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March 24, 2018 | Author: Oicirtap Arbal Zepol | Category: Jacques Lacan, Unconscious Mind, René Descartes, Truth, Psychoanalysis


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Accueil Cliquer Sur les Autres écrits de Jacques Lacan Editorial .................................................................................................................................................................. 3 A bon entendeur ..................................................................................................................................................... 4 Une leçon de publication Éric Laurent............................................................................................................. 4 Préface… présage Christiane Alberti............................................................................................................... 7 L’art de la réponse dans les Autres écrits Yves Depelsenaire......................................................................... 13 Lire ou ne pas lire Nathalie Georges-Lambrichs........................................................................................... 16 L’élan calculé ....................................................................................................................................................... 18 Un rapport véridique au réel François Leguil ................................................................................................. 18 Les Complexes familiaux : l’élan de Lacan Dominique Holvoet ................................................................... 21 Logique de la suspicion Alexandre Stevens ................................................................................................... 26 L’esprit lacanien ................................................................................................................................................... 30 Introduction à la lecture du « Discours de Rome » Serge Cottet .................................................................... 30 Les psychanalystes ont rarement su se servir d’une clé Bernard Lecœur...................................................... 33 « L’esprit de Freud » Guy Briole..................................................................................................................... 36 Comment demeurer séparés ? Jacques Borie.................................................................................................. 40 Jacques Lacan et la criminologie en 1950 François Sauvagnat ..................................................................... 42 L’objet et ses vêtures ............................................................................................................................................ 50 L’objet regard au cœur des Autres écrits Alfredo Zénoni............................................................................... 50 LOM, LOM de base, LOM cahun corps Yasmine Grasser............................................................................ 53 Clinique de l’intrusion Philippe Lacadée ....................................................................................................... 57 La rencontre de Monsieur Andesmas Monique Amirault.............................................................................. 61 Le psychanalyste et l’intraduit.............................................................................................................................. 67 Une supposition de savoir Joseph Attié .......................................................................................................... 67 Un sujet supposé au chiffrage Pierre Malengreau ......................................................................................... 72 Qu’est-ce qu’un psychanalyste ? Pierre Naveau ............................................................................................ 76 Satisfaction de la fin Philippe La Sagna......................................................................................................... 78 2 Accueil Cliquer Editorial Rien n’est plus rassurant que de rendre une chose classique, c’est-à-dire – comme l’écrit Jacques-Alain Miller dans son Prologue aux Autre écrits – de la classer. A cet égard, la résistance des textes de Lacan à se ranger parmi les savoirs constitués impressionne. L’enseignement de Lacan est de structure Autre à lui-même, et donc inclassable. En ce sens les Écrits ont été déjà Autres. Le danger de l’effacement de l’énonciation est un enjeu pour l’avenir de la psychanalyse même. « Sachez-le ! » disait Lacan dans une des ses « Réponses à des étudiants en philosophie » (car il savait aussi être direct Si les Écrits s’opposaient déjà à la dilution de l’esprit freudien qui donne à l’inconscient un « droit à la parole » (cf. le texte de B. Lecoeur dans ce numéro), les textes des Autres écrits et le fait même de leur publication dans un même ouvrage s’opposent à une dilution des effets des Écrits, en donnant une place d’honneur à un « réel qui parle » à l’encontre du réel mutique que la science tente de capter par ses formules (cf. le texte de S. Cottet). C’est un mouvement qui est à l’opposé de la « censure par la poubellication » selon l’expression d’Eric Laurent dans l’article qui ouvre ce numéro de Quarto. Les Écrits comme les Autres – pas-à-lire selon Lacan – ne demandent pas à être compris. Mieux, ils demandent à être expliqués (cf. la « Postface au Séminaire XI »). Le pas-à-lire n’est donc pas une invitation à laisser les ouvrages de Lacan sur l’étagère parmi ceux qui nous sont tombés des mains, mais plutôt de mettre de côté une tendance quasi automatique de faire de la lecture le moyen de ne pas entendre ce qui est écrit. Vingt membres de l’École de la Cause Freudienne ont bien voulu répondre à l’appel de Quarto d’écrire un texte à partir de leur lecture dans les Autres écrits. Ces textes sont à lire non pas comme des essais herméneutiques, niais comme des tentatives de « s’en faire le destinataire », toujours selon une formule d’Eric Laurent. Faisons le pas. Quarto 3 Accueil Cliquer A bon entendeur Une leçon de publication Éric Laurent L’adresse et la poubellication Je tiens les Autres écrits pour une leçon dans l’art de la publication, où l’éditeur relève la gageure de l’auteur.* Pour introduire les Écrits parus en septembre 1966, dans son « Petit discours à l’ORTF » diffusé en décembre de cette même année et que nous avons réécouté en avril 2001, Lacan indiquait qu’il ne tenait pas la publication pour un acte anodin ou obligé. « Ces propos [les Écrits] indiquent seulement une direction de travail : qui ne concerne que ceux-là qui peuvent y fonctionner. C’est bien pourquoi nous n’avons pas cru devoir rassembler nos Écrits pour un plus vaste public que celui auquel ils s’adressaient : à savoir les psychanalystes – jusqu’à maintenant ». 1 Le champ de la parole suppose l’interlocution. Le champ de l’écrit s’en sépare et domine en lui la place de la lettre comme objet. En soulignant la dimension du rebut dans la lettre, Lacan la désidéalise, il se refuse à être « homme de lettres ». Pourtant il ne perd jamais de vue ce qui relaie l’interlocution dans l’écrit, les voies de sa diffusion, de sa transmission. Le geste même de publier relève d’une politique. Peut-on adresser l’écrit, contrôler son adresse ? « Je n’aurais pas encore publié ce recueil de mes Écrits, si ce qui s’y émet (…) n’avait fini par courir tout seul hors du champ où on peut le contrôler ». 2 La publication, pour Lacan, doit être justifiée. Elle ne l’est que parce que déjà quelque chose a fui et court tout seul. C’est alors une sorte de course pour rattraper ce qui court tout seul. Jusque 1966, Lacan gardait un contrôle par l’adresse spécifique de son enseignement à des publics limités, à ceux qui fonctionnent dans le discours. Comment donc, après la publication des Écrits, Lacan a-t-il pris en compte l’opposition entre l’adresse et la fuite ? C’est la question qui se pose à voir rassemblés les textes plus ou moins longs ou courts qui marquent la période d’après les Écrits 1966-1980. On y découvre une sorte de course poursuite où Lacan renforce d’autant plus l’adresse que son enseignement peut « courir tout seul ». Ce « courir tout seul », cette propagation dans le public, il l’a qualifiée de poubellication. L’affirmation de l’adresse dans chacun des intitulés de ces écrits est d’autant plus stricte à l’époque de la poubellication. Elle peut aller jusqu’à se limiter à une personne, comme dans la « Note sur l’enfant ». Il a donc fallu à l’éditeur d’abord opérer un travail de rassemblement dont Ornicar ? d’une certaine période fut d’abord le lieu, avant d’opérer le regroupement final La fausse adresse et la vraie Le découpage opéré par J.-A. Miller des différentes parties de l’ouvrage conserve et rend lisible la précision de l’adresse des textes de Lacan par leur mise en série. Prenons par exemple la cinquième partie, la partie institutionnelle. Elle va de l’« Acte de fondation » (1964) jusqu’à la « Lettre de dissolution » (1980) et chacun des textes qui la composent est adressé à certains, qui fonctionnent dans le texte : « Proposition du 9 octobre 1967 », « Discours à l’École freudienne de Paris », « Introduction de Scilicet au titre de revue de l’EFP », « Adresse à l’École », « Allocution sur l’enseignement », « Note italienne », « Peut-être à Vincennes », « Lettre de dissolution ». Chacun de ces textes s’adresse très spécifiquement à une communauté. Ce n’est pas toujours la même, mais elle est chaque fois définie. Ils répondent de plus à des interrogations précises. Mais à les mettre en série, par cette publication, on voit comment ils sont toujours « réponse à côté ». Ils visent au-delà. Dans leur apparente diversité, chacun de ces textes fait un pas de plus dans un programme très précis : assurer le « passage dans le réel » de la passe. 1 2 LACAN J., « Petit discours à l’ORTF », Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p. 224. Ibid., p. 226. 4 . si ce doit être plus que le pouvoir de tourner les obstacles de la censure sociale ? ». Là où jusque-là on ne s’y retrouvait qu’en opposant la période de la lettre (a) et la période des nœuds . Ce texte ne peut être lu que si le lecteur sait y trouver la place qu’il occupe. se révèle pour chacune des autres. Ce serait quelque chose comme une adaptation à notre temps des techniques antiques dont Léo Strauss avait fait grand cas dans la façon dont il lisait les textes fondateurs de la politique grecque. Comme l’a montré J. Pour mettre à sa place dans le recueil cette Préface. du Séminaire XI. […] Les trois dernières parties font retour à la chronologie ». ce que J. Léo Strauss est cité dans « L’instance de la lettre » dans un contexte où Lacan évoque la fonction de la métonymie : « (…) que trouve l’homme dans la métonymie. mais la question se pose pour chacun.-A. Miller. p. Bien sûr. il peut être lu par tous ceux qui l’avaient déjà lu. font série. l’ensemble apparaît receler une étrange technique de publication.-A. L’assignation de chaque texte à sa place fonctionne comme le cadre caché qui fait que les textes se répondent. troisième et quatrième parties du volume. 2001. Paris. Flot de merde plutôt que trous manquant à leurs places dans un texte plein de sens. Comme Stendhal.-A. 3 LACAN J. la période de la logique et celle de la topologie. un lecteur à venir.-A. Écrits. Sinon. 3 La « censure sociale » des écrits modernes n’est pas la censure du maître antique. supposé nouveau. La cinquième regroupe les textes consacrés à l’École. Seuil. il faut y être impliqué à partir d’une pratique des textes de Lacan et de la pratique de la psychanalyse dans l’orientation lacanienne. moi le tout premier et n’y voir que du feu. distingué par sa mise en place. Nous trouvons dans ces Autres écrits une généralisation du système que Lacan avait résumé d’un exergue : « Pour quelques-uns uns… et "à d’autres" ». A voir se développer la cohérence interne de chaque partie du recueil. Pour trouver la place de chacun. 1966. Lacan s’adresse au-delà. 5 . « L’instance de la lettre dans l’inconscient ». l’entrée est refusée aux tricheurs. Tout est dans les trois phrases qui suivent l’exposé des motifs de l’inclusion des « Antécédents » dans la deuxième partie : « Cet ensemble est distribué dans les seconde. A partir de ce texte. dont il a dégagé le montage complexe. il a fallu que J. Eux qui ont l’air d’être un tout seul. la « méthode Lacan » de publication est mise au jour. 4 II faut savourer l’ironie de cet 4 MILLER J. Miller a dénommé les « moyens techniques ».Accueil Cliquer Ce qui apparaît dans cette partie. 508. Le plus sûr est que ce texte ne s’adresse pas au lecteur anglais. Miller puisse s’en faire le destinataire et nous désigne le joyau qu’il contenait. Le cadre de la lecture et le pouvoir d’illecture C’est pourquoi la publication des Autres écrits est aussi importante. s’en faire le destinataire. Paris. se parlent.. s’assemblent. Le destinataire de la « Préface à l’édition anglaise du Séminaire XI ». 9. Ce bilan de la passe n’apparaît ainsi que si l’on est déjà sur la pente de chercher quelque chose en l’ayant déjà trouvé. Seuil. A voir ainsi distribués les textes. Les index sociaux de l’adresse sont bouleversés. est. il n’est pas pour tous les textes. Prologue des Autres écrits. Dans la technique de publication qui apparaît. C’est tout le volume qui s’éclaire. Il s’adresse à ceux qui sauront fonctionner dans la logique du texte. pour en dégager les grandes lignes d’efficace et les ramener à l’expérience de la psychanalyse en acte. la profonde cohérence thématique du développement de l’enseignement de Lacan apparaît dans toute sa force. Il ne s’adresse pour autant pas à la postérité ou aux happy few. au-delà du lecteur anglais de 1976. Elle est remplacée par la poubellication de la société permissive. comme un poisson d’une pomme. Jusqu’à la publication. nous pouvons enfin suivre la relecture par Lacan des points-clés de son œuvre à partir de son enseignement sur la jouissance. aussi difficile de s’en faire le destinataire. C’est une censure par accumulation et non par caviardage. Loin d’être une exception. Il est bilan de l’expérience de la passe à l’ECF. on s’aperçoit que chaque texte en est marqué. les textes de Lacan étaient tellement protégés par leur « pouvoir d’illecture » que chacun en était embarrassé. comme « La lettre volée » du conte d’Edgar Poe. Miller qui présente son travail avec une discrétion admirable. L’acte de l’édition comme ponctuation éclaire spécialement les textes courts. le malentendu de l’adresse est à son comble dans le dernier texte du recueil. p. mais les textes longs s’en trouvent tout autant éclairés. la « Préface à l’édition anglaise du Séminaire XI ». la dialectique entre la précision des index sociaux de l’adresse et la réponse à côté produit des « effets d’illecture » qui donnent le vertige. Le cadre se retrouve effacé par la volonté de J.-A. y compris du "sens-joui' : Cette thèse discutée dans son dernier enseignement oral n’a été reprise par Lacan dans aucun de ses écrits . 6 Le choix de l’emplacement provoque ainsi des « résons » nouvelles. op. Lacan. stoïque d’avance à l’endroit de ce qui pourra s’en redire ». c’est un point de fuite. que l’enseignement sur la jouissance reste. les accents retentissent du combat à mener pour révéler « la raison par quoi le signifiant s’avère premier en toute constitution d’un sujet ». elle donne à ce recueil sa ligne de fuite ». il nous faut mesurer notre embarras devant les conséquences à tirer dans la pratique elle-même de ce qui nous est. LACAN J. Le style vient alors occuper la même place que le ´point de capiton » cité dans la « Préface… ». Mettre en œuvre le transfert avec cet enseignement. Pour nous. se trouve encadrée par la ´Préface à l’édition des Écrits en livre de poche ». son lecton se déplace. Cela retient.. p. 175. p. son grand effacement est le fait que le livre soit organisé par un au-delà. est du même coup celui qui fixe le sens. C’est la définition du « dernier enseignement de Lacan » par J. le « retour à la chronologie ». je retiendrai l’effet produit par la mise en série des comptes rendus d’enseignement. organise la jouissance du corps. par quoi λεκτον se trouve traduit à mon gré. et l’« Avis au lecteur japonais » à la fin.. Je proposerais aussi volontiers un travail : comparer les réponses données aux « étudiants en philosophie » avec les réponses de « Radiophonie ». 211. 499. auditeurs réguliers du cours de J. cit. On a d’ailleurs le net sentiment que celui qui élabore les questions de radiophonie a lu les Cahiers pour l’Analyse. [qui] s’organisent pour le transformer en instrument d’équivoque et de conformisme et se constituent réellement en une Église ». p. donné à voir... de janvier 1972 est rédigé avant « l’Étourdit ». déjà publiés.. Le point organisateur véritable de la lecture des Autres écrits n’est pas le cadre. (…) or le sujet de l’inconscient est un être parlé ». LACAN J. il suit « l’Étourdit » dans les Autres écrits. Autres écrits. C’est le point qui assure une lecture possible : « Le point de capiton.. Il est notable. l’« Avis… ». Si l’on se base sur les dates de rédaction des textes.Accueil Cliquer usage du terme de retour. On relit chaque texte avec l’autre. Le point d’Archimède qui l’organise est hors du corpus comme le phallus. « Préface à l’édition des Écrits en livre de poche ». op. LACAN J. des « répons » en vagues. L’« Avis… » se termine par ceci : pour tenir la place du psychanalyste il me faut un style. cit. inédit hors notre mouvance. 6 .-A. 7 5 6 7 Transfert et contre-transfert Il reste maintenant à renforcer l’incidence du transfert à cet « Autre Lacan ». et non leur date de publication. qui va du compte rendu d’enseignement des « Quatre concepts fondamentaux ». p. Prologue des Autres écrits. 9 Dans la partie IV. pour l’essentiel. dans ce qui s’est publié à l’occasion du centenaire de la naissance. sur l’unité des sciences humaines. 390. 5 Le point qui se refuse à la traduction. coupure théorique et institutionnelle jusqu’au « Petit discours… » d’après la publication des Écrits. 10 En 1969. Pourtant. op.-A. étant plutôt que stoïcologue. C’est un retour qui produit des effets de surprise. p. Miller qui organise le texte. sans que je m’en targue. sur l’unité d’une anthropologie répond : « L’anthropologie la meilleure ne peut aller plus loin que de faire de l’homme l’être parlant. son point de capiton. La « Préface… » résonne avec l’« Avis au lecteur japonais » à travers « l’Étourdit ». daté de juillet. op. 8 L’expérience « privée » de la cure.. La partie VII par exemple. Seuil. au même moment où Lacan fait fond sur la psychanalyse comme expérience de vérité. « Réponses à des étudiants en philosophie ». Autres écrits. mène à la prise de position contre ceux-là mêmes dont le réinventeur de cette question [Freud] a voulu faire les gardiens de son legs.. Mais dans cette mesure même. On s’aperçoit que la réflexion de Lacan sur la traduction infinie du signifiant par un autre et son point d’arrêt se poursuit dans les trois textes. En 1966. MILLER J. « Avis au lecteur japonais ». cit. op. au début. 2001.-A. cit. La dernière spécialement. c’est s’assurer de l’effet 8 9 10 LACAN J. et qu’il qualifie ainsi : « la thèse radicale selon laquelle le réel est l’exclu du sens. Autres écrits. hors l’histoire d’où je parle ». hors corps. Autres écrits. le style « qui ne se traduit pas. Le tour de force du livre. Paris.. Toujours l’enseignement de Lacan a visé au « passage dans le réel ».. cit. « La psychanalyse la vraie et la fausse ». le texte se traduit lui-même autrement. Lacan répond « suivre la structure. LACAN J. par ce travail. p. c’est lire ces Autres écrits et se laisser enseigner par eux dans la perspective du point de fuite. qui est très proche de la question II de Radiophonie.. 