorragies. Elle touche souvent des jeunes filles longues et minces. absente –. les filles ont leurs règles en moyenne entre 12 et 13 ans. troubles du cycle et troubles du comportement alimentaire. lorsqu’une jeune fille sous contraception orale se plaint de métrorragies. tardive. ne doit plus être négligée. ménorragies. qui est l’absence de ménarche après 16 ans. mais il n’est pas toujours facile pour eux de se projeter si tôt dans la sexualité de leur enfant. l’enjeu est ici plus lourd : ce sont l’avenir de l’adolescente. Elle est d’origine organique ou fonctionnelle. il ne faut pas se contenter de mettre en cause un oubli de pilule. On retrouve bien entendu des pathologies identiques à celles de l’adulte (cancers. Après avoir éliminé une origine familiale.). Les avatars de la puberté En France. À partir de 15 à 16 ans. précédées par l’apparition des seins et/ou des poils avant 8 ans. sa santé. infections. entre autres. On parle de puberté précoce si les règles surviennent avant 10 ans. mais rechercher. sa psychologie sont encore ceux d’une petite fille. etc. mais aussi des pathologies des règles – dysménorrhée. Comme exposé plus haut. Elle devra être pratiquée dans la préadolescence. on conseille un suivi de l’enfant en endocrinologie pédiatrique. L’infection à Chlamydia trachomatis doit être recherchée de façon systématique. sa fertilité qu’il faut protéger. En Scandinavie. une infection sexuellement transmissible. les campagnes de prévention ont éradiqué la stérilité d’origine tubaire. . Ainsi. Cette situation est souvent pénible pour la fillette et sa famille. Si les pathologies infectieuses sont les mêmes que celles de la femme adulte. Comme pour toute vaccination. car son âge mental. poids. et surtout celle de la mère qui s’en veut d’avoir donné naissance à une enfant imparfaite. En l’absence d’anomalie morphologique et biologique. L’annonce de l’impossibilité biologique d’une grossesse est aussi très lourde. – Dosages hormonaux. – Morphologie : aspect. RECHERCHE D’UNE ORIGINE PSYCHOGÈNE Aujourd’hui. pilosité. plus exactement. Ces examens peu invasifs physiquement sont perturbants psychologiquement par une éventuelle remise en cause de la normalité de l’adolescente. suprahypothalamiques . Les dosages plasmatiques d’hormones folliculostimulante (FSH). aider à faire face à une anomalie génétique. Il faut prendre en charge le sentiment de culpabilité des parents. Dans ce type d’aménorrhée. on parle d’aménorrhée primaire non organique. lutéinisante . qui tombe comme un couperet sur l’adolescente et ses parents. Les graves anomalies physiques mettent rarement la vie en danger. cette jeune fille parfois disgraciée qui rentre avec peine dans sa vie de femme.La consultation à l’adolescence 9 RECHERCHE D’UNE ORIGINE ORGANIQUE Il convient de faire les recherches et examens suivants. faire comprendre qu’un testicule féminisant ne fait pas d’elle un homme. les mécanismes hormonaux hypothalamiques et suprahypothalamiques sont en cause. vergetures. taille. Expliquer et faire accepter une maladie de Turner. – Échographie pelvienne pour vérifier l’existence des ovaires et d’un utérus. voilà qui met le gynécologue et sa propre conception de la féminité face à celle de l’autre. – fonctionnelles (c’est une définition par défaut. mais vont la rendre difficile après l’annonce d’un handicap vrai. les aménorrhées non organiques sont indifféremment nommées : – hypothalamiques ou. – Examen vulvaire : recherche d’une imperforation hyménéale. – psychogènes (c’est une définition d’ordre étiologique) . et l’on se pose des questions sur le comportement alimentaire de la jeune fille et/ou sur les causes psychologiques qui retardent sa puberté. impliquant l’absence de tout substrat anatomique). – Appréciation de l’âge osseux. Le travail sur l’inconscient est l’autre registre par lequel il nous faut aborder ces aménorrhées psychogènes. enfermement. Elles refusent de quitter l’enfance. Une agression psychologique (séparation. hypothalamique. Ont-elles peur d’un contact trop précoce avec le monde des adultes ? Elles éprouvent une grande ambivalence à l’égard de leur mère. bien que le rôle essentiel du couple CRF–β-endorphines. Psychogène (d’origine psychologique) ne signifie pas d’origine inconnue. un important déficit en protéines est aussi source d’aménorrhée. Pour ou contre leur mère. Les théories sur le stress représentent une autre approche de cette aménorrhée. La dyspulsatilité de la LH est aujourd’hui sa caractéristique essentielle. suprahypothalamique. (1999). Selon Warren et al. Les comportements excessifs dans le domaine alimentaire (anorexie. l’axe hypothalamo-hypophyso-ovarien.10 Les âges de la vie (LH) et de prolactine restent dans les normes. activité physique exagérée) entraîne un dysfonctionnement de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien. violences) ou physique (perte de poids excessive. . Une étude dynamique montre la diminution de la fréquence des pulses et de la pulsatilité de la LH. La réponse au stress n’est pas seulement une inhibition de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien. retrouvée plus basse dans ces désordres nutritionnels et métaboliques. modèle à suivre ou à rejeter. elle-même entraînée par celle de la GnRH (gonadotropin-releasing hormone). elles ne veulent pas devenir femmes. de la dopamine et de l’hypercorticisme commence à être connu. Ils se sont intéressés à la leptine. L’étiologie de l’aménorrhée psychogène reste encore mal élucidée. Il faut que la mère soit une image désirable pour qu’elles désirent devenir comme elle. boulimie) et sportif sont également responsables d’un déséquilibre masse grasse/masse musculaire. mais aussi celle des systèmes neuro-endocriniens qui ne sont pas impliqués dans la lutte contre le stress. Le taux d’estradiol est plus ou moins élevé. AMÉNORRHÉES PSYCHOGÈNES PRIMAIRES Pourquoi certaines petites filles ont tant de mal à devenir pubères ? Elles refusent ces règles qui signent leur appartenance au monde des femmes et à une sexualité à venir. à condition de reconnaître à quel point psyché et soma sont ici étroitement intriqués. même si elle est moins apparente. Mais c’est souvent. mais c’est aussi le plaisir de se dépasser jusqu’au défi à la mort. façon la plus sûre à leurs yeux de garder amour et protection maternels. la relation à la mère est souvent conflictuelle. le couple parental. le refus de se voir avec des formes féminines. devenir femme c’est accepter la rivalité avec une mère effrayante. Ces jeunes filles vivent comme un triomphe sur ellesmêmes et sur les autres ce qui n’est qu’une illusion de maîtrise et d’autonomie. Elles nient toute nécessité extérieure. des fesses. mère rivale. Il est assez étonnant pour le gynécologue de voir ces filles amenées par leur mère en consultation pour une absence de règles et non pour cette maigreur impressionnante qui pour nous pose le diagnostic d’anorexie. pathologie psychiatrique à prendre en charge en urgence. une dysmorphophobie. Pour certaines. il vaut mieux jouir des privilèges de l’enfance. si la petite fille ne s’est pas reconnue fille dans les yeux de son père ou si le père s’est montré séducteur. Cette problématique peut tout aussi bien être induite par la personnalité de la mère. AMÉNORRHÉES PSYCHOGÈNES SECONDAIRES Ces aménorrhées peuvent être induites par un choc psychologique. . au risque de prendre sa place auprès du père et d’en être punie. est tout aussi importante. mais aussi avec tout l’entourage familial et social. C’est un trouble de l’image du corps. des rondeurs. captatrice. Si le père n’a pas su ou pu prendre sa place dans la dyade mère-fille. fusionnelle ou… absente. comme elles nient la souffrance de leur corps malmené par la faim et l’effort. La relation au père. qu’elle soit d’ordre affectif ou alimentaire.La consultation à l’adolescence 11 Autour de la puberté. Pour d’autres. Anorexie L’anorexie ne relève pas seulement des difficultés relationnelles avec la mère. contre lesquelles elles vont lutter en s’affamant. son accession à la féminité en sera compromise. des seins. chez ces jeunes filles. car la puberté réactive la période œdipienne. deuil ou accident. Quand dois-je vous l’amener ? » C’est pour elles un cadeau qu’elles pensent faire à leur fille . Le diagnostic de boulimie implique non seulement une prise excessive. – Il en est de même pour les saignements abondants. son médecin et qui l’accompagne. mais c’est son seul moyen de repousser l’autre et de se défendre de la sexualité.12 Les âges de la vie Boulimie La boulimie n’est pas l’inverse de l’anorexie. Et la mère ? Même quand tout se passe bien. Troubles des règles – Les irrégularités du cycle ne méritent pas une consultation mais une simple explication rassurante sur le début de la fonction hypothalamo-hypophyso-ovarienne. l’opposant au triomphalisme de l’anorexique. Malgré une complicité mère–fille. Nos patientes nous demandent souvent : « Ma fille a ses règles. subis parfois comme un héritage anodin. au contraire. – La dysménorrhée est parfois vécue comme une « marque de famille ». le gynécologue. Aucune n’est satisfaite de son image. à la recherche d’une pathologie endométriosique ou autre. Même si elle souhaite consulter. les premières règles de sa fille sont un événement pour une mère. Mais les règles ne sont pas une maladie. Les explications physiologiques n’interdisent pas la recherche d’une anémie de Willebrand. elles les reconnaissent comme femmes et c’est une preuve de confiance qu’elles donnent à leur gynécologue. Leur survenue n’est en rien un motif de consultation . Cela signe ce sentiment de culpabilité et de honte caractéristiques de la boulimique. Mais tout ce qui est vécu comme une anomalie est source . pulsionnelle et non sélective d’aliments solides ou liquides. elle peut vouloir choisir elle-même son moment. cette dernière risque de perturber la jeune fille. d’autant que toutes deux peuvent coexister ou se succéder chez la même jeune femme. c’est-à-dire rendre (en cachette) tout ce qu’on a absorbé (en cachette). mais aussi la nécessité pulsionnelle de vomir. sauf si c’est elle qui le demande. se voit obligé de médicaliser le symptôme. sans dramatiser. de mordiller. Entre ces deux stades. Il est le regard qui permet à la fille de se sentir fille et qui autorise le garçon à s’identifier à lui. sollicités par l’érotisme exhibé dans les médias. se situe la période dite de latence : les enfants sont peu intéressés par le sexe opposé. Il est le garde-fou qui permet d’échapper à une relation fusionnelle avec la mère. les préadolescents vivent dans une excitation sexuelle qui devance leurs capacités physiques. Bon gré mal gré. émotionnelles et psychologiques. des caresses. la mère. elle développe la sexualité anale. Ils peuvent se figer. Son corps lui fait violence. angoisse. ou honte. Le bébé a besoin des soins. Le plaisir de téter. de lécher – sexualité du stade oral – s’épanouit dans la réciprocité du plaisir de l’autre. Comment va-t-il accueillir ses nouvelles pulsions sexuelles : avec satisfaction et fierté. du regard de sa mère pour développer sa sensualité. rendant l’adolescente incapable d’aller vers l’autre. Participant beaucoup plus à la vie des parents. il se sexualise autour de 12 à 13 ans chez les filles comme chez les garçons. L’imaginaire des parents peut étayer ou perturber l’identité sexuelle de l’enfant bien avant l’adolescence. Pourtant. de l’odeur. désireux d’imiter les plus grands. peur. La sexualité des adolescents se construit depuis la toute petite enfance. à la sexualité génitale de l’adolescence. Il semblerait toutefois que la période de latence ne soit plus ce qu’elle était. souffrance ? Ces sentiments peuvent cohabiter et évoluer. les adolescents acquièrent à cette période de nouvelles . Il faut pouvoir dépasser le stade anal pour accéder au stade phallique. Une consultation est alors exigée par une mère soucieuse amenant une adolescente souvent indifférente et parfois réticente sinon agressive. La sexualité Le sexe est déterminé dès la conception. ni le rythme. déni. Le rôle du père n’est pas moins important. La formidable poussée hormonale qui accentue la différenciation sexuelle la rend visible par toutes les modifications corporelles qu’elle entraîne. Dans le don ou la rétention. ni le résultat des transformations qu’il subit. L’adolescent ne choisit ni le moment. La période du stade anal est ensuite plus conflictuelle. Le corps se réveille avec la puberté.La consultation à l’adolescence 13 d’inquiétude pour la mère et sa fille. La carte du tendre ne se parcourt pas de la même manière selon qu’on soit né dans un milieu privilégié ou non. La génération précédente commençait vers 15 ans et demi. un flirt plus ou moins poussé. les parents. les baisers et les caresses. Les adolescents les plus défavorisés sont plus nombreux à n’avoir aucune activité sexuelle. Le premier baiser d’amour se donne vers 14 ans pour les filles comme pour les garçons. la pratique de la sodomie est pour certaines jeunes filles le seul moyen d’avoir une relation sexuelle tout en protégeant leur hymen. pour affirmer à la fois leur différence et leur appartenance. en somme un apprentissage qui aiguise le sentiment amoureux. La sodomie hétérosexuelle augmente nettement dans les milieux scolaires plus défavorisés : 5 fois plus que dans les autres milieux. est pratiqué par plus d’un tiers des adolescents. L’autre sexe les attire et les fait fantasmer. les trois quart s’impliquent affectivement. Bien que la virginité ait perdu de sa valeur.14 Les âges de la vie capacités intellectuelles et sociales. défini par les baisers sur la bouche et les caresses non génitales. c’est en pratiquant la pénétration. Quant aux filles. 25 % des garçons ont eu leur premier rapport sexuel à 14 ans ou moins contre 20 % des filles. se confrontent. Et si on parlait un peu d’amour ? C’est la grande affaire des filles. Parmi les jeunes sexuellement actifs. les plaisirs de la découverte de l’autre. plus ou moins long. Ils deviennent critiques à l’égard de leurs premières amours. Manquent sans doute à ces jeunes le temps de la découverte de soi. Les filles flirtent davantage. auxquels ils se comparent. Chez ces garçons. Le flirt. l’engagement affectif est significativement moindre que chez ceux qui débutent plus tardivement. Elles avouent aussi d’autres . mais quand ils ont des rapports sexuels. Le premier rapport sexuel avec pénétration se pratique autour de 17 ans pour les garçons et de 18 ans pour les filles. Ils ont besoin d’un groupe ou d’amis qui leur ressemblent. Le nombre de partenaires sexuels est plus élevé chez les garçons : 12 % des garçons ont eu 5 partenaires ou plus contre 5 % des filles. Elles sont proportionnellement beaucoup plus nombreuses que les garçons à faire l’amour par amour. La précocité sexuelle ne s’est pas accrue globalement depuis 20 ans. Les cas d’inceste concernent environ 10 % des filles abusées. peur d’enfreindre des tabous religieux ou familiaux. souvent connus. ces situations ont commencé avant la puberté et durent longtemps. dépistage et prévention des IST restent une priorité. peur d’être rejeté. devant des pathologies douloureuses de la sphère génitale. quelle que soit la situation. elles sont très rares : environ 1 % des filles ont eu au moins une relation homosexuelle en restant hétérosexuelles. ces silences à certains moments des consultations. de se mettre à l’épreuve. une provocation. Enfin. . le désir de ne plus être vierge. des dysfonctionnements sexuels et toutes ces réticences. les jeunes filles ont été abusées par des jeunes. ou par des adultes qui appartiennent ou non à la famille . et se répètent dans la moitié des cas. peur de l’effraction. Dans plus des trois quart des cas. et ce dans tous les milieux. de se « jeter à l’eau ». mais aussi honte de son corps que l’on n’arrive pas à accepter. de « faire comme les copains ». une sorte de passage à l’acte. Ceux commis par un jeune de la famille.5 % sont homosexuelles exclusives. Ce peut être aussi un désir de rupture avec l’enfance. débutent presque toujours avant l’âge de 12 ans et se poursuivent quasi systématiquement. de s’accomplir : le partenaire a peu de place. d’un regard. La peur du premier rapport sexuel est parfois évoquée en consultation : peur du sang et de la douleur. les adultes. Majoritairement. comme la curiosité. le plus souvent un frère. le risque est lié aux hommes de l’entourage plus qu’à des inconnus. les médecins doivent être particulièrement attentifs pour ne pas fixer d’un mot malheureux. mais moins de 0. ceux qui ont quitté le collège sans le moindre diplôme sont les plus affectés. Quant aux pratiques homosexuelles. Les médecins doivent garder ces chiffres en tête devant des troubles du comportement et des conduites à risques. d’un reproche une inclinaison qui peut par ailleurs n’être que passagère.La consultation à l’adolescence 15 sentiments. Les enfants les plus démunis. À cette période de la vie où l’adolescente en pleine mouvance se cherche. Les études rapportent un pourcentage surprenant d’adolescents ayant subi des rapports sexuels forcés – les filles au moins 7 fois plus que les garçons –. on a besoin d’éprouver de nouvelles sensations. Les rapports forcés commis par un adulte commencent pour les trois quart avant 15 ans. À l’adolescence. d’amour et de soins qui lui est adressée. de pertes. une demande d’attention. même s’ils sont réfutés. il s’agit d’un passage à l’acte. » Beaucoup de jeunes filles commencent à faire l’amour pour prouver leur amour à leur amoureux. Elle ne peut se réaliser sans rencontre avec l’autre. ou encore une manière d’exister socialement et matériellement quand on n’a . Les conséquences se manifestent en consultation. mènent la danse. on souffre de chagrin d’amour. c’est un besoin d’amour à prouver ou donner. Les sentiments.16 Les âges de la vie La libido. sauf quand il s’agit de viol. la grossesse est le résultat d’une prise de risque comme la vitesse à moto pour les garçons . C’est aussi le besoin de se prouver sa fertilité. Aujourd’hui encore. mais leur corps n’est pas prêt. C’est parfois le résultat d’une compétition avec la mère dans le domaine de la féminité. Elles se plaignent de douleurs. Est-ce que c’est normal ? Est-ce que je l’aime assez ? Puisque je n’ai pas de plaisir – mais c’est quoi au juste le “vrai plaisir” ? Il pense que je ne l’aime pas et j’ai peur qu’il s’en aille. Pour d’autres. d’une illusion infantile de toute-puissance devant les dangers. d’intolérance à leur contraception parce qu’elles sont à la fois humiliées et honteuses. Pour certaines. l’absence de rattrapage avec la pilule du lendemain n’expliquent pas tout. que de questions et d’angoisses ! Les jeunes filles disent : « Je l’aime mais je n’ai pas de plaisir. cela culpabilise la famille et tous ceux qui s’occupent de prévention chez les jeunes. L’accomplissement d’un acte sexuel dépend de la société. Il nous faut rechercher ses motivations conscientes et inconscientes. d’une revendication de liberté. L’oubli de pilule. Toutes sortes d’interdits compliquent la relation. éclate à l’adolescence chez les filles comme chez les garçons. le besoin de satisfactions sexuelles. la grossesse n’est pas toujours un « accident » chez la très jeune fille. La grossesse Lorsqu’une adolescente « tombe enceinte ». Mais quand le sexe ne sait pas prouver ses sentiments. Cependant. Les adolescents savent très vite que faire l’amour est une quête affective qui va au-delà de la simple recherche du plaisir. des désirs ou des tabous du partenaire – sauf en cas de viol – et de l’acceptation de son propre désir. d’une provocation. (2005). LHOMOND B. et il est vécu comme tel par les jeunes patientes. (1999). Journal of Clinical Endocrinology & Metabolism. in Gynécologie. Paris. Albin Michel. Ce n’est donc pas en faisant du paternalisme ou en jouant au copain qu’il gagnera sa confiance. (2004). Il détient autorité et pouvoir. Paris.. et LAGRANGE H. – Le Corps adolescent. « Functional hypothalamic amenorrhea : hypoleptinemia and disordered eating ». De très jeunes couples veulent avoir un bébé. BORTEN I. Paris.H. (2002). Ellipses. CHRISTIN-MAÎTRE S. 873-877. 552-563. Anne-Marie Métailié. – Analyse du comportement sexuel des jeunes. « Culture ». LE BRETON D. de ceux qui prétendent savoir ce qui est bon ou non pour l’adolescente. Paris. ce qui le situe dans le camp des parents. 73-80. WARREN M. Fondation Nationale des Sciences Politiques. Bayard. – Gynécologie de l’adolescente. – « Aménorrhées ». Masson. Mais la grossesse n’est pas toujours un drame. – « Cycle menstruel ». Le médecin est un adulte. ADBERG C.L. coll. Anne-Marie Métailié. (2005). – Passions du risque. Paris. (2006). GEER E. Masson. Conclusion Les consultations avec des adolescentes ont leur spécificité. VOUSSOUGHIAN F. – Ados.. in Gynécologie de l’adolescente. Paris. et RAMOS R. 84 (3). (1998). HYLE E. BOUCHARD P. . mars.La consultation à l’adolescence 17 rien.P. et DRAPIER-FAURE E. (2005).. – Signes d’identité. de garder son rôle de soignant. Cette grossesse se terminera par une interruption volontaire de grossesse (IVG) dans plus de 60 % des cas. et WINAVER D.B. ce passage si long… et tant regretté à l’âge adulte. Pour en savoir plus BIRRAUX A. Paris. et PASQUIER M. amour et sexualité (version fille). THIBAUD E. Il se doit d’écouter sans juger. Il l’aide ainsi à traverser les turbulences de son adolescence. (2000). rééd.. LE BRETON D. C’est leur désir et une décision prise à deux.P. Paris. périlleuse et semée d’embûches tant physiques que psychologiques. Elle peut être non seulement un projet personnel mais aussi. La représentation de la grossesse aujourd’hui La grossesse n’est ni une anomalie dans la vie d’une femme ni une maladie. Sous le terme de périnatalité. de mener à un certain terme sa grossesse et d’accoucher. www. pour qu’il soit né. au sens psychologique du terme. recouvre la période du développement qui va de la conception jusqu’à la deuxième année de vie environ. L’enfant n’est jamais né avant d’être né et. si ce n’est le précéder. Si le désir d’enfant paraît. 1. PROUST La périnatalité. L’enfant (ou le futur enfant). le plus souvent. de « recevoir » du sperme.necker. au minimum. tout au moins l’accompagner. L’aventure peut être simple mais. La périnatalité au sens pédiatrique du terme se centre sur les quelques semaines avant et après la naissance.psynem. Sylvie Séguret.2 Le temps de la grossesse Surveillance de la grossesse A. il est nécessaire de trouver un partenaire consentant ou. on entend tous les mécanismes inter et transgénérationnels concernant le désir d’enfant. la naissance et la petite enfance.fr . un projet de couple. un désir de grossesse devrait. la grossesse. les parents (ou les futurs parents) sont désormais considérés comme un système indivisible où chacun influence l’autre et reçoit les influences de l’autre1. dans un certain nombre de cas. longue. ajou1. La préoccupation maternelle primaire fournit à l’enfant les conditions nécessaires à son développement. C’est une sorte d’hypersensibilité quasi pathologique. quand l’absence de tout retentissement physique. nécessitant l’adaptation de la prise en charge tant technique que relationnelle. une fois l’accouchement terminé. les vicissitudes qui peuvent apparaître tout au long du processus de grossesse et venir s’interposer dans son « bon » déroulement. C’est dans cet espace que s’inscrit. et toujours plus tôt au cours de la gestation au nom du progrès médical et du développement de la prise en charge psychologique et sociale. En effet. éliminer un risque de fausse couche. de dissociation. d’effectuer des contrôles et autres tests prédictifs ou diagnostiques de la normalité de la grossesse rend plus précoces à la fois l’offre et la demande de soins. en partie. La femme ne se souviendra pas de cet état. cela peut retentir sur le bien-être psychique d’une femme. « État de la mère pendant la grossesse et quelques semaines après la naissance. la majorité des patientes ne le savent pas ou. somatiques. On ne peut parler de normalité en matière de grossesse et d’accouchement qu’après. La possibilité. Il y a une sorte d’adéquation totale entre la mère et son bébé. l’enfant vu et nommé. tout désir de « faire le bien » pour la parturiente voire le couple peut en réalité « faire mal ». élaboré. Ce dernier n’éprouve aucun . C’est l’équivalent d’un état de repli. Si le soignant (sage-femme. voire. par sa formation. de fugue vis-à-vis de la réalité et qui peut ressembler à un épisode schizoïde. médecin) est censé savoir. espace dans lequel vont se juxtaposer des éléments médicaux. Cela crée à l’évidence un « espace de quiétude incertain » conscient ou inconscient qui va se développer tout au long du processus de procréation. la prise en charge de la grossesse s’est de plus en plus « médicalisée » voire « médico-psycho-socialisée ». dans la majorité des cas à notre époque. Diagnostiquer la grossesse. toute démarche cherchant à prouver la normalité de la grossesse. d’un homme et contrarier leur projet. toujours grande. Une femme en bonne santé physique et mentale peut à la fois atteindre cet état et l’abandonner quelques semaines après la naissance de l’enfant. préfèrent ne pas le savoir. la « préoccupation maternelle primaire » de Winnicott1. des années plus tard. de façon concertée.20 Les âges de la vie Dans le même temps. psychiques et des éléments culturels et sociaux. psychique ou psychomoteur est prouvée. tout au moins. rechercher une grossesse extra-utérine. ce qui reste quelque chose de normal dans la vie d’une femme. temps de pleurs. autant de bouleversements dans la vie de la femme où. au-delà de la simple surveillance « médicale ». Organiser un environnement favorable autour de la grossesse afin de permettre l’émergence d’une harmonie dans la relation entre la femme enceinte. de façon symbolique.Le temps de la grossesse 21 tant à la complexité d’un phénomène qui pourtant semble si naturel et si simple : enfanter. Être enceinte. le couple et le professionnel de la périnatalité est devenu une nécessité. d’enquêtes médicales. sociales. 2005). aux plus compliqués. sans défaut. si tout est « normal ». s’accompagne quasi immédiatement d’une débauche de consultations.fr/infirmiere/formation/psychiatrie/enfant/therapie/winnicott. p. de la note 1. de « l’état de l’enfant » comme s’il s’agissait d’un produit et de l’expérience de la vie débutée dans le désir de l’autre. tout au moins pour la quiétude pour ne pas dire la béatitude dans laquelle la future mère s’était installée. ou encore « au niveau de la représentation inconsciente… un cauchemar » (Bydlowski. malgré les moyens actuels de prise en charge de la douleur bien plus efficaces qu’autrefois. temps de joie.htm . sans risque d’imperfection pouvant entacher d’un handicap le début de cette vie tant souhaitée. peu ou pas invasifs. de la surveillance de l’état psychique et social. il ne restera qu’à affronter la réalité de l’enfant né normal au décours d’un accouchement encore redouté de nos jours. (Suite danger. véritable prévention des troubles de la « parentalité » et des dysharmonies relationnelles précoces parents-fœtus-enfant. Tout cela est nettement plus à risque. 20). si ce n’est pour la santé de la mère ou de l’enfant à venir. l’enfant se devrait d’être né avant d’être né. Mettre au monde un enfant relève encore. et d’examens complémentaires. Dans notre société. psychologiques. génétiques. d’un travail. aucune menace et peut s’investir lui-même sans problème http ://psychiatriinfirmiere. De la réussite de la grossesse ou de son échec. d’une épreuve voire d’un rite initiatique. en particulier en cas de précarité avérée.free. des plus simples.1 On sait également l’importance actuelle. temps de la grossesse. du futur père à l’enfant de lui porté. projet personnel puis parental constitué au fil du temps : temps de la femme. 1. ramolli. Le temps de la grossesse La plupart des grossesses actuelles sont désirées. d’une culture à une autre. C’est la naissance d’une famille dont on sait les conséquences sociales et psychologiques. un environnement favorable à l’épanouissement de la parturiente et du couple dans un souci d’aider à la mise en place progressive de la parentalité. Dire et insister sur ce qui est positif sera ressenti comme des affirmations du caractère normal de la grossesse et permettra plus . 2005) payée pour accéder au monde adulte. la « dette de vie » (Bydlowski. La surveillance de la grossesse normale doit avant tout organiser. à la paternité. et ce à un âge de plus en plus avancé alors même que les contraintes sociales ou amoureuses ont retardé le moment d’accepter une grossesse. le col est raccourci. il est préférable de dire que le col est fermé s’il l’est à l’orifice interne (seule qualité requise pour affirmer le caractère normal de la grossesse et l’absence de précautions drastiques à prendre). dont les modalités d’expression sont différentes d’une époque à une autre. La mise en place progressive de la contraception et de la régulation des naissances diminue de façon sensible le nombre d’IVG avant la première grossesse. font de cette première grossesse un événement primordial et fondamental. etc. même si le nombre d’interruptions volontaires de grossesse (IVG) est stable ces dernières années. Par exemple. Elle est de plus l’accès à la parentalité.22 Les âges de la vie La naissance d’un enfant représente. La plupart des femmes. SURVEILLANCE D’UNE GROSSESSE PRÉSUMÉE NORMALE : « PRIMUM NON NOCERE » Il importe d’organiser le discours afin que seuls les éléments positifs de la surveillance soient mis en valeur. le passage définitif au statut de femme. la contractilité utérine. lors de la mise en place des examens cliniques et complémentaires obligatoires ou jugés nécessaires. etc. on passe à 57 % en 2004. la prise de poids. De 50 % de femmes primipares en 1998. plutôt que de dire : l’orifice externe est ouvert. pour la mère. Ce qui est vrai pour le col est vrai pour un grand nombre d’éléments comme la hauteur utérine. y compris lors de l’émergence d’un risque. . La difficulté sera de toujours naviguer dans la « zone de confiance positive » entre un trop grand laxisme et une hypersurveillance voire une hypermédicalisation (encadré 2.1) . celle-ci n’aboutirait qu’à une surveillance de type paternaliste et non à une relation de confiance qui seule peut permettre. en cas de pathologie avérée. sa capacité à « gérer » toute situation de stress en particulier au sein d’une équipe pluridisciplinaire sans oublier la formidable pression médico-légale qui s’est développée ces dernières années. Encadré 2. mais empêche de l’identifier clairement pour la patiente qui ressent alors une discordance dans le discours. Être à la fois pas trop protecteur et suffisamment vigilant pour dépister ou diagnostiquer toute survenue de complication est l’un des enjeux principaux de la surveillance de la grossesse normale. Le fait est que la grossesse est un phénomène naturel et physiologique : il est encore « normal » pour une femme présumée « normale » d’avoir une grossesse « normale » et d’accoucher « normalement » ! Le point de départ d’une hypermédicalisation outrancière et régulièrement condamnée par les mouvements évoqués plus haut vient d’une constatation simple : on ne sait que tout s’est bien passé que quand tout est fini ! Articuler sa pratique entre les deux positions est bien entendu affaire personnelle pour la sage femme ou le médecin travaillant dans le cadre de la prise en charge de la périnatalité. de pouvoir prendre en charge en toute transparence. Hypermédicalisation et périnatalité Le développement progressif de la prise en charge de la surveillance de la grossesse par le « médical » a des conséquences non seulement sur les modalités de fonctionnement des différentes équipes et structures mais également par le développement de mouvements prônant la « démédicalisation » de la surveillance de la grossesse et de l’accouchement. si une complication ou un échec apparaît. par la susceptibilité personnelle du soignant. dans un cadre différent où la femme enceinte se sentira immédiatement prise en charge. Faire de toute grossesse une « maladie potentielle » ne supprime pas le risque. De nombreuses attitudes sont modulées par la formation reçue.1.Le temps de la grossesse 23 aisément de se placer. par le cadre dans lequel s’exerce la prise en charge (influence sur la surveillance d’une grossesse normale d’être suivie dans une maternité de type III…). – Montrer et démontrer que la grossesse se déroule normalement au moment de la consultation ne veut pas dire que la suite de la grossesse sera normale ou qu’aucune malformation n’apparaîtra. échographie trop précoce. dont l’un des éléments fondamentaux est la survenue de contractions du simple fait d’un surcroît de sécrétion interne d’adrénaline. Ainsi. il faut savoir distinguer l’échographie de consultation de l’échographie de 12. et la survenue d’une complication afin d’affirmer la nécessité d’exercer un tout autre type de surveillance est la seule façon neutre de prendre en charge une grossesse présumée normale. principalement à type de contractions que dans l’état de dépendance voire d’hospitalisme dont les conséquences peuvent être importantes. L’examen clinique fait partie intégrante du processus destiné à « démontrer » à la consultante ou au couple (c’est le cas de plus en . C’est de la responsabilité de chaque personne acceptant de prendre en charge une femme enceinte que de trouver le cadre dans lequel sa pratique va être évaluée et d’accepter le principe de modifier toute attitude aboutissant de façon évidente à une hypermédicalisation nocive pour tous. Il faut donc s’attacher à affirmer le caractère normal de la grossesse de la manière suivante. et les échographies d’expertises ne seront réalisées que dans le cadre d’une demande particulière lors de la surveillance d’une grossesse sortant du cadre de la normalité (voir ci-après le paragraphe « Annonces anténatales »). Distinguer entre la grossesse normale. la deuxième doit faire l’objet d’une consultation uniquement destinée à sa réalisation. répétition et banalisation des échographies au cours de la surveillance de la grossesse.24 Les âges de la vie Les méfaits de l’hypermédicalisation sont connus tant la gestion de l’angoisse et du stress sur la survenue d’effets secondaires. à la position fœtale ou à la localisation placentaire . il importe de ne pas chercher à prouver des choses non prouvables : démultiplication des dosages de b-hCG inutiles. 22 et 32 semaines d’aménorrhée (SA) : la première ne peut et ne doit que vérifier la vitalité fœtale et contrôler éventuellement des mesures simples servant au dépistage d’une anomalie. savoir l’affirmer voire le démontrer. Surveiller toute grossesse présumée normale comme une grossesse à risque crée de toutes pièces une pathologie psychosomatique dépendante des effets physiologiques (biologiques) du stress. – Dès le début de la grossesse. échographies. On le montre à la parturiente sur l’image. – Les consentements à la pratique de ces examens doivent être recueillis. – Informer sur les examens non obligatoires mais obligatoirement proposés est également important. de ses risques propres . en fonction de l’anomalie. même si pour le soignant cela n’est pas forcément un signe rassurant et positif. On entre alors dans un « espace d’inquiétude certaine ». L’un des exemples les plus démonstratifs de la nécessité d’identifier ce type particulier de prise en charge pendant la grossesse est la surveillance des femmes ayant eu une amniocentèse ou un diagnostic anténatal ayant abouti à la conclusion de la normalité . n’existaient auparavant. elle n’aura pas pour autant des effets négatifs sur l’issue de la grossesse. examen clinique. ce dont nous ne discuterons pas ici) et la sérologie VIH. pour démontrer que le col est bien fermé. mais seulement accepter que ce dernier le fasse. Les deux exemples sont la prise de sang de dépistage du risque de trisomie (dite HT21. Il reste un point d’appui important pour la femme qui vit dans la crainte de « perdre son bébé ». qui peut être parfaitement réalisé de façon indolore. – Il convient d’expliquer tout au long de la grossesse les différents temps d’explorations. ce qui valide dans le même temps une autre réassurance : « un effort n’ouvre pas son col ». en se rappelant que consentir n’est pas prendre la décision à la place du soignant. toujours possible même si une surveillance de la grossesse a été effectuée tout à fait normalement et qu’aucune anomalie ou pathologie. de quelque nature que ce soit. il faut s’aider d’une échographie du col avec une mesure. Si le col est modifié. ou ce qu’il sera nécessaire de faire au cas où une pathologie surviendrait. les raisons de ces examens et ce que l’on peut en attendre : prises de sang.Le temps de la grossesse 25 plus à la consultation) que « tout » est normal. même si elle peut être le marqueur d’éventuels autres risques. – Il faut aussi informer sur les examens nécessaires et ceux inutiles. tout va bien . il l’est pour la femme. Même si des études multicentriques montrent que sa pratique n’est pas indispensable. en particulier – dans notre culture occidentale et latine – le toucher pelvien. il convient d’expliquer la nécessité d’une prise en charge particulière. Si le col est fermé. – Si une anomalie apparaît. il ne présente pas de risques infectieux dans les conditions habituelles de l’examen. elle constate que « rien ne bouge à la poussée ». un retentissement fœtal et nécessitant éventuellement une décision d’extraction précoce dans le cours de la grossesse. Chaque pathologie est un cas particulier et il est difficile de les détailler ici une par une. Le soignant se comportera en fonction de cette donnée. Il importe surtout de distinguer si ne survient pas une pathologie pouvant avoir. fœtal ou maternofœtal doit être clairement identifiée et annoncée comme telle. diabète. Par ailleurs. etc. de nommer les risques pour la suite de la grossesse. véritable pathologie de tous les jours (gastro-entérite. Ainsi. etc. on peut attendre qu’elle n’ait aucun retentissement sur le fœtus ou sur la grossesse.) . la vue de l’enfant et l’affirmation de la normalité les délivreront de cette incertitude. Elle est le plus souvent banale. Seules la naissance. que la prise en charge amènera telle ou telle amélioration ou absence d’aggravation. malgré une prise en charge optimale. Il est nécessaire de dire qu’il existe une pathologie. de sa croissance et de la grossesse . tout au long de la grossesse et lors des consultations successives. SURVENUE D’UNE ANOMALIE MATERNELLE PENDANT LA GROSSESSE Y Distinction entre les pathologies À tout moment de la grossesse peut survenir une « maladie » maternelle. ce que l’on peut attendre de l’évolution à partir du moment où une surveillance et un traitement sont institués. du fœtus donc de l’enfant. à vivre dans l’émotion et le subjectif tant que l’enfant ne sera pas né. d’expliquer les risques pour le fœtus en donnant. infection urinaire. accident de la voie publique. l’objectif principal est d’affirmer le caractère normal de l’enfant. en particulier de peur des conséquences médicolégales par défaut d’information. Dans ce cas.26 Les âges de la vie de l’embryon. La survenue d’une pathologie maternelle (hypertension artérielle. objective pour lui. il s’agit de ne pas laisser planer le doute en évoquant les risques potentiels. non spécifique. certaines pathologies maternelles. il faut traiter avec les moyens habituels. On sort là de la surveillance de la grossesse normale. . une fois traitées. rassurer sur l’absence de risque particulier. vérifier l’état fœtal et accompagner la guérison.) pouvant avoir un retentissement maternel. dans chaque cas. alors que la femme enceinte voire le couple continueront à douter. rhinopharyngite. au risque d’avoir un retentissement négatif et même de créer un environnement global négatif pour soignants et soignés. au couple de continuer à vivre sans angoisse et sans crainte la suite de la grossesse et d’aborder la période de l’accouchement sans se créer un état de stress. Y Contractions utérines et accouchement prématuré Le cas particulier de la survenue de contractions utérines réalisant. soit une menace de fausse couche. L’accouchement prématuré peut entraîner des séquelles importantes chez l’enfant. La iatrogénie sera médicale – phlébites survenant au décours d’un alitement prolongé. et une issue « naturelle ». soit une menace d’accouchement prématuré démontre la difficulté de la prise en charge d’une pathologie de la grossesse. Dans ce dernier cas. Chaque intervenant offrira alors à la future accouchée et au couple la possibilité d’exprimer la totalité de ses questions et de ses angoisses. sous surveillance. Chaque entretien avec un professionnel différent favorisera l’émergence d’un questionnement permis par un environnement nouveau améliorant ainsi une prise en charge globale. Elle est déclenchée par concertation au cours de réunions pluridisciplinaires afin d’optimiser la prise en charge médicale et l’accompagnement psychologique. Cela est d’autant plus valable si une décision importante est nécessaire ou lorsqu’il est fondamental d’affirmer que la grossesse peut se poursuivre « normalement » . d’un « risque » peut avoir des conséquences fondamentales sur le déroulement ultérieur de la grossesse. Là. tout le travail d’accompagnement sera de permettre à la femme. que la mise en jeu de tous les professionnels de la périnatalité est absolument nécessaire. C’est dans ces cas. on ouvre ainsi un temps d’attente où l’angoisse de l’équipe peut être tout aussi difficile à contrôler. hospitalisation en secteur de « grossesse à .Le temps de la grossesse 27 n’entraîneront aucun retentissement maternel ou fœtal. l’existence d’une « menace ». prise de poids excessive par diminution de l’activité physique. encore et toujours. du fait d’un excès de mise en œuvre du principe de précaution – arrêt de travail devant toute modification du col voire devant des modifications physiologiques (orifice externe ouvert chez une multipare). selon le terme de la grossesse. autorisant la poursuite de la grossesse. entre autres. –. et à tout le moins psychologique. etc. Bien entendu.5 % des naissances et est en augmentation régulière (de 5. Même si la prématurité (tous termes confondus) représente entre 5 et 7. dans ce genre de prise en charge. au lieu de 5.13 %) (Rapports d’enquête nationale périnatale. faire trop et ne pas faire assez a des effets négatifs tant en termes de retentissement médical que d’effets psychologiques pervers. – l’existence ou non de pathologies maternelles . – les conditions de travail . tout simplement parce que l’utérus est un muscle et qu’il existe un réflexe musculaire à type de contractions en fonction des stimuli. car certains professionnels de la périnatalité. La menace de fausse couche et la menace d’accouchement prématuré sont définies par la survenue de contractions. 1998 et 2003). mais de contractions qui entraînent des modifications du col pouvant aboutir à la fausse couche ou à l’accouchement.5 %.2 % en 2003). préféreront jouer la prudence maximale alors qu’en fait ils géreront plus leur propre angoisse que celle de la patiente. Il est normal qu’il existe des contractions pendant la grossesse. afin de faire ce qu’il faut quand il le faut et sans médicaliser à outrance.9 % en 1995 à 7. – la précarité (l’enquête nationale périnatale 1998 montre que le taux de prématurité des femmes ayant des ressources provenant d’aides publiques ou aucune ressource est de 7.15 % des naissances dont 1 000 avec handicap sévère (environ 0. Ces chiffres doivent rester présents à l’esprit de tout professionnel de la périnatalité au moment de l’analyse de la survenue de contractions chez la femme enceinte. de bonne foi. – la grossesse multiple . il est indispensable de ne jamais oublier que. – le tabac et l’alcool . etc. La juste mesure est complexe. Cependant.7 % . L’analyse des facteurs influençant la morbidité périnatale montre l’existence de déterminants tels que : – l’âge maternel . la très grande prématurité ne représente que 9 000 cas par an.28 Les âges de la vie risques » pour ne pas dire secteur de « grossesses pathologiques » en cas de survenue de contractions utérines sans modification du col. soit 1. il existe de nombreuses causes médicales de menace d’accouchement prématuré qui doivent être identifiées et traitées. Le temps de la grossesse 29 chez les femmes ayant des ressources provenant d’une activité professionnelle) . l’enfant va naître. Il est capital d’expliquer que l’on ne peut pas tout prévoir.fr). avec ses deux extrêmes que sont le retard à la consultation périnatale et. lors du 9e mois de la grossesse1. parmi lesquels il est fondamental de rechercher l’existence d’une dépression du postpartum au décours d’un précédent accouchement. 7) Le temps de la naissance La naissance doit être préparée au niveau de la consultation. 2006. 1. à l’opposé. ou de tout autre difficulté psychologique qui n’aurait pas été évoquée lors de la surveillance de la grossesse. . mais dans tous les cas. que celle-ci soit normale ou entachée d’une pathologie maternelle. parfois « le simple fait d’être enceinte peut réveiller la peur de la dépendance retrouvée chez certaines femmes qui se comportent comme si elles n’étaient pas enceintes ou dans certains tableaux de contractions prématurées ». Seules des anomalies pouvant avoir une influence sur le choix du mode d’accouchement doivent faire l’objet d’examens complémentaires. sources de complications iatrogènes. estimation du poids fœtal. appréciation clinique du bassin. p. et antécédents obstétricaux. le caractère normal ou non de la grossesse ainsi que l’idée de l’enfant à naître sont acquis. Soit tout est normal tant pour l’enfant que pour la mère. Voir les recommandations de la pratique clinique de la Haute autorité de santé : Préparation à la naissance et à la parentalité (www. soit il existe une anomalie qui n’a pas entraîné d’interruption de la grossesse . Notre rôle est ici de prévenir l’ensemble des traumatismes liés à la grossesse. À ce stade. l’augmentation des examens et des interventions médicales. organisée de façon plus collective. – des « déterminants liés au système de santé ». tout en se souvenant que. (Molenat. Il est nécessaire de s’assurer de la normalité des éléments pronostiques maternels et fœtaux en vue de l’accouchement : présentation fœtale. sans préjuger de la préparation indispensable à la naissance elle-même.has-sante. l’équipe soignante vont être amenés à adapter leur comportement. d’une véritable expérience de la vie. de l’engagement du mobile fœtal. peuvent y être évoqués les possibilités de prise en charge de la douleur. depuis la plus banale jusqu’à la plus grave. n’est pas lié à une maladie. modifications du rythme cardiaque fœtal. tout en restant suffisamment vigilant.30 Les âges de la vie qu’il n’est pas anormal qu’un certain nombre de décisions ne soient prises que pendant le travail en fonction de la dilatation. . il est nécessaire d’utiliser le temps restant avant la naissance pour : – organiser une consultation avec les anesthésistes. tant au niveau obstétrical qu’au niveau émotionnel. ou tout autre élément de surveillance nécessaire par rapport à une pathologie particulière (risque thrombo-embolique. pour être capable de faire face à la survenue de toute complication. risque thrombophilique. qu’il s’agit.).) . l’organisation de l’analgésie obstétricale. Au-delà des éléments médicaux purs. – mettre en place la surveillance de la fin de la grossesse. Il faut dire et redire que le temps de l’accouchement est un temps fondamental où peuvent se prendre un certain nombre de décisions. l’enjeu fondamental est la capacité (au mieux grâce à une équipe pluridisciplinaire) de mettre en place l’environnement favorable au bien-être de la future accouchée. le couple. – optimiser la surveillance de toute pathologie connue et contrôlée . au sens « noble » du terme. de la survenue d’anomalies (saignements. Au-delà de la consultation du 9e mois qui marque la fin de la surveillance « officielle » de la grossesse. etc. etc. dans la très grande majorité des cas. en fonction de ce qui va se passer. dans les domaines médicaux ou psychologiques. – dépister toute survenue de complication pouvant avoir une incidence sur la poursuite de la grossesse ou l’organisation de l’accouchement. en particulier les procédures de prise en charge du dépassement théorique du terme si tel est le cas . En matière de prise en charge médicale de ce qui. où la femme. Le temps de la grossesse 31 Annonces anténatales V. Leur bénéfice est indéniable en termes de sécurité et de qualité des soins pour les femmes et les enfants à naître. Pourtant. Pour les praticiens qui. Il s’agit avant tout d’apprendre à communiquer . les femmes. Pourtant. Au travers d’annonces successives. la sage-femme. n’ont appris ce type de prise en charge que par la pratique d’erreurs répétées. elles peuvent être difficiles voire dramatiques à vivre. le médecin traitant ou. dans la vie de la femme. pour permettre qu’il y ait. chaque situation est unique. bonnes ou mauvaises. les couples défaits. Qu’il s’agisse d’un choix d’IVG. dans leur majorité. annoncer. accompagner l’annonce. d’une complication même médicalement minime ou de la découverte d’une pathologie fœtale. au suivi ou aux soins. aider à la prise en charge. . MIRLESSE La grossesse n’est pas une maladie. récupérer les femmes inquiètes. d’une naissance à terme d’un enfant bien portant. chaque annonce au cours d’une grossesse peut entrer en résonance de façon inattendue avec d’autres événements de leur vie et prendre une dimension traumatique surprenante. les couples et les familles arrêtés dans leur existence à l’instant de ces annonces. ni à un code de comportement. désormais. sur le plan individuel. il est aussi des annonces faites par eux-mêmes qui restent à jamais gravées dans leur mémoire. les couples vont vivre ces moments en apprenant à faire face à des événements nouveaux et à se transformer en chemin. tout professionnel de la naissance sait bien qu’une femme ou un couple ne sont plus les mêmes après le vécu d’une grossesse. c’est-à-dire à considérer l’interlocuteur prioritaire sur l’information à délivrer. Les annonces anténatales sont inévitables dans le cadre de la surveillance organisée des grossesses. les équipes obstétricales vont. selon les cas. tout comme le font les cancérologues ou autres somaticiens face à certaines maladies graves. Apprendre à délivrer des nouvelles en anténatal ne se résume pas à la connaissance d’une réponse précise à une question médicale donnée. aux explications. Le gynécologue-obstétricien. et laisser les individus. du couple ou de la famille un avant et un après l’annonce. quelle que soit l’issue de la grossesse. son écoute. Nous évoquerons dans un premier temps les raisons pour lesquelles les annonces prénatales constituent un enjeu majeur du suivi obstétrical. Pour une même annonce de grossesse débutante. une grande joie. la première annonce. avant d’aborder les repères classiques de la délivrance des nouvelles en médecine. selon la période de la vie d’une femme. souvent faite par la femme ellemême au praticien. Près de 200 000 seront volontairement interrompues. son histoire. aux alentours de 800 000 par an. et de souligner les particularités de leur application à la médecine prénatale. Enjeux d’une grossesse Avant d’aborder quelques aspects des enjeux psychiques d’une grossesse. ses commentaires. ni une grossesse l’attente d’un enfant. de ses inquiétudes. par l’un ou l’autre des protagonistes. est l’annonce de la grossesse . soit 24 000). une information intangible. de ses interrogations. Chaque année. dont 10 % de retards de croissance intra-utérine (80 000) et environ 3 % de naissances très prématurées (moins de 32 SA. L’annonce d’une grossesse est une réalité. mais parfois faite à la femme par le praticien. Un retard de règle n’est pas encore une grossesse. elle illustre remarquablement la complexité du problème. grossesses extra-utérines ou morts in utero. Ainsi. Seule sa répercussion en fait une . Selon le dire du praticien. et la manière dont elle est reçue illustrent à nos yeux le premier point essentiel de l’annonce prénatale : le ressenti d’une annonce dépend toujours du contexte. en France. son environnement. un désastre. l’histoire de son couple. l’annonce pourra être vécue comme un drame. La façon dont elle est donnée. il se verra le reflet du cheminement psychique de la femme. à peu près autant donneront lieu à des fausses couches. sa connaissance médicale et son expérience humaine. de ses attentes. etc.32 Les âges de la vie L’objectif de ces pages est d’explorer quelques facettes de l’annonce anténatale de manière à trouver des repères pour notre pratique au quotidien. avec en filigrane dans son esprit à lui. Le nombre de naissances annuelles d’enfants vivants est relativement stable. L’information elle-même n’est pas toujours une annonce. de ses hésitations. plus d’un million de femmes débutent une grossesse. un bouleversement. il nous semble utile de faire un court rappel sur la réalité des chiffres. 1994). les attentes et y répondre sans parti pris. Pourtant. Je comprends alors que son émotion résulte de l’annonce du sexe fœtal et que le « vous avez tout vu ? » porte sur la question des organes génitaux… La tendance actuelle de la dissémination du suivi de grossesse entre différentes structures ne facilite pas cet échange en confiance. La seconde remarque est qu’une annonce en soi n’est que le début d’un processus. de trouver un terrain de dialogue. mais elle change « l’idée que le patient se fait de son avenir » (Buckman. l’asymétrie entre le praticien et . de refaire connaissance. Il est alors nécessaire. d’abord agacée par cette phrase type (car on ne voit jamais tout à l’échographie…). Une annonce peut être une bonne ou une mauvaise nouvelle. telle autre déroutée devant une grossesse inopinée. la réaction de chacune reste unique. vous avez tout vu ? ». les inquiétudes. Il est important pour les professionnels de percevoir avant l’annonce le terreau dans lequel il sème son message. me demande au cours de l’examen échographique qui précède le geste de confirmer qu’elle attend bien une fille. Particulièrement dans ces situations anténatales. Au praticien de savoir se placer suffisamment en retrait et à l’écoute pour saisir les doutes. cette jeune femme. ce qui compte est l’échange qui suit et la prise en charge qui en découle.Le temps de la grossesse 33 annonce. Ainsi. reçue pour une amniocentèse au cours d’un bilan de toxoplasmose. imaginant que son inquiétude porte sur le risque de malformation ou de toxoplasmose congénitale. et me dit : « Alors docteur. s’il est toujours utile de préciser les antécédents. un terrain de confiance. l’information est plus aisément resituée dans un contexte où les antécédents sont connus et le cheminement personnel de la femme familier : telle jeune femme au passé d’infertilité sera probablement ravie d’une annonce de grossesse . Lorsqu’elle se met à pleurer doucement. il ne peut y avoir d’automatisme dans le présupposé de l’effet de l’annonce. dans le noir de la salle d’échographie. je retiens ensuite mon agacement. l’environnement de vie des patientes. Mon examen révèle qu’il s’agit en fait d’un garçon. Lorsqu’un lien existe déjà entre la femme et le médecin (comme avec un médecin généraliste ou un gynécologue traitant). Cela renvoie directement au rôle que le praticien se donne. à chaque nouvel interlocuteur. Bonne ou mauvaise nouvelle. ses forces et sa grande vulnérabilité. en « fœtus tumoral ». et 40 % des femmes enceintes le sont pour la . Informer. qui construisent un système de santé centré autour de l’acte (T2A [tarification à l’activité]) et de sa cotation (nouvelle Classification commune des actes médicaux [CCAM]). Préserver la dynamique psychique de la femme sera l’un des enjeux des annonces anténatales. La grossesse est d’abord une transformation du corps. administrateurs. souvent fort éprouvantes tant pour les familles que pour les équipes. est libre de s’interroger sur son mode d’exercice. et de façon amère. Les psychanalystes se plaisent à analyser les enjeux et les multiples mouvements psychiques (Soubieux et Soulé. des émotions et un retour à la réalité permettant seul à la vie de continuer : voilà quelques composantes de ces consultations. Alors même que la femme est à peine enceinte. permettre l’expression des émotions. Elle est perçue comme une future mère alors qu’elle-même n’imagine pas encore l’enfant qu’elle attend. Lors de ces situations d’annonce. 2002) qui s’accompagne d’angoisses et de fantasmes. mais bien d’exercer un art médical créatif. recevoir la réaction du patient. où le praticien reste à sa place. La grossesse et l’accès à la maternité constituent une véritable étape de la maturation de la femme.34 Les âges de la vie sa patiente ne se limite pas à une asymétrie de connaissance ou de situation. la consultation médicale n’aura pas pour seul but de poser un diagnostic (bien que celui-ci soit aussi important). 2005) de la femme enceinte. attendu. Chacun. annoncer. Le déroulement de la grossesse renforce dans les premiers temps le narcissisme de la femme elle-même . souligner la majestueuse ignorance de cette forme de pratique par ces grands hommes et femmes. le regard d’autrui sur sa personne change. dans son apprentissage et le choix de sa pratique. puis parfois longtemps après. accompagner la reprise de la pensée. de la réflexion. tout en gardant cette « ambivalence fondamentale » (Sirol. 2004). insupportable et ne pouvant être accueilli (Boltanski. On peut au passage. Elle est enceinte et son corps se transforme alors même qu’elle ne sent encore que nausées et fatigue. et peut selon le contexte transformer le fœtus de l’enfant désiré. Cela prend du temps et doit néanmoins rester une consultation médicale. puis progressivement la femme investit l’enfant qu’elle attend et s’autorise à s’y attacher. l’écoute des bruits du cœur fœtaux ou son absence vont permettre à la grossesse de s’ancrer dans la réalité bien avant la perception par la femme elle-même des mouvements actifs. aux situations de HELLP syndrome à un terme précoce. annoncer la nécessité d’une césarienne imminente. mais aussi le risque fœtal lié au retard de croissance éventuel ou de prématurité associée. plus rarement. La révélation d’une pathologie maternelle entraîne immédiatement une inquiétude de la femme et de son entourage sur sa propre santé. diabète. mais dans l’esprit des femmes. La première crainte du conjoint va concerner la santé de la mère . pathologie infectieuse [VIH. chaque mesure de la hauteur utérine. CMV (cytomégalovirus) ou néoplasique] ou un événement intercurrent pour la grossesse (menace d’accouchement prématuré). telle l’annonce d’un diabète de la grossesse ou la . l’enfant à naître reste flou avant de devenir une « personne ». l’image de l’enfant à naître reste longtemps abstraite. On pense par exemple. L’annonce d’une pathologie maternelle peut être moins dramatique. Chaque consultation de suivi de grossesse. Les annonces de la période anténatale concernent les possibles pathologies maternelles ou les anomalies fœtales. etc. Il peut aussi s’agir d’une annonce en lien avec un risque fœtal générant simultanément un sentiment aigu de culpabilité vis-à-vis de la grossesse et du fœtus. soit d’un examen échographique dont le résultat n’est pas normal. Il est utile que les praticiens aient conscience de ces doubles facettes. Certaines annonces concernent la santé maternelle (hypertension artérielle. soit d’examens complémentaires prescrits ou à discuter (bilan sérologique. triple test. Le praticien qui reçoit la femme aux urgences va devoir expliquer la pathologie maternelle. Les représentations de l’embryon puis du fœtus puis des enfants prématurés et enfin des nouveau-nés abondent dans la presse et les ouvrages de vulgarisation. la réaction de la femme elle-même portera plus probablement sur les risques fœtaux.Le temps de la grossesse 35 première fois. chaque main posée sur le ventre.). Pour elles particulièrement. ou encore. Nous dissocierons volontairement les deux situations qui comportent à nos yeux des enjeux et des dynamiques très différents. un éventuel risque de menace vitale. D’autres concernent directement le fœtus et résultent soit d’un environnement familial particulier (pathologie génétique familiale à risque de transmission). un couple dans l’incertitude en attendant l’annonce . Ce sont ces mêmes femmes qui pourront dire. pour permettre aux femmes de se remémorer la consultation initiale. intégrant la nouvelle. cette phase de préparation est essentielle en ce qu’elle permet à la femme d’anticiper la suite des événements. Les précautions à prendre pour l’annonce d’une pathologie maternelle sont similaires à celles pour d’autres maladies. Cette éventualité est alors présente à l’esprit de la femme qui viendra chercher le résultat. mais ne sont que des indications tant les codes de conduite trop rigides nuisent à la qualité de la communication qui repose essentiellement sur la relation. Annonce d’une mauvaise nouvelle : quelques repères généraux L’annonce d’une mauvaise nouvelle doit dans la mesure du possible être anticipée. il est toujours utile de reprendre le discours tenu lors de la prescription. elle doit être prévenue sans plus de détail qu’elle est convoquée « pour parler des résultats ». Par exemple. si l’on suspecte un résultat anormal. il peut s’agir de la révélation d’une séropositivité VIH ou de la découverte d’un cancer du col ou du sein. ce sera aussi le cas de la prescription des marqueurs sériques visant à évaluer notamment le risque de trisomie 21. Cela peut se faire de différentes façons. après l’entretien d’annonce. Lors de la prescription des examens complémentaires. on peut prévoir un rendez-vous « pour les résultats ». Lorsque les résultats reviennent pathologiques. pourtant. Cependant. C’est notamment le cas des sérologies VIH. avec cette fois un véritable consentement signé par les femmes. je me disais que… ».36 Les âges de la vie survenue d’une hypertension artérielle. . proposées en début de grossesse . Certains objecteront qu’il n’est pas humain de laisser une femme. l’information sur l’objectif de l’examen permet d’évoquer la possibilité d’un résultat anormal. ou encore. « j’en étais sûre » ou « je le savais bien » ou « depuis le début. préparée pour atténuer le choc et la brutalité. les répercussions pour les femmes sont difficilement prévisibles et imposent le même type de consultation. Enfin. Certains principes de base sont reconnus par les patients et les équipes médicales pour atténuer la pénibilité de ces moments. et accédant par la même à la possibilité d’y réfléchir. lorsque la patiente est convoquée en consultation. la patiente est prévenue que le médecin souhaite la recevoir à propos des résultats de ses examens. de sentiments confus. La patiente doit pouvoir bénéficier d’un contact direct avec le praticien annonceur et du soutien d’une personne de son choix (conjoint. Les informations médicales données ne sont plus entendues par la personne concernée. famille. et c’est notamment le cas pour l’HT21. Il n’existe aucun accompagnement possible de l’effet de choc entraîné. puis de révolte. L’annonce d’une mauvaise nouvelle entraîne toujours une phase de sidération. Le praticien lui aussi doit avoir organisé son temps pour ne se sentir ni oppressé. dans un contexte que le praticien ignore. Il est utile qu’il maîtrise les informations qu’il va devoir transmettre. un repère affectif. et qu’il se soit préparé à cette consultation d’un type particulier. tout en sachant que cette représentation peut être très différente dans l’esprit de la patiente. Elle évitera aussi que la femme ne quitte le lieu de consultation seule. etc. pour se la représenter. les résultats reviennent au médecin prescripteur qui sera l’annonceur de la nouvelle. en sachant se préserver des intrusions intempestives dans la pièce et des sonneries inopinées du téléphone. car en aucun cas elles ne donneront d’autre information par téléphone. La consultation doit être organisée dans un lieu calme. L’accompagnement par une personne amie est d’une grande aide. à la fois pour la patiente et pour le praticien.). ni pressé. Nous avons tendance à solliciter cet accompagnement de façon insistante. Il n’est pas inutile non plus qu’il ait pris quelques instants pour évaluer le retentissement supposé de la pathologie à annoncer. La présence d’une personne amie forme un vrai soutien émotif. Les résultats ne sont jamais transmis par téléphone. . de questionnements. ami[e]. Cette personne aura elle aussi entendu le diagnostic posé et pourra reprendre avec la patiente le déroulement de la consultation.Le temps de la grossesse 37 Il est aussi nécessaire de s’assurer auprès des laboratoires que les résultats ne soient pas transmis aux patientes par lettre et sans autres commentaires. Nous demandons habituellement aux secrétaires de joindre les femmes. Lors de la convocation pour l’entretien d’annonce. Un coup de fil prend les individus au dépourvu. Une nouvelle donnée ainsi saisit de plein fouet l’interlocutrice. Ainsi. et prévoir les mots qui seront employés. ce qu’elle évoque pour lui. Récemment. l’inquiétude du praticien face à la pathologie à annoncer. marquée par une mort in utero dans un contexte de retard de croissance extrême. et après avoir effectué l’échographie de contrôle. Cela signifie que les tensions du corps. Cette première grossesse a été suivie par deux autres dont l’une s’est terminée à 35 SA pour retard de croissance sévère. Préparer une annonce consiste à rassembler les informations techniques indispensables pour n’annoncer que des certitudes. le sérieux d’un visage. En effet. les mimiques. Cela parlera certainement aux professionnels des salles de travail : annoncer une césarienne d’urgence pour souffrance fœtale s’accompagne toujours d’une vive tension pour le couple. et comment y faire face. Elle a donc deux filles vivantes et bien . de la réactivité de son propre corps que les patients perçoivent aisément – une tension dans la main que l’on serre. Annoncer est d’abord communiquer. Cela signifie aussi que le fait de toucher une épaule ou un bras a souvent un effet beaucoup plus rassurant qu’un long discours. englobant la mère et l’enfant à naître dans une même prise en charge. même en urgence. mais aussi ce qu’elle va déclencher comme réaction. de poser la main sur le ventre établit un contact physique. une attitude d’écoute et de bienveillance à la réaction de la femme ne suffisent pas à effacer ces mots. et l’autre à 31 SA dans un tableau encore plus sévère. face à face et en prenant conscience que 80 % de notre communication sont d’ordre non verbal. L’empathie du professionnel.38 Les âges de la vie Les annonces les plus difficiles doivent être les mieux préparées. L’apprentissage de ces annonces est aussi pour le praticien l’apprentissage d’une certaine maîtrise du ton de sa voix. et le choix du vocabulaire n’est pas simple. démontés. Des années plus tard. les mouvements des mains et les froncements de sourcils sont très vites interprétés par les patientes. une patiente que je connais depuis sa première grossesse. Ils seront souvent repris. les mots ont leur importance. Cela suppose aussi de savoir « s’asseoir pour parler ». je reçois au cours de sa quatrième grossesse. rendus responsables de la misère qui a suivi. Prendre le temps. Communiquer se fait en théorie avec une personne habillée et assise. ces mots resteront dans la mémoire des familles. critiqués. on parle de bébé. il existe quelques réactions types. le couple. l’inquiétude intense. Un exemple pourrait être la survenue d’une rupture des membranes avec des signes d’infection fœtale. où se mêlent parfois la crainte pour la femme et la crainte pour la santé de l’enfant. Là. à leur tour.Le temps de la grossesse 39 portantes. on peut souligner que « le naturel est le résultat d’une longue habitude » (Daffos. Le visage est fermé. attendre ensuite pour voir se répercuter la réaction. tous les paramètres de croissance fœtale sont au rouge et les dopplers médiocres. Dans ces situations extrêmes. s’assied devant moi et avant que je commence à parler me dit : « Je commence à vous connaître docteur. où l’urgence existe d’une prise en charge souvent agressive physiquement et psychiquement : une césarienne et éventuellement une séparation néonatale pour un enfant qui ira en néonatalogie. Une femme vient aux urgences. mais sans non plus accroître par son attitude ou son discours le sentiment de panique qui peut survenir. l’annonce de ce tourbillon à venir se fera calmement. elle ne sent plus son bébé bouger – à ce moment-là. tels la colère. ce qui justifie pleinement l’existence de centres de références. le plus souvent. le mutisme. le déni. rassurer sans mentir sur les risques éventuels. je vois bien que vous êtes inquiète… » Anticiper sur la réaction des patientes permet aux praticiens de ne pas être démunis. l’incompréhension. car le terme est très proche et l’image de l’enfant à naître plus élaborée. Chaque praticien de la naissance a forcément connu la situation effroyable qu’est le diagnostic de mort in utero impromptue à terme. Dans ce contexte particulier de l’annonce anténatale. Elle sait aussi qu’une fois sur mille peut survenir . devant la réaction de la femme. Nous sommes à 25 SA. Il est utile de les reprendre prudemment pour emmener la femme. 1995). et si besoin vers l’action. toutes ces réactions sont possibles. La sage-femme est alors souvent en première ligne. Elle sait que. la famille en formation vers une possible réflexion. par une équipe sachant maîtriser son propre stress. Si l’on a déjà assimilé tous les points évoqués précédemment. tels les maternités de type III et les centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal. Prenons un autre exemple. Le praticien en première ligne saura expliquer au couple la situation actuelle et ses conséquences. il s’agira d’une fausse alerte. Mme F. se forment-ils à la part d’ombre de notre métier. il est contenu entre. La femme est impatiente d’un contrôle qu’elle appréhende terriblement. de voir certaines femmes se mettre à hurler. Le conjoint est parfois agressif. elle qui a choisi de mettre au monde ? Pourrait-elle affirmer la mort in utero. pour qu’une parole existe avant l’annonce. d’une part. créer du lien avec les mots. cette attente. de laisser le temps à l’équipe autour d’elle de structurer un accueil pour cette femme et son conjoint. Dans tous les cas. Dans les CHU. Il nous est arrivé. initiale. d’incompréhension. irrévocable semble totalement insupportable. en soulignant qu’il vaudrait mieux mettre en première ligne les plus expérimentés pour perdre moins de temps. comment. hurler de souffrance. Elle ne trouve pas les bruits du cœur… Elle cherche. Du point de vue de la femme. elle va d’abord poser des questions. dans notre système d’enseignement. qu’elle ne devrait sans doute pas le faire de manière certaine . il s’agit de laisser le temps au couple de percevoir la gravité de la situation. regarde mieux . Alors elle appelle un référent. ne pas trouver et appeler plus ancien que lui. La sagefemme se prépare. face à des situations similaires. à ne pas fuir en pleurant devant une telle situation ? Leur apprentissage se fait « sur le tas » . Que faiton en tant que praticien quand une femme se met à hurler ? Quel rôle va-t-il être imputé à la sage-femme. qui souvent n’a jamais vu la femme auparavant et ne sait rien de cette grossesse. il s’agira souvent du jeune interne. lui-même bien peu prêt à apporter ce type de nouvelle. la théorie médicale et les connaissances qu’on leur propose sans en souligner les limites et. Une annonce directe. elle ne voit pas non plus sur l’échographe. qui viendra au bout du compte confirmer le diagnostic et organiser la prise en charge. à savoir rester présents. la présence du senior. d’autre part. Ce principe de l’annonce d’une mauvaise nouvelle par le praticien le plus expé- . En ce qui concerne les internes. de ce couple ni de l’enfant à venir ? Va-t-elle être donneuse de mauvaise nouvelle. ces examens successifs ont permis peut être que l’inquiétude croissante fasse face à la certitude progressive de la catastrophe. être fixé une bonne fois et organiser la prise en charge. Elle a à sa disposition un monitorage ou un échographe.40 Les âges de la vie une mort in utero. à la violence des émotions. qui viendra à son tour regarder. augmente le son. On pourrait critiquer ce relais qui se fait autour de la femme. Dans l’esprit de beaucoup en effet. Si aucune annonce n’est jamais anodine ou s’il n’y a pas de « petite annonce ». Lorsque l’annonce concerne le fœtus lui-même et l’évocation d’une pathologie fœtale. soit moins de 1 % des grossesses. c’est particulièrement vrai dans ce contexte-là. après examen et discussion. dans l’esprit de la femme. Certaines familles ne souhaiteront pas être confrontées à ces situations. Toutes les interruptions de grossesse pour motif médical sont décidées au sein des centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal agréés par l’Agence de la biomédecine. et même sans qu’il y ait en arrière-plan de connotation religieuse. Plus de la moitié pourront être prises en charge et soignées. de l’enfant à naître ou à ne pas naître selon la gravité annoncée de la pathologie évoquée. Cela souligne la limite des codes de comportement en fonction des structures de travail. Un tiers environ. . 2213-1. donneront lieu à une discussion d’interruption médicale de grossesse (IMG). si la femme le demande et que. 2002). Interruption de grossesse réalisée pour motif médical : art. Loi n° 2001-588 du 4 juillet 2001 relative à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception . permettant d’éviter la naissance d’enfants atteints d’affections particulièrement graves et reconnues comme incurables.Le temps de la grossesse 41 rimenté peut être discuté. deux médecins agréés d’un centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal attestent qu’il existe une forte probabilité que l’enfant à naître soit atteint d’une affection d’une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic1. souvent plus mal tolérée que l’IVG (Mirlesse. du conjoint comme dans celui du praticien.6 % des grossesses. La loi française autorise en effet l’interruption de la grossesse à toute époque. Elles sont réalisées de façon très encadrée. plusieurs autres éléments sont à prendre en considération. telle cette jeune femme 1. car en arrière-plan et en filigrane. l’IMG reste une transgression à la morale. La survenue d’une pathologie fœtale concerne environ 2. Cette loi est omniprésente au cœur des annonces prénatales concernant le fœtus. Certains praticiens vont craindre de procéder à une annonce ou minimiser les faits de peur que la femme ne bascule trop rapidement dans une demande d’IMG. se dessine l’image du fœtus. L. Cette loi concerne environ 5 000 femmes par an. d’une image où. même si un diagnostic précis est posé. Même Internet. En effet. ou les hernies diaphragmatiques) et il faut supporter l’incertitude tout en mobilisant les outils les . sans céder à la peur. cette placelà ne se construit que très progressivement. Elle suppose d’accepter de passer progressivement de l’observation d’une pathologie à une étape diagnostique. la perception de son corps. ses antécédents. je vous interdis de m’annoncer de mauvaises nouvelles ». qui précèdent trop souvent la fuite en avant et la tentation d’une décision. celui qui bouge d’une certaine façon. souvent consulté par les couples. mais aussi à une réflexion sur sa signification et à une décision de poursuite ou d’arrêt de grossesse qui renverrait la femme à sa propre ambivalence face à l’enfant à naître ainsi qu’à sa capacité de mettre au monde ? D’autres particularités concernent l’annonce de pathologie fœtale. celui qui fait grossir le ventre. Il s’agit d’un risque. ne suffit pas à préciser la réalité du problème. La représentation de l’embryon. l’annonce sera fort différente dans son retentissement. Une grossesse dure neuf mois. cela reste peu réel pour les couples et leur entourage. être abstraite. il faut avoir appris pour comprendre . aujourd’hui. puis à l’évaluation d’un pronostic. C’est pourtant de cet enfant réel qu’il s’agit lors de l’évocation d’une pathologie prénatale. À chaque étape. du fœtus véhiculée par les médias vient se confronter à celle de l’enfant « imaginaire ». Est-ce la peur d’être confrontée non seulement à une anomalie fœtale. aux fantasmes. d’une probabilité. mais aussi ses lectures et l’expérience de ses amies. Face à cet individu encore imprécis dans l’esprit de ses futurs parents. Selon le terme de la grossesse et la maturation de cette image. elle aussi. de toute façon. la représentation du contenu du ventre maternel diffère selon les femmes. celui qui pèse et accompagne le quotidien.42 Les âges de la vie qui récemment me lançait en pénétrant dans la salle d’échographie : « Docteur. dans un second temps. l’anomalie annoncée va. Mais la place donnée à l’enfant réel. certaines pathologies n’ont pas de pronostic précis (telles les mosaïques chromosomiques. Reconstruire avec eux une cohérence dans l’aventure qu’ils sont en train de vivre fait aussi partie de l’annonce. C’est l’entrée dans la médecine fœtale. les bras chargés de documents et la tête vide. le nom de la pathologie connu. qui serait en quelque sorte le produit final rêvé. Ils arrivent alors souvent. ou « J’ai pris des médicaments ». L’image n’est qu’un signe d’appel. toujours présent lors des annonces de maladies chez l’adulte. Un même diagnostic peut entraîner des conséquences variables (par exemple. Immédiat. honnêtement. j’ai eu des soucis avec ma famille ». devient particulièrement pénible lorsqu’il concerne le fœtus. Le sentiment de culpabilité est l’une des premières émotions lors des annonces de pathologie fœtale. quoi que l’on fasse ou dise. sans minimiser la pathologie. ou « Je n’ai pas trop fait attention à cette grossesse ». ou « J’ai voyagé ». omniprésent et définitif. nous l’avons vu. vient cristalliser l’inquiétude des familles. j’ai trop travaillé ou trop mangé ». ou « Docteur.Le temps de la grossesse 43 plus modernes et les avis les plus éclairés. mangé ou non et pensé ou non. l’enfant attendu qui est autrui et dont la mère à venir se sent responsable. passer de l’évocation d’une pathologie à un diagnostic d’une pathologie amène à évoquer ce qu’est le handicap tant pour les couples que pour les praticiens. la personne à venir ou le projet familial (Ben Soussan et al. sans non plus faire disparaître derrière des mots savants et souvent inquiétants. Par ailleurs. Que répondre ? À la phrase type : « Madame. Pour beaucoup de futurs parents. ou « Je suis beaucoup sortie ». un signe venant compléter les autres et aggravant le pronostic fœtal. 1997). D’autres pathologies évoluent en cours de grossesse. « Docteur. . L’annonce.. Il faut donc pouvoir répondre simplement. n’est qu’un début. Une image importante peut accompagner une pathologie bénigne. » Cette phrase résume simultanément la réalité du sentiment de culpabilité et son côté décalé et encombrant. Ce sentiment de culpabilité. la question du retentissement de la pathologie évoquée se résume à : « Mais sera-t-il handicapé. quoiqu’un peu schématique. docteur ? » Cette question suit de très près l’annonce de l’anomalie et. ou inversement (par exemple un kyste de l’ovaire est habituellement d’excellent pronostic). nous préférons : « La situation actuelle ne résulte ni de ce que vous auriez fait ou non. ses conséquences. une agénésie du corps calleux peut s’accompagner d’un retard mental sévère ou d’une intelligence normale). vous n’y êtes pour rien » (sauf situation de transmission d’une pathologie génétique type hémophilie). il surgit comme un haricot géant qui germe et grandit chez toutes les femmes à la moindre alerte sur une pathologie fœtale. Par cette attitude de dialogue.44 Les âges de la vie En outre. Il témoigne aussi de son expérience. chaque femme. et aide les praticiens à une autre lecture des événements. d’expliciter les émotions sous-tendant la démarche et la réaction des familles. dès lors qu’il existe une réelle pathologie fœtale. il est certainement précieux de savoir prendre le temps de préciser le pronostic. répondre à certaines questions. tout en rappelant la réalité du problème. Cependant. poursuivre les explorations. ce grand chapitre de l’annonce anténatale (Soulé et al. Selon son environnement. essentielle . accepter aussi de ne pas avoir toutes les réponses. elle permet d’apprécier différemment la dynamique de la prise en charge. chaque couple. La situation y est délicate à plusieurs titres. évaluer les conséquences : il s’agit là pour les couples d’une garantie de sérieux dans la prise en charge. On ne saurait poursuivre sans aborder ici la particularité de l’annonce à l’échographie. vont être sollicités d’autres praticiens et d’autres avis. Il est même bénéfique qu’il n’en soit rien. Celui-ci doit alors savoir recevoir les questionnements. 2001). parle de l’enfant à venir et renforce sa réalité. Autour du praticien référent pour le couple. La collaboration avec des équipes pédopsychiatriques est. On pourrait croire que. Revoir le fœtus en échographie. elle aussi. Une rencontre avec un spécialiste pédiatre de la pathologie concernée peut être organisée si nécessaire. apprécier en équipe la sévérité de la situation. la consultation avec un pédopsychiatre ou l’entretien avec un psychologue ne remplace en rien la présence nécessaire du praticien auprès de la patiente. L’expérience montre qu’il n’en est rien. chercher les causes. Il nous semble alors particulièrement utile de travailler au sein d’une équipe pluridisciplinaire d’un centre de diagnostic prénatal. devrait pouvoir confronter la mauvaise nouvelle reçue à la réaction d’un praticien plus familier que le spécialiste qui organise la suite de la prise en charge.. Le pédiatre. Il aborde avec les futurs parents les possibilités et les modalités de prise en charge. . en présentant la pathologie. le médecin généraliste ou le gynécologue traitant s’efface devant la complexité du problème médical posé. le praticien le plus familier se place en partenaire de la famille pour l’aider à comprendre et à réfléchir à la meilleure (ou la moins mauvaise) des prises en charge. et des limites de nos connaissances et savoir-faire. il est alors utile. l’apprentissage de l’échographie devrait aussi inclure des cours de communication. en prévenant les patientes avant le début de l’examen que la concentration est nécessaire à la performance. Contrairement à tout autre examen complémentaire. permettant aux couples d’explorer leurs attentes et au praticien d’exposer les siennes (Gourand). la collusion entre la découverte par le praticien et l’information de la patiente. le résultat va être transmis en extemporanée. Nous disons souvent : « L’examen de tel ou tel organe est difficile. le couple. En ne prenant jamais un examen à la légère. et le praticien. La femme vient « voir si tout va bien » et éventuellement connaître le sexe fœtal. de l’autre. Lorsqu’une anomalie est décelée. comme nous l’avons déjà vu. ni attention soudaine. et laisse au médecin la possibilité d’organiser sa stratégie d’annonce. au début de chaque consultation à annoncer une mauvaise nouvelle. mais réaliser la totalité d’un examen échographique sans que la patiente perçoive ni tension dans la main. C’est un examen médiatisé où l’on vient aussi « rencontrer son bébé ». d’anticiper sur l’annonce. la situation est tout autre . Certaines équipes ont même organisé des séances de préparation à l’échographie. Cela ne veut pas dire qu’on ne doit pas le préparer. ou doit l’être. demander ou rappeler le but de l’examen par une phrase comme : « Nous allons voir si tout va bien ». on va prendre le temps de mieux regarder » . abordent la consultation par des prismes tout à fait différents. reprenant éventuellement l’énoncé même de la femme. on peut construire une petite barrière artificielle. avant de pouvoir dire que « tout va bien » (et le peut-il jamais vraiment ?). ni froncement de sourcil demande une expérience certaine. Qu’il s’agisse de la recherche de malformations fœtales ou d’un dysfonctionnement placentaire. dont le résultat se fait attendre. à atténuer l’asymétrie de la démarche pour éviter une annonce trop brutale : faire connaissance avec la femme. avant son examen. l’échographiste est prêt. il va rechercher avec assiduité et persévérance tous les signaux anormaux. Cela permet d’accorder au moins partiellement les démarches. L’autre grande difficulté des examens échographiques est l’immédiateté de l’annonce. d’une part. . d’un retard de croissance intra-utérin. ou : « La position fœtale rend l’examen difficile .Le temps de la grossesse 45 L’échographie est un outil « à double tranchant » : la femme. Dans l’esprit de l’échographiste. d’en explorer les conséquences. le temps de voir l’anomalie éventuelle. en échographie. Cela l’oblige donc. Ainsi. mais le second repose sur l’échographie seule. selon ses conditions de travail. La plupart des jeunes femmes sont tellement baignées dans l’emprise de l’image qu’elles peuvent tendre à croire que leur fœtus « vu à la télé » est plus réel que celui de leur perception. « Ce que l’on voit est le minimum de ce qui existe. il est aussi exact qu’une anomalie décelée peut être associée à d’autres. amenant à évoquer une pathologie concernant un enfant à naître. redressée. non tant lorsqu’il existe un test génétique accessible en biologie moléculaire que lorsque le diagnostic doit être posé à l’échographie. De plus. Un premier exemple concerne une famille qui. sachant que l’annonce va prendre du temps. Lorsqu’il existe dans une famille une pathologie génétique connue. un conseil génétique a souvent pu être réalisé de manière préalable à la grossesse. par consanguinité. Cela permet aussi au praticien d’aller éventuellement chercher des informations complémentaires sur la pathologie suspectée et de se préparer à faire face à la charge émotive qu’il ne manquera pas de devoir supporter.46 Les âges de la vie voulez-vous aller marcher un peu et revenir ? » Le couple est alors en train de se préparer à l’annonce. un antécédent personnel ou familial. La deuxième famille présente un risque . Certaines femmes. assise. certaines familles souhaiteront que soit réalisé un diagnostic prénatal. et qu’il est souhaitable que la patiente soit accompagnée. » On ne saurait aborder l’annonce anténatale sans évoquer la question des anomalies génétiques. d’autres non. Une fois l’examen terminé. il faut permettre que la femme soit rhabillée. Le premier risque peut être éliminé grâce à une biopsie de trophoblaste. afin de bénéficier des conditions optimales pour aborder l’annonce. l’annonce d’une pathologie est anticipée au maximum et la nouvelle la plus délicate à donner pour le praticien est parfois celle de la normalité . présente un double risque de maladie métabolique et de hernie diaphragmatique récidivante. Un autre point encore repose sur la différence entre l’image et le diagnostic. il est plus aisé de prévoir un second rendez-vous en fin de journée. cet enfant à naître ne doit pas disparaître soudainement derrière une image noire ou grise ou blanche. s’il est vrai que l’échographie ne visualise que 60 % des malformations . L’échographe fabrique des images. Au bout du compte. Dans ce contexte. Ainsi l’échographiste doit-il insister sur l’aspect partiel de ses constatations. Dans tous les cas. S’il n’y a pas de bonne manière d’annoncer une mauvaise nouvelle. Pour le praticien qui doit en plus réaliser son examen. L’annonce de la normalité du fœtus visualisé apporte indéniablement un soulagement progressif au couple. Lors de l’entretien qui suit l’examen. nous avons. à l’Institut de puériculture (Paris XIV e). la question de l’annonce à la fratrie pourra être abordée. La moins mauvaise serait celle qui permettrait aux couples de continuer à vivre et à penser pour faire face au mieux à la suite des événements. Enfin. la plupart des examens concernent des situations très particulières. elles marquent pourtant profondément la vie ultérieure des femmes. pris le parti de ne pas (sauf exception) faire rentrer les enfants en salle d’échographie. 2005). mais si une découverte survient en cours d’examen. toucher le bras. mais laisse toujours une certaine inquiétude dans l’esprit du praticien qui connaît les limites de son examen et la grande variabilité des pathologies fœtales possibles. quoique mangeuses de temps. qui doivent simultanément tenir le rôle de parents face aux enfants présents et être disponibles pour une éventuelle annonce. pénibles et non rémunérées. Depuis longtemps maintenant. .Le temps de la grossesse 47 d’hydrocéphalie fœtale majeure. il y en a de moins mauvaises que d’autres. il est utile de pourvoir reprendre l’échographie plus tard. et sans les enfants. Lors des consultations dites de dépistage. les annonces anténatales rassemblent une grande diversité de situations. Pour les praticiens. accompagner simplement l’émotion du moment. Ainsi. nous souhaiterions ouvrir un dernier pan de réflexion sur l’annonce à la fratrie. là encore. savoir trouver les mots. Il s’agit d’un centre de référence . de leur conjoint et de la famille à venir. ces consultations font le creuset de leur art médical. Les échographies se succèdent alors. le malaise que les enfants ressentent très vite devant leur mère allongées. La présence des enfants vient compliquer la réaction des couples. aucune anomalie n’est attendue. dénudées et l’image en gris et blanc vient perturber la dynamique de l’examen et sa concentration (Soubieux. Il faut. la connaissance n’étant rien sans la communication. dans un climat d’angoisse telle qu’elle est presque palpable. Loin d’être médiatisées comme le sont certains exploits techniques. qui est rarement malade. Plus encore qu’un examen pédiatrique. mais parfois aussi une interruption de la grossesse. Les vicissitudes de la clinique illustrent quotidiennement les problèmes posés par le diagnostic prénatal. Nous avons au moins une certitude : qu’on le veuille ou non. . Pour échapper à ces sous-entendus dérangeants. et le bénéfice attendu peut être un réel sauvetage. n’est accessible qu’à travers sa mère. la rencontre n’est jamais neutre. Mais il est également soumis à une forte pression médicolégale. Ce pourrait être un moment sensible dans la fabrication de la parentalité où l’enjeu est de conforter le projet d’enfant. ou de faire comme si l’on venait seulement à l’échographie. mais d’une rencontre virtuelle qui passe par un médiateur : l’échographiste. aussi sophistiqué soit-il. On voit bien que ce qui est avant tout en jeu est l’investissement parental. à quoi sert l’échographie ? Les normes de bonne pratique de tout examen médical précisent que le patient se soumet volontairement à une investigation méthodique dont le motif lui a été expliqué. Bien évidemment. Il faut alors réaffirmer une hypothèse : l’échographie prénatale ne peut pas être simplement un examen technique. L’échographiste ne peut pas y échapper. GOURAND À qui. et qu’il en attend un résultat qui va orienter le traitement « pour son bien ».48 Les âges de la vie L’annonce à l’échographie L. il est tentant de mettre au premier plan certains succès spectaculaires. Le patient. il ne s’agit pas d’une rencontre avec un « échographe ». « voir si c’est une fille ou un garçon ». l’échographie prénatale bouscule ces repères. Au point que les échographistes et les futurs parents risquent de se retrouver de temps en temps empêtrés dans des contradictions inextricables. Impact de l’échographie sur l’investissement parental L’impact de l’échographie sur l’investissement parental est pour nous l’une des questions importantes concernant la préparation à la naissance. en famille ou entre amis. C’est vrai pour une part. inévitables. il n’y aurait pas tant de déviations douloureuses avant de savoir où l’on en est. la double finalité est plus facilement avouable : découverte du bébé (pour les parents). Les échographistes savent qu’ils sont. mais avec l’échographie en plus . c’est bien « en plus ». Il semble qu’on pourrait dépasser cette opposition. Si les compétences techniques sont satisfaisantes. en fabriquant puis en délivrant la mauvaise nouvelle. recherche des anomalies (pour le praticien). qu’elle est toujours . chacun à son rythme. de toute façon. les psy. d’où la peur de s’attacher si l’on devait découvrir une anomalie fatale. c’est bien « en plus ». et ils appréhendent ces moments douloureux. On aimerait croire que si l’échographiste qui découvre l’anomalie en connaissait bien les conséquences prévisibles. ébréché par l’annonce ou la suspicion d’une anomalie – peuvent-ils conserver encore toute leur valeur ? Après les récentes affaires médicolégales. si ça va mal… Comme si on savait tout cela avant l’examen… L’annonce en échographie L’annonce d’une anomalie fœtale découverte au cours d’une échographie est chaque fois une épreuve pénible et dérangeante. On retrouve dans la plupart des observations l’idée que l’échographie pour voir le bébé.Le temps de la grossesse 49 Finalité de l’échographie La partie et le tout – le tout. pour quelque chose dans la brutalité du processus. Mais pourra-t-on aider à reconstruire un bébé cassé par le doute ? Chacun souhaiterait favoriser un lien prénatal précoce . elle est insuffisante à elle seule pour négocier l’annonce. grands consommateurs de temps et d’énergie. Les patients redoutent ces révélations qui viennent bouleverser leur projet. L’échographiste n’est pas responsable de la malformation qu’il découvre. mais. Les problèmes d’annonce ne sont pas seulement liés aux particularités diagnostiques et pronostiques . mais si la compétence technique est nécessaire. si ça va bien… À l’inverse. C’est vrai qu’il y a un lien qui se crée. pas seulement à l’échographie. il nous semble que l’annonce est d’abord une urgence affective. ils sont aussi modulés par une relation qui est chaque fois singulière et à laquelle l’échographiste doit pouvoir s’adapter. il apparaît comme persécuteur. 1998) Mais il y a aussi des contes maléfiques et destructeurs. Ce moment à haut risque est aussi un moment très particulier dans l’histoire de la parentalité : Tant qu’il est invisible. 1999) La pratique de l’échographie obstétricale nécessite des compétences techniques précises. dirait Winnicott) au désir des parents. (Denis. On dit souvent qu’elle est opérateurdépendante. . mais certains n’ont pas attendu l’arrêt Perruche pour s’interroger sérieusement sur la finalité de leur exercice (Soulé et al. Ainsi. à ce moment. le commentaire de l’échographiste opère comme un conte qui. et tenter de répondre à une demande impossible : montrer l’enfant qui correspondrait le mieux (« suffisamment ». le fœtus est paré de la promesse d’un sourire d’enfant que l’échographie risque d’arracher comme un masque… Pour charger de signification heureuse la coupe du fœtus. Les tensions engendrées par cette situation à haute densité émotionnelle. c’est avant tout que sa capacité de rêverie personnelle ne soit pas empêchée par le regard différent qu’un autre porte sur la même image qu’elle. le praticien devra à la fois faire un examen exhaustif. Elle attend moins des explications qu’un regard qui ne la contredise pas. La neutralité n’existe pas. devant l’apparence illisible. bien entendu accentuées dès le moindre signe d’appel. la préoccupation du praticien soucieux de ne pas « laisser passer » une malformation. Les échographistes ont eu tort d’encourager l’illusion de la toutepuissance investigatrice. Ce qui est essentiel pour une mère. Toute échographie est une affaire d’annonce.50 Les âges de la vie un processus. 1999). (Tisseron. transmet le plaisir initiatique de la découverte. comme si tout dépendait de la technicité. qu’elle est chaque fois une affaire singulière. où le meilleur spécialiste ne connaît réellement qu’une partie du problème : la partie dite objective. La contradiction des attentes de chacun. et formule la beauté que les parents seuls ne pourraient distinguer de l’horreur d’un accident génétique. sont lourdes à contenir.. l’inquiétude voire l’angoisse des parents face au risque d’anomalie font de la séance d’échographie un moment à risque. L’échographie la plus normale en apparence recèle potentiellement le même danger : en dire trop ou pas assez. donc relationnelle. Ces processus peuvent générer des angoisses qui resteront gravées dans leur esprit. véritable mise entre parenthèses de leur histoire. « J’étais morte dans le ventre de ma maman » déclarait une petite patiente de 8 ans à son pédopsychiatre (Sirol. sans parler des envies meurtrières d’en finir. . les enfants nés auront eu des échographies « normales ». biométrie tout à fait rassurante. les échographistes sont condamnés à douter à haute voix. les parents font état d’une torture morale. La réponse est donc toujours fragmentaire. uniformiser tout le discours du côté des 5 % pathologiques ? Que l’inquiétude soit juridiquement correcte dans la tête des praticiens. ce n’est pas l’échographie 4D qui peut vérifier. Principe de précaution Dans 95 % des cas. nous allons faire partager notre problématique aux personnes dont nous nous occupons. et nous allons faire quelque chose qui va commencer à miner ce projet en procédant à un certain nombre de tests. Le détour obligé par un malheur potentiel – on serait tenté de dire fictif – est un détour vécu dans une inquiétude et une souffrance bien réelles. mieux que les 2D et 3D. le compte-rendu d’examen et les attentes du projet parental. pour apaiser les tensions. à la fois chez le praticien et chez les parents. 1998). Ce mouvement se retrouve dans certains superlatifs employés dans les comptes-rendus tels que : bruits du cœur excellents. Après coup. Il existe un décalage considérable entre les images obtenues. Dès la supposition de la moindre anomalie. même si tout se termine bien. c’est une évidence.Le temps de la grossesse 51 L’échographie est toujours mensongère Presque tous les parents posent la question. etc. De plus. parfois tout de suite : « Est-ce que tout est normal ? » Or. par précaution. pendant laquelle ils s’interdisent de penser à l’enfant. de faire comme si la réponse pouvait être globale. alors qu’il serait tentant. l’adéquation du fœtus au désir des parents. de faire des projets. Elles arrivent avec un bébé a priori normal dans la tête et dans le ventre. finalement. il n’y avait pas lieu de s’inquiéter. dans l’invivable attente des examens de contrôle qui permettront de conclure que. il est impossible de répondre par l’affirmative. Devrons-nous. mouvements actifs parfaits. Dorénavant. Nous le savons après coup. le diagnostic prénatal comporte un enjeu considérable : le sentiment d’avoir une prise sur le destin. avec un effet d’amplification du fait des opinions et des avis contradictoires. – Le fœtus n’a pas besoin de porter une tare pour être coupable. c’est l’erreur médicale qui dénonce la culpabilité objective. chiffrées.) et de son impuissance à contrôler le développement de la graine qu’il a semée et du fœtus qu’il ne porte pas. La culpabilité est un liant constitutionnel de la relation entre les partenaires obligés de l’échographie obstétricale et ceux qui tournent autour. En effet. car elle met en œuvre une interférence des différentes formes de culpabilité chez tous les participants qui sont d’autant plus nombreux qu’on discute d’un cas difficile. Si elle était absolument sûre de la normalité de l’enfant qu’elle porte. C’est le revers de l’échographie systématique : la grossesse est considérée comme une maladie. – La mère se sent coupable de ses désirs inconscients. D’autant que l’augure n’est pas simplement divinatoire . Elle a honte de ne pas faire confiance à son enfant. Elle s’inquiète pour les aînés. parfois un choix entre vie et mort. de douter d’elle-même et de sa capacité d’être mère. il va essayer de se transformer en certitude et autoriser une action.52 Les âges de la vie Interactivité et culpabilité L’échographie de la grossesse est un révélateur efficace de la culpabilité originaire et irrémédiable de chacun. on aurait du mal à la convaincre de se soumettre à cette exhibition. réel ou imaginaire. Il est coupable par défaut. par son expression génétique. Elle s’en veut de la peur qu’il lui inspire. et déclencher des réactions d’effroi et de rejet. – Le père est coupable de ses incertitudes (statistiques. est la réponse symbolique des dieux à un méfait. puisqu’il est considéré comme malade jusqu’à preuve du contraire. etc. désespérer le mandat transgénérationnel. honte d’être effrayée de sa rivalité avec sa propre mère. Ce qui vient immédiatement à l’esprit lorsqu’on évoque la place de la culpabilité dans l’échographie prénatale. l’ignorance soulage de la culpabilité liée à une décision qui risquerait de pourrir toute la vie. décevoir une attente. Finalement. trahir un secret de famille. . d’être contrariée par son ambivalence. L’enfant monstrueux. Le fœtus peut aussi. Qu’y a-t-il derrière les renvois d’un spécialiste à l’autre : accumulation de compétence ou dispersion de la culpabilité ? Probablement un peu des deux. – L’aîné est coupable de sa jalousie et de ses envies meurtrières. il prouve la « faute » des parents. Il a peur que ses pulsions destructrices n’anéantissent le concurrent. mais va détruire celui de la mère. Vouloir aller vers le risque zéro. Son désir de réparation n’est peut-être pas étranger à sa vocation. On voit bien comment culpabilité subjective et objective peuvent s’additionner. Il n’a pas l’intention de nuire. c’est multiplier les examens (dont certains comportent des risques) et les inquiétudes. À l’inverse. Le bon diagnostic soutient le narcissisme de l’échographiste. Un beau diagnostic en échographie. « tout ce qui est possible au regard des données actuelles de la science » a bien été mis en œuvre. c’est toute la vanité du diagnostic prénatal qui est étalée. Il n’est pas seulement le porteur de la mauvaise nouvelle. sont condamnés à l’escalade diagnostique sous peine de reprendre à leur compte les insuffisances de leurs correspondants. Mais les spécialistes sont aussi les garants du « sérieux » et des progrès de la démarche : selon les termes de la loi. Les échographistes référents. les experts. – Les grands-parents peuvent se croire châtiés ou trahis dans leur descendance. il en est l’artisan. mais en découvrant l’anomalie du fœtus. tout au moins consciemment. et ce ne sont pas les procès faits aux échographistes qui vont inverser la tendance.Le temps de la grossesse 53 – L’échographiste est coupable dans tous les cas d’en savoir trop et jamais assez. l’échographiste a besoin pour progresser . Il faudrait une grande force de caractère (ou d’inconscience) pour résister à ce mouvement. Pourtant. lorsque le médecin a été incapable de comprendre l’anomalie. c’est souvent une horreur pour les parents. La culpabilité est un levier essentiel de la négociation du diagnostic prénatal. Elle aiguillonne l’acuité diagnostique du médecin au détriment de la tranquillité d’esprit de la patiente. La culpabilité résultante des échecs va parasiter les futures prises de décision. La société elle-même n’est pas claire sur le projet eugénique en maintenant la confusion sémantique entre dépistage et prévention. dont la soumission (on appelle cela le « consentement éclairé ») est d’autant plus facilement obtenue qu’elle prend appui sur sa propre culpabilité. Après ce que nous avons vu précédemment sur les interférences psychiques. où les parents ont été loyalement encouragés à poursuivre la grossesse (dans la catégorie : « Vous avez neuf chances sur dix que tout se passe bien »). donc en interaction ? On peut être sincère et honnête. est presque toujours exprimé ainsi : « pour éviter cela à d’autres… » On comprend bien qui sont ces autres : les médecins et les patients. les médecins ne pouvaient pas faire plus . par exemple vers la recherche de lésions cérébrales. et se tromper dans son jugement. Il va falloir mettre des mots là-dessus.54 Les âges de la vie de pouvoir retirer une certaine satisfaction de son travail. lui. La découverte de l’anomalie en échographie est par essence une chose indicible dans un premier temps. comme conviction sincère. comme empathie. une sorte de scotome psychique. La faute Certains disent : « C’est la faute du médecin qui n’a rien vu à l’échographie ». et dans les deux sens. Le souhait de réparation. Dans une histoire complexe qui se termine mal. mais lesquels : ceux du médecin ou ceux de la patiente ? Le découvreur est soumis à des tensions très contradictoires : difficulté de tenir sa langue malgré l’envie impérieuse de clamer qu’il est utile (la preuve) et la tentation meurtrière de régler le problème. Qu’est-ce qui va passer chaque fois comme affect. voici le commentaire de la mère : « À partir du moment où tout était ouvert et qu’ils ont accepté de montrer la limite de leur connaissance du problème. et on méconnaît une anomalie de la main. L’attention est détournée de façon obsédante. L’utopie du consentement éclairé L’information véhicule bien autre chose que des données objectives chiffrées. On peut toujours invoquer des explications techniques. Il y a là la folle tentation d’imaginer qu’on aurait pu ne pas vivre tout cela. Peut-être n’y avait-il rien à voir ? Peut-être ne pouvait-on rien voir ? Peut-être ne voulait-on rien voir ? Il est toujours très difficile d’affirmer qu’on aurait dû voir ce qu’on n’a pas vu. il paraît possible d’imaginer que des pensées (ou des émotions) viennent faire écran et empêchent de voir . Cette crise contamine éventuellement le futur père. Au nom de quoi l’opérateur devrait-il s’investir dans la relation ? Il n’a pas le choix. menace de destruction. L’échographie de routine est celle qui expose le plus à des mauvaises surprises. et pas seulement l’éclairage médical. Cette conclusion est instructive. la croissance –. la normalité (l’anormalité ?). rivalité avec la mère. ambivalence (amour/haine). La confusion est fréquente entre échographe et échographiste : « l’échographe m’a dit que… ». il a toujours une action sur la femme enceinte et réciproquement (Chadeyron). Même s’il contrôle un discours qu’il voudrait bienveillant et descriptif. les grands-parents . car la relation. l’interaction comporte un antagonisme inévitable. rapportent les femmes. L’examen crée toujours un échange affectif. l’inconscient est « à fleur de peau ». C’est son désir qui lui servait de lanterne. On ne pourra jamais faire que la rencontre n’ait pas eu lieu. La technologie elle-même fait partie du champ affectif. ouvrant des brèches à l’entourage et aux soignants.Le temps de la grossesse 55 que cela. l’interaction affective sont inévitables. tendance à la régression. Dans le jeu des contestations réciproques – appréciations sur la vitalité. car ce ne sont pas des malades qui consultent. Nous ne savons rien de la représentation que la future mère a d’elle-même ni de son enfant imaginaire. réactivation de conflits anciens. L’échographie prénatale n’est donc pas un examen médical ordinaire. avec baisse des défenses. L’échographie est même surinvestie d’un pouvoir magique. la fratrie. L’examen n’est jamais neutre. L’échographiste risque de s’engouffrer dans ces brèches. » Elle ajoute qu’elle a perçu « une volonté absolue de nous aider et de trouver des solutions ». L’émotion et le malentendu peuvent surgir à chaque instant. pour conclure : « sauf que ce qu’on a décidé de choisir c’est exactement tout ce qu’on n’a pas vu ». La panoplie des modifications psychiques liées à la grossesse a été amplement décrite comme une « crise » : altération de l’image de soi. On retrouve le dilemme de la médecine de dépistage : avoir à . En ce qui concerne les commentaires. L’asepsie verbale n’est pas suffisante. un jour. il n’y en a pas pour longtemps. par exemple. une attente parentale de découvrir le bébé à l’occasion des échographies. bien intentionnée. et ses sanglots obligent à interrompre l’examen. et à débattre sur ce que l’on veut faire de ce décalage.56 Les âges de la vie examiner « inutilement » un très grand nombre pour sélectionner quelques cas. « Vous venez de me dire que mon enfant est mort ! » L’opérateur ne pouvait pas deviner que la patiente consultait ailleurs ce jour-là pour prendre connaissance du résultat de son test VIH (qui était positif). Même une phrase simple. « Qu’est-ce qu’il se passe ? » demande l’échographiste. et la peau. avait été entendu comme un arrêt de mort. qui se voulait conciliant. peut tomber de travers et avoir un effet dévastateur. parce qu’on est souvent dans le flou et dans le non-dit . Y a-t-il. . Cette femme. La grossesse paraît tout à fait normale et l’opérateur dit « gentiment » : « Je sais que vous avez attendu. lorsque c’est dit. stupéfait de découvrir qu’on voyait à travers son bébé. Cet homme avait seulement fait l’effort de regarder telle quelle l’image proposée. Un futur père. mais ne vous inquiétez pas. ou bien. c’est travesti pour être présentable à la fois par les parents et par l’échographiste. Le « il n’y en a pas pour longtemps ». laisse échapper cette question surprenante : « Mais. elle vient après ? » L’ingénuité n’est qu’apparente. L’enfant parfait La relation parents-images invite à parler du décalage obligé entre l’imaginaire parental d’enfant parfait et les images du fœtus réel proposées par l’échographiste. les silences. les mots. les gestes doivent tous être mesurés. » La femme fond en larmes. comme on semble l’admettre. Elle a un air renfrogné pendant l’échographie et soupire avec agacement. Le contrôle du jargon ne suffit pas. a attendu longtemps son examen parce qu’on a accepté de la prendre en supplément pour un motif banal – grossesse récente dont il fallait préciser le début. ou plutôt d’apprendre des choses « importantes » (médicales) le concernant ? C’est le difficile problème de l’entre-deux. Pour l’échographiste. parce que : – chaque échographiste s’est trompé ou se trompera un jour . de découvrir un enfant difforme à la naissance. Cet enfant parfait. c’est le fœtus. (Bizot. porteur de tous les possibles. Du risque de tomber enceinte. ce sera dans l’appréciation d’un pronostic . de mourir. – envers lui-même : ne pas compromettre d’emblée. et auquel on serait tenté d’ajouter : « et comme je le veux. on est passé au slogan : « un enfant si je veux. . et s’approcher suffisamment de l’enfant imaginaire de ses parents pour être satisfaisant . Mais le fantasme du fœtus totalement transparent est potentiellement dangereux. l’examen aurait-il un sens ? À moins qu’on admette que cela a un sens de regarder un fœtus normal ? Et pour qui cela a un sens ? Le fantasme du fœtus totalement transparent est utile à la construction d’une nouvelle forme de la pédiatrie : la médecine fœtale. est chargé de devoirs : – envers la société : ne pas ruiner la société dans laquelle il va prendre place . 1996) L’enfant devient plus rare. c’est-à-dire sa qualité de vie future (Gold). Les acquis obstétricaux ont déplacé les dangers et les priorités des exigences. mais aussi être digne du mandat transgénérationnel. c’est son imaginaire. plus précieux. sa potentialité. sinon. Qu’est-ce qu’un enfant parfait pour l’échographiste ? Le réel de l’échographiste. d’avoir mal. – envers sa famille : devoir de sauvegarde et de confort. si ce n’est pas dans le diagnostic.Le temps de la grossesse 57 Qu’est-ce qu’un enfant parfait pour les parents ? Le réel pour la mère. de façon grave et définitive. reconnu comme une personne humaine potentielle. quand je veux ». le fœtus parfait est peut-être celui qui accepte de livrer tous ses secrets – et notamment ses défauts – . non seulement ne pas mettre gravement en péril la vie ou la santé de celle qui le porte. qui soutenait la loi Veil. » Le progrès scientifique en obstétrique induit chez les patients l’idée d’une maîtrise parfaite concernant les différentes étapes de la procréation. C’est probablement l’idée que tous les secrets sont déchiffrables qui aiguillonne la curiosité et qui permet de comprendre et parfois d’agir. plus tardif et plus compliqué à avoir (David. 1996). La révélation du sexe est parfois prématurée. alors même qu’elle a été demandée par les parents. avec toute la culpabilité qui s’attache à ce concept. voire de simples maladresses de langage (le bébé est trop ceci. la croissance. Même en dehors des problèmes graves. Ce fantasme du fœtus totalement transparent est extravagant parce qu’il revient à assimiler l’enfant à un produit dont on connaîtrait toutes les normes de fabrication et dont l’échographiste. renvoie en fait les images qu’il parvient à construire. – ce fantasme fait peser sur le fœtus diverses menaces : les parents. Derrière l’image de l’enfant parfait. Pour l’échographiste. L’enfant parfait de l’échographiste est encore parfois décrit en négatif dans certains comptes-rendus. pas d’angulation du rachis. Ces considérations montrent bien que l’échographiste travaille en porte-à-faux. etc. agent vérificateur. L’échographiste peut-il montrer l’enfant parfait attendu par ses parents ? L’échographiste apparaît comme un médiateur. L’écran de son appareil. pas d’anomalie des extrémités. sans parler des doutes sur la normalité. et souvent les médecins. un interprète indispensable. avec le risque médicolégal que comporte le faux négatif. les mouvements. avoir l’illusion de pouvoir décerner un brevet d’excellence a probablement quelque chose de rassurant. . notamment par ses dimensions psychoaffectives. pas de fente faciale. ou pas assez cela). pourrait garantir la conformité. exigent un inventaire anatomique parfait et demandent que soit décelée la moindre anomalie. sur son propre visage que la patiente va tenter de déchiffrer.58 Les âges de la vie – l’illusion de la toute-puissance de l’échographie rend plus intolérables ses insuffisances . celle de l’enfant jetable. derrière lequel il pourrait s’abriter. comme une énumération de ce qu’il n’a pas : pas d’omphalocèle. comme un miroir. car il essaie de répondre avec une grille normative biométrique à une question qui dépasse de loin le biologique. se profile son ombre menaçante. l’attachement de la mère peut être fragilisé par une qualification péjorative de l’aspect fœtal concernant la morphologie. la dynamique circulatoire. L’attente parentale semble s’organiser autour de trois éléments clés : – d’abord. s’impose la question brûlante. – même si l’image renvoyée par l’échographie était parfaite. avec sa grosse tête. aussi grosse que le ventre.Le temps de la grossesse 59 Peut-il mettre en images l’enfant parfait attendu par ses parents ? On serait tenté d’apporter une réponse technique. toute une imagerie de gargouille plus ou moins monstrueuse. ne peut pas satisfaire la demande de rencontre de l’enfant parfait. de sorte que son discours est toujours falsificateur. L’échographiste présente inévitablement les choses d’une manière réductrice et inquiétante. etc. alors que le projet parental de tous les possibles est loin devant. pas n’importe quel enfant : le leur. Mais cette réponse est un piège car : – « toute image impose l’illusion d’être partagée (ou partageable) avec d’autres spectateurs » (Tisseron. formulée ou non : « Est-ce que tout va bien ? » C’est avant tout une garantie de normalité que les parents viennent chercher au sujet de l’enfant . – la deuxième attente est de connaître (ou de garder secret) le sexe de l’enfant . On peut aussi faire confiance au pouvoir d’imagination des parents. Peut-être l’échographiste aimerait-il s’entendre dire : « Puisque vous avez l’air de savoir lire tout ça. étrange et inquiétante. – la troisième attente est celle d’une rencontre visuelle avec l’enfant. c’est déjà une image du passé (sauf à l’instant où on le regarde). – et. et non un fœtus normal quelconque. du genre : la satisfaction des parents est proportionnelle à la compétence de l’échographiste. . de toute façon. 1999) . ce serait celle d’un fœtus. quel que soit le degré de sophistication de la méthode. Nous avons essayé d’expliquer pourquoi la poursuite des enjeux objectifs (toute l’histoire des poids et mesures). Mais n’oublions pas à quel point nos images d’échographie sont extraordinaires. C’est sûrement vrai pour une grande part. ses pieds aussi longs que ses cuisses. Les parents aimeraient pouvoir identifier leur bébé. est-ce que vous ne pourriez pas aussi me raconter un peu ce qui m’arrive ? » . La normativité est réductrice parce qu’elle gomme la singularité. est-ce que j’ai raison ? » Puis. Au début de sa pratique. Les pédiatres sont de plus en plus sollicités pour commencer la prise en charge en prénatal. L’échographiste devrait établir un plan d’urgence dans sa tête avant de lâcher le premier mot. la peur de faire souffrir souvent invoquée par les praticiens. La problématique de l’annonce repose en fait sur le concept de cataclysme. ce qu’il convient de considérer lors de la découverte d’une anomalie. des rescapés du diagnostic prénatal. ce n’est plus d’un doute diagnostique qu’il s’agit. et leur implication dans les décisions collectives a certainement contribué à transformer le sens du diagnostic prénatal. on fait de l’annonce. si l’on n’a pas de doute important quant au diagnostic. correspondants. La plus banale des échographies peut être le point de départ d’une véritable escalade de contrôles qui laisseront des marques. Ce plan doit être construit à l’avance de façon pluridisciplinaire (carnet d’adresses. Enfin. parce qu’il faut voir maintenant si cette anomalie est associée à autre chose. même si tout se termine bien. voire dangereuses. et à reprendre son souffle d’abord. de ces enfants qui n’auraient pas dû naître.60 Les âges de la vie Peut-on améliorer les conditions de l’annonce et espérer favoriser la prise en charge ? Nous l’avons déjà souligné. il faudrait sans doute aborder plus explicitement les insuffisances et les limites du diagnostic prénatal. En tout cas. on a toujours des réserves quant au pronostic. c’est d’un doute sur sa capacité de faire face à ces gens. précisément. C’est bien l’échographiste qui a peur de souffrir. En effet. L’on va entrer dans une phase obligatoire . et de leur annoncer cela sans aggraver la catastrophe qui se suffit bien en elle-même. de l’annonce qui n’a pas été faite. chaque fois qu’on fait de l’échographie. et apprendre à se supporter dans ce mauvais rôle. il faudrait parler des faux négatifs. référents). quand il s’agit d’anomalies qu’on a déjà vues. on risque de faire un peu plus de choses inutiles. L’aptitude à faire face à une situation nouvelle paraît être. Mais il faut arriver à évacuer sa propre peur. déplace le sujet. Dans l’information qui tente d’obtenir le consentement éclairé. Parce que si l’on fonctionne dans la précipitation. Il est certain que c’est plus facile quand on a une perception claire des choses et qu’on voit à peu près où l’on va. des erreurs de pronostic. l’échographiste connaît un moment de stupeur : « Est-ce que j’ai bien vu . Les deux tentations auxquelles il faut apprendre à résister sont celles. d’assener un diagnostic et de proposer une solution. cette question ne vient pas immédiatement . C’est d’ailleurs une petite porte de sortie momentanée qui est utilisable à la fois par le médecin et par la patiente. la femme s’inquiète. D’abord. elle manifeste qu’elle a compris qu’il y avait quelque chose. angoisse. une recette bien illusoire puisqu’on est devant quelqu’un qui vient de quitter la perspective de l’enfant rêvé. On va rentrer dans le versant culpabilité. avant même le moindre commentaire. Il sait qu’il va avoir très vite en face de lui quelqu’un en état de choc. l’échographiste est le seul à savoir. l’enfant dont on se fait . Une des tentations les plus violentes qu’ont les médecins. il n’y a rien de plus gratifiant que de croire qu’on a la recette pour calmer la douleur . c’est-à-dire d’avoir la réponse à la place de l’autre. L’annonce du côté de la femme On ne sait pas à l’instant si c’est grave ou très grave. bien sûr. La première réaction ressemble à un rejet. on sent qu’il y a de cela en arrière-plan. Puis vient la question : « Qu’est-ce qui se passe ? » En général. C’est souvent d’abord : « Ah ! oui. je n’en suis pas capable ». alors qu’il n’a encore rien exprimé de ses constatations. Le sentiment de plénitude que l’échographie pouvait contribuer à confirmer pour cette grossesse jusque-là normale – dans le sens de « j’ai réussi à faire un enfant » – vient de s’effondrer – « bien sûr. cette fois. avec de bonnes raisons.Le temps de la grossesse 61 d’exploration pour compléter l’information. L’annonce du côté de l’échographiste Dans un premier temps. je m’y attendais ! » Enfin. mais on sent qu’on a changé de registre. Physiquement. parce qu’il ne faut jamais préjuger de la réaction des patients. parce qu’on ne sait pas tout. la future mère ne demande pas tout de suite des explications précises. ensuite. immédiates. c’est de vouloir régler le problème. tout de suite . La grande difficulté est de ne pas trop en dire. et qui arrive dans le cauchemar de l’enfant redouté. puisque c’est une catastrophe. Quand on a en face de soi des souffrants. parfois proche du malaise. véritable minute de vérité pour les échographistes. porte ouverte aux dénégations (« mais non. c’est-à-dire conforme aux exigences techniques et aux connaissances actuelles . Chaque échographiste connaît bien ce moment très particulier. Ce sont précisément les démarches diagnostiques. Tous les futurs parents attendent un verdict à l’échographie. C’est probablement dans ce temps minuscule et considérable. celles que définit l’état actuel de la science. – peut-être la rivalité : voir mieux et plus vite que les autres. où l’impression de solitude est dominante et où l’envie d’être ailleurs peut être pressante. . que peuvent se situer les choix de comportements. à plus forte raison lorsque l’anomalie est bien là. le souci de bien faire : c’est faire ce qu’on attend de lui dans les règles de l’art. le scoop (vous avez déjà vu un neuroblastome en échographie ?) et la tentation de croire que l’on peut faire partager ce plaisir à la patiente (« Madame. – parfois une certaine perception de la contagion de son trouble intérieur. je n’ai pas voulu dire qu’il avait un crâne trop gros ! ») . se faire une réputation. – sans doute la peur de passer à côté. si ça peut vous réconforter. – l’excitation de la chasse.62 Les âges de la vie la caricature quand on veut se convaincre de son incapacité d’être parent. Il y a donc d’une part le verdict – normal ou pas – et d’autre part la façon de présenter les choses. où d’un seul coup. les possibles hésitations précédant le verdict qui posent d’abord le problème des mots. sur l’écran puis dans sa tête. – enfin. De sorte que l’examen le plus simple en apparence pourra être le point de départ d’une inquiétude . à condition de ne pas se laisser déborder par des réactions immédiates de dérobade ou d’hyperactivisme. Centrer la discussion sur les difficultés de l’annonce d’une anomalie reviendrait à poser le problème à l’envers. d’où la tentation de se protéger . apparaît l’image qui marque un point de non-retour . vous êtes un cas ! ») . une certaine forme d’identification. publier . la peur du faux négatif à l’origine d’une plainte. il sait bien la densité extrême de ces quelques secondes. À ce moment se produit une petite tempête sous le crâne de l’échographiste où se mêlent : – d’abord. l’échographie obstétricale est le point de départ d’une chaîne d’inquiétudes qui pose que tout fœtus est un malade en puissance. En aucun lieu. il a chaque fois en face de lui quelqu’un pour qui l’affaire est toute nouvelle. alors que lui. avec les mêmes dérives. pendant ce temps. l’échographie obstétricale est juste un peu satisfaisante. la personnalité du médecin qui détermine pratiquement seule son choix de la réponse raisonnable. Par exemple. qui sont parfois la clé du dépistage d’anomalies complexes et finalement d’une meilleure analyse de la fœtopathologie. jusqu’à preuve du contraire. des rencontres singulières où nous devons tout faire pour aider les parents à survivre et à vivre ensuite. les « fémurs courts » (un des signes d’appel pour le diagnostic de trisomie 21) ont été dépistés d’une manière inflationniste. Il n’y a pas de recettes à l’annonce d’un handicap. etc.Le temps de la grossesse 63 Même si le praticien s’est blindé au fil du temps et croit savoir de mieux en mieux ce qu’il convient de faire. . Il est vrai que des progrès diagnostiques importants ont été faits ces dernières années grâce à une attention plus grande portée à de petits signes. d’après Balint. Il n’existe que des histoires singulières. Le nouveau signe phare de l’échographie du premier trimestre est maintenant la « clarté nucale ». mais on la traite comme telle. avec une machine et avec des poids et mesures. un tel réel ne se laisse facilement apprivoiser. multipliant des 1. De plus. On voit que l’échographiste se trouve placé dans la position de celui qui est supposé savoir. Ben Soussan (2005) : il n’y a pas d’annonce heureuse. à une évaluation du désir de l’autre. il y a quelques années. Nous essayons de masquer nos lacunes par de belles présentations du profil. en aucun temps. il faut faire le deuil d’une utopie. Il semble bien que le travail sur l’annonce doive d’abord être un travail sur l’annonceur. Mais ces progrès s’accompagnent inévitablement d’une inflation momentanée1 d’examens complémentaires. Comme le décline P. perçoit l’impossibilité de répondre de manière satisfaisante. Au pire. Au mieux. Comment va-t-on dire les choses ? C’est. des mains. celle qui imaginerait qu’il y a une bonne manière d’annoncer une catastrophe. La grossesse n’est pourtant pas une maladie. pour humaniser un peu nos images. en refrénant les jugements de valeur. des généticiens. ait insisté depuis longtemps sur l’aspect affectif de cet examen : La plupart des échographies obstétricales devraient être agréables. des pédopsychiatres. (Chudleigh. pratiquement. pionnière de l’échographie obstétricale. des échographistes. des séances de préparation aux échographies sont proposées aux futurs parents chaque mois depuis 1986 par les obstétriciens échographistes. des psychanalystes. Campbell. Tâche vraiment difficile. des pédiatres. des sages-femmes. un psychanalyste. Le cadre échographique Que faire. À la maternité des Bluets à Paris. intervienne dans le déroulement de l’examen ? Il faut s’organiser : plutôt que de simplement prescrire une échographie prénatale. Il faudrait donc développer et faire fonctionner toute une mise en scène de l’échographie qui ménage le mieux possible à la fois les impératifs médicaux et les aspects psychoaffectifs. puisqu’il faudrait savoir trouver chaque fois la juste mesure d’empathie en respectant les croyances de l’autre. anime depuis 1994 un groupe Balint avec les échographistes. à la maternité de l’hôpital Saint-Vincent-dePaul à Paris.64 Les âges de la vie inquiétudes un peu forcées jusqu’à ce que la valeur relative des signes soit établie. des psychologues. écran – peut illustrer la volonté . À la maternité de l’hôpital de Versailles. tant médical qu’émotionnel. pendant 10 ans. Il est tout à fait remarquable que l’école britannique de S. mais le gain. pour que la femme voie. des obstétriciens. comprenne. 2001) Les groupes de réflexion entre professionnels et les groupes de préparation avec les futurs parents devraient pouvoir faciliter cette démarche. dans tous les cas. indolores et rassurantes pour les patientes. Le groupe de réflexion sur le diagnostic prénatal interdisciplinaire intermaternités dirigé par Didier David a réuni une fois par mois. Sylvain Missonnier. est directement lié à la qualité de la contribution personnelle de l’opérateur. La disposition de la salle d’échographie – lit d’examen. on devrait prendre le temps de la proposer en expliquant le choix des dates et l’objet de ces différents rendez-vous. il suffit de le lui demander.Le temps de la grossesse 65 réelle de communication. mais aussi des choses plus fines comme les questions à propos d’un organe alors qu’on est justement dessus. 1930) On pense aussi à l’haptonomie. puisque c’est ce faire que va montrer l’échographie en temps réel. où l’on demande à la femme la permission d’entrer en contact avec son bébé . Il s’établit alors un va-etvient entre l’écran et elle. Comment et à partir de quoi commencer l’examen ? Si l’on veut bien en tenir compte. l’écran. Les gestes La communication non verbale fonctionne avec une étonnante acuité. pour le bien des malades. L’échographie est une occasion unique de voir comment vit le fœtus dans ses enveloppes . qu’elle va essayer de décrypter. Ce triangle devrait être équilatéral plutôt que rectangle. La durée de l’examen doit ménager du temps pour l’investigation technique ainsi que du temps pour les explications et pour revenir sur des images à la demande. c’est lui donner la possibilité de participer à la projection de ses images. mouvements). que tant de récitations théoriques. la femme sait très tôt des choses sur son bébé – par exemple comment il est placé –. d’évoquer les interactions biologiques. la place du père – 50 % du fœtus mais aussi du placenta. ses compétences (circulation. à cette femme qui tient la sonde elle-même quelques minutes en fin d’examen pour observer au mieux les . Tout ce que fait le fœtus est intéressant. dont le support est un triangle matérialisé par le regard de la femme. tandis que la femme n’en sait rien. L’échographie est un métier manuel et ne devrait pas faire l’économie d’une réflexion sur le toucher : La leçon du palper devrait être une des premières et des plus longues. le regard de l’échographiste. (Mondor. travail de la relation affective par le toucher. ses rythmes . où elle va guetter des signes. Elle ferait plus. Partir de ses informations à elle. que l’écran. de mettre en valeur sa relative autonomie. comme en témoignent la sonde qui fait mal ou un malaise postural – en retour à un silence angoissant –. car il semble que la femme souhaite voir aussi bien le visage de l’opérateur. dans les difficultés des explications et des éléments de décision. peuvent se sentir menacés aussi bien par les performances que par les échecs de la technique. l’échographiste doit s’appuyer sur un savoir technique toujours plus complexe. et d’abord ne pas nuire. mais leur responsabilité en est d’autant plus engagée. et. par sa place. Pour avoir lieu. dans les gestes techniques. Pour terminer. Les futurs parents. Il s’agit de savoir : – qui est la femme enceinte . Les praticiens ont accès à un savoir considérable. ou à cette autre femme pour se rassurer sur sa vitalité après une amniocentèse. Conclusions Préparation à la rencontre avec l’enfant réel. ces gestes ont besoin d’être imaginés. revenons aux questions proposées en 2006 par la Haute autorité de santé (HAS) pour la préparation à la naissance et à la parentalité. perçoit. souvent éblouis devant cette naissance anticipée. le praticien du diagnostic prénatal ne peut à lui seul prendre suffisamment de recul pour évaluer l’impact de sa pratique. Quel que soit son niveau de conscience de la complexité des enjeux.66 Les âges de la vie mouvements de son bébé qu’elle déclarait ne pas bien sentir bouger . metteur en scène de ce nouveau rite initiatique de la parentalité. Il est trop impliqué à la fois dans la responsabilité diagnostique. il est obligé de prendre position au sein de ces interrelations. éventuellement malade. mais il ne peut pas échapper à la relation. utile. parfois douloureusement. la charge émotionnelle très intense provoquée par son examen. – ce qu’elle ressent . . 1999) Pour être performant. l’échographie fascine et inquiète. (Nouvel. proposés. – ce qu’elle fait . – ce que la femme vit et a vécu . encouragés ou autorisés. L’échographiste. Son champ d’action le plus accessible reste probablement lui-même dans sa propre pratique. Il peut être le témoin de signes précoces de troubles interrelationnels quand le désir des parents ne peut coïncider avec l’enfant à venir. ou à Barbara Duden (1996) de « l’invention du . ce qu’elle veut connaître et apprendre . Sexualité et grossesse A. confondues. Pendant longtemps. Notre réflexion sur les pratiques a été essentiellement conduite sous un éclairage psychologique. – ce qu’elle souhaite. surtout à des fins religieuses. Et maintenant. La représentation de la grossesse est très variable dans l’histoire. ce n’est plus le cas depuis que les fonctions de plaisir sexuel et de reproduction ont été franchement dissociées. – ce dont elle a envie. PROUST Les liens entre sexualité et grossesse sont multiples : s’ils ont pu être ignorés de nos ancêtres et ont permis toutes les fausses interprétations. ils sont aujourd’hui connus et reconnus tant dans le domaine de la nécessité contraceptive que dans celui de la contrainte née de l’infertilité. Il conviendrait d’en définir les limites et les outils pour éviter de se satisfaire d’un narcissisme éclairé.Le temps de la grossesse 67 – ce qu’elle sait et ce qu’elle croit . on a des enfants sans plaisir. Toutefois. Sa signification a varié au cours des siècles. Cette notion évolue avec le développement des techniques d’aide médicale à la procréation venant ainsi renforcer la distinction entre ces deux fonctions qu’illustrent parfaitement les propos de François Jacob (1981). Une nouvelle approche de type socioanthropologique pourrait aider à évaluer l’adéquation entre la demande et les pratiques proposées. – si elle se sent menacée et par quoi . Avec la fécondation in vitro. Si pendant longtemps sexualité et reproduction ont été. on a essayé d’avoir du plaisir sans enfant. accepte et veut faire pour mener à bien sa grossesse et accueillir l’enfant dans les meilleures conditions. ce qui a permis à Élisabeth Badinter de parler de « l’amour en plus » (1980). Autant de questions fondamentales auxquelles le praticien du prénatal ne peut évidemment répondre seul et vis-à-vis desquelles il navigue le plus souvent à l’estime de ses préjugés. elle reste intrinsèquement liée à la place de la femme et de l’enfant dans la société. on arrive à faire des enfants sans plaisir ni spermatozoïdes. des interruptions volontaires de grossesse (IVG). .68 Les âges de la vie fœtus ». Sexualité et gestation De la simple question de savoir si la sexualité peut avoir un retentissement sur la grossesse naît une question aux conséquences imprévisibles : la grossesse a-t-elle un retentissement sur la sexualité féminine et sur celle du couple ? En réalité. à une certaine appréhension par rapport au fœtus dans 39 % des cas. un échec personnel. MODIFICATIONS DE LA SEXUALITÉ PENDANT LA GROSSESSE Il existe peu d’études sur le sujet depuis les travaux de Masters et Jonhson (1966). peu de femmes ou de couples osent aborder le problème. Dans tous ces cas. Toutes vont dans le même sens. des fécondations in vitro (FIV) : dans ces multiples situations. des inséminations artificielles avec sperme du conjoint (IAC). – Les modifications sont dues aux transformations physiques féminines dans 78 % des cas. comme si les modifications de la sexualité du couple dues à la grossesse posaient peu de problème ou comme si les problèmes révélés étaient tabous. – sexualité et mort in utero. l’échec de la grossesse est vécu comme un échec du rapport sexuel . des grossesses extra-utérines (GEU) . mettant en avant la place de la culture et de l’évolution sociale dans la prise en compte de l’enfant à venir. l’échec de la grossesse devient avant tout. et à une appréhension plus ou moins avouée vis-à-vis du partenaire dans 20 % des cas. – sexualité et échec de grossesse sont en lien avec des fausses couches spontanées (FCS). De nombreuses situations mettent la femme dans une situation de précarité : – sexualité et infertilité conduisent à des explorations invasives. le risque d’un échec rend toute survenue de grossesse « incertaine » ou « espace de quiétude incertaine ». pour la femme. Sexualité et éventualité de grossesse Si le lien entre le rapport sexuel et la reproduction est maintenant établi et reconnu. si aucune anomalie pouvant aboutir à l’aggravation d’une pathologie (métrorragies. ils peuvent être des facteurs aggravants. et potentiellement aggraver le risque de FCS.1. 97. même si les rapports n’en sont pas directement la cause. entraîner des sécrétions d’ocytocine ou de prostaglandines.Le temps de la grossesse 69 – L’émergence des « nouveaux pères » peut faire évoluer les rapports masculin/féminin. en particulier. une activité sexuelle ne peut être maintenue pendant la grossesse que si celle-ci se déroule de façon strictement normale et. il lui devient parfois difficile de rester amante tant les deux fonctions de mère et d’amante semblent antagonistes. etc.) ou à une interruption de la grossesse (FCS. tout au moins en théorie. dont on connaît les rôles dans la survenue des contractions. Rapports sexuels et accouchements prématurés Accouchements à terme Accouchements prématurés De la 29e à la 32e semaine d’aménorrhée 55 % 52 % De la 33e à la 34e semaine d’aménorrhée 38 % 30 % Rapports sexuels A.E. Les spécificités neurobiologiques de la sexualité et de l’orgasme peuvent en effet. mais beaucoup d’hommes ont encore du mal à voir leur partenaire comme l’amante et la mère de leurs enfants. menace d’accouchement prématuré) ne survient.1). quand l’enfant paraît. En effet. menace de FCS. Sayle et coll. Obstetrics & Gynecology. 20 . – De même pour la femme. . 2 : 283-289.. Tableau 2. SEXUALITÉ ET GROSSESSE PATHOLOGIQUE À l’évidence. SEXUALITÉ ET PRÉMATURITÉ – La pratique sexuelle durant la grossesse ne semble pas influencer le terme (tableau 2. – La survenue d’un orgasme n’augmente pas le risque de prématurité (63 % contre 52 %). il a été montré l’existence d’une relation significative entre le postpartum et les troubles de la sexua- . avoir un certain effet préventif vis-à-vis de la prématurité. OCYTOCINE.asso. mais de toutes manières. de l’hypermédicalisation sur la vie personnelle. sont reconnus sans nocivité sur le fœtus et l’évolution de la grossesse : La poursuite de la vie sexuelle au cours des dernières semaines de grossesse ne paraît donc pas devoir être découragée chez la majorité des couples et pourrait même. mais ceci reste à vérifier. – Il y a une corrélation entre l’apparition de problèmes médicaux et la diminution de la libido féminine ..fr/sein_et_sexualite. PLAISIR. PURETÉ Dans une étude d’Eryilmaz et al.70 Les âges de la vie – La probabilité de prématurité est plus faible chez la femme vivant en couple que célibataire. cela démontre l’influence immédiate de l’apparition d’une pathologie sur la libido et. a contrario. – La baisse du désir sexuel n’est pas liée aux accouchements prématurés (71 % contre 57 %). Je ne comprenais pas au début pourquoi il ne voulait plus faire l’amour dès le début de ma grossesse. malgré la sécrétion d’ocytocine contemporaine de l’orgasme et génératrice d’une contraction utérine ressentie souvent avec angoisse par la femme et malgré la production. il a mis plus d’un un an avant de pouvoir à nouveau faire l’amour avec moi… (Solano. 1993) Sexualité et postpartum Quand j’étais enceinte. Je n’ai pas allaité à cause de ça. Pourtant. par le sperme. et. ne supportait pas de les voir transformés ainsi. Je l’ai très mal pris. TENDRESSE. il trouvait mes seins beaucoup trop gros. c’est un mari adorable par ailleurs. – Les rapports sexuels. (Read et al.htm) ALLAITEMENT. Il a fini par m’avouer que ça le dégoûtait. des années après. j’en garde énormément de rancune. http ://a-p-r-e-s. de prostaglandines aux effets contractiles connus. (1996) auprès de 97 jeunes accouchées qui corrélait les scores obtenus avec l’inventaire de dépression de Beck et l’index de la fonction sexuelle (index of female sexual function [IFSF]). Plutôt que d’affirmer qu’une femme doit rapidement retrouver son désir. l’enfant allaité à la demande prend physiquement de la place dans les bras de sa mère. on observe une perte de la dépendance liée à une diminution voire à un arrêt de la pratique sexuelle pendant la grossesse – quelle que soit la raison ou plutôt la cause. DÉSIR SEXUEL ET ALLAITEMENT : PSYCHISME OU NEUROBIOLOGIE ? Concilier fonction nourricière et érotique n’est pas si naturel. or. allaiter entraîne une décharge d’ocytocine et des contractions utérines. Cette situation est dopamine-dépendante. Il faut ainsi attendre 2 à 3 mois (42 ± 4. Prêter son corps à « un autre plaisir » devient dès lors difficile voire impossible. certaines femmes peuvent « orgasmer » en allaitant. De plus. Si la période de l’allaitement n’est pas propice au désir. . Éprouver du plaisir dans ce contact est certainement bénéfique. Elle l’inhibe même pendant plusieurs mois si la femme allaite exclusivement son enfant. ne devrait-on pas plutôt demander aux hommes d’attendre tranquillement ? LA FONCTION NOURRICIÈRE DU SEIN A UN RÔLE SEXUEL Pour l’enfant. Chez la mère. elle peut être propice au plaisir. quelles que soient les modalités de l’accouchement.Le temps de la grossesse 71 lité. hormone de l’allaitement. être allaité prépare ses relations intimes futures avec le corps d’une autre personne. Enfin. similaires à l’orgasme – la femme qui allaite sent que le lait vient. Le postpartum affecte bien la sexualité de nombreuses femmes. exactement comme la femme qui fait l’amour sent que l’orgasme vient .8 jours) après l’accouchement en moyenne pour une reprise des relations sexuelles. elle l’inhibe. La nature a prévu que la prolactine. césarienne ou voies naturelles. agisse aussi sur le désir sexuel . Ces notions sont retrouvées dans de nombreuses habitudes culturelles ou religieuses. GOURAND L. – Prévention de la maltraitance précoce des nourrissons. Le Carnet Psy. ce qui limite d’une autre façon tout en appelant à les traiter » (Chaboudez. BUCKMAN R. DIQUELOU J. « NRF Essais ». n° 35.. Si les modifications du désir ou de la pratique ne posent que peu de problèmes pendant la grossesse. – Préparer à la naissance et à la parentalité. elles font le lit des difficultés sexuelles du couple à distance. Calmann-Lévy. Ben SOUSSAN P. GOSME-SEGURET S. (1980). Paris. – La Condition fœtale. Itinéraire psychanalytique de la maternité. Paris. PUF. Paris. DUDEN B. Euroforum.. (1995). – L’Amour en plus. Gallimard. InterEditions. et al.-Y. Denoël. l’évolution de la sexualité humaine nécessite de se souvenir que « la libération de l’interdit dénude les impossibilités que cet acte rencontre. – Rapport sexuel et rapport des sexes. CHABOUDEZ G. (1995). BERGERET J. – La Vie avant la vie. Bercy. Une sociologie de l’engendrement et de l’avortement. Érès. Paris. Flammarion. Grossesse ou non. Paris. Lille. KORFF-SAUSSE S. – « L’Échographie prénatale ». BEN SOUSSAN P. (1996). et VIAL M. DENIS P. coll. ESF.72 Les âges de la vie Conclusions La pratique sexuelle ne représente pas de risque particulier pendant la grossesse. Paris. – Le diagnostic prénatal. Ramonville. (1997). (1996). Paris. – S’asseoir pour parler. – La Dette de vie. coll. BOLTANSKI L. NELSON J. (2005). DAVID D. (2005). (1994). en particulier si des dysfonctions sexuelles existaient auparavant. DAFFOS F. HAUTE AUTORITÉ DE SANTÉ (2006). – Naître différent. aspects psychologiques. sauf si préexiste une pathologie. – L’Invention du fœtus. (1998). Dunod. (1983). (2004) – Le Consentement en anténatal. Descartes et Cie.R.. – La Violence fondamentale. Erès. . Ramonville-Saint-Agnes. Pour en savoir plus BADINTER E. (2004). 2004). Paris. Paris. BIZOT A. « Milles et Un Bébés ».. BYDLOWSKI M. (2004). – Communication orale au Xe congrès de la société française de psycho-oncologie. Flammarion. in Grossesse et naissance. (1963). – « Que voient-ils ? ». Les enjeux de la relation. mars 2005. Ramonville-Saint-Agnes. – L’Échographie de la grossesse.). (2005).JACOB F. 46 (12) : 639-644. Payot. SIROL F. Ramonville. SOULÉ M. – De la pédiatrie à la psychanalyse. (1998). SIROL F. H. Little Browned. SERRES M. (2002). n° 300. WINNICOTT D. Érès. Les enjeux de la relation. Odile Jacob. – L’Échographie de la grossesse. – Am J Obstet Gyn. (1999). – Diagnostics urgents de l’abdomen. Ramonville-Saint-Agnes. (1994). – Éclaircissements. Boston. (2002). GOURAND L. TISSERON S. Rapport d’enquête nationale périnatale 1998 et « La situation périnatale en France en 1998 ». réalisation A. Casanova et M. (2006). MIRLESSE V. Naissances ». et al. – Human Sexual Response. (1993). – « Conséquences psychologiques à distance d’un diagnostic prénatal de toxoplasmose ». SOUBIEUX M. – « Éloge de l’angoisse ». MISSONIER S. Starfilms International. 1969. PUF. – « Prévenir le traumatisme. E. Paris.J. « Que Sais-Je ? ». n° 20. – La Psychiatrie fœtale. – « Sexualité et grossesse ». (1981). in Études et Résultats (DREES). in Études et Résultats. Paris. et SOULÉ M. Paris. coll « Mille et Un Bébés ». (1999). MISSONNIER S. Flammarion Médecine-Sciences. MONDOR H. Paris. (1966).W. – La Décision en médecine fœtale. Saladin. Paris. L’Échographie de la grossesse. et al. Neuropsychiatrie Enfance Adolescence. Paris. coll. La Lettre du Gynécologue. (2001). Masson.S. . juin. Érès.-J. Rapport d’enquête nationale périnatale 2003. n° 168 : 514-519. (1999). Erès.. mars. et SOUBIEUX M. NOUVEL M. Routledge. Érès.. – Interruption de grossesse pour pathologie fœtale. JOHNSON V. n° 383. READ J. SOULÉ M. et al. RAPP R. MASTERS W. TRAMIER (2005). (dir. Ramonville-Saint-Agnes. – Échographie de la grossesse : les enjeux de la relation. Érès. Cahiers de l’AFREE. Ramonville-Saint-Agnes. (1930). MOLENAT F.. – Testing women. in SOULÉ M. – Le jeu des possibles. New York. testing the fetus. (1999). Le passage. (1997). L’influence du choix et de l’instauration du mode de nourriture sur l’état psychique des différents protagonistes est fondamentale dans la compréhension des difficultés voire des complications rencontrées. tout au moins. PROUST Que l’allaitement soit maternel ou artificiel. la nourriture.3 Postpartum Allaitement A. Assurer le choix Le choix entre l’allaitement maternel au sein et l’allaitement au biberon (terme à préférer à l’allaitement « artificiel ». mais également son bien-être à travers la toilette. le maternage. La femme. il fait partie intégrante du postpartum et il y joue un rôle fondamental. les « soins ». que ce soit au niveau de la famille ou de l’équipe prenant en charge la grossesse. tant le rôle des influences extérieures. peut être source de décisions inappropriées ou. le rythme de repos. . la « nouvelle » famille se voient mettre en responsabilité non seulement la surveillance et l’éducation de l’enfant nouveau-né. le couple. etc. Il n’est plus nécessaire de prouver les avantages de l’allaitement maternel : toutes les études les démontrent tant dans la qualité nutritionnelle et immunologique que dans l’instauration de la relation mère-enfant. de pesées. génératrices d’angoisse. de calcul de doses. de biberon. L’allaitement n’est pas seulement une histoire de sein. à conno-tation péjorative) est une affaire personnelle complexe. de soins. 