8. Miller. 173. Dans la troisième partie. avec les autres textes de la période. « Maurice Merleau-Ponty ». Autres écrits. Le silence des Béatitudes est tout autre chose que le silence qui doit accompagner toute interprétation qui soit analytique. Miller a pu intituler ainsi de « Silet » un de ses Cours. « Préface à l’édition anglaise du Séminaire XI ». a-t-il résolu le problème ? Pouvons nous y trouver une indication ? Comme en de nombreux endroits du Séminaire. laps qui. 14 Mais cht est surtout à la place de chiant. c’est que je l’étais. a disparu. cit. p. sonne avec ace. A celui qui s’identifie au cht. lui en donner le tampon ? Ce qu’un cht me disait. 7 . Sur ce modèle d’évanouissement des voyelles. s’oppose l’usage du « Silet ». le montage esp/laps laisse le sentiment d’un démontage-remontage de l’espace autour de « esp d’un laps »... « Situation de la psychanalyse en 1956 ». Ça ne se peut qu’à écarter la pétition de principe qu’il la reproduise de relations prises au réel ». 2001 p. clairière dans l’Autre.Accueil Cliquer de langage. L’espace se retrouve espace-temps. La parution récente des Autres écrits de Lacan nous donne l’occasion de le redécouvrir. 408. Il dit ´What hierarchy could confirm him as an analyst. 475 LACAN J.. Dans esp. Le cht a rapport avec une hiérarchie analytique qui donne un tampon. Le mot est extrait de la suite du texte et reporté sur le cht. op. ne peut prétendre... A la place de cht. Dans la « Situation… ». Autres écrits. que ce soit une donnée (lui. hors le personnage qui a représenté la médecine française au bureau de l’Internationale Psychanalytique. J. Lacan évoque un personnage du même ordre. cht semble appeler une voyelle. Ce cht est un index. Dans l’étonnante partie VIII. Ces deux textes sont un véritable petit traité. fait apercevoir combien ces textes commencent là où se termine « Les Complexes familiaux » et l’actualisent. Préface… présage Christiane Alberti Sans doute moins fameux que les écrits qui l’entourent. « Mais comment se distribue cette structuration dont personne. seul subsiste le début du mot alors que la suite ace. p. Ne serait-ce pas un membre de cette hiérarchie qui dirait à Lacan qu’il était un analyste-né ? Le cht est à la place de ces Béatitudes des sociétés d’analyse IPA d’autrefois qui se taisaient de structure. que je sache. au chapitre VII 13 14 LACAN J. cit. Nous sommes entre la solution de fortune et le contresens. « Quelle hiérarchie pourrait lui confirmer d’être analyste. ´l’Acte psychanalytique » vient conclure la période inaugurée par « La logique du fantasme » avec une précision déductive qui n’a jamais été aussi claire. 13 Dans le plus récent « Discours à l’EFP ». il l’a résolu à la va-vite. dit que c’est un don !) ». Je répudie ce certificat : je ne suis pas un poète mais un poème ». Autres écrits. Seuil. Écrits. Paris. 572. 11 12 LACAN J. « Radiophonie ». elles laissent aux Biensnécessaires le soin de parler. Le regroupement dans le même volume des Complexes familiaux » avec l’« Allocution sur les psychoses de l’enfant » et la « Note sur l’enfant » publiée ici pour la première fois selon les indications de l’éditeur. né. homophoniquement. Il faut les relire du même trait. par celui qui se voue éthiquement à n’être que poème. à la consonne p près. * Exposé présenté le 20 juin 2001 lors d’une soirée mensuelle de l’ECF à propos des Autres écrits. le malheureux Alan Sheridan. un cht L’objet et le silence ne sont-ils pas deux faces du même. Comment le traducteur. 11 Nous avons parlé de la partie V. Comme esp se termine par ce même son. 12 Qu’est donc que ce cht ? Le mot est construit sur le modèle joycien de « l’esp d’un laps » qui figure au début du texte. parmi les passages à lire. Lequel ? Tournons-nous vers le texte anglais. d’où le hihan a été retranché. give him the rubber-stamp ? A certificate tells me that I was born. « Préface à une thèse » se présente comme un écrit d’une actualité étonnante. but a poem ». Dans cet éclat de lalangue. du moins le silence où recèle la pulsion. C’est un nom propre ravalé au rang de nom commun. Il ne se traduit pas plus qu’un nom propre. I repudiate this certificate : I am not a poet. Dans la partie VI. op.-A. 262. Autres écrits. op.. l’espace bascule du côté du laps. p. cit. On n’en croit pas ses yeux. On retrouve la voyelle a dans le mot qui suit. j’en retiens un qui m’a été posé comme colle par quelqu’un. on retrouve évoquée pour certains la nostalgie de la transmission de la qualification de psychanalyste par la voie du sang. un liant entre ch et t. LACAN J. se trouve certificate. « Discours à l’EFP ». Dans la « Situation de la psychanalyse en 1956 ». Et c’est pourquoi il n’aurait pas fallu le traduire en anglais. 1970 et repris sous le même titre. la première étant référée au travail d’un jeune chercheur américain sur son « Discours de Rome ». et ce bien au-delà du contexte de la thèse d’Anika Rifflet-Lemaire.. elle vise plutôt les caractéristiques essentielles d’un discours dont les effets se prolongent avec une accélération notable ces vingt dernière années. Antithétiques Tout en reconnaissant le parti qu’elle a su tirer des sources universitaires. La systématisation n’est possible qu’au prix de mortifier le savoir qui se dépose de l’expérience. ils témoignent plutôt d’un frayage incessant. J’emprunte ce commentaire de la définition lacanienne de l’écrit à Jacques-Alain Miller. 393-402. à l’occasion de la publication de la thèse d’Anika Rifflet-Lemaire intitulée Jacques Lacan. Animé d’un désir de transmission. Comme en témoigne l’ensemble du chapitre VII dans lequel elle prend place. Pas de savoir sans discours Instruit de la lecture que requiert l’inconscient freudien. à moi seulement : me voici sujet de thèse par mes Écrits ». Aux formulations de ses Écrits. 4 Entre ses énoncés. 393. en 1977. ne sera pas celui du commentaire exhaustif. Lacan accentue ce que l’exercice de la thèse d’Anika Rifflet-Lemaire tend à démontrer : la nature antithétique des Écrits de Lacan. ni exégèse. pp. Ibid. une jeune diplômée de l’Université de Louvain tente de faire thèse de ce volume. L’événement est d’importance : « C’est donc arrivé. Il s’agit de la Préface 1 que Jacques Lacan rédigea à la Noël 1969. Le statut des énoncés de Lacan les rend impropres à la synthèse. notamment au discours du maître qui en est l’envers et au discours universitaire dont la domination s’inscrit bien au-delà des murs de l’Université. 1 rétifs au pouvoir fascinant des signifiants maîtres. A commencer par une interrogation de la notion même de savoir qui la démarque des 3 4 Ibid. chez Pierre Mardaga éditeur. C. le mode de lecture préconisé ici pour ses propres écrits est à référer à la structure du discours analytique qui les conditionne et les contraint. dans un style incisif. p. tant chacun est le mémorial de la conversation continue que Lacan a conduit jusqu’à l’extrême de sa vie. La définition du « défi fait pour tenter le désir » 5 convient ici au plus juste à la méthode de lecture promue par Lacan. Lacan l’éclaire ici de l’existence du discours analytique aux autres discours.Accueil Cliquer de ce volume. d’une élaboration progressive qui se voue à articuler l’essence de l’expérience analytique. Il n’est rien arrivé à eux. pour Lacan. « Préface à une thèse ». 2 LACAN J. Auparavant paru sous le titre « Préface » en tête du livre d’Anika Rifflet-Lemaire. La dimension de l’adresse y est donc essentielle : son énonciation ménage une place à chacun. S’y donne à lire le souci constant de Jacques Lacan que ses écrits soient lus au présent par les générations futures. Seuil. Ni commentaire. Notre propos à cet égard. Cette Préface ravive avec intensité le renouveau que Jacques Lacan a insufflé sur le questionnement relatif au savoir. Dessart. 2 Pour la première fois. Autres écrits. au cubage. Par touches successives. En ce sens. Notre attention s’est portée sur quelques fragments relatifs au poids déterminant du discours universitaire dans notre civilisation. Il en rend compte par une mise en question du savoir aux commandes dans le discours universitaire. Prolégomènes à toute métaphysique future). Jacques Lacan accueille d’emblée cette entreprise comme une deuxième hirondelle susceptible de faire le printemps. Paris. la lecture est clinique : l’éveil ne peut être que singulier. Ressortissant d’un enseignement. court un désir auquel le lecteur peut s’accrocher.. La formulation exacte de Lacan « il n’y a d’éveil que particulier » dans son texte plus tardif (1975) « Peut-être à Vincennes… » n’est pas sans faire écho à la parenté qu’un Kant fait valoir entre sommeil et dogmatisme (cf. 5 8 . la vérité qui le sous-tend et sa visée de production. D’une extrême lucidité. 2001. son premier mouvement est donc de saluer avec générosité le fait que la jeune génération s’empare de ses écrits. Lacan s’est employé à remanier le sens même de la lecture. Jacques Lacan. L’analyse de Lacan ne saurait être attribuée à la seule contingence des circonstances de l’après 1968. Il rappelle à cet égard que ses écrits valent d’être éclairés par leur contexte. compte tenu des emballements de l’époque. à la somme. il interroge la nature d’un tel savoir. avec les psychanalystes de son temps. Bruxelles. 3 Ainsi en appellentils à l’entendement plutôt qu’à la compréhension qui en elle-même n’emporte pas de conséquences subjectives. cette Préface intervient dans un contexte de diffusion croissante de l’enseignement de Lacan et elle lui donne matière à prendre position quant au traitement universitaire de ses écrits. « il n’y a qu’à se prendre ou bien à les laisser ». Il figure dans la prière d’insérer des Autres écrits. A partir de cette condition de possibilité éthique.. Autres écrits. la science galiléo-cartésienne. Paris. Au nom de cette supposition. 11 La vérité en question ne se soutient d’aucune nécessité formelle et au contraire s’approche dans et par l’erreur. en usant d’une technique « qui tient compte de ce que la vérité ne se dit jamais qu’à moitié ». selon les termes de Martin Heidegger. « Préface à une thèse ». centrée sur les « conditions de possibilité du savoir ». L’expérience analytique mobilise un savoir à extraire du signifiant.. il faut en effet attendre la psychanalyse. HEIDEGGER M. dans une relation de raison. Le séminaire. d’où le caractère asymptotique de cet enseignement qui l’éloigne de toute visée didactique. j’ai nommé Descartes. 12 La pente à l’absolutisation de tout savoir trouve ici sa limite dans la dissociation du 9 10 11 12 LACAN J. un savoir qui ne se sait pas lui-même. Lacan en déduit que l’enseignement de la psychanalyse n’est concevable qu’à partir de ce mi-dire. architecture. (…) c’est de ce jour que la science est née ». 32. 9 Il n’y a donc pas de savoir sans la médiation d’une articulation signifiante.. 23. le corps furent autant d’investigations sur la formation du savoir dans nos sociétés modernes. Au temps de cette Préface.Accueil Cliquer présupposés qu’implique toute théorie de la connaissance. Gallimard. du rapport strict de S1 à S2. Il est donc supposé se loger dans l’articulation signifiante et c’est à cette place qu’il doit son efficace dans l’opération analytique. cit„p. en vue d’une législation reposant sur elle-même et pour elle-même ». Le projet d’une archéologie du savoir cher à Michel Foucault 6 visait en ce sens à faire de tout élément de savoir le produit d’une pratique discursive. 9 . d’un mouvement de renonciation à ce savoir. 1991. l’association libre se déploie. Ce que l’on découvre dans l’expérience de la cure est bien de l’ordre du savoir. 139.. 394. ni historique. 6 7 8 FOUCAULT M. selon un procès complexe qu’il condense en ces mots : « ce n’est que du jour où. Seuil. la folie. 8 En élevant l’homme de sa condition de créature à la position de sujet (Subjectum). p. qui se dissocie du sujet de la connaissance à travers l’épreuve du doute. C’est donc dans ce mouvement de dissociation et grâce à lui que la question même du savoir commence à se poser. p. d’une organisation en réseau. 7 L’accent porte ici sur le moment historiquement daté du cogito cartésien. Son entreprise. a extrait pour la première fois comme telle la fonction du sujet.. Ibid. quelqu’un. la bévue. Il se distingue moins à ses contenus qu’à sa position : il se supporte du signifiant comme tel. LACAN J. L’exigence cartésienne d’un fondement reposant en soi de la vérité procède en effet. en tant que savoir supposé. Seuil. L’inconscient est de nature à le démontrer : « il n’est pas de savoir sans discours. Lacan souligne l’accent qu’il convient de porter au terme de savoir dans la psychanalyse. op. qui subvertit toute idée de connaissance. Gallimard. Il s’agit donc d’un discours par essence antinomique à toute clôture. Ainsi. Lacan en propose une définition à la fois élégante et minimaliste : « quelque chose qui lie. LACAN J. Le savoir n’y est pas stockage de connaissances dans la mesure où il n’est jamais donné dans l’immédiateté de la connaissance mais suppose le déploiement d’un discours. 2001. livre XVII. Une vérité qui boîte Si la question du savoir ne se pose que depuis Descartes. Paris. si je puis dire. un signifiant Si à un autre signifiant S2 ». ni proprement philosophique. 10 C’est bien au cœur de la division structurale du savoir et de la vérité que Lacan situe la subversion introduite par le discours analytique dans le champ du savoir. L’envers de la psychanalyse. Dieu n’y figure plus comme cause mais exclusivement comme témoin de la vérité. le ratage. mal acquis. Lacan propose de référer la question même du savoir. ses recherches sur la prison. Paris. l’ont conduit à envisager le savoir comme construction.. de « l’émancipation par laquelle l’homme se libère de l’obligation normative de la vérité chrétienne révélée et du dogme de l’Église. est réfuté de l’inconscient tel qu’il est : un savoir mis en position de vérité ». p. L’ordre du discours. 1962. Paris. champ d’historicité caractérisé par sa formation et ses transformations discursives. C’est pourquoi l’inconscient. à l’élan issu de la science moderne. pour en renouveler l’abord. 1971. Chemins qui ne mènent nulle part. issu de l’expérience ellemême. dans une articulation éminemment nouvelle des rapports entre savoir et vérité. « L’époque des conceptions du monde ». sa recherche constante sur la « discontinuité anonyme du savoir ». impossibilité qui fait « le fondement de son réel ». Car ce qu’il serait ce savoir : soit l’inconscient qu’on imagine. distincte de toute théorie de la connaissance. Ibid. « savoir mis en position de vérité » ne « se conçoit que d’une structure de discours ». l’opération cartésienne marque un redépart du procès du savoir. Qu’il le sache ou pas. Ce faisant il préserve la continuité du Je. le chercheur a délaissé la charge de la vérité. un sujet divisé de la jouissance. Le discours de la science évacue la question de la vérité en la réduisant à un jeu de valeurs purement formelles. Lacan l’illustre d’abord de sa critique de Politzer.Accueil Cliquer « lien de raison » Si-S2 que le discours analytique vise en définitive à produire.. conformément à l’énoncé de Lacan.. La force de la critique que Lacan adresse à Politzer est de n’être pas fondée sur un « recours à l’auteur dont procèderait le discours universitaire ». il ne sort pas du discours universitaire. cit. 396. 18 POLITZER G. mais à aucun moment une activité en première personne. Le signifiant peut y être manipulé. 14 Pour Politzer. du sujet de l’énonciation. LACAN J. insiste Lacan. autrement dit. Critique des fondements de la psychologie.. le sujet reçoit son message de l’autre sous une forme inversée. n’est pas raison suffisante. Raison d’un échec Que la science soit dans son déploiement une « idéologie de la suppression du sujet ». ainsi que Lacan le mentionne. La science dans sa nouveauté postcartésienne joue sa partie dans la forme actuelle du discours universitaire. 17 Pour qu’un tel énoncé soit tenable. sans souci de la signification. S’il a bien perçu. qui se caractérise par son caractère instrumental. il reproche à Freud d’avoir échoué dans sa tentative de rattacher les désirs inconscients à un « drame en première personne ».. La vérité déployée est en définitive sans contenu. Dans la division structurale entre savoir et vérité. p. un Je dont la seule unité est celle de la récurrence. l’importance déterminante du langage et du récit dans l’analyse freudienne des formations de l’inconscient. soit le un de la répétition qui caractérise le sujet. fondements de la psychologie. PARIS. il faut concevoir que le Je en question n’est pas une instance de la continuité. disséqué de façon autonome. Ibid. 18 Plutôt réside-t-elle dans le fait de lire la rechute de Politzer dans les impasses de ce discours comme non 14 15 16 17 13 Ibid. Lacan rapporte précisément « l’inanité […] du discours du savoir […] s’affirmant de sa clôture » 13 à la nature du savoir aux commandes à l’université. restent totalement opaques dans le Discours universitaire. 397. je l’entu-ile. Lacan illustre cette pente inhérente au discours universitaire à partir de l’entreprise de Georges Politzer. P. Cette donnée se retrouve dans la forme du savoir transmis à l’université. Lacan lui oppose un Je innombrable. asservi au seul ordre scientifique. 15 Outre sa critique de ce qu’il nomme « le réalisme de l’inconscient ». Lacan rappelle en effet sa prosopopée de la vérité : « Ils auraient pu se souvenir pourtant que je fais dire à la vérité "Je parle" ». la vérité se réduit en effet à une vérité formelle dont le sujet est dessaisi. […] Les systèmes trop autonomes rompent la continuité du "je" et l’automatisme des processus de transformation et d’élaboration exclut son activité ». Ibid. Le discours scientifique au contraire ne se préoccupe que de nécessités formelles. Ses productions sont le résultat d’une combinatoire qui ne met en jeu qu’une vérité formalisée. 1994.U. Eux savent comment cet inconscient. un acte ayant forme humaine et impliquant le "je" n’intervient. 396. Son espoir d’émerger de la psychologie universitaire échoue. Cependant l’argument invoqué par ces auteurs selon lequel. celle qu’il élabore dans sa Critique des 10 . dépourvue de signification. Ibid. l’essentiel de ce qui est exigible en matière de psychologie est que tout fait psychique doit faire intervenir l’acte du Je « Les désirs inconscients… la conscience les perçoit.. d’où sa prodigieuse fécondité qui tient à ce qu’elle est dégagée de tout espoir d’atteindre et de posséder un jour la vérité. Ainsi s’amorce une prolifération sans fin du savoir scientifique qui ne connaît pas de limite.F. Cependant la nature et la place de la vérité qui soustend le savoir scientifique. p. Cette modification intervenue dans la nature du savoir ne se soutient de façon bien plus essentielle que d’une modification dans le rapport à la vérité. celui-là même que vise le larvatus prodeo de Descartes n’est pas contradictoire avec le surgissement du Je du maître au sein de l’université. de plus en plus désubjectivé. Politzer met en question « l’abstraction » de l’inconscient freudien. 16 Lacan fait ici directement allusion à ce que Laplanche et Leclaire rétorquent à Politzer en lui opposant un discours « en personne ». Le rapport du sujet au savoir s’en trouve profondément modifié. p. op. « Mes L s’en tirent d’un coup d’éventail dont ils chassent cette "première personne" de l’inconscient. à leur gré ». cit. 24 La fiction de l’auteur Dans une conception naïve des places des protagonistes. Ibid. est très facile à reconnaître. La thèse vient lester le nom de l’auteur – via sa production on « advient au nom » – tandis que son contenu. Autres écrits. Quadrige. faut-il le considérer comme un Je théorique. Le lien de la thèse à l’auteur est même le préalable nécessaire à toute prise de parole d’un enseignant à l’université.. il n’en maintient pas moins un Je transcendantal.. universitaire. car il n’y en a qu’un qui puisse répondre à cette place – c’est le Je ». 