76 Les âges de la vie Il est toujours nécessaire d’en faire la promotion. il semble important. plus rarement de façon spontanée. désir et place du futur père dans l’allaitement. car les informations et les explications que l’on pourra donner n’auront aucune influence potentielle sur le déroulement de la grossesse. À ce moment peuvent être évoqués les désirs et les craintes de la future accouchée : idées fausses sur les risques esthétiques de l’allaitement au sein. La question vient souvent quand la femme pense qu’elle ne va pas pouvoir allaiter (mamelon ombiliqué. il est nécessaire. rôle des facteurs environnementaux. ce n’est pas le cas pour l’allaitement. et les dernières recommandations de la Haute autorité de la santé (HAS) l’ont fait récemment en France. soit en répondant à des questions posées au cours de la surveillance régulière. des contraintes du travail. qu’ils soient familiaux ou sociaux. . puisqu’il concerne plus de 750 000 naissances. comme dans nombre d’autres domaines. Il est important. en matière d’accouchement. prothèses de sein. soit. tout simplement. afin de permettre à la femme enceinte d’avoir ses propres arguments de choix. devrait permettre de mieux cerner cette problématique en donnant la parole à la femme enceinte tôt dans la grossesse. entretien dont la finalité première est médico-psycho-sociale. que le choix d’allaiter au sein ou au biberon soit un choix de la personne et non pas un choix de telle ou telle autre personne de l’entourage. en posant la question de savoir si elle sait le mode d’allaitement qu’elle souhaiterait.). Si. y compris au nom de l’autorité médicale. Au-delà des avantages évidents. La mise en place progressive de l’entretien du début de grossesse. de différer la préparation vers la fin de la grossesse voire le dernier trimestre afin que la future accouchée soit totalement réceptive. etc. donnant là une dimension de santé publique à un problème de masse. libérée du risque d’accouchement prématuré. . etc. sauf à propos de certaines généralités. échec de l’allaitement lors d’une grossesse précédente. Elles peuvent même diminuer un certain nombre d’angoisses en permettant la mise en place d’une structure de discussion pouvant plus facilement aboutir à un choix « éclairé ». de l’informer tôt dans la grossesse. de complications. Il s’agit d’un véritable travail d’accompagnement tant au niveau physique que psychique. le plus souvent dans le cadre d’un syndrome d’échec ou de sensation de ne pas y arriver. semble être la meilleure façon de soutenir ce projet de la femme pour son bébé et elle-même. Le soutien des équipes. Si de nombreuses études ont bien démontré que les difficultés psychologiques rencontrées dans la période postnatale n’ont pas d’incidence sur le volume et la qualité du lait. Aucune préparation. dès la mise au sein en salle de naissance et dans les suites de couches. il est évident que la principale cause d’arrêt de l’allaitement au sein dans la période de suites de couches immédiates est liée à l’impossibilité psychique de continuer. voire du souhait d’arrêter ce mode d’allaitement. en facilitant le contact mère-enfant ainsi que la dédramatisation des difficultés du départ. l’accompagnement reste la meilleure façon de prévenir et de prendre en charge la survenue de cette complication. parce que l’on en connaît les avantages. aucune anticipation n’est possible quant à l’importance de la montée laiteuse. heure après heure. qu’elle soit jugée insuffisante et créatrice d’angoisse de « mal faire » ou trop importante et source de douleurs. il n’y a aucune préparation « physique » particulière qui pourrait favoriser tel ou tel choix. La plus grande complication du début de l’allaitement au sein est le désir d’arrêt. Là encore. Le retour à la maison est un des moments les plus sensibles. . Le plus important pour la femme allaitante et pour l’équipe soignante est de savoir s’adapter à la situation. sans la culpabiliser si elle décide d’allaiter au biberon ? Assurer l’allaitement En dehors de la préparation « psychologique » dans le soutien à la décision du choix de l’allaitement. source de douleurs. en dehors des soins du mamelon dès la naissance et de l’apprentissage progressif de l’acceptation du rythme du bébé ou de la position la moins fatigante n’empêchera la survenue de crevasses du sein. au jour le jour. et ce d’autant que les sorties précoces de la maternité sont de plus en plus la règle et la volonté des autorités sanitaires et sociales.Postpartum 77 Toute la problématique initiale repose sur cette ambiguïté : comment inciter la femme à allaiter au sein. avec la sensation de ne pas y arriver. En particulier. Ainsi on ne peut prévoir le rôle dans l’allaitement ou son arrêt après le retour à domicile. soit parce qu’elle ne le peut du fait d’une contre-indication à l’allaitement au sein. Contempo- . tant envers la femme qui souhaite allaiter au sein. ou est en train de se faire. même si elles sont rares. avec l’impression de ne pas être à même d’assurer leur tâche correctement.78 Les âges de la vie La sortie précoce a lieu juste au moment de la montée laiteuse. et de nombreuses équipes estiment qu’actuellement la femme est incitée à sortir au moment où elle aurait le plus besoin d’elles. l’allaitement maternel semble être idéal pour maintenir le lien quasi physique entre l’enfant et sa mère élaboré lors de la grossesse. L’ensemble des équipes et des intervenants se doivent d’accompagner avec autant d’attention la femme qui allaite au biberon soit parce qu’elle le désire (pour des raisons qui lui appartiennent). Le souci de placer la femme et le couple dans un environnement favorable à l’initiation de la relation mère-père-enfant doit primer par rapport à tout autre jugement sur le bien-fondé ou non de telle ou telle méthode d’allaitement. L’adaptation et le maintien de l’allaitement au biberon paraissent d’emblée plus simples mais ne doivent en aucun cas être négligés. Un véritable travail de prévention est à faire afin qu’il y ait une adaptation à chaque mode d’hospitalisation en suites de couches. en raison des sécrétions neurobiologiques de prolactine et d’ocytocine liées au processus physiologique de l’allaitement au sein. LACHOWSKY Définition Le baby blues est un épisode de la puerpéralité qui se définit par des limites très précises dans le temps et dans l’espace. Le transfert de compétences sur les professionnels de la périnatalité en ville ou sur des équipes d’hospitalisation à domicile (HAD) n’est pas encore fait. Bien sûr. qu’envers les équipes soignantes pour qu’elles s’adaptent sans avoir elles-mêmes à déprécier ces nouveaux modes de prises en charge. Baby blues M. la mère. doublée d’une hypersusceptibilité aux réactions de l’entourage. Fatiguée. Il s’y ajoute aussi des doutes sur l’état. puis dépression du 3e jour. mais pas au-delà. un état psychophysiologique pour les uns. Alors. comme en s’excusant. mais dont il importe de faire le diagnostic différentiel au plus vite. une anxiété que Winnicott qualifie de « préoccupation maternelle primaire ». d’installation brutale ou progressive. le caméscope et l’album ont fait le plein. durant de quelques heures à quelques jours est une entité particulière de la pathologie psychiatrique de la grossesse et des suites de couches immédiates. l’enfant et même le père ont été sauvés. l’apparence physique. c’est maintenant un état bien distinct de la dépression comme de la psychose du postpartum. voire la normalité de leur enfant. cette sensibilité va s’exacerber. la mère pleure sans trop savoir pourquoi . et voilà que les bonnes fées semblent déserter non pas le berceau mais le lit. comment les voyons-nous ? Tout s’est bien passé. l’entourage est au courant grâce à Internet. pour eux. état d’hypersensibilité et d’anxiété toujours transitoire. ni à la trompette. Le « baby blues » ne se joue ni au saxo. Il est vrai qu’ici le franglais a beaucoup plus de charme que l’expression canadienne de « cafard du postpartum ». une petite musique de chambre. d’où l’intérêt pour tous ceux qui suivent mère et enfant à la maternité de le connaître pour le reconnaître. comment ces baby blues se traduisentils.Postpartum 79 rain de la montée laiteuse. avec des extrêmes allant de quelques heures à 15 jours après la délivrance. Diagnostic Ce syndrome d’inadéquation entre la situation et l’humeur de la patiente. d’humeur changeante. Ce sont d’ailleurs les Anglo-Saxons qui le retrouvent le plus fréquemment . . devenir une trop grande inquiétude quant à leurs possibilités. Pour certaines. il survient du 3e au 9e jour du postpartum. insatisfaite d’elle-même et des autres. 30 à 80 % des femmes – selon les critères adoptés – vont présenter cet état spécifique d’émotivité et de sensibilité de la mère nouvellement accouchée à tout ce qui a trait à son enfant . psychopathologique pour les autres. 80 % des femmes accouchées en sont victimes. En effet. La Nouvelle-Orléans n’en a jamais eu le privilège. dit-elle dans un pâle sourire. Fièvre de lait distincte de la terrible fièvre puerpérale. dont les réactions vont surprendre ses interlocuteurs les mieux intentionnés. je n’arriverai jamais à m’occuper de l’enfant. je n’ai pourtant pas appelé souvent cette nuit. autant de petits faits qui pourraient passer – presque – inaperçus si l’on n’y prenait garde. ce sont elles qui vont trouver en entrant dans la chambre une jeune femme en larmes. On le voit bien. Pris dans leurs liens affectifs comme dans leur propre joie. » Et de refondre en larmes. ou d’onirisme nocturne. . Et vous trouvez que c’est normal cette couleur du visage ? Moi je trouve qu’il n’était pas comme ça hier. parents ou amis sont parfois maladroits. Le rôle de l’entourage familial et amical est bien entendu loin d’être négligeable. dépression vraie du postpartum.80 Les âges de la vie Cette peur qu’elles ressentent confusément d’être incapables d’être une « bonne » mère ou tout simplement une mère se double de la peur de n’avoir pas plus été capables de faire un « bon » enfant. mais il n’est pas toujours aisé. conjoint. alors qu’elles l’avaient quittée la veille certes épuisée. on n’est pas très aimable avec moi. ce postpartum blues peut aussi être le coup d’envoi d’une manifestation pathologique autre. ce moment est celui de l’instauration de la relation mèreenfant et il est donc capital . plus aiguë et plus dangereuse. c’est l’anxiété qui domine et non la dépression. Les crises de larmes et l’insomnie doublées de nombreuses questions sur la qualité de leur lait ou l’intégrité de leur enfant. qui suivent les suites de couches . ou psychoses puerpérales quelles qu’elles soient. une écoute active de la psychologue aussitôt avertie peuvent suffire à passer ce cap. et leur bonne volonté ou leur étonnement risquent d’être mal perçus par la jeune femme. pas maquillée. ce sont les infirmières et les puéricultrices. Mais la plus grande vigilance comme la plus grande rigueur sont ici de mise pour deux raisons : d’une part. mais souvent aussi avec une note discrète de confusion. d’autre part. C’est à elles qu’elle va dire ses craintes : « Je ne me sens plus moi-même. Que faire dans l’immédiat ? Une réponse immédiate de l’équipe soignante. Les acteurs de l’entourage Plus que l’obstétricien. Et puis. sans oublier les sages-femmes. mais radieuse devant son bébé. cette délivrance qui en français ne concerne que le placenta. et la sécrétion accrue de prolactine dans un système dopaminergique modifié. toujours transitoires et toujours bénins. car l’interrompre serait conforter la mère dans son fantasme de mère « mauvaise ». on ne saurait nier que cette période est celle d’un grand bouleversement somatique aussi. de même que son rang dans la filiation. La séparation qu’est l’accouchement. notamment commencer très tôt. dans le diagnostic différentiel entre un épiphénomène à la limite du physiologique et des états franchement pathologiques relevant de la compétence exclusive du psychiatre que sont les dépressions vraies. Peut-être sera-t-il bon de tranquilliser le jeune mari ou de déculpabiliser les nouveaux grands-parents des deux côtés. Mais aucune étude sérieusement documentée avec dosages répétés à l’appui n’existe encore. on ne séparera pas la mère et l’enfant . des nouvelles accouchées et des nourrices » – des nourrices. mais surtout rétrocéder très tôt aussi. avec la chute brutale des estrogènes et de la progestérone circulants. les psychoses puerpérales. avec notre aide. prendre sa place d’enfant bien réel et présent. au contraire. ou ne pouvant donner à son enfant qu’un lait insuffisant ou même nocif.Postpartum 81 Il faut parfois une prescription d’anxiolytiques. Les baby blues. Le nouveau venu pourra ainsi. on la rassurera sur l’intégrité et. car on avait noté le rapport entre la lactation et la survenue des troubles. pourquoi pas. le vrai problème que nous posent ces baby blues est bien là. Il est bien entendu que l’allaitement sera poursuivi. En fait. à faible dose. Pour les mêmes raisons. rites de passage – pourrait-on dire – de la puerpéralité à la maternalité. pour que la patiente retrouve sa sérénité. sur la beauté de son nouveau-né. non plus rêvé et attendu. du moins à notre connaissance. doivent remplir certaines conditions. Bien sûr. pour mériter ce gracieux nom. Une durée au-delà de 8 jours doit déjà faire . et autres entités psychiatriques plus rares. est pour certains une rupturecontinuité qui engendre donc ces baby blues si fréquents. Le baby blues de nos jours Mais est-ce que ce sont vraiment ces postpartum blues qui sont décrits et connus depuis l’Antiquité ? La folie des parturientes chez Hippocrate est devenue chez les aliénistes français du XIXe siècle la « folie des femmes enceintes. ni que nous ne sommes pas entrés d’emblée dans une forme aiguë. par exemple) a le sentiment qu’un virage s’amorce. comme nous l’avons vu. on demandera son diagnostic au psychologue. surtout. Une femme sur 10 fera une dépression du postpartum. restons vigilants : si un membre de l’équipe entourant la jeune femme (sage-femme. pas de grossesse plus à risque que d’autres vis-à-vis de ces curieux blues du postpartum. il conviendra d’apporter un soutien chaleureux. ce syndrome se caractérise par une remarquable fixité dans sa survenue. cela montre bien à quel point cet état est fréquent. anxiété et discrète confusion. qui débute à la maternité même. En effet. obstétricien. il n’y a pas de profil particulier. dans les formes très mineures. On n’hésitera pas à prescrire un tranquillisant pour calmer l’insomnie et l’agitation créées par l’anxiété . au-delà de 15 jours. En effet. À cette jeune femme triste. d’un état délirant ou d’une psychose. on se contentera de surveiller… en comptant les jours ! Mais sans dramatiser et. pas de situation socioculturelle spécifique. sa durée et sa clinique. la pseudodépression du 3e jour demande cependant l’attention de tout le service. avec une symptomatologie où dominent inadéquation. le tout spontanément résolutif. sans banaliser. et ce surtout s’il y a des difficultés d’allaitement. aujourd’hui où les séjours sont si courts. selon les pays et les auteurs . aucun élément ne nous permet a priori d’affirmer qu’il ne s’agit pas là du coup d’envoi d’une dépression vraie. psychologue ou puéricultrice. Conclusion Maladie qui en mérite à peine le nom. une aide efficace pour les soins au bébé. et seulement 1 sur 1 000 une psychose puerpérale . de gravité variable. Bien sûr.82 Les âges de la vie douter de la bénignité . Seulement. moins nombreuses encore seront celles qui entreront dans la schizophrénie. bien entendu également si . La fréquence cependant plaide pour l’optimisme ou au moins l’expectative armée : il y a 30 à 80 % de baby blues. une présence. ou bien si la symptomatologie lui paraît suspecte et qu’une discordance de dates s’y ajoute. avec risques morbides mais aussi mortels pour la mère ou l’enfant. Nous ne serons guère plus avancés pour la grossesse suivante. la suspicion se change en quasi-certitude et l’appel au psychiatre devient indispensable. de la période antepartum. Or. (1994). même si la date de sortie de la maternité est modulée en fonction de l’existence d’une pathologie anté. Si cela est parfaitement identifié pour les . Psychiatry. La naissance d’un mère. ni social. et un quasi-abandon de la surveillance ou de l’accompagnement nécessaire à la période du postpartum. la prise en compte des différents temps de la surveillance du postpartum ne peut être la même si la femme a eu une pathologie de la grossesse. ni dans notre domaine. Seuil. une complication postnatale. et c’est une consultation de psychiatrie qui s’impose. ni médical. (1998). mais également l’évaluation de l’état psychologique. ni psychique. Cette période. très variable dans sa durée. Traditionnellement.ou pernatale. une fois l’enfant né. Tout se passe comme si. – « Post partum mood disorders : diagnosis and treatment guidelines ». était mise à profit par l’ensemble des équipes pour favoriser la récupération physique. S. Pour en savoir plus NONACS R. Cicatrices du postpartum A. 59(2) : 34-40. Clin. une pathologie de l’accouchement ou. Paris. Aujourd’hui. ROSFELTER P. a fortiori. il n’existait plus aucun « problème ». la période postnatale se déroulait lors d’une hospitalisation dite en « suites de couches ». PROUST L’organisation actuelle de la surveillance de la grossesse aboutit à un paradoxe : une surveillance toujours plus grande..Postpartum 83 une bouffée délirante survient. – Bébé blues. pour certains hypermédicalisée. alors nous ne sommes plus ni dans le registre du bénin. Jour. COHEN L. tout en sériant les problèmes sociaux s’ils existaient. le vécu des accouchées est très souvent assimilé à une véritable solitude voire à une impression de non-prise en charge. épisiotomie. celle-ci doit prendre en compte non seulement leur existence. Parmi ces complications. dans les suites dites « simples ». en particulier. etc. il s’agit de distinguer la période immédiate. la correction et leur surveillance. intimement mêlées. il est nécessaire de raisonner à partir de la douleur dans les suites de couches et. déchirure périnéale. Afin d’assurer une qualité de la prise en charge de la période postnatale. et de la structure dans laquelle la patiente est surveillée (hospitalisation traditionnelle. bien individualisées et prises en charge dans les meilleures conditions. les douleurs et les modifications de l’état psychique sont celles qui méritent d’être retenues. qu’il y ait eu une épisiotomie ou pas.). césariennes. possibilité ou non d’hospitalisation à domicile. Cette prise en charge doit se faire en fonction de la personne dont on sait la variabilité de vécu. Tout doit être mis en œuvre pour ne pas laisser se développer une douleur non prise en compte. etc. La simple existence de ces douleurs nécessite leur prise en charge immédiate . à la recherche d’une complication qui requiert une prise en charge particulière. leur prise en charge.84 Les âges de la vie « grosses » pathologies (prééclampsie. La douleur périnéale dans les suites de couches Douleur physique et douleur psychique sont. grande prématurité. Il est fondamental de pouvoir apprécier cette « douleur somatique » . sortie précoce. forceps. voire pour ce qui est parfois tout simplement banalisé (accouchement après hospitalisation pour menace d’accouchement prématuré avec alitement prolongé. même partiellement. tant elles sont capables d’induire des cicatrices et de laisser des traces à jamais inductrices de séquelles de l’accouchement. Chaque patiente. chaque douleur ne devraient pas . L’une des principales causes de douleurs du postpartum concerne. qui nécessite un examen clinique attentif de la zone douloureuse. Nous ferons ici le point sur les douleurs physiques afin de mieux permettre. le périnée. aux décours de l’expérience unique dans la vie d’une femme qu’est la maternité. non élucidée ou non résolue. qui ne se conçoit que globale. mais également en assurer la prévention.). etc.). à travers leur identification. hémorragies de la délivrance. du ressenti lié à sa propre histoire. cela paraît bien moins évident pour les pathologies dites mineures. Il est recommandé de pratiquer. une anesthésie la plus complète possible afin d’assurer non seulement le confort de l’opérateur mais surtout de l’accouchée. Le vécu et la prise en charge des douleurs périnéales ne sont pas les mêmes que les lésions périnéales soient spontanées (déchirures) ou induites (épisiotomies). Conséquences à long terme sur la sexualité Quelle que soit la politique libérale ou restrictive dans la pratique des épisiotomies. d’examiner attentivement le périnée. Cette différence n’existe plus à 3 mois de l’accouchement.Postpartum 85 être laissées pour compte avec un traitement antalgique « standardisé » du type « protocole douleur ». En particulier lors de l’examen précédant la sortie de la maternité (quelle que soit la durée d’hospitalisation). lors de la réalisation et de la réparation de l’épisiotomie. Dans le postpartum immédiat. et il faut savoir en pratiquer l’ablation devant la persistance de douleurs périnéales invalidantes. ces fils peuvent ne se dissoudre que sur une longue période. En revanche. L’utilisation de fils résorbables a. participé à la diminution des douleurs dans le postpartum immédiat. de rechercher des points douloureux électifs. Cette douleur est. cependant. sous-estimée. le taux de pratique de l’épisiotomie en France est de 47 %. Il importe de revoir les femmes. évitant ainsi toute inscription dans la mémoire d’une « trace de la douleur » qui aurait pu être évitée. l’écoute et toute prise en charge globale sont fondamentales. Une politique de pratique restrictive des épisiotomies réduit de façon significative les problèmes de cicatrisation au 7e jour. Il n’est pas recommandé de pratiquer de façon systématique une épisiotomie (que l’expulsion soit ou non instrumentale) . dans bon nombre de cas. en particulier par la non-nécessité de retirer les fils. dans toutes les enquêtes. de retirer les fils et de réévaluer à distance. il n’existe pas de différence concernant les taux de . Celle-ci est donc une grande pourvoyeuse de douleurs induites tant dans sa réalisation que dans sa réparation. les patientes ayant eu une épisiotomie se plaignent davantage de douleurs périnéales que celles ayant accouché avec un périnée intact ou une déchirure du premier ou du deuxième degré. mais ne modifie pas le taux d’infections ou d’hématomes périnéaux. dans un certain nombre de cas. en postpartum. une reprise chirurgicale peut être nécessaire. cela n’est plus vrai à distance de l’accouchement. car nombre de dyspareunies cèdent avec le temps. Si. Elles sont accentuées par l’allaitement . Dans ces cas. pour trouver le maximum de leur expression douloureuse dans la fin du 3e trimestre de la grossesse puis s’accentuer dans les premiers mois du postpartum. il est nécessaire dans un premier temps de temporiser. associée ou non à des brides se développant au niveau vestibulaire. . douleurs de la ceinture pelvienne (pubalgies et douleurs pelviennes postérieures). DOULEURS RACHIDIENNES ET DE LA CEINTURE PELVIENNE L’hyperlordose lombaire et le déplacement du centre de gravité en avant de la symphyse pubienne s’aggravent avec la grossesse. en pourcentage. Si l’épisiotomie semble générer plus de dyspareunies pendant les premières semaines du postpartum. soit l’accentuation. Interviennent ensuite la pratique d’une rééducation périnéale. elles existent. les dyspareunies du postpartum sont rares. Même si aucune étude ne fait de corrélation entre posture et postpartum. Ces douleurs ont tendance à augmenter avec la parité. Les autres douleurs du postpartum DOULEURS UTÉRINES L’involution utérine s’accompagne de douleurs parfois ressenties de façon intense. plus d’un tiers des femmes ressentent soit la persistance. Pour les dyspareunies orificielles persistantes. dites « tranchées ». L’explication et la prescription d’antalgiques banals suffisent dans la grande majorité des cas à leur prise en charge.86 Les âges de la vie reprise des rapports sexuels dans les 3 mois. on sait que la tétée entraîne une décharge d’hormones posthypophysaires responsable de ces véritables contractions. et sont dans un grand nombre de cas dues à une asymétrie de l’anneau vaginal. la prescription d’estrogènes locaux associés à un anesthésiant local. des douleurs apparues pendant la grossesse : douleurs lombaires. La période du postpartum est. dans un certain nombre de cas. dont la prise en charge ne pourra être alors que complexe. améliorer la récupération totale des muscles abdominaux. La persistance d’un diastasis des grands droits existe chez environ 50 % des femmes 6 semaines après l’accouchement. dans la très grande majorité des cas. Leur identification précise et leur prise en charge globale doivent permettre qu’elles ne viennent en aucun cas s’inscrire dans une expérience négative inscrite dans la mémoire comme une « trace de la douleur » indélébile. soit induites. source de douleurs soit spontanées. pour la grande majorité des femmes. s’accentuant dans les semaines suivant l’accouchement. Une plastie chirurgicale peut se révéler nécessaire.Postpartum 87 Ces douleurs persistantes se distinguent du syndrome ostéoligamentaire qui. disparaît totalement dans le postpartum immédiat. La rééducation de la sangle abdominale peut. la contraction des muscles abdominaux n’est plus efficace et devient une source importante de douleurs. S’il présente un écart supérieur à 2 cm. DOULEURS DE LA SANGLE ABDOMINALE Il s’agit de douleurs cicatricielles déclenchées par le mouvement voire la simple marche. . Mais il nous faut d’abord tenir compte . thrombo-emboliques. D. L’hygiène de vie de la patiente (activité physique. tabac) doit être prise en compte. palpitations .4 Ménopause M. – insomnie. – douleurs ligamento-tendino-articulaires. Événement physiologique dans le programme génétique des femmes. avec en parallèle les pathologies de l’âge mûr – cardiovasculaires. cette carence hormonale progressive puis définitive s’exprime par l’arrêt des règles avec les troubles bien connus du climatère. liés à la chute des estrogènes et des androgènes : – troubles vasomoteurs : bouffées de chaleur. Nous disposons de thérapeutiques hormonales. des troubles de la sexualité. carcinologiques. notamment la dyspareunie et la baisse de la libido. Cette période est à la fois une crise. pas plus que l’âge auquel elle apparaît. LACHOWSKY. un temps de changement et un état de fait qui va durer. L’interrogatoire recherche les facteurs de risque fracturaires. etc. – troubles de l’humeur. alimentation. c’est l’arrêt définitif des menstruations. irritabilité et asthénie . Les manifestations de la ménopause n’ont pas changé à travers les siècles. Plus tardivement surviennent des troubles de l’appareil génitourinaire avec atrophie et sécheresse vaginale. seules efficaces sur le syndrome climatérique. sensations de malaise. WINAVER Clinique Le dictionnaire Le Petit Robert indique que le mot « ménopause » apparaît pour la première fois en 1823 . crises sudorales nocturnes . alcool. 90 Les âges de la vie de l’attitude de la patiente vis-à-vis de ces traitements, de ses craintes, de ses a priori, de ce qu’elle a retenu du bruit médiatique à propos des statistiques récentes. Pour que la patiente choisisse en toute connaissance de cause, pour un « consentement éclairé », il faut du temps. Ce temps assure une relation de confiance, et garantit la compliance au traitement. En effet, le rôle du médecin est d’aider la femme à s’adapter pour qu’elle trouve son nouveau rythme, donc l’espoir d’un nouveau bien-être. Le vécu Connue depuis toujours, la ménopause se nommait climatère, âge critique, âge dangereux, retour d’âge ; autant de termes soulignant la dangerosité médicale, sociale et affective de cette période de la vie. Cette notion se retrouve de nos jours dans les demandes des patientes : si elles acceptent mieux de ne plus avoir de règles, elles jugent intolérables les symptômes classiques qui les trahissent (bouffées de chaleur, sueurs nocturnes, irritabilité, etc.), car ils signent la fin de la fertilité et le début de la vieillesse. Serait-ce la fin de la féminité ? C’est ce que redoutent les femmes et elles imaginent que les hommes le pensent aussi. Elles s’étonnent que 50 ans soit toujours l’âge moyen de la ménopause, malgré l’allongement de l’espérance de vie. Selon les statistiques, le temps de « l’après-ménopause » serait d’environ 40 ans, temps plus long que celui de la vie reproductive. Bien entendu, cette période qui mène au grand âge demande une gestion différente de celle du temps de la crise proprement dite, souvent appelée crise du milieu de la vie. Le temps d’avant Il nous semble qu’on ne saurait réfléchir sur la ménopause sans étudier ce phénomène assez récent dans notre société consumériste avec son exigence de prévention et de précaution : le « temps de l’avant-ménopause ». On n’est pas encore dans le temps médical de la périménopause. Aujourd’hui, déjà, vers la quarantaine, des patientes inquiètes viennent nous interroger devant d’imperceptibles signes de vieillissement. La peau perd de son élasticité. Face aux Ménopause 91 premières rides, les marchands de jeunesse proposent toutes sortes de crèmes, de sérums, de vitamines promettant une peau de 20 ans. Du fait de la diminution de la puissance musculaire, les danseuses de l’Opéra sont mises à la retraite à 40 ans. Quelques femmes se plaignent d’un début de dépilation du mont de Vénus, choquant. En effet, dans la décennie qui précède l’arrêt des menstruations, les performances des ovaires s’altèrent à bas bruit. Selon les cas, ce déficit hormonal sera plus ou moins visible, se traduisant également par des troubles du cycle. Raccourcissement ou allongement du cycle, syndrome prémenstruel plus marqué, variations de l’abondance des règles, autant de prodromes qui perturbent les femmes. C’est ce qui se nomme la périménopause. Espérant « prévenir » la ménopause, littéralement retarder ou même empêcher son apparition, elles viennent alors nous consulter. Ne prenons pas ces demandes à la légère, mais sachons refuser de commencer le traitement hormonal de substitution (THS) trop tôt. Aidons-les à comprendre leur fonctionnement hormonal. La qualité du corps jaune s’altère : la production des stéroïdes sexuels diminue. Les follicules deviennent moins compétents. La fertilité accélère sa courbe descendante. C’est souvent à ce moment que les femmes veulent un enfant, premier ou dernier bébé de la quarantaine. Dans ce domaine, le médecin a un rôle en amont : il ne doit pas se contenter de renouveler une ordonnance de pilule, mais profiter plutôt de cette consultation de routine pour informer sa patiente des impératifs physiologiques. C’est une démarche moins facile qu’il n’y paraît. Il entend souvent : « Je n’ai pas encore trouvé le bon père pour mon enfant » ; ou : « Il n’est pas encore décidé », ou : « Je passe encore des concours… mais j’ai encore du temps, non ? » Comment va-t-il répondre ? Il lui faut du tact ; il a peur d’être intrusif, indiscret, de réveiller de vieilles blessures. Commenter les statistiques des taux de grossesses après 40 ans, c’est utile, mais ce n’est ni suffisant ni satisfaisant. De plus en plus de femmes influencées par les histoires « people » des médias s’identifient aux célébrités enceintes à des âges tardifs. Même si les progrès de la médecine leur donnent à croire que tout est possible, le rôle du médecin est de leur faire accepter l’évidence, les limites. Pour notre société qui nie le vieillissement en érigeant la jeunesse en 92 Les âges de la vie valeur suprême, cette limite n’est guère tolérable. Un temps de dialogue est donc indispensable pour que la patiente prenne conscience de la réalité de son désir d’enfant et des limites de son temps de fertilité. Pourtant, malgré le temps qui passe, certaines femmes pensent encore que, tant qu’elles ont leurs règles, elles peuvent être enceintes. L’arrêt définitif des menstruations est encore plus difficile à vivre pour celles qui n’ont pas eu d’enfant, car elles n’ont pas eu le temps de s’adapter à ce jamais plus d’une maternité. Fin de la vie reproductive Dans l’inconscient collectif, le pouvoir de procréer est l’essence même de la féminité. Les femmes étaient faites pour porter les enfants, les élever et transmettre ainsi l’héritage familial de génération en génération. Comment est-il possible qu’au XXIe siècle, après le droit de vote, le droit à la contraception, à l’IVG, à la stérilisation, à la parité et à l’égalité professionnelle, les femmes elles-mêmes ne se sentent pas complètes, pas de « vraies femmes » si elles n’ont pas été « capables » de concevoir ? Nous connaissons tous la douleur des femmes infertiles ; le désir de grossesse qui n’est pas toujours un désir d’enfant. C’est un besoin de complétude, de réassurance sur sa féminité, de reconnaissance par les autres de ses capacités. Ce pouvoir féminin par excellence est envié par les hommes. La perte de ce pouvoir est vécue par beaucoup de femmes comme une blessure narcissique, même si elles ont le nombre d’enfants qu’elles ont désiré. « Il manquera toujours un enfant à l’appel » (Bydlowski, 1997). Avec la ménopause, on retombe dans la fatalité du fait féminin, ventre stérile donc inutile. La fin de l’âge fertile, réalité physiologique, s’associe dans l’esprit des femmes à la fin des plaisirs d’amour, à la fin de la jeunesse. La cinquantaine dans la société À la cinquantaine, les femmes ont en général une place bien reconnue dans leur milieu familial, social et, pour la plupart, dans leur vie professionnelle. Toutefois, c’est l’âge où, de nos jours, elles sont souvent confrontées à des risques de licenciement et de prére- Ménopause 93 traite. Certaines sont obligées de s’adapter à de nouvelles conditions et à de nouveaux modes de travail. Elles découvrent douloureusement leurs difficultés et se comparent à des plus jeunes, plus performantes. Elles se sentent dévalorisées, ce qu’accentue la glorification actuelle de la beauté et de la minceur, car leur corps lui aussi est en train de se modifier. Affectivement, à cette période charnière, les femmes se situent entre deux générations, celles des parents et celle des enfants. Parents et enfants restent ou s’en vont, troublant l’intimité du couple, et lui donnant à voir d’une part les scénarios possibles de fin de vie, et d’autre part les triomphes amoureux de la jeunesse. En effet, les parents vieillissent, pèsent parfois ; on ne peut s’empêcher de s’identifier à cette image d’un futur qui fait peur. Les enfants désertent la maison, laissant le nid vide ou, au contraire, installent leurs amours sous le toit des parents. Les femmes et souvent les hommes sont gênés, se sentant inconsciemment plongés dans un rôle qu’ils n’ont pas choisi : de voyeur, de complice ou de rival. Ménopause et perte de maîtrise La ménopause, comme l’a été la puberté, est une période d’adaptation corporelle, psychologique, sexuelle et sociale. C’est une expérience personnelle toujours accompagnée par le regard des autres. Elle impose une prise de conscience de soi et la recherche d’aménagements. Les orages hormonaux, les bouleversements des fonctions, les changements de l’aspect font mesurer la perte de l’illusion de maîtrise. Les rougeurs du visage, les bouffées de chaleur, les crises sudorales désignent la « femme en ménopause ». Elles la trahissent. L’odeur corporelle se modifie, la pilosité pubienne se raréfie parfois, causant un sentiment d’humiliation. Souvent, des kilos pris rapidement alourdissent la silhouette. Beaucoup changent de style vestimentaire. Les femmes ne se reconnaissent plus. Elles sont dans une angoisse de perte d’identité. Dans les années qui suivent la ménopause, cette atteinte de leur image dans le regard des autres s’accompagne d’une autre réalité intime. En l’absence de traitement, beaucoup souffrent dans leur corps : palpitations, malaises, fatigabilité, insomnies, troubles urinaires, mais aussi diminution de la tonicité musculaire, de la souplesse des articulations, douleurs diffuses. 94 Les âges de la vie Comment ne pas s’inquiéter pour sa santé ? Avec le temps, la fonction sexuelle est également altérée : perte de la sensibilité mamelonnaire, aplatissement des reliefs du vagin, diminution de sa souplesse, de sa vascularisation, de sa trophicité. Comment ne pas se sentir diminuée, comment ne pas s’inquiéter pour sa vie sexuelle ? Il faut parfois beaucoup de tact et de douceur pour faire comprendre à une patiente que seule une part de ses troubles est liée à la carence hormonale et que reste la part inéluctable du vieillissement. La consultation de ménopause La consultation peut être une consultation de routine chez les patientes que nous suivons depuis longtemps. En tant que femmes et gynécologues, nous sentons très bien chez certaines un besoin d’identification, une curiosité toujours en alerte à notre égard. Nous y répondons selon notre nature, avec prudence, en évitant de sortir de notre rôle de soignant. Chez les hommes gynécologues, la patiente guette inconsciemment dans le regard masculin une reconnaissance de sa féminité. Certaines patientes dépitées quittent l’obstétricien auquel elles se disent attachées, parce qu’elles ont l’impression de ne plus l’intéresser quand elles ne sont pas enceintes. De plus, la confrontation avec les ventres ronds de la salle d’attente leur est pénible. D’ailleurs, lorsqu’une patiente consulte pour un retard de règles et se demande si elle est enceinte, il est important de la laisser exposer ses doutes, de ne pas lui asséner d’emblée un diagnostic qu’elle redoute sans le nommer : « c’est la ménopause ». Le soignant ne doit pas ironiser sur la demande d’un test de grossesse. Même si elle ne veut plus d’enfant, elle exprime un désir, un regret. Il faut qu’elle apprivoise et l’idée et le fait. L’annonce brutale de sa ménopause peut, comme dans une maladie grave, provoquer un état de sidération puis de confusion, où les vieilles peurs de grossir, d’enlaidir, de ne plus être aimée, de vieillir et de mourir se bousculent et ont du mal à s’exprimer. Il y a en plus la honte de se sentir si bouleversée par un phénomène naturel, prévisible et commun à toutes les femmes. Ce peut être aussi une première consultation, justement pour la ménopause. La patiente vient pour s’informer, se faire suivre. Elle la perte de l’estime de soi. jusqu’à un tableau évoquant une dépression ou plutôt un état dépressif. Le quatuor des troubles du climatère est bien connu : troubles vasomoteurs (bouffées de chaleur et crises sudorales). Même si le rapport au sang des règles a évolué. elles se sentent invisibles. Elles sont tristes.Ménopause 95 arrive en général avec des idées préconçues liées aux informations médiatiques distillées depuis 2002. phénomène naturel. avant de lui proposer une thérapeutique. Quelles que soient l’intensité et la fréquence de ces troubles. mieux encore. certaines femmes se sentent dévalorisées par l’image que leur renvoie leur miroir : elles ont pris du poids. parce qu’elle ne se sent pas bien. « C’est d’ailleurs à cause de cela que je grossis ! » Et que dire de la peur de « ce sang qui monterait à la tête provoquant une attaque » ? La sensation de malaise qui les réveille avant la crise sudorale nocturne est toujours mal vécue. n’a pas besoin de médicaments. Ménopause et dépression La dépression est définie comme une dévalorisation. d’autant que les troubles du sommeil augmentent les troubles de l’humeur et l’asthénie. insomnie. de poisons pour l’organisme. C’est ici qu’il est intéressant de laisser dire à la femme ce que la ménopause et ses symptômes représentent pour elle. certaines s’inquiètent encore de son absence. elles ont peur de vieillir. à laquelle il lui a bien fallu penser pour prendre en charge les autres. un sentiment de tristesse. En effet. un certain pourcentage de femmes y échappe complètement. . Souvent. et surtout elles ne se voient plus femmes dans le regard des hommes. troubles de l’humeur. chaque femme ne s’en plaindra pas de la même façon. nous allons noter la liste des symptômes et le degré d’inconfort qu’ils occasionnent. elle a « peur des hormones » et estime que la ménopause. Elles craignent de ne plus éliminer mensuellement un certain nombre de toxines. Comme dans tout entretien médical classique. nous entendre dire que ces phénomènes désagréables sont normaux et. Cela renvoie d’ailleurs le médecin à sa propre finitude. Elle vient consulter malgré tout. En outre. nous demander un soulagement. Que veut-elle alors ? Elle veut d’abord se rassurer. douleurs ostéoarticulaires. elles ont perdu leur éclat. en perte d’identité. La tolérance est étonnamment variable d’une patiente à l’autre. leur silhouette a changé. . elles se plaignent de troubles génitourinaires : sécheresse vaginale entraînant une dyspareunie superficielle. Il lui faut rechercher une baisse du désir et de la fréquence des rapports car. enquêtes dont l’intérêt est de ne pas être exclusivement ciblées sur le coït mais sur la qualité de vie. sécheresse. ou la quasi-disparition des fantasmes érotiques. tout un climat psychosocial qui va influer parfois lourdement sur l’intimité. ou n’est-il que la réactivation d’états dépressifs antérieurs ? On ne parle plus aujourd’hui de psychose ménopausique. et même d’en diminuer les doses chez les patientes déjà traitées. la rareté des orgasmes. autrement dit. comme le montrent des enquêtes récentes. que certaines femmes n’osent pas toujours aborder. Cet état est-il réactionnel à la ménopause. dyspareunie – sont fréquemment décrits . C’est au thérapeute de poser les bonnes questions. Le traitement hormonal de la ménopause permet souvent d’éviter les traitements antidépresseurs. avec les années. l’environnement immédiat et la société . ils sont plus simples à évoquer pour la patiente que la baisse ou l’absence de désir. le partenaire et le couple.96 Les âges de la vie Comme dans toute démarche médicale on vérifie les antécédents. Il est souvent malaisé de faire préciser où se situe le déficit – « envies ». sans laquelle cette nouvelle quantité n’aurait guère de sens et encore moins d’attraits. les seuils d’excitabilité et d’excitation augmentent inévitablement. La qualité sexuelle est un des éléments indissociables de cette qualité de vie. Après quelques années de carence hormonale. mais d’un état lié à un mal-être physique et souvent psychosocial auquel le médecin se doit d’être attentif. douleurs mictionnelles et fuites urinaires particulièrement humiliantes. Entrent en jeu le corps et ses changements. Les hommes comme les femmes recherchent de plus en plus une vie sexuelle satisfaisante après la cinquantaine. Ménopause et sexualité Si la sexualité n’est pas toujours évoquée d’emblée. elle est en filigrane dans les plaintes de nos patientes. Que disent les patientes ou les couples ? Les symptômes physiques – inconfort vulvovaginal. un petit garçon de 10 ans. l’homme sait aussi reconnaître et parfois même aimer sur le visage et le corps de sa compagne les cicatrices de leur vie. malgré son âge ou son statut hormonal. est efficace sur les troubles vulvovaginaux et urinaires . désir pour le compagnon actuel. Le partenaire en est l’interlocuteur privilégié. les androgènes le seraient plus sur la libido et le plaisir. lui aussi a besoin de réassurance. C’est lui qui ouvre l’enveloppe du laboratoire contenant les résultats. Son corps délié d’adolescente. son joli visage la font paraître beaucoup plus jeune que son âge. Il lui arrive de la trouver entre des bras plus jeunes et parfois une nouvelle paternité. On sait d’ailleurs que. celui par qui le scandale arrive. Dans un nouveau couple. Elle est remariée depuis 3 ans à un homme de la soixantaine. la pérennité est rassurante si l’homme accepte son propre vieillissement et parfois ses difficultés érectiles sans avoir besoin de se prouver sa virilité avec une autre. l’homme est lui aussi en crise.Ménopause 97 libido. Dans un couple ancien. et plus encore d’apprécier l’importance de la sexualité pour cette patiente. le partenaire a un rôle capital à jouer. ou au contraire celui qui rend sa confiance en elle à cette femme qui doute. le ton. grâce à l’ancien ou au nouveau partenaire qui lui rendra ou lui conservera sa valeur de femme. dont elle est éperdument amoureuse. où elle se sentira niée. une femme désirée restera désirante. avec en plus parfois une différence d’âge. la stupéfaction de son compagnon. D’où son rôle capital : s’il ne peut supporter de lire son propre vieillissement sur le visage et le corps de cette compagne. sa dignité sexuelle. il lui renverra une image destructrice. À l’inverse. une femme encore jeune peut se sentir complètement dévalorisée si l’homme qu’elle aime dénie sa féminité. La sexualité est un échange et un langage. et redoute la perte de son pouvoir de séduction. En effet. qualité et lieux du plaisir. « Mais tu es ménopausée ! » Elle me rapporte le regard. qualité du rapport. sa gynécologue demande des dosages hormonaux. Le traitement hormonal estrogénique. recherche. Marie a 46 ans. Citons le cas suivant. la « crise du milieu de la vie » . parfois ridiculisée face à une rivale plus jeune. . orgasmes –. Dans ce couple ancien. Elle est ravissante. À l’occasion d’un trouble des règles. un homme en vue. excitabilité. notamment local. Tout d’abord. N’oublions pas que : « Je n’ai plus envie » est parfois plus difficile à dire que : « Cela me fait mal ». la souplesse vaginale diminue elle aussi. surtout si la femme craint que le compagnon ne traduise : « Je n’ai plus envie de toi ». La présence du partenaire permettra bien entendu une meilleure prise en compte des conseils qui en découlent. peu satisfaisant ou même redouté. ou « Tu me fais mal ». car pour certaines femmes les difficultés classiques de cette période peuvent servir de prétexte pour mettre fin à un exercice peu apprécié. n’oublions pas que la sexualité. créant des normes plus quantitatives que qualitatives. avec des impacts variant selon les individus. la beauté et la jeunesse de la partenaire sont bien un faire-valoir de leur virilité. ils manquent parfois à certains de nos patients. de leur puissance sociale. . leurs problèmes et leurs demandes. de ses quatre phases. parfois douleurs lors des frottements sur une paroi de moins bonne qualité et moins bien lubrifiée. dévalorisée. Cette histoire en est la vivante preuve. – Phase d’excitation : le temps de réponse à la stimulation s’allonge. trop techniques pour les autres. Quand une femme se plaint de difficultés sexuelles. vieille. les autres au dopage ! Notre rôle ici est donc triple : à la fois pédagogue. « dédouanant » d’une certaine façon le couple d’un manque affectif ou d’une anomalie physique. de leur éternité. elle est plus faible. la lubrification vaginale n’est pas immédiate. il importe de savoir si la sexualité était ou non de bonne qualité avant la ménopause.98 Les âges de la vie comment elle se sent brusquement laide. Elle me dit : « C’est comme s’il avait été trompé sur la marchandise et que d’un seul coup j’étais devenue une vieille femme repoussante. Voilà pourquoi il est capital d’expliquer la physiologie de l’acte sexuel et les modifications. conseiller et prescripteur. » Pour certaines personnalités masculines. – Phase de plateau/tension sexuelle : gêne. Puis soyons à l’écoute des formulations. adaptons notre langage : les mots du sexe et du corps concernés ne sont pas les mêmes selon milieux et cultures . trop crus pour les uns. poussant les uns aux regrets. court le risque d’entrer dans le domaine de la performance. Les quatre phases de l’acte sexuel sont les suivantes. avec l’âge et la carence hormonale. Enfin. en s’exposant comme elle le fait de nos jours. chaque domaine ayant la même importance. La consultation pour plainte sexuelle requiert une écoute active sans paternalisme ni jugement. estradiol. Remplaçons « mûri » par « vieilli » et nous voici d’emblée avec la définition des ovaires de nos patientes. une information claire. pourquoi ? » Elles sont frustrées de n’avoir d’autre explication que génétique . il nous faut refuser de commenter les résultats des dosages par téléphone. même si des symptômes relativement précis l’évoquent. Elle touche à peine 1 % des Caucasiennes et 0. et dont la quarantaine encore glorieuse ne saurait s’accommoder de ces signes intérieurs de vieillissement. L’adjectif « précoce » signifie « mûri trop tôt ». face à la longévité actuelle. à la portée de cette patiente. sont plus jeunes que leurs mères au même âge.1 % des femmes de moins de 30 ans. intensité moindre de la réponse musculaire. sans proposer de normes . du moins. Ménopause précoce La ménopause précoce est l’arrêt définitif des règles provoqué par l’épuisement prématuré de la fonction ovarienne avant 40 ans. c’est vécu comme tel. C’est souvent lors d’un désir de grossesse que tombe le couperet : FSH (hormone folliculostimulante). LH (hormone lutéinisante) élevées. qui dépasse souvent la simple ordonnance. – Phase de résolution : détumescence nettement plus rapide. Les patientes espèrent bien que le médecin va balayer leurs craintes. répondant aux questions qu’elle se pose comme à celles que l’entourage ou les médias lui posent . c’est l’adieu aux maternités mais aussi à la féminité ou. . une prescription adaptée et explicitée. pareille anomalie ne peut être qu’une erreur. Il nous faut mesurer nos attitudes. À cet âge. et nous aussi. ces femmes qui. Comme pour toute mauvaise nouvelle. L’annonce en est difficile. Elles voudraient comprendre. » « Je suis la seule à être comme ça dans ma famille. nos mots et même nos expressions face à ces femmes jeunes encore dont l’horloge biologique change d’heure avant l’heure. « Est-ce parce que j’ai pris la pilule trop longtemps ? » « Mes règles ont commencé trop tôt ou trop tard et ma mère ne s’en est pas occupée. une faute ou une tare personnelles. inhibine B et AMH (hormone antimullérienne) bas .Ménopause 99 – Phase d’orgasme : moins de contractions. sans imposer une échelle de valeurs. cette rupture de son rythme. le temps et le traitement feront le reste. C’est tout à la fois plus simple et plus difficile : simple par sa véracité. En effet. Sauf contre-indication absolue. Soyons donc attentifs à notre ordonnance. C’est pour elle une injustice. cette place qu’elle craignait de perdre parmi les femmes de sa décennie. Ne fait-elle pas barrage aux deux grandes exigences actuelles. En connaître et en vivre tous les appétits et toutes les possibilités. Rentrer dans son système. ce qui nous permettrait d’entendre les différents niveaux de sa souffrance. mais il vaut mieux avouer que nous ne savons pas pourquoi elle devance l’appel. pour être efficace.100 Les âges de la vie Qu’allons-nous leur répondre ? Surtout pas de mensonges ou de fausses réassurances. pour retrouver un âge qui ne doit pas cesser d’être le sien. la négation de l’âge et le droit à l’enfant ? Nous allons adoucir sa souffrance . sur son propre terrain. ou ce que nous vivons comme un échec ? Or. la ménopause précoce est sans doute encore plus difficile à vivre. souffrance de mère : dans notre société si inégale qui revendique une égalité par le nivellement. Parfois. Souffrance de femme. elle. trouver une cause serait tentant. il permet à notre jeune femme de dépasser sinon d’oublier cette désorganisation de sa chronobiologie. La prise en charge est la même en cas de ménopause précoce induite par chirurgie. Mais n’est-ce pas plutôt une défense qu’une protection. c’est aussi lui rendre sa relation au temps. Trop de doutes nous conduit en terrain miné où la femme ne nous suivra pas. qui préserve sans doute plus le médecin que le malade. c’est la culpabilité qui l’emporte. c’est lui rendre son image et. le traitement hormonal ne se discute pas. une défense contre ces sentiments d’impuissance et même de culpabilité que nous inspire l’échec. une perte de chances. alors qu’il nous faudrait la suivre. évitons qu’elle évoque celle de sa mère ménopausée. on lui a volé des années. si la ménopause n’est pas une maladie. il nous faut une certaine dose de ce pouvoir que confère le savoir. Pour la femme de 40 ans qui la subit. Indispensable pour préserver son état de santé physique. ces 10 ans d’avance sont 10 ans de perdus. radio- . celui des autres et le sien. avec elle. la ménopause précoce en est une. biologique et psychologique. difficile parce que cet aveu risque de nous rendre impuissant. Protéger contre la vérité a longtemps été une attitude médicale. La faute serait-elle plus supportable que la fatalité ? Les explications qui nous paraissent évidentes ne sont pas toujours crédibles pour une patiente avide de certitudes ancrées dans une logique souvent loin de la nôtre. Cette adaptabilité aux situations nouvelles. Cela leur donne beaucoup de satisfactions. aussi bien aux changements physiques que psychologiques. cette curiosité. bien entendu. gratifiées. Trop de frustrations conduit certaines patientes à des compensations de type psychosomatique. induite ou précoce. Beaucoup de femmes découvrent ou redécouvrent alors leur créativité dans l’écriture. Leur temps est occupé par des consultations répétées chez tous les spécialistes. Les patientes déjà méfiantes à l’égard des hormones le sont devenues à l’égard de ceux qui les leur avaient prescrites. de remise en question. Nous. de l’étiologie et du pronostic vital. Pour Freud. Beaucoup. la peinture ou l’artisanat. Les statistiques anglosaxonnes (WHI. Elles s’accompagnent d’une formidable poussée libidinale. découvrent le bonheur d’être grands-mères. gynécologues qui les accompagnons dans ce cheminement. la jeunesse enfuie. pas encore la vieillesse mais forcément moins beau. Il faut en moyenne 2 ans pour s’adapter aux nouvelles donnes physiques et psychologiques et pour trouver un nouveau souffle. l’Éros qui s’oppose à Thanatos. . et un après. le désir de mourir. mais aussi l’appétit de vivre. D’autres s’investissent dans des associations caritatives. Ménopause et psyché Que la ménopause soit naturelle. MWS. est une des grandes qualités féminines. la ménopause comme la puberté sont une reviviscence de la sexualité infantile à la période œdipienne.Ménopause 101 ou chimiothérapie. cette inventivité. La libido n’est pas seulement le désir sexuel. cette joie de vivre. elle entraîne dans la majorité des cas un état de crise. de recherche d’équilibre entre un avant. ne pouvons que nous émerveiller de cette intensité du désir. des bénévolats où elles sont utiles. 2002 . C’est un passage obligé vers l’inconnu. 2003) ont alarmé médecins et patientes. Traitements La polémique autour des risques du traitement hormonal de la ménopause a-t-elle modifié la prise en charge thérapeutique et notre relation avec nos patientes ? Oui et non. enfin. en tenant compte. 1111-2. L. . de décodage. Code de Santé Publique art. Consentement du patient Loi du 4 mars 2002. d’explication des lois et des recommandations des Agences françaises et européennes. 11. Code de Santé Publique. 2003). 5 mars 2002. plus d’écoute. art. mais en les aidant à découvrir pourquoi. plus d’échanges. et cela bien avant les obligations légales (loi de mars 2002) sur le consentement éclairé. 36. art. modifié par l’art. art. 16-3 29 juillet 1994.102 Les âges de la vie Certains médecins ont refusé de prescrire ou de renouveler le traitement hormonal de la ménopause. il nous semble important de faciliter son utilisation en tenant compte du mode de vie et des préférences de notre patiente. chaque consultation a exigé un temps d’éclaircissement. Journal Officiel. nous respectons leur désir. L. plus rassurantes quant au rapport bénéfices/ risques. c’est bien là une des spécificités de l’approche psychosomatique. la prescription d’une pilule avec de l’estradiol 17β. 70 de la loi 99-641 du 27 juillet 1998. présentée comme sa « pilule » dans une plaquette. Pour retrouver un climat de confiance. même après les études françaises récentes (Clavel . Pour en savoir plus Information du patient Code civil. Scarabin. 4 mars 2002. Loi 2002-303. La compliance. Plus de temps. 9 et 11. la confiance sont à ce prix. Nous leur conseillerons ensuite la voie percutanée. plus de pédagogie. Quant à celles qui tiennent à leurs règles. Code de déontologie art. Nous nous rendons disponibles au téléphone pour rééquilibrer le traitement à la demande devant chaque symptôme gênant. Quel que soit le traitement que nous proposons. est mieux acceptée au tout début du traitement hormonal. plus soucieux de se protéger de poursuites juridiques que du bien-être de leurs patientes. Pour quelques femmes qui ont toujours utilisé la contraception orale. Lancet.. – Un temps pour les femmes. – La Ménopause. – La Dette de vie. MIMOUN S. BELLOT-FOURCADE P. et al. et CHABY L. n° 4 : 133-136. (2003). Itinéraire psychanalytique de la maternité. Denoël. « Petite Bibliothèque Payot ». et CLAVEL-CHAPELON F. (1982). FOURNIER A. – « Étude ESTER ». – « Aspects psychosomatiques de la ménopause ». LAPLANCHE J. « Million Woman Study » (MWS). JAMA. Odile Jacob. PONTALIS J. HILL C. LACHOWSKY M. Gallimard. – « Étude E3N ». – Le Théâtre du Je. (1996). Paris. et al. Paris. Paris. Encycl Méd Chir (Elsevier. Érès. « L’Espace Analytique ». Lancet. – L’Impensable désir. (1998). n° 288 : 321-333. son malade et la maladie. X. LACHOWSKY M. – Le Refus du féminin.-C. D ELANOË D. – Le Médecin. – Le Théâtre du corps. – « Principal results from the WHI Randomized Controled Trial ». BYDLOWSKI M. Paris). Writing group for the Women’s Health Initiative investigators (2002). Paris. Payot. (dir.. SCARABIN P. (2003). Paris.. B RÉART G. Bull Cancer. Gallimard. 428-432. Ramonville-Saint-Agnes. 362 : 419-27. 38-A-05. LAZNIK M. Reproduction Humaine et Hormones. n° 90 (10) : 821-831. PUF. H ASSOUN D. (2005).-B. – « Avoir 50 ans en l’an 2000 ». n° 362. PUF. – Femmes. MCDOUGALL J. médecins et ménopauses. RINGA V. Paris. Paris. PUF. (1989). (1980). Regards croisés entre gynécologues et psychanalystes. (2005).. et. 2003 . SCHAEFFER J. – Vocabulaire de la psychanalyse. (1978). et WINAVER D. coll. (1997). Gynécologie.-Y. Paris.) (2004). Paris. Masson. (2003). (2003). vol.Ménopause 103 BALINT M. . p. coll. A TTALI C. MCDOUGALL J.. elle tourne autour de 80 ans pour les deux sexes. Chez la gynécologue aussi. psychiquement et socialement. mais elle peut faire peur : peur de la maladie. Aujourd’hui. LACHOWSKY. avec lui. Cette tranche d’âge est en pleine mutation. l’espérance de vie de son époque n’était pas comparable à la nôtre. WINAVER Comment nommer cette période de vie ? Le mot « vieillesse » est devenu indécent. les désirs et les angoisses de fertilité et d’infertilité souvent remplacés par le désir d’avoir des petits-enfants. se sent diminuée physiquement. Le pouvoir de fécondité disparu et.5 Le grand âge ou la consultation de la femme âgée M. plus près de 90 pour les femmes. D. Alexandre Dumas estimait entrer dans « l’adolescence de la vieillesse » . même si l’on n’adhère pas totalement à la formule de Simone de Beauvoir. femmes elles sont et femmes elles resteront : l’âge pas plus que la disparition des menstruations ne font changer de genre ni de sexe. pourtant. Le « troisième âge » sonne sans doute mieux et le « quatrième » encore mieux que le grand âge. on le devient » . La longévité lui semble acquise. Il est vrai qu’à la soixantaine. La personne âgée. même si notre société refuse de voir ces problèmes en promettant une qualité de vie inaltérable. « on ne naît pas femme. pourquoi faudrait-il une médecine spéciale telle que la gynécologie ? Tout simplement parce que. les choses ont changé par rapport aux temps pas si lointains où peu de femmes concevaient le bien-fondé de consultations au-delà de cette période des maternités que la médecine continue à appeler la période de vie génitale active. de la solitude. . consciente de sa fragilité. une boule dans un sein. Elles s’étonnent naïvement qu’il puisse leur arriver des ennuis gynécologiques. qui vient nous consulter ? Nous avons deux groupes de patientes très différents. On sera attentif à la mobilité souvent réduite de leurs articulations. un inconfort vulvaire devenu intolérable. Quant aux autres pathologies gynécologiques. prélude à la vieillesse. Plus encore que les pathologies gynécologiques.106 Les âges de la vie La place des femmes dans la société et le mode de vie ont évolué. la mobilité occupent le champ de la consultation. notamment des . mais la ménopause est toujours vécue comme marqueur de l’entrée dans un autre âge. androgènes) dominant le tableau. des écoulements. les troubles circulatoires. L’incidence du cancer du sein croît avec l’âge. elles qui n’ont plus ni règles ni rapports sexuels depuis longtemps. imposant la recherche d’un cancer vulvaire. Alors. Elles n’ont pas consulté depuis leur dernière grossesse. elles sont dominées par le prolapsus avec ou sans incontinence urinaire. s’il n’a pas été dépisté auparavant. ne sera pas moins sévère avec l’âge. Le cancer utérin et le cancer ovarien peuvent se déclarer très tard. les affections liées à l’atrophie par carence prolongée en hormones sexuelles (estrogènes. ce sont les troubles liés à l’âge qui deviennent préoccupants. notamment le prurit. l’audition. Les infections génitales sont moins fréquentes à cette période. Il nous faut reconnaître leur gêne. un corps vieilli dont elles ont honte. Les patientes qui ne consultent pas spontanément Ces patientes sont poussées par une urgence gynécologique : des hémorragies. L’examen est une épreuve. Un coussin sous la nuque est souvent nécessaire. Le cancer du col. mais aussi gênées de devoir se déshabiller devant nous. leur pudeur à montrer un corps qu’elles ont désinvesti. Elles sont non seulement inquiètes. On les aide souvent à s’installer et à descendre de la table gynécologique . il faut prendre du temps. Les pathologies vulvaires offrent des symptômes peu spécifiques. la vue. Les rhumatismes et leurs douleurs. Quant aux pathologies carcinologiques de la femme âgée sont peu différentes des pathologies de la décennie postménopausique. Cette femme âgée est-elle autonome. Ces femmes nous connaissent depuis longtemps. traitements médicaux et chirurgicaux –. car l’incontinence anale est encore plus difficile à « avouer ». Elles voudraient bien même nous montrer leur petite-fille dès ses . On les reverra après un traitement local (ovules et/ou crème). Certes une rééducation existe aussi à ce niveau. en effet. certaines confidences. n’hésitera-t-elle pas à peser sur son entourage ? Ce souci de prise en charge globale va au-delà de la rédaction d’une ordonnance . le prescripteur doit prendre en considération cette autre forme de balance bénéfices/ risques : la faisabilité liée à l’âge. ces « descentes d’organes » qui autrefois aboutissaient à la « totale » bien avant le grand âge. elles se soumettent aux dépistages. mais aussi la crainte d’être déjà trop âgées pour la subir les ont rendues réticentes. mais elle est plus pénible psychologiquement et physiquement. de la prise en charge des douleurs de l’accouchement. il est même parfois au premier plan dans ces consultations de gynécologie gériatrique. et de moindre efficacité. se déplace-t-elle seule. le suivi gynécologique va de soi. sauf urgence. le médecin est plus démuni devant les troubles du sphincter anal. Elles ont peur d’avoir mal lors de l’exploration vaginale. « la gynéco » fait partie du paysage depuis leur puberté ou leur première pilule. Chez celles-ci. même pour y chercher remède. nos patientes en parlent un peu plus aisément. La peur d’une intervention chirurgicale. des troubles liés à l’âge : fuites urinaires et prolapsus. devant certains comportements. si les troubles urogénitaux bénéficient de choix thérapeutiques bien codifiés et de plus en plus efficaces – rééducation périnéale. Elles trouvent normal de médicaliser toutes les étapes de leur vie de femme.Le grand âge ou la consultation de la femme âgée 107 hanches. De nos jours. Même si la prescription est utile. Elles ont bénéficié de la contraception. du traitement hormonal de la ménopause. Un aspect trop atrophique de la région vulvovaginale nous incite à surseoir à l’examen. de traitements d’infertilité. Les patientes qui consultent spontanément Pour le second groupe de patientes. Certaines patientes sont amenées par leurs filles. mais il nous faut aussi savoir poser des questions indiscrètes pour obtenir des réponses discrètes. Elles ont deviné chez leur mère. Il est vrai que. certaines n’hésitent pas à demander : « Prenez-vous un traitement hormonal. d’ailleurs. la perte de séduction sont compensés par une valorisation de la descendance : le nombre et la réussite des enfants. de la DHEA. image d’Épinal du « bon vieux temps ». au moins jusqu’à la prochaine fois. des vitamines. elles ont peur de mal faire et parfois même se culpabilisent. le sentiment d’inutilité. de la mort. Une satisfaction narcissique . mais sachons y reconnaître un besoin d’identification. Elles croient tellement à la prévention que. les empêcher de vieillir. Elles craignent d’importuner leur accoucheur avec « leurs petits ennuis ». Heureusement. à l’affût de tout ce qui peut les maintenir en bon état et. Certaines nous disent ne pas s’y retrouver entre les troubles de l’âge et de la maladie. elles reviennent se confier dès la ménopause. le regard des autres glisse sur elles. Les demandes Les patientes sont au courant des nouvelles thérapeutiques. elles se sentent transparentes. Notre société n’aime pas les vieux : ils lui renvoient l’image des incapacités à venir et. de la beauté et même de la santé. pourquoi pas. des nouvelles techniques. La fidélité n’est-elle pas. Aux femmes gynécologues. une preuve de confiance et un don d’amitié. des oligoéléments ? Quelle est la meilleure crème pour la peau ? » Cette familiarité peut nous sembler intrusive. elles ont moins confiance en elles. pour certaines. l’examen est un vaccin magique qui les met à l’abri pour longtemps. des petits-enfants. des médicaments miracles. La réelle diminution de leurs capacités physiques les rend plus timides . pour beaucoup. Nous les avons connues dans l’arrogance de la jeunesse. au bout. sereine et bienveillante.108 Les âges de la vie premières règles. Le rejet social est une réalité même si les médias cultivent cette tranche d’âge qui a des loisirs et souvent plus d’argent que ses enfants. Ne vieillissons-nous pas ensemble ? Elles se montrent le plus souvent dans leur intime vérité. une des spécificités de la relation patiente-gynécologue ? Même si certaines sont perdues de vue le temps des grossesses. Maintenant. Elles ne se sentent plus à l’aise dans une salle d’attente où prédominent les ventres ronds. car l’âge est loin d’être toujours cette période apaisée. de la mélatonine. mais si un problème urgent les y contraint. Les choses de la vie Pour toutes nos patientes âgées. les classiques examens complémentaires. « Docteur. contribuant à fragiliser la zone vulvovaginale. le rejet social et familial peut engendrer des attitudes revendicatrices. agressives. Ce rejet peut également provoquer des dépressions graves avec repliement sur soi. asociabilité allant parfois jusqu’au suicide. échographies et mammographies. il remplace les verbes « faire » et « être ». 1979/2001). ». pour qui des précautions particulières et surtout l’utilisation d’un spéculum de vierge paraissent en effet souhaitables. il nous faut dépister leur misère psychologique. Cela n’aboutit pas toujours à une prise en charge psychologique. mais parfois à un début d’ouverture et de désir de réhabilitation personnelle. s’ajoutent des troubles de la vascularisation. Attitudes revendicatrices À l’inverse. Ces consultations sont longues . j’ai mon frère. Les femmes âgées deviennent alors ces vieilles sorcières dont on se moque parce qu’elles font peur. j’ai l’impression d’être redevenue jeune fille ». pâle et saignotant parfois au moindre essai de toucher vaginal. beaucoup de choses de la vie vont être évoquées au passé. Elles viennent rarement en consultation. j’ai ma maman. Ce verbe « avoir » souligne les possessions du cœur . un peu comme à la puberté mais pour d’autres raisons. plus fréquent dans la tranche 7074 ans (Inserm.Le grand âge ou la consultation de la femme âgée 109 en remplace une autre. dira cette charmante dame. au présent et au conditionnel plus qu’au futur dans ces consultations. vont compléter les données de l’examen clinique. L’examen est alors appréhendé. À une sécheresse de la peau et surtout des muqueuses. « J’ai mon papa. frottis. Les femmes âgées font souvent comme les petits comptabilisant leurs richesses. . paranoïaques. veuve et sans vie sexuelle. etc. j’ai ma tante. vous résiste et vous prouve ainsi la réalité : trop tard ! La vie sexuelle Les femmes dont la vie sexuelle s’est poursuivie ont plus de chances si leur partenaire est suffisamment averti et attentionné pour accepter les modifications de rythme et de qualité des rapports. selon Vladimir Jankélévitch.) De nos jours. Certaines nous demandent conseil. mentalement et socialement. qui découle en fait du précédent : elle a rencontré un homme qui la désire. celle où. Il peut être fort bénéfique pour le couple de s’entendre préciser les changements possibles. le corps. c’est la capacité prolongée d’un individu de faire face à son environnement physiquement. il est toujours naissant » pour Pascal » . « La sexualité est la lecture toujours nouvelle d’un texte déjà lu ou mille fois relu ». s’interrogent sur leur normalité. Mais il est vrai que les femmes âgées sont souvent seules.110 Les âges de la vie Il arrive aussi que cette même dame revienne nous consulter pour nous exposer un nouveau problème. les mots ont leur poids spécifique. dans la tendresse et ne recherchent plus d’autres satisfactions. interdit de séjour. formulation moins crue pour les autres : là encore. ce n’est pas à nous d’évoquer une sexualité coïtale qui ne leur manque en rien. la peur d’être déchirée : et si c’était vraiment impossible ? C’est la sanction de la vieillesse. Explications techniques pour les uns. et les adaptations qu’ils impliquent lors des différentes phases du rapport sexuel. modifications qui l’affectent lui aussi si leurs âges sont voisins. ce que Willy Pasini (2003) nomme fort justement le renforcement culturel de la demande sexologique. La santé sexuelle fait partie de ce tout qu’est la santé . comment lui faire bon accueil ? Il y a la peur d’être devenue « impénétrable ». ces mots qui manquent parfois à nos patientes pour parler de sexe et pour parler d’amour. hommes et femmes recherchent une vie sexuelle satisfaisante à tout âge. selon Canguilhem (1999). La masturbation y est aujourd’hui plus facilement évoquée par ces femmes qui avaient entre 30 et 40 ans en 1968. émotionnellement. sur les risques éventuels des objets . Mais si certains couples vivent dans la fusion. (« L’amour n’a point d’âge. malgré des cadeaux inattendus de la vie. et cette solitude fait partie des causes de consultation. Il apprend à s’adapter aux pathologies de . et pourquoi pas d’apprivoiser la mort… Ces exigences nouvelles impliquent le gynécologue. Il est vrai que ces maux de l’âge tout comme les soucis de santé ont une fonction de lien dans ce couple où les soucis d’éducation des enfants ou les problèmes professionnels n’assurent plus les sujets de conversation. mais sans sortir de son rôle de thérapeute. s’enrichit de la diversité des expériences et s’émerveille du pouvoir de la vie. qu’elles ont ainsi le sentiment d’être toujours à leur place. il découvre sa vision personnelle du vieillissement. Avec tact dans la rigueur. la petite maison où l’on se pressait aux week-ends est bien loin des commerces et des médecins. Qualité de vie et place du gynécologue La qualité de vie de la femme âgée dépend bien entendu aussi de questions matérielles. Quels que soient son âge et son sexe. les marches des escaliers sont bien hautes et l’absence de rampe les rend dangereux. les éclairages deviennent insuffisants. Même si couple il y a. de ne rien abdiquer de leur féminité. Pourquoi alors choisir de s’en remettre au gynécologue ? Peut-être parce que cette médecine de la vie les a accompagnées à travers tous les grands événements de leur temps de femme. et souvent au gynécologue. au risque de se retrouver à la merci de professionnels indifférents ou de peser sur le quotidien des leurs. où la crainte non seulement de la mort mais aussi de ses conditions est sans cesse sous-jacente. chaque médecin selon sa propre personnalité ouvrira à sa patiente cet espace d’écoute et de paroles partagées qu’elle recherche dans ces consultations. notamment leurs enfants et l’équilibre de leurs foyers. et un rétrécissement du mode de vie engendré par une nette diminution des revenus est parfois à l’origine de troubles psychosomatiques : au médecin. pudeur dans l’indiscrétion et distance dans l’empathie. elles nous parlent aussi de leur peur de perdre indépendance et autonomie. de les décoder à travers les dits et les non-dits de sa patiente et souvent de son entourage. La bonne distance reste toujours à maintenir sinon à trouver.Le grand âge ou la consultation de la femme âgée 111 sexuels de plus en plus banalisés. tout n’est pas toujours facile non plus : la retraite tant attendue n’est pas aussi paradisiaque que prévu. Dans ces consultations. LACHOWSKY M. Australia. LACHOWSKY M. des activités valorisantes. CANGUILHEM G. (1999). CHATELET N. Paris. DELANOË D. Flammarion. (2000). (1999). LACHOWSKY M. « Quadrige ». – « La Relation médecin-malade. in WREN B. (dir. étude et approche… ». Nous ne pouvons pas empêcher nos patientes de vieillir. Odile Jacob. (1997). in MIMOUN S.). « Une autre allure de vie ». rééd. 2002-2003. Masson. LOPES P. Traité de gynécologie obstétrique psychosomatique. – Les nouveaux comportements amoureux. Paris. Stock. Pour en savoir plus ATTALI C.112 Les âges de la vie la longévité. – « The Consequences of longevity ». Paris.. p. Études et résultats. Sidney. (ed. médecins et ménopauses. (2003). – « Effectifs de décès par suicide de 1979 à 2001 ».. Progress in the management of the menopause. Paris. PASINI W. 350-354. PUF.. Paris.G. INSERM (2001). selon la formule de Canguilhem. aux demandes de bien-être qu’elle entraîne . HASSOUN D. il soigne et il accompagne. – Le Normal et le pathologique. 68-71. (1997). à trouver ou à retrouver des centres d’intérêt. 109. coll. et al. . BRÉART G. à aménager les pertes inéluctables. – La Femme coquelicot.). – Femmes. p. Parthenon Publishing. Paris. Proceedings of the 8th International congress on the Menopause. Nous pouvons peut-être les aider à s’accepter. Berger-Levrault ... Ne dit-on pas qu’elle est cyclique avec parfois une pointe de moquerie ? Ce sang caché dans la plus profonde intimité est en même temps régi par des lois sociales universelles. à l’inverse. Recommencement incessant.6 Les menstruations H. JACQUEMIN Ce chapitre consacré aux menstruations peut sembler loin des préoccupations des consultations de gynécologie. religieuses. En fonction de leurs origines géographiques. ou sociales. Si le médecin n’a pas la connaissance de ces différences. chez l’homme. Les femmes dites modernes en sont-elles libérées ? Elles ont évolué. Il est cependant bien utile de prendre en compte. leurs croyances. leurs pensées. mais le signifiant féminin que représente les règles a-t-il toujours la même importance ? . ce rythme . le contexte dans lequel elles vivent. l’absence de séquençage donne une dimension plus linéaire du temps qui s’écoule. sensation de flux et de reflux. il peut ne pas comprendre le questionnement des patientes. leurs convictions sont différentes. Introduction Le passage de l’enfance vers le monde adulte pour le sexe féminin est marqué par l’arrivée des menstruations. La période de fécondité de la femme est rythmée par les saignements qui surviennent à intervalles plus ou moins réguliers. au cours des entretiens avec les patientes. leurs attitudes. périodes fécondes et stériles alternent chez la femme. La notion du temps chez la femme est influencée par cette répétition. l’avènement de la contraception ont fait évoluer les mentalités. dem (sang). nombre de femmes n’attribuent plus la même importance à la présence ou à l’absence de saignement mensuel. ses affaires. La plupart des expressions se réfèrent à deux thèmes principaux : le corps et la temporalité. indisposition. avoir compagnie. – perdre . avoir des copains. en allemand. et beaucoup de femmes tolèrent ou même apprécient l’absence de saignement lors de traitements contraceptif ou de substitution à la ménopause . Xue (mois)-Jing (traverser) . sauf si une pathologie est suspectée. avoir une lettre. Comment désigne-t-on les règles ? Comment les femmes parlent-elles des règles ? Les différents termes utilisés Le langage commun ou populaire français dispose d’expressions nombreuses et variées : – règles. avoir ses choses. s’en aller.116 Au fil des consultations Le sang féminin est demeuré longtemps un symbole d’impureté. marzor qui signifie rituel. . Depuis deux à trois décennies. on trouve : en anglais. où l’on retrouve la notion de règle (Le Marzor est le livre de prières et vient du verbe azora : revenir) . en chinois. mettre ses mocassins (dans le nord de la France). cycle. Ce sang est devenu plus un marqueur de bonne santé qu’un marqueur du féminin. les Anglais débarquent. surtout. la couronne de roses. – voir. menstruations . die Tagen (les jours) . Le sang tient une place considérable dans les mythologies et les croyances des cultures « traditionnelles ». il s’agit d’une mini-révolution dans la perception du corps féminin. être fatiguée. à l’inverse du sang dans le domaine sacré qui est valorisé. Les questions qui se posent peuvent être : peut-on être une femme sans avoir de règles ? Le sang serait-il le marqueur du féminin ? L’évolution de la place de la femme dans nos sociétés occidentales et. époques . Dans les autres langues. en arabe. en hébreu. les mauvais jours. les fleurs. périodes. j’ai mes isabelles. – voir. à la durée et à la répétition de l’événement : – le mot « menstruation » est dérivé de mens. les ragnagnas. Or. j’ai les cardinales. écraser la tomate. j’ai mes parents de Montrouge. je repeins ma grille en rouge. j’ai ma lettre mensuelle. – « périodes » vient du grec periodos. cuisiner ses rougets. Par ailleurs. traverser la mer Rouge. etc. mois en latin . la présence des règles . Imaginaire et fantasme Beaucoup d’expressions procèdent de l’imaginaire et du fantasme. Citons : avoir ses lunes. la loi . en l’absence de tout autre précision. on peut se demander comment les amblyopes vivent leurs règles et par quel mot elles remplacent le verbe « voir ». L’indisposition désigne une « légère altération de la santé » qui peut accompagner bien entendu la survenue des règles. voir ne s’accompagne pas de la désignation de ce qui est vu. Il s’agit d’une expression assez commune . la règle renvoie à l’ordre. comme « les Anglais débarquent » . qui désigne le circuit. Temporalité Les expressions utilisées se réfèrent au temps. la durée que parcourt un astre pour accomplir sa révolution .Les menstruations 117 Corps Certaines expressions expriment le corps par voie métaphorique ou métonymique. fébrile. manger de l’onglet. le pluriel ajoute au sens précédent celui de multiplicité et de répétition. avoir les peintres. Par exemple : – être indisposée. je . relire Poil de carotte. – cycle : l’idée est similaireà celle de périodes . À ce propos. le terme « indisposition » spécifie. avoir ses Mickeys. Le verbe « voir » est à lui seul à même de désigner la chose qui n’est pas nommée. avoir ses ours. – au singulier. toucher sa paye en rubis. mais qui peut tout aussi bien désigner une symptomatologie autre : digestive. virale. mais aussi l’ennemi tout simplement. probablement est-ce la couleur rouge des uniformes anglais lors des guerres napoléoniennes qui est sous-entendue. l’imaginaire populaire est très riche. et aboutissent à des métaphores. La sexualité humaine est caractérisée par sa permanence dans le temps. pur. le feu rouge.118 Au fil des consultations porte le drapeau du chef de gare. Les femmes du XXIe siècle sont encore gênées de parler de leurs règles en société. Elles n’en parlent en général qu’entre femmes et à mots couverts. Beaucoup de nos croyances et de nos préjugés découlent des interdits qui sont encore appliqués chez les pratiquants très stricts. La sexualité comme la mort sont si mystérieuses pour l’être humain que toutes deux sont régies par des lois très strictes qui délimitent ce qui est permis. interdit. La femme est la seule primate à se montrer active sexuellement de façon permanente . sacré ou profane pour tout ce qui les entoure. avoir ses roucasses. Les trois religions monothéistes ont une histoire commune rapportée dans la Bible. ainsi. ni perpétuation de la vie humaine en l’absence de sexualité. elle ne dépend pas de l’estrus par exemple pour vivre sa sexualité. des interdits et de leur signification nous permet de mieux comprendre les différents modes de vie. les garibaldiens. avoir le roi rouge. avoir son coulis. et surtout afin qu’elle ne soit pas dangereuse pour le groupe social. La sexualité est aussi soumise aux lois qui régissent le cycle de la femme. Un certain nombre de principes lient le sang et la nourriture. métaphores de la vie puisqu’il n’y a pas de vie humaine sans alimentation. . L’interdit est une manifestation collective à laquelle une personne adhère pour rendre concrète son appartenance à un groupe. le sang et le sexe. impur. les sociétés humaines ont édicté des lois à propos de la menstruation des femmes . Le sang des femmes et les religions monothéistes De tout temps. La connaissance des textes. les sociétés ont toujours eu le souci d’endiguer la sexualité avec des limites bien précises pour maîtriser les débordements presque telluriques qu’elle représente. l’interdit du coït pendant les règles est quasi universel. Par ailleurs. Il y a beaucoup d’analogies entre les interdits qui régissent les menstruations et la sexualité. puisque les rapports reprennent pendant la période périovulatoire. les rapports ne sont permis qu’après le bain rituel qui clôt la période des sept jours de purification. L’union de l’homme et de la femme rétablit l’unité divine . la notion d’impureté est reliée à la mort (la vie voulue par Dieu est sacrée. Certains rabbins ont justifié l’existence des règles par la malédiction d’Ève. à terme. la fin des règles étant confirmée par une analyse minutieuse des sécrétions génitales. Cette alternance d’impureté puis de pureté retrouvée grâce au rituel de purification rythme la vie sexuelle des couples. . La séparation des jeunes époux après la défloration répond aux mêmes exigences d’une sexualité « disciplinée ». Suspendus par l’apparition des règles. c’est aussi. donner la mort. L’abstinence totale est condamnée comme une faute grave. même si c’est la période ovulatoire. si on examine la femme en période d’ovulation (par exemple pour faire un test de Hühner). La même notion d’impureté féminine après l’accouchement rappelle que donner la vie sur Terre. En pratique. En effet. de ne pas la faire saigner. au cours d’une consultation pour infécondité. L’aménorrhée de la grossesse suspend la loi de Nidda qui réapparaîtra après la naissance. le retour des règles d’une femme mariée signifie l’absence de fécondation. le sang menstruel qui sort du corps féminin est impur car évocateur de mort . si elle et son conjoint suivent strictement les lois de Nidda. dans la Bible hébraïque. coupable de la chute d’Adam et de sa mort. la réussite du couple porte la marque du sacré. la mort est impure). il est très important. elle sera considérée impure du fait de ce saignement. calquée sur le cycle de la fertilité féminine.Les menstruations 119 Religion juive La loi de Nidda réglemente la sexualité du couple marié. En effet. Pour les juifs. et les rapports seront impossibles tant qu’elle n’aura pas à nouveau fait les bains de purification. faire l’amour à condition de respecter les interdits n’est pas un péché. C’est par l’attention portée à l’observance de ces lois d’essence divine que la vie quotidienne et intime des croyants pratiquants s’inscrit dans une optique de sanctification les rapprochant de Dieu. Par analogie avec le sang versé par blessure. le christianisme a abandonné la circoncision et les lois d’impureté. Elle n’assistait pas au baptême de son enfant et ne reprenait sa place dans la communauté religieuse qu’après un délai d’environ 40 jours. évasives et peu explicites. gréco-romain. l’autre à l’impureté majeure qui résulte de l’émission de sperme. de lire et de toucher les livres saints. cependant. dans le Nouveau Testament. répondent l’une à l’impureté mineure qui accompagne toute excrétion urinaire ou intestinale. En d’autres termes. c’est avant tout le sang du sacrifice du Christ répandu pour le rachat de l’humanité. Il existe une définition détaillée des deux sources d’impureté spécifiques aux femmes que sont les menstrues et les lochies. Les allusions au sang des femmes y sont rares. Cependant. Rendue impure par le flux de sang qui sort de son vagin. la femme menstruée ou accouchée ne peut plus avoir de contact avec le sacré. Le coït est interdit pendant les règles et les 40 jours qui suivent l’accouchement . On ne trouve pas mention. Deux formes de purification. par ses diverses fonctions physiologiques d’excrétions. à jamais. des menstrues et des lochies. dans la pratique chrétienne. les attouchements au-dessus du nombril et en dessous des genoux n’ont pas d’effet contaminant. .120 Au fil des consultations Religion chrétienne En s’étendant au monde païen. la vie terrestre. faisant disparaître de la doctrine le sang génital des hommes et des femmes. Il lui est interdit de pénétrer dans la mosquée (sauf urgence vitale). est source d’impureté. tout ce qui sort du corps est impur et transmet la souillure. Le sang. la jeune mère était traditionnellement tenue de rester à l’intérieur de la maison après l’accouchement. à l’occasion de la messe des relevailles où elle recevait la bénédiction du prêtre. mineure et majeure. homme ou femme. de réciter des prières. de rituel de purification après la naissance. incompatible avec l’exercice du sacré que sont les obligations cultuelles (prières et jeûnes rituels notamment). Religion musulmane Pour le croyant. Mais la souillure n’est pas définitive et la pureté originelle se reconquiert grâce aux rites de purification qui rythment la vie religieuse du croyant dans sa recherche de Dieu. Les deux premières religions édictent un code de bonne conduite au service des desseins de Dieu . sa mortification ou la négation de sa génitalité. elles refusent également de boire l’eau nécessaire avant une échographie pelvienne puisque cela leur fait rompre le jeûne.Les menstruations 121 Les femmes musulmanes qui sont réglées pendant la durée du ramadan ne peuvent suivre le jeûne. Témoignant du fonctionnement physiologique du corps sexué. Ambivalence par rapport aux règles et notion de tabou Notre attitude face au sang et particulièrement face au sang des règles est toujours ambivalente. même si la notion d’impureté demeure implicitement. les règles et ce qui s’y apparente sont presque occultés dans la doctrine chrétienne au profit du sang non génital. l’intérêt porté au corps par le biais des rituels de purification permet de se rapprocher de Dieu . symbole de la maturité génitale. En effet. Ce déplacement est à la mesure de la dichotomie qui. le sang porte en lui-même . c’est beaucoup plus difficile. Les femmes qui partent en pèlerinage à La Mecque ne veulent pas du tout saigner . elles refusent d’être examinées si cela n’est pas absolument nécessaire . a prôné pour les chrétiens : l’élévation de l’âme au détriment du corps. pour les chrétiennes. Les textes permettent de distinguer d’une part les religions juive et musulmane. jusqu’à très récemment. Mais lorsque tout le monde a repris une vie normale. les trois religions monothéistes ont « organisé » la vie sexuelle avec des différences. au discours beaucoup plus évasif. l’accès à Dieu est longtemps passé par le désintérêt du corps. Les femmes pour qui le pèlerinage est un rêve viennent en consultation avant de partir pour avoir les médicaments nécessaires pour éviter toute métrorragie. Pour juives et musulmanes. Pour les mêmes raisons. l’autre incite à oublier le sexe. sinon. et la religion chrétienne. en contrepartie de la sacralisation d’une chasteté entièrement offerte à Dieu. Elles doivent « rattraper » ces jours après la fin du ramadan si elles veulent jeûner autant de jours que les autres. qui parlent de façon concrète du sang génital des femmes. Autour des règles. elles n’auront pas accès au saint des saints. D’ailleurs. il est une chose et ce qui lui est diamétralement opposé. elles ont une pudeur à se faire examiner pendant leurs règles. il est utile ou nuisible. Cela a conduit toutes les sociétés à élaborer des lois strictes en ce qui concerne l’écoulement menstruel. le répandre est crime ou acte sacré. Le mot « tabou » a une double signification : sacré et impur. mais encore de nos jours. qui signifie « les règles » en polynésien. De même. à chaque instant. il peut tout à la fois souiller et purifier. Ambivalence face à la vue du sang des règles Le sang des règles doit toujours être caché. Les enfants roux porteraient ainsi au grand jour sur leurs cheveux le rouge du sang des règles pendant lesquelles ils auraient été conçus. Le sang est à la fois du domaine du masculin et du domaine du féminin. abondance. L’attitude ambivalente face au tabou se résume entre le désir d’enfreindre les prohibitions et la crainte de le faire. Ce sang qui est le signe le plus visible du sexe de la femme peut signifier.122 Au fil des consultations sa contradiction existentielle . Les menstruations sont particulièrement « taboues » dans presque toutes les civilisations. Elles nous disent . il existe un interdit des rapports sexuels pendant les menstruations. les enfants anormaux auraient été conçus pendant les règles de leur mère. Tous ces interdits ont fini par inhiber les femmes en ce qui concerne leurs règles. il peut être bon ou mauvais de le voir en rêve ou dans la réalité. Un être humain peut devenir tabou d’une façon permanente ou passagère parce qu’il se trouve dans une situation d’exciter les désirs défendus des autres. En consultation médicale. l’étymologie du mot « tabou » est tapoua. Traditionnellement. déroulement. qu’il s’exprime. La force magique attribuée au tabou se réduit au pouvoir qu’il possède d’induire l’homme en tentation. couleur. s’il est montré. L’association triomphante de la vie n’occulte jamais celle sous-jacente du sang de la mort. nous pouvons repérer que les femmes parlent avec beaucoup de détails de l’apparence des saignements : durée. comme si montrer ce saignement à l’autre était indécent. La prohibition du tabou n’a de signification qu’en fonction de l’ambivalence affective face au tabou. que le sexe caché vit. bien sûr. . L’ambivalence entre le beau sang rouge vif. Il est très rassurant pour elles d’entendre que le sang peu abondant est toujours sépia ou marron. ce qui provoque une augmentation du désir. Souvent s’exprime dans ces paroles la notion de saleté. c’est pas du beau sang rouge. il est marron ou noir ». de l’intérieur vers l’extérieur de la société. Tous les déchets issus des orifices sont marginaux . mais en même temps l’écoulement de sang sert de repoussoir face à l’homme excité. je n’aimerais pas être à votre place ! » Si on a pu envisager que la menstruation soit un signe de l’excitation sexuelle féminine. le sang des règles et. Les déchets corporels sont symboles de danger et de pouvoir. Ambivalence par rapport à la couleur du sang L’inquiétude par rapport à la couleur du sang est souvent exprimée en consultation : « Docteur.Les menstruations 123 alors : « Mais quel métier faites-vous. la femme sexuellement éveillée est considérée comme un danger pour les liens sociaux masculins. Un homme qui trouve désirable une femme qui a ses règles est une exception. les urines. C’est dans ces états de transition entre ce qui est pur (à l’intérieur du corps) et ce qui est impur (à l’extérieur) que réside le danger pour la bonne raison que toute transition est par définition entre un état et un autre et donc source de déséquilibre. La menstruation est un phénomène associé à une hyperhémie du petit bassin. tout ce qui est sorti du corps ne doit jamais y rentrer et doit être évité à tout prix. pour les morts. de ce fait. comme si nos patientes faisaient une analogie avec la couleur des selles. n’a pas de place devient alors souillure. tonique. Il s’agit bien là de l’ambivalence attraction/répulsion. s’exprime clairement dans le discours des femmes. et le sang foncé. c’est-à-dire tout ce qui passe de l’intérieur vers l’extérieur du corps ou. Ambivalence par rapport à l’intérieur et à l’extérieur Le sang qui passe de l’intérieur du corps à l’extérieur et qui. mystérieux. L’ensemble des civilisations ont des coutumes pour ce qui concerne les selles. les morts . Il reste toujours une gêne si la literie. pour autant. avec la contraception orale. Ce qui inquiète chez la femme et ce qui lui confère son pouvoir. à la promesse de fécondation. Le fait de ne pouvoir retenir le flux menstruel sera la cause de taches qui ont souvent la particularité d’être vues par les autres et non par son auteur. L’incoagulabilité du sang des règles nous ramène à la mort. Souvent. L’incoagulabilité du sang menstruel a certainement inquiété les anciens. et il constitue un danger pour autrui . meurtre et procréation. alors que cela est tout à fait improbable. Elles ont tout à fait raison de noter cette anomalie. . de se protéger d’éventuelles taches. d’où les lois et les contraintes imposés aux femmes pour que leur sang soit encadré et ne mette pas la société en danger. c’est la capacité d’avoir un écoulement de sang non contrôlé et. cela est à l’origine des lividités cadavériques sur les zones déclives. les femmes. Le sang élément vital réfère aux femmes. arrêt de vie et vitalité vont se rejoindre. Or. et cela à deux titres : il a franchi la ligne de ce qui est censé être correct. car le sang menstruel a comme particularité d’être incoagulable. de ne pas être atteinte de façon vitale . Il devient carrefour. Les femmes. tout saignement non maîtrisé entraîne inéluctablement le décès. Il existe. où mort et féminité. en dehors des règles. Ambivalence par rapport à l’aspect fluide ou non des règles Les femmes se plaignent souvent d’avoir des caillots dans leur flux menstruel . Quant aux amblyopes. la femme ne contient pas le sang menstruel et elle ne décède pas. à la fertilité. est tachée du sang des règles. un parallélisme en ce qui concerne les rituels qui entourent les menstruations et la mort. ont maintenant un contrôle sur les saignements et ne sont plus surprises par le désagrément de vêtements tachés. le sang des morts devient incoagulable dans les 24 heures qui suivent le décès . au lieu de dire simplement : « Ce sont mes règles » – ce qui semble évident – auront tendance à prétexter une autre cause de saignement – « Je me suis peut-être blessée » –. En effet. par exemple. elles comparent ces caillots à des « morceaux de foie ». la prise de pilule leur permet de prévoir les saignements et.124 Au fil des consultations L’auteur de la souillure fait l’objet de la réprobation générale. comme nous l’avons déjà écrit. ainsi. qui tourne. qui évoque la souillure. désinfecter. elles savent qu’elles peuvent ne pas saigner en prolongeant la prise de la pilule. . Or. à la limite de la perte de connaissance. mais notre société n’est pas toujours adaptée pour que le cycle féminin puisse bien se vivre. Elles aiment savoir que tout est en place dans leur corps. On peut se demander si la durée des saignements ne les protège pas d’une sexualité non désirée ou peu épanouissante. d’où cet acharnement à isoler. On peut rapprocher symboliquement cette tolérance et même ce plaisir de saigner ainsi que la fatigue que cela occasionne du syndrome de l’asthénie de Ferjol. que leur cycle est normal. comme si leur sexe intérieur avait disparu. qui concerne des femmes qui se font saigner volontairement et présentent donc une anémie importante. détruire. Ce sang menstruel qui fait peur. toutes celles qui tolèrent des règles si hémorragiques et longues peuvent développer une anémie importante. Les règles sont devenues un marqueur de bonne ou de mauvaise santé.Les menstruations 125 Existe aussi la notion que la mort comme le sang des menstrues peuvent contaminer les vivants . Les règles sont le seul signe extériorisé qui atteste de l’existence d’un cycle interne. purifier. Les femmes sont habituées au flux sanguin diminué lors de la prise de la pilule . mais de temps en temps l’inquiétude surgit : « Est-ce normal de ne plus rien avoir ? ». Elles veulent bien ne plus avoir de règles ou avoir peu de règles dans la mesure où cela n’est pas dangereux pour la santé. On connaît l’inquiétude des jeunes filles dans les collèges mixtes qui craignent que « cela se voit ». Certaines femmes ont un réel plaisir à avoir des règles longues et abondantes. ces malades aiment se sentir la tête vide. plutôt qu’un marqueur du féminin. avec une réalité d’un cycle féminin resté stérile sans vie ? Ambivalence des femmes en consultation Les femmes que nous recevons en consultation sont très ambivalentes. la saleté n’évoque-t-il pas la mort. Certaines femmes dont les règles occupent la moitié du cycle ont le sentiment que « cela fait du bien à l’organisme ». Dans ces cas extrêmes. Ils sont parfois plus longs que les règles. les traitements seront médicaux ou chirurgicaux. les cycles sont plus courts. le traitement est médical ou chirurgical. suivies de saignements parfois jusqu’aux règles suivantes. d’une adénomyose. En période d’ovulation. Métrorragies Ce sont des saignements qui surviennent en dehors de la période des règles. Suivant les étiologies. dans tous les cas. Il est nécessaire de faire un bilan complet du retentissement sur la santé (bilan d’une anémie) et un bilan étiologique. Il existe des traite- . souvent accompagnées de caillots. d’un myome sous-muqueux. L’attitude diagnostique et thérapeutique est la même que précédemment. mais il faut être vigilant et.126 Au fil des consultations Pathologies des règles Ménorragies Ce sont des règles abondantes voire très abondantes. même si le cycle menstruel est repéré. Les règles sont hémorragiques. ou d’une hyperplasie de la muqueuse. Dysménorrhée La dysménorrhée correspond à des douleurs au moment des règles. Des oublis de pilule occasionnent des métrorragies dites fonctionnelles. Les ménorragies sont souvent gênantes pour la vie quotidienne. Ces saignements sont soit spontanés soit provoqués par les rapports. un bilan étiologique s’impose. en fonction de l’étiologie. Ces saignements parfois hémorragiques respectent le rythme des cycles. on décrit des saignements de faible abondance qui sont mêlés à la glaire. Là encore. Ménométrorragies Il s’agit de saignements d’abondance variable où il est impossible de repérer le cycle menstruel. et dans certains cas. à la recherche d’un polype. C’est un des motifs d’absentéisme les plus fréquents tant au niveau scolaire que dans le monde du travail. Leur abondance est variable. 6e et 7e mois. a été érigée en panacée . le sang est blanchi et donne le lait qui sert à nourrir le nouveau-né. Un être humain capable de produire plusieurs jours par mois un tel poison était fondamentalement mauvais. Beaucoup de mythes populaires qui perdurent ont pris racine dans de soi-disant vérités scientifico-médicales. La régularité. la femme était supposée être immunisée contre son venin.Les menstruations 127 ments efficaces dont les femmes doivent pouvoir bénéficier : des antalgiques ou la prise de contraception orale. le sang menstruel sert à l’alimentation du fœtus pendant la grossesse. et c’est à partir de cette hypothèse que la saignée. l’abondance des règles permettraient de présager de la fécondité de la femme. pernicieux. ainsi. Pour Pline (23-79). Il a largement participé aux croyances populaires. Aménorrhée L’aménorrhée au cours de l’anorexie ou de la boulimie est traitée au chapitre 1. Discours médical et sang des règles au fil des âges Le discours médical a évolué au cours des siècles. 6e et 9e mois de la grossesse. on redoutait l’intoxication du sang qui devait nourrit l’embryon. conseillait aux femmes de se parer pendant leur période d’impureté pour que leurs maris ne se lassent pas d’elles. lui. diabolique. Puis. Le rôle supposé du sang des règles pour « nourrir » le fœtus est à l’origine de diverses pratiques contraceptives comme jeter ses règles au foin. après l’accouchement. le sang menstruel était venimeux. elles devaient être pratiquées soit aux 3e. qui représente un substitut des règles. les faire manger à un chien ou à un porc. d’où les saignées périodiques pendant la grossesse . Les règles étaient de plus considérées par les médecins hippocratiques comme un moyen de purification de l’organisme. cette pratique médicale a atteint son apogée aux XVIIe et XVIIIe siècles. Il faut attendre 1850 pour que l’on supprime les saignées chez la femme enceinte. Pour Hippocrate. Maïmonide (1135-1204). soit aux 4e. Au Moyen Âge. . et parfois les deux associés. Enfin. c’est le cas par exemple de ce que nous appelons le syndrome prémenstruel. avec leurs effets secondaires de gonflement. La médecine du XXIe siècle Nos théories dites modernes paraîtront probablement ridicules d’ici quelques siècles . car le sang toxique attiré vers la tête pouvait entraîner des troubles psychologiques de la plus grande gravité. etc. de ce fait. comme l’interdit de l’eau pendant les règles (cela arrête le flux menstruel et donc c’est dangereux). Ce mauvais sang par définition va ôter ce qui est mauvais là où on l’applique comme la vipère appliquée sur le venin le pompe et en débarrasse le malade. les règles pouvaient être très diminuées voire interrompues. Il est très intéressant de noter que les nouvelles théories (hormonales) n’effacent pas les anciennes dans la tradition populaire. Le discours médical se fonde sur l’origine hormonale des troubles périphériques du cycle et des troubles des règles. les mains ou la tête . de troubles de l’humeur. La physiologie des règles était expliquée par une congestion entraînant un excès de sang au niveau de l’utérus. Se laver la tête était certainement le plus dangereux. les secondes le transportant ailleurs.128 Au fil des consultations À la ménopause. Une femme réglée ne devait donc pas toucher l’eau froide par les pieds. pour lequel les traitements à base de progestérone ne donneraient pas de meilleurs résultats que les placebos. pour que le cycle soit . il y a tout le discours sur les notions de poids idéal. ce contact provoque une vasodilatation. attire localement le sang et. Tout phénomène modifiant la répartition du sang pouvait modifier ou interrompre le flux menstruel. les premières soustrayant du sang. l’arrêt des règles imposait l’usage des saignées de précaution par crainte que le mauvais sang intoxique la femme. Cette notion de congestion locale est à la base de toutes les thérapeutiques dites déplétives et révulsives. depuis la découverte dans les années 1930 des estrogènes. Parallèlement à ces troubles occasionnés par les hormones. le sang menstruel a été utilisé comme thérapeutique. leur équilibre habituel est perturbé. Il y a comme un conflit entre l’attitude consciente. Les médecins ne prennent pas toujours le temps d’expliquer le rôle de la pilule. Autrefois. Nombre de femmes encore disent sentir leur ovulation sous pilule ou s’inquiètent de la diminution du flux menstruel. Il existe des interférences entre le poids et les troubles du fonctionnement ovarien lors d’épisodes d’anorexie ou de boulimie par exemple. nous ne pensons plus que les règles sont une maladie. On peut en outre se demander si l’isolement qui était imposé par les hommes n’a pas été perpétué grâce aux femmes qui ont trouvé un bénéfice dans cette possibilité de repli. Il n’est pas question de prôner l’isolement et l’exclusion de la femme en période de règles. les exigences sociales et les impératifs du corps qui empêche la femme d’écouter son corps et ses besoins . en essayant de gommer ces changements cycliques. . Actuellement. les femmes étaient mises à l’écart dans des maisons dites des « menstruantes » pour éviter tout contact avec les membres de leur société. Peut-être un besoin de solitude ou d’isolement persiste-t-il dans ces périodes de règles. Les femmes sont en quête de trouver une réponse « scientifique » à leur malaise. elles éprouvent certains malaises. puisqu’elles représentaient elles-mêmes la souillure. Elles se disent plus irritables. bien que les règles ne soient pas une pathologie. dans les cultures occidentales. Certaines femmes.Les menstruations 129 harmonieux. Cependant. cela est d’autant plus vrai que le cycle est gommé par une contraception chimique. mais tout simplement de ne pas faire comme si le cycle féminin n’existait pas. nerveuses et peu aptes à l’effort physique . toutefois. les femmes continuent leurs activités sans se préoccuper de leurs sautes d’humeur. À notre époque. Par ailleurs. physiques et/ou psychologiques. ont de tels troubles physiques qu’elles sont parfois dans l’obligation de rester chez elles et de se reposer quelques heures. Le corps médical a participé à le faire croire aux femmes en n’expliquant pas clairement que les « règles » sous pilule n’avaient pas la même signification que lors des cycles spontanés. beaucoup de médecins sont encore réticents à imaginer qu’une femme sous contraception pourrait ne pas avoir de règles. nombre de femmes admettent qu’au moment de leurs règles ou aux alentours de ce moment. les interdits depuis les temps anciens qui entourent ce saignement ont été édictés pour les protéger. et c’était pour lui comme s’il la déflorait à nouveau.130 Au fil des consultations La libération de la sexualité dans les années 1970 a. Les hommes et le sang des femmes Les hommes sont intrigués et gênés par le sang menstruel . il existe aussi sur le marché des éponges qui se placent dans le vagin et qui absorbent le flux des règles. la femme castrée pourrait à son tour castrer l’homme. Deux périodes de la vie sont particulièrement intéressantes en ce qui concerne le vécu des règles : il s’agit de la ménopause et de la période de la vie où la femme prend une contraception orale. du moins chez les gens séropositifs . D’où l’idée de dangerosité de la femme. cela lui donnait l’illusion d’une force. une femme m’a expliqué en consultation que son conjoint aimait particulièrement avoir des rapports pendant ses règles . L’utilisation du diaphragme permet de ne pas être tributaire des saignements et d’avoir des rapports même ces jours-là. le début de l’épidémie du sida a mis un terme à cette pratique. Erika Jong (1977) prônait même la volupté des rapports sexuels pendant les règles. quant à elle. avec le danger que si l’on s’approche trop près. chez les couples sérologiquement discordants ou positifs. de la contamination des hommes par les femmes séropositives en période de règles. Ces femmes veulent savoir comment avoir des rapports sexuels sans faire de taches. . À l’inverse. Mais. Ce sang évoque pour eux la castration. permis d’envisager les rapports sexuels pendant les règles sans que cela entraîne de malédiction ou de maladie. Les données médicales confirment de leur côté l’augmentation. cela a renforcé l’interdit des rapports sexuels pendant les règles. Elles demandent des diaphragmes qui ne sont plus en vente en France . Certaines femmes ont un désir plus net pendant les règles. fait un portrait de la femme ménopausée. Femmes désexuées. La médicalisation pour « effacer » la ménopause vient aujourd’hui renforcer les anciennes représentations de la ménopause. elles ont épuisé leur utilité en tant qu’être humain. écrit. elles passent dans la rue sans qu’on les remarque et remarquent peu de choses. le Dr Wilson (1966). La médecine elle-même a construit la ménopause comme un processus engendrant des pathologies attribuées à l’arrêt de la fonction ovarienne. Les promoteurs de la prolongation de la féminité et de la jeunesse. elles traversent en trébuchant leurs dernières années. c’est-à-dire les estrogènes. une sérénité . désignent les femmes ménopausées comme n’étant plus jeunes. fragiles. la ménopause est la « pause des menses » l’arrêt des règles. » Dès les années 1960 aux États-Unis. sa personne propre est enfin prête à émerger. a été prescrite pour maintenir le désir. le Dr Reuben (1974). lui. Dans les années 1990. comme une calamité pour elle-même et pour son entourage : Raides. le pouvoir de séduction. Il est absolument indispensable de prendre le temps d’expliquer qu’il ne s’agit que d’une stimulation artificielle de l’endomètre par les estrogènes pris avec le THS. . entièrement définie par son taux d’estrogènes. l’identité sexuelle. grâce au traitement hormonal. Un psychiatre américain.Les menstruations 131 Ménopause Comme son nom l’indique. Le mythe de jouvence des estrogènes est largement commenté dans les livres rédigés à l’attention du grand public. Que signifient « les règles » induites par le traitement de ménopause ? Le trouble est d’autant plus grand pour les femmes que les traitements hormonaux de substitution (THS) prescrits peuvent prolonger les saignements mensuels. Dans les années 1960. un gynécologue américain. la « pilule de jeunesse ». La femme peut trouver dans ce changement fondamental un pouvoir. ridées et apathiques. certains auteurs ont affirmé que la ménopause permet au contraire à la femme d’accéder à son essence. courbées. dans son livre Tout ce que vous voulez savoir sur le sexe : « Ayant épuisé leurs ovaires. elles-mêmes. la page des maternités est bien tournée. Elles craignent ne plus être désirables ni désirées. Pour celles qui le prennent. et les métrorragies de privation mensuelles sont un alibi leur permettant de cacher leur ménopause. si le traitement de ménopause est instauré après une période d’aménorrhée. elle choisira alors d’emblée un traitement continu. certaines femmes sous THS avec des métrorragies de privation se demandent si elles sont encore fécondes et s’il est nécessaire de continuer à se protéger avec des préservatifs. Ces doses d’hormones assez faibles évitent l’apparition de métrorragies mensuelles même dans les traitements discontinus. pour ne plus avoir de règles. Passé un certain délai après la ménopause. Le nombre de femmes qui prennent un traitement substitutif de ménopause a beaucoup diminué ces dernières années.132 Au fil des consultations lesquels provoquent ces métrorragies de privation. pour elles. En revanche. La date de survenue de la ménopause est parfois floue. Devant notre certitude de l’absence de grossesse. Les plus jeunes d’entre elles choisissent souvent un traitement avec maintien des saignements. cela est préférable. Actuellement. Dans le même ordre d’idée. les femmes informées que les métrorragies de privation ne sont pas utiles à leur santé choisiront pour un bon nombre un schéma en continu. Particulièrement lorsque les traitements ont prolongé les règles. les femmes choisiront souvent un traitement séquentiel avec des métrorragies de privation. que leur conjoint se détourne d’elles. L’apport des thérapeutiques de la ménopause avec les schémas avec ou sans règles a largement contribué au changement des . elles sont parfois crédules et redemandent : « Vous êtes vraiment certaine de ce que vous dites ? » Ces femmes s’imaginent toujours fécondes parce que les « règles » arrivent chaque mois . Par ailleurs. les femmes ne savent pas à quel âge a débuté leur ménopause. les traitements de ménopause sont beaucoup moins dosés . Si le traitement de ménopause est instauré dans la continuité de la prise de pilule. certaines n’osent pas dire à leur conjoint qu’elles ne sont plus réglées. le choix de suivre un schéma thérapeutique avec ou sans règles est toujours possible. si les femmes obtiennent un confort avec des petites doses. la femme n’a en général aucune envie de faire « revenir » les règles . elles n’ont peut-être pas envie d’entendre que. Le retour de couches est également un repère dans la vie de la femme. les cycles spontanés à la puberté sont des repères nécessaires. ni de leur date d’arrivée. Les menstruations restent un marqueur du féminin. mais de se fier uniquement aux comprimés de la plaquette. les femmes ne se sentent pas « moins femmes » lorsqu’elles n’ont pas leurs règles. ces modifications réelles expliquent certaines réticences à prendre le comprimé magique. elles ne se sentent pas moins femmes pour autant. a bouleversé la vie des femmes. Les femmes informées de l’aspect artificiel des règles sous pilule ont très vite repéré les avantages. surtout. avec la possibilité de prendre par exemple deux plaquettes d’affilée pour éviter la carence hormonale . Suivant les âges. Quand la ménopause arrive. sauf en cas d’oubli de pilule. des règles . Les femmes qui prennent assez tôt la pilule et l’interrompent simplement pour être enceintes passent une grande partie de leur vie sans cycle spontané . Elle modifie la perception des cycles. la signification des règles comme critère absolu de la féminité a totalement évolué. L’utilisatrice de pilule continue de nommer les saignements sous pilule « les règles ». Contraception orale La pilule contraceptive orale. ni même de leur absence. C’est une véritable éducation à faire que de ne plus tenir compte du tout des règles pour repérer le cycle. ce petit comprimé nommé tout simplement « pilule ». mais en 20 ans. Les femmes doivent être prévenues de la diminution du flux menstruel et. Les premières règles restent un événement très important qui marque le féminin . lui aussi souvent masqué par la prise de contraceptif. suspendue pour un temps ou définitive.Les menstruations 133 mentalités . Il n’y a pas de vérité absolue. la plupart des femmes ne sont pas désireuses de conserver des règles. la valeur accordée à la menstruation est variable. Celles qui ont des saignements lors des traitements discontinus désirent que ces saignements soient minimes pour ne pas être dérangées. ni de leur abondance. L’aménorrhée sous pilule n’est pas grave. de l’obligation de reprendre la pilule après les 7 jours d’arrêt sans tenir compte des règles. ne met plus en péril l’identité féminine. mais leur absence. Ainsi. les grossesses sont au centre de leurs préoccupations. le slogan de Mai 68 pourrait être adapté : « Des règles si je veux. Les femmes subissent la contrainte de la prise quotidienne de la contraception. Ces femmes ne veulent pas être assimilées à leurs organes génitaux . Elles ont aussi compris qu’en décalant la prise des comprimés. aux périodes d’interdits. derrière l’Irlande . ou en décalant simplement d’une semaine lors de vacances ou d’examens. La fécondité. mises à l’écart de la société. On perçoit dans les nouvelles générations une envie d’exister en tant qu’individu. mais se libèrent de celle des règles. celle-ci est au contraire revendiquée. de leur utérus. Les femmes ont vécu au service de l’homme. Pendant des siècles. elles existent en dehors des cycles. elles pouvaient avoir leurs règles lorsque cela les arrange. Au cours de ces quatre dernières décennies. . Il a perdu un peu de son sens en tant que marqueur du féminin. mais elle leur semble se situer vraiment ailleurs que dans les règles. quand je veux. de trouver son originalité. Les femmes actuelles refusent d’être associées à la saleté. à la souillure. Il ne s’agit nullement d’un refus de féminité . réduites à leur utérus et à leur fonction de reproduction. c’est dire à quel point la maternité est valorisée. le sang des règles est devenu un marqueur de bonne santé. La France est le deuxième pays pour la natalité en Europe. de se faire une idée plus exacte de ce que représente le sang menstruel. sa créativité en dehors des grossesses. les femmes ont été brimées. Elles ne désirent pas pour autant être assimilées aux hommes. aux sarcasmes si répandus comme : « Tiens. elle va avoir ses règles ». par exemple en évitant les week-ends. de ne plus avoir de chaînes imposées par la société. humiliées. » Conclusion La contraception comme les traitements hormonaux de substitution à la ménopause ont permis aux femmes de mieux comprendre le fonctionnement de leurs ovaires. la desquamation de la muqueuse utérine. de fécondité future.134 Au fil des consultations et sa conséquence immédiate. Robert Laffont. 6 : 346-352. DEUTSCH H. – Feminin for ever. The International Journal of Psychoanalysis. (1974). Livre de poche. RUFFIÉ J. (1966). (1998) – Le Sexe et le sacré. DOUGLAS M. les cycles ont une importance différente. JONG E. WILSON R. Paris. (1987) – La Psychologie des femmes 1. (1913) – Totem et tabou. et les jeunes n’ont aucune envie de les gommer. Paris.-P. elles veulent observer comment se passent leurs cycles spontanés et craignent de troubler ce qui est si nouveau pour elles. M. (1937) – « Signification psychologique de la menstruation ». Tous les cas de figure peuvent s’observer. Paris. dans la mesure où la femme est rassurée pour la fécondité. La Découverte. nombre de femmes ont encore besoin d’avoir des règles régulières. pour se sentir normalement constituées. (1977). cela n’est pas souhaitable pour toutes les femmes. Les idées véhiculées pendant des siècles sur les menstruations ne peuvent être balayées en quelques décennies . (1988) – Le Sang. ces règles sont attendues. Mythes symboles et réalités. . (2000) – Le Sexe et la mort. coll. Paris. À la puberté. Pour en savoir plus BALINT M. – Le complexe d’Icare. Evans. Après quelques années. tous les mois. Paris. BISHOP C. Bien des jeunes filles auront du mal à débuter la contraception . Fayard. REUBEN D. Au XXIe siècle. 1923.Les menstruations 135 De la puberté à la ménopause. Enfance et adolescence. les premières règles sont un marqueur du passage vers le monde adulte. Paris. ROUX J. une aménorrhée induite par une contraception est souvent bien vécue. Paris. FREUD S. coll. Odile Jacob. Albin Michel. – Tout ce que vous voulez savoir sur le sexe. New York. « Quadrige ». Payot. « Petite Bibliothèque Payot ». PUF. (1966) – De la souillure. Paris. les femmes ne désirent plus que le fil rouge des règles soit le signe le plus prégnant de leur féminité. La crainte ou le refus de cette perte du pouvoir de transmettre et de s’inscrire dans une histoire. et nécessite une grande prudence au moment des conclusions. Si l’état d’infertilité ne présente pas de risque vital. Le premier « bébé FIV » est né en 1982 en France. L’infertilité se caractérise également par des difficultés diagnostiques. La perte de cette faculté. que ce soit dans la rencontre du spermatozoïde avec l’ovule.7 Désir d’enfant et infertilité D. D’autres motivations pourront bien évidemment s’intriquer : la recherche de l’expérience de la maternité. est parfois à l’origine d’une véritable crise existentielle. CORNET Introduction Transmettre la vie est une des aspirations les plus profondes de l’être humain. il conduit néanmoins à une profonde détresse contre laquelle l’individu va engager une véritable lutte avec toute son énergie disponible. à l’inverse d’une maladie grave. invitera le patient à consulter. et aujourd’hui environ un enfant sur 50 est conçu par cette technique. la concrétisation d’une histoire d’amour entre deux êtres. le désir de vivre l’expérience de la parentalité. La constante évolution des connaissances requiert une mise à jour permanente. entre un passé et un avenir. au-delà de la souffrance morale. . laisse la part belle à l’inexpliqué. Cette souffrance est un des moteurs des progrès en médecine pour tenter de relever les défis nouveaux qui se présentent à elle. L’aide médicale à la procréation en est une belle illustration si l’on regarde son histoire récente. L’extrême complexité des mécanismes mis en jeu. ou dans celle de l’embryon avec sa mère. etc. Celleci par ailleurs. récupèrent une fertilité qui semble s’être normalisée. tels que l’anorexie mentale. De plus. et les possibilités que des progrès scientifiques puissent expliquer un peu mieux « l’inexpliqué ». posent de manière récurrente la question d’un possible lien de causalité entre des éléments d’ordre psychique et l’apparition d’un état d’infertilité. et plus encore en cas d’échec de l’aide médicale. chez des hommes dont le spermogramme paraissait strictement normal.138 Au fil des consultations rendant parfois obsolètes certaines théories admises auparavant. 1998). l’importance des difficultés méthodologiques rend aujourd’hui incertaine toute conclusion définitive (Brkovich et Fisher. mais qu’en est-il dans les nombreuses situations . on rencontre en effet des couples qui ont conçu et qui ne le peuvent plus. On ne peut que s’étonner de l’abondance de la littérature s’intéressant aux liens entre la fertilité et ses aspects « psychoémotionnels ». Tout d’abord. a montré les limites de la valeur des examens. l’état d’infertilité est loin d’être stable . Trois types de problématique peuvent être isolées. Enfin. Cependant. La médecine s’émeut parfois des exceptions aux règles qu’elle a établies avec l’expérience clinique et les connaissances scientifiques . contribuer parfois très négativement au vécu du couple. définie par l’aptitude du spermatozoïde à féconder. auxquels s’ajoute l’expérience issue de la pratique de tout un chacun. après une phase d’infertilité. Quels mécanismes pourraient intervenir pour expliquer le rôle de facteurs d’origine psychique en tant qu’agents perturbateurs de la fertilité ? Il existe bien des modèles admis. par sa lourdeur. l’infertilité est une source de souffrance au quotidien . témoignant certainement d’un réel intérêt pour cette question. ou ces hommes aux spermogrammes catastrophiques qui fécondent sans que nous puissions en comprendre les ressorts. un certain nombre d’auteurs. elle se complique d’un sentiment de perte de confiance qui s’accentue cycle après cycle. mais sans doute également de son extrême complexité. en s’immisçant dans l’intimité du couple. alors que d’autres. par la prise de risques et les lots de complications possibles. viendra. tels les spasmes tubaires qui ont disparu des manuels modernes d’aide médicale à la procréation. La mise en évidence d’anomalies de la fécondance. telles ces grossesses survenant après un état de ménopause. En effet. S’agit-il d’une coïncidence fortuite. un véritable traumatisme psychologique. Merari et al. source d’une souffrance réelle et conduisant. (1992) ont étudié l’impact des différentes étapes de la fécondation in vitro (FIV) sur le stress « médico-induit ». Collins et al. en l’absence de naissance. La souffrance psychique induite par l’infertilité La conscience de son infertilité est. à un véritable travail de deuil. auto-entretenant l’infertilité jusqu’à ce qu’un événement particulier survienne. et que l’intensité de ce désir était corrélée avec le vécu et le degré de stress mesuré par des techniques psychométriques. et à l’approche du jour du test de grossesse. ces auteurs montrent une élévation parallèle de ces marqueurs du stress à proximité du recueil ovocytaire. Une grossesse devient alors possible. voire à l’arsenal sophistiqué de la médecine ? Il est vraisemblable que ces différents liens se mêlent les uns aux autres pour constituer de véritables cercles vicieux. (1992) ont montré combien le désir d’avoir un enfant était un élément essentiel dans la vie. comparant l’évolution de tests psychologiques tels que la mesure de l’anxiété-état à l’aide du questionnaire de Spielberger avec celle de données biologiques comme la prolactine et le cortisol.Désir d’enfant et infertilité 139 où font défaut les explications rassurantes de la physiopathologie ? Y a-t-il un sens à cette réponse du corps qui exprime symboliquement une résistance à la grossesse. ou réellement d’un changement qui s’est traduit au niveau biologique ? C’est une question passionnante qui divise les spécialistes. et en particulier de l’assistance médicale à la procréation. pour le couple. De plus. L’aide médicale à la procréation et ses conséquences sur le plan psychique De nombreux auteurs se sont intéressés aux conséquences psychosomatiques éventuelles des traitements de l’infertilité. en individualisant un sous-groupe de femmes . et débloque la situation. 140 Au fil des consultations enceintes, ils notent une différence d’évolution des marqueurs du stress, et en particulier une moindre augmentation du niveau d’anxiété-état, suggérant une meilleure qualité de la gestion du stress chez ces patientes. En prolongement de ce travail, Harlow et al. (1996) comparent une population de patientes traitées par FIV à un groupe témoin de femmes subissant une intervention chirurgicale comparable hors stérilité. Ces auteurs montrent un niveau de stress inférieur dans ce dernier groupe, suggérant un impact important du traitement de l’infertilité proprement dit sur le vécu de la patiente. Ils retrouvent une évolution parallèle des taux de prolactine, de cortisol et des scores d’anxiété, qui s’élèvent dans le groupe FIV, et restent stables dans le groupe témoin. Il faut préciser que la mesure de l’anxiététrait, reflétant directement la nature anxieuse de l’individu plutôt que sa réaction à un moment donné (anxiété-état), était d’un niveau comparable dans le groupe des patientes infertiles et dans le groupe témoin, bien que discrètement plus élevée dans le premier groupe. La différence n’est pas significative, mais il paraît difficile de conclure, compte tenu de la taille des échantillons (26 versus 24), à un niveau d’anxiété-état identique dans les deux populations. L’absence de différence importante observée par ces auteurs pour l’anxiété-état, entre les groupes grossesse et non-grossesse, plaiderait pour une incidence plutôt faible du niveau de stress sur les résultats des traitements de l’infertilité. Les travaux de Kerdelhue et al. (1997) rassurent quant à l’induction d’un stress « stimulodépendant » du fait du traitement hormonal. Ces auteurs ne retrouvent pas, en effet, de modifications des marqueurs de l’axe corticotrope (ACTH, β-endorphines). Bien qu’ils n’aient pas pratiqué d’évaluations psychométriques, ils concluent que l’hyperestradiolémie régularise l’état d’activation de l’axe corticotrope, pouvant éventuellement masquer d’éventuelles modifications psycho-induites. Enfin, Collins et al. (1992) ont montré que les traitements d’infertilité sont plus appréhendés par les femmes que par leur partenaire, du fait des « agressions physiques » dont leur corps font l’objet. Ils plaident pour une prise en charge active de ce stress, et posent la question de ses conséquences potentiellement négatives sur les résultats des traitements mis en œuvre. Désir d’enfant et infertilité 141 L’annonce d’une infertilité et ses conséquences Quoi que nous disions, l’autre n’entend pas la vérité que nous voulons transmettre. Ce qui sort de nos lèvres et ce qui passe dans l’âme de l’autre, ce sont toujours deux choses différentes. (Arthur Schnitzler, 1912) Le contexte est particulier. L’infertilité concerne un couple, et bien que, dans leurs débuts, les traitements de l’infertilité s’intéressaient essentiellement aux aspects féminins, et qu’aujourd’hui encore, le conjoint soit spontanément assez souvent absent des consultations, la prise en charge doit d’emblée prendre en compte, au travers du couple, l’existence de deux individus différents. Ceuxci présentent de nombreuses asymétries par rapport aux enjeux et aux possibilités thérapeutiques, et d’autant plus que les facteurs impliqués dans l’infertilité peuvent s’intriquer de manière complexe. Il s’agit de plus d’une consultation « à trois », où chacun des protagonistes doit trouver sa juste place. Il peut alors se poser différents problèmes, tels que la rupture du secret médical avec l’annonce de certaines anomalies génétiques ou infectieuses découvertes dans les bilans réalisés, ou encore l’apparition de tension résultant du décalage entre le désir d’enfant de l’un par rapport à celui de l’autre et des motivations pour envisager les modalités de prise en charge. Parfois, surgissent des conflits de responsabilité quant à l’origine de l’infertilité conduisant l’un vers une exacerbation de sa frustration, et l’autre vers une culpabilisation de plus en plus lourde. L’ANNONCE PROPREMENT DITE Y a-t-il un moment idéal pour faire l’annonce ? La préparation à l’annonce commence par la mise en place d’une relation de confiance qui permettra de dire et d’être entendu. C’est aussi un travail qui se fait lors des consultations en essayant d’anticiper les issues possibles selon les résultats des examens prescrits. Tout cela nécessite du temps, le temps d’expliquer, le temps pour que viennent les questions, puis le temps d’y répondre. Si l’on est hésitant face à une annonce trop difficile, comme peut l’être celle d’une ménopause précoce, pourquoi ne pas alors confier cette tâche à un collègue référent ? 142 Au fil des consultations LE LIEU DE L’ANNONCE Les moyens modernes de communication, la recherche de toujours plus d’efficacité, la crainte du face à face ne peuvent excuser les annonces faites à la sauvette, par la voie téléphonique, par courrier ou par Internet. Une véritable consultation dans un lieu réservé à cet effet s’impose, et pourra être prolongée par des propositions d’aides diverses telles qu’un soutien psychologique, ou la remise de coordonnées d’associations. Groff et al. (2005) ont rapporté que, dans 40 % des cas, l’annonce d’une ménopause précoce avait été faite par téléphone, alors que la patiente était à son travail dans la moitié des cas ! De même, le temps consacré à l’annonce n’a pas dépassé 15 minutes dans les trois quarts des cas. LA MANIÈRE D’ANNONCER Tout d’abord, l’énonciation des termes de l’annonce nécessite clarté et précision pour mettre des mots et aider le patient à savoir où il en est exactement. Rendre compréhensible n’implique pas une réduction du contenu. Les propos doivent refléter une vérité, tout au moins la vérité du moment, montrer les limites du savoir, la part de ce qui n’a pas d’explication ou de ce qui est incertain. Expliquer les doutes, souligner les espoirs, faire preuve d’empathie sans accepter de séduire. En pratique, énoncer les faits observés, les expliquer et éventuellement les relier en montrant où ils conduisent permet de tirer des conclusions, qui s’imposent alors naturellement. Par exemple, à partir d’un bilan hormonal, il s’agit d’expliquer les fonctions des hormones, le sens de leurs anomalies pour que la conclusion vienne spontanément chez le patient. Il est aussi important d’anticiper l’annonce proprement dite par une « préannonce » telle que : « J’ai des choses importantes à vous dire », ou « Il y a une mauvaise nouvelle ». Par ailleurs, il convient de se méfier du contenu de l’annonce. Certains mots ou expressions peuvent en effet blesser parfois profondément. Quelques exemples : « Vous avez un utérus infantile » ; ou à une femme en âge de procréer : « Vous êtes ménopausée ». L’acte de dire comme celui d’entendre impliquent une véritable traduction de la pensée, source de décalage ou de malentendu entre celui qui formule et celui qui entend. Désir d’enfant et infertilité 143 LES CONSÉQUENCES DE L’ANNONCE Face à une même annonce, chaque patient réagira différemment selon son histoire personnelle, son état émotionnel actuel, la relation tissée avec le praticien. Une annonce réussie doit conduire à accepter cet état pour accéder à une plus grande sérénité. Les réponses au besoin de connaître la vérité sur sa situation contribueront à aider le patient dans cette démarche. Savoir s’il existe oui ou non une solution thérapeutique, pour pouvoir tourner une page sur un espoir et passer à autre chose, contribue à donner du sens à sa vie. Quand l’annonce conduit au déni, au scepticisme voire au refus ou à la colère, le patient reste figé dans un état pouvant le conduire à consulter sans fin d’autres praticiens, voire à sombrer dans une véritable dépression. D’autres difficultés surgissent lorsque le patient parle une langue étrangère. Enfin, il faut se rappeler que, dans un contexte d’infertilité, l’annonce est faite à un couple, et que son contenu n’affectera pas de façon symétrique les deux partenaires. LE MÉDECIN FACE À L’ANNONCE Certaines annonces difficiles comme celles de l’absence de solutions thérapeutiques au problème que présente le patient entraînent une réelle mise à l’épreuve du soignant. Les sentiments que suscite cette situation déclinent un mélange de compassion et d’impuissance. L’annonce est une situation de tension émotionnelle intense qui renvoie au praticien un certain nombre d’informations, en particulier sa capacité de gérer une telle situation. LES EFFETS PARADOXAUX DE L’ANNONCE Face au choc émotionnel que représentent certaines annonces, le patient peut réagir par une réponse immédiate de type malaise vagal, mais également par une réponse différée qui peut nous surprendre. Comment ne pas rappeler ces grossesses spontanées survenant justement le cycle suivant une annonce telle que « vous n’aurez jamais d’enfant » ou « c’est la dernière fois que l’on tente le traitement » ? Citons aussi le cas de cette patiente qui souhaitait un enfant depuis 5 ans, et qui avait subi une ablation de son ovaire droit et 144 Au fil des consultations d’une partie de l’ovaire gauche pour des kystes ovariens à deux reprises. Les trompes étaient toutefois perméables. Quatre tentatives de FIV ont été réalisées en 2001 et 2002 sans succès. Ces tentatives ont mis en évidence une insuffisance de la réponse de l’ovaire restant, compromettant sérieusement les chances en cas de poursuite des FIV. Il a donc été proposé de pratiquer dans ce contexte un recours au don d’ovocytes et, pour pouvoir être prise en charge plus rapidement, la patiente a motivé une donneuse qui a donné ses ovules en sa faveur de manière anonyme. Or, le mois où la donneuse a été prélevée de ses ovules, ce qui signifiait pour la patiente la certitude qu’elle pourrait bénéficier d’un don prochain, une grossesse a débuté spontanément, et s’est conclue par la naissance d’un premier enfant. Dix mois plus tard, une deuxième grossesse est survenue à nouveau spontanément. Aujourd’hui, cette patiente, mère de deux enfants, consulte pour discuter d’une contraception… Il faut admettre que ce type d’observation ne peut laisser indifférent, et la conclusion d’une simple coïncidence ne suffit pas pour satisfaire l’esprit. Des annonces particulières La demande de renoncer à des habitudes tabagiques pour pouvoir bénéficier dans de meilleures conditions d’une aide médicale à la procréation est assez souvent suivie d’une adhésion immédiate, voire accueillie comme un soulagement. L’annonce des risques liés au traitement médical proposé peut contribuer à inquiéter, voire à y faire renoncer, en corrélation avec le degré d’ambivalence des motivations des patients et de la qualité du climat de confiance instauré avec le praticien. Il reste néanmoins des annonces très difficiles, telles l’annonce d’une ménopause précoce, la découverte d’une anomalie génétique susceptible de se transmettre, la découverte d’une séropositivité VIH, l’absence de solution médicale possible comme en cas d’absence d’utérus. D’autres situations encore sont particulièrement délicates comme lorsque l’échographie montre que la grossesse tant désirée est arrêtée ou implantée en dehors de l’utérus. Enfin, le recours au don d’ovule est une situation particulièrement difficile puisque, si cette solution peut être applicable à un certain nombre de causes d’infertilité avec des résultats tout à fait créent cependant des situations nouvelles encore plus complexes. Dans certains cas. . s’intéressant au vécu personnel de l’homme lorsque son couple se retrouve confronté à des difficultés de conception. Ces progrès. Ou encore. et la sensibilité croissante du corps médical à une approche plus humaine contribuent sans nul doute à cette prise de conscience. du fait d’antécédents génitaux particuliers. souvent tardif. la fertilité implique une sexualité normale. à tort ou à raison. on met l’homme face à des choix humains très difficiles. qui offrent un traitement à des hommes considérés jusqu’alors comme définitivement stériles. les observations épidémiologiques alarmistes sur l’incidence accrue des pathologies masculines.Désir d’enfant et infertilité 145 satisfaisants. sa mise en œuvre nécessitant l’intervention d’une donneuse rencontre aujourd’hui en France d’énormes difficultés liées au problème du recrutement des donneuses et aux délais insoutenables que cela génère. par exemple après une chimiothérapie. dont le diagnostic. En cas de risque de transmettre à sa descendance une anomalie d’origine génétique. Par ailleurs. nécessitera la mise en œuvre d’une tentative de FIV. Les techniques d’aide médicale à la procréation (AMP) ont révolutionné la prise en charge de l’infertilité masculine. tels qu’une cryptorchidie ou une infection génitale. celui qui est persuadé de la normalité de sa fertilité alors qu’il présente des anomalies méconnues de la fécondance de ses spermatozoïdes. en permettant la fécondation de l’ovocyte par la micro-injection du spermatozoïde directement dans son cytoplasme (injection intracytoplasmique de spermatozoïde [ICSI]). l’homme aura connaissance de sa stérilité avant de désirer réellement un enfant. Place de l’homme dans la consultation d’infertilité Avec un intérêt croissant pour les aspects plus masculins de l’infertilité émergent de nouvelles questions. et il aura alors le plus souvent fait pratiquer une autoconservation préalable de son sperme par cryopréservation. Une autre situation est celle de l’homme qui se croit stérile. Certaines dysfonctions sexuelles masculines (troubles de l’érection. Les progrès de la biologie de la reproduction. dyspareunies) sont responsables d’une absence de grossesse et interdisent un coït vaginal fécondant. anaéjaculation) ou féminines (vaginisme. en n’hésitant pas à le convoquer s’il se fait trop discret. tant pour lui remettre ses prescriptions que pour expliciter les résultats de ses examens ou la stratégie thérapeutique qu’il envisage. qui tente d’échapper à sa souffrance. Les facteurs psychiques à l’origine d’une infertilité L’observation clinique pose régulièrement la question d’un lien de causalité entre facteurs psychiques et perturbations de la fertilité. en quelque sorte. mûri par les épreuves traversées et aidé de l’accompagnement apporté par l’équipe médicale devra réorienter progressivement son projet dans une nouvelle direction. En outre. qui contraste vivement avec la lourdeur du traitement imposé à sa partenaire.146 Au fil des consultations Dans d’autres cas. et on voit alors parfois des couples fragilisés. parfois déifié. Cette place est vécue d’autant plus difficilement que l’AMP nécessite l’intervention d’un tiers médical le plus souvent surinvesti. l’arrivée de la grossesse et la naissance d’un enfant viendront effacer comme un baume les difficultés antérieures et. Dans le cas contraire. Le praticien pourra tenter de redonner une place à cet homme en le valorisant. et son implication se réduit souvent dans les faits à un rôle passif. réhabiliter l’homme infertile. Le rôle de l’homme se réduit alors à celui d’un étalon peu performant. le couple. avec ses tests divers et les consignes contraignantes susceptibles de perturber l’intimité du couple. lorsque les reproches de la partenaire viennent s’ajouter au sentiment de culpabilité du conjoint. en s’adressant à lui directement et non pas au travers de sa conjointe. mais en contribuant alors involontairement à accentuer son exclusion dans les faits. extrêmement perturbés. pouvant accentuer un certain sentiment de dévalorisation. La place de l’homme se révèle donc très inconfortable dans un tel contexte. on observera une détérioration progressive de la sexualité après la révélation d’une infertilité ou encore à la suite des contraintes qu’impose la médicalisation de la procréation. En cas de succès de l’AMP. C’est un exercice délicat s’opposant parfois au comportement de fuite de cet homme en difficulté. Il se raconte ainsi de nombreuses « histoires de chasse » prises . et ce vécu castrateur sur le plan symbolique n’est pas sans conséquences. les difficultés vont s’accroître lorsque l’infertilité est d’origine masculine. Parfois. Comment interpréter le fameux effet « rebond ». ce sera tout simplement le temps d’attente du premier rendez-vous de consultation. Certains facteurs ou certaines circonstances semblent toutefois pouvoir jouer un rôle « déclenchant ». Les aménorrhées hypothalamiques constituent un cas d’espèce bien connu. il est fréquemment retrouvé un événement . liées aux biais de recrutement. ou celui qui précède ou suit un traitement d’AMP. Dans ces pathologies. d’une grossesse qui débute curieusement durant le cycle spontané « naturel ». dans une revue exhaustive de 40 ans de littérature. Si les histoires au cas par cas sont suggestives. En 1998. dénigrées par les autres. 1991). ou encore la grossesse qui survient juste après le diagnostic d’une stérilité sans solution médicale. les données scientifiques s’évertuent vainement à faire apparaître des conclusions définitives. Brkovich et Fisher ont exposé les nombreuses difficultés méthodologiques. voire à la subjectivité de nombreux tests psychométriques. souvent rapporté par les praticiens ou les patients. ne permettant pas de déterminer si la « détresse psychologique » observée est la cause de l’infertilité ou simplement une réaction à « l’état d’infertilité ». « j’étais persuadée que c’était impossible ». C’est la situation classique de l’arrivée d’un enfant adopté.Désir d’enfant et infertilité 147 comme autant de preuves irréfutables par les uns. à la taille souvent limitée des échantillons. comme s’il s’agissait de simples coïncidences. laisser tomber la garde pourrait permettre un fonctionnement plus harmonieux des mécanismes en jeu dans la reproduction. ou lorsque l’équipe médicale a annoncé que cette tentative serait la dernière. à l’absence de randomisation. Les anomalies de l’ovulation Les derniers stades de la folliculogenèse directement soumis au contrôle hypothalamique peuvent présenter des perturbations facilement explorables. via différents neuromédiateurs. entre deux cycles de traitement ? Le point commun à toutes ces situations est la capacité de « lâcher prise » . renonçant à poursuivre la prise en charge en cas de nouvel échec. Cette vision est néanmoins fortement contestée. ou encore à la complexité. à l’origine d’anovulation ou de dysovulation. Les patientes expliquent après coup : « je n’y pensais plus » . sont maintenant bien documentées (Barnea et Tal. Les conséquences d’un dysfonctionnement d’origine corticale sur la pulsatilité de la GnRH. tel qu’une obturation tubaire définitive et bilatérale. 1991). n’exclut pas qu’il puisse exister des perturbations psycho-neuro-immunologiques pouvant interférer avec les premières étapes de la rencontre embryomaternelle. là encore. il est retrouvé une activation du CRF et des opioïdes centraux. lui-même d’origine affective. l’augmentation des sécrétions du cortisol traduit une activation du système CRF-ACTH et sous-tend l’hypothèse psychoneuro-endocrinienne de cette pathologie. Dans certains cas. C’est le cas de la boulimie-anorexie. où. Par ailleurs. le dysfonctionnement peut être la conséquence d’un trouble comportemental. l’atteinte clinique sera plus ou moins sévère. et selon le degré de dysfonctionnement. Dans d’autres cas. et est parfois observée une correction spontanée après prise en charge psychothérapeutique adéquate (Cabau. les perturbations du cycle sont médiées par un dysfonctionnement hypothalamique directement dépendant du poids de la patiente. Chez ces patientes. Stoleru et al. Les infertilités « idiopathiques » L’absence d’explication médicale à une infertilité laisse la porte ouverte à des hypothèses difficiles à vérifier. par exemple lorsqu’une FIV révèlera une anomalie de la rencontre des gamètes. (1997) ont mis en évidence une corrélation statistiquement significative entre des facteurs psychologiques féminins et les taux de fécondation. 36 versus 40 juste avant le prélèvement ovocytaire). (1996) montrent une tendance à une diminution du niveau d’anxiété-trait dans le groupe grossesse versus non-grossesse (34 versus 37 avant tout traitement . La pulsatilité de la GnRH est diminuée dans sa fréquence et son amplitude. Un certain nombre de travaux s’intéressent aux mesures de l’anxiété en tant que trait de personnalité (anxiété-trait) pour faire valoir un lien possible de celui-ci avec les chances de succès des traitements de l’infertilité. impossible à détecter à l’aide des explorations classiques. la présence d’un facteur indiscutable.148 Au fil des consultations psychoaffectif à l’origine de l’aménorrhée. Harlow et al. associée à une action inhibitrice de l’axe hypothalamo-hypophyso-ovarien. Dans l’anorexie mentale. et évoluant au gré de celui-ci. une explication après coup viendra contredire un diagnostic initial. mais les différences ne sont pas significatives du fait de la petite taille des échantillons. Ce retentissement sur l’étape de la fécondation . il existe une large place pour des anomalies biologiques à l’échelon local. L’infertilité serait l’expression d’une « procréation apparemment et consciemment désirée. de mois en mois. de noradrénaline et de cortisol.Désir d’enfant et infertilité 149 pourrait être médié par des facteurs sériques maternels et expliquer certaines infertilités inexpliquées. Les mécanismes psychopathologiques Bydlowski (2003) a proposé différentes hypothèses psychodynamiques. Dans le registre de l’inexpliqué. susceptible de conduire à un échec de fécondation. mais non négligeable. le mois de la conception. L’infertilité serait au « service de l’angoisse qui protège ». 1991). (1987) avaient montré une baisse des caractéristiques du sperme le jour de la ponction folliculaire de la conjointe.. etc. Certains auteurs évoquent enfin les conséquences du stress sur le déroulement de la grossesse et la survenue de fausses couches spontanées (FCS) (Barnea et Tal. Par exemple. Cherchant à démonter une des chaînes biologiques. 1990). Existe-t-il des conséquences de l’anxiété sur la spermatogenèse ? Harrison et al.). (1997) ont suivi une cohorte de 13 femmes fertiles. jusqu’à ce qu’elles conçoivent. mais dont les mécanismes en jeu restent à décrypter. en faveur d’un plus grand état de sérénité et d’un moindre sentiment d’agressivité. et dont les effets perturberaient le déroulement de certaines étapes conduisant à l’implantation de l’embryon et à son développement normal. Sanders et al. IVG. difficilement accessibles avec les outils d’exploration actuels. Ils ont ainsi pu montrer que. et par extension au cas où . mais activement refusée par les forces inconscientes ». dans une proportion certes faible. elles présentaient des paramètres psychométriques significativement différents. Ils concluent donc à une probable influence négative du stress sur la fertilité. neuro-endocrine ou encore sympathique. avec une médiation neuro-immunologique. les auteurs n’ont toutefois pas montré de différences au niveau des sécrétions urinaires d’adrénaline. certaines infertilités secondaires sont observées à la suite de la perte d’une grossesse ou d’un enfant (FCS. Cette observation ne fait toutefois pas l’unanimité et d’autres auteurs concluent plutôt à une absence de retentissement (Hammond et al. grossesse extra-utérine [GEU]. mais dont un des aspects pourrait être psychoémotionnel. CRF activant des réactions en chaîne aboutissant à la sécrétion de β-endorphines. La notion de stress Le terme « stress » désigne à la fois l’événement ou le stimulus et la réaction d’adaptation qu’entraîne sa perception par l’individu (gestion du stress ou coping). la « recherche de la cause organique prend le pas sur le désir d’enfant » et l’infertilité serait une « forme de maîtrise du corps ». La maternité pourrait être liée à des représentations incestueuses. pour le dictionnaire Larousse. Une autre explication pourrait être liée un arrêt à une étape clé du développement psychoaffectif. voire le thérapeute. la thérapeutique consiste à retrouver le souvenir traumatique. comme dans l’anorexie. Dans ces cas. Les mécanismes biologiques mis en jeu font intervenir des circuits psycho-neuro-hormonaux (prolactine. Il s’agit d’un phénomène tout à fait naturel. etc. certaines demandes en chirurgie esthétique. ou sympathiques (adrénaline et noradrénaline). Ces patientes seraient alors moins accessibles à la thérapie par crainte de perdre cette maîtrise. d’ACTH puis de cortisol). avec l’intervention d’une figure paternelle. et à « l’user » pour lui faire perdre sa charge pathogène liée à la « crainte de la répétition du scénario traumatique ». Au travers de cette grande hétérogénéité psychopathologique se trouve la place pour un « effet possible de la relation transférentielle » qui se noue le plus souvent à l’insu de ses acteurs. Le stress est. l’« ensemble des perturbations métaboliques et viscérales provoquées dans l’orga- . où ce corps est vécu comme étranger. les « femmes amatrides ». Enfin. le conjoint. L’infertilité maintiendrait un statu quo protecteur dont le dénouement impliquerait la « triangulation du couple mère-fille ». ou à un lien d’identification à sa propre mère considéré comme défaillant. et qui fait que Bydlowski conclut sur l’intérêt d’une approche conjointe entre gynécologues et psychothérapeutes. psycho-neuroimmunologiques. Dans ces cas. l’infertilité pourrait résulter d’une « perturbation de l’image inconsciente du corps féminin ». sous l’emprise des « fantasmes de sa maîtrise ».150 Au fil des consultations il existe dans les antécédents une « catastrophe ayant touché la lignée de filiation féminine de la patiente ». mais dont les débordements pourront éventuellement conduire à une situation pathologique. que Bydlowski appelle « la fixation névrotique ». (2001) ont montré dans une étude impliquant 40 patientes en FIV un lien entre échec d’implantation. émotion) ». D’autres auteurs (Hosaka et al. l’agressivité. ou encore d’effets immunomodulateurs. qui affectera lourdement les patients. (1992) ont montré l’efficacité de techniques comportementalistes. les catécholamines. Gallinelli et al. On appelle coping les différents modes de gestion du stress. tels que le déni. telles que relaxation et apprentissage de la gestion du stress. Les effets biologiques du stress sont relayés par de nombreux mécanismes intermédiaires. Domar et al. dont le point d’impact variera selon l’histoire psychoaffective de l’individu qui jouera selon les cas un rôle amplificateur ou atténuateur. L’incapacité de se projeter dans l’avenir comme parent pourra être une source interne de stress et servir de voie d’entrée potentielle dans les mécanismes perturbateurs de la fertilité. T-helper.Désir d’enfant et infertilité 151 nisme par des agents agresseurs variés (traumatisme. sur la . la fréquence cardiaque. L’articulation des conjoints dans le couple et la rencontre de celui-ci avec l’équipe biomédicale qui le prendra en charge sont autant de points délicats et de nœuds générateurs de stress supplémentaire. rapport T-helper/T-suppressor. et les taux de grossesse à un an qui étaient supérieurs par rapport aux témoins (p = 0.0001). une diminution significative de l’anxiété et de l’activité des cellules NK (p < 0.03). maladie infectieuse. Il est en cela l’expression du pouvoir des émotions. et concluent que les conditions de stress prolongé diminueraient les capacités d’adaptation et s’accompagneraient d’un excès de production de lymphocytes T activés. 