71. 19 Lacan rappelle dans le séminaire qu’il tient à la même époque. du Je de l’infatuation personnelle. le savoir en position d’agent trouve toujours sa vérité dans le Je illusoire du Maître.. Seuil. p. ne saurait être confondu avec une conscience psychologique. Il s’agit donc d’une configuration qui vaut entièrement par le rôle du signifiant maître. livre XVII.. présent. Mais Lacan retient toute notre attention en le distinguant soigneusement d’un Je moïque. pur corrélat post-cartésien du discours 19 20 21 22 LACAN J. Paris. le produit c’est plus la thèse en tant que revendiquée par un auteur que l’étudiant lui-même. en un sens. Critique de la raison pure.. Dans le séminaire contemporain de cette Préface. constituant. selon laquelle l’inconscient serait la condition du langage. Aux conséquences de ce qu’il dit. à savoir l’énonciateur ». C’est à la place du S1 c’est-à-dire en place de vérité qu’il faut le situer. 1986. voire de sécréter le savoir qu’il faut à l’institution universitaire et audelà à l’institution étatique. LACAN J. tout en étant actif. le Je par où au moins quelque chose est identique à soi-même. soit un sujet de l’énoncé qui tendanciellement parviendrait à résorber le sujet de l’énonciation : « Le signifiant ainsi désigné. Lacan soutient que le fait de labelliser. Le séminaire. L’envers de la psychanalyse. Autrement dit. dont le sens serait absolu. Ibid. N’est-ce pas ce que Kant promeut avec son Je transcendantal ? En dépit de sa critique du caractère purement phénoménal du moi cartésien. obstacle à l’essai de rigueur. une thèse du nom de l’auteur fait.Accueil Cliquer contingente mais tenant à l’exigence d’un Je qui lui est structuralement attaché. Une telle configuration détermine une opération essentielle du discours universitaire qui consiste à faire « thèse de cette fiction qu’il appelle un auteur ». Lacan fait plutôt porter l’accent sur le produit capable de reproduire. livre XVII. Paris. 394. il désigne le Je transcendantal. KANT E. on pourrait s’attendre à ce que le sujet résultant du système universitaire soit identifié à l’étudiant. op. Il rappelle à cet 23 24 25 LACAN J. coll. 23 Le savoir (scientifique) aux commandes renvoie donc en dernière instance à la domination d’un Je. 11 .. p. Le séminaire. op. 22 Somme toute.U. 25 soit très précisément un nom d’auteur. p. Paris. Lacan s’arrête un moment sur les lois de la thèse. Seuil. C’est pourquoi d’un tel discours surgit irréductiblement ce que Lacan appelle la Jecratie. L’envers de la psychanalyse.. Ce « Je transcendantal » se définit et s’impose par la place fondamentale qu’il occupe dans le discours universitaire. le sujet n’est nullement lié par la suite. pp. Le renvoi réciproque du nom à la thèse et de la thèse à l’auteur se suffit à lui-même et l’emporte en définitive sur le contenu de la thèse. sera obligatoirement rapporté aux qualités de l’auteur. 2001. 1991. 220. l’écriture proposée dans l’article de Laplanche et Leclaire : SIS. d’estampiller. cit. L’ordre discursif qui contraint une telle production « a toujours rapport avec le signifiantmaître ». une production. Du Je transcendantal Quel est donc ce Je qui surgit particulièrement au sein de l’Université ? Ce Je serait d’abord celui d’une auto-désignation sans reste du sujet lui-même. qu’il décline encore comme « le Je qui maîtrise. L’énonciateur en tant qu’identique à lui-même « est très précisément ce que le discours universitaire ne peut éliminer de la place où se trouve sa vérité ». 21 II apparaît donc comme dépassant le simple sujet de l’énoncé et comme antinomique au sujet de l’inconscient qui ne peut prétendre à la maîtrise. Plus fondamentalement. 70-71. qui.F. sujet du savoir. Un tout petit monde) a si bien décrit. qui pourrait renvoyer par exemple au nombrilisme des acteurs universitaires qu’un David Lodge (cf.. P. « Préface à une thèse ». p. C’est très précisément sur « cette volonté d’extraire un sens absolu du langage » 20 que repose la thèse critiquée dans le travail d’Anika Rifflet-Lemaire. 70. Mais à cet égard. En somme présenter une thèse « pour faire valoir un monsieur » se produit nécessairement au détriment de l’effort d’articuler une proposition vraie. Il s’agit certes d’un Je illusoire puisqu’une telle entreprise est en soi un idéal inatteignable. LACAN J. qui introduisent la notion de travaux capitalisables pour les enseignants-chercheurs. La logique du nom comme unité de valeur. servant à l’exploitation de la nature et à l’institution étatique. autrement dit in fine à ignorer le discours de l’inconscient. Exemple propre à démontrer que l’œuvre et ses effets l’emportent largement sur ce que l’on sait de l’auteur. L’incidence au sein du public de l’article de J. un sujet mis en position de devoir "supposer un auteur au savoir' : LAPLANCHE J. ce dernier en vient à promouvoir la mort de l’auteur jusqu’à faire de l’énonciation « un processus vide ». Mais surtout. ce dernier passe dans une comptabilité à partir de laquelle il prend sa valeur. Lacan rend compte du caractère « déségrégatif » d’un tel discours par le relais conséquent que constitue l’université contemporaine pour le discours du maître. Si le sujet y est impliqué c’est comme « composé d’un rapport au savoir » plutôt qu’auteur supposé au savoir. L’examen des conséquences des résultats obtenus se trouvant rejeté hors de la dialectique du sujet et du savoir. Lacan nous invite donc à traverser le texte afin de serrer au plus près le manque qui le cause. et ce de façon transdisciplinaire. en vertu de la stricte équivalence nomination-production. dans le champ psychanalytique. « L’inconscient.. Dans son projet de concevoir l’œuvre comme indépendante de toute tutelle subjective. Ils sont en tant que tels égalés à plus ou moins d’« unités de production ». Laplanche. L’inscription du savoir dans le discours conduit Lacan bien au contraire. La vérité d’un principe fondamental ou d’un nouveau 26 J’emprunte cette formulation au texte « Radiophonie ». 27 12 . le souci que son nom propre ne soit pas gommé des travaux qui puisent largement dans son enseignement traversent de part en part la Préface de Lacan. où Lacan évoque l’impasse du sujet produit par le Discours universitaire. via la science. C’est résolument à partir du discours qu’il engage sa conception du savoir. Paris. 1966. « quelques pierres laissées le long du chemin » se vouent à cerner « l’essentiel de la matière de ses séminaires ». ses Écrits. le statut universitaire de la recherche scientifique imprègne la forme même du savoir universitaire et les modalités de sa transmission. une étude psychanalytique » 27 en témoigne directement. Cet ordre suffit à ruiner la possibilité d’un savoir qui chercherait son fondement dans une tête pensante. Jacques Lacan a eu l’idée de faire paraître des textes non signés dans Scilicet la bien nommée. C’est aux fins de viser la propagation du discours plutôt que la promotion de l’auteur que. se prolonge dans les changements les plus récents de l’université.Accueil Cliquer égard que durant des siècles le non signé n’a nullement entamé la production et la transmission d’un discours rigoureux. « L’inconscient. le discours de la science a vite réintégré l’université mais cette fois-ci dans ses coordonnées bureaucratiques et capitalistes. et à ce titre tracent plutôt l’effet d’un enseignement. une étude psychanalytique ». Séparé du discours universitaire sous sa forme scolastique. La visée de production de savoirs utiles. Il s’y montre que dans la logique actuelle du discours de l’université. efficaces. Chaque fois que leur nom apparaît dans les signatures d’un article la production y est valorisée au titre d’une logique strictement comptable. les enseignants sont eux-mêmes cette accumulation. Loin de se réduire à des exposés théoriques. rentables. Lacan fait retentir cette Préface comme un avertissement lancé à ceux qui traiteraient ses Écrits comme le produit d’un auteur. En caractérisant l’auteur par sa nature d’entité fictive. Elle fut rédigée dans un moment de diffusion croissante des écrits de Lacan que Lacan qualifie d’historique : l’heure est venue où l’on s’empare de son discours. où on le tourne et le retourne comme une proie. Desclée de Brouwer. cette concrétion de points capitalisables. indépendamment de l’évaluation de leur contribution propre. 26 La critique de l’auteur par Lacan ne saurait donc recouvrir celle de Michel Foucault. Le risque de distorsion et de dilution de l’enseignement de Lacan dans le discours courant sont rapportés ici au pouvoir croissant de l’université et plus précisément à « son antipathie du discours sectaire ». à ne pas jeter l’énonciateur avec la fiction de l’auteur. qui caractérise l’université moderne n’est pas en effet contradictoire avec la logique de la recherche scientifique (la recherche collective y relaie la figure du savant) – qui par son projet et ses procédures est de moins en moins indépendante de la technologie et de l’ar-ent. ta science moderne vise le consensus de la communauté scientifique. Cette Préface vibre ainsi de part à part de la position affirmée de Lacan qui consiste à préserver l’ordre qui va du discours au savoir. où on le retransmet. Et de citer l’exemple de Diderot dont Le Neveu de Rameau n’a été utilisé jusqu’en 1891 que sous la forme de sa retraduction française de la traduction allemande de Goethe. Présage La nécessité impérieuse que son énonciation ne soit pas effacée. comme le souligne justement Eric Laurent. on traversera ce recueil suivant des axes où le point de fuite s’appréhendera de façon variée. p. « Répons » est un terme emprunté au vocabulaire de la musique sacrée dont Dominique Laurent avait fait récemment usage pour désigner « un mode de réponse qui s’extrait de l’espoir du dialogue ». Seuil. 29 L’art de la réponse dans les Autres écrits Yves Depelsenaire Avec les Autres écrits nous tenons dans les mains un objet topologique singulier. Seuil. ils nous livrent inlassablement. Si on l’accueille. passant par torsion à la bande de Moebius. Rapporté à l’échelle de l’université de masse.. « Lituraterre ».Accueil Cliquer paradigme s’y reconnaît au consentement qu’il produit chez tous ceux qui se réclament du champ concerné. 1 C’est quelque chose qui se pourrait peut-être aussi comparer au Rubick's cube ou à une grille géante de mots croisés où ce sont les textes qui s’enchâsseraient selon une logique subtile. la vérité primerait plutôt que le savoir scientifique. par la trame qui le lie au recueil des Écrits de 1966. 75. Paris. pour ne rien savoir de son vol ». 2001.. « Discours de Rome ». Autres écrits. La promotion des noms propres. 2001. *auquel étendre ce que François Regnault avait fait valoir et exemplifié du style de Lacan dans le mouvement en ellipse à double foyer selon lequel s’enroulent nombre de ses phrases. Le sujet s’y réduit tendanciellement au signifiant de son nom propre. Tout à la fois discours de la méthode psychanalytique. Autres écrits.. LACAN J. « Préface à une thèse ». Janvier 2002. Paris. La Cause Freudienne. p. Quarto. spécifiée pour répondre à des interrogations précises. Lacan y qualifie ses Écrits. mai 2001. C’est un étrange rébus. A cette rencontre sous le signe de l’amitié. de « lettres ouvertes ». à la fois réduplication et contrepoint du Séminaire sur « La lettre volée » par où s’ouvrait le recueil de 1966. il en résulte un mode de diffusion du savoir qui généralise le règne de la doxa. des « résons » nouvelles. Examinons quelques exemples. « Mes amis ». Autres écrits. manuel d’antiphilosophie. S’interrogeant et se répondant les uns les autres. Espérance qu’en lui. c’est pour mieux le faire taire : « J’ai vu quelques membres de ce corps attirés par ma pâture. Ibid.. puis par coupure à l’asphérique. orienté certes par l’ordonnancement très médité des textes par Jacques-Alain Miller. jalons et chutes de son enseignement. 5 « Qu’à cette amitié participent donc tous ceux qu’aura ici menés le sentiment des intérêts humains emportés par l’analyse » formule-t-il ensuite. Paris. REGNAULT F. C’est pourquoi Lacan voit dans l’accueil universitaire de ses Écrits nulle garantie à ce que son nom ne soit pas usurpé. selon le 28 29 1 LACAN J. nulle assurance de ce que le tranchant de son enseignement soit préservé. par la composition en huit parties du volume.. de a letter à a litter. quoique dédaignant de me le rendre. 133.. cit. work in progress d’une clinique inédite. Lacan y dénonce « les textes fidèles à me piller. « Traits de génie ». porte d’entrée dans les Autres écrits. Rébus et rebut : comment ne pas glisser ici d’une lettre à la manière de Joyce. parfois latéralement. Cette Préface se termine sur un présage qui en fait assurément un texte pour le lecteur d’aujourd’hui. parfois directement. plus liturgique. pp. celle-ci est ciblée. art poétique postjoycien. p. « Le répons du partenaire ». p. « Une leçon de publication ». 400. selon que l’on privilégie l’un ou l’autre de ces aspects solidaires. le formule Eric Laurent dans cette même livraison de Quarto. 13 . LAURENT D. mais bien plutôt au titre de l’orthè doxa qu’il supposait à son corps. Ils intéresseront à transmettre littéralement ce que j’ai dit : tels que l’ambre gardant la mouche. organon d’une logique de l’incomplétude. la bousculant toujours. 73-80. Connaissez-vous Lacan ? (Collectif). mais un rébus où le mot de l’énigme se refuse.. Mais eux c’était de la copie qu’ils en faisaient ». 12. 28 Et si de son propre aveu. Mais dans le même temps l’angle de la réponse ne cesse de déplacer cette adresse elle-même. J’en attendais le suffrage. mot de Francis Pongé. p. tantôt l’élargissant. 48. Seuil. il a mis un temps quelque espoir chez certains universitaires. 3 une forme de réponse qui tient compte de S(A). et comme Lacan avec lui dans « Lituraterre ». c’est ainsi que le Dr Lacan s’adresse à l’assemblée des auditeurs de son « Discours de Rome ». 4 Ouvertes à qui ? La thèse selon laquelle une lettre arrive toujours à destination n’ôte rien à la fonction cruciale de l’adresse. ou comme. ce n’est pas au titre d’une confiance aveugle dans le discours universitaire. 2 des « répons » en vagues. LACAN J. 402. Oraculo Manual d’un Gracian lecteur de Freud. tantôt l’individualisant. 2 3 4 5 LAURENT E. op. « l’égologie » ambiante n’y est pas contradictoire avec l’effacement de l’énonciation. 92. Et à chaque écrit. ce recours à l’ironie est situé au regard de cela même qu’emporte la question : « Quand vous aurez la pratique du schizophrène. un moyen afin de 11 12 13 Ibid. du cancre. dis-je. 204. 209.. p. A l’occasion. Dans sa réponse à la deuxième question. si vous m’aviez posé la question autour des termes inconscient et sujet ». Nous voyons là Lacan. souvent pleine d’humour. Dix ans plus tard. Ibid. D’où cette réponse sans bavure : « J’en ai déjà dit assez pour être court. et elle parie sur le nombre..Accueil Cliquer un au-delà du rassemblement de circonstance du Congrès où il s’exprime est évidemment indiqué en ces lignes. dès que Freud a produit l’inconscience sur la scène qu’il lui assigne et qu’il lui rend le droit à la parole. Ibid. là où ceux qui l’interrogent l’attendent tout spécialement. cit.. cancre lui-même quand il se nomme Jacques Prévert ... question du rapport entre philosophie et psychanalyse. prenez acte que je tiens que la psychanalyse n’a pas le moindre droit à interpréter la pratique révolutionnaire. p. p. il est vrai. quand c’est là pourtant la supposition première de sa propre efficacité ». 208. vise l’avenir promis à ce qu’il enseigne. le ton de Lacan. façon Georges Marchais. sur votre front que je combats. au-delà du cercle de l’école dont Scilicet sera l’organe. p. ne s’adresse pas de premier jet aux philosophes. si je puis dire. 8 La suite consistera donc à remettre « à sa place la fonction d’une confusion qui est d’abord dans votre question ». qui est interprétation. ou encore au bachelier. Lacan multiplie au contraire les pas de côté à l’endroit de ceux qui l’interrogent. 9 La fin de la réponse à cette première question est savoureuse : « Etes-vous assez édifié pour me dispenser de répondre sur les moyens de "faire sortir quelqu’un de sa conscience ?" Je ne suis pas Alphonse Allais. Ibid. 6 Son message pourtant est là « de toujours ». 6 7 8 9 10 Ibid. L’assemblée présente incarne cette communauté plus large en laquelle Lacan se reconnaît. la « réponse à côté » est un trait de longtemps repéré. il va à « ceux qui viennent de fonder en un nouveau pacte la conscience de leur mission ». car tout ceci ne me plaît guère » 13 Passons à présent au texte d’« Introduction de Scilicet au titre de revue de l’École Freudienne de Paris ». elle est loin d’être si à côté. 14 . et leur posent la question de leur désir en l’affaire. […] Ce droit. Il est d’autres modes de réponse à côté : il y a celle de l’humoriste. LACAN J. 205.. Ibid. […] mais que par contre la théorie révolutionnaire ferait bien de se tenir pour responsable de laisser vide la fonction de la vérité comme cause. op. a déjà fait un sort dès la question I à la « broutille philosophique ». Autres écrits. et au-delà des personnes présentes. grand lecteur des dialogues platoniciens. p. Ibid. « Réponses à des étudiants en philosophie ». 206. sachez-le ». Son discours a une adresse historiquement nommée. à l’aspirant. 11 Dans la clinique psychiatrique classique. à celui-là qui n’est pas encore marié. p. « Ce que j’enseigne. Les réponses qu’il propose s’adressent donc à chacun de ceux qui auront à répondre de cet avenir. « Qu’estce qui vous amène ? » « L’autobus 19 » répond impeccablement le patient. il y a la réponse à côté de mauvaise foi. sur le thème « psychanalyse et société ». Interprétation dans les limites strictes qui s’imposent au discours analytique : « Pour éviter toute méprise. portant à la racine de toute relation sociale ». et je m’en expliquerais de l’éclat sans fin dont Freud fait retentir ce fait. celle du poète. Lacan. celle. en un moment spécialement significatif (nous sommes en 1968) à la recherche d’un Autre nouveau. Ce n’est pas. qui vous répondrait : l’écorcher » ! 10 Au fil de l’entretien. 210. pp. Et puis il y a la réponse à côté lacanienne. se fait ainsi plus ironique. en ses « Réponses à des étudiants en philosophie ». l’inconscient le tient de ce qu’il a structure de langage.. celle du rapport entre conscience et sujet : « La question d’une erreur initiale dans la philosophie s’impose. dans un tout autre contexte d’interlocution. la réponse à côté lapsus. 204-205. Car il est remarquable que vous me posiez des questions sans autrement vous inquiéter d’où je suis fondé à soutenir les positions que vous me prêtez plus ou moins exactes. 12 Vient alors la question III de cet entretien. La création de Scilicet est donc en elle-même une réponse. vous saurez l’ironie qui l’arme.. A qui s’adresse Scilicet – tu peux savoir en latin ? Elle s’adresse à un « tu que je cherche ». La place de l’énonciation est essentielle à ne pas élider de tout énoncé. 7 Pas de côté qui n’esquive en rien la question. la question. l’admirable « Lettre de dissolution » de janvier 1980 est réponse en acte à ce qu’« il y a un problème de l’École » que Lacan prend sur lui : « Qu’il suffise d’un qui s’en aille pour que tous soient libres. Mais ce que vous voulez dire. « Introduction de Scilicet au titre de la revue de l’École freudienne de Paris ». faisant surgir de la question elle-même un insu. De même. c’est. p. je vous la rétorque. p. et particulièrement au capitalisme. Prenez-en de la graine. et c’est la faute. Ceci nous amène à considérer une autre modalité essentielle de la réponseinterprétation au nom de l’objet a : celle de l’acte. op.. moi. p. 15 Bel exemple de réponse à côté. La question se pose ». Lacan renvoie à ce qu’il fait. fait résonner au sens de Pongé la question de son interlocuteur. Et la réponse est simple. c’est à ce vous que je réponds. Autres écrits. ils compatissent. c’est une question […] qui pourrait s’entendre de votre désir de savoir comment y répondre. c’est-àdire que je l’entends comme venant de vous. par une voix plutôt que par une personne. 529. je la transformerai en : d’où vous espérez ? En quoi vous voudriez savoir ce que le discours analytique peut vous promettre. mener les gens que j’estimais autant que je vous estime. effet de retour de la réponse sur la question et le lieu d’où elle s’énonce est sensible semblablement dans « Télévision ». cit. « Télévision ». j’y ai répondu plus haut. au suicide tout simplement. « Lettre de dissolution ». op. 15 . deux entretiens où l’art de la réponse est mené à son sommet. A lui s’adressent les deux grands textes que sont « Radiophonie » et « Télévision ».. Epinglons dans « Radiophonie » la réponse à la question VI : « En quoi savoir et vérité sont-ils incompatibles ? ». premièrement à la famille. 284. cit.. avec les questions kantiennes dont le « chatouille » Jacques-Alain Miller : « Que dois-je faire ? » Réponse : « Je ne peux que reprendre la question comme tout le monde à me la poser pour moi. p. mais si. Réponse : « Incompatibles. Comment me concernerait-elle sans me dire quoi espérer ? Pensez-vous l’espérance comme sans objet ? Vous donc comme tout autre à qui je donnerais du vous. ce de ne rien dire. 440. au réel en cause dans l’expérience analytique elle-même. L’effet de formation n’est pas. puisque pour moi c’est tout cuit ». vous-même. LACAN J. à ma connaissance. op. op. Question : « Il y a une rumeur qui chante : si on jouit si mal. espérez ce qu’il vous plaira. C’est ce que je fais. […] Pour "que m’est-il permis d’espérer ?". dans mon nœud borroméen. LACAN J. lui imprime un tour sur elle-même. Excusez-moi : c’est une question que je ne me pose pas. une expression dont 16 17 18 LACAN J. pourtant. 17 Dans ces deux dernières réponses. Autres écrits.. il faut que ce soit moi dans mon École ». l’interprète. dont l’inspiration m’est venue comme seule propre à dénouer la contorsion par quoi en psychanalyse l’expérience se condamne à ne livrer passage à rien de ce qui pourrait la changer ». 317. un présupposé fantasmatique – tout est dans tout – sur quoi portera en définitive sa réponse. cit. de ma pratique tirer l’éthique du Bien-dire. Qu’ils souffrent ensemble. que j’ai déjà accentuée. pp. Autres écrits. Ce que j’en fais pour moi. Cet effet de déplacement et de torsion de la question par la réponse. Réponse : « Ça. Autres écrits. si vous croyez qu’en d’autres discours celle-ci puisse prospérer. par laquelle Lacan. le forcing. 18 Réponses à des questions ou à des problèmes.. Car l’éthique est relative au discours. « Tel est le remède de cheval. dont je dirai un mot pour finir dans la perspective qui nous occupe cette année de « l’effet-de-formation ». c’est que vérité et savoir ne sont pas complémentaires. voire le forceps. Puisqu’il n’y a pas de tout. rien n’est tout ». 541-542. si je vous le prête bien. et l’un de l’autre : c’est la vérité. ne font pas un tout. une voix à ne se concevoir que comme provenant de la télé.. La réponse en acte est moins réponse à des questions qu’à ce qu’il situe comme « problème ». deuxièmement à la société. vrai de chacun. c’est qu’il y a répression sur le sexe. cit. l’effet obtenu est toujours un effet saisissant de déplacement de discours. Ibid. 16 De même.. […] Pour que la question de Kant ait un sens. jouant de l’équivoque entre compatibilité et compassion. la voix 14 15 LACAN J. 14 Cet Autre nouveau que Lacan appelle de ses vœux dans ces années-là écoute la radio et regarde la télévision. une voix qui n’ex-siste pas.Accueil Cliquer surmonter les obstacles rencontrés douze ans durant dans les Sociétés psychanalytiques existantes. L’« Acte de fondation » de 1964 est réponse en acte au problème de la formation du psychanalyste après son excommunication de l’IPA. mais que les résistances rencontrées par sa « Proposition d’Octobre 1967 » dans l’EFP elle-même lui font craindre de voir resurgir. Puisqu’il n’y a pas de tout. « Radiophonie ». au nom de quoi. Mais j’en doute. Sachez seulement que j’ai vu plusieurs fois l’espérance. Soit : si elle vous était posée. qui est interprétation ». Mot joliment choisi qui pourrait nous permettre de répondre à la question par la nasarde qu’elle vaut : mais si. ce qu’on appelle : les lendemains qui chantent. à l’occasion. je fais ex-sister cette réponse. ceux des effets de création que la passe met en lumière. cit. à l’origine. cit. et dont je n’ai certainement pas fait le recensement exhaustif : l’effet de vérité. Autres écrits. 4 16 . l’effet de signification. Celui-ci peut en outre se répartir selon plusieurs registres : celui des effets de vérité. Il s’agit du « Petit discours à l’ORTF ». dit-il – définit ledit Séminaire XI comme « pas un écrit ». obstacle à la lecture ? Qu’est-ce donc qu’une transcription ? Le terme a signifié en premier lieu « copier un écrit ». 503. 1 Celle-ci apparaît comme une opération particulière qui permet que « ce qui se lit passe-à-travers l’écriture en y restant indemne ». loc. Le recours à quelqu’un lui permettant. ceux des effets de sens. du produit : l’effet de formation de la formation elle-même. op. il avait huit fois de sa main transcrit l’histoire de Thucydide ». Lire ou ne pas lire Nathalie Georges-Lambrichs La Postface au Séminaire XI que Lacan nie écrire *« à le faire je posteffacerais mon Séminaire ». p. LITTRE. y apparaissent : l’effet de rire. 19 3 LACAN J. l’effet de création. initialement composé pour l’orgue – résonne autrement. pp. LACAN J. ou de dé-sens qui orientent son rapport au savoir. le transcripteur. l’effet de sujet. entre la cause et l’effet. l’effet de langage.. Dans les Autres écrits. n’est pas écrit pour lui. L’accent est mis sur l’instrument auquel on peut supposer un désir de jouer ce qui. et Lacan ne recule pas à avancer :… « ce que je dis est voué à l’inconscient. dans quel Séminaire je ne sais plus : « tout animal qui a des pinces ne se masturbe jamais ! » Comme l’assistance riait de bon cœur. Seuil. Ce que dit la divinité est voué à l’inconscient. Comment l’effet de formation se diffracte-t-il dans cette série ? Au fond. soit à ce qui se lit avant tout ». 1224. Lacan ajouta : « Ça fait toujours son petit effet ». Il y a une béance. Autres écrits.. J’épinglerai dans cette série l’effet de rire et l’effet de cisaille.. pour se former le style. comme effet de la prise des fonctions biologiques dans le langage). Beaucoup d’écrivains ou de poètes ont ainsi défini leur pratique d’écriture. mais une « transcription ». l’effet de condensation ou de déplacement. clans le texte qu’il produit. « Postface au Séminaire XI ». l’effet de déplacement de discours pourrait être tenu pour l’effet de formation par excellence en psychanalyse. auteur du Quichotte. à cet instrument. l’effet de langage. Leur proximité dans ce texte a aussitôt réveillé en moi le souvenir irrésistible d’un bon mot de Lacan. 3 Cette figure du solitaire s’exerçant et se rompant aux prises avec un texte illustre bien la préséance donnée au silence (de la création). de lire la partition pour lui indéchiffrable est donc nécessaire. mais elle fait série avec une série impressionnante de syntagmes construits sur le même moule. p. Ibid. l’effet de la lettre.. et le court-circuit de ce face à face éternel que Borges a immortalisé dans son Pierre Ménard. veille avec une attention particulière à permettre que l’écriture ne fasse pas. D’Alembert écrit ainsi à Voltaire le 27 avril 1773 : « Démosthène me disait un jour que. Parler d’effet de formation. en qualité de témoin. l’expression même d’effet de formation nous conduit à penser la formation en psychanalyse sur fond d’une disjonction entre ce qui serait. 2001. disait même Jacques-Alain Miller. 221226. Autant de formules dont rend raison de manière générale l’effet de rétroaction de la chaîne signifiante que le graphe de « Subversion du sujet et dialectique du désir » déploie sur ses deux étages. c’est déjà opérer un détachement du résultat.. Dans cet ordre d’idées. 2 Cela signifie-t-il que celui qui s’y dévoue. * Exposé présenté le 20 octobre 2001 lors d’une après-midi organisée par l’ACF-Belgique et Quarto sous le titre : « Les Autres écrits de Jacques Lacan ».Accueil Cliquer Lacan a usé. l’effet de cisaille ou encore les effets de cisaillage (autrement dit la castration. pour autant que cela puisse se soutenir. Ça implique même de considérer que des effets de formation peuvent surgir d’ailleurs que d’une formation identifiée et reconnue comme telle dans une forme d’enseignement instituée. un texte m’a frappé par la multiplication des occurrences d’« effets de… ». courbé sous la voix de quelque divinité qui leur dictait un texte que leur plume allait seulement faire exister. 19 Sur cinq pages. l’effet de lekton (le point de capiton). les effets de suggestion. l’effet de signifié. L’acception du terme en musique – transcrire pour violon un prélude de Bach. Paris. la formation proprement dite et ses effets subjectifs. 4 Ici triomphe la joie 1 2 LACAN J. les effets de régression. l’effet du signifiant. « Petit discours à l’ORTF ». en effet. l’effet de sens (ou de dé-sens). e vol. l’effet de l’inconscient. ceux qui scandent les moments cruciaux de la cure d’un sujet. Le destin des corps. Cela suffit à définir une analyse. Cette métaphore du papier que l’on crève. Les « post-joyciens ». de l’avouër. cit. ce pas-à-lire qu’ils ne dépasseront pas. Pour l’analyste. mur du fantasme ou masque de la personne. serait plutôt à rapporter à une pratique : il y a lieu de crever le papier encore et encore. si lire fait pièce aux délires de tout poil. p. liée à la trace laissée sur le papier dit hygiénique. et d’une coupure radicale d’avec le mode d’écrire des écrivains et des poètes. après Joyce « quelque chose à crever dans le papier hygiénique sur quoi les lettres se détachent. Mais où est donc passé le désir ? Eh bien. Mais.. il peut donc s’agir de le crever encore. durablement s’indéfinir. semble alors programmé aussi sûrement qu’il est ignoré : ils marcheront du même pas. Joyce vint.. à savoir : « marche ou c…. Les autres lecteurs resteraient et restent la proie consentante du « symptôme littéraire ». ce pari d’un tournant. résorber le « je » dans un « on ». si ce n’est pour trépasser… Où le « crève » du papier hygiénique fait résonner le mot d’ordre du maître à quoi tous ces écrits se résument et qui en est le filigrane. Ibid. que lire veut dire et dire et dire encore. Ainsi se vérifie pour qui franchit la frontière. « Joyce le Symptôme ». sans ponctuation de la rection du corps à ladite corpo-rection. Or. 570. en fin de compte. c’est-à-dire à l’inconscient. dit Lacan dans « Joyce-le-symptôme ». Les innombrables variations sur ce thème n’empêchent pas la version préalable de demeurer hors d’atteinte et la dimension de la parole de rester enlisée dans celle de l’écrit qui repousse la lecture. ce pari. Au-delà du fantôme des corporations abolies et des exercices schréberiens de la gymnastique de chambre. lettre et être c’est tout un : mortification. en effet. LACAN J.. où s’entend avouer. sauraient cela. cette « jouissance opaque d’exclure le sens ». Lacan a fait. dit-il. qui est devenu un équivalent du dire. et tiens-toi droit ». cit. un operçu de l’objet qu’il y a derrière. p. « quand on prend soin de scribouiller pour la rection du corps pour les corpo-rections… » 8 ? Lacan semble nous dire que ce « on » qui prend ce soin ne voit pas plus loin que le bout de son nez. métonymique de lui-même. c’est savoir ou ne pas savoir ce que lire veut dire.Accueil Cliquer de lire en ignorance de cause. 5 Qu’est donc le symptôme littéraire ? Lacan l’aborde par une des guises de l’objet petit a. reste la jouissance... – c’est une tentation de le dire – c’est bien dans la perspective des conséquences à quoi cela peut porter. jouissance du corps sur le mode de le laisser tomber au lieu de l’avoir. 17 . 7 soit celle du pas qui opère ledit franchissement. La question n’est plus alors de savoir si écrire fait toujours vibrer cette dimension de la mort déjà là – sans doute y a-t-il dans l’acte ou la pratique de l’écriture quelque chose qui consent à ce réel de la mort – mais quelle est la visée de l’écriture. puisque. écran du souvenir. l’indice d’une responsabilité conçue en logique relativement au lien qu’il implique : que se passe-t-il. * * Exposé à la soirée de la section clinique de Paris-lle-de-France le mercredi 13 juin 2001. Le souffle. op. 8 LACAN J. Ce n’est pas lire ou ne pas lire. que les deux territoires que la frontière sépare ont commune mesure. après Joyce. ce faisant. Autres écrits. « Lituraterre ». quand on prend soin de scribouiller… ». jusqu’à ce que le sujet prenne un aperçu. 570. en faisant de littérature lituraterre est bien plus qu’un Witz. pour la psychanalyse. en effet. il est jusqu’au cou dans les corpo-rections… L’on passe. macération. unis par leur mêmeté organique. op. l’aveu est la transcription de son vouloir. le mode de dire qui convient à l’analyste : savoir que quoi qu’il dise il dira toujours au-delà de ce qu’il veut dire… En ce sens. telle qu’en elle-même l’éternité la change. cette condensation joycienne nous indique ce qui peut advenir d’un vivant en proie à la déréliction qui le guette selon la place et la fonction qu’occupe pour lui cet objet : soit. ôtez lui le souffle. comme il le dit ailleurs. et pour cause. 6 Ce papier qui fait écran. 5 6 7 LACAN J. « Joyce le Symptôme ». 14. Il resterait. qui au rêve. op. Qu’il l’ait pris. dans le lire. L’aveu est bien. « a coupé le souffle ». p. c’est cette décision de contrer l’oubli (dont parle depuis qu’il a été nommé AE Alain Merlet). sans le savoir nécessairement. entendons du désir : prenez un écrit. cit. et. au nombre desquels se compteraient des psychanalystes. Autres écrits. seraient décidés à ne pas l’oublier…. Telle est la jouissance propre au symptôme. p. Plongé dans la contingence la plus brûlante du siècle de Lacan. Lacan note sa surprise de constater que « la dépression réactionnelle » ambiante. une rencontre déconcertante. prêts à faire de ces vingt pages une curiosité. Paris. cette noce presque. 1 Bien sûr on aurait beau jeu. LACAN J. le deuxième dans l’histoire de la clinique française. Tout le monde sait que ce texte est un hapax assez complet dans les deux volumes Écrits et Autres écrits. mis à part des manières de louange argumentée.. un point de clinique pure qui oppose la deuxième page. l’occasion d’une Note de quarante pages dont c’est assez peu dire qu’elles n’ont pas grand chose à voir avec celles de Lacan. Aussi délaisserai-je cet aspect contingent. la page 102 avec la page 526 de Télévision 2 où la tristesse est dite « faute morale ». est célébrée selon Lacan grâce au Ministère qu’il nomme : celui de la Science. Ce texte est d’un abord bien plus singulier qu’étrange. il apparaît dans les Autres écrits. exerce sur lui 1 2 LACAN J. c’est-à-dire commenter le premier texte que j’ai lu. songeant à la décrépitude présente… Je le répète ce serait Margaritas ante porcos. mais que cette rencontre improbable entre la découverte freudienne et la sempiternelle aporie du gouvernement des hommes. « La psychiatrie anglaise et la guerre ». 18 . C’est la première fois. la dernière aussi bien et. pour que sa psychiatrie « sache formuler ses devoirs dans des termes qui sauvegardent les principes de la vérité ».Accueil Cliquer L’élan calculé Un rapport véridique au réel François Leguil contemporain psychique ». il s’agit du maître du discours aux Communes l’emportant sur les héritiers du Roi Sergent escaladant l’horreur. c’est un récit de voyage. 509-545. Dans ce texte.. Débarquant à Londres en septembre 1945. et permet à Lacan de poser de nombreuses pierres d’une axiologie simple et pourtant prévue. Autres écrits. « lâcheté morale ». voulant retrouver l’agrément éprouvé au milieu des années 80 lorsque Navarin a réédité la conférence que Lacan avait fait publier en 1947 dans l’Évolution psychiatrique : « La psychiatrie anglaise et la guerre ». la convocation de la Science scelle cette rencontre. Autres écrits. l’important n’est pas là. qu’il observe partout où on lui raconte ce qui s’est passé depuis cinq ans. cit. op. A la fin. il s’agit du sien. Certes. pittoresque disent ceux que les révérences n’effraient pas. dans ce volume plutôt maniable. Lacan se tourne vers « un pays démoralisé ». 120. Avant d’y venir. 2001. pp. le premier en 1908 ayant donné à Clérambault retour de Grande Bretagne et des hôpitaux psychiatriques britanniques. et certains en prennent prétexte pour le traiter par son côté circonstanciel. * Comme beaucoup d’entre nous – le jour de la vente en librairie étant celui du départ des congés dits de Printemps – j’étais en vacances et je me suis laissé guider par un motif quasi sentimental. Seuil. C’est vrai. la rencontre heureuse entre le discours analytique et le discours du maître. Ceci sans doute explique ce que les médecins diagnostiqueraient comme un éréthisme relatif et contenu dans la plume. ainsi que l’inspirerait le titre d’un film de l’école documentariste anglo-saxonne de l’époque. Le texte de Lacan est un récit de voyage mais il apparaît vite que ce n’est pas du tout par ce biais qu’il faut le consulter. des « Propos sur la causalité Lorsque Pierre-Gilles Guéguen m’a demandé si je voulais bien parler quinze minutes d’un point des Autres écrits je me suis dit : et pourquoi pas parler de la manière dont j’ai ouvert ce volume. Songeons qu’il est quasiment Ce texte raconte un fait improbable. comme en suspension. Mais c’est une rencontre heureuse. frappé d’une paradoxale mais certaine intemporalité. ce sera une brève rencontre. « Télévision ».. LACAN J. Sans doute aura-t-on raison de gloser et observer que la Science dans « La psychiatrie anglaise » 19 . le véridique s’oppose au symptomatique ou la vérité s’insurge contre le savoir. en quoi les héroïsmes à mieux s’expliquer. Surgissement d’une vérité qui annonce un savoir. 380. cit. – je veux dire que l’intrépidité de son peuple repose sur un rapport véridique au réel ». p. p. parce qu’au moment où surgit cette vérité. un rapport véridique au réel. qui lui prouve que « à l’échelle collective ». cet état témoigne de l’effort de ceux qui sont allés jusqu’à l’extrême de leur énergie. 4 Exposé présenté le 20 juin 2001 lors d’une soirée mensuelle de l’ECF à propos des Autres écrits. Autres écrits. pour rêver tous les matins de la capacité d’en faire montre le jour où 3 4 5 6 7 8 LACAN J. 101. Fermeté dans le courage qui tient à l’absence d’effroi racontent en substance tous les dictionnaires. Est véridique une vérité dont on pressent dans son surgissement qu’un savoir sans doute saura la confirmer. la première de celui qu’il consacre à l’Acte analytique. 7 Ces petites pierres permettent à Lacan de remonter la piste de son « déclin de l’imago paternelle » de 1938 et des « Complexes familiaux ». argumente sur la thérapeutique et la discipline.. est à la fois : sincère et confirmé par les faits. qui définit autrement le véridique dans une leçon de son séminaire. elle consent à se faire conseillère du Prince. p. s’ordonnent d’être plus ou moins avertis ». LACAN J. cit. 273. vingt ans avant décembre 1967. la dépression s’impose ici comme la rançon du courage et qui trouve sa vérité dans le réel d’un engagement. Véridique est la vérité servie fidèlement. A la même page Lacan vitupère « le romantisme » comparé à la résolution des « gens qui ne se reposent pas sur leur histoire ». 