2002) ont montré dans une étude randomisée un effet d’une intervention psychothérapeutique. conditions de stress prolongé et excès de lymphocytes circulants T-activés. Le niveau personnel d’anxiété potentialisera plus ou moins les réactions de l’individu à cet élément stressant. les endorphines. tels que le cortisol. De plus. ces auteurs ont retrouvé chez les patientes enceintes une augmentation plus importante des lymphocytes T totaux. Conclusions Le vécu de l’infertilité génère souvent un stress réel.. etc. à l’origine d’effets cardiovasculaires sur la tension artérielle. . n° 58 : 144-147. et B E N S O N H.A. BOXER A.D. – « Assessing the emotional needs of women with spontaneous premature ovarian failure ».M. 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VANDERHOOF V.E. – « Perceptions of infertility and treatment stress in females as compared with males entering in vitro fertilization treatment ».W. n° 8 : 15-23..R. Hum Reprod.M. n° 11 : 274-279. n° 48 : 633-636. BYDLOWSKI M.R. (1990).R.. IZUMI S..F.M.152 Au fil des consultations réduction des marqueurs du stress chez des couples infertiles. HARLOW C.G..N. – « Psychological improvement in infertile women after behavioral treatment : a replication ». Z U T T E R M E I S T E R P. et MAKINO T. Fertil Steril.A. Fertil Steril. n° 76 : 85-91. (2002). Fertil Steril. n° 86 : 73-75.P. GALLINELLI A. Fertil Steril..J.. KRETZER P. – « Stress and semen quality in an in vitro fertilization program ». GROFF A. et HENNESSEY J. – « Psychological distress and infertility : forty years of research ».. Fertil Steril. n° 19 : 218-228. et FISHER W. S E I B E L M. HALVERSON L. – « Facteurs psychologiques dans l’infertilité féminine ».L.L. J Vitro Fert Embryo Transfer. 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J Psychosom Obstet Gynecol. et JONES G.. FERMANIAN J. Hum Reprod. SANDERS K. – « Psychosocial and hormonal changes in the course of in vitro fertilization ».W. . et SPIRA A. Hum Reprod. MAGNIN F. – « ACTH. n° 12 : 231-235. d’informer et d’écouter afin de faire des propositions qui obtiennent l’accord de la patiente ou du couple. homme. d’une part. Il ne s’agit donc pas toujours de prescrire. mais de conseiller. le soignant étant par essence et culture. Le médecin est certes un professionnel qu’on espère compétent. le désir et la relation avec le partenaire. Que sont ces consultations ? – Une information la plus complète possible sur les contraceptifs. le fait de prendre en charge des patientes en bonne santé et. – Une écoute attentive à ce que vit la femme au moment précis de sa demande en sachant que cette demande peut être différente quelques semaines ou quelques mois plus tard. au cours de la consultation. éthiques qu’il ne peut laisser . politiques. peuvent aider les femmes ou le couple à comprendre ce qui leur convient le mieux. ce qui est déterminant si l’on veut obtenir une bonne observance. la sexualité. partenaire amoureux. parent et a des convictions religieuses. mais il est aussi. Notre propos n’est pas ici de passer en revue indications et contre-indications médicales des contraceptifs mais de donner quelques éléments qui. d’autre part. HASSOUN Ces consultations de contraception sont caractérisées par. surtout dans notre pays. en dehors de son cadre professionnel. la difficulté pour les soignants de trouver la juste place . Une consultation de contraception implique pour le médecin un regard très direct sur l’intimité. plus porté à traiter la pathologie qu’à faire de la prévention et à prendre en charge des patients en bonne santé qui décident pour eux-mêmes.8 Une consultation de contraception D. femme. Le choix d’une méthode de contraception « Je viens pour la pilule » disent souvent les femmes en entrant dans notre cabinet.1. n° 381. . la contraception. Reproduit avec autorisation. peut être dit « en plus ».1). rendant bien difficile en ces domaines la « neutralité bienveillante » prônée par nos vieux maîtres de la Faculté de médecine. En % 70 60 50 Pilule 40 Stérilet 30 20 10 0 1978 Autres méthodes réversibles Aucune méthode 1983 1994 2000 Source : Population et Sociétés. – mettre au clair ce qui. c’est la pilule dans la parole des femmes. au travers de la contraception.156 Au fil des consultations totalement à la porte de son cabinet. La relation entre le médecin et la patiente ou le couple dans ce type de consultation sera particulièrement importante pour l’aide qu’elle pourra apporter afin d’aider à : – choisir une contraception qui correspond à leur vie . Ainsi. – comprendre pourquoi la contraception qu’elles avaient pourtant choisie n’est pas bien supportée ou qu’elle a conduit à un échec . juillet-août 2002. Figure 8. et cela reflète bien ce que l’enquête de l’Ined (Institut national études démographiques) a montré (figure 8. Utilisation de la contraception (1978-2000) pour 100 femmes de 20 à 44 ans ne souhaitant pas être enceintes. l’abstinence périodique ou la méthode Billing (étude de la glaire cervicale) . à 60 % en 2000. Le stérilet. 28 % des utilisatrices de pilule disent utiliser pilule et préservatif. anneau vaginal. l’est encore plus. c’est-à-dire quand le nombre final d’enfants a été atteint. passant de 43 à 16 %. Toutes les autres méthodes sont en régression. Informer sur toutes les méthodes Il existe un arsenal contraceptif (mais s’agit-il vraiment d’une arme ?) relativement large : contraception hormonale par pilule. ce qui reflète probablement l’utilisation assez fréquente en France des pilules progestatives. contraception par stérilet. contraception traditionnelle par le retrait. diaphragme. Elle a ralenti sa progression entre 35-39 ans et progressé entre 40-44 ans. La pilule a augmenté à tous les âges. contraception définitive par stérilisation féminine ou masculine. informer tant sur les méthodes existantes que sur leurs avantages et leurs inconvénients reste le premier temps. qui était déjà en France la contraception la plus diffusée. Son utilisation a reculé entre 25 et 34 ans.Une consultation de contraception 157 Quelques données La contraception orale. les deux tiers de ces autres méthodes étant le préservatif. puisque moins de 5 % des femmes n’utilisent pas de contraception alors qu’elles sont exposées à une grossesse et ne la souhaitent pas. et plus récemment patch. ce qui peut s’expliquer selon les auteurs par le retard de l’âge de la première maternité si l’on considère que le stérilet est utilisé comme contraception « d’arrêt ». mais plus d’une femme sur 4 entre 45 et 49 ans. spermicides. Parmi les différents éléments à prendre en compte lors d’une consultation de contraception. Le stérilet reste la contraception des plus âgées et de celles qui ont déjà au moins un enfant. préservatifs . . Elle passe de 40 % en 1978. Le préservatif n’a pas détrôné la pilule. La stérilisation ne touche que 5 % des femmes en 2000 (7 % en 1978). mais aux plus jeunes âges (1819 ans). après avoir régulièrement augmenté jusqu’en 1988. L’utilisation des contraceptifs dépend de la position dans le cycle de vie. Il y a donc une forte prévalence contraceptive en France. mais surtout chez les plus jeunes sans ou avec un seul enfant. stagne depuis cette date aux environs de 23 %. implant . La vasectomie a de bonnes chances de rester confidentielle si une information auprès des hommes et des couples ne crée pas une demande. « J’ai arrêté la pilule parce que je fume ». elle se trouvait dans un no man’s land juridique qui n’incitait pas les médecins à la proposer ou à la faire. mais sera ciblée plus précisément sur la demande et le besoin à ce moment précis de la vie de la patiente. De plus. sans anesthésie générale et en ambulatoire. renouvelé tous les 5 ans.158 Au fil des consultations L’information délivrée ne peut pas être exhaustive. l’attention se portera sur les antécédents de maladies métaboliques et thrombo-emboliques. Le tabac est souvent une des raisons invoquées pour expliquer un arrêt de la contracep- . triglycéride. un bilan biologique (cholestérol total. jusqu’en 2001. des techniques légères comme ESSURE. en particulier pour les adolescentes. La loi sur l’interruption volontaire de grossesse (IVG) et la contraception de juillet 2001 l’autorise sous la seule condition d’un délai de réflexion de 4 mois entre la demande et l’acte. De plus. L’examen clinique retiendra particulièrement le poids et la pression artérielle. Pour la contraception hormonale. souvent réticentes à ce type d’examen. il est souvent utile de revenir sur des informations qui ne semblaient pas ou moins utiles antérieurement. la stérilisation tant masculine que féminine n’est pas considérée comme une contraception sous prétexte qu’il s’agit d’une méthode irréversible. glycémie à jeun) est recommandé 3 à 6 mois après le début du contraceptif et. Certaines méthodes sont ainsi rarement mentionnées par le médecin qui juge a priori qu’elles ne peuvent pas convenir. Il n’est pas nécessaire d’en attendre les résultats pour prescrire le contraceptif. L’examen gynécologique peut être reporté à la consultation suivante. En l’absence d’antécédent. Ainsi. s’il est normal. allègent considérablement la procédure. Lors du renouvellement ou du contrôle de la contraception prescrite ou conseillée. Évaluer les contre-indications par un entretien clinique approfondi La prescription des contraceptions médicalisées ne peut se faire sans un entretien clinique approfondi afin d’évaluer les possibilités d’utilisation de ces méthodes en fonction des situations à risque. Toute suspicion de facteurs de risque infectieux devra être confirmée ou infirmée par un prélèvement vaginal avec recherche en particulier du Chlamydia trachomatis. quelle que soit l’importance de l’exposition au tabac. séparément et en association. L’examen gynécologique doit précéder la pose afin de déterminer la taille et la position de l’utérus. mais ce risque est corrélé avec l’âge et ne représente pas une contre-indication selon l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (Anaes). les effets secondaires Si le premier devoir du médecin est d’informer sur les risques des méthodes et de faire les investigations nécessaires devant une symptomatologie évoquant une origine organique avant de conclure à une intolérance. il importe surtout de rectifier des idées fausses sur les risques de l’association tabac et pilule. Informer sur les avantages. Tabac et pilule estroprogestative sont chacun. l’arrêt de la contraception du fait du tabac n’est que le prétexte avancé pour masquer d’autres raisons. pour certaines femmes. LES RÈGLES : EN AVOIR OU PAS « Pensez-vous être gênée ou inquiète de ne pas avoir de règles ou des règles bien moins abondantes que celles que vous avez . des facteurs de risque cardiovasculaire. chez les moins de 35 ans sans antécédent personnel cardiovasculaire. ne sont pas dangereux pour la santé. Une patiente vivant mal un examen gynécologique n’est peut-être pas une bonne candidate pour le stérilet. qui ne relèvent pas de la pathologie. Au-delà de 35 ans. il faut éliminer un antécédent de maladie inflammatoire pelvienne (MIP) qui contre-indique cette contraception.Une consultation de contraception 159 tion hormonale sans pour autant qu’une autre contraception ait été envisagée. Si. Quand la pose d’un stérilet a été décidée. mais qui peuvent déranger et rendre la méthode inacceptable. d’autres méthodes sont à envisager et les pilules progestatives restent possibles. nous insisterons ici plus volontiers sur des effets secondaires. dans la plupart des cas. les inconvénients. La discussion sur le tabagisme et ses risques en général fait partie de la consultation mais doit être clairement dissociée pour les plus jeunes de la prise de pilule. des craintes et des réticences. Si pour certaines femmes. dans une société où les critères de la beauté restent la minceur voire l’androgénie. seule la survenue des règles les rassure sur l’absence de grossesse et l’efficacité de la méthode. Insister sur les avantages et minimiser les inconvénients fait courir un risque d’abandon rapide de la méthode. il s’agit aussi d’entendre ces femmes qui expriment très clairement l’impossibilité pour elles d’avoir un corps étranger dans l’utérus au risque d’une intolérance ressentie sous forme de douleur ou de règles jugées trop abondantes. augmentation du volume des seins) est une inquiétude permanente. Ainsi. pour d’autres cette absence est vécue comme un danger pour leur santé. Pour d’autres encore. cela vous semble-t-il acceptable ? » Les méthodes médicales de contraception modifient les règles. LES MODIFICATIONS DU CORPS « Cette pilule va-t-elle me faire grossir ? » Il y a peu de consultations où la question n’est pas posée. l’absence ou la diminution des règles est un avantage.160 Au fil des consultations spontanément ? » « Avoir des saignements peu abondants mais imprévisibles. en particulier pour les plus jeunes. Ainsi. la possibilité de règles plus abondantes avec un stérilet au cuivre ou au contraire moindres avec les pilules voire inexistantes avec le stérilet hormonal ou l’implant doit être discutée. « corps étranger qui donne des infections » et qui « n’est pas très efficace ». l’implant contraceptif que l’on est tenté de prescrire chez ces jeunes filles qui oublient très régulièrement la pilule a peu de chances d’être gardé si on ne prévient pas des possibilités de spotting ou d’aménorrhée. S’il est bon de lever des idées fausses et de le proposer plus souvent qu’il n’était fait à ce jour. LE CORPS ÉTRANGER Les femmes se font parfois l’écho de cette méfiance vis-à-vis du stérilet. La modification du corps (prise de poids. . Expliquer que ces modifications sont liées à une évolution normale entre 17 et 25 ans et non à la prise d’une pilule peu dosée – dont les études ont largement montré le faible impact sur le poids – ne suffit pas toujours à convaincre. est un concept contraceptif nouveau et intéressant.1.Une consultation de contraception 161 La pose d’un implant contraceptif dans le bras entraîne parfois cette crainte du corps étranger. mais la localisation moins symbolique que l’utérus permet de la surmonter plus aisément.1 Vasectome Stérilisation féminine 0. Si. Pourtant. À l’inverse. Une contraception mal adaptée Tous les contraceptifs ont une efficacité théorique et une efficacité réelle qui est celle dans une pratique au quotidien. la contraception hormonale théoriquement très efficace est réellement d’une haute fiabilité.5 Progestatifs injectables 0.3 .3 0. Efficacité des différentes méthodes contraceptives (d’après OMS. changé qu’une fois par mois.2 0.1 0.1. L’efficacité des différentes méthodes contraceptives est abordée dans le tableau 8. 2002).5 0. pour d’autres elle pourra être source d’échecs répétés. tout au long de sa vie. Tableau 8. utilisera une contraception réputée moins fiable (retrait ou méthode des dates) et n’aura aucun échec. pour certaines femmes. telle autre femme (tel autre couple). LE GESTE IMPOSSIBLE L’anneau vaginal. certaines patientes tentées par cette méthode leur permettant d’éviter les oublis de pilule le refusent car elles ne peuvent envisager lors de la pose et la dépose de l’anneau de faire elle-même ce geste endovaginal.1 0. Grossesses pour 100 femmes au cours des 12 premiers mois Méthodes Efficacité observée lors d’une utilisation en pratique courante Efficacité théorique en utilisation optimale Implants 0. dans un contexte de vie. La recherche d’une efficacité maximale.6 1 0.5 Peu renseigné 0.162 Au fil des consultations Grossesses pour 100 femmes au cours des 12 premiers mois Méthodes Efficacité observée lors d’une utilisation en pratique courante Efficacité théorique en utilisation optimale 0.1 Préservatifs masculins 14 3 Retrait 19 4 Diaphragme + spermicide 20 6 Méthodes naturelles 20 1-9 Préservatifs féminins 21 5 Spermicides 26 6 Pas de méthode 85 85 Dispositif intra-utérin (DIU) Pilules progestatives en cours d’allaitement En dehors de l’allaitement Méthode de l’aménorrhée lactationnelle Un des objectifs de la consultation de contraception devrait être d’aider dans le choix d’une méthode qui. peut se révéler en ce domaine contre-productive.5 Contraception orale estroprogestative 6-8 0. . sans tenir compte de ce qui correspond aux besoins des patientes.8 0. proposant de fait une vision mécaniste comme si le risque de la grossesse se situait uniquement au niveau de la physiologie. La difficulté est alors pour le médecin de sortir d’une logique de prescription essentiellement axée sur les moyens médicaux. se rapproche le plus de la meilleure efficacité possible.5 2 0. la contraception hormonale (pilule le plus souvent) ensuite. en précisant que les études ont montré que les infections et le risque de stérilité qui en découle sont directement liés au nombre de partenaires et non au stérilet lui-même. La faible utilisation du stérilet. en particulier chez les nullipares. et qu’elles en sont satisfaites. L’Anaes a récemment émis des recommandations (2004) qui vont dans le sens d’une plus grande utilisation.Une consultation de contraception 163 Peut-on considérer qu’il y a « la bonne méthode au bon moment » ? La norme de la prescription contraceptive se décline bien souvent selon l’âge et le type de relation sexuelle : un préservatif en début de vie sexuelle. et ne pas utiliser une contraception moderne représente une déviance par rapport au modèle de notre société. et le stérilet une fois que l’on a eu le nombre d’enfants que l’on avait décidé. Pourtant. puisqu’elle a commencé en France à la fin du XVIIIe siècle. il faut rappeler que la baisse de la natalité a précédé. réservé à celles qui ont déjà des enfants. cela ne correspond pas toujours à ce que vivent les femmes. Pourquoi ne pas encourager ces femmes à garder une méthode parfois utilisée avec succès depuis plusieurs années en . est liée à une réticence des médecins non validée par des données scientifiques. elles n’osent pas dire qu’elles ne prennent plus de pilule et avouent finalement un peu honteuses qu’elles utilisent une méthode désuète. L’informer sur les autres méthodes et en particulier sur le stérilet pourrait pourtant être une alternative. Les méthodes naturelles ne sont pas considérées comme de « vraies contraceptions ». la méthode des dates par exemple ou le retrait. qui a le même copain depuis 2 ans et s’inquiète car elle ne cesse d’oublier la pilule ? Elle dit qu’une grossesse n’est pas actuellement possible et un échec de contraception se soldera très probablement par une IVG. et de loin. Pourquoi rester sur l’idée d’une pilule chez cette jeune femme de 22 ans. la diffusion des contraceptions modernes. Pourtant. Une contraception moins médicalisée : refus de la norme et souci écologique « Qu’utilisez-vous comme contraception ? » « Rien » répondent parfois les femmes. De fait. . mais faire passer le message d’une double protection est tout aussi difficile sur la durée. Des messages mal ciblés ou la contraception au temps du sida Il s’est établi avec l’épidémie du sida une hiérarchie de la prévention. mais aussi des grossesses non désirées. Refuser une contraception orale pour obliger à mettre un préservatif est un leurre bien dangereux. puisque 28 % des moins de 18 ans associent pilule et préservatif. et ainsi à chaque nouveau partenaire. Le préservatif est considéré comme un moyen de prévention de l’infection VIH. mais en ayant peu à l’esprit le risque iatrogène. Les campagnes de prévention de l’infection VIH ainsi que les trop courtes et trop rares campagnes sur la contraception n’ont pas mis suffisamment en avant la double utilisation possible du préservatif comme prévention des infections sexuellement transmissibles (IST) et du VIH. Les jeunes trentenaires qui vivent cette libération comme acquise craignent les conséquences et les risques liés à ces produits. Il existe une réelle difficulté à trouver le juste langage en particulier pour les jeunes démarrant leur vie sexuelle . et jugent parfois la pilule contraignante et dangereuse. ou peut aggraver leur peur de la sexualité. Reste la possibilité de faire passer un message raisonnable et acceptable en insistant sur l’importance du préservatif en début de nouvelle relation. Leur inquiétude légitime nous pousse à faire avec elles une balance bénéfices/risques afin de les aider à prendre une décision en toute connaissance de cause. Prescrire une pilule sans parler de préservatif est impossible.164 Au fil des consultations rappelant alors les éléments qui permettent d’augmenter l’efficacité dans la pratique par des rappels de la physiologie du cycle et de la possibilité d’ovulations à des dates peu attendues ? La génération précédente a vécu la diffusion de la contraception médicalisée comme une formidable libération. sur l’intérêt de s’assurer de la négativité à l’infection VIH pour les deux partenaires avant d’instaurer une autre contraception. mais pas comme une contraception. Ce message est cependant en partie entendu parmi les plus jeunes. d’autant que l’abondance des informations reçues par ces jeunes est telle que le message de prévention peut être vécu comme allant à l’encontre de l’élan amoureux. » Certes. Une contraception d’urgence largement accessible mais sous-utilisée Peu connu des femmes et négligé par les professionnels de santé. La prescription « préventive » d’une contraception d’urgence comme filet de sécurité prend là tout son intérêt. le stérilet mis dans les 5 jours qui suivent le rapport à risque est efficace à plus de 99 %. Les mineures ont la possibilité d’une délivrance sans ordonnance et de façon anonyme et gratuite dans les pharmacies. En France. le Norlevo®. dont 17 % délivrés gratuitement à des mineures). la contraception d’urgence (CU) n’a pas diminué l’utilisation régulière de la contraception. spermicides) associée à un rappel sur l’intérêt de les utiliser à chaque rapport quelle que soit la date du cycle peut être pour certaines femmes et certains couples tout aussi satisfaisante. et remboursé sur prescription. Il peut être délivré sans ordonnance dans les pharmacies. y compris pour les très jeunes filles. la prise du lévonorgestrel en préviendrait près de 7. Malgré une très importante diffusion (plus de 5 millions de boîtes vendues en France en 2005. mais prendre une contraception si contraignante se justifie-t-il et ne peut-il être source de mauvaise utilisation ? La proposition d’une contraception plus ponctuelle (préservatifs. Elle n’a pas augmenté non plus les comportements à risque (moindre utilisation du préservatif et augmentation des IST). à prendre en prise unique dans les 72 heures qui suivent un rapport non protégé. Son efficacité théorique semble bonne puisque si un rapport non protégé à la 2e ou 3e semaine du cycle conduirait à la survenue de 8 grossesses. mais aussi par les infirmières scolaires et les centres de planification familiale (loi de 2000). Il peut devenir une alternative intéressante dans certaines circonstances. La France possède depuis 1999 un produit dédié à base de lévonorgestrel. elle est jeune et n’a pas de contre-indication à la prise d’une pilule. de même que le rappel de la possibilité de s’en procurer sans prescription.Une consultation de contraception 165 Des rapports épisodiques dans une relation très épisodique « Je n’ai pas de partenaire régulier et je suis lasse d’avaler une pilule pour trois rapports par an. . » « Je ne le vois que tous les 3 mois car il n’habite pas dans la même ville. Pour certaines femmes. est utile. La loi. Certaines catégories de femmes doivent faire l’objet d’une attention particulière puisque les études ont montré une moindre perception du risque chez celles qui sont sous contraception régulière et celles qui changent souvent de contraception. et ce même quand la CU était à « portée de main ». retrouvé également en Suède et en GrandeBretagne. au risque d’un échec. de gérer une contraception. La contraception d’urgence en consultation : informer et écouter Le travail d’information reste important. elle a d’autres effets positifs. d’aborder les questions de sexualité et la prise d’une contraception régulière. Se procurer une CU a donné aux jeunes l’occasion. 2005). l’utiliser de façon répétée est la seule façon. à certaines périodes de leur vie. la non-utilisation . dans une étude française (Moreau et al. par l’intermédiaire de l’infirmière scolaire ou du centre de planning familial. tout en conseillant vivement de l’utiliser quel que soit le moment du cycle.. Discuter de l’absence de perception du risque d’une grossesse que l’on ne souhaite pas est parfois l’occasion de les aider à comprendre ce qui fait que l’on prend un risque presque sûrement évitable. Ce résultat décevant. Comme pour les échecs de contraception. a entériné une reconnaissance sociale de la sexualité des jeunes dont on sait qu’elle est toujours un facteur préventif des comportements sexuels à risque. Cette sous-utilisation – « Je n’ai pas pensé à la prendre » – ne semble pas liée à une méconnaissance de la méthode mais bien à l’absence de perception du risque de grossesse. Le rappel des périodes à risque de grossesse. car prescrite « en préventif ». 11 % seulement des femmes à risque l’ont prise. Même si.166 Au fil des consultations il n’y a pas eu la diminution attendue du nombre d’IVG. en démédicalisant la méthode. 89 % des femmes disent la connaître et 38 % seulement des femmes ont eu la perception de ce risque. En effet. pour le moment. car si la majorité des femmes connaissent la méthode. elles ne savent pas toujours quand l’utiliser. la diffusion large de la contraception d’urgence n’a pas eu pour effet de diminuer le nombre des IVG. puisque seuls 19 % rapportent un usage en temps correct. montre que la méthode n’est pas utilisée autant qu’elle le pourrait puisque. de l’usure de la relation avec le partenaire. pensons-nous dans un premier temps . au travers de la contraception. Ce n’est parfois qu’au décours d’une « consultation prétexte » que peut se dire le désir ou le non-désir d’un enfant ou d’un autre enfant. Mais être inféconde n’implique pas toujours la disponibilité et le désir. prise de doute. Elle est enceinte. Pourquoi revenir si tôt ? Consultation inutile. et cette inadéquation explique une part de ces accidents programmés. peut être dit « en plus » Ambivalence ou accident programmé Cette femme a 37 ans. De plus. Ainsi. décide qu’elle la reprendra aux prochaines règles… qui ne viennent pas. arrête la pilule car elle veut un troisième enfant (le dernier dit-elle) puis.Une consultation de contraception 167 de la contraception d’urgence lors de rapports à risques de grossesses non prévues relève de mécanismes complexes et contradictoires qui ne permettent pas toujours d’en percevoir le risque. . des périodes où le désir est moins fort et de la difficulté à faire comprendre au compagnon que cela ne remet pas en jeu la relation. La maîtrise de la fertilité permettant d’avoir un enfant « si je veux et quand je veux » a laissé peu de place à l’ambivalence. Le désir en moins Avoir une contraception « si efficace » établit une nouvelle donne dans l’appréhension du désir sexuel. et puis très rapidement surgit la question : « La pilule peut-elle être responsable d’une baisse de désir ? » C’est alors un moment privilégié pour parler de la fragilité et de la subtilité du désir. Voir ce qui. dans la mesure où la femme est supposée inféconde et donc toujours disponible. vient nous voir pour la reprendre. superflue. ce désir conscient ou inconscient ne coïncide pas toujours avec la venue « raisonnable » d’un enfant. cette femme de 38 ans qui revient 3 mois plus tard pour une ordonnance de pilule… qui a été pourtant faite pour un an. lors d’une consultation. et de cette autre qui a accepté un rapport sexuel sans préservatif à la demande de son partenaire. permettant simplement de leur faire comprendre que nous sommes là si et quand elles le souhaitent avec ou sans leur mère. il existe une probabilité de grossesse non négligeable entre 40 et 50 ans. » Mère libérale en apparence qui propose à sa fille de discuter avec le gynécologue. Une contraception que l’on ne veut pas abandonner : à chacun son rythme Cette femme a 49 ans et vient tous les 6 mois pour renouveler une pilule estroprogestative qu’elle prend de façon très régulière depuis plus de 20 ans. c’est ma mère qui a pris le rendez-vous. une adolescente de 14 ans en colère à qui l’on demande le motif de la consultation et qui répond : « Je ne sais pas. Malgré une moindre fréquence des rapports sexuels avec l’âge et une baisse de la fertilité. et le choix de la méthode se fait en fonction des préférences de celuici. . Pourtant. et de 2 à 3 % pour celles de 45 à 49 ans. ou mère qui garde ainsi un droit de regard sur la sexualité de son enfant ? Au rappel de la clause de confidentialité. La décision de cesser de prendre une contraception en période de périménopause vient naturellement pour certaines. Nous voyons ainsi. Mère et fille « À quel âge dois-je vous envoyer ma fille ? » demandent souvent les patientes. la gestion de la contraception s’inscrit pour certaines femmes dans un rapport inégalitaire avec leur partenaire. qui s’applique quel que soit l’âge. mais est en permanence repoussée pour d’autres. le dialogue s’instaure parfois. Ainsi de cette femme qui ne veut pas de stérilet car la méthode ne plaît pas à son mari. Elle n’a aucune contre-indication et ne se pose pas la question de l’arrêter. La probabilité de concevoir est d’environ 10 % chaque année pour les femmes de 40 à 44 ans.168 Au fil des consultations La domination masculine plus ou moins intériorisée Le partenaire est rarement présent lors d’une consultation de contraception. que l’infertilité est probable et qu’il est temps peut-être d’envisager le passage à une autre étape de leur vie : une vie où la contraception n’est plus nécessaire.Une consultation de contraception 169 La crainte d’une grossesse reste forte et la prise de risque est exclue . il est souvent difficile de sortir de ce qui est socialement accepté par une société très normative en terme de comportement. et occulte le problème plus complexe des rapports entre les hommes et les femmes. . présents à des degrés divers tout au long de la trajectoire contraceptive des femmes. Ces enjeux. Ces normes obligent ainsi les femmes à une contraception théoriquement efficace. Pour les femmes comme pour les médecins. Conclusion Au cours de ces consultations. S’en tenir à une réponse uniquement médicalisée répond à une vision mécaniste supposant que la contraception et ses échecs sont un problème de pseudodéfaillance technique des femmes. Tenir compte de tous ces éléments au cours d’une consultation peut sembler difficilement réalisable. se révèle beaucoup moins efficace car mal adaptée aux besoins. dans la pratique. nous en méconnaissons bien souvent les enjeux sociaux et épidémiologiques. Elle donne toute sa richesse à ces consultations de prévention où la qualité de la relation et de l’écoute est déterminante. Faire arrêter cette pilule relève alors d’une négociation qui peut se faire sur plusieurs mois en proposant de réfléchir pour en rediscuter une prochaine fois. Elles oublient que l’âge est là. ou bien le bien-être apporté par cette pilule leur fait craindre le retour de règles trop abondantes et douloureuses. mais c’est pourtant par cette réflexion sur les enjeux de la contraception que l’on peut aider les femmes/couples à faire des choix véritablement éclairés. traduisent leurs difficultés à tenir compte simultanément de normes éventuellement contradictoires. comme tout acteur social. mais qui. il est facile de prendre en compte les indications et contre-indications médicales des méthodes contraceptives mais. G. BAJOS N.C. INSERM. OMS. (2003). n° 866. Contraception... – « Contraception et échecs de contraception. et TRUSSELL J. ROCCA C. et POLIS C. BOUYER J. – Stratégies de choix des méthodes contraceptives chez la femme. LERIDON H. GLASIER A. Contraception. janvier. RAYMOND E. L’Interruption de grossesse en France. n° 109 : 181-188. OUSTRY P. 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Les lois libérales n’ont fait qu’entériner des pratiques sociales déjà intégrées. mais aussi du contrôle judiciaire au contrôle médical. L’opinion a ainsi évolué en même temps que le processus de modernisation et de libéralisation des mœurs.9 Une demande d’interruption volontaire de grossesse D. la loi de 1967 sur la contraception et celle de 1975 autorisant l’interruption de grossesse selon certaines conditions. L’univers idéologique de la contraception et de l’avortement est ainsi passé de la contrainte à la liberté de choix. non sans une opposition parfois très violente y compris en 2001. Il a fallu attendre plus de 25 ans pour que soient rediscutées les modalités législatives de la contraception et de l’avortement. HASSOUN L’IVG en France En France. et que soit votée en 2001 une nouvelle loi. au cours des 100 dernières années. on a ainsi vu une médicalisation des pratiques contraceptives et une mise en application parfois difficile de la loi sur l’avortement. . la pratique de la contraception et de l’avortement est passée d’une juridiction répressive mais tolérante (la loi de 1920) à une répression féroce (le régime de Vichy) puis à une juridiction libérale. À partir de 1975. L’acquisition de cette liberté ne pouvait se faire pour les femmes sans la maîtrise de leur fécondité. du statut de la femme et de la place de l’enfant dans nos sociétés. les médecins peuvent maintenant proposer aux femmes qui en font la demande une IVG médicamenteuse. aux pratiques sociales et aux innovations scientifiques de ces dernières années. quand ces jeunes sont enceintes. 80 % des femmes concernées avaient entre 20 et 24 ans (ce sont les plus fertiles). les députés ont adopté une nouvelle loi sur l’interruption de grossesse et la contraception.1) . Ce nombre représente une moyenne de 14. elles décident plus souvent d’avoir une IVG qu’elles ne le faisaient il y a 20 ans. La possibilité de l’IVG médicamenteuse en ville a entériné ce que de nombreuses études avaient montré. Le principe de l’autorisation parentale pour les mineures est maintenu. si le nombre de naissances diminue depuis 1990. Dans le cadre d’un réseau ville-hôpital. Elle réitère comme en 1975 que l’IVG. à savoir la sécurité et l’efficacité de la méthode. Le 17 avril 2001. Interrompre une grossesse non prévue est donc une décision prise par la patiente et non une autorisation donnée par le médecin.174 Au fil des consultations Des évolutions dans la législation et les pratiques Les lois encadrant la contraception et l’IVG ne correspondaient plus aux besoins. Pour les mineures. . les débats ont montré que l’acceptation de la sexualité des adolescents avec ses conséquences possibles n’était pas encore un choix clair pour notre société. Celle-ci doit alors être accompagnée d’une personne majeure référente de son choix. Même si le consensus a été plus facilement obtenu sur cette question que pour l’extension des délais. sauf pour les mineures. mais n’est plus obligatoire. L’entretien social doit systématiquement être proposé. le nombre d’IVG augmente régulièrement (11 500 en 2004). Un taux d’IVG stable depuis 20 ans Le nombre d’IVG en France est évalué à 210 664 en 2004. l’hôpital restant le recours en cas de complications ou d’échecs. possible maintenant jusqu’à 14 semaines d’aménorrhée (SA) est faite à la demande de la femme qui s’estime en situation de détresse. Cette augmentation du nombre d’IVG laisse penser que.6 IVG pour 1 000 femmes de 15 à 49 ans (14 IVG en 1990) (figure 9. et une jeune fille de 15 à 17 ans sur 100 y aura recours. mais il est aménagé si la jeune fille ne souhaite pas ou ne peut pas prévenir ses parents ou son tuteur légal. 1 fait le point sur l’avortement ailleurs dans le monde.14 13 IVG pour 1 000 femmes 12 naissances pour 1 000 femmes 2004 2003 2002 2001 2000 1999 1998 1997 1996 1995 1994 1993 1992 1991 11 55 54 53 52 51 50 49 48 47 46 naissances pour 1 000 femmes 175 15 1990 nombre d’IVG pour 1 000 femmes Une demande d’interruption volontaire de grossesse Source : SAE (DREES). Dans le monde. elles s’exposent à des pratiques qui leur font courir des risques très élevés. et les décès dus à ces avortements constituent 13 % de la mortalité maternelle. et la France occupe une position médiane. INSEE. une grossesse sur 10 se termine par un avortement à risque.1. avec quelques pays autorisant l’IVG plus tardivement que chez nous (jusqu’à 22 SA en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas).4 pour 1000. et dans d’autres. Évolution du nombre d’IVG et de naissances pour 1 000 femmes de 15-49 ans. Tous les pays européens autorisent l’avortement selon certaines conditions sauf l’Irlande. la Pologne et Malte. Encadré 9. Avortement en Europe et dans le monde L’Europe (des 25) a un taux moyen d’avortement de 10.1. L’encadré 9. . Dans certains pays. L’avortement est une des grandes causes de la mortalité maternelle dans les pays où il n’est pas légalisé et ou l’accès aux services est problématique voire inexistant. Figure 9. Les législations sont différentes d’un pays à un autre. les femmes ont ainsi accès à une procédure légale et sûre avec des risques minimaux pour leur santé. La consultation lors d’une demande d’IVG se veut alors : – une écoute attentive à ce que la femme veut bien dire de cette grossesse prévue ou non prévue. avait prévu la possibilité de la clause de conscience évitant ce dilemme à certains praticiens. avec refus de faire des IVG que l’on estime injustifiées que ce soit pour des raisons de terme si celui-ci est inférieur à 14 SA ou des raisons morales (IVG itératives par exemple). ne souhaitent pas toujours parler avec le médecin de la décision prise ou à prendre et des circonstances de survenue de cette grossesse. au cours de la consultation ou de l’entretien social. – une discussion et une information sur les contraceptions envisageables après l’IVG.176 Au fil des consultations Une demande d’IVG « Je suis enceinte. » C’est ainsi. Écouter ENTRETIEN AVEC LE MÉDECIN ET/OU ENTRETIEN SOCIAL Les femmes. Simone Veil. mais qu’elle ne souhaite pas . La loi n’a pas prévu qu’une clause de conscience puisse être « partielle ». il est cependant tenu d’informer la patiente de ce refus et de la diriger sans retard vers un autre praticien. au décours de ces demandes d’IVG. mais les femmes n’ont pas. Ces demandes peuvent heurter des convictions et confronter les professionnels de santé à ce qui relève du « conflit d’intérêt » entre ce qu’ils pensent juste et ce que la femme en face d’eux pense juste pour elle. Il ne s’agit pas de banaliser l’IVG en traitant cette demande avec légèreté. à se justifier puisque les législateurs les ont estimées seules juges de leur détresse. Décider d’interrompre une grossesse est une . qu’est faite la demande d’IVG auprès du médecin gynécologue ou généraliste. en faisant voter en 1975 la loi sur l’IVG. bien souvent. Le médecin est donc en droit de refuser de prendre en charge l’IVG . mais je ne veux pas garder cette grossesse. – une information sur les méthodes d’interruption de grossesse (aspiration sous anesthésie générale ou locale ou avortement médicamenteux) afin de permettre à la patiente de choisir celle qui lui convient le mieux s’il n’y a pas de contre-indication médicale . ce temps de réflexion ne dépend pas toujours de la difficulté à prendre la décision mais des circonstances et de la capacité de chacune d’intégrer et d’accepter de renoncer à une grossesse même quand celle-ci n’a pas été souhaitée. elles veulent alors du temps pour se convaincre que c’est la seule décision raisonnable ou pour tenter de convaincre un partenaire hésitant ou franchement opposé. Ce chemi- . la décision est prise dans la majorité des cas et.Une demande d’interruption volontaire de grossesse 177 démarche personnelle. il doit cependant être systématiquement proposé. La loi prévoit une semaine de réflexion obligatoire entre la première demande faite au médecin et l’acte. Il complète les informations données par le médecin sur les méthodes d’IVG et sur les contraceptions. même si la décision est déjà prise. afin de leur éviter dans ces circonstances une trop grande solitude. mais je ne sais pas encore ce que je vais faire. « Je suis enceinte. avec la nouvelle loi. mais qui se heurtent à une réalité que les femmes n’ont pas toujours voulu voir ou accepter . Si la loi autorise l’IVG jusqu’à 14 SA. une fois la démarche engagée. On peut cependant les encourager à en discuter avec leurs proches. puisque 90 % des IVG sont réalisés avant 10 SA. Cette question est aussi une bonne façon d’ouvrir le dialogue si la femme le souhaite. le temps nécessaire à chacune est variable. son caractère obligatoire (sauf pour les mineures). Il peut être également l’occasion d’une orientation vers une prise en charge psychologique à plus long terme quand la survenue de cette grossesse est révélatrice de conflits plus anciens et douloureux. En effet. peu changent d’avis. la demande est faite très précocement en France. Si l’entretien social auprès d’une conseillère conjugale ou d’une assistante sociale a perdu. LA DÉCISION ET LE TEMPS NÉCESSAIRE « Avez-vous encore besoin de temps pour prendre votre décision ? » devrait être la question préalable lors de la mise en route du processus conduisant à une IVG. Il peut alors aider à mettre au clair la décision et l’acceptation de cette décision. Librement choisi. cet entretien informatif n’a pas de caractère dissuasif selon la loi. mais en pratique. Quand les femmes arrivent dans le cabinet du médecin ou dans le centre d’IVG. Il trouve tout son intérêt pour celles qui sont dans une hésitation douloureuse et souhaitent en parler. » Il s’agit bien souvent alors de grossesses désirées voire programmées. 178 Au fil des consultations nement doit pouvoir se faire en toute quiétude. je n’ai pas terminé mes études » disent-elles parfois . . il ne s’agit pas alors de privilégier la méthode médicamenteuse rapidement accessible dans le cabinet du médecin et qui doit être faite avant 7 SA. l’enfant devenant alors le projet unique. la propension à avorter est forte. cet événement s’est inscrit dans la vie comme un événement important et n’est jamais banalisé. mais de rappeler que les deux méthodes sont efficaces et sûres.. quand survient une grossesse non prévue. et que l’aspiration. Interviennent aussi la temporalité dans le couple et la stabilité de la relation : « Je ne le connais que depuis quelques mois ». de grossesse ou de ménopause. C’est dans ces circonstances que l’on s’aperçoit que. 2001). L’échec contraceptif peut également se mettre au service de l’ambivalence. une IVG faite longtemps avant soit évoquée. INTERROMPRE OU POURSUIVRE UNE GROSSESSE ? Dans notre société. ou : « C’est trop tard. même si le vécu n’en a pas été dramatique. où la naissance d’un enfant ne se programme que si les bonnes conditions indispensables à l’accueil de l’enfant et à son éducation sont réunies (Donati et al. À l’inverse. l’absence de perspective professionnelle ou le peu d’investissement sur la scolarité pour les plus jeunes les conduisent à garder la grossesse. possible jusqu’à 14 SA laisse plus de temps à celles qui en ont besoin. Le désir conscient ou inconscient ne coïncide pas toujours avec la venue « raisonnable » d’un enfant. PLUS TARD PARFOIS Il arrive quelquefois qu’au détour d’une consultation de contraception. Les conditions de cet accueil sont diversement appréciées par les uns et les autres.. sociale et professionnelle. Devant une telle problématique. Poursuivre une grossesse qui n’était pas prévue n’est alors possible que si elle n’entrave pas la trajectoire affective. mes enfants sont grands et j’ai un projet professionnel ». mais certains éléments restent fréquemment retrouvés. 2001). La temporalité spécifique de l’enfant qui ne doit survenir ni trop tôt ni trop tard dans l’âge reste une de ces conditions : « C’est trop tôt. et l’enfant surprise vient parfois combler le « vœu indécis et hésitant de certains couples » (Donati et al. puisque 40 % des femmes auront au moins une IVG dans leur vie. Il arrive aussi que ce partenaire soit si totalement absent qu’il n’est pas mis au courant de cet « incident/accident ». il est clair que la prévention de ce type de problématique est encore plus aléatoire si on ne répond que par une énième prescription contraceptive sans y adjoindre une écoute très attentive et compassionnelle. et ce à tous les âges. Elles estimaient avoir eu de mauvaises relations avec leurs parents et les auteurs concluaient que ces IVG répétées constituaient une tentative d’échapper à cette fatalité et que. Faire et élever seule un enfant. LA PENSÉE MAGIQUE « Je voulais voir si je pouvais être enceinte » avouent parfois les femmes. il est fortement là dans la parole de la femme – « Il ne veut pas d’enfant tout de suite » . elles pensaient ne pas pouvoir répondre à leurs besoins. Si le compagnon n’est pas souvent physiquement présent lors de la demande d’IVG. votre fertilité est . Elle est parfois la conséquence d’une parole médicale maladroite : « À votre âge.Une demande d’interruption volontaire de grossesse 179 Les échecs de contraception révèlent souvent la composante relationnelle de son utilisation. reste une attitude minoritaire. Dans ces conditions. étaient en difficulté économique et qu’elles avaient des relations instables avec leurs partenaires. et la survenue d’une grossesse teste alors la fertilité ou plutôt l’infertilité supposée. mais les IVG itératives touchent une minorité d’entre elles. La survenue d’une grossesse teste parfois avec plus ou moins de succès la force du lien avec le compagnon. et ceux-ci mettaient en lumière la complexité psychologique de ces situations. En 2001. sans l’appui du partenaire. L’IVG est un phénomène fréquent. ou : « Il ne veut pas d’autres enfants ». Ils montraient que ces femmes vivaient le plus souvent seules. malgré leur fort désir d’avoir des enfants. Cette inquiétude est fréquemment retrouvée. car il ne peut être question pour la femme de tenir compte de l’avis d’un partenaire non investi affectivement et avec lequel aucun projet n’est envisageable. Ce choix relève plus souvent de circonstances (l’âge et la fin de la fertilité) que d’une décision délibérée. Cette situation est souvent mal comprise des professionnels de santé qui ne voient dans la répétition que l’irresponsabilité des femmes et la banalisation d’un acte dont l’accessibilité est jugée trop facile. l’Inserm a mené des entretiens avec des femmes ayant eu au moins 3 IVG. dans ses recommandations. rappelle l’importance « de dispenser à chaque patient une information pertinente et de qualité. Ce peut être aussi le cas de grossesses issues de rapports forcés. dans un grand nombre de cas. Aider à choisir une méthode d’IVG L’Anaes. En France. préconise que le choix soit donné aux patientes puisque les deux techniques sont efficaces et sûres dans les conditions sanitaires actuelles. ou d’une angoisse liée à une pathologie ancienne (un antécédent d’infection génitale). quand c’est encore possible et souhaité par la patiente. dans un document sur l’information aux patients (2000). elles doivent se gérer en tenant compte des limitations de la loi française qui n’autorise pas l’interruption de la grossesse au-delà de 14 SA pour des raisons psychosociales. car l’angoisse et la culpabilité empêchent les femmes d’en parler. ou parfois encore. Grande-Bretagne. tout au long du processus de soin. Cette limitation oblige. le recours à un pays plus libéral en matière d’IVG (Pays-Bas. selon l’enquête de l’Inserm réalisée en 2000. De plus. et leur permettant d’opter pour ce qui leur semble le mieux leur convenir. Ce déni gagne parfois l’entourage proche qui n’a pas vu ou pas voulu voir les modifications du corps. sont souvent tardives et nécessitent une prise en charge spécifique. une certitude non raisonnée de leur impossibilité à concevoir sans comprendre que leur absence de conception avant cette grossesse résulte simplement d’une contraception globalement bien conduite. les demandes d’interruption de grossesse sont faites suffisamment tôt pour que. Ces demandes d’IVG. L’Anaes (2001). le choix entre l’avortement chirurgical et l’avortement médicamenteux soit possible.180 Au fil des consultations faible ». dans un contexte dramatique. LE DÉNI DE GROSSESSE Les circonstances de survenue d’une grossesse peuvent la rendre indicible. C’est le cas de ces très jeunes filles qui sont dans le déni de ce qui se passe dans leur corps. Pourtant. Cette information sur le choix de la méthode d’IVG s’inscrit dans un climat relationnel alliant écoute et prise en compte des attentes des patientes. seulement un tiers des . en tenant compte des besoins propres de ce dernier et du respect dû à sa personne ». Espagne). 1). perforation) Durée du saignement : 10-13 jours Durée du saignement : 8-10 jours Douleur ++ Douleur + Suivi +++ Suivi + La patiente a un meilleur contrôle de la Le praticien a un meilleur contrôle méthode de l’acte . Comparaison des deux méthodes d’IVG Avortement médicamenteux Avortement chirurgical À partir de 4 SA À partir de 6-7 SA Jusqu’à 7 SA Jusqu’à 14 SA N’est pas invasif Technique invasive Évite l’anesthésie Anesthésie locale ou générale Durée de l’évacuation va de quelques heures à quelques jours Durée de l’évacuation rapide Succès : 95-98 % Succès : 99 % Les complications sévères sont rares Les complications sévères sont rares. l’acte chirurgical.1. Elles font alors le choix de l’avortement médicamenteux qu’elles jugent plus « naturel ». car les établissements publics ou privés n’offraient pas toujours toutes les alternatives. lors de l’avortement médicamenteux. La patiente doit être aidée dans ce choix par une information sur les avantages et les inconvénients de chacune des méthodes (tableau 9. le passage au bloc opératoire ne permet pas le plus souvent une présence extérieure alors que. reste un geste invasif. mais peuvent inclure des complications mécaniques (plaie du col. Pour d’autres. leur permettant d’avoir un contrôle sur ce qui leur arrive. Certaines femmes préfèrent un acte chirurgical ponctuel. En effet. La liberté de choix est un élément d’acceptation des inconvénients de chaque méthode. Tableau 9. la procédure à domicile permet au partenaire d’être un soutien et une aide appréciables tout au long du processus. et redoutent les saignements et les douleurs induits par les médicaments. La possibilité pour le partenaire (ou de tout autre personne choisie par la patiente) d’être présent peut aussi être un élément de la décision.Une demande d’interruption volontaire de grossesse 181 femmes ont pu choisir la méthode d’avortement. préservant mieux leur intimité. même de très courte durée et fait sous anesthésie locale. car il serait imprudent de proposer un avortement en ambulatoire. les protocoles sont différents. mais la tolérance est-elle la même quel que soit le terme de la grossesse ? Concernant l’avortement médicamenteux précoce. Un progrès en matière de thérapeutique se traduit habituellement par une meilleure efficacité et une meilleure innocuité. Du côté des médecins. en respectant plus leur intimité et en leur laissant plus d’initiative. Du côté des femmes. une prise en charge dans le cabinet de leur médecin répond à une réelle demande. À ce terme.182 Au fil des consultations L’IVG médicamenteuse en passe de devenir la méthode de référence ? Quinze ans d’expérience ont montré que les deux techniques sont efficaces et sûres. mais aussi par une meilleure tolérance par le patient. certaines équipes préconisent la méthode médicamenteuse exclusivement au-delà de 12 SA. Le risque de ce dispositif reste de vouloir répondre trop vite à la demande. Ces conditions leur permettent aussi d’avoir des IVG plus rapidement que dans les centres hospitaliers. nécessitant une hospitalisation. L’avortement médicamenteux est un progrès pour la santé des femmes et pourrait certes devenir la méthode de référence à condition que la pratique du choix éclairé trouve là tout son sens. douleurs et saignements au cours de l’expulsion devenant beaucoup moins tolérables. si en 2004. Émotionnellement difficile pour les femmes par la visualisation du fœtus lors de l’expulsion. sans laisser le choix de la méthode et en ne laissant pas le temps nécessaire à la décision ni à l’intégration psychique de la décision. 42 % des IVG étaient faits par la méthode médicamenteuse. tout va dépendre de l’intérêt qu’ils vont manifester à s’impliquer et à offrir à leur patiente ce service de proximité. Pour les IVG plus tardives. il est probable que les nouvelles conditions législatives de 2001-2004 qui autorisent la prise en charge des IVG jusqu’à 7 SA dans les cabinets privés devraient augmenter ces chiffres. La possibilité de se confronter plus précisément aux échecs de contraception et aux patientes demandant une IVG et de les accompagner tout au long du processus de décision puis de la procédure médicale pourrait leur permettre de mieux comprendre la place de l’avortement dans la vie des femmes. la technique médicamenteuse à ce terme ménage le confort et la sensibilité du médecin qui est techniquement moins impliqué que lors d’une aspiration. . L’État a largement dépénalisé.. les femmes ne se sentiront pas autorisées à en parler sans honte. – Information des patients. Pour en savoir plus ANAES (2000).Une demande d’interruption volontaire de grossesse 183 Conclusion La maîtrise parfaite de la contraception est difficile sur le long terme pour toutes les femmes soumises à des injonctions contradictoires entre désir d’enfants ni trop tôt. et FINER L. Paris. aménagé la loi et accepté le principe du remboursement de la contraception et de l’avortement . http ://www. l’avortement est rarement reconnu comme une prérogative de l’individu mais comme une mesure exceptionnelle recevant l’accord tacite de l’État par l’intermédiaire du médecin. et fait bien partie de l’histoire personnelle et sociale des femmes. ANAES (2001). – Abortion in women’s live. Recommandations destinées aux médecins. Celle-ci reste. quelles que soient les circonstances. pourtant. BENSON GOLD R. BOONSTRA H.fr. BOLTANSKI L. (2005). ni trop tard. coll. partenaire plus ou moins d’accord ou indifférent. Une sociologie de l’engendrement et de l’avortement. « la légalisation de l’avortement n’a pas eu pour effet d’ouvrir la possibilité de parler facilement de cet acte non seulement dans l’espace public mais aussi dans l’espace privé ». de la soutenir et de l’accompagner.. même à leur médecin. ambition professionnelle et réalités économiques. Tant qu’il n’y aura pas de réelle acceptation sociale de cet événement.anaes. – Prise en charge de l’interruption volontaire de grossesse jusqu’à 14 semaines. (2006). Une parole plus libre sur ce sujet. CORY R. « NRF Essais ». et c’est donc bien à la femme de choisir et aux médecins qui la prennent en charge de l’informer. une décision individuelle.B. Gallimard. et l’avortement reste largement tabou. La stabilité des chiffres d’IVG malgré une forte médicalisation de la contraception démontre pourtant que le recours à l’IVG est à considérer comme un événement dans la vie reproductive. . – La Condition fœtale. Selon Luc Boltanski (2005). Guttmacher institute. des campagnes nationales plus incisives et plus nombreuses sur la contraception pourraient pourtant permettre de diminuer la survenue des grossesses non prévues et le recours à l’IVG.D. Paris. 184 Au fil des consultations CROST M., GAREL M. et KAMINSKI M. (2001). – « IVG répétées, précarité sociale, précarité affective », in JOUBERT M., CHAUVIN P., FACY F. et RINGA V. (dir.), Précarisation, risque et santé, Paris, INSERM : 229-240. DONATI P., CEBE D. et BAJOS N. (2001). – « Interrompre ou poursuivre la grossesse ? Construction de la décision », in BAJOS N., FERRAND M. et l’équipe GINE (dir.), De la contraception à l’avortement. Sociologie des grossesses non prévue, Inserm. FAUCHER P. et HASSOUN D. (2005). – Interruption volontaire de grossesse médicamenteuse, Paris, Estem. HASSOUN D. (1997). – « Histoire de la légalisation de la contraception et de l’avortement en France », in CESBRON P. (dir.), L’Interruption de grossesse en France, Paris, Flammarion Médecine-Sciences. MEMMI D. (2004). – Faire vivre et laisser mourir. Le gouvernement contemporain de la naissance et de la mort, Paris, La Découverte. MOREAU C., BAJOS N. et BOUYER J. (2004). – « Access to health care for induced abortions : analysis by means of a French national survey », Eur J Public Health, 54 (3-4), 439-454. ROSSIER C. (2003). – « A new model to understand the process leading women to abortion », Communication présentée à la European Population Conference, 26-30 août 2003, Varsovie, Pologne. VILLAIN A. (2006). – « Les Interruptions volontaires de grossesse en 2004 », Études et Résultats, DREES, n° 522, septembre. 10 Les douleurs pelviennes chroniques et les douleurs du sexe S. MIMOUN La douleur pelvienne chronique reste un motif de consultation assez fréquent en gynécologie. Selon Dellenbach et al. (1996), elle concerne 10 % des consultations de gynécologie aux États-Unis et elle est à l’origine de 40 % des cœlioscopies et de 12 % des 600 000 hystérectomies. Actuellement, la plupart des études cherchent à déterminer la part organique ou psychogène de cette symptomatologie, pour décider des différents protocoles thérapeutiques. De nombreuses théories ont été mises en avant pour expliquer ces douleurs. Le gynécologue aura une autre « grille de lecture » que le gastro-entérologue, le psychiatre ou le psychothérapeute ; le biologiste se distinguera de l’éthologue ou de l’anthropologue, etc. Toutes ces théories apportent leur contribution à l’édifice de compréhension ; elles sont donc toutes utiles, mais il ne nous faudra pas perdre de vue que le premier but du clinicien est de ne pas oublier la femme qui est « derrière » la douleur. La douleur, lieu de pratiques médicales Quand une femme se plaint de douleurs gynécologiques chroniques et qu’elle consulte un gynécologue, celui-ci est en général partagé entre la recherche rigoureuse de la moindre lésion microsco- 186 Au fil des consultations pique qui aurait pu passer inaperçue jusqu’alors, et la tentation de qualifier de psychogène la douleur de cette femme. Il est logique et légitime que, devant une pelvialgie chronique, le praticien recherche dans l’arbre diagnostique une infection génitale chronique, une dystrophie ovarienne ou des kystes de l’ovaire, une endométriose, des varices pelviennes, un cancer génital infecté ou à un stade avancé. Dans la zone pelvienne, il peut y avoir aussi des lésions d’organes non gynécologiques (douleurs vésicales, digestives, ou rhumatologiques). Mais quand le médecin se place du côté du chercheur biologique, il risque de n’étudier que l’objectivité du phénomène en ignorant la subjectivité et l’état de conscience qui en résulte. Si l’on entre dans le monde mécaniste d’où émerge la sensation de douleur, on rencontre des événements périphériques : influx nerveux, transmissions chimiques, signaux ascendants, compétitions entre fibres, modulations descendantes, mobilisations affectives, etc. La douleur est une émotion et, à ce titre, elle nous renvoie à une autre manifestation de notre affect, celle du plaisir. Elle constitue une expérience existentielle subjective, chargée de nombreuses significations psychologiques, émotionnelles et somatiques désagréables, quelquefois même vécues comme menaçantes. Le phénomène douloureux, complexe neuropsychophysiologique, se caractérise de fait par les diverses interprétations de la personne qui en souffre. Plus qu’un symptôme, la douleur nous semble être un mécanisme réactionnel physique et psychique de l’individu à une maladie ou à un traumatisme, réel ou supposé ; c’est la raison pour laquelle toute approche de la douleur doit passer par une communication verbale et non verbale avec la patiente. L’écoute et ses difficultés en consultation En pratique, les multiples facettes organiques et psychologiques peuvent induire des comportements diamétralement opposés. Certains médecins n’auront qu’un activisme technique, d’autres s’abstiendront de toute thérapeutique, voire rejetteront la patiente en Les douleurs pelviennes chroniques et les douleurs du sexe 187 considérant qu’il ne s’agit « que » de douleurs psychogènes. Soulignons que, pour la malade, c’est un non-sens. Pour elle, la douleur psychogène n’existe pas. Elle a mal dans son corps, donc elle vient consulter un médecin pour qu’il l’aide à vaincre cette douleur. Si la douleur est qualifiée de psychogène, la patiente le vit comme une non-« validation », une non-acceptation de sa plainte. D’autant que ce diagnostic est souvent accompagné d’un renvoi (plutôt que d’un envoi) chez le psychiatre ou le psychothérapeute. Si une femme n’a pas de lésion organique et qu’elle manifeste son mal-être par des douleurs physiques, c’est sur ce terrain qu’il sera plus facile de l’accompagner. Si elle a des lésions organiques, cela ne signifie pas qu’il ne puisse pas y avoir une implication psychologique de cette douleur dans son histoire. Souvent, la femme s’accroche de manière « vitale » à son symptôme. Il lui sert en fait de « carte d’identité », et elle supporte très mal que l’on soit autre chose qu’un technicien. Elle réclame que l’on reconnaisse qu’elle souffre de son corps. Certaines femmes consultent un médecin pour déposer leur corps dans le cabinet médical afin qu’il le répare, comme si elles-mêmes n’étaient pas concernées. Chez ces femmes, il y a comme une distance entre leur corps, objet de la consultation, et elle-même, sujet consultant. Elles semblent tout attendre du savoir et du pouvoir qu’elles prêtent pour un temps au médecin. Et s’il y a un « échec », cela les rend d’autant plus agressives qu’elles ne se sentent pas en cause dans ce qui leur arrive. De notre place de praticien, il nous semble indispensable de repérer un tant soit peu les divers codes de compréhension de cette algie chronique, de prendre en compte les difficultés d’écoute pour mieux les contourner, afin de mettre en place une prise en charge thérapeutique, spécifique et particulière, adaptée au cas par cas. E. Ferragut (1995) nous dit que, dans le cas de la composante organique dominante, « il faudra savoir évaluer où se situe la demande et ne pas répondre systématiquement par une prescription d’antalgiques sous prétexte que la maladie causale est organique ». Si la douleur organique est correctement évaluée et traitée, la dimension psychologique qui l’accompagne (anxiété, dépression, etc.) peut être mieux entendue, et la patiente peut être calmée parfois avec des doses médicamenteuses diminuées. 188 Au fil des consultations Dans le syndrome douloureux chronique à composantes psychiques dominantes, ce n’est plus la douleur qui est au-devant de la scène, mais la façon dont la patiente en parle et nous la présente. E. Ferragut distingue deux types de populations de patientes : – avec douleurs « centrifuges » (la douleur est destinée à autrui, à l’environnement, à la famille, etc.) ; – avec douleurs centripètes : celles-ci ne sont pas tant destinées à autrui qu’une « façon d’être au monde dans une dynamique de repli narcissique ». La douleur vient ici atténuer la souffrance indicible d’un manque à être et aide à survivre. Précisons avec E. Ferragut que, bien que le rôle du médecin et de tout soignant soit de soulager la douleur, il ne doit pas oublier que la douleur chronique assure parfois une fonction de défense ayant une réelle valeur protectrice pour le sujet. Il faut donc être prudent et ne pas chercher à la faire disparaître à n’importe quel prix. Et revoyons les bénéfices secondaires classifiés par cet auteur : – obtenir des gratifications informulables (vis-à-vis de la dépendance affective) ; – donner une excuse honorable à des manques et à des demandes inacceptables consciemment ; – s’aménager un espace vital hors de l’envahissement de l’autre ; – lâcher le masque social sans faillir ; – permettre un évitement (le handicap soustrait le sujet à certaines situations non assumables par lui). Il existe aussi des traits communs : – une demande d’attention jamais satisfaite ; – une immaturité et une dépendance excessive vis-à-vis de l’entourage ; même si ce besoin régressif est parfois minimisé, la douleur est alors « la cause » qui explique tout ; – une agressivité sous-jacente qui peut être importante ; – une fréquence particulière d’angoisse de séparation, la présence de failles narcissiques où la douleur fait office d’étayage personnel et relationnel chez les patientes fragiles ; – la notion de carence affective précoce retrouvée en proportion élevée dans la population des malades douloureux chroniques, et confirmée lors d’enquêtes épidémiologiques ; . L’utérus a. C’est pourquoi l’investigation de la douleur ne devra pas se faire selon un modèle linéaire de compréhension. Le rôle du gynécologue un tant soit peu sensible à l’abord psychologique pourrait être : – d’éviter les surenchères médicales tant diagnostiques que thérapeutiques. – les facteurs psychologiques tenant à la personnalité de la malade. les douleurs fonctionnelles sont très fréquentes en gynécologie. De ce fait. que ce soit par accident ou maltraitance. psychologiques. – les facteurs d’ordre événementiel qui déstabilisent le sujet lorsque ses défenses sont débordées. une place sans commune mesure avec sa taille réelle et chacun sait par ailleurs que l’angoisse peut avoir des effets douloureux sur le corps. dans l’esprit des femmes. – d’écouter la plainte et de contenir l’angoisse . un manque de sensation agréable génératrice de plaisir. sociologiques ou pécuniaires. Indépendamment des causes organiques responsables de ces douleurs. – de pouvoir assurer l’accompagnement psychologique des malades organiques par une « bonne » relation médecin-patiente. Cette zone est chargée de mystère et de fantasmes. à son histoire ainsi qu’au conflit intrapsychique à l’œuvre et aux défenses mises en jeu. C’est le lieu des rapports sexuels. la sphère gynécologique a une tonalité affective et émotionnelle qui dépasse largement les causes médicales. du développement du fœtus. La douleur a-t-elle un sens ? Pour la femme. Selon E. Ferrahut.Les douleurs pelviennes chroniques et les douleurs du sexe 189 – des antécédents de violence sur le corps. – les bénéfices primaires ou secondaires quels qu’ils soient. ainsi qu’un manque de gratification physique. il y a des sens qui nous échappent. de la conception. ainsi que le risque iatrogène . l’abord de la douleur chronique toujours au confluent d’une somation de problèmes devra prendre en compte : – les facteurs somatiques : réels ou simple épine irritative sur lesquels se décharge l’angoisse. – de mettre en évidence les principaux facteurs au-devant de la scène . Ou encore lorsque le point d’appel du traumatisme initial est lourd de sens. la part relationnelle de l’algie est souvent au premier plan. « superficielles » de ces douleurs. il semblerait ressortir de nombreuses études sociopsychologiques que les femmes ayant subi des abus sexuels dans l’enfance souffrent beaucoup plus fréquemment de douleurs gynécologiques (surtout de douleurs pelviennes).) . deuil.190 Au fil des consultations Même s’il est logique et légitime que. Sur un autre plan. Très schématiquement. le praticien recherche dans l’arbre diagnostique l’étiologie de cette douleur. voire la culpabilité vis-à-vis du plaisir sexuel sont fréquemment les premières causes immédiates. la patiente peut intimement lier ces deux événements. Lors de la mise en place du projet thérapeutique. L’agressivité vis-à-vis du partenaire. C’est encore plus évident lorsque l’événement marquant a été à l’origine de la douleur : une vaginite contractée à la suite d’un rapport adultérin du mari. par exemple une stérilité tubaire après une IVG. Toute douleur chronique a deux composantes : l’une objective qui correspond à l’étiologie médicale et l’autre affective. Il nous semble important de nous poser quelques questions concernant la place que le symptôme douloureux occupe dans l’économie psychique du sujet et de ce qu’il adviendrait s’il était supprimé. ce qui semble prédisposer à la douleur génitale chronique c’est la concordance dans le temps entre une lésion initiale et une tension émotionnelle due à un autre événement (rupture sentimentale. etc. Même si l’angoisse n’a pas participé à l’installation de la douleur. Quand elle touche la zone génitale. il ne faut pas oublier la tonalité affective et émotionnelle. par exemple. il est bon de chercher à savoir si la vie de la patiente ne sera pas perturbée par une perte significative des bénéfices secondaires qu’elle tirait de sa maladie. devant une plainte douloureuse de la sphère gynécologique. À chaque tension inexprimable. il est évident qu’elle est un des facteurs importants du maintien de sa chronicité. Le rôle qu’une douleur invalidante peut parfois prendre dans la vie d’un patient et dans celle de son entourage familial n’est souvent pas apprécié à sa juste valeur. associera volontiers une douleur chronique en « souvenir » de ce qu’il ne faut pas oublier. de ce fait. le refus. cet organe (devenu cible) risque de se manifester à nouveau par des douleurs. . etc. on ne peut plus rien pour ces patientes. Comme l’ont souligné Demière et al. le MMPI [Minnesota Multiphasic Personnality Inventory]. etc. d’anxiolytiques. le WAIS. souvent..). les tests de personnalité.). Mais le risque iatrogène est toujours possible. Dans ces cas. Ce peut être un moyen inconscient d’instaurer un contact humain (avec leur médecin par exemple). etc. pour certaines personnes. Quel abord ? Nous pensons que. la douleur est le seul moyen d’entrer en contact avec les autres. – les plaintes répétées sont aussi une forme camouflée d’agression contre les autres (les parents. mais l’on augmente aussi nettement l’effet nocebo. il en existe qui ont une visée diagnostique et thérapeutique . le mari. le test de Rorschach. Le psychanalyste Thomas Szasz (1986) a résumé ainsi les buts psychologiques de la douleur : – l’expérience de la douleur exprime un besoin d’aide (et par conséquent est aussi une défense intrapsychique contre l’angoisse) . non seulement on ne se sert pas de l’effet placebo. pour prendre en charge les plaintes douloureuses chroniques en gynécologie.Les douleurs pelviennes chroniques et les douleurs du sexe 191 Il est bon aussi de souligner que. il faudrait un médecin qui ne soit pas ennuyé par ce symptôme aux multiples facettes. d’antidépresseurs. le médecin. Avec le chirurgien. la douleur iatrogène d’origine chirurgicale est d’autant plus grave que. À côté des tests psychologiques (évaluation d’anxiété [HamiltonHard]. d’anticomitiaux. En conclusion. qui sache . la relation peut être un peu plus problématique encore. cités par Ferragut (1995). de dépression [Beck]. Mais de nombreux biais existent du fait même de l’effet placebo. ce sont les tests médicamenteux ou « traitements d’épreuves » avec la prescription d’antalgiques périphériques ou centraux. Il vaut toujours mieux voir ces patientes avant la chirurgie qu’après. – la communication de la douleur (en le disant à autrui) est une demande d’aide . aucun test d’organicité n’est totalement fiable et « validant ». Il nous faut avoir tout cela clairement à l’esprit avant d’entreprendre une thérapeutique. Elle comprend mieux les interventions du médecin. Lors des rencontres médecin-patiente. Nous avons été amenés à retrouver une étiologie organique (d’endométriose en particulier) chez des femmes dont le bilan avait été fait « une fois pour toutes » et qui avaient été classées un peu trop hâtivement hors du champ médical classique. un temps d’élaboration. Le refoulement n’a pas tenu devant le réveil de la sensation corporelle. l’aspect du visage au moment de l’examen. Il n’est pas rare que le discours change quand on passe du bureau à la salle d’examen. les questions générales qui laissent le champ libre aux associations et un espace. Prise en charge thérapeutique Rechercher les éléments diagnostiques de ces troubles fait partie de la démarche habituelle de tout médecin. il vaut mieux partir du symptôme douleur qui est le motif de la consultation. Chemin faisant. son histoire. . Par ailleurs. elle y participe. quand on touche certaines zones ou quand on évoque certains événements. Lors des premières consultations. lors de l’hystérographie. et tourner autour en spirale. Mais l’approche multidisciplinaire est particulièrement nécessaire ici. pour éviter de rompre la relation. Ainsi. réductrices. elle se met moins en dehors de la consultation. le temps de la maladie prend un autre sens pour elle. en partant du symptôme mis en avant par la patiente.192 Au fil des consultations attendre sans se précipiter sur un traitement et qui veuille bien entendre ce qui se dit autour de ce symptôme. il est intéressant de privilégier les questions ouvertes. les mimiques. tout comme mettre en place une thérapeutique adaptée. on arrive parfois aussi à reconnaître la part organique de son trouble. Les gestes. peuvent être riches de renseignements. ses émotions. afin de connaître le vécu de la patiente. Certaines choses ne se disent d’ailleurs que lors de l’examen clinique ou de certains examens complémentaires. en attente passive et irresponsable de tout ce qu’on peut lui proposer. cette patiente qui. plutôt que des questions trop précises. se met à sangloter et à raconter les circonstances d’un avortement qu’elle a subi plusieurs années auparavant et qu’elle pensait avoir bien vécu. qui associent les moyens médicamenteux certes. ou encore de difficultés relationnelles. Pour ce troisième point. – en cas de carence hormonale. quand une femme consulte pour ces troubles. moteur du changement. pour ces femmes qui ont mal dans leur corps. Les conseils et le soutien du médecin se doivent d’être aussi détaillés que son ordonnance. mais aussi une approche psychosomatique pour aider ces femmes à percevoir les conflits sous-jacents exprimés par leur plainte. les sexothérapies et les divers types de psychothérapies. cela peut même induire une résistance à toutes les thérapeutiques qui vont suivre. quand le médecin rencontre des dyspareunies chroniques ou une sécheresse vaginale persistante (c’est-à-dire des troubles qui ont de fortes chances d’avoir des composantes psychologiques associées). associés aux traitements symptomatiques. il faut s’appuyer sur ce que l’on sait de la physiologie (et des conseils que celle-ci nous pousse à donner). Qu’il s’agisse de frustration sexuelle qui ne peut se formuler. le traitement dépend bien sûr de la cause . et s’il est répété à plusieurs reprises et toujours sans succès. En fait. Pour apaiser ce type de plainte. il faut généralement des consultations répétées. sont indispensables. mettre en place un traitement symptomatique ne suffit pas le plus souvent. – comme il s’agit de troubles affectant la sphère sexuelle et psychoaffective. il nous faut garder clairement à l’esprit que. c’est presque toujours sur le plan somatique qu’il nous faut débuter la prise en charge et installer la relation de confiance médecin-patiente. la plainte mise en avant peut être alors un appel à l’aide. En effet. plus encore même quand le contexte . le traitement général et/ou local sera mis en place s’il n’y a pas de contre-indications .Les douleurs pelviennes chroniques et les douleurs du sexe 193 En pratique. il devrait se demander s’il souhaite prendre en charge complètement cette patiente. de désamour de soi. ou s’il ne préfère pas faire le tri diagnostique et l’adresser à un confrère. tant pour les aspects physiologiques organiques que psychologiques. il convient de mettre en place les moyens thérapeutiques suivants : – en cas de pathologie organique. Pour pouvoir aider ces femmes. et sur un certain nombre d’éclairages que la psychologie peut nous apporter. il est parfois indispensable de résoudre d’abord d’éventuels problèmes relationnels avec le conjoint. au début de leurs troubles. qui cherchent à s’exprimer à travers ces symptômes. il est indispensable de soulager le symptôme « insatisfaction sexuelle » dans son ensemble. en effet. Cependant. les femmes se . Mais pour cela. hypnose. C’est pourquoi une formation à l’approche des difficultés sexuelles est souhaitable pour le médecin afin de compléter le traitement médical. Dans ces cas. L’information donnée à la femme. la prise en compte plus directe de la problématique sexuelle et conjugale aide parfois à éclaircir et à résoudre les conflits latents. sans prendre en compte le fait qu’il s’agit aussi et d’abord d’un symptôme sexuel. il faut pouvoir aider la patiente à sortir de la loi du tout ou rien. Le symptôme douloureux est bien placé pour servir de rempart contre les rapports sexuels. Très souvent. dynamise les patientes et les couples qui se sentent soutenus par ces moyens thérapeutiques. Une thérapeutique sédative ainsi que des méthodes psychocorporelles (relaxation. Cette approche globale. donc d’entreprendre une psychothérapie de couple. sophrologie. etc. ce sont des troubles plus inconscients qui peuvent gêner la résolution du symptôme. loi qui la maintient dans l’attente d’une cessation complète de la douleur avant qu’elle ne s’autorise à tenter la recherche du plaisir. Aussi. D’autres fois. d’autant que nous savons que le plaisir est le meilleur antidouleur. L’objectif premier de la thérapie est de ne pas aggraver le symptôme par des actions chirurgicales. Dans de nombreux cas.) peuvent être associées aux conseils sexothérapiques.194 Au fil des consultations est angoissant (douleur post-intervention mutilante pour cancer par exemple). la modification des perceptions locales grâce aux divers traitements aident la patiente à croire à nouveau à sa guérison et à bien vouloir se prendre en charge. n’oublions pas qu’indépendamment de toute prescription. ou même par des actions médicales trop ponctuelles et limitées (comme le fait de prescrire uniquement des ovules ou des crèmes pendant des semaines). l’hypnose éricksonnienne est un excellent moyen thérapeutique. médicale et psychologique. ce qui évoque la nécessité d’une prise en charge psychanalytique plus introspective (avec un autre thérapeute). Pour prendre en charge la douleur. l’impression d’impuissance thérapeutique est en général éphémère. dans une escalade thérapeutique qui ne peut qu’induire une escalade de la résistance du symptôme. l’agressivité et le renvoi de la patiente. La Presse Méd. c’est la raison pour laquelle toute approche de la douleur doit passer par une communication verbale et non verbale avec la patiente. Quelquefois cependant. il apparaît clairement que le symptôme a une fonction dans la dynamique psychique qu’il est utile de respecter. – La Dimension de la souffrance chez le malade douloureux chronique. réel ou supposé . (1996). (1995). complexe neuro-psycho-physiologique. n° 25 : 615620. C’est par cette communication que la prise en charge thérapeutique de la douleur et/ou de l’insatisfaction sexuelle pourra être mise en place. le médecin doit croire à cette douleur et au potentiel de changement de la patiente. Masson. si tant est qu’on y parvienne. que la personnalité du médecin et sa compétence psychologique sont des facteurs thérapeutiques au même titre que sa compétence technique. la douleur nous semble être un mécanisme réactionnel physique et psychique de l’individu à une maladie ou à un traumatisme. Le phénomène douloureux. puisque la douleur est ici « un moindre mal » et que sa suppression. dans ce domaine. . Pour en savoir plus DELLENBACH P. Dans ce contexte. sans aucun recul. fait courir le risque d’une décompensation psychologique. il peut agir au moins sur la dimension psychologique de la perception de cette douleur. Plus qu’un symptôme. FERRAGUT E. et HAERINGER M. De ce fait. L’objectif thérapeutique n’est alors plus le même.T. c’est-àdire la souffrance. si on ne se laisse pas gagner par le découragement. On se rend vite compte. La mise au point d’un « programme thérapeutique » les aide et elles reprennent confiance. Paris. se caractérise de fait par les diverses interprétations de la personne qui souffre. ou encore si on ne se lance pas.Les douleurs pelviennes chroniques et les douleurs du sexe 195 sentent dépassées par leurs symptômes qui les bloquent et les obligent à « tourner en rond ». – « Douleur pelvienne chronique : l’expression d’un problème psychologique ». B. et DELAMATER J. (1997).J.). et DUBUISSON J. SPIRA A. Paris. PANIEL B. Douleur et plaisir. La Douleur en gynécologie.S. – Traité de gynécologie-obstétrique psychosomatique. . Paris... – « Psychological aspects : attitudes toward contraception ». MIMOUN S. (1997). SZASZ T. et le groupe ACSF (1993). New York. McGrawHill. (dir. La Documentation Française. BAJOS N. (1986). HADDAD B. et MENEUX E. Flammarion Médecine-Sciences. – Les Comportements sexuels en France. (1999). – « Les Dyspareunies :approche gynécologique ». BELAISCH-ALLART J. Arnette–Blackwell... in Understanding human sexuality. Paris. BENHAMOU D.196 Au fil des consultations HYDE J. Paris. in CHAPRON C. Payot. Ces dernières sont multiples mais les plus fréquentes sont au nombre de quatre : – l’anorgasmie .11 Les dysfonctionnements sexuels féminins S. À côté de celles-ci. MIMOUN Pour la femme. non dites. existent les plaintes plus masquées.) qui sont à l’origine des anorgasmies. ce sont des troubles masculins (troubles érectiles. le gynécologue est le spécialiste de l’appareil génital. etc. celle-ci peut entraîner un manque de lubrification vaginale. éjaculation prématurée. non formulées. comme certaines douleurs pelviennes ou douleurs vulvaires chroniques (voir chapitre 10). Quelquefois. Absence de désir Ces femmes peuvent éventuellement avoir du plaisir si le contact sexuel a lieu. Décrivons succinctement ces troubles. donc de l’appareil sexuel pense-t-elle. on connaît la part importante qui revient aux facteurs psychologiques et aux interrelations entre ces différents troubles : l’anorgasmie répétée favorise l’absence de désir. C’est pourquoi il est devenu habituel en consultation de gynécologie que des femmes viennent spécifiquement pour des plaintes sexuelles. absence d’éjaculation. ce qui risque d’induire des dyspareunies. Parmi les causes de ces troubles. mais elles n’ont pas l’envie qui les mettrait en demande . –les dyspareunies . – le vaginisme. – les troubles du désir . voire qui ont une véritable répulsion du contact physique. 