102. cela s’avérera nécessaire.Accueil Cliquer comme un effet « tonique ». LACAN J. l’ouverture même de cet ordre. Mais toutes ces notations semblent se résumer et confluer dans celles-ci qu’il introduit sous forme de ce qui est ici déclaré « d’évidence psychologique ». qu’en était-il du champ recouvert par la question des nombres transfinis avant que Cantor ne les invente (ces exemples sont naturellement de Lacan). La vérité de la victoire est cette intrépidité. « Discours à l’École freudienne de Paris ». cit. et. Est-ce que « l’ordre du contrôlable » ouvert par la dimension du transfini dans les nombres était là de toute éternité ? Lacan qualifie de : véridique. dans son « Allocution sur l’enseignement » de 1970. qu’elle ne change rien à l’ordre du discours du maître : la science ici. je veux dire entre 1945 et 1947 est la psychanalyse lorsque. 112.. D’où. de la vérité. chacun de nous ici sait ce que c’est que l’être. réformatrice de la psychiatrie.. La question qu’il y pose est simple. 5 et anticipe presque ce commentaire de « L’acte psychanalytique » : « la sublimation n’exclut pas la vérité de jouissance. « La psychiatrie anglaise et la guerre ». p.. de la dignité. Ibid. op. à savoir « cette vérité que la victoire de l’Angleterre est d’ordre moral. sur le subterfuge de « la valeur virile » lorsqu’elle s’efforce de « compenser » ce « que nos ancêtres auraient appelé une certaine faiblesse au déduit ».. 3 Contrecoup d’une aventure qui est allée au-delà de la réalité de ses limites. la condition d’une vérité qui permet l’acte et d’un savoir à venir qui l’expliquera. qu’estce à dire ? C’est là qu’il importe de mesurer l’intervention de Lacan dans la sémantique commune. Lacan en effet traite du courage. Mais véridique. p.. Un rapport véridique au réel est ici opposé à un rapport symptomatique au réel. d’un lecteur qui dira la « salubrité » de la destitution subjective. op. op.. « L’acte psychanalytique ». le 15 novembre 1967. Ainsi pour l’héroïsme. à la page 273 des Autres écrits. qui n’est pas dans « tout ce qui apparaît comme sacrifice ». op.. naïve comme il convient : qu’était le champ découvert par Freud avant l’acte de naissance de la psychanalyse. p. avec régularité et presque avec exactitude : véridique. intrépide. Paru en 1947.. selon Lacan. Bien sûr ce n’est pas la science dont Lacan annonce à la page 302 des Autres écrits. 6 J’ai parlé des nombreuses pierres d’une axiologie simple et pourtant précise. C’est plus pour Lacan. cit. Autres écrits. Autres écrits. 120. c’est-àdire cette certitude en acte et le savoir qui l’expliquera est ce que dans « la psychiatrie et la guerre » appelle la science. Ibid. de la liberté. 8 Passons sur l’intrépidité . Autres écrits. un savoir s’annonce dans la combinatoire qui détermine la vérité elle-même.. pour le dictionnaire. ce texte dénonce déjà la sensibilité d’un lecteur du « Guerrier appliqué ». « La psychiatrie anglaise et la guerre ». cit.. Elle s’en accommode pour ses fonctions d’avancement […] Une observation attentive dénombrerait ici toutes les formes du tir indirect ou de ce cheminement appelé chicane. 376.. 115. C’est à ce ton d’exhortation non pas vibrant mais résolu que Lacan recourt : « Aussi bien sommes-nous partis.. le compte rendu sur l’acte analytique où.Accueil Cliquer correspond à ce que tout honnête homme se plaît à nommer justement l’esprit des lumières. Ibid. 20 l’expérimentateur méconnaît que dans l’expérience qu’il pense conduire. à la page 104 de « La psychiatrie anglaise ».. 106. en 1956. 14 Où est. lorsqu’on a tourné la dernière page de ce texte ? Et bien en maints endroits et. op. p.. se conjoignant à l’insonorité qu’il oppose à la parole […] ». telle une conquête de la raison : qu’elle dispose de concepts légitimant « un mode opératoire ». du témoignage que la science peut donner de l’ignorance où elle est de son sujet ». pour lui rendre courage [lui : à l’analyste]. le sujet de la science c’est lui et nul autre. pour lui rendre courage [lui : à l’analyste]. Ibid. cit. parce que le premier n’est pas dans les Autres écrits mais. « L’acte psychanalytique ». C’est bien là la faille du système comme moyen de tri des sujets. p. dans les Écrits eux-mêmes : qu’on songe à cette page aux accents de philippique de « Situation de la psychanalyse et formation du psychanalyste en 1956 ». C’est à ce ton d’exhortation non pas vibrant mais résolu que Lacan recourt : « Aussi bien sommesnous partis. Ibid. Ornicar ?. se voue à « dissiper la formation de caste et d’école » : « Voici donc l’organisation qui contraint la Parole à cheminer entre deux murs de silence. 377. 21 15 16 17 18 19 20 21 LACAN J. 18 Lacan évoque « l’humilité de la limite où l’acte s’est présenté à son expérience » 19 et. 13 Cette science – conquête de la raison – « allège la tradition » mais en « l’intégrant ». Lacan ne dénonce plus « l’intimidation » du maître de 1956. « La psychiatrie anglaise et la guerre ». 377.. Ibid. Ibid. 103. mais « l’endoctrinement » 16 qui cherche « alibi universitaire » 17 pour s’offrir « assez péniblement à la pénombre des conciles… [comme à ce qui] prend figure d’Église parodique »... Écrits. Elle s’en accommode pour ses fonctions d’avancement […] Une observation attentive dénombrerait ici toutes les formes du tir indirect ou de ce cheminement appelé chicane. comme il l’a fait à la fin du Livre XI et dans les deux premières leçons du séminaire de l’automne 1967.. pour y conclure les noces de la confusion avec l’arbitraire. et ne trouvera-t-on pas à l’œuvre le même dessein qui. Paris. 1966. dans les Autres écrits. avril 1977. 117. Autres écrits. du témoignage que la science peut donner de l’ignorance où elle est de son sujet ». et celle-ci se conjoignant à l’insonorité qu’il oppose à la parole […] ». je n’en retiens que deux en priant qu’on me pardonne. LACAN J. il reprend l’exemple de l’expérience de Pavlov pour montrer qu’à s’être « fait espoir à bon marché d’avoir mis le chapeau dans le lapin ». Ibid. Bien sûr cette science n’est pas celle qui fait avouer à Lacan à l’« Ouverture de la Section clinique ». 15 En 1967. 103. 12 et qu’elle dénonce le snobisme d’une science postiche prête à investir les objets d’études qui flattent le sentiment dominant de ceux qui ont le vent en poupe (Lacan se moque ici de la causalité physio-biologique du fait mental). Autres écrits. op. C’est bien là la faille du système comme moyen de tri des sujets. p.. p. le Lacan de « La psychiatrie anglaise et la guerre ».. 15 avec l’arbitraire. pp.. p. 14. 20 l’expérimentateur méconnaît que dans l’expérience qu’il pense conduire. « Situation de la psychanalyse et formation du psychanalyste en 1956 ». définit assez précisément les choses en 1945 et dresse même la liste de quelques réquisits de ce qui s’avance sous cette bannière « science ». « la porte à une puissance seconde ». qu’il faut « bien se rendre compte que la psychanalyse n’est pas une science ». 9. c’est-àdire en s’avançant sur la scène du monde. p. 482-483. Ibid. 9 Lacan pourtant. Ibid. 10 qu’elle vienne en lieu et place des obscurités d’une tradition monopolisée par ceux qui y font figure de maître. enfin. 20 . Seuil. LACAN J.. p. et celle-ci 9 10 11 12 13 14 LACAN J. p. dans les Autres écrits cette fois. « Ouverture de la Section clinique ». autant dire celles qui provoquent l’assaillant à jouer de l’invisibilité. il reprend l’exemple de l’expérience de Pavlov pour montrer qu’à s’être « fait espoir à bon marché d’avoir mis le chapeau dans le lapin ». n’ayant pas le temps de le montrer. p. 378. p. Ibid. 21 la fin du Livre XI et dans les deux premières leçons du séminaire de l’automne 1967. le sujet de la science c’est lui et nul autre. autant dire celles qui provoquent l’assaillant à jouer de l’invisibilité. 11 qu’elle se constitue en une discipline capable de répondre aux discours politiques et sociaux qui l’interrogent sur ses moyens d’élucidation et d’action. Ce sera sa façon d’éviter la « poubellication ». op. cours inédit. « L’Autre qui n’existe pas et ses comités d’éthique ». dans son troisième séminaire en 1958.. « Une leçon de publication ». contiennent ce pouvoir d’illecture qui suppose une pratique du texte soutenue. pp.. S’il s’agit au départ d’un article d’encyclopédie consacré à la famille et commandé au jeune Lacan par Henri Wallon. il est d’ailleurs remarquable que cet exposé magistral n’ait pas fait d’obstacle à ce qui allait suivre. 21 . pour chaque sujet. la « Note sur l’enfant ». de l’autre le refus de l’instinct au profit des instances culturelles comme formatrices de l’individu. Seuil. Un double point de départ radical On peut considérer que c’est avec cet écrit que Lacan se pose dans la psychanalyse. Avec « Les complexes familiaux » nous avons. Autres écrits. « L’autre qui n’existe pas et ses comités d’éthique ». 1 C’est dire la portée qu’aura cet écrit sur la suite . en ouverture du livre.. « Note sur l’enfant ». il y a un autre texte qui répond au « Complexes familiaux » dans les Autres écrits. Eric Laurent a consacré lui aussi de nombreux articles à cet écrit et tout deux ont fait référence à ce grand texte lors du séminaire qu’ils ont soutenu ensemble. publié dans les parties qui font retour à la chronologie. a pu faire croire que les lacaniens étaient des dévots du père. alors que trente ans plus tard le texte qui lui répond. 224. soit une 3 4 5 LAURENT E. Pour essayer de me tenir à la hauteur du texte. c’est « accablant » enseigne Lacan en avril 1974. on peut situer ce texte au niveau de son adresse largement collective. LACAN J. Autres écrits.. * Les Autres écrits ouvrent ainsi sur un texte précurseur de l’enseignement de Lacan qui n’est rien moins que la première grande reformulation par Lacan de l’œuvre freudienne. 2001. 373-374.. op. leçon du 22/01/1997. si l’on réserve à « Lituraterre » la place d’extime que « La lettre volée » occupe dans les Écrits. Eric Laurent a fait valoir qu’à mesure que son enseignement se mettait à courir tout seul « hors du champ où on pouvait le contrôler ». « Les complexes familiaux » sont un écrit d’une telle richesse qu’il serait illusoire de vouloir en faire ici le tour. « Les Complexes familiaux dans la formation de l’individu ». Le second point est clairement établi à la lecture du texte.. Autres écrits. D’un côté la différenciation nette entre le moi et le sujet.. Cette question « Qu’est-ce qu’un père ? » posée par Lacan vingt ans plus tard. LACAN J. et déjà cet écrit de 1938 en donne témoignage et nous oriente de la bonne façon quant au père. son partenaire le symptôme n’en peut mais dans le pas qu’il faut toujours faire. sa rigueur méthodique ou encore simplement parce qu’il apporte du nouveau pour la psychanalyse. Lui « rendre courage » fait écho à ce rapport véridique au réel lorsque. Quarto.. p. cit. Jenny Aubry. Enfin.Accueil Cliquer S’autoriser de soi-même. Paris. Il est déjà de ces écrits de Lacan qui 1 2 MILLER J. p.-A. LAURENT E. cit. 2 On aura compris que Lacan va subordonner l’évolution du complexe d’Œdipe aux conditions culturelles de la famille paternaliste et que cet écrit va déjà induire une perspective quant à la question de ce qu’est un père dans la foulée de la révolution freudienne. dans la perspective ouverte par Eric Laurent de mise en valeur du travail d’édition que constituent les Autres écrits. décembre 2001. 5 Lacan va en restreindre l’adresse. nous avons aujourd’hui entre les mains une reprise critique de l’œuvre freudienne qui constitue l’amorce d’un projet ambitieux : le projet de Lacan de réviser le complexe d’Œdipe afin de permettre « de situer dans l’histoire la famille paternaliste et d’éclairer plus avant la névrose contemporaine ». 75. Vous savez qu’il n’en est rien. « Petit discours à l’ORTF ». 46. LACAN J. un texte qui s’adresse à une large audience. j’ai trouvé appui sur le commentaire qu’en a proposé Jacques-Alain Miller il y a près de vingt ans dans son séminaire « Des réponses du réel » à la suite duquel il fera d’ailleurs publier « Les Complexes Familiaux » en 1984 dans la Bibliothèque des Analytica chez Navarin. et il le fait en prenant un double point de départ radical. Ce texte force l’admiration par sa qualité démonstrative. Les Complexes familiaux : l’élan de Lacan Dominique Holvoet Il revient aux « Complexes familiaux » d’ouvrir les Autres écrits. 3 Dès lors. et c’est la « Note sur l’enfant » 4 qui n’a qu’une destinatrice. a un seul destinataire. dès les premières pages où nous trouvons la démonstration de la domination des instances culturelles sur les instances naturelles. Ce n’est donc pas le moi qui apporte l’effort de synthèse du monde désorganisé du petit d’homme mais le moi est lui-même constitué. rétroactivement les étages inférieurs. on voit Lacan devoir rendre compte de l’édification de l’individu avant le narcissisme. ce départ pris de 1914. Seuil. etc) mais comme instance constituée. […] une tension vitale se résout en intention mentale ». pris lui dans son « isolement affectif ». il décline trois complexes qui trouvent à s’articuler l’un l’autre. Et il propose cette formule : « Pour la première fois.-A. remanie rétroactivement ce qui a été amorcé à l’étape précédente ».lecture en filigrane d’« intention de signification ». consomme d’entrée de jeu la rupture de Lacan avec l’ego-psychologie. et en cela le complexe se définit à l’opposé de l’instinct. comme par un effet d’aspiration. déjà. qui évoque déjà « l’intention de signification » que nous trouverons dans le graphe. dans son cours de 1984 cité en introduction. est une évidence simple dont le rappel est pourtant bien nécessaire. LACAN J. Miller propose que cette distinction du moi et du sujet appelle.-A. Le sujet sévèrement distingué du moi. Paris. cit. Que la formation de l’individu dépende radicalement des conditions de la culture. spécialement en ce qui concerne les effets rétroactifs du complexe 7 8 9 Ibid. non pas avec les développements des années 20' mais avec ce texte de 1914.Accueil Cliquer « économie paradoxale des instincts » au profit de relations sociales soutenues par « des capacités exceptionnelles de communication mentale ». du narcissisme comme secondaire. Cette gymnastique conceptuelle traverse tout le texte jusqu’à ses prolongements cliniques et donne d’emblée l’idée qu’il n’y a pas là une simple genèse développementale mais vraiment l’idée de la structure. Miller montre que Lacan n’est pas entré non plus dans la psychanalyse par la découverte première de l’inconscient mais bien par celle du narcissisme. pour sa démonstration. Il met en évidence dans son exploration. Miller qui propose la lecture en filigrane d’« intention de signification ». La mise en évidence du premier point. « Les complexes familiaux dans la formation de l’individu ». comment s’installe une relation de méconnaissance du sujet à 6 LACAN J. la dimension de la structure. Livre IV. et en même temps le dernier complexe. p. La relation d’objet. op. Il importait à Lacan de reprendre la question à partir de la théorie du narcissisme pour mettre en valeur le moi. Il rejoint ainsi ce qu’il articulera dans le Séminaire IV où il indique qu’il « s’agit toujours de saisir ce qui. proprement symbolique. saisi dans son isolement affectif mais fort des potentialités de communication mentale. que la manière de Lacan de se poser dans la psychanalyse a été de faire barrage à l’antithèse freudienne qu’a constitué le postfreudisme. 22 . C’est ce qu’on va trouver sous le concept du complexe. C’est J. avant toute possibilité d’objectivation. la réalité et dès lors en quoi le moi se différencie radicalement du sujet. se présente dès lors ouvert à l’invention et aux effets de créations à l’infini que permet justement la culture. en démontrant la prégnance du culturel sur l’édification de l’individu. de causation du sujet. il l’est à partir de la relation narcissique. Le Séminaire. non pas comme instance constituante (moi de synthèse. 29. le complexe d’Œdipe. celui de la différenciation entre le moi et le sujet... répond à une logique plus qu’à la chronologie. Le culturel constitue ici le tissage dans lequel le sujet trouvera à s’inscrire selon les coordonnées du complexe . Le complexe c’est une pré-structure. Après avoir défini le concept du complexe et situé l’imago comme facteur inconscient du complexe. dans son cours de 1984 cité en introduction. 6 Cette distinction nette « moi-sujet ». est l’apport de la lecture de J-A. que son édification de sujet au sens. Il y a déjà dans ce texte de 1938 des accents du Séminaire XI. Il se met ainsi d’entrée en phase. Ibid. Lacan renverse l’appui que Freud pensait pouvoir trouver dans l’instinct pour éclairer le complexe en considérant à l’envers que c’est « l’instinct qu’on pourrait éclairer actuellement par sa référence au complexe » ! 8 L’idée de la structure Comment s’organise la présentation de Lacan ? II ouvre l’article. 31. moi autonome. 1994. intervenant du dehors à chaque étape. 9 L’articulation des complexes entre eux. son stade du miroir afin de rendre compte comment le moi se constitue. Lacan introduit ici. c’est-à-dire avant tout moi constitué. réorganise..-A.. propose J. p. développé plus tard. comme je l’ai déjà signalé. comme instance éminemment culturelle. réponse culturelle à l’économie paradoxale des instincts. comme en creux. Je propose d’entendre dans ce titre de "formation" moins l’éducation de l’individu dont chacun s’accorde en effet à penser qu’il est un fait de culture. A la fois le mode de résolution du complexe précédent conditionne les réponses possibles à l’étage supérieur. p.. 199. Miller. Et Lacan le fait en prenant pour point de départ l’Introduction au narcissisme. 42. 7 Et au fond J. p. A partir de là. Autres écrits. Miller. L’article se termine sur les prolongements cliniques que permettent les développements de la première partie. 550. et le complexe d’Œdipe où enfin le père s’avance. Paris. celle de l’objet comme perdu. Seuil. Imago de la relation nourricière. −L’activité du complexe « répète dans le vécu la réalité ainsi fixée. 23 . 2001. Le complexe d’intrusion ne fait émerger aucune figure qui viendrait authentifier la reconnaissance de l’autrui et donner à la réalité un caractère autre qu’imaginaire. mais comme venant. p. « Les complexes familiaux dans la formation de l’individu ».. 10 Vous avez là le mécanisme de la répétition. ce développement partiel éclaire les phénomènes psychotiques. 11 Ainsi. « D’une question préliminaire à tout traitement possible de la psychose ». 1966.. comme représentation inconsciente du complexe. c’est-à-dire le « voile du mirage narcissique » 13 i solé de toute intervention symbolique authentifiante. l’imago. d’un autre monde que le monde des relations objectales de la prime enfance.-A. Le complexe. LACAN J. L’élément fondamental du complexe est l’imago en tant que représentation inconsciente. Au fond. Écrits. Le groupe familial décomplété Il est à souligner qu’il nous faut attendre le complexe d’Œdipe pour voir apparaître une figure symbolique dans ce processus de maturation psychique. est déjà une mise en forme de l’objet qui trouvera à s’éclairer plus tard lorsque Lacan distinguera objet et signifiant. si je puis dire. la façon dont s’articulent les complexes entre eux est proprement ordonnée à partir d’un point de carence. tel mais qui est là comme une pierre d’attente à ce qui va suivre. qui n’est certes pas conceptualisé comme 10 11 LACAN J. Ces trois complexes dont Lacan se sert pour rendre compte du développement psychique se déclinent en trois scansions : le complexe de sevrage. Paris. une préfiguration de l’objet Lacan définit le complexe comme « reproduisant une certaine réalité de l’ambiance » à une certaine étape du développement psychique. J. Vous reconnaissez là le mécanisme de la fixation. Ibid. Lacan présente le complexe dans « sa manifestation de carence objective à l’égard d’une situation actuelle » qu’il appelle « épreuve au choc du réel ». imago de l’autre ou du double et enfin imago du parent du même sexe ou imago paternelle. Miller accorde manifestement peu de faveur au complexe d’intrusion qui le précède. C’est un Lacan visionnaire qui se révèle dans ces dernières pages. l’imago. Or le stade du miroir présenté dans cet écrit repère l’axe imaginaire seul. Mais du même coup. d’abord concernant les psychoses puis les névroses – et c’est une brillante leçon clinique – s’achevant sur l’avenir que le complexe d’Œdipe réserve eu égard aux conditions culturelles de l’époque.A. Autres écrits. le complexe d’intrusion que Lacan articule à partir de son stade du miroir pour mettre en valeur le narcissisme comme secondaire. Seuil. p. cette étape spécifie sa genèse ». et cela de deux façons : −La forme du complexe « représente cette réalité en ce qu’elle a d’objectivement distinct à une étape donnée du développement psychique . intrusion et Œdipe. celui dont Jacques-Alain Miller fait remarquer que le nom même de sevrage met d’emblée l’accent sur l’objet en tant que perdu. 28. 46. Lacan évoque ainsi ce qu’il appelle « le groupe familial décomplété » comme très favorable à l’éclosion des psychoses et chacun entend se profiler dans cette formule une 12 13 Ibid. en tant qu’il ne dessine qu’une partie du futur schéma en X que nous connaissons et qui représente précisément l’axe imaginaire comme venant s’interposer sur l’axe où le sujet trouverait sinon à réaliser symboliquement son être. 12 Lacan voit dans cette conjonction paradoxale l’« idéal de promesse » qui conduira l’enfant vers le devenir humain le plus prometteur et le plus riche en effets de création. chaque fois que se produisent certaines expériences qui exigeraient une objectivation supérieure de cette réalité ».Accueil Cliquer d’Œdipe sur les deux qui le précèdent : le complexe de sevrage et le complexe d’intrusion. Miller propose de considérer qu’il y a ici comme une anticipation voire plusieurs anticipations de l’objet. C’est sans doute pour cette raison que J. Je relèverai la plus exemplaire. Le père n’y intervient que comme fonction où se conjoignent sur un seul individu « l’agent de l’interdiction sexuelle » et « l’exemple de sa transgression ». Avec fixation et répétition nous avons le mode de fonctionnement du complexe qu’il faut alors articuler logiquement aux trois complexes que Lacan présente chronologiquement : sevrage. une pré-structure. p. . dessine un complexe psychique où la réalité tend à rester imaginaire ». Cette réactivation de l’imago maternelle se présente dans chaque situation où il y a une perte de l’objet. indiquant ainsi que la tendance contrairement à l’instinct n’est pas inscrite dans le biologique comme Freud voulait le montrer mais dans l’insuffisance du biologique à quoi le symbolique supplée. Le complexe d’intrusion ne fait émerger aucune figure qui viendrait authentifier la reconnaissance de l’autrui et donner à la réalité un caractère autre qu’imaginaire. 14 L’imago maternelle. dès qu’une situation réactive l’imago maternelle. 68. Pour Lacan l’insuffisance du biologique trouve sa raison dans la prématuration foncière de l’humain. le sujet cherche à retrouver l’imago de la mère ». Autres écrits. réduit à la mère et à la fratrie. Ainsi. Et Lacan évoque le FortDa comme pratique masochique qui consiste à renouveler inépuisablement l’exclusion de l’objet comme pour s’infliger à chaque fois le pathétique du sevrage. c’est la tendance à la mort qui est la réponse « supplétive ». 24 . Lacan signale – c’est déjà une thèse freudienne – que « l’abandon des sécurités que comporte l’économie familiale a la 15 Ibid. Paris. est le moment où se reproduit le malaise du sevrage pour son dépassement. A la page 39 des Autres écrits. en tant qu’il ne dessine qu’une partie du futur schéma en X que nous connaissons et qui représente précisément l’axe imaginaire comme venant s’interposer sur l’axe où le sujet trouverait sinon à réaliser symboliquement son être. même si l’enfant en triomphe maintenant qu’il est actif dans sa reproduction. […] Nous avons rencontré constamment ces délires dans un groupe familial que nous appelons décomplété. à savoir dans le "couple psychologique" formé d’une mère et d’une fille ou de deux sœurs [Lacan renvoie ici à son étude sur les sœurs Papin]. l’imago maternelle devient facteur de mort. à savoir que. Or le stade du miroir présenté dans cet écrit repère l’axe imaginaire seul. Lacan utilise la formule de « rôle de doublure intime que joue le masochisme dans le sadisme […] qui a conduit Freud à affirmer un instinct de mort ». A la page 45 des Autres écrits vous trouvez ceci : « […] le groupe familial. plus rarement – signale-t-il encore – d’une mère et d’un fils ». p. régime de famine des névroses gastriques. p. Dès lors. c’est-àdire pour sa sublimation. 35. sur les sœurs Papin]. empoisonnement lent de certaines toxicomanies par la bouche. facteur de mort Revenons sur le complexe de sevrage pour évoquer son issue régressive. comme le propose J. 15 Dans un registre moins morbide. Par là chaque situation où se produit une perte de jouissance réactive l’imago maternelle et peut à l’occasion faire tendre le sujet vers cette mort non violente et silencieuse qu’est la retrouvaille avec le grand Tout. « C’est – écrit-il – dans les délires à deux que nous croyons le mieux saisir les conditions psychologiques qui peuvent jouer un rôle déterminant dans la psychose. Miller. Lacan met en exergue une forme de suicide très spéciale qu’il caractérise comme suicide nonviolent : « grève de la faim de l’anorexie mentale. dans son abandon à la mort. là où l’isolement social auquel il est propice porte son effet maximum. dessine un complexe psychique où la réalité tend à rester imaginaire ». C’est à ce propos que Lacan mettra en valeur le couple mère-fille comme couple psychologique spécialement sensible au délire à deux. Lacan parlera d’ailleurs de tendance à la mort et non pas d’instinct de mort. Lacan évoque ainsi ce qu’il appelle « le groupe familial décomplété » comme très favorable à l’éclosion des psychoses et chacun entend se profiler dans cette formule une prémisse de la forclusion. là où l’isolement social auquel il est propice porte son effet maximum. c’est-à-dire finalement. C’est à ce propos que Lacan mettra en valeur le couple mère-fille comme couple psychologique spécialement sensible au délire à deux. si je puis dire. « C’est – écrit-il – dans les délires à deux que nous croyons le mieux saisir les conditions psychologiques qui peuvent jouer un rôle déterminant dans la psychose. propose-t-il. Seuil.Accueil Cliquer prémisse de la forclusion. ce développement partiel éclaire les phénomènes psychotiques. Ce masochisme primaire. 14 Il accorde manifestement peu de faveur au complexe d’intrusion qui le précède. « Les complexes familiaux dans la formation de l’individu ». […] Nous avons rencontré constamment ces délires dans un groupe familial que nous appelons décomplété.. non sublimée. 2001. à savoir dans le "couple psychologique" formé d’une mère et d’une fille ou de deux sœurs [Lacan renvoie ici à son étude 14 LACAN J. A la page 45 des Autres écrits vous trouvez ceci : « […] le groupe familial. une perte de jouissance. plus rarement – signale-t-il encore – d’une mère et d’un fils ». L’analyse de ces cas montre que.-A. Mais du même coup. c’est-à-dire le « voile du mirage narcissique » 13 isolé de toute intervention symbolique authentifiante. réduit à la mère et à la fratrie. en refusant les discours qui voudraient imposer quelque modèle pédagogique que ce soit. il s’agira de voir si l’évolution actuelle peu favorable à l’institution du mariage se confirme. 84. surgissement. cit.. 19 Cet envers a pour effet le 16 17 18 19 Ibid. Il met 20 21 MILLER J-A. 18 C’est sur cette base que sont fondées. 60. 36. 20 Le père n’incarne quant à lui une fonction profondément humanisante que s’il concentre sur son imago la fonction de la répression avec celle de la sublimation. 1992. L’élan culturel est donc de ce fait tari à la source. p. c’est-à-dire qu’il n’y a pas. dans ces cultures de troubles névrotiques ! Mais Lacan décourage immédiatement ceux qui voudraient y voir un solution paradisiaque. p. source de l’élan culturel Lacan introduit le complexe d’Œdipe en le situant dans son rapport à l’histoire de la famille paternaliste. La fonction de la répression est dévolue à l’oncle maternel alors que le père joue un rôle de compagnon de route et de maître en techniques. p. Lacan prend une source ethnologique pour éclairer sa thèse selon laquelle c’est la famille paternaliste qui donne potentiellement le plus grand élan culturel. le mariage en 1938 est repéré comme le pas décisif qui a donné à la famille sa structure moderne en tant qu’il renverse la prépondérance sociale de la famille au profit du libre choix du mariage. La fonction du père. leçon du 29 janvier 1992.. Il prend ce fait ethnologique pour preuve que « l’ordre de la famille humaine a des fondements soustraits à la force du mâle ». 16. Feuillets du Courtil. Lacan signale qu’il n’en a pas toujours été ainsi et en veut pour preuve les traces persistantes universellement d’une structure matriarcale de la famille. morale et créative empruntée d’une grande stéréotypie. le revers en est une production artistique. Eric Laurent avait commenté ce point à l’époque où l’on parlait de la secte Sri Aurobindo. pp. « La nature des semblants ». LAURENT E. En effet.. 9 – 20. p. la définition du père n’est pas à aller chercher dans un mythe des origines comme Totem et Tabou mais dans l’histoire de la famille paternaliste ellemême. mais à l’histoire de la famille paternaliste.. En effet. Ainsi. LACAN J. 4. les institutions du RI3. l’utopie sociale – il en signalera d’autres non plus à partir de l’issue régressive du complexe de sevrage mais à partir de l’abâtardissement du complexe d’Œdipe – l’utopie sociale donc que constituent tous les projets totalitaires qui confinent à l’harmonie universelle. « Institution du fantasme. cours inédit. Lacan précise sa position et sa « Note sur l’enfant » permet de prendre la juste mesure des effets de la position nouvelle du mariage comme n’instituant plus en chaque cas la famille moderne. ce qui le conduira à parler. Malinovsky a repéré qu’il y avait une séparation des deux fonctions de répression et de sublimation.. En 1969. En se gardant de se faire les porte-drapeaux de tout projet éducatif. il fait ici une prédiction funeste : « Tout retour. spécialement pour l’enfant mâle. et dégager les effets de ce déplacement. ces institutions ont développé une pratique originale non-oedipienne. 25 . Que peut transmettre une famille ? Eric Laurent a mis en valeur l’importance accordée dans ce texte à l’institution du mariage comme accomplissement de la famille.. C’est là le ressort le plus décisif du complexe d’Œdipe et ce ressort tient non pas à un mythe des origines dont tout concourt à penser qu’originairement les groupements humains étaient organisés selon une structure matriarcale. Eh bien cela donne un autre Œdipe. 21 Comme le proposait Dominique Laurent lors de la récente journée des AE. toute tentative de rationalisation éducative. LAURENT E. reconnaissant à la seule institution familiale une puissance formatrice sans précédent. d’une fonction émasculante lorsqu’il a affaire à une mère qui s’érige en reine des idéaux. op. en se mettant en rupture avec toute tentative d’ailleurs vaine d’une quelconque réduplication du modèle de la famille. Lacan met en garde contre tout projet d’éducation universalisant. tout à la fin de l’article de « l’occultation du principe féminin sous l’idéal masculin » comme l’envers de cette préférence culturelle pour le mâle. 16 Et Lacan signale déjà. fût-il partiel.. Il note que dans ces organisations matriarcales la répression de la sexualité était souvent très rigoureuse. à cette retrouvaille avec le grand Tout. 17 Dans un registre moins délirant. Dans les cultures matriarcales du nordouest de la Mélanésie. fantasme de l’institution ». à ces sécurités peut déclencher dans le psychisme des ruines sans proportion avec le bénéfice pratique de ce retour ». cit.Accueil Cliquer portée d’une répétition du sevrage […] ». et cette source c’est le père lorsque sa culture concentre sur sa seule personne l’élan de la sublimation et l’exercice de répression sociale. Il montre que le père de l’Œdipe n’est rien moins que « produit » par l’institution familiale.. ibid. par exemple. op. p. On entend dans cette phrase. *Jacques-Alain Miller nous indique l’alpha de cet ouvrage. Il se dégage en effet de ce texte l’idée qu’il pourrait se trouver d’autres modes que paternaliste pour occuper cette fonction. op. publié également dans les Autres écrits : «… ou pire ». Letterina. 2001. Ce sera la pointe la plus avancée de l’enseignement ultérieur de Lacan que d’inventer une clinique qui pluralise la fonction ici définie pour en faire une clé « sinthomatique ». plutôt veut-il en dégager le ressort. « Note sur l’enfant ». « Le père. C’est ce qui fait de la famille ce « champ clos et loyal » où le sujet pourra se mesurer avec les figures les plus profondes de son destin. dans le même texte. 23 C’est dans le déplacement de la fonction qu’occupe le père que peuvent se lire les enjeux futurs de la civilisation.. 26 . comme un pierre d’attente à une autre dimension. 20. nous ne pourrions manquer d’évoquer que même si Lacan attribue à la famille « une puissance qui dépasse toute rationalisation éducative ». C’est ce que Lacan va considérer en 1969 être de l’ordre « d’une constitution subjective. une place vide ». c’està-dire n’est pas réel. MILLER J. Cf.Accueil Cliquer donc l’accent sur le lien symbolique qui unit le conjugo plus que sur la généalogie et les liens du sang. Seuil. Il ajoute immédiatement qu’il ne faut pas compter sur lui pour s’en affliger. Lacan situe dans ce relâchement la cause d’un grand nombre d’effets psychologiques et en voit le ressort dans le déclin social de l’imago du père.. Bulletin de l’ACF-Normandie. C’est un texte qui fait la paire avec « Le temps logique et l’assertion de 1 22 23 LACAN J. 373. combien plus puissante et subversive. « Prologue » des Autres écrits. 19. Cette fonction – paternaliste par un effet qui reste non défini dans l’histoire – centre l’exposé des « Complexes familiaux » de telle façon qu’elle reste ouverte à la contingence. LAURENT E. n’est qu’un semblant ». Il y a certes des textes plus anciens dans les Autres écrits mais leur présence dans le volume qui a cette perspective de ligne de fuite en renouvelle leur lecture. cit. Il reste que ce déclin de l’imago paternelle ne permet plus d’avoir à portée de main la clé concernant le père. Le nombre treize Le titre exact est « Le nombre treize et la forme logique de la suspicion ».-A. 8. Une psychanalyse permet en effet de pratiquer rétroactivement ce savoir en jeu concernant le père. 1 Par ailleurs il nous indique aussi le point de fuite du volume vers le dernier enseignement de Jacques Lacan avec l’abord du réel par le concept de jouissance au-delà du sens. C’est dire qu’il minoré les lois de la filiation au profit des lois de l’alliance. impliquant la relation à un désir qui ne soit pas anonyme ». Ce que la famille transmet c’est un nom pour le désir et ce désir concerne « la vérité du couple familial ». dès 1938. C’est l’enjeu d’une analyse qu’un sujet puisse vérifier ce qu’aura été un père pour lui. en le mettant partiellement en perspective avec des commentaires de Jacques Lacan dans un autre texte. A la fin de l’écrit il prédit à l’aventure paternaliste de déboucher sur des phénomènes de masse – aujourd’hui avérés – tels que le féminisme nombre d’effets et l’homosexualité 23 psychologiques et en voit le ressort dans le déclin social de l’imago du père. dans cette prépondérance accordée au lien qui unit le couple parental. Nous ne connaissons à ce jour qu’une seule pratique qui puisse y concourir. * Exposé présenté le 20 octobre 2001 lors d’une après-midi organisée par l’ACF-Belgique et Quarto sous le titre : « Les Autres écrits de Jacques Lacan ». Paris.. Alors pour conclure. Logique de la suspicion Alexandre Stevens Dans le prologue des Autres écrits. 22 La famille conjugale soutient là « une fonction de résidu » qui serait d’une autre portée que la seule institution du mariage. plus tardif. à partir de quoi il pourra sortir de l’errance de notre temps et commencer à s’orienter vraiment. qu’il se produit un relâchement du lien familial. texte rarement commenté. J’ai choisi donc d’aborder ici un des textes les plus anciens : « Le nombre treize ». A la fin de l’écrit il prédit à l’aventure paternaliste de déboucher sur des phénomènes de masse – aujourd’hui avérés – tels que le féminisme et l’homosexualité. Mais il y a. l’accent fort donné par Lacan à l’appui identificatoire que doit trouver un sujet dans une famille. Autres écrits. p. p. c’est-àdire son point d’entrée qui se noue avec la fin des Écrits : « le petit a [qui] est seulement le noyau élaborable [de la jouissance] dans un discours. un effort éthique.. Cette ignorance a priori de ce qu’est un père produit errance et tristesse : elle suppose donc un effort supplémentaire. il s’accorde à penser. 1998. sans qu’on sache si elle pèse plus ou moins que les autres. Comme dans l’apologue des trois prisonniers.. J’invite le lecteur d’y songer ou de se référer au texte. de façon à ce que trois pièces passent du plateau de gauche au plateau de droite. 2 longuement commenté par Jacques-Alain Miller à son cours. LACAN J. moins lourde que les autres si elle est dans le plateau de droite. est mis de côté. c’est-à-dire que le résultat à la première pesée est égal (-). cinq pièces. Ensuite il nous montre une solution du problème du nombre treize en trois pesées.. Si le résultat est d’une différence entre les deux plateaux ( + /-ou – / + ) nous sommes en situation de « suspicion divisée ». soit le plateau de droite est plus lourd (-1 + ) et dans ce cas la mauvaise est dans les trois qui ont changé de plateau et elle est plus lourde. Prenons pour exemple le cas où le résultat de la première pesée était celui où le plateau de gauche pèse plus que celui de droite ( + /-). C’est-à-dire que ce problème porte. trois résultats sont possibles lors de la deuxième pesée. le trois ici insiste. et trois des cinq pièces restantes passent au plateau de gauche.-A. la liquidation du problème de découvrir la mauvaise entre deux ou trois pièces par une troisième pesée est d’une simplicité extrême.. 88. c’est-à-dire que nous avons quatre pièces qui « ne sont suspectes que d’être lourdes ». et on a droit à trois pesées pour découvrir la pièce différente que Lacan appelle « la mauvaise ». nous pouvons dire que deux sortes de résultats sont possibles : soit il y a une 2 3 4 LACAN J.Accueil Cliquer certitude anticipée ». MILLER 1. il s’agit de découvrir la faille de l’impasse. Autres écrits. Jacques Lacan nous dit qu’elle consiste en une « invention opératoire » plutôt qu’à faire fonctionner la « machine à penser ». 197-213. plus lourde que les autres si elle est dans le plateau de gauche. 27 . trois pièces sont extraites du plateau de droite et quittent la balance. 86. La solution De la solution. note p. 1999-2000. 