33 % parfois). Anorgasmie L’anorgasmie est l’absence d’orgasme . on trouve une incapacité persistante ou périodique d’atteindre ou de maintenir une excitation sexuelle suffisante. il est classique de constater que certaines femmes ont un certain désir. 21 % parfois) des femmes interrogées dans l’étude ACSF. qu’elles considèrent comme n’étant pas le « vrai » orgasme. on peut trouver des causes organiques. même s’il n’aboutit pas à l’orgasme. Il est important de souligner et de leur dire que plus de 80 % des femmes ont un orgasme déclenché par le clitoris. c’est-à-dire des femmes qui ne sentent aucun plaisir quand on les touche. La répétition de cette anorgasmie entraîne un désintérêt sexuel et une baisse ou une absence de désir. comme un diabète avec les facteurs vasculaires. jeunes et moins jeunes. mais elle n’ont pas d’orgasme. une castration .198 Au fil des consultations de rapport sexuel. Parfois. La plupart de ces femmes ont malgré tout du plaisir. il s’agit de dysorgasmie (difficultés à obtenir un orgasme). au moins de temps en temps. Cela différencie ces femmes des patientes anaphrodisiques. donc une femme qui est dans ce cas n’est pas une femme anorgasmique. Troubles du désir Dans les troubles de l’excitation sexuelle. 1993) déclarent avoir. Plus de 40 % des femmes interrogées dans l’étude sur le comportement sexuel des Français ACSF (Analyse des comportements sexuels en France. Au début d’une nouvelle relation. plus rares. À l’origine de ces troubles. Cela peut s’exprimer par un manque d’excitation subjective ou de lubrification vaginale. consultent car elles ne veulent plus se contenter d’un orgasme clitoridien. vulvaire ou d’autres réponses du corps (sensation de chaleur dans le bas-ventre par exemple). cela concerne 32 % (11 % souvent. une absence ou une insuffisance de désir (8 % souvent. De nombreuses femmes. qui par elle-même entraîne une irritation donc une douleur. 24 % des femmes interrogées dans l’enquête précitée se sont plaintes de l’existence de dyspareunies (5 % souvent et 19 % parfois). par déficience hormonale. de l’hymen et du vagin. Cela souligne l’insatisfaction sexuelle. nous l’avons dit. Les dyspareunies superficielles sont les troubles sexuels dont les causes organiques sont les plus fréquentes (infectieuses. néanmoins. une hyperprolactinémie. complications de fibromes. qui peuvent gêner ou empêcher la pénétration vaginale. dermatologiques. un relâchement des muscles périvaginaux. il est utile de rechercher sur le plan organique les rares malformations de la vulve. infections. etc. la dyspareunie est liée. On distingue habituellement la dyspareunie superficielle (douleurs à l’entrée du vagin) qui peut parfois empêcher la pénétration vaginale. quant à elles. Enfin. et la dyspareunie profonde (douleurs au fond du vagin). . Voyons tout d’abord les dyspareunies. On différencie les dyspareunies primaires (qui ont toujours existé) et secondaires (qui sont survenues après une période sans douleurs). allergiques. des séquelles de la chirurgie du périné.). parfois. cicatricielles après un accouchement ou une intervention chirurgicale. sont dues aux mêmes causes que les douleurs du bas-ventre (douleurs pelviennes. comme après la ménopause. voire expliquée par une absence de lubrification vaginale. endométriose. ou l’absence de désir. il ne faut pas oublier que la part des facteurs psychiques est toujours présente et parfois même prépondérante.Les dysfonctionnements sexuels féminins 199 chirurgicale. kystes. il est utile de noter que. Les dyspareunies profondes. où l’atrophie des muqueuses vaginales et vulvaires rend la lubrification plus rare). Dyspareunies Il s’agit. utérus rétroversé. En cas de dyspareunies primaires. de rapports sexuels douloureux ou difficiles . Ces causes organiques doivent toujours être recherchées avec soin . Il est fréquent que la demande de consultation n’ait lieu qu’après 10-12 ans (ou plus) de vie commune et le motif de la consultation est souvent la… « stérilité ». malformations vaginales. on s’assurera qu’il s’agit bien d’un vaginisme (contraction des muscles qui entourent le vagin) et non pas d’une dyspareunie par exemple. ou même du fait de rapports répétitivement douloureux. Cela concerne 12 à 17 % des femmes qui consultent pour une dysfonction sexuelle. etc. donc involontaire. Ce symptôme est la cause féminine la plus fréquente de « non-consommation de l’acte sexuel ». Anatomiquement. Dans ce cas.200 Au fil des consultations Vaginisme Il s’agit de la contraction réflexe. des muscles périvaginaux qui enserrent la partie basse du vagin à chaque tentative de pénétration. et le vaginisme secondaire qui peut survenir après un traumatisme psychologique ou sexuel. on distingue habituellement le vaginisme primaire (qui a toujours existé). Contrairement aux femmes qui se plaignent d’absence de désir. devant ce trouble. Au cours de l’examen clinique.). éjaculation très précoce. ou toutes les causes responsables des dyspareunies que nous avons décrites plus haut. C’est dire que l’examen gynécologique est ici très important pour éliminer une éventuelle cause organique : hymen scléreux et résistant. ce qui est le cas le plus fréquent. Mais l’examen gynécologique est aussi très important pour évaluer la gravité du vaginisme. les organes génitaux sont parfaitement normaux. Tout comme on s’assurera que la « non-consommation de l’acte sexuel » est bien due à ce problème et non pas à une cause masculine (difficultés d’érection. qui entraîne une douleur pouvant gêner plus ou moins fortement la pénétration. Le pronostic et la conduite à tenir ne sont en effet pas les mêmes. la femme vaginique apprécie le contact sexuel (tant qu’il n’y a pas de tentative de pénétration). Ici aussi. Comme si le symptôme sexuel lui-même n’était pas une gêne pour le couple qui s’adapte assez bien à cette situation. cela laisse a priori augurer une résolution . d’anorgasmie ou de dyspareunie. la rendant ainsi impossible. si l’examen gynécologique est possible. selon les sexologues américaines Hyde et Delamater (1997). Nous pouvons bien sûr isoler telle ou telle cause organique par esprit didactique. il y a toujours des facteurs psychologiques qui peuvent exister seuls ou associés aux facteurs organiques. il s’agit d’un manque d’expérience évidente chez les deux partenaires. voire par la famille peut avoir à elle seule un effet inhibiteur pour la patiente. tant il est vrai que ce genre de problème « prend la tête ». Parfois. à côté de ces causes. quand j’étais dans mon lit » dit Clarisse. Parfois. mais aussi son histoire personnelle. . chacun attendant de l’autre une aide qu’il (elle) ne peut lui apporter. c’est l’intrication permanente des facteurs physiques et psychologiques. ne serait-ce que comme conséquence du trouble. ce qui lui est arrivé médicalement. Pour les troubles sexuels primaires. etc. Cette peur (véritable phobie) peut être telle que même la simple évocation imaginaire de la pénétration est intolérable. chirurgicalement. accidentellement. mais dans les faits. mais aussi ce qu’il a entendu. ce qui est très important à noter. En fait. C’est pourquoi on a pu dire que si des causes organiques sont retrouvées quelquefois. le contexte dans lequel il a vécu et l’atmosphère dans lequel il a baigné. son enfance. Facteurs psychologiques Mais quel que soit le trouble sexuel. plus simplement. qui se plaint d’absence d’intérêt pour la sexualité. C’est le contraire si le simple contact de la vulve est vécu comme insupportable. c’est-à-dire non seulement ce que l’on a enseigné à l’enfant. ce qui lui pose des problèmes de couple. la non-acceptation du partenaire par les parents. les facteurs psychologiques existent toujours. avec tous les dits et non-dits vis-à-vis de la sexualité. Sans parler de la « maladresse » du partenaire qui n’est peut-être que mal à l’aise. nous nous devons de prendre en compte ce que nous raconte la femme (ou l’homme). « Je ressens encore la honte que m’a infligée ma mère quand elle a dit devant toute la famille qu’il fallait que je cesse mes habitudes de fille de mauvaise vie. comme disent les jeunes aujourd’hui. La particularité du domaine sexuel. ce peut être l’éducation sexuelle. sa relation avec son partenaire.Les dysfonctionnements sexuels féminins 201 assez facile du symptôme. c’est que souvent les femmes souffrant de vaginisme ont peur du coït. se sentant mis à l’écart par cette nouvelle situation. même si consciemment on ne désire pas d’autres enfants. lui aussi. à côté des modifications hormonales physiologiques. sa sensibilité sexuelle est bloquée. c’est l’homme qui. ce qui surprend et inquiète beaucoup de femmes et de couples qui. les réactions sexuelles sont plus lentes à survenir. c’est l’investissement affectif total de la femme sur son nouveau-né qui la détourne des relations sexuelles. même avant la grossesse. – Autre situation fréquemment rencontrée : en cas de stérilité. Voyons quelques exemples. il s’agit d’un trouble primaire qui a toujours existé ou qui s’est éventuellement aggravé secondairement du fait du vécu de la maternité. – D’autres fois. le sentiment d’échec ou le fait de ne pas se sentir femme à part entière induit souvent un désintérêt de la sexualité pour des raisons essentiellement psychologiques. Dans ces cas. et cela retentit nettement sur la sexualité. craint de ne plus avoir une érection qui dure suffisamment longtemps et se sent parfois remis en question par le peu de « réaction » qu’il engendre chez sa femme. À cette période de la vie. réagit en devenant agressif ou en prenant ses distances. – Il en est de même en cas d’hystérectomie (ablation chirurgicale de l’utérus). les rapports sexuels n’étaient pas satisfaisants. de ce fait. . Parfois. 265). de l’absence de répercussion physique sur le plan sexuel de cet acte. L’impossibilité définitive de toute maternité est toujours mal vécue (voir chapitre 16. même si c’est la cicatrice de l’épisiotomie qui est invoquée comme source de douleur ou d’inintérêt sexuel. etc. au lieu de prendre du temps pour s’adapter favorablement à cette nouvelle période. La fonction maternelle occupe tout son champ d’intérêt.202 Au fil des consultations En cas de troubles sexuels secondaires (qui surviennent après une période de sexualité satisfaisante). l’homme vieillissant. réduisent les actes amoureux. – Après un accouchement. C’est dire l’intérêt d’informer ces femmes. – À la ménopause aussi il y a des modifications psychologiques. et leurs conjoints. on se rend compte que. il y a un certain nombre de situations psychologiques qui peuvent se cacher derrière des troubles physiques ou physiologiques. p. de ce qui va leur arriver. Cependant. On incrimine alors la pilule d’être la source de divers troubles ou simplement de supprimer le désir. Même si certains travaux parlent de baisse de la testostérone biodisponible. questionnaires non validés). on suggère d’arrêter la contraception orale 2 à 3 mois et de voir si cela modifie les choses. dans beaucoup de domaines. du fait de ses avantages (efficacité. la trop grande efficacité de la pilule devient psychologiquement bloquante. la pilule permet d’avoir une vie sexuelle plus harmonieuse . alors qu’en fait elle n’est que le point sensible de l’incompréhension du couple. N’oublions pas que. Cette disponibilité théorique permanente s’accorde mal au vécu et aux sensations de ces femmes. elle est pourtant quelquefois incriminée comme source d’inappétence sexuelle.Les dysfonctionnements sexuels féminins 203 Il y a aussi des causes exclusivement psychologiques. d’autant qu’il existe aussi de nombreuses études cliniques (Oddens. En cas de troubles de la sexualité. ou plus clairement son rejet. elle est inhibée. chez les femmes au désir de grossesse ambigu (refus de grossesse conscient et en même temps désir de grossesse inconscient). une ambivalence à l’égard du conjoint. réduction ou suppression du syndrome prémenstruel et de la dysménorrhée). À côté de cela. Lors des Journées de l’International Society for the Study of Women’s Sexual Health (ISSWSH) à Lisbonne en mars 2006. l’efficacité de la pilule. ils ont des faiblesses méthodologiques (manque d’études randomisées contrôlées. diverses questions se posent. Chaque jour du cycle étant semblable. il peut y avoir une mésentente conjugale. l’absence de la variabilité du cycle réduisent leur désir pour des raisons psychologiques. Tout ce discours physiologique ne doit pas nous faire oublier que. les relations sexuelles sont rendues potentiellement toujours possibles. 1997) montrant un effet positif des contraceptifs oraux sur la sexualité. « bloquée ». Habituellement. Avec la contraception en général et la contraception orale en particulier. la . il a été conclu que la contraception orale apporte beaucoup plus d’avantages que d’inconvénients. Quand une femme est dépressive. De plus. L’inhibition sexuelle est une des inhibitions parmi d’autres. pour certaines femmes. la pilule rend théoriquement les rapports possibles tous les jours et cela est parfois mal vécu par certaines femmes (ou certains hommes). régularité du cycle. Les mots sont insuffisants pour rendre communicable l’expérience du plaisir.). au début. autant pour les autres symptômes (dyspareunie. absence de désir). ou d’inceste. tout comme la douleur. qui est son antithèse. il peut y avoir eu des traumatismes (viol. on touche une « zone floue ». psychodynamique Nous pensons qu’autant que faire se peut il est souhaitable. Sexothérapie psychosomatique. la peur ou la culpabilité de fantasmer. Prise en charge thérapeutique Le gynécologue devrait savoir s’il souhaite entendre et comprendre le mal-être de la patiente pour faire le diagnostic et l’adresser à un confrère ou vouloir la prendre en charge lui-même. Les femmes qui consultent pour une difficulté sexuelle s’attendent presque toutes à faire une psychothérapie pour « se débloquer ». On sait que le plaisir ne se mesure pas. Enfin. l’appréciation des résultats est toujours subjective. par exemple. mais en n’ignorant pas les résistances psychologiques inconscientes.204 Au fil des consultations peur d’être rejetée. la peur de se laisser aller. l’anxiété diminuent. même si c’est dans un passé ancien. comme elles le disent. d’évocations et de métaphores. Quand on parle de sexualité et que l’on se réfère à l’insuffisance ou à l’absence de satisfaction. anorgasmie et. un sentiment d’insécurité. etc. d’accepter de prendre en compte la résolution du symptôme. etc. tentatives de viol. Autant pour le vaginisme on peut objectivement considérer que le symptôme a été résolu si les rapports avec pénétration peuvent avoir lieu (ce qui ne veut pas dire que la femme se sente bien et qu’elle se considère elle-même comme guérie). . On ne peut se servir que d’allusions. la culpabilité à l’idée de ressentir du plaisir. ou parce que l’insécurité. même si un certain nombre aimeraient bien que l’on puisse leur prescrire un « médicament » qui les aiderait. exhibitionnisme. a fortiori. On peut éprouver du plaisir uniquement parce qu’on ne souffre pas. une prise en charge psychothérapique tenant compte de l’inconscient est nécessaire. le démonter ou le contourner. car elle dynamise le psychisme. par exemple : « D’après vous. ce qui nous permet de l’étudier.Les dysfonctionnements sexuels féminins 205 En pratique. Elle fait appel à plusieurs courants théoriques : les thérapies cognitivo-comportementales (qui cher- . Si la résolution de ces difficultés se fait sans encombre. Si c’est le cas. Par exemple. Cette méthode sexothérapique est appelée psychodynamique. pour poursuivre l’avancée thérapeutique. Soulignons le fait que. dans le domaine sexuel. D’autres fois. ou l’absence d’orgasme chez la femme anorgasmique. il ne s’agit pas de la peur de la pénétration. ou du refus et de la peur de « l’homme ». la même phrase. mais du refus de la sexualité. mais la patiente ne se sent pas bien dans sa peau pour autant. L’arrêt sur le blocage le rend plus apparent encore. Quelquefois cependant. on aidera la patiente à prendre conscience de son blocage inconscient afin de sortir de l’impasse. le blocage est trop enraciné. la patiente devra alors s’occuper de « la forêt ». Dans ces cas. le symptôme sexuel est résolu. de repérer les mots qu’elle emploie. il serait dommage que la patiente ou le couple n’en profite pas . avant d’envisager un changement de comportement. mais s’il y a inhibition et qu’elle est trop enracinée. du refus la féminité. Ainsi. on considère que l’on a enlevé « l’arbre qui cache la forêt » . C’est pourquoi il est souhaitable de partir de ce que pense cette personne . et à repérer ce qui ne va pas . l’analyser. il est difficile de savoir ce qui rassure et ce qui choque une personne . la peur de la pénétration chez la femme vaginique. au moins dans un premier temps. une grande partie de ses pensées. à quoi est dû ce trouble ? Considérez-vous qu’il s’agit d’un problème physique ou psychologique ? Qu’est-ce qui vous fait dire cela ? » En fonction du contexte ainsi repéré. etc. en même temps. donc des problèmes existentiels ou relationnels qui occupent. cela nous permet de découvrir à quel moment « ça bloque ». les images ou les gestes qui la gênent. nous utilisons volontiers les questions ouvertes qui laissent le libre choix de la réponse à la personne interrogée . par exemple. nous donnons des conseils qui ont pour but de permettre aux patients d’avancer sur « les rails » de la guérison . la même idée peut paraître banale pour l’une et gênante voire choquante pour l’autre. cela consiste à se focaliser volontairement sur ce qui se passe « ici et maintenant ». sans qu’elle s’en rende compte. 206 Au fil des consultations chent à modifier les comportements inadéquats). du patch de testostérone (pour les femmes qui n’ont plus de désir sexuel). La mise en place d’un « programme thérapeutique » aide les patientes à reprendre confiance. réalisée à chaque entretien par l’analyse. De plus. il y a. mais aussi de ce que le thérapeute perçoit. Le soutien permet de rassurer la patiente et d’avoir un certain recul visà-vis des facteurs qui ont participé à son trouble. non seulement de ce que les patientes disent. des répercussions sur les deux partenaires. en cas de difficultés sexuelles. Il nous faut donc désamorcer les conflits latents et désinhiber la communication et/ou le comportement inadéquat. les thérapies de couple (qui ont pour but de mieux comprendre et résoudre les difficultés relationnelles avec le conjoint). ou pour compenser les déficiences physiologiques (facilitation de la lubrification vaginale. beaucoup plus récemment. auto-entretient un problème qui peut être un des rouages du système conjugal.). familial. ou le couple. En général. de tibolone et. il est souhaitable. les thérapies systémiques (qui aident à mieux repérer comment la patiente. pour la prise en charge thérapeutique. la prescription médicamenteuse est de peu de secours dans les troubles sexuels féminins. etc. . Des méthodes psychocorporelles peuvent servir de support à ce soutien (rééducation périnéale. Même si le trouble n’a pas comme origine une mésentente conjugale. Quel que soit le symptôme sexuel. hormis la prescription d’estrogènes. l’élucidation des interactions qui interfèrent sur le couple est en toile de fond. d’associer plusieurs types de moyens. Dans certains cas. l’adjonction de médications est souhaitable pour traiter les éventuelles maladies organiques. traitement hormonal ou non hormonal de la ménopause chez la femme).). la prescription d’antidépresseurs est utile chez les femmes dépressives inhibées. hypnose éricksonnienne. etc. De même. Ainsi. la prise en charge thérapeutique associe habituellement le traitement de la cause organique éventuelle (surtout dans les dyspareunies) et la sexothérapie. qui aide la femme en période de ménopause. L’information sexuelle fait partie de ce soutien. La pierre angulaire de toute la thérapeutique est l’évaluation. L’étude de la psycho-neuro-immunologie permet de mieux comprendre comment la pensée émotionnelle peut. on comprend mieux par quels mécanismes et par quelles voies cette méthode agit. c’est ce dernier qui comprend le système sympathique (avec la sécrétion d’adrénaline. Le périnée est la partie qui entoure la vulve et la partie inférieure du vagin. lui. il risque d’y avoir une dyspareunie ou. L’hypnose éricksonnienne aide à réduire les blocages et les inhibitions. de relaxer ces fibres pour les rendre plus aptes à réagir. Un petit appareil électrique indolore contracte passivement ces muscles en premier lieu . . une gêne pendant les rapports. à travers le système limbique (cerveau des émotions). Or. c’est-àdire les voies par lesquelles nos idées. La femme pourra ainsi mieux induire un état de relaxation locale et mieux se concentrer sur les sensations vaginales. cela a une certaine action sur le plan sexuel. nos attitudes et nos émotions agissent sur notre corps pour créer des changements physiologiques ou biochimiques. Mais gardons en mémoire que ce moyen est une approche pour mieux nous connaître et pour mieux induire du changement dans ce qui nous bloque. Nous avons vu qu’une trop grande contraction des muscles qui entourent le vagin entraîne le vaginisme.Les dysfonctionnements sexuels féminins 207 Les méthodes psychocorporelles suivantes aident au changement. Aujourd’hui. sa sensibilité s’en trouve accrue. l’hypnose est sans doute un des meilleurs moyens pour accéder à une relative maîtrise du fonctionnement du système neurovégétatif. et à réagir plus fortement aux stimuli. Quand une femme apprend à percevoir cette zone. qui se trouve donc dans l’entrejambe. des exercices de gymnastique du périnée aident à renforcer la perception de cette zone. Cette méthode s’appuie sur l’échange verbal et transférentiel avec le thérapeute. tout au moins. quand on est stressé par exemple) qui bloque les fibres responsables du mécanisme du plaisir . Si la contraction est un peu plus faible. être en relation avec l’hypothalamus. chef d’orchestre de toutes les hormones du corps humain. Elle utilise les « voies psychobiologiques ». mais aussi aider à réagir plus fortement à la stimulation. le système parasympathique permet. C’est dire que l’hypnose peut dans ces cas non seulement désinhiber. La rééducation périnéale a comme objectif de faire en sorte que la femme maîtrise mieux les muscles de son périnée. Par ailleurs. par la suite. y compris les hormones sexuelles . et le groupe ACSF (1993). Journées de l’ISSWSH (International society for the study of women’s sexual health). (2006).J.208 Au fil des consultations La résolution du trouble sexuel féminin passe parfois par le traitement de la dysfonction masculine (troubles de l’érection. SPIRA A. il est assez souvent fait appel pour lui aux traitements médicamenteux : les psychotropes retardant l’éjaculation. les vasodilatateurs qui facilitent l’érection. (2005). Traité de gynécologie-obstétrique psychosomatique. absence d’éjaculation.. Contraception. Même si le trouble sexuel est dû à une cause organique qu’il faut pouvoir soigner. Pour en savoir plus CARUSO S. GRAZIOTTIN A. 72 (1) : 19-23. Cialis. Paris. et al. Paris. Quelles que soient les thérapies sexuelles utilisées. il convient de ne jamais oublier l’environnement affectif et psychologique de la patiente.. . HYDE J. Même si. Lévitra) ou même les injections intracaverneuses. Flammarion Médecine-Sciences.. chez l’homme aussi.). AGNELLO C. in Understanding human sexuality. – Les Comportements sexuels en France. SCHWENKENHAGEN A. qui sont de petites piqûres dans la verge (Edex. INTELISANO G. GIRALDI A. et DELAMATER J. éjaculation précoce. BAJOS N. etc. La Documentation Française. – « Psychological aspects : attitudes toward contraception ». (1997). La sexualité en général et la sexualité féminine en particulier sont avant tout une histoire subjective où la jouissance passe d’abord par la communication affective et émotionnelle. Lisbonne. ODDENS B. Caverject). – « Prospective study on sexual behavior of women using 30 µg d’ethinylestradiol et 3 mg de drosperinone ». – Obstet Gynecol. ou les nouvelles substances vasoactives qui permettent d’induire et de maintenir des érections (Viagra.. MIMOUN S. McGrawHill.. 90 : 269-277. – « Women should be counselled prior to the use of oral contraceptives that there is a high association with sexual dysfunction ». la sexothérapie est très utile. (1999). New York.S. (1997). le sexe est toujours conditionné par le psychisme. toute femme atteinte d’une infection gynécologique si bénigne soit-elle s’interroge sur l’origine de cette infection et ses potentielles conséquences. à la fois d’un point de vue médical et d’un point de vue psychologique. Il ne s’agit pas ici d’énumérer la liste des infections gynécologiques de manière exhaustive. la grande majorité des infections génitales féminines sont bénignes – du moins sur le plan médical –. Alors qu’il est exceptionnel qu’une patiente questionne son médecin sur les mécanismes de déclenchement d’une angine.12 Infections gynécologiques basses J. mais de voir comment . d’une part parce qu’elle intéresse une région anatomique théoriquement synonyme de vie et de plaisir (ou de plaisir et de vie. Les réponses à ces questions ne sont malheureusement pas toujours très simples. « Suis-je contagieuse ? ». quasi occultes. selon les priorités philosophiques de chacun…). mais leur répétition est source d’anxiété et a un impact très délétère sur la qualité de vie de la patiente. dont l’expression clinique se réduit au minimum : infections à Chlamydia ou à papillomavirus (HPV).-M. Plus graves. Bien entendu. « Y aura-t-il des séquelles ? ». etc. et d’autre part parce qu’elle suscite beaucoup plus d’interrogations que d’autres types d’infections : « Comment ai-je attrapé cette infection ? ». sont ces infections sournoises. BOHBOT L’infection gynécologique est une infection à part. et de nos précautions oratoires peuvent naître des situations conflictuelles au sein des couples. mais aussi dans la relation patiente-soignant. Si l’on ajoute la dimension sexuellement transmissible de ces infections. on comprend mieux la détresse exprimée (ou non) par les patientes. même courte. au sens médical du terme. retentissent sur la qualité de vie des femmes. de brûlures ou d’inconfort vulvovaginal. traitement rapide et efficace. Mycose vulvovaginale Quoi de plus banal. peut permettre de balayer un certain nombre d’idées reçues. le médecin peut saisir l’occasion pour brosser un descriptif rapide de l’écosystème vaginal et des conséquences de son déséquilibre. j’ai choisi la mycose génitale. elle n’est pas la seule étiologie en cause. le mot « mycose » est galvaudé et devenu synonyme de prurit. Diagnostic clinique aisé. Cette information. colportées de femme en femme.212 Regards sur quelques pathologies certaines d’entre elles. Dans une enquête menée par Louis Harris Médical en 2001 auprès de 2 000 femmes sur les irritations génitales et les mycoses. que la vulvovaginite mycosique ? Soixante-quinze pour cent des femmes connaîtront au moins un épisode de mycose au cours de leur vie. sur la plage. la vulvovaginite mycosique ne pose aucun problème particulier dans sa forme aiguë et isolée. Cependant. Le manque d’information est un des griefs essentiels de nos patientes vis-à-vis des consultations. la vaginose bactérienne et l’herpès génital. à partir d’un « foyer » digestif (même si le terme « foyer » est une référence exacte à la symptomatologie vulvaire brûlante) ou à la suite d’une prise de contraceptif oral. En effet. de génération en génération voire par certains médias. Même si la candidose génitale est largement impliquée dans ces symptômes. Dégagé des conceptions archaïques de la mycose contractée en piscine. Très subjectivement. plus emblématiques que d’autres. les consé- . Donner cette information à nos patientes. En premier lieu. cette infection pourrait être un « excellent » prétexte pour expliquer aux patientes les mécanismes de déclenchement de la majorité des infections gynécologiques. elles soulignent en majorité un manque d’information sur la cause de leurs troubles. dans le langage des femmes. il est important de redéfinir le terme de mycose. c’est justifier un éventuel recours à la biologie en cas de récidive afin de confirmer notre diagnostic et d’expliquer en quoi l’automédication systématique par ovules antifongiques devant tout épisode d’inflammation vulvaire peut être inefficace voire dangereuse. . une constatation s’impose (toujours d’après l’enquête Louis Harris) : le dialogue gynécologue-patiente s’estompe proportionnellement à la fréquence des récidives mycosiques… Si une partie des femmes atteintes de VVMR considèrent ces récidives comme une fatalité. Trente pour cent des femmes interrogées déclarent que l’information obtenue auprès de leur pharmacien pallie les carences de la consultation médicale. la plupart des patientes vivent très mal ces récidives et le manque d’explication logique à leur déclenchement. – 50 % redoutent la douleur de la crise . tant sur les causes de leur problème que sur les mécanismes d’action des produits prescrits. en matière de mycose génitale. Mais la situation est sans commune mesure avec celle rencontrée au cours des mycoses récidivantes. Elles regrettent que le gynécologue n’ait souvent pas pris soin de leur conseiller un produit de toilette apaisant et qu’elles soient contraintes de gérer seule l’inconfort de début de traitement. Les enquêtes de qualité de vie en témoignent. . Cinq pour cent des femmes sont atteintes de vulvovaginites mycosiques récidivantes (VVMR). Pourtant. – 79 % rapportent une répercussion négative sur la vie sexuelle : crainte de déclencher une crise. une réalité liée à leur féminité. crainte de contaminer leur partenaire. sur leur vie sociale et sur leur propre image : – 33 % des femmes se sentent « malades » en permanence. l’explication du traitement n’est pas très « timeconsuming ». Comme on le constate. baisse de la satisfaction sexuelle. comme disent les Anglo-Saxons ! En particulier. voire comme un rite de passage pour accéder à celle-ci. soit plus de 6 épisodes par an. etc. les femmes s’étonnent que leur gynécologue ne les prévienne pas que les ovules ou crèmes antimycosiques (qu’elles jugent par ailleurs très efficaces) risquent d’exacerber la symptomatologie en début de traitement. même la prise en charge de la mycose aiguë isolée peut être améliorée par une écoute plus attentive des interrogations des patientes. crainte de la douleur. Pour certaines d’entre elles. Les mycoses récidivantes ont un impact sur la santé des patientes. même si les récidives sont espacées . cette absence d’information sur les effets secondaires transitoires des antimycosiques les a amenées à interrompre le traitement ou à ne plus l’utiliser lors de récidives.Infections gynécologiques basses 213 quences ultérieures sur leur propre santé et celle de leur partenaire. Pour ces femmes. même si la clinique est a priori évidente : prescrire un examen cytobactériologique vaginal et un examen cytologique à la recherche d’une part de la preuve bactériologique de la mycose. avant tout. – rechercher les causes « évidentes » de récidives mycosiques : diabète. traitements immunosuppresseurs. – 71 % se déclarent frustrées par cette infection.) . estrogènes locaux) en cas de mycose mixte. – 32 % se sentent moins physiquement attirantes . streptocoques. Le stress joue un rôle important dans la physiopathologie des mycoses récidivantes. alors que. – à partir de ces renseignements. instaurer un traitement au long cours : antifongique per os (fluconazole) en cas de mycose pure. albicans et d’autres pathogènes : Escherichia coli. il s’agit d’infections bénignes : – 24 % ont honte de cette maladie . on sait que des taux importants de β-endorphines (un neuropeptide sécrété dans les périodes de stress) stimulent la germination de . médicalement. prise prolongée d’antibiotiques. Les conséquences sur « l’image de soi » de ces patientes sont encore plus étonnantes. .214 Regards sur quelques pathologies – 75 % évoquent une perturbation de leur vie professionnelle et sociale (difficulté à participer à la vie sociale ou professionnelle). Il est évident que le manque d’information sur la genèse de ces récidives et l’insuffisance de résultats à long terme des traitements prescrits participent à ce retentissement très négatif de l’infection. – 46 % se sentent « sales » . Gardnerella vaginalis. probiotiques. etc. infection HPV. etc.) . D’un point de vue physiopathologique. et d’autre part de l’existence d’infections associées (vaginose. – 36 % inquiètes sur les conséquences de l’infection . antifongique per os au long cours associé à des correcteurs de la flore vaginale (acidifiants. etc. infection sexuellement transmissible [IST]. corticoïdes. – caractériser la mycose : mycose pure (présence exclusive de Candida albicans) ou mycose mixte (coexistence de C. Il est bon de rappeler quelques points sur la prise en charge efficace des mycoses récidivantes : – s’assurer du diagnostic. Mais la prise en charge ne s’arrête pas là. voir chapitre 13) si la prise en charge n’est pas plus globale que la simple réponse antifongique. comme nous l’avons vu plus haut. surtout si la patiente redoute une douleur. Beaucoup de prescriptions de ce type sont faites sur le mode : « Si cela ne fait pas de bien. la mycose récidivante peut également révéler un déséquilibre psychologique général plus profond. le traitement antimycosique s’impose.Infections gynécologiques basses 215 C. le problème est différent quand l’homme présente des symptômes cliniques de mycose génitale comme une balanite. peut exacerber une irritation locale. Bien entendu. ne joue aucun rôle dans la survenue des récurrences. la transmission sexuelle de la mycose génitale. On sait qu’elle sera la principale pourvoyeuse des vulvodynies ultérieures (autrefois appelées vestibulites . albicans. Cette prise en charge psychologique pourra limiter le risque de séquelles ultérieures (vestibulites ou vaginisme par exemple). Prescrire un traitement systématique pour le partenaire revient indirectement à impliquer la responsabilité du partenaire dans le déclenchement des récurrences. l’irritation mécanique du rapport. Parfois alibi pour espacer ou éviter des relations sexuelles non satisfaisantes. La gestion des mycoses récidivantes n’est pas simple et ne répond à aucune règle stéréotypée. À l’évidence. le traitement systématique du partenaire par crème antifongique ne se justifie pas. ce qui représente une étape essentielle dans la pathogénicité de cette levure. à de très rares exceptions près. même si le traitement médical semble porter ses fruits et améliorer la symptomatologie clinique. À cet égard. Mais il s’agit d’un phénomène lié à une lubrification sexuelle insuffisante en raison du stress et non pas à une transmission de Candida. Bien sûr. Ce n’est qu’au prix d’écoutes et de dialogues répétés et longs que l’on pourra proposer à la patiente un accompagnement psychologique. A contrario. La mycose récidivante est un appel. Les conséquences de ce type de prescription ne doivent pas être évaluées à la légère. . ce qui est une erreur à la fois médicale et préjudiciable aux relations du couple. cela ne fait pas de mal ! » C’est faux. accompagné parfois de correcteurs de la flore. 216 Regards sur quelques pathologies Vaginose bactérienne D’un point de vue physiopathologique. convaincre une patiente de la bénignité de leucorrhées ou d’un érythème vulvaire. la malodeur devient obsédante. qu’elle n’est pas entourée d’une aura malodorante. la notion d’odeur est tellement subjective qu’il n’y a aucun moyen de persuader la femme que. Elle est due. Les patientes sont persuadées que tout leur entourage a repéré cette malodeur. L’une des patientes me disait que partout où elle passait. même en dehors des récidives objectives de vaginose. Si la symptomatologie est moins aiguë que celle de la mycose génitale en ce qui concerne l’inflammation vulvovaginale. Cette propriété crée une ambiguïté. depuis plusieurs années. la vaginose bactérienne ne diffère pas fondamentalement de la mycose. Chez les femmes atteintes de vaginose récidivante. on ouvrait les fenêtres quelques minutes après son arrivée. Cette obsession conduit à des atti- . lors des activités usuelles. en effet. alors qu’après 20 minutes d’entretien et d’examen dans le cabinet de consultation. cherche obstinément à dissimuler et masquer tout ce qui ressemble de près ou de loin à une odeur corporelle. ceux-ci n’ont rien à voir avec la transmissibilité de l’infection : la vaginose bactérienne n’est pas sexuellement transmise. alors que pour désagréable qu’elle soit. elle ne sent pas mauvais. Il faut convenir que l’odeur des amines aromatiques émises par les germes anaérobies lors des vaginoses est particulièrement désagréable. à un déséquilibre de la flore vaginale avec remplacement des lactobacilles par une flore de type anaérobie et par des bactéries de type Gardnerella vaginalis. La volatilité de ces amines aromatiques est d’autant plus élevée que le pH vaginal augmente. L’odeur ou parfois l’impression d’odeur est permanente. la femme est néanmoins très gênée par des leucorrhées très malodorantes. puisque le sperme est très alcalin. C’est la raison pour laquelle la malodeur redouble après les rapports sexuels. Mais il est très difficile de convaincre une patiente qui s’auto-examine (voire suggestionne) plusieurs fois par jour (examen olfactif répété des protège-slips ou des sous-vêtements). la malodeur ne dépasse pas un périmètre de quelques dizaines de centimètres. car si la symptomatologie se manifeste essentiellement après les rapports sexuels. On peut. La malodeur prend un relief tout particulier dans une société qui. l’atmosphère demeurait parfaitement respirable. A contrario. à l’aide d’un miroir. Infections gynécologiques basses 217 tudes d’évitement de contact avec les autres, d’isolement. Là encore, l’image de soi est dévalorisée car l’odeur ramène à des peurs ancestrales de décomposition. Les rapports sexuels deviennent un calvaire non par douleur mais par crainte de l’odeur postcoïtale. Comme me disait violemment une de mes patientes : « Faire l’amour me fait sentir la pourriture. L’amour c’est la pourriture ! » Progressivement, les femmes atteintes de vaginose bactérienne évitent les rapports ou se précipitent après la fin du rapport dans la salle de bains pour une toilette approfondie, souvent génératrice de déséquilibre de la flore. La femme va, par ailleurs, tenter d’isoler le foyer malodorant par des couches successives de protection : protège slips, sous-vêtements, vêtements serrés…, autant de facteurs favorisant le déséquilibre de la flore vestibulaire puis vaginale donc la pérennisation de l’infection. Il est donc indispensable d’expliquer à la patiente les mécanismes de déclenchement de la vaginose, surtout ceux sur lesquels on peut agir : toilettes intempestives, traitement locaux inadaptés. Le traitement repose sur l’antibiothérapie courte par voie générale (secnidazole), mais surtout sur le rééquilibrage de la flore. Quand l’explication est claire, la patiente peut « gérer » ses épisodes, parfois les prévenir, en utilisant par exemple des acidifiants locaux dès les premiers symptômes de récidive. Mais il faut reconnaître que tous ces traitements sont de peu d’utilité chez les patientes développant une obsession olfactive dont la prise en charge relèvera d’une prise en charge spécialisée. Herpès génital L’herpès génital est le prototype de l’infection génitale anxiogène. Il s’agit en effet d’une infection virale, sexuellement transmissible et incurable. Chacun de ces qualificatifs est à lui seul générateur d’angoisse. En 30 ans de consultation IST, je n’ai jamais rencontré une seule patiente à l’aise avec son herpès génital. C’est à croire que chacune devine l’origine étymologique du mot « herpès » : herpein qui signifie ramper en grec ; et il faut bien reconnaître que ce nom colle très bien à cette infection certes bénigne, mais sournoise, insidieuse. Pourtant, dans le champ des IST, l’herpès génital n’occupe pas une 218 Regards sur quelques pathologies place de choix en matière de gravité : aucun retentissement sur la fertilité, pas d’effet oncogène direct de l’herpès simplex virus (HSV). Quant aux complications néonatales, une stratégie de prise en charge simple permet d’en réduire considérablement les risques. Comment expliquer que l’annonce d’une infection herpétique soit plus mal vécue que celle d’une infection à Chlamydia trachomatis ou à HPV, aux conséquences médicales beaucoup plus sérieuses ? En fait, cette infection connaît une grande médiatisation. Avant l’épidémie sidéenne, dans les années 1970, l’herpès faisait la une des magazines comme Time Magazine. Dans les universités américaines, les étudiants arboraient des badges : « Free of herpes », « No herpes », etc. Certes, le HSV allait laisser le devant de la scène à un autre virus beaucoup plus redoutable, le VIH, mais sans que les inquiétudes des patients vis-à-vis du HSV se dissipent. L’impact de l’herpès génital sur la qualité de vie est indéniable. En témoigne le nombre d’études sur qualité de vie et herpès : une vingtaine depuis 1999. À vrai dire, tout dans cette infection peut se révéler anxiogène : – la durée d’incubation : un herpès génital peut ne se manifester cliniquement que quelques mois ou années après son acquisition ; – le rythme des récidives : imprévisible et tributaire de multiples facteurs ; – la contagiosité : quand est-on contagieux ; quels contacts sont contagieux ? – la vie avec le virus : doit-on en parler ; faut-il prévenir les partenaires ? Ajoutons la dimension virale de la maladie : les épidémies récentes ont confirmé la possible variabilité des virus. Depuis quelques mois, des patientes atteintes d’herpès me demandent si l’on a la certitude que le HSV ne mutera pas un jour pour devenir plus contagieux, ou plus dangereux. Enfin, l’herpès n’est pas guérissable en terme d’éradication virale, ce qui sous-entend une coexistence définitive avec ce virus. Conclusion L’infection gynécologique est comparable à nulle autre, tant sa localisation est émotionnellement investie, tant les conséquences Infections gynécologiques basses 219 peuvent déborder le cadre anatomique du petit bassin. L’origine de l’infection, son risque de transmission au partenaire, le doute voire la suspicion du partenaire, la crainte de complications physiques ou sexuelles sont autant de facteurs à prendre en compte dans l’approche du praticien. Les progrès constants des techniques de dépistage et des traitements anti-infectieux, l’apparition de traitements protecteurs de la flore vaginale ne doivent pas faire oublier la composante psychologique nécessairement présente au cours de ces infections féminines qui ont souvent aussi un impact sur le couple. L’omniprésence de l’information sur ces infections (médias, Internet) oblige le praticien à une gymnastique difficile (l’art de la diplomatie…) entre la réalité scientifique (mais, est-elle gravée dans le marbre ?) et le respect de la relation du couple. Cependant la variété, la diversité des modes d’action de la population microbienne rend la réalité scientifique mouvante, ce qui, paradoxalement, facilite le discours du praticien. Enfin, n’oublions pas que des récidives infectieuses génitales peuvent être l’expression d’une véritable détresse, les antifongiques et les antibiotiques ne constituant jamais une réponse suffisante à celle-ci. Pour en savoir plus I RVING G., M ILLER D., R OBINSON A., R EYNOLDS S. et C OPAS A.J. (1998). – « Psychological factors associated with recurrent vaginal candidiasis : a preliminary study », Sex Transm Infect, n° 74 (5) : 334-338. LOUIS HARRIS MÉDICAL (2002). – « Mycoses et troubles gynécologiques », Rev du Prat, n° spécial, septembre. WITKIN S.S. et KALO-KLEIN A. (1991), « Enhancement of germ tube formation in Candida albicans by beta-endorphin », Am J Obstet Gynecol, n° 164 (3) : 917-920. 13 Les vulvodynies G. STEG, D. WINAVER, M. LACHOWSKY La vulvodynie se définit comme un inconfort vulvaire, le plus souvent à type de brûlures, sans lésion visible pertinente, sans maladie neurologique cliniquement identifiable. Le mot « vulve », lui, vient du latin volva puis vulva, devenu « vulve » en français en 1488. Partie visible du sexe de la femme, la vulve cache et protège le vagin, lieu secret de l’accomplissement du plaisir, objet du désir de l’homme et passage du nouveau-né. Organe génital externe, la vulve ou pudendum est un repli cutané érogène comprenant le mont de Vénus, les grandes et les petites lèvres, le clitoris, le vestibule et les glandes vulvaires. Sa grande richesse en neurorécepteurs fait d’elle le véritable organe sexuel de la femme. La vulve est apte à la jouissance comme à la douleur. Des notions morales, de pudeur et de honte lui restent attachées, même si les anatomistes ont changé leur terminologie : le nerf honteux est devenu le nerf pudendal. La pudeur a remplacé la honte ! Les mots pour le dire Quand une femme consulte pour douleurs vulvaires, elle dit : « Ça pique, ça brûle, ça fait mal, c’est rouge, c’est gonflé ou ça coule », et ce toujours avec un peu de gêne (honte ou pudeur ?), en désignant d’un geste l’endroit qui fait mal. Le mot « vulve » est souvent ignoré, souvent confondu avec vagin, alors que pubis, lèvres et même clitoris sont plus facilement nommés. En fait, c’est de son sexe que la femme vient se plaindre, d’un sexe qui lui fait mal. 222 Regards sur quelques pathologies L’interrogatoire classique est peu adapté à ce type de pathologie. Il faut laisser de la place et du temps à la patiente elle-même, à son rythme de réflexion, en respectant ses silences, pour nous aider à cerner tout ce qui entoure ce symptôme et comment il s’exprime. La manière dont les choses vont être dites, l’aisance ou la réticence, la richesse ou la pauvreté des images et des mots, la gestuelle sont autant de repères à ne pas manquer. Dates d’apparition, facteurs déclenchants, agressions physiques ou psychologiques représentent autant de pistes que la patiente va nous livrer. Comment a-t-elle construit et interprété le lien de cause à effet entre un événement médical ancien et la douleur actuelle ? Si logique et même séduisante que puisse nous paraître l’étiologie invoquée, elle peut aussi masquer un événement psychologique que la patiente a préféré oublier, ou auquel elle dénie toute importance. Ainsi, une femme qui se sent coupable d’avoir trompé son mari se plaindra d’une vulvodynie qu’elle attribue à des mycoses à répétition. Nous savons bien d’ailleurs la part de la psyché dans ces mycoses. Mais il est plus confortable pour elle d’utiliser cet alibi. Un accouchement mal vécu, une épisiotomie entraînent rarement des séquelles douloureuses lointaines, mais seront la cause toute trouvée, alors que les difficultés affectives ou sexuelles qui les ont entourés seront minimisées. De même, un herpès, récidivant ou non, n’est pas une cause de douleurs résiduelles, mais la peur et la honte peuvent créer une vulvodynie. Les condylomes et leurs traitements sont aussi très souvent incriminés. Faire décrire la douleur Quoi qu’il en soit, nous devons lui faire décrire soigneusement sa douleur. Est-ce une douleur précise, tenace, aiguë, comme une plaie, une fissure, une déchirure ? Est-ce comme une brûlure, un prurit, un élancement ? A-t-elle un rythme ? La réveille-t-elle ? Est-ce pire le jour ou la nuit, assise, couchée ou debout ? La douleur est-elle provoquée ou non par les rapports sexuels ? Ces précisions nous orientent déjà vers le diagnostic d’inflammation vulvaire d’apparition récente, vite diagnostiquée et souvent vite guérie, ou celui de vulvodynie, cette interminable douleur vulvaire, cette douleur sine materia pour laquelle la patiente a déjà consulté d’autres spécia- c’est repoussant » . cette étape de l’examen est souvent rapide. vient le temps de notre regard sur cette zone si intime du corps. Pour que l’exploration de la vulve soit bien vécue. la pauvreté de la vie amoureuse et affective s’expriment. Quand la patiente ne se plaint de rien. après l’échange de paroles. Elles orientent également notre examen clinique car. ça a l’air sale. deviné à leur insu. soulagée de sa gêne. Est-ce pour ménager la pudeur de la femme ou notre propre pudeur ? Y aurait-il un interdit du regard hérité des religions monothéistes ? Beaucoup de femmes se font encore violence pour s’exposer ainsi au regard du médecin. c’est foncé. il permet la réappropriation de cette . contrairement à ce que l’on pourrait penser. un secret de leur passé.Les vulvodynies 223 listes. À l’inverse. simplement par la vue. Quand on les interroge. L’examen gynécologique Une fois que la femme est en confiance. Des souvenirs enfouis de viol ou d’abus sexuels seront dits pour la première fois. une attitude de défense rendant l’examen long et difficile nous alerte : difficultés psychologiques. certaines ne l’ont jamais regardée. l’examen gynécologique est souvent le moment privilégié où elle s’autorisera ou aura envie de parler naturellement de sa sexualité. On se contente d’écarter les lèvres pour introduire le spéculum ou faire un toucher vaginal sans faire mal. il faut que la patiente ne se sente pas l’objet d’un voyeurisme et cela ne dépend pas toujours de nous. ça n’a pas de forme. relationnelles ou sexuelles ? L’examen gynécologique se doit d’être particulièrement délicat mais aussi minutieux. le miroir est une aide appréciable : dans certains cas. elles disent que cette partie d’ellesmêmes « est laide. Le regard sur la vulve L’examen de la vulve fait partie de l’examen gynécologique. Certaines craignent que le médecin ne découvre. de plaisir. même si elle dit avoir déjà abondamment consulté. S’il n’est pas choquant pour elle. L’absence de désir. C’est une raison de plus pour ne pas manquer de l’examiner. La participation de la patiente est indispensable. Un prélèvement vaginal. qui ne fera pas de biopsies inutiles . La gêne. rien n’est palpable. souvent inconnue. il convient de faire appel à un « vulvologue ». picotements. le désintérêt affiché. alors que la malade se relève. un lichen plan scléroatrophique ou érosif. par exemple. Les brûlures sont alors essentiellement provoquées par les rapports sexuels. ajouter une réassurance à notre bilan . sécheresse s’associent aux brûlures. à l’aide notamment d’un coton-tige. la gêne sont spontanées.224 Regards sur quelques pathologies zone innommée. le gynécologue ne trouve rien d’anormal. elle est évoquée et traitée par les neurologues. Il faut proposer à la patiente de toucher du doigt l’endroit qui « fait mal ». qu’elle n’a absolument rien . Les questions préciseront si prurit. il faut éviter deux écueils : – ne pas « pathologiser » une papillomatose physiologique ou les grains de Fordyce des lèvres. le refus de regarder ou de toucher. Il permet aussi de désigner l’endroit douloureux. pourra. mais qui rassure-t-il : la femme ou le médecin ? L’étiologie neurogène par altérations des nocicepteurs ou des fibres myéliniques existe. rien n’est visible. mais aussi par le frottement des sous-vêtements. souvent diffuses. Ainsi. Au moindre doute. nous étudierons l’aspect de la vulve. inquiète et peut-être douloureuse. une douleur précise réveillée au moindre contact évoquent une vestibulite. comme l’atteinte du sympathique . l’anneau hyménéal. nous nous attacherons à cerner le lieu de la douleur. au terme de cet examen. après examen au microscope. les gestes et la mimique accompagnant les paroles révèlent déjà une facette de la personnalité de cette patiente. Si. – ne pas claironner. une maladie de Paget ou le simple frottement responsable d’une irritation. Dans un premier temps. en écartant doucement les grandes et les petites lèvres. un psoriasis. il vaut mieux dire que rien d’anormal n’a été vu. la vulve. la région périurétrale . s’étendant parfois à toute la zone vestibulaire. indolore et rapide. Les brûlures. nous pourrons déjà éliminer des lésions vulvaires d’origine mycosique ou herpétique. Dans la vulvodynie. un eczéma. souvent durables. Une rougeur localisée à l’orifice des glandes de Bartholin. ce faisant. l’endroit qui brûle. sans oublier la fourchette. Le toucher vaginal peut être rendu difficile voire impossible . la névralgie du nerf pudendal a valu à bien des femmes d’être adressées au psychiatre au lieu du neurologue. par ailleurs. Ce n’est plus cette apparente absence de diagnostic et de thérapeutique. quand les examens cliniques. Quant au diagnostic des névralgies du nerf pudendal (Labat. Or. qu’on pourrait à première vue apporter à ces patientes. Il s’agit de brûlures vives qui débordent souvent vers les régions périnéale et anorectale. De même. Pathologie longtemps méconnue. Elles sont intenses en position assise. alors que celui-ci sait diagnostiquer et traiter cette névralgie du canal d’Alcock. avoir mal. 1998). pour éviter ce rien. certaines vulvodynies prétextes disparaissent quand disparaissent les douleurs lors des rapports sexuels. une fois l’attention attirée par certains points précis relevés durant l’interrogatoire. quand aucune lésion n’est visible. désespérante. de prescrire l’imagerie la plus sophisti- . Cette pathologie sort donc du cadre des vulvodynies . absentes la nuit et en position allongée. anatomiques. la vulvodynie faisant écran au problème sexuel. bactériologiques. qu’est-ce qui provoque la douleur.Les vulvodynies 225 par un vaginisme. cette douleur pour laquelle on ne trouve rien. ce qui peut remplir ce vide étiologique et nous aider à donner une autre réponse que ce renvoi infamant : « Vous n’avez rien ». la tentation est grande de traquer une hypothétique lésion cachée qu’il faudrait démasquer. ce n’est pas rien. il s’agit d’un diagnostic différentiel. non provoquées par le contact. et le toucher rectal les réveille de façon aiguë par compression sur l’épine sciatique. Il est évident que toute pathologie génitale pouvant entraîner des douleurs doit être repérée et traitée . virologiques et cytologiques sont normaux ? La seule réponse. « Vous n’avez rien » Peut-être pouvons-nous essayer de comprendre ce qui se cache derrière ce rien. une dyspareunie s’avoue ou se trahit souvent lors de l’examen . Alors. dont la patiente n’avait pas parlé jusque-là. entraînant rarement une dyspareunie. elle peut être profonde ou superficielle. est : « Vous n’avez rien ». de multiplier les bactériologies. il se fait essentiellement par toucher pelvien. Malheureusement. Cette patiente n’avait eu aucun antécédent pathologique jusqu’il y a 2 ans. La vulvodynie est différente selon les âges. elle se dévalorise et la vulvodynie sert de prétexte à l’absence du désir et au refus du plaisir. cesser son « shopping médical » et considérer la prise en charge psychothérapique. et dont parfois elle n’a même pas conscience.. de lasériser la rougeur passagère. négligeant ainsi le principe essentiel qui vise à ne pas justifier. est venue consulter pour irritation vulvaire permanente. ce qui a finalement amené ses médecins à dire que c’était psychique et à prescrire des antidépresseurs qu’elle n’a pas supportés. refus. il reste au gynécologue – qui veut comprendre – à étendre son champ d’investigation. de matraquer. La patiente reconnaît qu’elle est déprimée et attribue cela au fait que son frère est en train de mourir douloureusement d’un accident vasculaire cérébral (AVC). âgée de 60 ans. En voici un exemple. des troubles digestifs vagues ont . invalidante qui ne se calme qu’au coucher. analysant avec soin l’un et l’autre. et pas n’importe où.226 Regards sur quelques pathologies quée et la plus coûteuse. et surtout de le lui faire admettre. parfois même la simple rencontre avec un médecin attentif. Elle a subi plusieurs traitements sans succès. Elle révèle certaines névroses ou même certaines psychoses. différente selon les personnalités. D’autres étiologies La vulvodynie peut être le symptôme initial d’une dépression. Mme M. de traiter encore et encore le paisible colibacille vulvovaginal. Il faut alors rechercher les autres signes qui permettront d’affirmer le diagnostic. Les douleurs de la vulve sont le plus souvent des douleurs de la sexualité : peurs. à ne surtout pas authentifier une lésion inexistante par le traitement qu’on lui apporte. échecs ou manques. Elles sont psychosomatiques. car elles expriment dans le corps. Elle pourra ainsi reconnaître son état dépressif. ce que la femme ne peut ou ne sait pas exprimer. Une fois évité ce piège de l’investigation à outrance. La patiente est triste. à zoomer du symptôme au personnage et du personnage au symptôme. À ce moment-là. descriptions notées sur un carnet lu et relu devant nous. c’est l’anxiété devant la maladie qui domine le tableau. des consultations rapprochées apaisent le symptôme. mais elle a maintenant des brûlures vulvaires. Cette douleur vulvaire que ni le gynécologue ni le dermatologue n’ont réussi à étiqueter et encore moins à soulager devient l’ancrage de la douleur et sa justification. Au cours des consultations. la situation semble figée. pensent-elles. Elle n’a pas eu ce qu’on nomme une dépression. Elle a donc subi une cholécystectomie et l’ablation d’un polype bénin du sigmoïde. Les troubles digestifs ont disparu.Les vulvodynies 227 entraîné des explorations qui ont abouti à deux indications opératoires. Elle s’est tue et a développé trois maladies en même temps que son frère se mourait. on ne l’avait même pas invitée au « pot » du jour de l’an. tout comme leur pathologie. Un traitement hormonal. cette femme qui n’avait jamais été malade et qui avait travaillé comme comptable dans la même société avait été poussée sans ménagement vers la sortie pour une retraite anticipée à l’occasion de la mise en informatique de son service comptable. . Ce type de patiente n’accepte que rarement le recours au psychothérapeute. Dans d’autres cas. Elles expliquent la ritualisation de leur mode d’hygiène qui aurait dû les mettre à l’abri. Elle dit qu’à présent elle va mieux. mais peut tout à fait être l’épine irritative à partir de laquelle s’est produite la fixation sur le site vulvaire. Ici. la situation est la même. ce qui n’explique pas cette épine irritative invalidante. Elle a raconté son histoire dans les larmes. Cette retraite imprévue. Deux ans auparavant. à l’âge de 58 ans. À l’examen. la vulvodynie entre dans le cadre d’une hypocondrie. des soins locaux. un psychostimulant. mal vécue l’a dramatiquement déstabilisée. nous engluant avec la patiente dans cette rumination dont nous ne pouvons la dégager. la vulvodynie révèle la personnalité obsessionnelle de certaines femmes. la muqueuse vulvaire est certes un peu sèche et atrophique. Elle commence à parler longuement d’autre chose. qu’elle peut regarder en arrière et comprendre ce qui l’a jetée à terre. Le symptôme a changé. Chez certaines patientes. On lui a dit qu’elle était trop vieille pour qu’on puisse la former et. Elle apparaît dès la première consultation : documents médicaux soigneusement classés. après 42 ans de bons et loyaux services. Notre sentiment d’échec va perdurer. Elle ne s’est pas plainte. . le principe est d’abord de ne pas nuire. non seulement elles n’améliorent pas souvent les symptômes. vous n’avez pas de cancer. hydratantes. et entre notre patiente et son propre corps. d’autant que la confiance affichée est irrésistible. de revenir nous en parler. la maladie est nommée. Cette prescription permet à la malade de se sentir reconnue dans sa maladie. Nous obtiendrons même parfois des guérisons de la vulvodynie. faisons-nous aider par le psychiatre. c’est une guérison. pas de maladie sexuellement transmissible. Certaines patientes ont été mal soignées et le seront toujours. ils sont coupables. S’il paraît illusoire d’espérer les aider. dont nous n’aurons connaissance que si elle reste dans notre domaine. Cela s’appelle une vulvodynie. mais sans doute au prix d’une autre pathologie. adoucissantes. Ces patientes peuvent faire des procès. « Madame. émollientes. Nous avons l’impression tout de suite de repérer dans leur histoire le lien entre l’événement psychoaffectif et cette douleur vulvaire qui ne cède pas. affectives. tels ces vestibulectomies dont les résultats sont contestables . en ce cas. car ce n’est pas un diagnostic à porter à la légère. je ne vois rien d’anormal. pas d’infection. traumatismes de l’enfance. du moins un certain temps. la patiente s’applique à nous faire le plaisir de nous suivre dans cette hypothèse. mais elles en rajoutent aussi de nouveaux. frustrations sexuelles. En ce qui concerne la thérapeutique. Ici. est fait par défaut.228 Regards sur quelques pathologies À un degré de plus. le mari est maladroit tout comme le médecin est incompétent. il importe de traiter la malade plus que la maladie. elle a une vulvodynie. Ces crèmes valent moins par leur efficacité que par la relation qu’elles permettent d’établir entre nous et notre patiente. » Le diagnostic est fait. Ensuite. Les personnalités hystériques sont beaucoup plus séduisantes. la mise en scène de la douleur occupe toute la place par la richesse des expressions et des images. la patiente n’a pas rien. Il convient de protéger les patientes d’actes chirurgicaux. Elle nous donnera peut-être la chance de la faire décoller de son symptôme en lui permettant de découvrir le vrai lieu de sa douleur. privées ou professionnelles. nous découvrons une tendance paranoïaque. Le diagnostic. De plus. même si nous prescrivons des thérapeutiques locales. par définition. Dans certains cas. La communication semble facile. troubles relationnels. ne négligeant pas : – le symptôme offert . exposée aux interventions hasardeuses ou aux interprétations aggravantes. Écouter. Pour tenter de guérir une douleur vulvaire qui demande le plus souvent un véritable travail d’équipe. avec ses chromosomes. car la réponse médicale à cette douleur chronique doit être en même temps précise et complexe. qui va quelquefois au-delà du possible. le trouble de la personnalité . psychosomatique. une aide thérapeutique. les gynécologues devraient à la fois se former et savoir s’entourer. – l’héritage. – corriger l’image du corps malade . débordent largement le domaine de la gynécologie. c’est aussi soigner. La vulvodynie est l’archétype de l’affection psychosomatique. pour prendre en charge cette pathologie. qu’elles soient liées ou non à l’activité sexuelle. il faudrait : – guérir toute épine irritative locale . pour éviter de faire de la patiente douloureuse une balle de ping-pong : renvoyée de l’un à l’autre. Être formé à cette médecine globale. . On comprend alors que. – les paramètres de la sexualité : le désir. l’orgasme . – le vécu. qu’elles concernent la femme jeune ou la femme postménopausique. ne veut pas dire savoir tout faire. dans un rêve de toute-puissance. – le présent. avec ses douleurs . C’est une tâche immense. Cela veut dire aussi savoir demander conseil. le plaisir. apaiser. les vulvodynies. même si ce n’est pas toujours guérir. accompagner. un avis spécialisé. Nous nous heurtons aussi à la furieuse envie de guérir des médecins.Les vulvodynies 229 Conclusions Les douleurs chroniques de la vulve. – traiter les difficultés sexuelles. avec ses antécédents et ses modèles . – améliorer l’état affectif et émotionnel . Nous nous heurtons là non pas à un symptôme isolé mais véritablement au « disque dur » qui fait la personnalité de chacun. n° 391. LABAT J. n° 3 : 205-208. 10-A-10. n° 391. Gyn Obst. – « Les Douleurs dermatologiques ». (1995). – « Physiopathologie de la douleur périnéale ». – « Des portes du plaisir à la douleur en lieu et place ». 23-24 octobre.230 Regards sur quelques pathologies Pour en savoir plus FRIEDMAN M. Encycl Méd Chir (Elsevier. (1998).J. Paris). Contracep Fertil Sex. (1993). – « Vulvodynia : a gynecologist or dermatologist concern ? ». (1998). – « Anatomie clinique de l’appareil génital de la femme ». 28 p. MOYAL-BARRACCO M. European College for the Study of Vulvar Diseases. STEG G. vol. . 23. Paris. KAMINA P. Gyn Obst. Congress and post graduate course. (1998). qui ne la mentionnent même pas. LACHOWSKY L’endométriose est une des grandes inconnues de notre si scientifique siècle. les manifestations le sont encore moins. alors qu’on en retrouve trace dans des écrits médicaux dès 1690 – trace certes un peu perdue puisque les historiens de la médecine l’ont longtemps oubliée. datant de 1997. et l’on peut se demander si les patientes sont fragiles donc prédisposées. Un peu d’histoire L’endométriose est une maladie du mal-être et du malaise. qu’il s’agit là d’une maladie féminine caractéristique de la . Il ne néglige ni l’aspect inflammatoire ni la tendance aux adhérences qui « lient les organes ensemble ». en fait la description princeps dans son livre Disputatio inauguris Medica de Ulceribus Ulceri en 1690.14 Endométriose M. Il n’y a pas d’étiologie univoque. En font foi l’Encyclopédie d’histoire de la médecine publiée à New York en 1985. ou au contraire fragilisées par ce mal étrange. Daniel Shroen. celui des patientes mais aussi des médecins. elle affecte les femmes dans leur vie quotidienne comme dans leurs projets. Souffrance du passé. Il ajoute. ou le travail de Cambridge. Or. ni le risque hémorragique. qui se veut très complet. avant le travail de Rokitanski en 1860. Cette maladie nouvelle serait pour certains liée au monde moderne. comme s’il parlait d’une maladie relativement courante à cette époque. malgré nos moyens d’investigation pourtant de plus en plus sophistiqués. un autre médecin allemand. douleur du présent. sur l’histoire de la santé humaine. convulsive. Le voile est loin d’être levé sur l’étiologie anatomophysiologique. et prise sérieusement en considération. son esprit en est complètement brisé et de plus elle vit toujours dans la crainte d’une aggravation. médecin écossais. nausées. nos détectives du XVIIIe siècle. cet auteur et ceux qui l’ont suivi tout au long du XVIIIe siècle ont su reconnaître la plupart des dommages et des symptômes de « notre » endométriose. et doivent en plus faire face à la myriade des autres symptômes. Bien . Vincent J. oppressante. comme les nomme l’historien américain qui a fait cette recherche. Arthur Duff. selon ses termes. qu’elle soit à type d’aiguilles ou de brûlure.Regards sur quelques pathologies 232 période de maturation sexuelle. Triomphe du regard et de l’écoute clinique de ces chercheurs d’un autre temps. de la douleur à la stérilité. un autre compatit : Qui ne serait nerveux et hystérique dans le triste état d’angoisse qu’amène cette maladie ? Les femmes sont torturées de douleurs. ne pouvaient découper en tranches que la maladie et non la malade. Si l’un d’eux dit que cette douleur récurrente ou permanente ne pouvait qu’aboutir à l’hystérie. cette maladie affecte totalement le bien-être de la malade. En 1769. atroce et tortueuse. va jusqu’à insister pour que cette douleur soit bien distinguée d’une dysménorrhée banale. qui. ont été frappés par le caractère intense de la douleur. ou à cause du. Et l’un d’eux (Brotherson. insomnie et tachycardie – qui ne s’appelait encore que pouls rapide. 