4 Bien que « Le nombre treize » fut publié un an après « Le temps logique » Jacques Lacan précise que dans la forme qu’il développe il est logiquement antérieur au « Temps logique ». la mauvaise est dans les cinq restantes. Seuil. soit encore c’est le plateau de gauche qui est plus lourd ( + 1-) et alors la mauvaise est une des deux pièces qui n’ont pas bougé sur les plateaux. sur l’absolu de la différence. un groupe de quatre sur chaque plateau. cours (inédit). pp. 2001. Voici l’énoncé du problème (avec le nombre treize) : il y a treize pièces d’apparence semblable dont une a un poids différent. et quatre qui « ne sont suspectes que d’être trop légères ». Paris Seuil. Le restant. ce qui veut dire que la mauvaise est dans les trois exclues et qu’elle est plus légère que les autres. « Les us du laps ». vous le verrez. On dispose également d’une balance à deux plateaux. ajoute-t-il. La première pesée consiste donc à comparer deux groupes de quatre pièces.. Le problème Lacan résout dans « Le nombre treize » un problème logico-mathématique qui lui a été d’abord proposé avec douze pièces. La première pesée est une disposition tripartite des treize pièces : huit pièces sont posées sur les deux plateaux de la balance. Il s’agit de faire tourner trois pièces de chacun des trois groupes (les deux plateaux et le reste). Écrits. le plateau de droite est plus lourd (-/ + ). Pour inventer cette opération. p. « Le temps logique et l’assertion de certitude anticipée ». Ibid. soit les plateaux s’équilibrent et alors elle est dans les cinq restantes. La procédure de la deuxième pesée sera différente selon ces deux sortes de résultats. 6 Si par contre les deux plateaux s’équilibrent à la première pesée. 5 Dans ce cas on doit opérer ce que Lacan appelle une « rotation tripartite » ou le « tri ». 5 6 Ibid. Ensuite il poursuit et démontre que la solution peut s’étendre à treize pièces. différence entre les plateaux. 90-91. Dans ce cas. après la rotation tripartite : soit une égalité entre les deux plateaux. et même se généraliser à des nombres aussi élevés qu’on le souhaite. « Le nombre treize et le forme logique de la suspicion ». Dans les trois cas. Trois résultats sont possibles : le plateau de gauche est plus lourd ( + /-). 1966. ou ils sont égaux (-). ce qui veut dire que la pièce mauvaise est parmi les huit qui sont sur les plateaux. 3 Ce sont deux textes sur la « logique collective ». Paris. En terme de la différence absolue. pp. La deuxième pesée doit alors adopter la position « par-trois-et-un » pour ces cinq pièces. . 99. Lacan propose l’application d’une rotation triple 7 équivalente à la rotation tripartite décrite ci-dessus. LACAN J. Cette singularité de la dite pièce n’est pas dans tous les cas dévoilée par la pesée. à charge du désir de l’analyse. p.. C’est une prise du un par un sur le « tout » de la collection. Autres écrits. Bien qu’antérieur à la formalisation par Jacques Lacan des rapports du sujet au signifiant. dit-il. comme l’écrit Lacan dans la « Préface à l’édition en langue anglaise du Séminaire XI ». 28 . « Préface à l’édition anglaise du Séminaire X1 ». le sujet est a priori entièrement calculable et totalement déductible du signifiant. c’est un texte qui porte sur la primauté du signifiant (ou d’une logique de structure) sur le phénomène. C’est le sujet comme choix. op. une bonne pièce est introduite. Ce qui donne une solution. on augmente le nombre de pièces parmi lesquelles peut être trouvée la différence (la mauvaise pièce). la deuxième pièce provient des cinq restantes. cit. le plus de jouir. Lacan fait remarquer que la racine de la forme de la suspicion est l’absolu de la différence. p. de nouveau en situation de suspicion divisée. Dans « Le nombre treize » il y a suspicion ambiguë. Dans « Le nombre treize ». la mauvaise c’est la bonne. Dans l’autre plateau. La différence absolue Mais il me semble qu’on peut en dire un peu plus. 573. Sur le même plateau..Accueil Cliquer des signifiants. Il ne s’agit plus alors d’un S1 d’une identification majeure du sujet qui fait la différence. Lacan écrit d’ailleurs en toutes lettres qu’il cherche là «… dans les nombres une fonction génératrice pour le phénomène. quand il oppose I et a. Si on considère les pièces comme la série 7 8 Ibid. p. comme l’écrit Lacan dans la « Préface à l’édition en langue anglaise du Séminaire XI ». un trop ou un trop peu. c’est-à-dire une pièce parmi les huit de la première pesée (c’est la pièce noircie illustrée cidessus). Nous pouvons comparer et opposer ce texte au « Temps logique ». Cette structure montre donc la prise en compte du particulier de la différence dans l’universel des pièces. la troisième pesée liquidative est facile à découvrir. dans les dernières pages du Séminaire XI. C’est-à9 Dans un des plateaux. Nous sommes là. 93. Et nous pouvons avec le petit a reprendre le « Nombre treize » pour remarquer ceci : ce qui particularise la mauvaise pièce c’est un plus ou un moins de poids. mais de ce qui échappe au signifiant : le a. Le calcul se fait sur l’Autre pour déduire le sujet qui n’est pas rangé en rang d’oignon mais qui apparaît dans sa singularité. Dans « Le temps logique » le sujet se présente comme affirmation subjective par rapport à l’Autre (c’est le moment de conclure) après un calcul qui attend le mouvement de l’Autre (temps pour comprendre). soit une différence et elle est dans les trois inconnues qui sont sur les deux plateaux. Les deux pièces restantes de ce groupe sont mises de côté. c’est le S1 particulier d’une identification du sujet. Pour désigner la mauvaise dans le deuxième cas de la suspicion divisée. 9 aussi nous faire penser à la balance de la passe où se présentent « des épars désassortis ». dans le « Temps logique » certitude anticipée. Ainsi en vingt-six coups – à condition d’opérer de la bonne manière – on peut trouver la mauvaise pièce parmi plusieurs milliers de milliards de pièces. Ibid. à la « balance du jugement dernier ». comme affirmation et non comme totalement déductible.… ». Dans cette deuxième pesée nous avons de nouveau trois résultats possibles : soit une égalité des deux plateaux et dans ce cas la mauvaise est dans les deux restantes. Jacques Lacan généralise le problème : en augmentant le nombre de pesées. et qu’une série de pesées permet d’isoler cette différence sans équivoque. « un rêve qui hante les hommes »… mais qui pourrait aussi nous faire penser à la balance de la passe où se présentent « des épars désassortis ». le couple de pièces provient aussi du même groupe de cinq. Dans le premier cas. 8 Mais c’est aussi un texte qui porte sur le sujet comme entièrement calculable au signifiant. Le lecteur pourra constater facilement que cette procédure permet de découvrir la mauvaise.. 9 La pesée de la différence doit en effet s’entendre aussi au sens de la différence absolue qu’il met. L’absolu de la différence En conclusion. 551. Il sait ce qu’il a à faire. la question n’est pas la découverte de l’inconscient. Ibid. C’est une singularité qui échappe donc au jeu de la pure différence. cours (inédit). LACAN J. Ce plus ou ce moins reste donc voilé dans le problème. « ce qui va fort bien à isoler le sujet des quatre ».. Ce n’est donc pas forcer les choses que de voir ici la forme logique de la position par troiset-un du nombre treize. p. *Exposé présenté le 20 juin 2001 lors d’une soirée mensuelle de l’ECF à propos des Autres écrits. qui dans le symbolique a sa matière préformée. C’est sa définition : il suppose un "sujet" ». est plus essentiel pour atteindre un réel. 2000-2001. mais pas forcément la nature de sa différence. de calculer. C’est dans ce texte notamment que Lacan fait valoir que la pratique qui relève d’un dispositif. p.Accueil Cliquer dire qu’en trois coups on ne peut pas dans tous les cas dire si elle diffère par un plus ou par un moins. op. cit. qu’une théorie qui en rend compte. «… ou pire ». On peut seulement dire qu’elle est différente. Qu’on se rappelle que dans ses premiers textes Freud opposait le trauma chez l’hystérique et chez l’obsessionnel sur ce trait : un trop peu de plaisir ou un trop de plaisir a accompagné le trauma.. Nous pourrions dire aussi bien que c’est ce qui est en jeu dans la logique de la suspicion du « Nombre treize ». * * Une pratique du réel Mais pour ce saut je me référerai plutôt ici à un autre texte des Autres écrits : «… ou pire ». soit ce que j’ai articulé comme le discours analytique ». Autres écrits. 29 . 12 Ce qui pense. calcule et juge. C’est aussi ce qu’a commenté Jacques-Alain Miller dans les derniers cours de l’année 2000-2001. « Au reste. mais de la création du dispositif dont le réel touche au réel. il y a une pratique. Ce plus ou ce moins peuvent ainsi être lus en terme de plus de jouir. Pour cela. c’est la jouissance » écrit Lacan par la suite. par contre. Et il ajoute plus loin que la répétition se fonde du trois. voire de juger. Lacan poursuit : pour élever l’impuissance à l’impossibilité logique « il y suffit de savoir compter jusqu’à quatre ». 11 Eh bien ! Dans ce même texte il écrit ceci : « II est donc vrai que le travail (du rêve entre autres) se passe de penser. il faudrait une pesée de plus. 548.-A.. celui de la psychanalyse. 10 Il n’y a pas une mais des théories psychanalytiques. « Le lieu et le lien ».. 10 11 12 MILLER J. les délices de Lacan : « Qu’est-ce que la psychologie ? ». quelques années après.. 137. qui sont des références fréquentes déjà à cette époque chez Lacan. Il serait tentant de confronter ces thèses à l’article de G. la place que la psychanalyse voudrait avoir dans la culture. contient pourtant des éléments de réflexions qu’on ne retrouve pas tels quels dans le rapport « Fonction et champ de la parole et du langage en psychanalyse » 1 auquel il sert d’introduction. cela en fonction d’une dégradation des concepts de la psychanalyse depuis vingt-cinq ans nous dit-il. 1994. syntagme qui. Par ailleurs. « Discours de Rome ». Il semble que le cœur de l’intervention de Lacan est à situer entre discours de la science et fondements de la psychanalyse. 3 II ne pose pas la question positiviste de la scientificité de la psychanalyse mais plutôt met la science au pied du mur de l’éthique dont la psychanalyse se prévaut. 1966. 4 Par rapport à cette exigence. l’invitation est faite à ses élèves d’accorder plus d’importance à Wittgenstein. 1956. Vrin. Elle réduit en effet le réel au signal. « La science et la vérité ».Accueil Cliquer L’esprit lacanien Introduction à la lecture du « Discours de Rome » Serge Cottet déborde. et Études d’histoire et de philosophie des sciences. n’est pas spécialement articulé sur le signifiant saussurien et la nécessité de son importation dans le champ freudien. Outre Hegel. prépare sans doute le terrain à l’introduction de la linguistique comme science dans le discours psychanalytique. pp. C’est en tant qu’il est silencieux qu’il peut être intelligible. Seuil. la conception utilitariste que l’industrie capitaliste. En fait. truffé de références philosophiques. et Jaspers. Ce point de vue rationaliste. aux accents swiftiens. caractéristique de la coupure scientifique de L’heureuse idée qu’a eue Jacques-Alain Miller de rééditer le « Discours de Rome » nous donne l’occasion d’actualiser les réflexions d’alors sur lesquelles l’École de la Cause Freudienne est au travail. la dégradation de l’interprétation du cogito cartésien vers l’introspection du moi dont Maine de Biran se fera l’artisan. pp. notamment l’opposition de la psychothérapie et de la psychanalyse. Il est vrai que ce thème est assez récurrent dans les écrits de Lacan. Paris... Paris. 1966. Paris Seuil. à savoir : « Le réel à quoi l’analyse s’affronte est un homme qu’il faut laisser parler ». Heidegger et Bentham qu’à Anna Freud ou Fenichel. 237-322.. Il souligne un malaise interne à la psychanalyse qui n’est pas uniquement le résultat de déviation théorique ou de compromission moralisante. Ibid. Canguilhem dénonçait les origines philosophiques refoulées de la psychologie des facultés en isolant spécialement deux pôles.. Descartes. Lacan plonge plutôt dans des données culturelles moins techniques et plus ouvertes à l’air du temps. G. LACAN J.. « Qu’est-ce que la psychologie ? ». Deuxièmement. et de loin. 2001. 2 Dans cet article. la science n’est définie ni par la vérité. « Fonction et champ de la parole et du langage en psychanalyse ». qui prévaut depuis l’analyse de la grande industrie par Marx. Ce texte. Premièrement. op. fait déjà l’objet d’une critique qui n’aura cesse dans l’oeuvre de Lacan. Nous nous interrogeons donc sur la fonction à donner à cet ensemble de références culturelles qui 1 LACAN J. p. L’ombre néfaste de la psychologie s’étend toujours plus loin en édulcorant la découverte freudienne justement considérée par Lacan comme un « retour des Lumières ». On a beaucoup glosé sur cette désertification du monde. 855-877. ce texte présente des analogies avec « La Science et la vérité ». Le monde doit se taire et n’a pas à être interprété. réédité dans Cahiers pour l’analyse. qui oppose préjugés de la psychologie à rationalité de la découverte de l’inconscient. 136. Conférences au Collège philosophique. 30 . cit. 2 3 4 5 CANGUILHEM. Canguilhem qui fera. la culture générale à laquelle devrait prétendre le psychanalyste. Autres écrits. ni même par la nécessité d’une élucidation du réel. ce texte. peu connu et rarement commenté. LACAN J. à l’époque du « Discours de Rome ». Écrits. fait du sujet humain lui-même un instrument dont on doit mesurer les performances. 5 en ceci qu’elle réduit le réel au mutisme. Ce rapport au réel contribue à disqualifier la notion vague de réalité psychique. p. Il s’appuie notamment sur des philosophies sensibles à la dialectique du réel et du sens.. Lacan se fait le continuateur d’une tradition critique qui refuse à la psychologie toute valeur scientifique depuis Auguste Comte. la littérature contemporaine pourfend tous les aspects du roman psychologique avec Céline. Lacan combine une interprétation freudienne du symptôme et du désir avec le désir de reconnaissance de Hegel. Paris. depuis Pascal jusqu’à Michel Foucault dans Les mots et les choses. dans les années cinquante. notamment des impératifs de sélection et d’adaptation scolaire : c’est ce qui motive les travaux de Wallon. cit. Il est vrai que deux de ses élèves présents. 8 fait écho à cette tradition. vingt-cinq ans plus tard dans « Télévision ». comme les études sur l’apprentissage de Piaget. La critique lacanienne des « états d’âme ». Lagache 7 et Anzieu. A moins que Lacan ne s’adresse à un public qui. toute puissance dans les années cinquante. Beckett et Joyce. Ce sera également un des axes du transfert. Lacan surmonte donc l’objection par une définition du symptôme comme nœud de signifiants.. 1949. largement répandu par l’existentialisme sartrien. comme un vouloir dire entièrement déchiffrable. pragmatiques de l’idéologie Les communistes se donnent d’ailleurs beaucoup de mal pour donner une apparence démocratique à la psychologie scolaire dont Henri Wallon est l’initiateur en France. Hermann. se situe alors dans la parole même. Paris. Cette coupure. op. L’unité de la psychologie – Psychologie expérimentale et psychologie clinique. Lacan cite les Anglais : « on ne peut manger son gâteau et le garder » comme Auguste Comte constatait qu’« on ne peut être au balcon et se regarder passer dans la rue ». pp. de l’imaginaire et du symbolique est plus marquée ici que dans « Fonction et champ de la parole et du langage… ». peut-être. fait objection au mythe de la liberté. se rattache à des courants de pensée assez extérieurs au freudisme. si c’est le réel lui-même qui parle. conséquences bourgeoise. Ajoutons encore l’influence du marxisme. n’est pas complaisante à l’égard de la psychologie. elle fonde le pacte symbolique. ont l’air visés. On peut s’étonner aujourd’hui de l’influence que pouvait avoir le phénomène psychologique auprès des élèves de Lacan. On voit que la référence philosophique se double d’une exigence éthique comme nous l’avons vu à propos de l’impératif anti- 31 . 1995. Par ailleurs. qui serve de fondement à la psychanalyse et surmonte le dualisme de l’objectif ou du subjectif. Il faut donc rechercher ailleurs les causes de cette infiltration d’un vocabulaire à la fois utilitariste et pseudo-philosophique dont s’est habillée la psychologie pour pénétrer le corpus freudien. PUF. Des exigences plus prosaïques conditionnent son émergence. n’est pas encore acquis à l’idée d’un malentendu possible avec la psychanalyse. Il en résulte que l’écoute analytique n’est plus relative aux facultés et aux limites subjectives de l’entendeur. Cette référence à la tripartition du réel. Ce sont des auteurs pour lesquels la coupure psychanalyse et psychologie n’existe pas. D’ailleurs ce texte. Elle interprète l’expérience freudienne à partir du désir de l’Autre comme désir de reconnaissance. La percée de cette discipline ne dépend d’aucune ambiance dépressive générale ou d’un symptôme d’un malaise dans la civilisation. comme nous l’avons déjà dit. est loin d’être faite. ces auteurs ne sont pas les seuls à prôner l’idéologie du moi autonome. Cependant. 8 LACAN J.Accueil Cliquer l’âge classique. contrairement à la nôtre. En même temps. qui voit dans la psychologie les 6 7 Sartre déjà combattait la psychologie académique d’un Janet dans Esquisse d’une théorie des émotions de 1938. Il en résulte que la parole a une fonction bien supérieure à la communication . « Télévision ». Cependant. LAGACHE D. La critique de l’introspection avancée par celui-ci a soustrait le phénomène psychologique à toute objectivation possible. Cette référence à Hegel chemine donc parallèlement avec le retour à Freud. Autres écrits. Dans un sens. Enfin. Cela n’est pas seulement vrai des cercles intellectuels. la recherche d’un élément matériel spécifique. 6 La conception bergsonienne de la durée est également sollicitée pour disqualifier la psychologie à servir de fondement à la moindre approche de l’inconscient. C’est dans ce contexte que Lacan se soutient de la phénoménologie. mimant l’objectivité expérimentale dans son usage des tests. 509-545. la philosophie de l’époque constitue un pôle de résistance à une discipline qui. à l’époque. Nous sommes en plein existentialisme sartrien. ces auteurs ne sont pas les seuls à prôner l’idéologie du moi autonome. Il faut donc rechercher ailleurs les causes de cette infiltration d’un vocabulaire à la fois utilitariste et pseudophilosophique dont s’est habillée la psychologie pour pénétrer le corpus freudien des auteurs pour lesquels la coupure psychanalyse et psychologie n’existe pas. la culture de l’époque.. J’ajoute que. La science fait taire le murmure de l’univers pour le réduire à la lettre pure. op. cit.. un vouloir dire qu’un vouloir jouir. Ibid. audelà du mutisme apparent que recèle l’inertie du symptôme. Dès lors qu’il est assimilé par Lacan à un nœud de langage. Reste néanmoins le thème de la « belle âme » que Lacan utilisera maintes fois dans sa description du rapport de l’hystérique à la réalité. Aujourd’hui l’assistance. obscur et non pas la fonction symbolique du symptôme.. Seul le temps est l’opérateur qui révèle le concept à lui-même. 9 Le réel de la psychanalyse n’est donc pas le réel de la science. Le symptôme lui-même se présente comme un réel qui ne parle pas. le réel est muet. Lacan lâchera quelque peu Hegel après 1953. comme censure de la vérité. Du coup. chapitres 55 et 56. dans ce contexte. d’où son objectivation par la science ou par la psychologie clinique. LACAN J. p. Dans ces conditions on comprend que Lacan puisse se désintéresser de l’obsession de Wittgenstein quant à savoir si la psychanalyse est scientifique ou pas. 148. l’exigence éthique l’emporte sur l’ontique. il passera de Saussure à LéviStrauss pour affirmer la suprématie du signifiant. 136. Ici. op. D’où une dialectique qui tient à la fois de la « grande tradition » 14 mais qui ne recoupe pas entièrement l’expérience imaginaire empruntée à Hegel. il faut le laisser parler. 16 ni Levi-Strauss des années 50-60. si son réel c’est la parole même. Autres écrits. l’un qui parle. le dispositif symbolique de l’analyse. p. Lacan considère 9 10 11 12 LACAN J. la référence n’est pas Durkheim comme dans « Les complexes familiaux ». op. qu’elle soit véridique ou mensongère. l’artifice du transfert doit le faire parler. jamais vraiment 13 14 16 Ibid. 12 Curieusement. Dans le même mouvement. La religion de l’écoute abâtardit ce dont il s’agit dans l’expérience analytique. p. à savoir le transfert. 