1776) de compatir : Aux pires stades. Outre leurs étonnantes descriptions macroscopiques. associée à des céphalées. Knapp (1999). n’ayant pas nos ressources scientifiques. La situation actuelle Faisons-nous tellement mieux aujourd’hui ? Oui et non. D’autres Écossais publiant à Édimbourg en 1776 se disent en présence « d’une affliction qui imprègne tout le système de la femme. manque de possibilités scientifiques et sans même notre langage pour les rapporter. produisant des symptômes morbides qui manifestement changent la disposition de tout le corps ». Malgré le. notamment celle des douleurs ou de convulsions. décrite comme insupportable. comparé aux douleurs de l’enfantement. dans et hors la cavité péritonéale. pourquoi et comment cet endomètre s’est-il ainsi fourvoyé ? Métaplasie. nous savons qu’il s’agit de la présence de cellules endométriales implantées ailleurs que dans l’utérus. preuves de nos incertitudes. Cependant. c’est qu’il y a peu de différence entre l’anxiété et la fragilité de ces deux groupes de patientes et encore moins de corrélation entre taille des lésions et intensité de la douleur. Belaïsch et J.-P. avec et sans endométriose prouvée. ces errements. il est bien connu que chercher une endométriose équivaut presque à la trouver ! J. avec des premières grossesses tardives . et nous y reviendrons. d’où la variété de symptômes et de situations anatomocliniques. . Elles nous permettent sinon de guérir. Cette constatation nous avait aussi frappées. En effet. mais l’endométriose a bien sûr aussi des explications logiques (plus de cycles et de menstruations. des familles moins nombreuses. Allard (2003) ont retrouvé au cours de leurs travaux quelques aspects communs chez des femmes porteuses d’endométriose : un niveau socioéconomique sensiblement plus élevé. sur le profil psychologique et les événements de vie des femmes souffrant de douleurs pelviennes chroniques. qui a précédé ou accompagné les douleurs physiques. Mais pourquoi ces déplacements. infertilité. implantation par régurgitation. qui se développent de manière aussi ectopique qu’anarchique. et surtout ces douloureuses infertiles que sont les patientes porteuses de cette toujours mystérieuse maladie. Ce qui est assez étonnant. et peutêtre alors une plus grande difficulté d’ajustement à cette parentalité tardive). les avancées dans le traitement de la douleur. elles nous révèlent souvent un passé moralement douloureux. donc de soulager nos douloureuses et nos infertiles. au moins de mieux soigner. moins cependant que la fréquence non négligeable d’événements de vie particulièrement traumatisants vécus par un grand nombre de ces patientes. tantôt superficiels tantôt profonds. troubles immunitaires. De plus. Douleurs et infertilité De nombreuses études ont été publiées. essentiellement anglosaxonnes.Endométriose 233 entendu. toutes les hypothèses s’affrontent ou plutôt se complètent. nos connaissances dans ce domaine sont à prendre en considération. mais responsable de tant de maux. D’autant plus que celles-ci ont souvent recours à l’automédication. n’est pas facile à tolérer. la position ainsi que nos instruments et nos doigts. La pseudoménopause. il lui faudra donc s’armer de patience. alors que chez d’autres ce sont des larmes ou une grande difficulté à se soumettre . mais elle est importante car le dialogue est semé d’embûches : affligée d’une maladie « bizarre ». Pour en revenir aux médications. s’y ajoute souvent une autre douleur. jamais neutre ou banal pour toute femme. la dysménorrhée n’évoque pas systématiquement cette affection. à toute adolescente se plaignant de règles douloureuses. sa sexualité. comme une « fatalité du fait féminin ». Elle est touchée dans sa féminité. et ce n’est pas toujours si simple ni si tranché. surtout si la lignée familiale a toujours considéré cet état comme normal. il convient d’en exposer avantages et inconvénients à la patiente. Aujourd’hui encore. sa fertilité . autrement dit nos modes de pénétration. celle de l’infertilité.234 Regards sur quelques pathologies Au présent. ou plutôt il paraît impensable de proposer une cœlioscopie. la chirurgie se doit parfois d’être mutilante et l’on ne saurait nier que la qualité de vie de nos patientes souffre à la fois de la maladie et des efforts pour la stabiliser. car l’échographie n’est pas toujours productive. En effet. en ce sens. La parole se libère parfois sur la table gynécologique. de prendre du temps . Il convient d’être aussi clair que possible et. encore moins sans doute pour une femme atteinte d’endométriose. alors qu’elle a justement le sentiment d’être depuis longtemps dans une attente qui frise la non-reconnaissance de ses problèmes. il faut bien avouer que les traitements de l’endométriose sont en euxmêmes une source de stress et de mal-être. Traitements médicaux ou chirurgicaux. cette recommandation peut paraître aussi banale qu’évidente. et cela pourrait paraître paradoxal. à peine compréhensible. qui est aussi un mode de découverte de l’endométriose. toute réversible qu’elle soit. Il est vrai qu’il incombe souvent aux médecins de faire mal pour faire du bien. pour cela. non seulement induite mais aussi recherchée. que faire si les thérapeutiques ne réparent que certaines manifestations. ou pire. notre patiente est parfois sidérée devant des choix thérapeutiques qui lui semblent aller de Charybde en Scylla. Il faudra parfois combiner les deux. des piqûres aux chimiothérapies en passant par le simple examen gynécologique. peuvent raviver le souvenir plus ou moins enfoui de sévices et d’abus sexuels. en créent d’autres ? En effet. familial ou personnel . surtout s’il est cautionné ou. On pense aujourd’hui que. Le passé des patientes Il est indéniable que les événements traumatiques de l’existence sont sensiblement plus fréquents dans le parcours de ces femmes que dans la population générale : – divorce des parents.Endométriose 235 aux investigations qui traduiront la reviviscence du traumatisme. Nous avons alors osé et commencé à poser des questions. – viols dans l’enfance ou plus tardivement . . attouchements incestueux . et d’autres beaucoup moins jeunes. – père violent. l’enfant ou la jeune fille se croit devenir coupable. de ces questions qui peuvent aussi bien provoquer des refus et la fin de la relation. pire. est de loin le plus marquant. Nous avons très souvent entendu que la vie semblait avoir particulièrement mal traité nos patientes venues pour endométriose. ce d’autant plus que le père lui aura parfois parlé d’amour tout en la terrorisant. comme au contraire un soulagement et une « permission de parler ». – accident grave. dans un climat lourd . – plus rarement. nié par la mère et/ou l’entourage. et avons noté avec étonnement et même parfois avec incrédulité la fréquence des abus sexuels dès lors que nous avions eu le courage ou l’audace de les évoquer. – agressions. – abandon . – traumatisme par sévices physiques et/ou sexuels . Avant de préciser un peu notre approche. De victime salie. dans l’échelle des traumatismes et de leurs traces dans l’avenir. – mort ou départ d’un parent . il faut tout de même garder à l’esprit deux considérations qui ne sont contradictoires qu’en apparence seulement. L’endométriose serait une construction du choc post-traumatique ? C’est une hypothèse qui a été envisagée par des psychanalystes travaillant de concert avec médecins et chirurgiens. l’abus sexuel par le père. comme nous l’ont dit certaines jeunes femmes. violences conjugales. mère battue . on a dit aux femmes que leurs symptômes étaient « dans la tête ». ou au pire. ceux-ci manifestent dépression. soit pour lui paraître plus digne d’intérêt encore. écrit : « Heureusement pour les femmes atteintes d’endométriose. Elles accusent les médecins et surtout les psychiatres de « psychologiser » leurs patientes. comme l’appelle Boris Cyrulnik qui travaille sur la résilience). les animaux ne sauraient être accusés [c’est son terme !] de somatisation » . Les psychiatres américains qui veulent faire du syndrome prémenstruel un syndrome psychiatrique sont peut-être aussi loin d’une approche psychosomatique telle que nous la concevons que le plus psychorigide des apôtres de l’hystérectomie. dès 1997. cette façon d’envisager la somatisation n’est qu’un nouveau tour de clé pour en resserrer un ancien qui enferme encore plus les femmes. de les amener à répondre ce que le médecin leur semble souhaiter. Pour la majorité des femmes atteintes d’endométriose. . Il ne s’agit sans doute pas tout à fait d’une exagération de suffragette ou de féministe se trompant de combat. est que poser ces questions risque de faire (inutilement ou pas. Elle continue : Depuis les décennies Freud. détresse et anorexie quand la douleur abdominale s’installe. elle fait là allusion aux travaux que finance aussi son association sur l’endométriose induite par la dioxine sur les singes . non négligeable pour certains. à la plus grande satisfaction des scientifiques dont cela excuserait l’ignorance et masquerait la confusion… Mary-Lou Ballweg.Regards sur quelques pathologies 236 Les associations de patientes Les associations de femmes dites consuméristes comme la puissante Endometriosis Association américaine se battent – le mot n’est pas trop fort – pour que cette maladie ne soit pas psychiatrisée. soit plus rarement pour satisfaire à une mode médiatique. là est la question) souffrir ces femmes qui souhaitent oublier ou croient avoir tiré un trait sur leur malheur (ce « merveilleux malheur ». Oser des questions ? La deuxième remarque. avec des rapports sexuels difficiles et peu satisfaisants ? Et puis comment va-t-il supporter que je passe ma journée. une grand-mère bien peu affectueuse. Ce décalage frappe d’emblée. Elle nous apprend en effet que la douleur est une constante dans sa vie. qui sourit poliment mais dont le regard est triste. qui voudrait un enfant. un homme bien. voilà qui doit faire réfléchir. depuis les premières règles jusqu’aux premiers rapports. J’y ai cru une fois. et pourtant j’ai mis fin à notre relation. Tous les soirs ou presque. Au cours de l’examen gynécologique. Docteur ! » « Mais. une grande réticence à se laisser faire. Nadia est une belle jeune femme brune. « Et en plus. ce n’est pas pour moi. ou presque. élégante et gracieuse. Nous apprenons alors sa vérité. Savoir et vouloir lire et entendre ces réactions. parfois un monologue de la patiente. et un père qui lui dit reporter sur elle tout l’amour que la maladie de sa femme l’empêche de manifester. ces émotions peut permettre de faire de ces « perches tendues » de vrais outils de communication avec une patiente qui souffre physiquement et moralement. sous la douche ? » Voilà en effet qui n’est pas banal. au nom de l’amour et du besoin d’un corps masculin qui se dit frustré.Endométriose 237 Nous voudrions ici insister sur ce fait d’expérience : il nous semble non seulement possible mais encore nécessaire d’approcher ces femmes dont l’enfance ou l’adolescence a été mise à mal. car elle venait de retrouver du travail. son histoire : une mère malade. presque un peu absent. je viens de rencontrer un homme qui m’aime. une vie normale. ce n’est pas possible. Le diagnostic d’endométriose a été évoqué. dans l’hypothèse d’une prévalence de ces cas dans l’endométriose confirmée. tous les soirs ou presque il la viole. au nom de l’amour encore. Une crise de larmes. ajoute-t-elle. les propositions d’investigation repoussées pour raisons professionnelles dit-elle. « Vous vous sentez… sale ? » lui demandons-nous presque timidement. et l’on est peu étonné de l’entendre évoquer pelvialgies et surtout dyspareunie comme motif de consultation. faire évoluer vers une autre approche de cette femme étendue devant nous que nous nous apprêtons à examiner. et notre silence est souvent fécond. il la rejoint. du silence . tout étonnée elle-même de ce « laisser-aller » qui l’inquiète d’abord et la soulage ensuite. Les deux cas ouvriront vers un dialogue. Comment imposer à un homme une compagne si souvent mal en point. des choses vont parfois se dire sans même une question de notre part. la prise en charge globale de l’endométriose. On peut espérer qu’il leur suffise de rejoindre cette vision de Canguilhem (1984) : loin de stigmatiser. tout est mis sur la place publique. Le rôle du thérapeute Tact et discrétion pour choisir le bon moment. ce qui lui semblait inutile et presque dérisoire auparavant. Arrestation. Ce ne fut pas très facile pour la gynécologue non plus… qui a eu le plaisir de revoir cette jolie jeune femme en couple quelques mois plus tard. contrairement à celles-ci. conjuguée selon les besoins ou l’état avec la pharmacopée et la chirurgie. Ce sont justement ces défenses. et accepter de revoir le médecin devant qui elle s’était exposée comme elle ne l’avait jamais fait. Elle est aussi exemplaire quant à la multidisciplinarité . la bonne attitude. telle doit être ici. un substrat organique. sa honte.238 Regards sur quelques pathologies bienfaisant puisque garant de la paix de la mère ! Celle-ci meurt. elle rejoint le modèle des douleurs pelviennes chroniques de façon paradoxale puisqu’elle a. pour qu’elle puisse s’accepter sans tache. J’aurais préféré te voir morte ! » Ce ne fut pas facile pour Nadia de rendre cette terrible histoire intelligible à travers ses larmes. Bien entendu. Tout aussi exemplaire comme modèle psychosomatique. tu es une dégoûtante. procès. elles n’ont pas toujours besoin d’autant de « résilience » pour vivre avec leur maladie. Nadia révulsée se sauve et parle enfin de son malheur. de lui dire : « Comment as-tu pu raconter tout cela. condamnation. elle demande en effet le savoir du médecin. visant en principe à tester et à renforcer les défenses de l’organisme. bien entendu. la mère de sa mère. Mais l’intensité des manifes- . même si nos patientes porteuses d’endométriose ont souvent vécu des moments difficiles. elle s’en ouvre à l’infirmière de son école. la maladie caractériserait le vivant . et surtout cette fameuse écoute attentive et empathique. Elle a aussi accepté l’idée d’un traitement de fond. la bonne distance. ses hésitations. Jetée sur le lit jumeau à côté du cadavre. elle ne serait qu’une épreuve inévitable. la dextérité du chirurgien et l’analyse du psychologue. tant physiques que psychologiques. que notre prise en charge se doit d’aider au moins à renforcer sinon à créer. Et sa grand-mère. Il a fallu du temps. et al. (1769). BRAUM A. servie par des médecins ayant réponse à tout. Fertility & Sterility. n° 1 : 10-14. – Le normal et le pathologique. a besoin de voir dans la médecine une science exacte. – Dissertatio inauguralis medica de metritide. Quadrige. (2005). Balfour and Smellie. (1943). CANGUILHEM G. – « Endométriose et vécu de l’adolescence ». – Dissertatio… de utero inflammatione ejusdem. Masson. . 34 : 242-247. ALLART J. (1997). Health and Medicine. Paris. BELAISCH J. (2007). Gynécologie Obstétrique Fertilité. PUF. – Endométriose. BELAISCH J. tout en s’en méfiant. Paris. – Cambridge Handbook of Psychology. Edimbourg. (1999). (2006).P. – « How old is endometriosis ? ». (2003). – « La femme endométriosique est-elle différente ? ». 33 : 239-246.Endométriose 239 tations et leur pénibilité n’étant pas forcément fonction du volume des lésions. KNAPP V. 2005. BROTHERSON L. (1776). Cela devient de moins en moins acceptable dans notre société qui. vol. New York. nous retrouvons vite le caractère énigmatique de cette affection. – The Endometriosis Sourcebook. J.. DUFF A. Langage du corps dont patientes et gynécologues n’ont pas fini de chercher le code. l’endométriose pose encore bien des questions. McGrawHill. BALLWEG M-L. Louvain-Haak. Cambridge University Press. 72. comme l’évoquait Kafka : « La maladie parle pour moi parce que je le lui demande. » Pour en savoir plus AUDEBERT A. Gynécologie Obstétrique Fertilité. l’avancée des techniques a permis de découvrir l’origine des anomalies du col. Anaes.15 Col utérin. 2004). Si elle n’est pas dépistée à temps. avec une capside et constitué de 80 paires de bases sur un double brin d’ADN . habituellement bénigne mais génératrice d’autres inquiétudes. nous sommes passés à l’infection à HPV. Ma pratique de gynécologue. mais surtout de colposcopiste. RICHET La pathologie du col utérin est extrêmement fréquente. le papillomavirus (human papillomavirus [HPV]). papillomavirus et cancer A. Ainsi. Développement du papillomavirus et cheminement du cancer Le HPV est un petit virus à ADN sans enveloppe. Si la pratique régulière des frottis a très largement contribué à la régression des cancers du col utérin. Elle touche environ 15 % de la population féminine régulièrement dépistée par les frottis cervicaux. L’infection à HPV du col utérin est la plus fréquente des maladies sexuellement transmises de la femme. elle peut être responsable des cancers du col (3380 cancers du col survenus en France en 2000) et de décès (environ 1000 .-I. la pathologie s’est déplacée : du cancer souvent mortel. m’a permis de m’interroger sur les différentes réactions des patientes à la présence de ce virus. mais également aux réponses que nous pouvons leur apporter et à toutes les interrogations qui persistent. 68. il survient plutôt après 55 ans. constituant les vaccins anti-HPV. 39. sont abstraites pour les patientes et d’autant plus difficiles à transmettre. Près de 80 % des femmes seraient infectées par ce virus avant l’âge de 30 ans. lors des tout premiers rapports quand l’immunité du col et probablement aussi les défenses de la glaire cervicale sont insuffisantes. 45.. jusqu’à la survenue tardive d’un cancer après 10 à 15 ans d’évolution sans traitement. Ils se répartissent grossièrement en deux groupes : – groupe non agressif : principalement 6. L et LRR. la fabrication des VPL (virus particle like). 59. tout en respectant au début la membrane basale. virus susceptible d’altérer le cycle cellulaire en faisant pénétrer son ADN dans le noyau des cellules. il entraîne un certain nombre de modifications cellulaires mais également architecturales du tissu cervical. 35. Seul un petit nombre d’entre elles garderont ce virus dans leurs cellules cervicales. plutôt que la présence d’un HPV à haut risque chez une femme. 43. 51. 33. On peut donc considérer que. 11. et d’autres (Bergeron et al. mais la contamination se fait avant 20 ans et le cancer survient après 50 ans. C’est bien là une partie du problème : l’infection à HPV est une pathologie des trentenaires. on les retrouve aussi dans plus de 50 % des lésions de bas grade (CIN I). signe de la noninvasion des lésions. Si les HPV à haut risque sont responsables des lésions de haut grade. Quant au cancer invasif. La protéine L permet. par autoassemblage. 42. – groupe potentiellement oncogène : 16. L’infection à HPV survient souvent au début de la vie sexuelle. 52. Le pic de fréquence des lésions de haut grade est maximal dans la tranche d’âge 25-45 ans. . 18 (pour 70 à 80 % des lésions de haut grade) 31. et ces frottis anormaux représentent alors 10 % de l’ensemble des frottis. Ces notions. 44 . 56. c’est sa persistance après l’âge de 25 ans qui peut poser un problème. Une fois le virus intégré. La femme est donc touchée à tous les tournants de sa vie : au début de sa sexualité. 58. 1992).242 Regards sur quelques pathologies portant 8 gènes en 3 régions E. au moment des maternités et à la ménopause. On connaît une centaine d’HPV dans l’espèce humaine. compliquées pour les médecins. et sur le modèle de l’hépatite. sont peu compréhensibles. papillomavirus et cancer 243 Compte tenu de la prévalence de cette infection. deux vaccins prophylactiques ont été conçus et expérimentés à une large échelle. dans la majorité des cas. il reste un examen fiable et efficace dans le dépistage primaire des lésions du col utérin. Ces mots ou acronymes. et leur efficacité contre l’apparition des lésions de haut grade est prouvée dans 70 % des cas. Ce consensus est fondé sur une réponse analytique . Dès lors. Depuis 2001. provoquées. la conférence de Bethesda a permis un nouveau consensus concernant la classification des frottis. la recherche a porté sur les vaccins anti-HPV soit prophylactiques. et même si les femmes ont repéré depuis longtemps le résultat normal. plus classiquement. avec un recul de 4 à 5 ans. et souvent simplement un courrier disant . comme ASC-US (anomalies indéterminées des cellules squameuses) ou HSIL (lésion intraépithéliale squameuse de haut grade). Actuellement. toute modification dans l’écriture est génératrice d’angoisse. Nous leur proposons une explication de texte parfois un peu lénifiante. de nouveaux termes sont apparus. Ils sont très immunogènes. Même si le frottis cervicovaginal n’a une sensibilité (possibilité de faux négatifs) que de 30 à 87 % pour une spécificité (possibilité de faux positifs) de 86 à 100 %. peu familiers aux femmes qui étaient habituées aux anciennes classes I et II. soit thérapeutiques. Ainsi.Col utérin. Moyens diagnostiques de la pathologie du col Nous allons envisager ici les différents moyens à notre disposition pour explorer le col de la femme. on sait que l’analyse des cellules du vagin et du col permet de détecter des anomalies avant que la clinique ne soit parlante et n’évoque un cancer du col devant des métrorragies spontanées ou. ainsi. demandant une explication sur cet ASCUS ou ce HSIL. Depuis Papanicolaou en 1933. le cancer du col a presque disparu. conférant une immunité sérique supérieure à l’immunité naturelle. elles appellent leur gynécologue. les femmes qui développent un cancer du col sont celles qui ne sont pas suivies ou qui n’ont pas eu de suivi approprié après une première alerte. Dans les pays nordiques où le dépistage couvre plus de 90 % de la population féminine. toujours inquiétants pour elles. et sourit enfin en s’autorisant à se détendre et à se laisser aller en arrière sur son fauteuil. il est d’ailleurs souvent mal compris par les femmes qui disent « coloscopie ». il est indispensable « d’occuper » les patientes en leur parlant et de les rassurer sur ce qu’on voit et qu’elles peuvent parfois voir elles-mêmes si le colposcope est relié à un moniteur télé. Elle exprime fréquemment ce soulagement en nous disant qu’elle était très inquiète. plus familier à leurs oreilles. Elles découvrent ainsi leur col et sont souvent surprises des couleurs. Comment se passe cette consultation particulière ? La patiente vient sur les conseils de son médecin et. même si celui-ci a bien tout expliqué. C’est un examen qui fait peur. Souvent.244 Regards sur quelques pathologies que le frottis montre quelques anomalies sans gravité mais qu’il convient de contrôler. La colposcopie est un examen qui demande un certain temps. Pendant l’examen colposcopique et ses trois temps – sans préparation. Quand on dispose donc d’une caméra branchée sur le colposcope. Ce frottis qui n’était jusqu’alors que « de routine » devient alors examen médical complémentaire anormal. et expliquer où se situent les zones pathologiques. on peut montrer aux femmes « en live » ce qu’on fait « en bas ». et donc qu’il faut qu’elles se détendent. mais il semble que la « vraie » question est : « Est-ce que c’est un cancer ? » Lorsque la réponse est négative. le premier rôle du colposcopiste est de reprendre le résultat du frottis et de répondre aux questions. la patiente est réellement et visiblement soulagée. des saignements éventuels. et souvent après qu’elle a été répétée pour une plus grande certitude. la patiente demande si c’est grave. donc anxiogène. partie toujours . que cela fait plusieurs nuits qu’elle ne dort pas. Il devient alors possible de lui expliquer le déroulement de la consultation de colposcopie – un examen du col avec des jumelles éclairantes – et de la rassurer sur le caractère indolore de l’examen et même des biopsies si elles sont nécessaires. car son nom est compliqué . après application d’acide acétique puis de Lugol –. Il est bon de prévenir les patientes que cela ressemble à un frottis quant à la sensation mais que c’est plus long. La plupart sont intéressées par cette vision d’une partie d’elles. La patiente se sent devenir une malade et rentre alors dans le circuit des explorations du col utérin dont la première est la colposcopie. On peut leur faire voir les changements de coloration liés aux applications d’acide acétique puis de Lugol. à la recherche de condylomes externes. Le HPV est bien une infection sexuellement transmise. Des biopsies sont éventuellement réalisées sur les zones pathologiques en faisant tousser la patiente à la fois pour faire descendre le col.Col utérin. La question suivante porte alors inévitablement sur le traitement et les alternatives suivantes : traiter par destruction ou exérèse. sensation en compétition avec l’inconfort de la biopsie. Souvent. qui sont en fait dans le col. la vue des poils sont choquants pour certaines . Après l’examen. Comment aborder la pathologie précancéreuse qu’est le HPV ? À l’issue de cette mise au point. permettant une meilleure préhension et aussi pour créer une autre sensation dans l’effort de toux. mais peu importe l’activité sexuelle . papillomavirus et cancer 245 invisible voire méconnue : « Mais le col c’est où exactement ? On peut le toucher avec son doigt ? » Ce sont des questions souvent posées et tous les gynécologues ont eu l’expérience de patientes venant en consultation pour la découverte d’une « boule » dans le vagin. un schéma colposcopique est réalisé. Là encore. elles trouvent que c’est « inesthétique ». permettant au colposcopiste de commenter dans le même temps pour la patiente les anomalies repérées et de lui situer les lésions ainsi que la place des biopsies. la transmission se fait au tout début de . Mais elles sont rassurées que nous voyions ce qu’elles ont senti avec leurs doigts et que nous puissions nommer ces lésions. se sentant gênées que nous puissions les soupçonner de pratiques sexuelles « différentes ». de nombreuses questions restent en suspens. la vision de leur vulve les dérange plus que celle de leur col : l’aspect des lèvres. ou attendre avec contrôle ultérieur en fonction des résultats des prélèvements. D’autres femmes ressentent désagréablement l’examen. Le gynécologue utilise aussi le colposcope pour examiner la vulve et la région périanale. la parole du colposcopiste est fondamentale et il se doit d’être retenu mais explicatif. et une autre s’être débarrassée du même virus et être ainsi indemne ? Qu’a-t-on fait pour « mériter » ça ? Jamais je n’ai abordé ouvertement la notion de culpabilité ou plutôt de non-culpabilité de cette patiente-là. c’est plutôt un sentiment de soulagement que l’on ressent (cela n’est donc pas exceptionnel) que d’injustice (pourquoi pas moi ?).246 Regards sur quelques pathologies la vie sexuelle. » Cette notion d’infidélité supposée ne se retrouve pas que dans le questionnement des femmes . C’est donc pointer l’injustice de la non-disparition du virus chez cette femme-là. souvent avec le premier partenaire. mais je l’ai souvent pressentie dans son questionnement. quand on leur dit que c’est une infection fréquente dont la plupart des femmes se débarrassent spontanément. comment expliquer la disparition spontanée fréquente – plus de 80 % des cas –. sans comportement à risque. Je me permets alors de lui dire qu’elle n’y est pour rien. ni responsable et probablement son conjoint non plus. il est de nombreuses femmes qui développent l’infection sans avoir multiplié les amants. Même si le nombre de partenaires sexuels est un facteur de risque supplémentaire pour la pathologie du col. comme si rien ne s’était passé. Les patientes relient souvent maladie sexuellement transmissible (MST) et nombre de partenaires. Comme nous venons de le voir. comment ne pas trouver injuste que. elle est aussi dans la parole des médecins parfois mal avertis ou maladroits voire inconsciemment moralisateurs. l’infection à HPV est une maladie sexuellement transmise et cette transmission particulière génère bien des questions. et s’expliquent mal l’apparition d’un HPV alors qu’elles ont une relation monogame – sous-entendu de leur côté – depuis tant d’années. on entend clairement : « Si moi je suis fidèle. chez certaines femmes ? Curieusement. sans raison particulière connue. La difficulté pour le colposcopiste directement en prise avec la question : « Mais comment je l’ai attrapé et depuis quand puisque mes frottis ont toujours été normaux jusqu’alors ? » n’est pas de dire la vérité mais de l’expliquer. c’est que mon partenaire ne l’est pas. La fréquence . une femme puisse avoir des lésions potentiellement oncogènes. Sous cette réflexion. Par ailleurs. Il s’agit d’expliquer la fréquence de la contagion si tôt dans la vie sexuelle et la presque – tout est dans ce « presque » – égale fréquence de la disparition spontanée dans plus de 80 % des cas. En effet. qu’elle n’est pas coupable. Les questions sur la transmission au(x) partenaire(s) sont cruciales et sources d’angoisse pour la femme quand il faut annoncer à son conjoint la présence du HPV. mais dont on ne peut pas traiter la cause. en effet. et il est souvent difficile de faire comprendre que le virus peut ou non disparaître spontanément. A contrario. en en parlant autour d’elles. Les patientes entendent parfaitement ce paradoxe. et il peut être présent sur toute la zone anogénitale. il est donc inutile d’imposer aux couples le préservatif qui « gâche » encore plus une sexualité déjà bien en difficulté. d’apprendre que leur entourage avait traversé la même épreuve. lorsqu’on le diagnostique chez sa compagne. la notion de fréquence rend la maladie moins grave et moins angoissante : si ma voisine « l’a » et qu’elle va bien. Est-ce donc que c’est un autre qui le lui a transmis. de nombreuses patientes rapportent qu’elles ont été très surprises. Il faut les aider en rappelant le . On peut penser que c’est cette impuissance qui se manifeste quand les médecins sont impatients devant les questions de leur « patiente » ou quand ils éludent leurs interrogations sur le temps de persistance du virus ou encore les raisons de cette persistance. malgré la disparition spontanée de la lésion. c’est donc que je ne risque rien de sérieux et que les médecins savent bien « la » soigner. Ainsi. Enfin. puisque jusqu’alors les frottis étaient normaux. Ainsi. le HPV ne se transmet pas par le sperme. Les médecins sont donc impuissants devant ce virus. Nous sommes cependant devant le paradoxe d’une pathologie qu’on connaît. À ce propos. ou bien qu’il a été infidèle. côtoyer une pathologie la rend plus familière et diminue l’inquiétude qu’elle suscite. bien. papillomavirus et cancer 247 d’une pathologie est toujours rassurante . mais par contact. En effet. ou bien encore qu’il a la chance de ne pas l’avoir attrapé ou de s’en être déjà débarrassé ? La transmission est possible même en cas de rapports sexuels protégés. Or le partenaire est rarement porteur du virus. MST veut dire atteinte du partenaire. en fonction de critères qui nous sont encore mal connus. le virus peut persister. comme les capacités de défense de l’immunité humorale et cellulaire. comme si en partageant une maladie on l’amoindrissait. L’impossibilité de traitement antiviral donne à certaines l’impression d’être « punies » à vie.Col utérin. Comme souvent. L’utilisation des préservatifs n’est donc pas une garantie contre la pathologie liée à ce virus. Il semble qu’il faut être d’autant plus clair à ce sujet que la patiente a besoin de certitudes pour en parler elle-même à son compagnon. est fondamentale. une éventuelle contamination pendant la naissance et le passage dans la filière génitale n’est pas complètement exclue en cas de condylomatose floride de la mère. donc de quantité de virus présente dans les cellules et de son effet cytopathogène. maintenant. D’abord. à savoir qu’on ne peut pas dater l’infection et que. dont l’origine virale est identique. En effet. qu’en cas de lésion plane. l’herpès. notre rôle consiste donc à rassurer quant aux conséquences de cette infection pour la descendance. la notion de charge virale. Si la question de la transmission au partenaire sexuel est délicate. Les choses sont plus simples que pour la transmission initiale : il n’y a pas de risque reconnu d’altération de la fertilité. celle de la transmission lors d’une grossesse actuelle ou future devient poignante. Dans cette consultation à trois. est-ce qu’elles pourront accoucher normalement . est-ce que leur enfant sera indemne ? Ces questions semblent montrer la confusion entre le HPV. est-ce que cela ne rend pas stérile . Une fois encore. Cette question « Qui me l’a transmis ? » est généralement masquée par « Comment je l’ai attrapé ? » Néanmoins. le propos est vraiment « Qui ? ». on a plus de risques de transmettre le HPV lors d’une lésion acuminée vulvaire – ces fameuses crêtes de coq – ou cervicale bénigne. les femmes veulent savoir si elles pourront être enceintes. Là encore.248 Regards sur quelques pathologies fait que la transmission peut être très antérieure à la déclaration de la pathologie. En effet. Pour celles qui sont inquiètes de savoir si elles peuvent transmettre le virus dont elles sont porteuses. ou même le sida. le médecin a un rôle de médiateur. il faut la prendre en charge. . ni de conséquence pour le futur enfant en dehors des très rares cas de papillomatose laryngée de l’enfant. Qu’entendent-elles par « pouvoir être enceinte » ? Est-ce qu’on les autorise . il est important de mettre en avant la très grande probabilité de transmission en début de vie sexuelle et d’être bien clair sur ce qui importe. parfois plus agressive. et les femmes refont mentalement l’historique de leur sexualité pour retrouver le « fautif » potentiel. est-ce qu’elles en seront capables . comme la podophyllotoxine (Condyline). un taux légèrement accru de fausses couches spontanées et d’accouchement plus précoces. Les traitements d’exérèse peuvent altérer la fertilité par le biais du raccourcissement du col utérin. papillomavirus et cancer 249 Les traitements proposés La question du traitement doit être abordée en lien avec ses conséquences sur la fertilité. et récidiver. les patientes doivent être bien averties qu’on traite des lésions et non pas leur cause. atteignant les glandes endocervicales et dont la résection n’est pas in sano.Col utérin. et les études décrivent. tout en rassurant sur les possibilités ultérieures de grossesse. – les agents destructeurs physiques comme la cryothérapie ou le laser pour les lésions de bas grade externes ou internes . Nous devons donc expliquer l’intérêt et les limites de la conisation. il ne faut pas oublier la surveillance. à savoir l’exérèse complète des lésions et leur analyse histologique versus les risques de récidive. l’imiquimod (Aldara). Une fois de plus. de type conisation au bistouri. – les traitements d’exérèse pour les lésions de haut grade. période de désir de grossesse. le virus . d’autant que les lésions de haut grade susceptibles de nécessiter une exérèse surviennent vers l’âge de 25 à 35 ans. sans les alarmer. On est parfois obligé de faire une hystérectomie devant des lésions de haut grade récidivantes. les patientes expriment ainsi leur inquiétude à ce sujet : « Et si ça revient. on va en retirer un nouveau bout et après on va tout retirer ? » La question est particulièrement pertinente. puis annuelle sur le long terme. ou l’acide trichloracétique à 80 % pour les lésions génitales externes . Souvent. après ce type de chirurgie. Enfin. bisannuelle pendant 2 à 4 ans. car ils sont peu fréquents (Mergui. celui-ci peut donc persister. c’està-dire incomplète. 2006). la limite entre information et dramatisation excessive est très mince. Une fois le traitement effectué. il s’agit de patientes au-delà de la quarantaine pour lesquelles le problème de la fertilité ultérieure se . Habituellement. Nous disposons de plusieurs types de traitement : – les agents destructeurs chimiques. Il peut y avoir aussi une sténose cervicale cicatricielle. toujours invisible. au laser ou à l’anse diathermique. Nous devons donc informer les patientes des effets secondaires attendus. Il est pourtant fréquent que les femmes préfèrent l’idée de cette intervention plutôt que celle d’une récidive tardive possible . On mesure alors combien cette infection peut fragiliser une femme et un couple dans leur sexualité. Nous pouvons alors nous rendre compte que nos explications préopératoires. sa guérison. Cependant. c’est bien la fonction sexuelle qui est la première altérée quand persistent des zones d’ombre touchant cette pathologie si particulière. outre toute obligation légale. sans minimiser l’impact chirurgical pour cette femme-là. Une fois le traitement effectué. Puis se pose la question des suites opératoires : comment cela s’est-il passé . Cependant. en revanche. ils vont de la baisse de la libido à la dyspareunie voire à l’impossibilité complète de rapports. il est clair que le temps des explications. Il peut paraître évident qu’une exérèse limitée du col utérin n’altère en rien la fonction organique du col dans l’acte sexuel si tant est qu’il en ait une. Là encore. Ces troubles sont variables . C’est un moment essentiel car il permet à la femme de poser à nouveau des questions à l’occasion de la lecture en commun du compte-rendu opératoire voire de l’analyse histologique en cas d’exérèse. est particulièrement important et permet de peser toutes les indications thérapeutiques et de laisser du temps à la patiente pour qu’elle pose ses questions. même en l’absence de nouveau projet d’enfant. que je sois tranquille » ! Pour résumer. d’évoquer une éventuelle hystérectomie. elle est insatisfaite et demande des réassurances. les patientes se plaignent de troubles sexuels. si la femme pense que ce col partiellement amputé a une part dans sa sexualité ou si cela la perturbe à cause de l’origine infectieuse et transmise de la maladie. qui nous semblaient avoir été claires. l’écoute est fondamentale et la parole médicale se doit d’être claire. En effet. L’on découvre chez une patiente de 28 ans sans problème gynécologique particulier et suivie régulièrement une lésion de haut grade . Celles-ci concernent sa fécondité. y a-t-il des douleurs ou des leucorrhées ? Souvent rien de tout cela n’est évoqué . il est habituel de revoir la patiente dans les 3 à 6 mois pour contrôle. ou encore la transmission à son partenaire. elles disent alors : « Enlevez-moi tout.250 Regards sur quelques pathologies pose moins. heureusement exceptionnelle. a-t-elle beaucoup saigné . il n’est pas anodin. ont été mal comprises ou même oubliées – sidération ou déni ? Il importe alors de recommencer l’historique de l’infection et de spécifier la nécessité de la surveillance. Col utérin. Son médecin me l’envoie donc pour une colposcopie et une biopsie qui confirment la lésion. Lors de la deuxième colposcopie de contrôle. puisque la surveillance doit continuer . Elle a paru rassérénée. je lui demande comment se sont passées les suites de l’opération. Très bien. elle craint de transmettre « quelque chose » à son tour à son futur enfant. elle a arrêté la pilule il y a 2 mois. comme prévu. au sens figuré cette intervention et les conséquences sur sa fertilité qu’elle ne peut s’empêcher de redouter. sans saignement anormal. et je revois la patiente pour une colposcopie de contrôle. J’ai donc repris mes explications sur ce qui avait été retiré et sur la fonction du col. Elle n’a pas d’enfant et s’inquiète de sa fertilité postconisation. habituellement fait à 3 mois. et elle m’explique que c’est plutôt au fond. Ce cas illustre bien une partie des interrogations que se posent nos patientes quant à leur devenir de femme et de mère dans les suites de l’infection et du traitement des lésions à HPV. Je lui demande d’attendre que le contrôle postopératoire. ou qu’elle ne veut même pas envisager la possibilité d’une grossesse dans ce contexte ? Elle ne se sent pas guérie. Toutes ces questions ont pu être abordées au cours d’une consultation suivante. Je la revois pour lui expliquer la démarche thérapeutique et la surveillance ultérieure. comme quelque chose qui la pique. Je demande si cette dyspareunie est orificielle ou profonde. Est-ce que la dyspareunie récente n’est pas le signe qu’elle ne veut pas risquer de se confronter à nouveau au sexe qui a pu lui transmettre ce virus. Elle me précise qu’ils sont ensemble depuis 4 ans et qu’ils envisagent de faire très bientôt un enfant . Lors de l’examen. qu’elle avait souhaitée. me dit-elle . papillomavirus et cancer 251 du col utérin. Elle me dit que son ami est très patient mais que cela devient gênant pour leur couple et que faire des enfants dans ces conditions n’est pas envisageable. d’ailleurs. soit normal. . Néanmoins. qui la brûle lors des rapports. mais il y a un problème : elle n’a plus envie de faire l’amour et en plus c’est douloureux. Elle me pose également des questions sur la transmission à son partenaire. il est évident qu’il faudra un certain temps à cette patiente pour « digérer ». elle m’a annoncé que son couple fonctionnait bien à nouveau et qu’elle envisageait sereinement une grossesse le plus tôt possible. et ai pu lui montrer sur le moniteur vidéo comme son col avait bien cicatrisé. 9 mois après l’intervention. L’intervention se passe bien. elle n’a pas beaucoup saigné. 2006). il faut rappeler que le vaccin contre le HPV 16 et 18 ne protège que contre 70 à 80 % des cas de cancer du col utérin . À ce sujet. mais d’autres essais sont en cours pour un vaccin thérapeutique. Conclusion L’infection à HPV est une maladie invisible. On s’oriente vers la vaccination des jeunes filles avant 12 à 13 ans. aux pédiatres. ce qui est probablement bien différent d’une vaccination contre la rubéole par exemple. De nombreuses interrogations sont actuellement suscitées par le vaccin anti-HPV (Franco et Harper. Le vaccin étudié est principalement prophylactique. aux infirmières et médecins scolaires ? Sera-t-il admis dans notre société d’envisager la sexualité future des enfants à cet âge si vulnérable de l’adolescence débutante ? Après l’information sur le sida et les moyens de s’en protéger. surtout. sa découverte est inopinée et il n’est pas possible de savoir depuis quand on l’a. . les programmes de dépistage du col utérin doivent donc être poursuivis. on va encore parler de maladie et de mort avec le HPV et les risques de cancer ? Il serait donc de la responsabilité des parents de faire vacciner leur enfant contre une MST. la question du vaccin est très présente. particulièrement en ce qui concerne le type de population à vacciner et. l’âge optimal auquel vacciner. qui l’a transmis et à qui on a pu la transmettre. Une possibilité très intéressante serait de vacciner les femmes très jeunes atteintes de virus potentiellement oncogène pour leur éviter une thérapeutique chirurgicale pouvant grever leur avenir obstétrical. et on se souvient des polémiques induites par le vaccin contre l’hépatite pour les enfants entrant en sixième. les statistiques montrant que 20 % des filles de moins de 15 ans ont déjà eu un rapport sexuel. Elle ne donne pas de signe clinique comme une MST habituelle . intéressant les femmes déjà atteintes par le virus et qui pourraient bénéficier de la vaccination à la place du traitement ou en complément de celui-ci en cas d’exérèse incomplète par exemple. À qui confier l’information concernant ce vaccin et la vaccination elle-même : aux médecins généralistes.252 Regards sur quelques pathologies Perspectives vaccinales Depuis peu. Col utérin. les femmes s’appuyant sur leurs lectures pour ces échanges. et d’autre part reprendre avec la patiente ce qu’elle a cru comprendre du discours de son médecin. ce sont des lésions cancérigènes » ? Les colposcopistes reçoivent les patientes avec leurs angoisses. c’està-dire informer sans se sentir agressé. Il semble qu’elles retiennent davantage nos explications quand elles ont déjà « travaillé » le sujet. sans forcément laisser le temps pour les questions. Nous sommes aussi confrontés à Internet. Comment les médecins parlent-ils de cette pathologie à leurs patientes ? Ils ne savent pas forcément les détails de la transmission. Garder la bonne distance. Nous faisons notre possible pour dédramatiser la situation. plus pour les confronter que pour contrôler votre propre savoir. ou balancent-ils entre : « Cela n’est pas grave ». c’est un précancer. ce n’est pas un cancer –. La plupart des jeunes filles se prémunissent contre la transmission du VIH en utilisant des préservatifs qu’elles abandonnent dès que leur liaison devient stable et souvent après avoir fait un test de dépistage du sida. Faudrait-il garder « à vie » le préservatif pour éviter le HPV. est parfois un exercice de . Sont-ils culpabilisants. alors que. mais souvent le discours est comme plaqué. univoque. papillomavirus et cancer 253 De plus. dans le but de prévenir une infection potentiellement mortelle. et leur rôle est double : d’une part effectuer l’acte technique pour lequel ils sont sollicités. « Ne tardez pas trop car cela pourrait devenir cancéreux » et « Attention c’est très urgent. C’est une bonne occasion d’expliquer les choses point par point au fur et à mesure des questions qui affluent. est un moment très particulier. il est difficile d’appréhender la notion qu’une contamination à 16 ans puisse donner un cancer à 50 ans. expliquer – ce sont des lésions à potentiel évolutif lent pour certaines et à régression possible pour d’autres (Boulanger et al. Ainsi qu’on l’a vu.. L’annonce. celui-ci ne protège pas correctement contre ce virus ? La sexualité deviendrait ainsi médicalisée. de la disparition spontanée ou les aléas de la transformation cellulaire. Il faut rassurer – non. Il est parfois difficile pour le praticien de ne pas se sentir « en examen » – juste retour des choses – devant cette liste de questions que la patiente égrène. Les patientes se sont renseignées sur des sites variés et vous déposent leurs connaissances sur le bureau. 2004) – et envisager la suite. en colposcopie. comme on l’a vu. HARLICOT J. – « Human papillomavirus associated with cervical intraepithelial neoplasia : great diversity and distinct distribution in low and high grade lesions ». SEVESTRE H. BAUVILLE E. Gyn Obst and Fertil. mai. CROISSANT O..-P. (2006). GHIGHI C.M. Elle atteint des femmes très jeunes.. avec des implications sur leur sexualité et leur fertilité. Pour en savoir plus ANAES (2004). est le principal moyen dont les médecins disposent pour apaiser les angoisses liées à cette pathologie particulière qui touche aussi bien à la sexualité qu’à la fécondité et à la mort. pire.254 Regards sur quelques pathologies haute voltige.. – « Vaccination against papillomavirus infection : a new paradigm in cervical cancer control ».. FRANCO E. .. n° 32 : 218-223. BARRASSO R. FLAMANT P. d’autant que de nombreuses questions sont obligatoirement laissées en blanc. En conclusion. – « Epidemiology of HPV infection ». et HARPER D. (2004). Les médecins spécialisés sont confrontés à une double problématique qui est d’informer sans dramatiser ou. BERGERON C. Rev du Prat Gynec et Obst. complète et rassurante. n° 103 : 27-30. S52-S61. pas tant sur le plan diagnostique ou thérapeutique...-C.L. – Évaluation de l’intérêt de la recherche des papillomavirus humains dans le dépistage des lésions précancéreuses et cancéreuses du col de l’utérus. L’information. – « Infection à HPV : comment informer les patients ? ». et ORTH G. la pathologie du col liée au HPV est complexe. sans action possible sur la cause. Vaccine. (1992). BOULANGER J. Am J Surg Pathol. n° 16 : 641-649. (2006). MERGUI J.-L. BEAUDERON S. n° 24 Suppl 3.. et CONDRY J. culpabiliser et traiter des lésions. que du fait des interrogations qu’elle suscite. Cette maladie invisible et sexuellement transmise est généralement de découverte fortuite. multifactorielle. Des examens systématiques de pièces d’hystérectomies constatent des lésions de ce type dans 75 % des cas en l’absence de toute symptomatologie (Audebert et al. Elle croît avec l’âge. le myomètre.16 Corps utérin I. Leur physiopathologie. Les estrogènes agissent sur les différents facteurs de croissance et stimulent l’angiogenèse. Leur régression après la ménopause. de fertilité et de sexualité inquiète les femmes. l’atteinte de cet organe si chargé symboliquement de féminité. Ils se développent aux dépens du muscle utérin. C’est cette riche vascularisation des fibromes qui expose les femmes au risque de saignements. leur tendance à l’hypertrophie lors de la grossesse signent leur estrogénodépendance. Plus de 40 % des femmes de plus de 40 ans sont concernées. est maintenant mieux connue. Il existe aussi un facteur génétique : il y a des familles au sein desquelles de nombreuses femmes de génération différente sont porteuses de fibromes. 1993). Elles en redoutent particulièrement les conséquences sur leur vie affective et sexuelle. BORTEN-KRIVINE La pathologie bénigne de l’utérus est extrêmement fréquente : hypertrophie fibreuse du myomètre. Ils n’apparaissent pas avant la puberté. La recherche de gènes de susceptibilité est en . Fibromes utérins Les fibromes utérins sont les plus fréquentes des tumeurs bénignes. hyperplasie muqueuse de l’endomètre. Bien que l’utérus ne soit pas visible. Ils sont entourés d’une pseudocapsule due à la condensation du tissu conjonctif.. et à un âge plus précoce. Il existe un symptôme gynécologique ou pelvien. Mais un diagnostic de fibrome. Un examen gynécologique de routine découvre un utérus augmenté de volume (dont la femme ne se plaint pas). Les règles ou la période prémenstruelle révèlent ou aggravent ces troubles. plus longues avec parfois de véritables hémorragies – ménorragies. Rappelons des notions connues depuis longtemps. mais aucun gène prédisposant n’a encore été identifié. On estime qu’elle touche près de 10 % des femmes en France. L’hystérectomie est. leur spécialité. Cet organe non vital qui transmet la vie a été l’objet d’indications chirurgicales abusives. le fibrome peut être découvert fortuitement par une radiographie (fibrome calcifié) ou une échographie. – Malgré cela. des douleurs. notamment abdominopelvien. etc. On sait que le taux d’hystérectomies varie selon les régions. les fibromes sont à l’origine des deux tiers des hystérectomies pratiquées du début du XXe siècle jusqu’à nos jours. c’est le bilan étiologique d’une anémie qui fait évoquer la pathologie utérine. demandées dans un autre registre que gynécologique. leur sexe. leur âge. – L’hypertrophie diffuse ou localisée de l’utérus est asymptomatique dans plus de 50 % des cas. Notons tout de même qu’il s’agit là d’un des taux les plus bas d’Europe. avec la césarienne.5 % des myomes. des pesanteurs pelviennes et/ou des troubles urinaires. Le facteur ethnique est notable : les femmes africaines sont particulièrement exposées – deux fois plus que les Caucasiennes. mais plus fréquemment. Il n’existe pas de symptôme pelvien.256 Regards sur quelques pathologies cours. Dans d’autres cas. . Elle s’explique mécaniquement par le poids de l’utérus sur la vessie. ménométrorragies –. n’entraîne plus aujourd’hui une sanction chirurgicale systématique et encore moins l’ablation de l’utérus. Circonstances de découverte Les circonstances de découverte d’un fibrome sont multiples. métrorragies. l’intervention la plus pratiquée chez les femmes. les opérateurs. Des troubles du cycle sont présents. Une pollakiurie est fréquente. Enfin. devenues plus abondantes. il y a modification des règles. – La dégénérescence maligne n’atteint que 0. qu’il soit symptomatique ou asymptomatique. de 3 mois ou plus. parlant d’une grossesse de 6 semaines. le volume du fibrome. des voies d’abord nouvelles exaucent le vœu que les femmes exprimaient si souvent : ne pas porter de traces visibles de l’intervention. nombre et situation des fibromes guident la décision thérapeutique. On le comparait tout autant au volume d’un utérus gravide. Indications thérapeutiques chirurgicales ou médicales Ces 20 dernières années. allant de l’orange à la pastèque. 2003) Un fibrome sous-séreux de moins de 10 cm doit être laissé en place s’il est asymptomatique. embolisations. au millimètre près. celle-ci n’étant proposée que si les symptômes persistent pendant un laps de temps qui permet aux femmes de s’y préparer. médicales et chirurgicales. sous-séreux. Aujourd’hui. si la chirurgie se révèle nécessaire. thermocoagulation par ballonnet. il y a aujourd’hui un choix de techniques alternatives : myomectomies. Les analogues de . On imagine l’impact de ces paroles sur des femmes désirant un enfant et menacées d’hystérectomie. pédiculé. Les progestatifs ont perdu beaucoup de leur crédit. Elle précise également son siège. interstitiel ou sous-muqueux. de nouvelles techniques ont profondément modifié la pratique chirurgicale. On demandera systématiquement un hémogramme en cas de règles abondantes. Il n’existe pas de traitement médical efficace et acceptable à long terme capable de diminuer notablement le volume du fibrome. Le développement de la chirurgie endoscopique a comme conséquence d’éviter ou de surseoir à l’hystérectomie. De plus. résections endoscopiques. Quelques références médicales actuelles (Chauveau-Lambling.Corps utérin 257 Le volume de l’utérus a longtemps été l’objet de comparaisons fruitières. Alors qu’auparavant l’hystérectomie régnait sans partage. et précisera les possibilités thérapeutiques. Volume. l’échographie pelvienne intravaginale visualise. Une hystéroscopie estimera la situation et l’impact d’un fibrome sous-muqueux. si les règles sont normales et s’il n’y a pas de désir de grossesse. un polype fibreux ou muqueux doivent faire l’objet d’un repérage précis. – l’embolisation est une technique qui vise à obstruer la vascularisation du fibrome. donc il n’y a plus d’accueil possible pour une grossesse . on peut discuter plusieurs modalités thérapeutiques : myomectomie. Un fibrome sous-muqueux. c’est une indication de résection endoscopique. de son affectivité et de son environnement. L’annonce de la thérapeutique conseillée tient compte des constatations cliniques et biologiques. de son âge. stérilet à la progestérone… et faire partager la décision à la patiente. notamment à une hyperplasie de la muqueuse utérine. thermocoagulation. Elle se fait sous anesthésie locale et nécessite . Par ces comportements. les femmes visent inconsciemment et paradoxalement à se protéger des « risques » que leur feraient courir des médecins qu’elles imaginent trop interventionnistes. On essayera de comprendre. au cours de consultations répétées. Le traitement médical s’adresse aux pathologies endométriales associées. de déni ou de peur. Le contrôle de la bénignité s’impose toujours. on peut selon les cas proposer aux femmes de plus de 45 ans. qu’il faut toujours rechercher.258 Regards sur quelques pathologies la LH-RH ont des effets secondaires importants. acceptant de renoncer à leur fertilité. Si un traitement médicamenteux n’a aucune indication dans ce cas. les techniques suivantes : – la thermocoagulation à l’aide d’un ballonnet gonflé avec du liquide stérile et chauffé à 97° C pendant 8 minutes détruit l’endomètre . de la situation de chaque femme. En ce qui concerne la maîtrise des saignements. on se heurte parfois à la tolérance de certaines femmes au saignement (la championne en la matière avait 4 g d’hémoglobine). Classiquement. ce qui relève d’une forme de négligence. Quand il s’agit d’hémorragies. de sa personnalité. ce qui simplifie l’acte chirurgical. embolisation. Comptent également l’enchâssement dans le myomètre et l’accessibilité dans la cavité utérine. Tout va dépendre de deux paramètres essentiels qui sont d’un registre différent : d’une part la maîtrise des saignements. s’il mesure moins de 4 cm. mais leur utilisation pendant quelques mois permet de supprimer les hémorragies et de diminuer le volume des fibromes. d’autre part la relation de chaque femme avec sa fertilité. Il est souvent difficile de repérer la responsabilité du fibrome. la situation est autre. Une surveillance régulière de l’hémogramme est nécessaire. si l’augmentation du volume utérin est rapide. Elle doit se faire par un opérateur rompu à cette technique et reste encore discutée dans sa généralisation. là aussi. L’indication d’un traitement chirurgical conservateur est guidée par le désir de la patiente de préserver sa fertilité.Corps utérin 259 48 heures d’hospitalisation. et nous rencontrons tous des femmes enceintes dans leur fraîche quarantaine. le traitement risque d’être chirurgical. Dans les autres cas. Quand le diagnostic de fibrome est fait chez une femme qui souhaite un enfant ici et maintenant. c’est l’indication d’une myomectomie par laparotomie ou par cœlioscopie. Il semble exister davantage une association de pathologies qu’un rapport direct de causalité entre fibrome et infertilité. – Si le fibrome est très volumineux et donne des règles hémorragiques. Il faut prévenir la femme de la possibilité de récidives. on peut conseiller un traitement par les agonistes de la LHRH pour réduire la taille du fibrome avant l’intervention. il faut annoncer que. Elle donne 85 % de succès et un petit nombre de femmes ont mené des grossesses à bien après ce traitement. sauf en cas de fibromes sous-muqueux ou de polypes hémorragiques. des gestes sont à envisager au cas par cas. – Dans certains de ces cas. – Si le fibrome sous-séreux ou interstitiel est pédiculé. En cas de volume très important et en présence d’une anémie. il faut négocier une période d’observation d’une année au maximum pour apprécier l’action d’un traitement médical sur l’épaisseur de l’endomètre et le volume du ou des fibromes. Cependant. la myomectomie peut être réalisée par voie cœlioscopique. avec risque de torsion. s’il n’existe aucun autre facteur d’infertilité. en évitant les commentaires blessants sur l’âge limite et l’utilité d’un utérus passé cet âge. notamment une endométriose. L’âge moyen au premier enfant était de 29 ans en 2006. ce qui permet de vérifier s’il n’y a pas d’autres pathologies associées. Il faut compter avec des suites douloureuses. Peu d’arguments sont en faveur d’une amélioration du taux de grossesse après myomectomie. . s’il existe des signes de compression. ce qui rendra possible la voie basse avec ou sans morcellement. Ce désir doit être respecté autant que faire se peut. les indications de l’hystérectomie ont changé. Enfin. L’hystérectomie n’est proposée que quand les symptômes persistent. Depuis 20 ans. on opère plutôt des femmes près de la cinquantaine. Des années ont passé et le renoncement à la fertilité est souvent fait. des mentalités et des techniques de l’hystérectomie On peut articuler ces trois facteurs dans tous les sens. il est souhaitable de prendre l’avis d’opérateurs qui maîtrisent les nouvelles techniques : « Sur cent femmes qui subissent aujourd’hui une hystérectomie. Aujourd’hui. quatre-vingt-dix auraient pu bénéficier de traitements moins agressifs » écrit Hervé Fernandez (in Chauveau-Lambling. Avant toute décision radicale. mais on ne peut isoler le facteur technique de l’évolution des mentalités. Plus simple et plus brève. Avec le progrès des techniques chirurgicales et anesthésiques. ce qui permet aux femmes de se préparer à une intervention. Il est un peu tôt pour le repérer. l’hystérectomie s’est totalisée à grands pas. les femmes demandent de plus en plus souvent un deuxième avis dès lors qu’on leur propose une intervention radicale. on a pu conseiller l’ablation d’un utérus polymyomateux à certaines femmes pour les faire « bénéficier » du traitement de la ménopause. Il s’agit peut-être d’une simple migration de la population des hystérectomisées. On enlève beaucoup moins l’utérus d’une femme qui présente quelques fibromes et a plus de 40 ans. Le contexte médical et psychologique en est bien différent. la comparaison de deux thèses faites par des chirurgiens à 10 ans d’intervalle ne montre pas vraiment de chute nette du taux des hystérectomies. l’hystérectomie subtotale (conservation du col utérin) était majoritairement pratiquée. Évolution des indications. Pour l’instant. ces 20 dernières années. 2003). Cela a pu être vécu par certaines de façon positive. Ce ne sont donc pas exactement aux mêmes femmes qu’autrefois que sont proposées les nouvelles hystérectomies. Globalement.260 Regards sur quelques pathologies Les consultations permettent d’aborder toutes les questions que se posent les femmes. Les références médicales opposables sur l’attitude à avoir vis-à-vis des fibromes asymptomatiques (voir ci-dessus) ont consacré l’évolution actuelle. Le dogme de l’hystérectomie totale (ablation . Cette technique est incontestablement ressentie comme une moindre effraction par les femmes . Les premières publications de Reich sur l’hystérectomie par voie cœlioscopique datent de 1989. L’hystérectomie par voie vaginale est passée avec talent de l’archaïsme à la modernité. permet de répondre à la demande des femmes qui souhaitent conserver leur col. même si la rivalité entre les partisans de la voie haute et de la voie basse a toujours existé. car on ne se trouve pas devant des certitudes. Depuis quelques années. L’hystérectomie supracervicale. . elle implique un retrait du col utérin. Sa grande vogue ne permet pas de comprendre pourquoi elle a été si longtemps réservée à des femmes âgées et en mauvais état. elle prend une place qui va croissant. elle entraîne des suites plus légères. Il existe encore peu de travaux sur les conséquences de la présence ou de l’absence du col utérin sur le plaisir sexuel. Elle garde aussi ses indications en cas d’utérus très volumineux ou de lésions annexielles complexes. n’a pas empêché le maintien de l’hystérectomie subtotale. La voie vaginale est nettement moins choquante sur le plan général . Pourtant. réduit notablement le temps d’hospitalisation. et surtout n’entraîne pas de cicatrice. il faut prévenir les femmes qu’il sera peut-être nécessaire de passer à la voie abdominale en cours d’intervention. au lieu de la cicatrice médiane allant de l’ombilic au pubis qui défigurait le ventre des femmes. celle que les femmes vivaient le mieux était l’hystérectomie subtotale. Lorsqu’elle est proposée. à la limite de la pilosité pubienne. La tendance majoritaire est au retrait du col. La voie abdominale est évidente en cancérologie pelvienne. dite subtotale. Jusqu’à l’apparition des techniques à ventre fermé par cœlioscopie. bien des femmes demandaient avec insistance si l’intervention ne pouvait pas être faite par les voies naturelles.Corps utérin 261 du corps et du col utérins sans préciser la conservation ou non des ovaires). La tendance actuelle est de favoriser la voie basse. avec conservation des ovaires. Elle peut être simple ou mixte. c’est-à-dire n’aboutissant pas à une situation de ménopause. dite cœliopréparée. Un autre élément extrêmement apprécié était l’incision horizontale dite de Pfannenstiel. comme tous les dogmes. mais l’attitude des chirurgiens varie. tout geste chirurgical peut avoir charge de castration. Au temps de l’incitation au traitement hormonal substitutif de la ménopause. que des femmes expriment le souhait que leur cavité vaginale ne change pas et demandent le maintien du col utérin : « J’ai toujours senti que mon col était là dans les rapports un peu violents et je n’ai pas envie que cela change ». Toute intervention chirurgicale entraîne un retentissement sur le psychisme . la tendance majoritaire prône leur retrait après 45 ans. Le plaisir sexuel ne peut pas plus être considéré comme critère de décision : on sait bien que des femmes privées de col ont du plaisir . l’essentiel est d’accompagner la femme vers l’intervention (Borten-Krivine. Il ne faut cependant pas oublier le caractère insidieux et létal du cancer de l’ovaire. semblent plus protectrices et performantes que les hormones exogènes (fabriquées en laboratoire). Le respect maximal de l’intégrité semble la meilleure des boussoles. Plusieurs consultations peuvent être nécessaires pour permettre à la femme de participer à cette décision. Les restrictions actuelles du traitement hormonal font revoir cette attitude. d’autres qui ont un col sont insensibles. Il arrive. on ne peut plus raisonnablement s’appuyer sur le risque de cancer du col pour maintenir le dogme de l’hystérectomie totale. mais il n’y a pas vraiment de consensus. reste encore la trace de cette chirurgie vécue comme mutilante et de ses conséquences subies par leurs aînées. très rarement. Toutefois. Avec la pratique régulière de frottis cervicovaginaux. la place que l’appareil génital occupe dans la vie et le psychisme féminin donne une importance particulière à la chirurgie gynécologique. En effet. les hormones endogènes. cette thérapeutique jouait en faveur de l’ovarectomie.262 Regards sur quelques pathologies situation inconfortable pour l’esprit médicochirurgical. et certains préconisent l’ablation des ovaires pour assurer la sécurité. celles que sécrètent les ovaires. 2004). Quelle que soit la technique et en dehors de l’urgence. Quant aux ovaires. sans que cela soit l’affirmation par elles de la certitude du lieu de leurs sensations. Dans la mémoire des femmes. dit l’une d’elles. Le rôle du col dans la jouissance est une équation personnelle qui ne doit pas appartenir aux seuls chirurgiens ni aux sexologues. . L’hystérectomie est une injonction brutale à séparer le maternel du féminin. Il a fallu du temps pour arriver à cette évidence : une femme fait d’autant mieux face à une hystérectomie que son indication est bonne. comme tous les deuils. même si cela ne recouvre pas la même réalité anatomique pour les deux parties. d’un cancer de l’œsophage. interne. a besoin de temps. de ce qu’il porte en lui. Il peut parfois apprécier la qualité de la relation avec le compagnon de sa vie. ruptures. Il peut aussi repérer la capacité de cette patiente de réagir aux moments difficiles de sa vie – deuils. avortement. le médecin est en position privilégiée. et de faire émerger les bénéfices . Il y aura toujours tristesse et chagrin de la perte de cet organe. l’hystérectomie lui enlève cet organe. et a maigri. du registre analytique. Il s’est déjà forgé une idée sur la façon dont cette femme a vécu les événements de sa vie génitale : règles. Quand il s’agit de patientes déjà connues.Corps utérin 263 Rôle du gynécologue Deuil de l’utérus. Cela peut prendre l’aspect d’un deuil pathologique lorsque cela réactive un deuil resté douloureux. vient 4 mois après l’hystérectomie. qu’elle a une vie affective stable. Elle est asthénique et insomniaque. elle parle de la mort de son père. Il y a là une possibilité d’établir un pronostic sur la réaction que va avoir la femme à l’hystérectomie. Aider la femme à dépasser cette métonymie pourrait être la définition de ce travail de préparation à l’intervention. contraception. La perte de cet organe si fortement investi ne se fait pas sans un deuil psychique. accouchement. Rapidement. Des consultations répétées permettent d’aborder le dommage et le vécu douloureux des symptômes. Or elle est nommée « la totale » par les femmes et par les médecins. Il avait subi une intervention mutilante et elle avait l’impression qu’on l’avait « vidée » comme lui. qui fut bien là. des enfants et qu’elle est indemne d’antécédents psychiatriques. Mme A. importance du temps Le deuil de l’utérus. Chez la femme adulte. 2 ans auparavant. a constaté une baisse intellectuelle. Le champ de la castration anatomique n’est pas celui de la castration. La partie est prise pour le tout. Bien des femmes ont été opérées sans y être prêtes. aujourd’hui. bien des femmes ne pensent plus que des règles abondantes soient un signe de bonne santé. Laisser la femme éprouver les dommages de la situation. il est bon d’expliquer qu’il n’y aura pas de changement de . ne les avoir que quelques fois dans l’année. celui de l’adieu à la fertilité. Accepter des règles peu abondantes. elle ne peut conserver à la femme que ce qu’elle a intégré comme résidences de sa féminité. Mais si. dans le même temps il faut dire adieu à la fertilité. Féminité Si. Accepter le mélange de plainte et de tolérance aux symptômes qu’expriment certaines femmes est essentiel. Ce travail de séparation du maternel et du féminin se situe à plusieurs niveaux : celui de la disparition des règles. Il est possible d’aider ces femmes plongées dans l’investissement douloureux de leur utérus à une élaboration psychique qui leur permette de baisser la tension douloureuse et de faire un premier travail de séparation. l’intervention est dite conservatrice. « Je ne serai plus une femme. le sang des règles reste symboliquement l’expression d’un possible. comme le permet la contraception orale. si la pratique de la contraception orale les a habituées à des règles discrètes qu’elles apprécient souvent.264 Regards sur quelques pathologies de l’intervention. Ce déplacement demande du temps. le confort s’envole. une opération qui entraîne la disparition des règles est vécue comme totale. est un confort. Il témoigne de leur intense attachement à cet organe. Alors seulement peuvent être évoqués les bénéfices de sa disparition. les règles perpétuelles. mais ce n’est pas la ménopause. Une autre des grandes peurs des femmes est celle d’une prise de poids à laquelle il faut accorder la plus grande attention en donnant des conseils avant l’intervention. je ne pourrai plus être aimée. Même si. désirée » disent-elles. pour les praticiens. celui de la question de l’avenir de leur vie sexuelle. C’est petit à petit que l’accent peut être mis sur le rôle majeur de l’ovaire dans le bien-être de la future opérée en insistant sur ce fait : l’ablation de l’utérus seul supprime les règles. l’inconfort de la pesanteur lui permet d’envisager des rapports sexuels plus libres après l’intervention. marqueur de leur jeunesse et de leur féminité. Si l’intervention conserve les ovaires. Quel que soit le protocole opératoire. dans l’ensemble. comme nous l’avons vu. ses mouvements de flux et de reflux sont la seule trace de ce qu’elle aurait pu être et avoir. une instabilité pondérale. qu’elles soient homosexuelles ou hétérosexuelles. Cette situation est toujours symptomatique. Quel que soit leur statut. qu’elles aient des enfants ou pas. Nous n’entendons pas toujours les mots que nous prononçons. une femme sans enfant vit souvent plus douloureusement la perte de son utérus qu’une femme plus jeune entourée d’enfants petits. « Il manque toujours un enfant à l’appel de la réalité » (Bydlowski. Faire appel au registre . Fertilité L’expérience montre que les femmes qui n’ont pas d’enfant vivent cette intervention plus douloureusement que les autres. On peut saisir l’occasion pour dire que. Le déclin de l’activité ovarienne a souvent été plus progressif et le deuil de la fertilité est déjà fait. même chez une femme en période de préménopause. Cela fait partie des points qui doivent être largement abordés avant l’intervention. les femmes sont parfois blessées par les paroles médicales sur l’utilité qu’a pour elles le maintien de leur utérus. Le deuil de l’enfant n’a pas d’âge. Il y a les mots qui tuent et ceux qui au contraire insufflent de nouvelles énergies. réductible le plus souvent par un régime.Corps utérin 265 statut hormonal. Même à l’âge de la ménopause. Hystérectomie et ménopause La situation est bien différente pour une femme devant faire face à la fois à l’hystérectomie et à l’ablation des ovaires : elle est alors plongée dans une ménopause chirurgicale. la ménopause est plus douce pour les femmes antérieurement hystérectomisées. des insomnies et fréquemment une prise de poids. au moment où la ménopause se produira. que de toute façon il y aura. C’est pour cela qu’il peut être utile de conserver les ovaires. 2005). et ce à partir d’un âge variable. On constate dans l’ensemble qu’une femme qui a eu du plaisir dans ses maternités est plus préparée à se séparer de son utérus qu’une femme pour laquelle cet organe. avec des bouffées de chaleur. encore moins l’effet qu’ils vont avoir. La brutalité de celle-ci ne laisse pas de place à une adaptation progressive aux bouleversements hormonaux. Attachement à l’utérus. a 40 ans. deux enfants. en quelque sorte. « la gynécologie est le terrain privilégié où les filles retrouvent leurs mères » (Bydlowski. Elle subit une hystérectomie au décours de laquelle elle met fin à cette liaison. Il lui a fallu près de 9 mois pour se résoudre à abandonner ce qui lui tenait d’état putatif de grossesse ! Après ce travail. Elle est mince. c’est méconnaître ce que l’utérus. » Pour adopter. stérile. elle a traversé cette épreuve sans réaction dépressive. il arrive que l’héritage de ce « mauvais utérus » soit vécu par la fille. d’une manière générale. Trois réactions illustrent ce registre. a une liaison avec un homme plus jeune et envisage de se séparer de son mari quand un fibrome se développe rapidement.266 Regards sur quelques pathologies du besoin pour ce qui est de l’ordre du désir. dent pour dent). Après l’intervention. le plus souvent inconsciemment. – Mme C. 2005). Elle dit : « ça s’est bien passé pour elle. son utérus dépasse largement l’ombilic et ce depuis la naissance de sa troisième fille qui a 8 ans. anéantie. Si. « J’étais brisée. attachement maternel L’existence d’un facteur génétique engendre une situation dans laquelle la mère de la femme à laquelle une hystérectomie est conseillée a elle aussi été opérée. on constate dans certains cas que.. peut-être avait-elle besoin de sa matrice ? – Mme B. dans l’épreuve. ça se passera bien pour moi ! » Dans d’autres cas. en réponse aux sentiments agressifs ambivalents éprouvés pour elle dans l’enfance : une loi du talion (œil pour œil. Sexualité Le retentissement de l’hystérectomie sur la sexualité a toujours été très discuté. mariée. a été opérée rapidement pour un fibrome qui s’est développé. la femme peut s’appuyer à la fois sur sa relation à sa mère et sur le passé gynécologique de celle-ci. comme une vengeance de sa mère. il lui a été impossible de soutenir sa démarche d’adoption. donnant lieu à des opinions plus que contrastées : . par sa présence. rend possible : rêver à sa fertilité. – Mme A. alors que. elle avait fait une demande d’adoption. pas très grande. On constate alors que. dans l’ensemble. plus ou moins rapidement . pour une affection bénigne. dans un délai variable. Lorsque des femmes hystérectomisées disaient ignorer ce qu’on leur avait enlevé. On peut s’aider de dessins pour montrer comment les organes restants vont se placer. L’empreinte de l’utérus est tellement puissante qu’elles se demandent ce qui pourra combler cet abdomen déserté. une intervention leur ayant conservé le col de l’utérus et les ovaires. mais cela ne suffit pas à faire naître le désir et le plaisir. Mais il y a également dans ce groupe des femmes opérées de cancers à un stade précoce qui ont aussi retrouvé le plaisir. L’impression d’un vide est inévitable. Sur une série personnelle de femmes interrogées avant et après l’intervention. libérée des saignements et d’obligation contraceptive. la sexualité ne pouvait que s’améliorer.Corps utérin 267 pour les uns. L’expérience apprend combien il est précieux d’aborder la qualité de la vie sexuelle avant l’intervention. Bien des patientes ont un trouble de l’image de leur corps après l’intervention. 2006). on imaginait que le chirurgien avait pêché par défaut d’information. on note sans surprise une majorité de femmes au-dessous de 45 ans. en sachant que les paroles sur les anses intestinales n’ont pour elles rien de concret. c’était la fin de toute vie sexuelle . pour les autres. On rencontre ces deux situations. tenaient le même discours. Loin de se contenter de penser que « qui a joui. jouira ». une femme qui était satisfaite sexuellement avant l’intervention retrouve cette satisfaction. Celles qui étaient insatisfaites sont certes soulagées de l’inconfort et de la pesanteur d’un gros utérus . Elles ont une relation satisfaisante avec leur compagnon. les 30 femmes insatisfaites avant n’avaient ressenti aucun changement. Mais quand d’aucunes. au contraire. on a compris qu’il pouvait s’agir d’un désir de ne pas . et elles ont des enfants. il faut chercher à connaître ce qui peut favoriser une restauration de la vie sexuelle de la patiente (Lopes. De fait. Il en va parfois de même des renseignements dans le compte-rendu opératoire. possédant le compte-rendu opératoire. on n’avait le plus souvent aucun renseignement sur la sexualité avant l’hystérectomie. ayant subi. 50 sur 59 de celles qui étaient satisfaites avant l’hystérectomie ont retrouvé le plaisir. sauf une : elle avait changé de mari… Dans le groupe des femmes ayant retrouvé leur satisfaction antérieure. au-delà des questions qu’il pose sur l’avenir de sa compagne. celle d’un homme retrouvant son amie 2 mois après une hystérectomie et lui demandant quelle contraception ils allaient utiliser. La relation du couple joue un rôle essentiel. Des femmes imaginent les réactions de leur compagnon. La poursuite de la relation sexuelle avec leur compagnon est au centre des interrogations des femmes. c’est plus rare aujourd’hui. Il faut avoir à l’esprit les souffrances. un déni. une inquiétude pour sa virilité. essentiellement une diminution du désir ou une dyspareunie. pour les patientes. se font les messagères de ses inquiétudes et voudraient le rassurer. Le plus important reste l’élaboration que la femme a pu faire de la perte de son utérus. De plus. Certaines évoquent la peur d’être abandonnées : il arrive que des hommes fuient . les bénéfices du doute ou d’un déni. Quand cela se produit. Il n’est pas toujours aisé de distinguer ce qui a été dit mais n’a pas été compris.268 Regards sur quelques pathologies savoir. les opinions ont longtemps été contradictoires. cela ne doit jamais inciter au silence ni à l’esquive. Pour le couple. elle sera plus à même de signifier à son compagnon que tout peut reprendre. Ces douleurs lors des rapports sont parfois dues à une sécheresse vaginale. Dépressions Sur ce plan aussi. ce déni signifiant sa difficulté à se confronter à l’absence de l’organe. Les femmes qui retrouvent du plaisir ne sont pas pour autant épargnées par des dépressions réactionnelles et par un temps de difficultés sexuelles. dans le travail de préparation à l’intervention. Il arrive qu’en consultation de sexologie on entende des hommes évoquer ou invoquer l’effroi qu’ils ont éprouvé au moment de l’hystérectomie de leur femme. de ce qui a été entendu mais refoulé. la reprise des rapports est toujours un moment angoissant. Le maintien du col avec ce qu’il respecte de « l’avant » peut combattre la peur du vide que chaque homme vit à sa manière. Celui-ci les accompagne exceptionnellement à la consultation. Si. on peut saisir. Cependant. bien des médecins ont tendance à surestimer la compréhension qu’ont les patients du langage médical. elle a pu garder confiance en elle. quels que soient. Cette situation est facilement curable par une estrogénothérapie locale. Il me reste le souvenir d’une réaction extrême. souvent le choc traumatique . aggravée en cas de ménopause chirurgicale. de fibromes asymptomatiques. lors d’une unique consultation. douleurs. topographiques. Dans les facteurs prédisposants. l’acte opératoire enlevait les ovaires. le chirurgien occupe une place unique. du volume utérin et après information complète de la femme sur les différentes possibilités. L’interrogatoire révèle que les symptômes se sont installés au décours d’une hystérectomie. C’est une dépression réactionnelle avec asthénie.Corps utérin 269 des femmes de moins de 40 ans adressées au chirurgien après la constatation. La décision est prise au cas par cas. sur ce qu’il va laisser en place : tout est important. On retrouve également une incidence plus grande de femmes sans enfants : sur les 25 dépressions observées. Dans ces conditions. une réaction dépressive intense était fréquente. sur ce qu’il va enlever. La parole de ce « maître après Dieu » est irremplaçable. il est important de repérer les femmes fragiles. Il peut arriver aussi qu’une femme consulte pour des troubles dépressifs des années après l’opération. Celle-ci apparaît dans la première année après l’intervention. avec un pic de fréquence dans les premiers mois. ce qu’il dit sur l’intervention. Chacun de ses mots. le chirurgien a plus l’occasion de rencontrer le compagnon de vie que les gynécologues. Il respecte autant que faire se peut le vœu d’une intervention aussi . « elle est vidée ». troubles sexuels. La femme exprime un vide . Très souvent. sans aucun traitement hormonal. Dans la période peropératoire. la majorité étaient des femmes sans enfants ou bien avaient des antécédents de dépressions. Au cours du travail de préparation à la chirurgie. tous les auteurs notent un taux plus important de dépressions quand la femme n’a pas de vie affective stable. de ses commentaires va être disséqué par le couple. sans que le chirurgien suggère trop fortement la technique qu’il préfère. De plus. insomnie. Le gynécologue doit alors décider s’il se sent à même de les prendre en charge seul ou avec le concours d’un psychothérapeute. tout comme son empathie. les plongeant dans une brutale ménopause précoce. en fonction des conditions anatomiques. La rencontre avec le chirurgien L’examen du chirurgien. Elles insistent cependant sur le temps nécessaire pour se sentir physiquement et psychiquement bien. Une étroite collaboration. elle se sent sécurisée et mieux comprise. quelle que soit la technique opératoire. Le mois d’arrêt de travail égal à celui des interventions traditionnelles se justifie et leur convient parfaitement. Dans les semaines qui suivent ce type d’intervention. Quelle que soit la voie qu’emprunte l’utérus pour quitter le corps de sa porteuse. il porte les mêmes représentations symboliques. il faut dire et redire que l’intervention la plus « miniaturisée ».270 Regards sur quelques pathologies conservatrice que possible. les bénéfices sont manifestes à plusieurs niveaux. Les femmes quittent l’hôpital au troisième ou au quatrième jour. Il existe un contraste saisissant entre la période postopératoire de l’hystérectomie par voie abdominale avec ses suites douloureuses. je l’aurais fait avant ! » . l’attente de la reprise du transit. Ainsi. il y a moins de dépressions. Quand le temps de la préparation a été respecté. une relation de confiance et d’estime mutuelle entre soignants sont essentielles pour la patiente. Il peut être utile de revoir la patiente après sa rencontre avec le chirurgien pour réexpliquer ce qui lui a été dit. ces 30 dernières années. n’est jamais neutre. la prise en compte de la douleur postopératoire a radicalement changé. Une occasion d’estimer le résultat de la préparation (et de l’hystérectomie !) est la parole de la patiente qui revient et dit : « Si j’avais su. Conclusion Au-delà de ces considérations techniques. Il y a une relation forte entre l’absence de cicatrice et la manière dont les femmes négocient la perte de leur utérus. la plus esthétique. les femmes vivent cet événement sur un mode beaucoup moins dramatisé. moins de difficultés sexuelles. et la récupération après l’hystérectomie vaginale. Il faut ajouter que. éventuellement rediscuter toutes les questions qu’elle se pose : la sidération a pu bloquer sa compréhension face à ce nouvel interlocuteur impressionnant par son pouvoir. (2004) – Médecin de femme. n° 3.. fr. (2006) – « Hystérectomie et sexualité : totale ou subtotale ? ». Paris.. Gyn. (2003) – « Hystérectomies évitables ? Indications et limites de la chirurgie minimale invasive ». GERVAISE A. ce qu’entendent les gynécologues. Paris. Albin Michel. vol. horm. 5e édition. Itinéraire psychanalytique de la maternité. LOPES P.. . CHAUVEAUD-LAMBLING A. (2005) – La dette de vie.Corps utérin 271 Pour en savoir plus AUDEBERT A. Références en gynéco-obstétrique. conférence prononcée à la Journée nationale de la soc. Reprod. PUF. BORTEN-KRIVINE I.. Paris. n° 3 : 103-107. obst psychosomatique. (1993) – « Léiomyome utérin : données récentes sur son étiopathogénie et sa biologie ». hum. 16. FERNANDEZ H. DE TAYRAC R. BYDLOWSKI M. Les cancers génitaux féminins sont diversement dépistables (Brémond et al. Il évolue lentement. Pour le médecin. la survie n’est que de 20 % à 5 ans tous stades confondus. Sa mortalité chute régulièrement depuis 30 ans. il n’existe pas de technique de dépistage de masse pour le cancer du corps utérin. et sa prévalence est à 60 ans. Le cancer de l’ovaire. Son caractère insidieux est tel que 75 % des cancers de l’ovaire sont diagnostiqués à un stade avancé. et .. La métrorragie postménopausique en est le symptôme maître. 2001). avec près de 4 000 cas par an. tout saignement intempestif à ces âges doit éliminer un cancer. Contrairement au dépistage des cancers du col utérin et du sein. Si le col de l’utérus est accessible à l’œil. BORTEN-KRIVINE Le cancer du corps de l’utérus est le troisième cancer féminin après celui du sein et du côlon (4600 cas par an en France). cancer de l’ovaire I. Il touche la femme en période ménopausique. Cancer de l’utérus Signes d’appel La patiente consulte pour un saignement qui l’inquiète ou qu’elle prend parfois pour la reviviscence de ses règles.17 Cancer de l’utérus. l’endomètre est retranché dans le corps utérin. mais il est le premier en terme de mortalité. se place quant à lui au quatrième rang des cancers gynécologiques. Le cancer du col utérin a été traité au chapitre 15. rendant les investigations plus faciles. atrophie de la muqueuse utérine par carence estrogénique ou. Le tamoxifène constitue un cas particulier. hypertrophie endométriale due à un traitement hormonal ménopausique mal équilibré. à l’inverse. l’orifice interne du col est moins sténosé. elle a besoin d’être rassurée même si elle manifeste une certaine fierté devant ce « retour de jeunesse ». la patiente appelle souvent en urgence . elle peut réagir de façon variable au symptôme. Le traitement estroprogestatif substitutif permet de prévenir ce cancer. Elles peuvent survenir soit à des dates anniversaires parlantes pour la femme. et par tout ce qu’elle a déjà subi. il nous faut prendre un autre risque. ou encore tumeur bénigne. Le cancer de l’endomètre est hormono-dépendant. À l’inverse. est aussi un facteur de risque. certaines considèrent ces saignements comme normaux et ne consultent pas. On sait que des règles peuvent revenir dans les toutes premières années après la ménopause. d’autres causes sont fréquentes : infections vaginale. Il est à craindre que les femmes ayant arrêté le traitement hormonal de substitution aient moins tendance à consulter après la ménopause. Quant à la patiente. de plus. n’imposent pas des explorations poussées. Cependant. . polype ou fibrome sous-muqueux révélés tardivement. cette ménorragie « pour mémoire ». les femmes consultent régulièrement. Cependant. Les estrogènes seuls créent une hyperplasie de l’endomètre. D’abord simple et bénigne. utérine ou tubaire. ces règles. étant donné son effet estrogénique sur l’endomètre. pourvoyeuse d’estrogènes endogènes. Ce traitement adjuvant du cancer du sein exige une surveillance particulière de l’utérus. » L’obésité. soit lors d’un choc émotionnel. celle-ci peut se transformer en hyperplasie atypique qui fait le lit du cancer. Il n’est pas toujours facile d’expliquer et de faire accepter ce traitement à une patiente traumatisée par son cancer du sein. Précédées de mastodynies et de courte durée. sous l’effet des estrogènes. le saignement. Sous traitement hormonal. celui du cancer de l’utérus.274 Regards sur quelques pathologies souvent le seul. Elle entend : « Pour traiter votre cancer du sein. si minime soit-il. Elle est en cause dans 40 % des cancers de l’endomètre. ce qui permet de dépister plus précocement des anomalies . L’annonce du diagnostic crée toujours une fracture dans la vie psychique. de recherche d’une causalité subjective. Nous-mêmes. un temps dépressif. et si possible l’adresser à un chirurgien ou à une . une simple échographie intravaginale rassure médecin et patiente ou. Le deuil avait été douloureux. une dose de déni est loin d’être négative . nous préparons à l’annonce en sachant que. temps de compréhension. en insistant sur les éléments positifs : 80 % des cancers de l’endomètre sont diagnostiqués au stade l. surtout. cancer de l’ovaire 275 Un cas impressionnant fut celui d’une femme ménopausée à 47 ans au moment de la mort de son mari. On découvre en fait un cancer de l’utérus déjà bien évolué. si la patiente accepte les conseils donnés. Il y a toujours un avant et un après le cancer. – un lent processus de rationalisation. Consultation Il faut donner à la femme le plus vite possible des éléments de prise en charge. Diagnostic Quelles que soient les circonstances. Il faut être à l’écoute des signes de dépression pour envisager un soutien médicamenteux et plus si nécessaire. Le temps des examens permet de préparer la femme au diagnostic qu’il faut annoncer le plus clairement possible. – un mouvement de révolte . impose d’autres investigations. en prenant tout le temps nécessaire et. la réapparition de saignements est interprétée comme un signe de renouveau. nous serons pour chaque patiente celle par qui le malheur arrive . depuis l’hystéroscopie diagnostique et thérapeutique jusqu’à l’IRM pelvienne. Tout n’est pas aussi schématique dans la réalité. la ménopause aussi.Cancer de l’utérus. – enfin. Huit ans plus tard. d’acceptation. nous devons l’assumer. La révélation d’une menace de mort crée une pathologie de crise. Les psychiatres décrivent volontiers les quatre phases par lesquelles vont passer les femmes atteintes : – une période dite de déni où la maladie n’est pas encore intégrée . à l’inverse. 10 % au stade 2. de toute façon. où notre rôle d’accompagnant est important . D’autres se connaissent. C’était ses premiers pas dans une aide qui ne s’est jamais démentie. Le silence sur la sexualité est encore trop fréquent avec les patients atteints de cancer . Tel ce mari faisant irruption au cabinet du gynécologue le soir du diagnostic. et le médecin n’est pas toujours le meilleur juge. et la ménopause est passée par là. Quant à la sexualité. Pour ce qui est du vécu de l’hystérectomie chez les patientes autour de la soixantaine. Dans cette situation traumatique pour la femme. avec laquelle la communication sera simple. Il venait chercher des réponses sur la meilleure façon de soutenir sa femme.276 Regards sur quelques pathologies équipe que nous connaissons bien. Certaines souhaitent apprendre le diagnostic seules. curiethérapie ou hormonothérapie. où le tabou de la mort se surimpose à celui du sexe. Il est resté toujours présent tout au long de la maladie. toutes les études révèlent que la capacité du compagnon de communiquer avec elle est un des éléments les plus importants pour elle. dont l’évolution a été très favorable. le programme thérapeutique sera décidé au cas par cas et en tenant compte de l’état général de la malade. sachant que chaque cas est particulier. pour ne pas avoir à prendre en charge la réaction de l’autre. c’est encore plus vrai en matière de cancers touchant les organes sexuels. Après l’intervention. Selon les cas et ses questions. Dans les stades avancés. qui permet de préciser la situation. et préfèrent la présence d’un témoin soutenant. En effet. Mieux l’on connaît sa patiente. savent qu’elles n’entendront pas. C’est à chaque femme de décider si la présence de son compagnon est bonne pour elle. en général. comme une famille médicale. de façon idéale. . il s’agit toujours d’une hystérectomie totale avec annexectomie et. La patiente se sentira plus en confiance et soutenue si elle sait que l’information va circuler dans ce qui sera. mieux on peut l’aider à mobiliser son énergie. nous parlons brièvement des statistiques et de leurs limites. Le programme thérapeutique doit être annoncé en signalant qu’il peut être modifié selon les résultats de l’intervention chirurgicale. on sera à même de juger d’une thérapeutique complémentaire. curage ganglionnaire pelvien. le risque de maladie mortelle surdétermine l’acceptation de l’intervention. le médecin ne doit pas s’abriter sous la gravité de la maladie pour éluder cette dimension. elle comporte en particulier des frottis réguliers du fond vaginal. une surveillance du pelvis par échographies et IRM. confirmé par une IRM. Un état dépressif doit être diagnostiqué. Cancer du myomètre Le cancer du myomètre ou sarcome est une tumeur beaucoup plus rare. D’autres ont du mal à se soumettre à la régularité des contrôles. or. Quant à la surveillance. la femme peut se sentir abandonnée. grâce au carcan des visites de contrôle. Après la période de prise en charge intensive par toute une équipe. Les mots utilisés par les cancérologues en fin de traitement ne sont pas toujours satisfaisants. . mais son pronostic est redoutable. la formule actuelle est : « Vous êtes en rémission complète ». cancer de l’ovaire 277 C’est au médecin d’ouvrir le dialogue. Les métastases. Cependant. Sinon. Le médecin est démuni et il est pénible de se sentir en échec. Les femmes reviennent volontiers chez leur gynécologue. sa croissance extrêmement rapide fait le diagnostic. avec leur charge anxiogène et leur réassurance. notamment pulmonaires. qui réveille les angoisses. sont précoces et résistent aux traitements.Cancer de l’utérus. les femmes restent sur le qui-vive et le moindre symptôme est a priori suspecté d’être le signal d’une récidive ou d’une métastase. Le diagnostic différentiel avec un banal fibrome est difficile au début . mais trop tard en général. dans ce moment de sevrage médical. Il ne représente que moins de 1 % des tumeurs malignes de l’utérus. Ce n’est qu’au bout d’une ou de deux années. même dans ce type de cancer. c’est parfois une découverte peropératoire. ou de savoir saisir les nondits de sa patiente aussi bien avant qu’après l’intervention. L’annonce de ce cancer est particulièrement difficile. Surveillance après l’intervention À la fin du protocole de traitement. rassurées par l’information partagée avec l’oncologue. Les patientes voudraient entendre : « Vous êtes guérie » . une phase critique s’installe où le soulagement d’en avoir fini avec les horreurs de la guerre ne peut jamais être la paix. qu’en cas d’évolution favorable une prise de distance avec la maladie est possible. – deux cas de cancer du sein unis entre eux par un lien de premier degré : • 1 cas avant 41 ans . . et les recherches se poursuivent. Dans ce cas. mais les travaux n’ont pas définitivement tranché sur ce point. mais décevant pour en faire l’agent d’un dépistage systématique. diminuant à chaque nouvelle grossesse menée à terme. 2004) : des règles précoces et une ménopause tardive. mais frappe aussi de très jeunes femmes. Des échographies pelviennes régulières sont indiquées quand il y a un antécédent familial de cancer de l’ovaire. Il semble que l’infertilité puisse être un des facteurs augmentant le risque du cancer de l’ovaire. Réalisant une certaine mise au repos de l’ovaire. on sait qu’il y a de 5 à 10 % de cancers du sein et de l’ovaire qui sont en rapport avec des altérations constitutionnelles des gènes BRCA1 et BRCA2. Si ce taux le place au quatrième rang des cancers gynécologiques. Face à la gravité du cancer de l’ovaire. La stimulation ovarienne des traitements de l’infertilité a été soupçonnée. il occupe la première place dans la mortalité des cancers gynécologiques. la stratégie de surveillance de ces cas familiaux est établie en liaison avec une équipe spécialisée en fonction de chaque cas. Avec le progrès de la génétique.. comme nous l’avons vu. Son caractère insidieux est tel que 75 % des cancers de l’ovaire sont diagnostiqués à un stade avancé. se pose la question du dépistage. Le marqueur tumoral CA 125 est performant pour le suivi.278 Regards sur quelques pathologies Cancer de l’ovaire Le cancer de l’ovaire touche en France près de 4 000 femmes par an. Il semble qu’il soit plus performant après la ménopause. mais pas dans la population générale. La nulliparité multiplie par deux le risque. • ou 2 cas avant 50 ans . la survie est de 20 % à 5 ans. la prise d’estroprogestatifs est considérée comme protectrice. • ou 1 cas masculin. quel que soit l’âge au moment du diagnostic . Rappelons les indications des tests moléculaires : – au moins trois cas de cancer du sein ou de l’ovaire chez des femmes unies par un lien de premier ou de second degré appartenant à la même branche parentale. Ce cancer touche dans l’ensemble des femmes de plus de 50 ans. Tous stades confondus. Des facteurs de risque ont pu être reconnus (Eisinger et al. ni trop de distance. ce qui permet un traitement précoce. Mettre en place pour chaque femme une surveillance adaptée ne peut rien contre les cancers qui se développent rapidement ou progressent masqués. car cela va l’aider à soutenir sa patiente sans trop d’identification.Cancer de l’utérus. cancer de l’ovaire 279 – un cas de cancer de l’ovaire (quel que soit l’âge au moment du diagnostic) et un cas de cancer du sein chez des apparentées au premier degré . elles pensent moins au cancer de l’ovaire. C’est l’occasion de redire la nécessité de l’exérèse de tout kyste solide de l’ovaire. « l’irreprésentabilité de la mort va entraver la communication essentielle entre tous les acteurs engagés dans le scénario » (Winaver. Ces décisions doivent être prise en respectant le temps nécessaire à la préparation de la femme et en la faisant participer activement au choix. Slamal. – un cas associant cancer du sein et cancer primitif de l’ovaire. Chez les femmes porteuses d’une mutation BRCA. d’où la difficulté d’un diagnostic précoce. le médecin. Il arrive enfin qu’une image suspecte au niveau de l’ovaire soit fortuitement découverte au cours d’une échographie. Une circonstance permet de diagnostiquer un cancer limité à l’ovaire : lorsque le compte-rendu anatomopathologique révèle que ce qui avait été considéré comme un kyste de l’ovaire est en fait une tumeur frontière ou un vrai cancer de l’ovaire. même chez des femmes très jeunes. La découverte de ce cancer surprend les patientes car. à la statistique et une formation psychologique. Il faut toujours être prudent et ne pas affirmer la totale bénignité avant le résultat de l’examen anatomopathologique. 1993). donc de meilleur pronostic. C’est une médecine qui nécessite une formation à la génétique. Tel est le cancer de l’ovaire : muet tant qu’il reste dans l’ovaire. De toute façon. si elles redoutent le cancer du sein. n’échappe pas à un sentiment de culpabilité : a-t-il été chaque fois assez vigilant. . Qu’elles expriment ou non ces sentiments. il se manifeste par des symptômes de la sphère digestive dès qu’il en sort . surtout si elles se font suivre régulièrement. lui. les consignes sont une surveillance clinique deux fois par an à partir de 20 ans et une échographie pelvienne tous les ans à partir de 30 ans. L’ovariectomie préventive peut être conseillée. ne fallait-il pas l’être davantage avec cette femme ? Il y a grand intérêt à reconnaître et à analyser ce sentiment. la tumeur est limitée aux ovaires . La lecture du compte-rendu opératoire est très éprouvante pour le médecin. il faut affirmer haut et fort que ce cancer est extrêmement sensible à la chimiothérapie. Ce sont des moments très durs. le pronostic étant lié à l’importance du retrait de la masse tumorale. Traitement La chirurgie est indiquée dans tous les cas. nous accueillons une patiente avec l’échographie qui a révélé le cancer et écoutons son récit de troubles digestifs durant depuis des semaines ou des mois. le plus souvent. La surveillance se fait par le dosage régulier du CA 125 et la recherche de récidives au cas où ce marqueur s’élèverait. et on perçoit parfois une masse. et une exérèse de toute lésion visible réséquable. existent des métastases viscérales ou un épanchement péritonéal néoplasique. au stade III. À la fin de cette première série de chimiothérapie. Les patientes ne le demandent pas. une lymphadenectomie iliaque et para-aortique. la tumeur est étendue à l’abdomen ou aux ganglions . des biopsies péritonéales au niveau des éventuels bourgeons tumoraux sur le péritoine. elle est limitée au pelvis . La chimiothérapie est mise en place pour six cycles. un scanner abdominopelvien permet de faire le bilan. enfin. Cette chirurgie permet d’apprécier le stade de la tumeur. Le résultat du marqueur CA 125 est très élevé. . L’utilisation de casques réfrigérants pendant les chimiothérapies permet parfois de limiter les dégâts. avant. La chute des cheveux reste pour toutes une épreuve énorme. Malgré l’ébranlement émotionnel que l’on éprouve devant cette situation. douloureux. L’examen clinique retrouve un abdomen ballonné. Il faut l’anticiper et conseiller de choisir une perruque le plus rapidement possible. pendant et après. ce qui évoque l’existence d’une ascite. ou plusieurs masses – le cancer s’est souvent bilatéralisé. d’altération progressive de l’état général et se plaignant d’une augmentation du volume de son abdomen. ce qui entraînera une ou de nouvelles chimiothérapies. au stade II. On pratique si c’est possible une hystérectomie avec une annexectomie et une omentectomie. au stade IV.280 Regards sur quelques pathologies Clinique En dehors de ces cas. Rappelons qu’au stade I. de n’avoir qu’une permission limitée pour s’absenter du rôle de soutien traditionnel. en une demandeuse d’aide et de soutien.Cancer de l’utérus. Le cancer évolué est considéré comme une maladie chronique. Par ailleurs. On saisit parfois ce que pouvait avoir de confortable pour certaines d’entre elles le silence d’autrefois : si connaître la vérité incite la majorité d’entre elles à se battre. peut vivre une situation personnelle qui le met dans l’incapacité d’assumer cette charge. La maladie transforme la vie d’une femme jeune. Depuis quelques années. souvent définitivement. doit s’en ajouter une autre : partager le diagnostic avec les proches. cela les oblige aussi à des efforts supplémentaires. Le cancer touche souvent des femmes jeunes. Certaines femmes se plaignent d’être incomprises. L’évolution est palpable depuis les temps lointains où. cancer de l’ovaire 281 Le traitement actuel du cancer de l’ovaire évolue grâce à de nouvelles molécules de la famille des taxanes qui semblent plus performantes. dès le diagnostic. entourées d’enfants petits. Mais le médecin. . C’est le rôle du gynécologue psychosomaticien : il s’est formé au fil du temps à la relation médecin-malade et a appris à faire face à l’angoisse de mort. il faut essayer de garder un contact avec elle. Il lui faut alors savoir déléguer. la patiente était prise en mains par l’équipe oncologique et le contact rompu avec son gynécologue. et une nouvelle tendance se dessine : prescrire des chimiothérapies de façon régulière et prolongée sans attendre la présence de signes péjoratifs. Quand on arrive à la dépasser. qui est le soutien moral et matériel de sa famille. même formé. on peut mobiliser les forces de vie. Retentissement psychologique La façon dont une femme réagit à la catastrophe qui s’abat sur elle dépend de son âge et de sa situation familiale ainsi que de sa personnalité. C’est souvent très lourd. Bien que les forces de la patiente soient mobilisées pendant le traitement. À l’énergie engagée dans la lutte pour la vie. il semble exister une évolution des stratégies thérapeutiques. tout en éprouvant une culpabilité vis-à-vis des enfants et du mari. Son anxiété et sa détresse sont d’autant plus grandes. la création de réseaux hôpital-ville a transformé la prise en charge de ces patientes. De plus. Les hommes parlent peu et se méfient de leurs émotions. Le refuge du mari dans le travail peut réaliser un compromis acceptable. La manière dont les hommes réagissent est liée à la personnalité de chacun et à la qualité de la relation du couple avant l’apparition du cancer. Chez les couples plus âgés. Certaines patientes sont déprimées et n’ont plus d’intérêt pour la sexualité. en particulier la chimiothérapie. Les compagnons fuient rarement la situation. la femme a besoin de s’isoler. ce qui a permis à ces derniers d’exprimer leurs anxiétés et aux médecins d’apprécier le niveau de leurs demandes. avec les réactions affectives et sexuelles que cela peut entraîner. Certains maris ont moins peur de la maladie. Souvent. Dans d’autres cas. si celle-ci a arrêté les règles. ces déclarations. des travaux ont porté sur le « chagrin des hommes ». prescrire un traitement local et convaincre la patiente de son innocuité. toutes les intervenantes des associations qui s’occupent de femmes atteintes de cancer se font l’écho de la solitude des femmes.282 Regards sur quelques pathologies Récemment. Ils viennent rarement avec leurs femmes. À l’inverse. tout dépend de la qualité de la relation avant le cancer. comme une mère. Cependant. Le médecin doit penser à en parler même si la patiente ne songe pas à évoquer le problème : il doit s’enquérir d’une dyspareunie. Ils deviennent parfois hyperprotecteurs. La fatigue des différents traitements peut être en cause. . Bien des femmes s’interrogent : « Pourquoi moi ? » Ce questionnement existe dans tous les cancers. Le fait que le diagnostic soit énoncé. contrairement à une idée reçue. Des travaux américains récents n’ont pas trouvé une augmentation significative du taux des divorces. la prise de distance est sans doute plus dure à vivre pour les femmes. elle a pu induire une sécheresse vaginale. cette façon de parler expriment le souhait d’aborder des problèmes sousjacents qui les tourmentent : sentiments de rancune. il est désemparé et a du mal à en parler. et l’homme alors peut se sentir inutile ou même rejeté. malgré sa bonne volonté. de culpabilité. Quand l’homme doit prendre en charge des responsabilités nouvelles dans la famille alors qu’il est très angoissé pour la santé et la vie de sa femme. partagé a cependant modifié leur comportement. et savent se montrer très aimants. Des expériences en témoignent : dans des centres américains ont été organisées des rencontres entre médecins et maris. BATAILLARD A. WINAVER D. (1987) – Cancer à qui la faute ?.. sex. les femmes expriment moins de culpabilité que lorsqu’elles sont atteintes d’un cancer du col de l’utérus. Pour en savoir plus BRÉMOND A. BRESSAC B. . CASTAIGNE D. Gallimard. de redresser des idées fausses. (1993) – « Cancer du sein : l’indicible ». elles évoquent aussi un traumatisme psychique.. leurs ovaires. mais surtout d’accompagner et de soutenir sa patiente. quitte à ce qu’elle ne soit pas acceptée en première instance. Options et Recommandations pour la prise en charge chirurgicale des patientes atteintes du cancer de l’endomètre ». vol. et l’idée qu’elle se fait de ce qu’on va lui enlever. Elles parlent du deuil d’un proche ou d’un abandon. n° 4 : 339-343.. Le gynécologue ne peut se proposer de traiter l’organe malade sans prendre en compte la personnalité de la patiente. MICHEL F. Conclusion Les patientes se représentent difficilement leur utérus. THOMAS L. Une aide psychothérapique peut être proposée d’emblée.Cancer de l’utérus.. Comme le cancer de l’endomètre et le cancer de l’ovaire ne sont pas liés à des conduites à risque. vol. Bulletin du cancer. EISINGER F. et al. cancer de l’ovaire 283 de colère (Michel. 21. s’agit-il ? Au médecin d’expliquer. 91. Leur atteinte est d’autant plus angoissante qu’elles peinent à se les représenter. D’autres s’interrogent sur leur vie sexuelle en se demandant si un écart par rapport à une norme n’est pas en cause. Bulletin du cancer. 1987)... même invisible. (2004) – « Identification et prise en charge des prédispositions héréditaires aux cancers du sein et de l’ovaire ». vol. n° 3 : 219-237. Contracept. De quelle mutilation. (2001) – « Standards. fertil. 88. les pathologies de leur appareil génital interne leur semblent mystérieuses. B. Paris. De nos jours. SLAMA L. et al. n° 2 : 181-198. leur emplacement et leur fonction à l’intérieur d’ellesmêmes. Même si elles désignent avec certitude ces organes comme l’essence de leur féminité. la maîtrise de ses émotions. . nécessite un regard et une réflexion propres sur la conscience de notre immortalité quotidienne. à l’idée de mort. L’écoute. mais requiert également de pouvoir être confronté à l’angoisse des patients – et rien n’est plus contagieux que l’angoisse –. le mot « cancer » est associé. la sienne donc. N. Cette confrontation à la mort. qu’on le veuille ou non. ce qui permet de mettre un peu d’humanité dans un univers impitoyable sont laissés à la bonne volonté et à l’intuition de chacun. à leurs espoirs en la toute-puissance du médecin. celle de l’autre. et donc à la possibilité ou non de la gérer. ESPIÉ. Nous entretenons un comportement étrange et ambigu avec notre corps. En effet. L’intérêt que nous lui portons doit être payé de retour dans une demande de réciprocité.18 Cancer du sein M. Le but d’un médecin en cancérologie est d’offrir les meilleures chances de guérison dans les meilleures conditions possibles. bref ce qui fait l’essentiel d’un travail de consultation. nous laissant entièrement désarmés quand il souffre. Travailler en cancérologie non seulement impose une rencontre avec le corps souffrant. ESPIÉ Introduction Travailler en cancérologie impose un rapport particulier au patient et à la parole. le recul. dans l’imaginaire collectif. à leur agressivité. Mais la relation avec les patients n’est pas ou peu enseignée pendant les études médicales. l’empathie. à leurs moments dépressifs. ce que Françoise Dolto nomme « allant-devenant-désirant ». Il est symbole de féminité. accule au cauchemar. Une rupture fondamentale s’opère. la possibilité de verbaliser la maladie permet aux patients de se situer dans un présent. mamelle nourricière. même cancéreux.286 Regards sur quelques pathologies L’accompagnement fait partie intégrante de la fonction médicale. Il est l’une des conditions du traitement. compromettant cette continuité d’exister par l’annonce de la maladie. se dérobe. La vie affective. figée. d’autres moments pour poser les questions qui n’ont pas pu être énoncées. mais également pour le partenaire sexuel . La relation médecin-malade sera alors tendue vers un but exclusif : parvenir au terme du traitement envisagé dans les meilleures conditions possibles. L’annonce d’un diagnostic de maladie du sein est toujours génératrice d’inquiétude pour l’esthétique. etc. et ce non seulement pour des raisons d’humanité. Le cancer du sein n’est pas un cancer comme les autres. d’offrir d’autres possibilités. La pensée est arrêtée. les repères s’effondrent. La patiente est généralement sidérée par cette annonce. fierté de femme. Le sein occupe en effet une place centrale dans le psychisme des deux sexes. car il touche un organe symbolique. Leur corps les trahit. appât sexuel. rétablissant ce que l’on pourrait appeler une ligne de vie dans le temps. Par ailleurs. elle a entendu le mot « cancer » et n’entendra parfois rien d’autre malgré nos efforts. . familiale. Le rôle de la parole – en particulier celle du cancérologue – est en ce sens prépondérant. la perception du monde vacille. le retentissement sur la vie de couple est immédiat. professionnelle est remise en cause. Le diagnostic et son annonce Le cancer compromet la certitude d’exister. Il est alors souvent nécessaire de laisser faire le temps. pour l’image de soi. Cela vaut pour la femme. KO debout . Le médecin est celui qui vient faire irruption. rien ne sera plus jamais comme avant. Cette période de sidération semble correspondre au temps nécessaire à la mise en place de mécanismes de défense. pour la féminité et pour la maternité. mais aussi pour aider les malades à accepter les traitements proposés. de procéder par étapes. en essayant de comprendre ce que la patiente veut savoir. urgence plus psychologique que strictement médicale. et celui-ci n’avait qu’à se taire et à se plier aux traitements prescrits. Nous payons actuellement les conséquences de siècles de non-dit en pratique médicale où le patient n’avait pas voix au chapitre et où le secret était érigé en système. leurs douleurs. Il est impossible de parler de chimiothérapie. il est obligé de parler. L’annonce est alors ressentie comme un verdict à la fois redouté et attendu. Tout va en fait se jouer lors de la première consultation. de radiothérapie si le diagnostic n’a pas été préalablement et clairement formulé. puisqu’il s’agit à la fois de l’examen clinique et de la possibilité pour les patientes de nous faire connaître leurs angoisses. devient notre lot commun. Mais quoi de plus violent que les méthodes nord-américaines vers lesquelles on tend et qui consistent notamment à faire signer à un patient un papier « l’informant » de l’étendue de ses métastases . Faut-il tout dire ? Cet éternel débat autour de la vérité n’est pas un problème moral. Cette première consultation est vécue avec appréhension. Dire impose d’avoir le temps. en plusieurs consultations si nécessaire. la peur du cancer terrorisant la femme et son entourage. celui ou corps et paroles se mêlent et se dévoilent.Cancer du sein 287 Notre parcours commun va bien souvent débuter à ce moment dans un contexte d’urgence. ce qu’elle veut et peut entendre à un moment donné. La patiente sait qu’on l’adresse à l’hôpital en raison d’un doute sur un hypothétique cancer. voire leur agressivité. Il faut absolument expliquer les traitements. L’annonce du diagnostic est nécessaire à l’acceptation du traitement et à l’instauration d’un climat de confiance indispensable à la relation thérapeutique. de prendre son temps. Le médecin savait ce qui était bon pour le malade. Le temps particulier de la consultation. relayé en cela par une autre loi. Tout le monde sait de quoi il retourne et le médecin n’a pas le choix. Le cancer s’installe dans le corps de ces femmes et dicte sa loi. Urgence également car il faut répondre à la maladie . celle du corps médical. qui reste fondamentale. il n’est pas question de tergiversations. mais aussi leurs revendications. Ce premier examen au cours duquel la malade offre son corps nu au médecin et où celui-ci va en prendre possession en le touchant et en le regardant conditionnera la relation ultérieure. de répondre aux questions que le patient pose. Tout cela va concourir au fait qu’une fois le traitement terminé ces femmes se sentent souvent déprimées. les consultations. Le début des traitements va être pour ces femmes une confirmation de leur maladie . ses protocoles. car le cancer du sein est multiple. mais sans asséner ce qu’il n’a pas envie d’entendre à un moment donné. Ainsi. il s’agit bien d’un . Il n’y a toujours pas de traitements miracles. mais aussi parfois la rechute. abandonnées. son traitement. La demande est souvent différente lorsqu’on est soi-même confronté à une maladie potentiellement mortelle. au fil des années. C’est un véritable parcours du combattant depuis l’annonce de la maladie. Les malades – dit-on – veulent tout savoir. certains services proposeront-ils de commencer par la chirurgie. Chacun réagit comme il peut. de chimiothérapie. de les susciter. mais l’efficacité des traitements augmente pas à pas. ce qui illustre bien le fait que la médecine est une science humaine et que rien ne sera jamais parfaitement codifié. ses croyances en fonction de son histoire et de la formation de ses médecins. alors que d’autres se font les champions de la chimiothérapie première en fonction de tel ou tel protocole. et l’on essaie de les adapter au plus près du « cas » de chaque patiente. et son arrêt.288 Regards sur quelques pathologies et de sa probabilité statistique de survie sans qu’il ait demandé quoi que ce soit ? Il s’agit de dire le diagnostic. le doute n’est plus possible. La maladie est alors un voyage au long cours où la malade est accompagnée quotidiennement . Les traitements Les traitements du cancer du sein sont multiples. Mais il convient également de ne pas oublier que chaque équipe thérapeutique a ses habitudes. le temps est rythmé par les séances de radiothérapie. ce sont surtout les gens en bonne santé qui ont ce réflexe lorsqu’on les interroge. y compris en matière de traitement. En fait. et la demande peut varier en fonction du temps ou de l’interlocuteur. même s’il existe des consensus de prise en charge en fonction de la présentation de tel ou tel cancer. en revanche cette intervention est psychologiquement traumatisante. disent d’autres femmes non sans souffrance. De ce fait. un sentiment de culpabilité. envisager les traitements. La femme ne peut plus assumer ses obligations familiales. La nécessité d’une intervention chirurgicale apparaît comme le deuxième traumatisme auquel la patiente est confrontée après l’annonce du diagnostic. En effet. Elle se demande si elle pourra un jour les reprendre. tant qu’elle n’aura pas retrouvé cette sensibilité-là. C’est dire qu’aux différentes étapes de la prise en charge correspondent différents niveaux de prise de conscience de la maladie et d’approfondissement de ses implications. Il en sera ainsi. un sentiment d’étrangeté (« quelque chose manque à sa place ». ajoute-t-elle. Les femmes ne subissent les effets des traitements qu’au fur et à mesure de leur déroulement. nous confiait une femme qui se regardait dans un miroir après sa mastectomie). y compris lors d’une mastectomie. la représentation du cancer. La mise en route des traitements. une dépréciation de soi et. Elle ne peut se réaliser d’un seul coup. La femme voit son schéma corporel bouleversé. l’hospitalisation. Une nouvelle difficulté surgit alors. Ainsi. Il va donc falloir se soumettre aux traitements. ne signifie pas qu’elle en mesure toutes les conséquences. ne sentant plus rien. « On ne peut pas se regarder tant qu’on ne se sent pas ».Cancer du sein 289 cancer. la chirurgie provoque une angoisse devant la mutilation. aussi préparée qu’y soit la femme. L’expérience nous montre que les implications des traitements sont rarement intégrées à ce stade du parcours. En effet. après une mastectomie. elle « ne peut pas se regarder dans une glace ». Ainsi. . si la chirurgie semble peu douloureuse physiquement. Chirurgie La chirurgie mammaire peut être soit conservatrice soit radicale. le rythme des traitements et des consultations fixent la réalité de la maladie. qui. et l’intensité des réactions est fonction de la localisation et des représentations qui en découlent. l’hospitalisation entraîne des ruptures dans la vie de la femme et de l’entourage. La prise de conscience de la maladie est donc progressive. Il en est ainsi de Mme M. se plaint d’une perte de sensation tactile à l’endroit du sein disparu. elle se sent étrangère à elle-même . bien souvent. conjugales et socioprofessionnelles. Il peut apparaître. souvent par pudeur. qu’elle soit immédiate ou différée. et l’ablation d’un sein pour un chirurgien n’a rien de gratifiant. on le comprend. Mais les positions pendant le temps de l’irradiation sont parfois inconfortables. mais qui est aussi perçu comme objet de dégoût. à la séduction. « Elle n’a plus envie de moi ». qui ne comprend pas que sa partenaire ne veuille pas qu’il la touche pour ne pas lui imposer une image dévalorisée d’elle-même. ce qui ne signifie pas que ce soit une chirurgie qui ne nécessite pas une excellente qualité technique. En cas de conservation mammaire. en fonction des sensibilités individuelles. Les préoccupations de chacun divergent et plus personne ne se reconnaît. Si une mastectomie est envisagée. l’agression que représente cette mutilation est immédiatement visible. La chirurgie du sein n’est pas un acte compliqué. pense le conjoint. C’est parfois le début d’une incompréhension réciproque avec le partenaire : « Tu n’as plus envie de moi ». à la maternité. un corps qui non seulement ne leur appartient plus. les patientes expérimentent la mainmise de la médecine sur leur corps. à la vie sexuelle. comme nous l’avons déjà dit. Là aussi. la radiothérapie induit des séquelles visibles au niveau de la peau : tatouages. on ne sent rien. Ainsi. Cela peut accentuer la répulsion qu’elles éprouvent pour leur corps. Bien qu’elle soit indolore. elle doit rendre possible une reconstruction mammaire. éosine en cas de brûlures. à la féminité. indurations cicatricielles. La chirurgie mammaire est donc un acte délicat et violent pour la patiente. Sur le moment.290 Regards sur quelques pathologies Le sein est souvent associé. Radiothérapie La radiothérapie est indolore. en fait à tout ce qui est essentiel à une femme dans son identité. pense la femme que son conjoint évite de toucher. En effet. . les cicatrices doivent être le moins visible possible. la mastectomie va bouleverser de façon durable la femme et son entourage. mais également pour le chirurgien. marquages au feutre pour délimiter les champs d’irradiation. une rougeur au niveau des zones irradiées qui augmente avec le nombre de séances et peut même parfois provoquer des brûlures superficielles. La sexualité est souvent altérée. perte de cheveux. la chimiothérapie signe plus que tout autre traitement l’existence du cancer. les empêcher d’oublier. Le simple fait d’entrer dans l’hôpital suffit à les déclencher. Certaines malades vomissent ou ont des nausées avant même d’être perfusées. Elle rend malade alors que la patiente ne se sent pas malade. qui se sent instrumentalisé tant par les machines que par les soignants ? Que dire alors de la curiethérapie. vomissements. traduisant bien le rejet massif et la violence interne à l’œuvre. C’est notamment le cas des indurations et de la rétraction.Cancer du sein 291 S’ajoute à cela le fait que l’équipe soignante. dont l’intérêt est de délivrer la dose voulue de radiothérapie en quelques heures. . » La perfusion distille le traitement dans l’ensemble du corps. arrêt des règles –. l’enfermement dans des pièces plombées où des machines sont télécommandées de l’extérieur. machine dont on se demande toujours « si elle va viser juste ». La radiothérapie nécessite en outre l’isolement. Elle génère l’effroi de la solitude face à la machine. a tendance à banaliser la situation. Que reste-t-il de la dimension de sujet du patient. mais elles peuvent. pour certaines patientes. Le sein irradié restera toujours plus sensible que le sein non traité. Ces douleurs séquellaires du traitement sont peu intenses. et c’est parfois l’occasion d’aborder la possibilité d’un soutien psychologique. même à distance. le fait qu’elles ont été traitées. le personnel parlant aux malades à l’aide d’un micro. ce qui est très souvent mal vécu par les patientes. pratique pénible aux dires de certaines patientes ? Certains effets de la radiothérapie s’accentuent avec le temps. Les vomissements et les nausées vont parfois crescendo avec les cures. Elles facilitent le questionnement sur le risque de rechute : m’a-t-on bien tout enlevé ? Chimiothérapie Avec sa cohorte d’effets indésirables – nausées. Elle oblige ainsi à une confrontation avec la réalité de la maladie et renvoie en permanence les patientes à ce diagnostic : « J’ai un cancer. qui ne voit là rien de bien dangereux. C’est souvent le signe que s’installe un ras-le-bol. mais qui nécessite la pose de gaines traversant le sein et l’enfermement dans une chambre plombée. et il est parfois bien difficile d’apprivoiser la femme que l’on découvre dans la glace. de « faillite de l’environnement » habituel et de soi. des douleurs. au fil des séances. la femme n’est pas en état d’interpréter les signes qui lui viennent de son corps. mais également des poils pubiens.292 Regards sur quelques pathologies C’est parfois le cathéter que les patientes rejettent. difficultés sexuelles… tout concourt à laisser sur la patiente une empreinte qui la marque du stigmate du cancer. va modifier le schéma corporel. c’est une cicatrice supplémentaire souvent visible au niveau du décolleté et disgracieux. Réagir aux traitements Le rythme contraignant des traitements est un rappel constant de la maladie. dans cette situation. Il n’y a plus de repères. mais il est aussi le support d’un repérage personnel et d’un avenir possible. La chute des cheveux. mais ces questions sont aussi posées dans le but de rechercher des repères spatiotemporels. Sa pose est désagréable et impressionnante. La chimiothérapie va. tels le jour de visite du . Elle est souvent incapable d’établir la distinction entre ce qui relève de la progression de la maladie et ce qui est à attribuer aux effets des traitements. tels l’état de la cicatrisation ou le résultat d’examens . Hormonothérapie Si elle représente un avantage en terme de réduction du risque de rechute du cancer du sein. et il n’y a guère que les médecins pour prétendre que cela ne fait pas mal. Le « je » d’avant le cancer n’existe plus. C’est le cas notamment des chutes des globules. En effet. transformer la patiente. les rythmes imposés par le fonctionnement de l’hôpital et les traitements apportent des repères au moins provisoires. Dans ce contexte de confusion. Les questions posées aux soignants ont bien souvent pour objectif plus ou moins avoué d’obtenir des renseignements sur leur état physique. ménopause précoce. prise de poids. des symptômes digestifs. car souvent sous anesthésie locale au bloc opératoire . des sourcils. des cils. l’hormonothérapie ne laisse pas non plus la femme indemne : bouffées de chaleur. C’est un corps étranger. Enfin et surtout. les situations de passivité. médecin. une séparation. Dans ce même mouvement. un retour à l’histoire personnelle et familiale. prostituée. ceux qui vont le relier à des événements marquants de leur vie : « j’ai mon cancer du sein à la place de l’étoile jaune que je portais adolescent » m’a dit un homme. une tendance à l’isolement. Il existe fréquemment une culpabilité des malades qui vont chercher ce qu’elles ont bien pu faire de mal pour mériter cela. cette quête de repères correspond à la recherche d’un nouveau cadre structurant et soutenant. Presque tous ont besoin de donner un sens à ce qui leur arrive. Mme M. et la confrontent à la peur de la mort. Le choc lié au diagnostic et le déroulement des différents traitements renvoient la femme à sa situation de malade. mon père est mort d’un cancer du côlon récemment et je m’en suis beaucoup occupé. les effets de la maladie et des traitements entrent en résonance avec des blessures antérieures. les conflits familiaux non résolus. Il y a ceux qui vont l’intégrer dans une histoire familiale : la mort d’un proche. ou encore le nombre de jours d’hospitalisation. consulte avec un cancer du sein ulcéré qui ne l’empêchait cependant pas de travailler.. « Si j’ai ça c’est parce que je me suis trop laissé mordre les seins » me dit-elle. peut-être pour contrecarrer ce cancer qui. m’interroge : « N’est-ce pas dû aux amphétamines que j’ai pris avant de passer mes examens ? » Les malades ont des théories sur la genèse de leur cancer qui sont multiples. les relations difficiles. Mon frère vient de décéder récemment. « J’avais trop de soucis. À ce stade. le jour de la réunion de l’équipe.. les pertes et deuils qui ont jalonné l’existence. les frustrations. Ils sont toujours présents. le lendemain du diagnostic de mon cancer. etc. Cette interrogation est présente dès que le diagnostic de cancer est formulé. vous pensez donc que cela devait m’arriver… » Une autre patiente va signaler comment elle avait essayé d’allaiter son enfant . les bouleversements.Cancer du sein 293 médecin. la femme en vient à s’interroger sur les origines de son cancer et sur sa signification. Elles renvoient également aux deuils non faits et aux pertes traumatiques. j’entends leurs voix qui m’agacent constamment. lui. Mlle V. Les conséquences directes ou indirectes du cancer (les mutilations. n’en a pas. un divorce… .) suscitent un retour sur soi. a succédé la chimiothérapie. irradiation avec ses allées et venues quotidiennes à l’hôpital pendant plusieurs semaines. puisque ce qu’elles craignaient. À la valse folle du début – consultation initiale.294 Regards sur quelques pathologies en vain et qu’un abcès était apparu au niveau de l’aréole gauche. mais aussi dans les actes et les comportements. et qui ne viennent consulter que généralement contraintes et forcées. pour un temps au moins. sous la forme de troubles de l’humeur. des angoisses de morcellement. Le travail psychique est alors possible et souvent nécessaire. un changement d’attitude s’opère . dans un état de crise. Certaines patientes sont très troublantes pour les médecins . Le médecin soutenant La prise en charge va être marquée par la durée. généralement en raison de l’odeur pestilentielle qu’elles dégagent. bilan. Elle en était très culpabilisée. Dans la majorité des cas. s’épanouissent et deviennent de bonnes malades. brutalement. des accès de rage ou des crises d’allure mélancolique. dès le début de la prise en charge. ce sont celles qui laissent évoluer leur cancer en toute connaissance de cause. hospitalisation en chirurgie. annonce de la thérapeutique. à savoir un effondrement. l’expérience catastrophique est là. même s’ils savent bien que c’est malheureusement trop tard et que l’évolution sera inexorable. car il l’aidera à sortir de cette délicate situation dans la mesure où il pourra être effectivement réalisé grâce à la collaboration avec les psychologues de l’équipe. elle aussi rythmée par les séances de perfusions bimensuelles ou toutes les 3 semaines et les consultations . et la femme se trouve plongée. ces malades reprennent le goût de vivre. Le passé et le présent sont étroitement intriqués. telles que les médecins les aiment : dociles et faciles à traiter. est bien advenu. Ne peut-on imaginer que ces agonies qui hantent la vie de certaines patientes ont trouvé dans le cancer à se faire reconnaître et les soulagent temporairement. dans une démarche suicidaire. incarnée dans le cancer ? Les angoisses archaïques affleurent de différentes façons sous la forme de rêves ou d’autres formations imaginaires. « C’est à cet endroit que j’ai développé mon cancer » me confiera-t-elle. annonce du diagnostic. rendant son allaitement définitivement impossible. Elles s’expriment par de la terreur. nous semble fondamental pour aider le patient à retrouver le chemin de la pensée. Ce référent va « porter » le malade à travers le monde hostile et les agressions qu’il subit. Fort heureusement. protectrice plus pour ceux qui y travaillent que pour ceux qui y sont soignés. Le malade a alors besoin d’un référent attitré pour éviter qu’à l’éclatement que lui fait vivre la maladie s’ajoute l’éclatement qui lui est imposé par la thérapeutique. leur racontant ce qu’elles n’ont pas osé dire au médecin. elle peut se considérer comme guérie. de la parole et à sortir de sa sidération initiale. ignorant l’environnement dans lequel le malade évolue. Combien de malades se confient à elles. sans que pour autant il soit possible de vivre comme avant. à savoir l’hôpital. la caricature étant certaines structures où le malade n’avait jamais affaire au même intervenant pendant toute la durée de son traitement. La prise en charge intensive s’arrête. Cela signifie la perte des repères et du soutien. Ce référent. dépassant de bien loin leur qualification technique. la crainte de l’effondrement physique est toujours présente. et peut-être plus encore en cancérologie où la confrontation à la mort et à la souffrance renforce bien souvent la cohésion des soignants. Il ne s’agit bien sûr pas du médecin seul. leur parlant de leurs soucis de la vie quotidienne avec lesquels elles ne veulent pas embêter leur docteur ! Travailler en équipe n’est pas un vain mot à l’hôpital. Il n’y a plus de traitements. cet interlocuteur privilégié. Mais travailler en équipe ne veut pas dire remplacer le référent de la patiente par la structure hospitalière. Cela constitue une période particulièrement angoissante . La femme se trouve dans un entre-deux très inconfortable. Cette attitude qui nous était propre n’était malheureusement pas généralisable à l’ensemble des services de cancérologie. liés à l’état de maladie. La fin des traitements La fin des traitements marque une autre étape. . cette notion de médecin référent a été reprise et théorisée dans le cadre du Plan cancer. etc.. les kinésithérapeutes. vont avoir un rôle fondamental. les aides-soignantes. puisque le risque de rechute ne peut être écarté pendant plusieurs années. Les infirmières.Cancer du sein 295 médicales qui les encadrent. tout en sachant que la guérison n’est pas assurée. les manipulatrices de radiothérapie. On se trouve donc en face de souffrances. à l’organisation de son existence. n’en mesure pas toujours toutes les implications . pour sa relation de couple. parents –. l’espacement des rendez-vous est insupportable pour certains – « je ne vous intéresse plus » –. lesquelles ne sont pas toujours faciles à comprendre ni à gérer. car la communication est rompue. même si pour d’autres c’est le gage d’une guérison potentielle – « si je reviens moins souvent. L’entourage – maris. elle se trouve face à un avenir incertain et à un entourage désemparé. Il a. Non sans angoisse. et ce d’autant plus qu’il a lui aussi été touché par la maladie et ses conséquences. L’expérience de la maladie. Celle-ci concerne d’abord le conjoint. il a à en assumer les conséquences en tant qu’homme et mari. c’est que je vais mieux ». il existe ainsi un décalage entre ce qu’elle vit et attend de ses proches. Pour d’autres enfin. et ce que ceux-ci sont en mesure de lui apporter. sont ressentis comme une agression. Ce sont des moments éprouvants pour les uns et les autres. subi un choc à l’annonce du cancer de sa femme. enfants. tout en ayant le souci d’épargner l’autre. face aux souvenirs de sa maladie et à ses séquelles. auxquels la femme et son entourage s’étaient accoutumés durant les traitements. La femme se trouve donc seule. d’arrièrepensées et de non-dits. Il s’agit bien de « renouer les fils ». au sens où une cassure plus ou moins profonde a eu lieu entre la femme et ses proches. disparaissent. destinés à mettre en évidence les signes cliniques et biologiques de la présence ou de l’absence de la maladie.296 Regards sur quelques pathologies En effet. Elle aura eu le temps de réfléchir à ses choix de vie. Chacun a souffert de son côté. lui aussi. Il va falloir « renouer les fils » pour que s’instaurent à nouveau échanges et confiance. . Le retour à la vie normale ne s’effectue pas aisément. Les patients se sentent souvent alors abandonnés . L’environnement est ressenti alors comme étant défaillant. les traitements font que la femme « se sent différente d’avant ». parce qu’ils renvoient au cancer. ces contrôles biannuels ou annuels. même s’il est conscient de ces transformations. les repères spatiotemporels. La prise en charge médicale ne peut donc plus remplir son rôle d’étayage et de contenant pour les angoisses. Pour la femme qui tente de reprendre une vie normale. De plus. etc. Il constitue une tentative pour intégrer l’expérience de la maladie. Ces tourments s’expriment parfois de façon indirecte par des troubles du comportement. les souvenirs du passé reviennent. selon le contexte. ou une distance. Pour ce qui est des enfants. Un nécessaire travail d’élaboration Ainsi que nous l’avons vu. ils savent fort bien qu’elle est gravement malade. Le traumatisme induit une confusion entre le passé et le présent. comme il peut s’arrêter à la rumination morose. en lui dissimulant le plus possible leur détresse. Mais le retour sur soi est à double tranchant. Une telle épreuve peut. Certains demandent de l’aide pour être en mesure d’en parler avec leurs enfants. quel que soit leur âge. À un moment ou à un autre. Parfois. les souffrances psychiques antérieures. et les empêche de parler de leurs propres tourments. renforcer ou distendre les liens existants. l’expérience vécue dans la maladie évoque . le cancer réveille. Dans le retour sur soi. la mutilation. les femmes restent centrées sur la maladie. Dans ce cas. Il lui faut enfin trouver la juste position entre une présence. Il est effectivement essentiel que le dialogue parents-enfants soit maintenu ou. et aussi surprenant que cela puisse paraître. du fait des épreuves traversées. au moins en partie. Alertés par ces troubles. Telle est la raison du retour sur soi. L’angoisse de leurs parents les incite au silence. interprétée comme une absence. souvent ressentie comme pesante. Ce temps peut être nécessaire à la femme et à son conjoint pour leur permettre de réaliser et d’assimiler ce qui leur est arrivé. les échecs des traitements. et le couple se sépare. Ils tentent de la préserver. Il a à s’adapter aux différentes transformations survenues chez sa compagne. la fracture est telle qu’elle est irréversible. voire un abandon. C’est en cela que la maladie constitue un traumatisme. qu’ils aient ou non été informés de la maladie de leur mère. Il y a comme un effet de résonance. si nécessaire rétabli. les parents cherchent à en comprendre le sens et font euxmêmes le lien avec la maladie. transformations souvent énigmatiques et désarçonnantes. Il peut initier une réflexion et des remaniements.Cancer du sein 297 et pour les enfants. Il arrive que le couple s’en trouve plus soudé. Le regard porté sur le monde se modifie tout comme les systèmes de valeur. Cette remise en ordre permet à la patiente d’intégrer l’expérience de la maladie comme un événement de son histoire. Une nouvelle vie peut alors parfois commencer. Ainsi. le présent dans le présent. le passé dans le passé. C’est précisément la découverte de ces points de conjonction qui permet de remettre les choses en place. Ces remaniements se traduisent par une évolution de la façon d’assumer la maladie et la précarité de la vie. familiale et sociale. . Le travail d’élaboration conduit à des remaniements dans la vie personnelle.298 Regards sur quelques pathologies des expériences pénibles antérieures. le travail d’élaboration ouvre de nouvelles perspectives qui permettent à la femme de passer d’un état de stagnation régressive à une étape de maturation et de changement. à l’heure où l’Evidence Based Médecine ne cesse de gagner du terrain. . Rien ne les distingue. CHU Bichat. Il n’est pas question de revenir sur une démarche intellectuelle que les dernières années ont conforté et le problème n’est certainement pas de contester une évolution qui impose désormais à la pratique médicale une évaluation rigoureuse et scientifique dont elle a été malheureusement trop longtemps éloignée. le sommaire de cet ouvrage ressemble à s’y méprendre à celui d’un traité de gynécologie classique. à quelques détails près. 1. Faudrait-il pour autant penser que la vérité de la pratique médicale quotidienne se résume à cette réflexion purement scientifique dont le risque inhérent serait la froideur calculatrice susceptible de conduire jusqu’à une certaine déshumanisation comportementale.Post-face PR PATRICK MADELENAT1 Dans le gouvernement comme dans le corps humain. Pline le jeune Au terme de la lecture de cet ouvrage une question peut-être raisonnablement posée : y-a-t-il une logique. à persévérer dans la valorisation de la médecine psychosomatique ? En première analyse. Paris. et pourtant chapitre après chapitre la différence apparaît clairement tant les auteurs ont le souci d’échapper au descriptif sémiologique conventionnel pour atteindre une dimension plus enrichissante tenant à la globalité de la personne. l’analyse méthodique des situations cliniques et la tendance à l’universalisation des pratiques en sont le fondement logique et souhaitable. les maladies les plus graves viennent de la tête. maternité Aline de Crépy. Ainsi donc. Chef de service. je ne ferais pas de la surveillance clinique de la grossesse et de l’accouchement le seul objet de mon attention. Je profiterais de cet espace de temps . Cette démarche est pourtant moins naturelle que l’on pourrait initialement le penser. pourrait-on se prendre à jouer au jeu bien connu du « Si j’étais » et imaginer ce que pourrait apporter la dimension psychosomaticienne dans les multiples facettes de la pratique gynéco-obstétricale. la gynécologie et l’obstétrique sont deux espaces où la médecine psychosomatique peut trouver un terrain d’expression privilégié. De plus. Si j’étais orthogéniste et psychosomaticien. la médecine psychosomatique nous rappelle combien l’approche symptomatique de la personne malade est une alternative intéressante et enrichissante. Ainsi. évidemment essentielle. je ne considérerais pas que je remplis ma mission en distribuant largement les contraceptions de toutes natures et en ouvrant sans réserve l’accès à l’IVG aux toujours aussi nombreuses demandeuses. Si j’étais gynéco-oncologue et psychosomaticien. Elle repose à ce jour sur l’exemple de certains initiateurs qui ne doivent pas mésestimer le rôle de modèle qui fut et reste le leur. voire dans certains cas leur fertilité dont on fait malheureusement encore trop peu cas dans ce contexte.300 Post-face À ce stade de la réflexion. J’y ajouterais le souci de préserver les fonctionnalités de mes patientes. Mais cette particularité identifie ainsi un facteur limitant certains à la diffusion de la médecine psychosomaticienne car le prosélytisme n’est certainement pas son point le plus fort. Si j’étais obstétricien et psychosomaticien. On sait la variété et la complexité des situations que le clinicien classique est amené à gérer dans cette vaste spécialité. le jour n’est hélas pas encore venu où l’officialisation de son enseignement en favorisera la vulgarisation. J’élargirais ma fonction au rôle éducationnel et relationnel que permet ce type de consultation où la rencontre avec l’adolescence est quotidienne. À l’évidence. Si j’étais chirurgien gynécologue et psychosomaticien. je ne ferais pas de l’hystérectomie la réponse monomaniaque et répétitive aux troubles du cycle de toutes natures et ne considérerais pas que le problème de la conservation utérine n’a plus à se poser dès lors que le désir de grossesse n’existe plus. tant pour la patiente que pour le praticien. je ne ferais pas de la guérison du cancer. le seul objectif de mes décisions. Si j’étais spécialiste de l’infertilité et psychomaticien. J’accompagnerais les femmes dans ces situations de gestion particulièrement complexes que représentent le refus de prise en charge et les échecs répétitifs. ici plus qu’ailleurs. J’ai pu juger par la qualité de son intégration à l’équipe soignante combien son rôle était essentiel à la démarche diagnostique et thérapeutique de l’ensemble du personnel médical et infirmier. Et pourtant j’ai eu la chance de compter parmi mes collaborateurs une psychosomaticienne de grand talent. je ne ferais pas du diagnostic étiologique des pelvialgies. voire pour aider à la résolution de certains conflits intra-familiaux qu’un interrogatoire attentif et personnalisé m’aurait laissé percevoir. car on sait la potentialité destructrice de certaines phrases prononcées. sans le discernement et la nuance nécessaires. sans les abandonner comme c’est trop souvent le cas. Si j’étais spécialiste du diagnostic anténatal et psychosomaticien. Si j’étais…. Il est permis de dire combien l’hôpital universitaire n’est pas a priori l’espace privilégié où l’idée psychosomatique trouve son meilleur terrain d’expression. au milieu du gué. Sa participation aux réunions de service qui initialement avait pu paraître à certains anecdotique. J’essaierais d’être à l’écoute de la patiente. la seule raison de ma démarche. l’idée générale resterait la même. je serais particulièrement attentif à l’échange verbal avec le couple demandeur. par ailleurs co-signataire de cet ouvrage. s’est vite révélée essentielle et même indispensable. J’essaierais de mieux percevoir l’ambivalence de certaines demandes. J’ai pu constater à titre personnel combien elle a influé ma pratique et mon approche dans des situations parfois fort complexes où j’étais inconsciemment peu satisfait de la prise en charge que je proposais aux patientes qui me faisaient confiance.Post-face 301 prolongé que constitue l’évolution d’une grossesse pour ébaucher les prémices d’une relation mère-enfant épanouie. on pourrait multiplier les exemples. voire superflue. de mieux comprendre les raisons parfois secrètes. Si j’étais spécialiste de la douleur et psychosomaticien. je ne considérerais pas que le seul but à atteindre est la grossesse débutante. . voire inavouées de situations qui peuvent retentir dramatiquement au quotidien sur la vie des femmes. sans en faire état.302 Post-face Tout au long de mon cursus. mais je tiens à garantir publiquement sa totale sincérité. C’est ma modeste contribution à la médecine psychosomatique. j’ai eu la chance de côtoyer certains collègues qui avaient une véritable approche psychosomaticienne au quotidien de leur pratique. M’étant imprégné de cet état d’esprit. ce qui d’ailleurs ne m’est apparu parfois qu’a posteriori. je me suis toujours efforcé de le faire partager aux plus jeunes dans le service hospitalo-universitaire que j’ai dirigé 30 ans durant. Je reconnais chez tous ceux-la une qualité à mon sens indispensable à la bonne pratique médicale : l’ouverture aux autres sensibilités et l’accueil toujours favorable des idées d’autrui. . 11 Anorgasmie. 126 Dyspareunies. 137. 197. 8. 119 – périodique. 21 CRF-ACTH. 84 Dysménorrhée. 167 Bien-être. 70 Chimiothérapie. 167. 79 – postpartum. 193 – orificielles. 280 CMV. 79 ASC-US. 30 Boulimie. 70. 199 – chroniques. 278 – du col. 157 Douleur. 6 AMP. 261 Colposcopie. 141 Deuil. 157 Accompagnement. 28 Allaitement. 201 Col. 15 Dépression. 248 Consentements. 8. 197 Anxiété. 9 Condylomatose. 277 Diaphragme. 46 Anorexie. 157 Annonce. 141 Anomalies génétiques. 78 Baisse de désir. 180 Dépistage. 7 Cœlioscopie.Index A Abstinence. 35 Coït. 133 Couple. 119 Déni de grossesse. 84 – psychique. 12 C Cancer(s). 75 Ambivalence. 86 . 178 Aménorrhées. 34. 291 D Défloration. 25 Consultation – à l’adolescence. 243 B Baby blues. 285 Candidose. 127 Amniocentèse. 21 – pelvienne chronique. 185 – physique. 285 – de l’ovaire. 212 Célibataire. 244 Comportement alimentaire. 63 Dialogue. 148 Curiethérapie. 25 Amour. 29 Désir. 146 Anneau vaginal. 3 – d’urgence. 165 Contraception orale. 16 – d’enfant. 6 – du sein. 37 Alcool. 17 J Jouissance. 142 Enfant. 4 Examen gynécologique. 16 H Handicap. 15. 34 Fausse couche. 5. 5 Exhibitionnisme. 126. 149 Féminité. 256. 207 Hystérectomie. 211 – sexuellement transmissibles (IST). 8 – gynécologique. 9 Hémorragies. 242 Grille normative biométrique. 265 Hormonothérapie. 126.304 Aspects psychosomatiques de la consultation en gynécologie E Échographie. 256 Ménopause. 42 Interrogatoire. 10 Infection(s). 141 Insomnie. 6. 256 Mots. 157 Inceste. 24 – pelvienne. 89. 157 Métrorragies. 70 M Malformation. 20 Fausses couches spontanées (FCS). 255 FIV. 3 Femme enceinte. 148 Frottis cervicaux. 71 Estrogènes. 8 Fibromes utérins. 80 Internet. 256 Menstruations. 243 Hypnose éricksonnienne. 149 Glaire cervicale. 41 IRM. 164 Infertilité. 115 Méthode – psychodynamique. 221 L LH-RH. 24 Menace d’accouchement. 32 Émotions. 241 G Geste. 34 Empathie. 21 Fertilité. 58 Grossesse. 131 Ménorragies. 16. 8 HSIL. 202 Érotique (fonction). 65 Grossesse extra-utérine. 126. 211 – à Chlamydia. 258 Libido. 212 Homosexualité. 275 IVG. 38 Mycose. 69 Ménométrorragies. 275 I Implant. 8. 5 Interruption médicale de grossesse. 256 Herpès génital. 204 Inconscient. 19 Érection. 292 HPV. 260 Hystéroscopie diagnostique. 204 F Fantasmes. 257 Écoute. 205 – Billing. 212 . 29 Narcissisme. 14 Rapports forcés. 7 . 5. 86 VIH – (test). 157 S Sang. 5 Préservatif. 211 Parentalité. 225 Neutralité bienveillante. 71 Psychogène. 3 Sentiment de culpabilité. 15 Prise en charge. 150 Seins. 8 Vagin. 157 Stérilet. 23 Prolactine. 194 Puberté. 83 Prématurité. 164 Spermicides. 290 Rapport sexuel. 28 Tendance paranoïaque. 3. 34 Nerf pudendal. 228 Trouble(s) – sexuel. 5. 197.Index 305 N Naissance. 156 Névralgie du canal d’Alcock. 133. 164 Viol. 71. 156 Postpartum. 6. 10 T Tabac. 7 Vaginisme. 43 Sexualité. 186 Personnalités hystériques. 208 – des règles. 207 Règles. 7. 199 – de l’érection. 157 Stérilisation. 157 Pathologies. 16. 157 Prévention. 193 Sécrétion de b-endorphines. 3. 8 R Radiothérapie. 70 Premières règles. 13 Sida. 180 Rééducation périnéale. 9. 228 Peur. 225 O Obésité. 157 Stérilités. 120. 6 Stress. 130. 12 – du désir. 204 Vulve. 252 Vaccination prophylactique. 185 Psychose. 274 Orgasme (L’). 158 Vestibulaire. 200 Vaginose bactérienne. 15 Pilule. 11 Retrait. 115 Relation au père. 197 V Vaccin. 212 Vasectomie. 7 Pelvialgie. 82 Psychothérapie. 6. 6 Vaccin anti-HPV. 262 P Papillomavirus (HPV). 69 Ovaires. 22 Patch. 130 Sécheresse vaginale persistante.
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