137. pp. Il s’agit de ne pas les confondre dans l’expérience. Une remarque cependant à propos de l’écoute. C’est la pénétration du réel par le symbolique qui permet à l’interprétation d’échapper à des clichés qui font prévaloir le sens caché. à l’écoute du sens. est plus. Il est assimilé ici à une formation de l’inconscient : le symptôme. cette fois autre que celle de Hegel... Entre autres références culturelles dans lesquelles la psychanalyse compte faire entendre sa voix. On retrouve la fonction dévolue à l’idéal social dont la psychologie se soutient comme servante des idéaux de la société. En effet. LACAN J. le dénouage. Ce qui implique une dialectique de la vérité. c’est de les dénouer qu’il s’agit. le disqualifie comme réel. C’est donc l’entendeur ou l’interprète qui. Lacan attribuera au langage lui-même cette qualification corporelle dans « Fonction et champ de la parole » : il est corps subtil. « Discours de Rome ». à tous les traumatisés de la terre fait de l’écoute un nouvel opium du peuple. soulignons celle à l’anthropologie.. au signal. On notera l’aspect très contemporain du dualisme du réel et du sens. Mais Hegel n’a pas inventé la psychanalyse.. qu’ils tiennent dans un discours dont la signification détermine leur emploi et leur sens ».Accueil Cliquer wittgensteinien : « il faut laisser parler ». si séduisante que peut être leur topologie . 13 On saisit que l’opération propre du dénouage est tout à fait distincte d’aucune prise de conscience. Lacan écrit : « Le merveilleux attaché à la fonction de l’interprétation et qui conduit l’analyste à la maintenir dans l’ombre alors que l’accent devrait être mis avec force sur la distance qu’elle suppose entre le réel et le sens qui lui est donné […] ». p.. 143. Avec cet auteur. le déchiffrage et l’interprétation. A propos de l’interprétation. pour lequel le réel est rationnel.. RABELAIS « Le quart livre de Gargantua ». cit. Au contraire. 10 Il y a deux concepts du réel. cit. les paroles à entendre sont « paroles gelées ». Là. Autres écrits. « Les complexes familiaux dans la formation de l’individu ». Il faut bien dire que la psychanalyse se trouve être responsable d’une idéologie contemporaine qui a prospéré et s’est nourrie de ce signifiant : l’humanisme de l’écoute. bien compréhensible. 139. on convoque Rabelais et le chapitre X du Gargantua 11 pour procéder à leur décongélation par l’artifice de l’interprétation. Pour cette dernière. œdipien. et ceci veut dire les rendre à la fonction de parole. bien le symptôme comme un réel topologique à condition de ne pas s’y laisser séduire : « Symptôme de conversion.. 23-84. 32 . on assiste au retour des Mélanésiens dans la psychanalyse. angoisse ne sont pas là pour vous offrir l’occasion d’entériner leurs nœuds. Ibid. l’autre qui ne parle pas. inhibition. mais Maurice Leenhardt avec son Do Kamo de 1949. p. . avec le génie de la Bastille. la personne dans le fauteuil et celui qui écoute. Leenhardt permet à Lacan de préciser ce qu’il en est du sujet de l’énonciation. 23 Les psychanalystes ont rarement su se servir d’une clé Bernard Lecœur L’importance que revêt le débat actuel sur le partage entre psychothérapie et psychanalyse ne porte pas. Ces derniers qui font de la parole un acte du sujet réduisent en même temps le moi à un rôle. 156. on se dirige sûrement vers le Bazar de l’Hôtel de ville ». A nouveau. Aujourd’hui. 5. on dirait que la psychologie se légitime de la psychanalyse.. Dans « Variante de la cure type » 20 puis dans Scilicet n°1. étaient suivis d’une meute. transférentielle de ce que Lacan appelle alors « la parole pleine ». Ce débat est ancien. l’aliénation narcissique. sur la pratique. LACAN J. une fonction. le sujet qui parle. 1966. mais si l’on prend à droite. op. 323-362. il suit de près la naissance de la psychanalyse. je me permettrais de donner un conseil d’orientation à la psychothérapie. Ce débat ne vise pas tant à distinguer deux pratiques. On remarque aussi que ces études de la langue et de la grammaire canaques dégagent la fonction de la parole constituante. LACAN J. on peut aller à gauche ou à droite. quelques monuments qui commémorent. Lacan développe particulièrement les remarques de Leenhardt dans les chapitres 9 et 10 de Do Kamo sur le caractère constructif de la parole dite libre qu’on oppose à la parole « à fond perdu ». 1947. Do Kamo – La personne et le mythe dans le monde mélanésien. 146. En conclusion donc. que d’opposer le rapport entretenu ou non par chacune d’elle avec le corpus freudien.. 1968. Il en résulte une direction de la cure très univoque qui invite à la dissolution de la pelure narcissique considérée comme défense contre la reconnaissance du désir. Écrits. On remarque que la question « qui parle ? » ou « d’où le sujet parle-til ? » est parfaitement articulée dans les langues des populations en question. met l’accent sur la valeur sociale et. en direction de la rue de Rivoli. surtout en 1950. toujours fréquemment évoquée par Lacan depuis le stade du miroir. Paris. contre l’arbitraire et l’obscurantisme. 21 Lacan reviendra à nouveaux frais sur ce critère de fin d’analyse avec l’effet didactique qui doit en résulter. « Discours de Rome ». cit. ce qui n’était pas le cas du temps 17 18 19 20 21 LEENHARDT M. invités par Lacan à « descendre dans la rue ». le préjugé ethnocentrique est mis à contribution pour dissocier le sujet du lieu d’où il est regardé : le moi est un tiers que je regarde. « La psychanalyse. LACAN J. 154. p. à savoir l’annulation du moi. 1. Tout se passe comme si les psychanalystes. Le premier est celui où Freud veut obtenir une reconnaissance publique de son invention et réunit à cette fin une collectivité de partisans de la 33 . Raison d’un échec ». réduit à une fonction de méconnaissance. En revanche. ce qui implique au préalable de s’être donné les moyens de la discerner. rue Payenne. Seuil. Paris. Avant l’usage qu’il fera de Damourette et Pichon. 19 Le moi se trouve. délaissant les mérites comparés de l’or et du plomb. Le caractère social de cette disjonction. un semblant. « Variantes de la cure-type ». pour nous. 145. de Lacan. On peut donc dire que la psychothérapie est une formation régressive de la psychanalyse.. 22 afin d’y fréquenter le gay-savoir.. p. transposant l’humour canguilhemien de la fin de son célèbre article à la situation présente : « Quand on sort de la rue Payenne. Seuil. Autres écrits. Ibid. M. 17 Ici encore.. Distinguons deux temps dans l’histoire de ce débat. la tradition des Lumières . par le recours à la grammaire.. Chapelle de l’Humanité (Auguste Comte). 18 Lacan s’appuie fortement sur ces belles pages pour disqualifier la psychanalyse à se prévaloir d’une relation à deux. p. on distingue bien ici quatre personnages : la personne sur le divan. déjà indiqué dans l’œuvre de Marcel Maus à propos des parentés à plaisanterie. Gallimard. pp. lieu de la conférence ici retranscrite. 47. on en est arrivé à introduire dans ce débat une dimension nouvelle à savoir la place qu’occupe le réel. Paris. c’est beaucoup plus récemment que. essentiellement. même si l’un de ses enjeux comporte bel et bien la possibilité d’une réglementation de celles-ci. Paris 4 » . Scilicet. p. on aperçoit. Une série de routines et de techniques de suggestion empruntent trois ou quatre concepts à la psychanalyse pour se mettre à jour et notamment l’injonction : « il faut laisser parler ». 22 23 Ibid. On dit volontiers : « je fais le moi ». p.Accueil Cliquer oubliés depuis l’œuvre controversée de Malinowski. Si l’on prend à gauche. au sein duquel le statut accordé à l’inconscient et au sujet qui s’en produit reste une différence essentielle. se trouve fondée sur des principes tout neufs. Ce texte est republié dans les Autres écrits. espace où se tient la dimension de l’inconscient. susceptible d’incarner et d’authentifier cette reconnaissance. 203-211. cet oubli ouvrant la voie. mais cherche plutôt à faire reconnaître la psychanalyse auprès des psychanalystes eux-mêmes. Le second temps de ce débat a été largement anticipé par Lacan à un moment de son enseignement où il s’agissait pour lui d’indiquer comment. peut conduire à s’interroger sur 2 3 Ibid. Le passage à l’acte de l’analyste En quoi consiste la découverte de l’inconscient ? D’abord en ceci qu’à une part importante des actions humaines. de fait. Il n’est pas inutile de rappeler l’importance d’un tel partage à l’heure où.Accueil Cliquer psychanalyse. C’est dans une intervention prononcée devant des étudiants en philosophie en janvier 1966. loin de s’en remettre à un faire quelconque. dans un premier temps. éclipsé par le scientisme contemporain de Freud. à en rendre compte. cherche. Le second temps. Il s’agit. le « donc ». 204. évoluant à l’intérieur des effets de celle-ci. c’est-à-dire une souffrance au croisement de l’existence et de la parole. celui dans lequel nous nous trouvons. il convient d’appliquer une méthode de lecture analogue à celle qu’emploie Champollion pour déchiffrer les hiéroglyphes. préoccupés de donner au discours philosophique une consistance qui lui soit propre. Pour Lacan le mouvement essentiel de cette découverte s’initie « dès que Freud a produit l’inconscience sur la scène qu’il lui assigne ("l’autre scène". que l’on peut saisir la façon dont Lacan procède. L’expérience analytique fait son entrée à partir d’un sujet pris. divise un « je suis » d’avec lui-même. « J’ai l’angoisse de la castration en même temps que je la tiens pour impossible » 2 .. la refente. que les a priori théoriques de la psychothérapie ne font que prolonger. en suivant une autre voie que celle d’un conflit de compétences. de faire valoir auprès de son auditoire ce qui démarque fonda mentalement la psychanalyse de tout autre discours. pp. dès l’instant où Freud fait advenir le sujet comme béance. un psychanalyste devait avant tout s’orienter à partir de la structure. C’est en effet à partir de ce petit ergo fiché au cœur du cogito que s’installe la division. permet de nous orienter dans le débat qui nous retient aujourd’hui. « Faire le psychanalyste » est devenu une modalité de production du psychanalyste ce qui a comme conséquence fâcheuse l’oubli de la psychanalyse comme telle. et plus particulièrement de la réponse apportée à la première question posée. l’appelle-t-il) et qu’il lui rend le droit à la parole ». Autres écrits. p. La béance comme telle ne se cogite pas même si la pensée. 3 En quoi s’agit-il de rendre – et non donner – à l’inconscient le droit à la parole ? Le terme de droit employé ici par Lacan. surgit inévitablement un effort pour la suturer et du même coup verrouiller la vérité qui s’y loge. s’il pouvait se dire autrement que par le truchement des manifestations de l’inconscient. Une difficulté se présente en effet aujourd’hui : le psychanalyste est tenté de se définir par un faire. 1 dans laquelle il s’applique à répondre à quelques-unes de leurs questions. Le cogito cartésien se prête particulièrement bien pour faire entendre comment le trait de la cause. 2001. le statut du sujet en psychanalyse. figure qui suppose de faire un tout avec le sens. en vain. pour lui. Mais cela ne constitue qu’une partie de cette découverte. part le plus souvent décrétée comme mineure. une demande de sens généralisé résorbe ce que le pathos comporte de 1 LACAN J. entre un être d’existence et un être de sens. Si l’idéal du sujet moderne ne conteste pas le pathos. surprenant dans ce contexte. à la prolifération des psychothérapies contemporaines. une autre consiste à rétablir l’inconscient dans ses droits c’est-à-dire à renouer avec un mode de présence. Ibid. ne vise plus à conquérir l’estime du public – elle est acquise –. il ne prétend pas moins s’en excepter en renflouant la croyance en la figure de l’un-tout-seul. Paris. Seuil. Cette béance ne s’établit pas sur le seul terrain du savoir et du sens mais aussi sur celui où surgit inévitablement l’affect. demande d’existence.. « Réponses à des étudiants en philosophie ». en particulier celui de la philosophie. ainsi pourrait se dire le sujet comme refente. Par où l’expérience analytique fait-elle son entrée ? C’est par cette simple question que Lacan introduit auprès de ses jeunes interlocuteurs. comme division. Reprendre le cheminement de cette intervention. Ce que Lacan s’efforce d’indiquer à ses auditeurs c’est que. Cet effort est celui auquel se consacre le discours en général et le verrou posé sur la vérité désigne l’erreur initiale de la philosophie. 34 . dans la clinique. nommément l’affect d’angoisse – ce partage entre le sens et l’affect se reportant à tous les niveaux de la structure subjective. L’expérience analytique. comme béance. du côté de la pénurie ». ce qui implique qu’on lui reconnaisse la part qu’elle prend dans la constitution du symptôme. l’existence des manifestations de l’inconscient n’est plus mise en doute et s’impose au point de nourrir un véritable commerce des échanges. produire les preuves d’un tel inconscient. En d’autres termes il leur indique qu’avant même de recueillir les énoncés que lui. cette remarque n’est pas sans écho : si. a quelque chance de faire acte pour autant que celui-ci fait valoir un vide sans consistance. est peu compatible avec les principes du droit. se fonde sur un acte et même un passage à l’acte. réfractaire à la preuve. comme pour tout droit d’ailleurs. Le passage à l’acte comme fondement du droit de l’inconscient est la tâche à laquelle chaque psychanalyste est convoqué dès lors que la fonction du supposé savoir le requiert. Ce droit. à notre époque. en revanche le sujet de l’inconscient. C’est parce que l’inconscient n’est pas sans effet sur le langage qu’il y a à entendre ce qu’il dit. l’inconscient « le tient de ce qu’il structure de langage ». 35 . malgré tout. C’est une telle énonciation qui. 4 Ibid. de la trouer. pourrait commettre l’erreur de penser qu’il doit. est rétif au lien et à l’échange c’est-à-dire à tout ce qui concède aujourd’hui. la béance n’assure en rien l’existence de l’inconscient. une modalité d’existence. mettant à l’épreuve de la parole les effets de la béance qui l’encombrent. 5 . bref à trouvailler. Régulièrement cet acte est ce devant quoi le psychanalyste se dérobe constate Lacan en 1966. il ne s’agit là du respect d’aucune règle ni d’aucune norme mais plutôt celui de la prise en compte d’une double condition. pour ces étudiants. Mais ce passage à l’acte ne suffit pas à engendrer définitivement le droit de l’inconscient à la parole. dans le lien collectif. De quel acte s’agit-il ? Dans sa réponse aux étudiants qui l’interrogent Lacan n’en reste pas à la demande de savoir qu’ils lui adressent. Évidemment cette lalangue. De se trouver à la merci de l’acte qui lui reconnaît le droit à la parole. Il les invite à réfléchir sur les positions qu’ils lui prêtent pour mériter un tel questionne ment. Mentionner le retour d’un droit à la parole signifie d’abord faire retour à la raison c’est-à-dire à la structure. gagné par un accès de sérieux. il doit se produire à nouveau chaque fois qu’un sujet s’engage dans le transfert. Dans une formule parfaitement adaptée à la qualité philosophique de son auditoire. C’est bien sûr celui de Freud en tout premier lieu. Près de quarante ans après. elle n’a de chance d’y contribuer qu’à la condition de rencontrer un acte qui retient de l’engager sur la voie du sens où elle trouverait à se suturer. L’idéologie psychologisante Cette invitation trouve des échos très actuels et éclaire d’un jour nouveau la prolifération des plusde-jouir comme autant de bourgeonnements de la 5 Ibid. Ce qui lui échappe et dont pourtant il dépend. ce qui lui échappe n’étant pas de moindre importance que ce qui en relève. elle nécessite une toute autre dimension. précise Lacan. indiquant ainsi que ce droit est loin d’être en vigueur. par lequel un désir unique décide de faire advenir le transfert à sa dimension analytique. nous dit Lacan. Lacan l’énonce ainsi : il s’agit d’inviter à « reconnaître la substance. 205. le psychanalyste. leur délivre. p. Pour l’inconscient. une décision placée dans le droit fil d’une éthique. celle de l’acte. Ce qui revient à dire que. non pas articulée mais tissée à de la jouissance. N’est-ce pas ce qui se produit lorsqu’il s’emploie à promouvoir l’existence du psychanalyste faute de pouvoir garantir celle de l’inconscient ? La question récurrente du statut professionnel de l’analyste témoigne d’une telle impasse et on sait par avance quel enfouissement de l’acte cela comporte. le droit à la parole. En fait. en fin de parcours. Bien plutôt s’agit-il d’un droit qui émane d’une décision de ne pas asservir ou forclore ce réel. 4 Ce qu’il structure de langage : cela marque bien une efficacité de l’inconscient tout en soulignant son incidence restreinte. Lacan le désignera du terme de lalangue. Elle consiste plutôt en une mise en acte de la lalangue.. amène le sujet à cesser de se comprendre par la voie de l’inconscient. Pareille décision n’est pas le simple prolongement d’une prise en considération de la logique inhérente au savoir inconscient. Lacan. ils se placent d’abord sous le coup d’une énonciation. au gré de la contingence. Placé devant ce fait qui offre peu de subsistance. celui de l’objet.Accueil Cliquer l’instance qui prescrirait un tel droit se proposant ainsi de rendre justice aux prétentions de l’inconscient. Elle fait aussi de la lalangue le moyen de travailler la langue apprise. l’inconscient demeure improbable. comme telle. se fait de plus en plus le complément thérapeutique indispensable du traitement initié par les neurosciences. médecine psychosomatique.. 1950. Une telle irréductibilité paraît aujourd’hui porter atteinte à tout projet de fonder une logique collective. qu’il serait erroné de considérer comme un vieillerie psychanalytique n’est pas une aberration conceptuelle survenue accidentellement dans l’histoire de la théorie analytique. notamment pour ce qui se dessine déjà à cette époque entre les « analystes de stricte observance qui s’en tiennent au canon fixé une fois pour toutes » 2 et d’autres qui admettent plus de souplesse. à partir de quoi se marque aussi la séparation de la psychologie avec Pierre Janet et l’hypnose d’avec la psychanalyse avec Sigmund Freud. Les plus grands noms furent présents à Paris et. 7 « L’esprit de Freud » Guy Briole Le premier Congrès mondial de psychiatrie s’est tenu à Paris en septembre 1950. suppose le jugement d’un individu identifié à sa conscience. C’est le cinquantième anniversaire de la « Science des rêves ». « Tendances actuelles de la psychanalyse ». Paris. 1950. une de celles dont les psychanalystes ont rarement su se servir dès lors que « Freud ne leur a pas appris comment elle ouvre ». cet avertissement indique l’horizon dessiné par un monde de moi autonomes. prend tout son poids à notre époque lorsque l’idéologie psychologisante. 138-166. véritable fondement de la psychanalyse avec la règle première du travail analytique. Paris.Accueil Cliquer substance venant occulter une pénurie radicale que l’économie moderne exploite. Cette théorie. économie sans laquelle il n’y aurait pas plus de conscience que de moi autonome. Cette irréductibilité est celle qui tient au réel d’une économie. Jean Delay pressent aussi des discussions utiles sur les variétés des pratiques. En quoi la psychanalyse a-t-elle.. psychanalyse. que le sens correctement utilisé par le vecteur de la parole devrait s’employer. à sa façon. à éponger. C’est de n’avoir pas pris la mesure de la première et d’avoir ignoré la mise en garde que comportait l’exposé de Lacan en 1936 à Marienbad à ce propos que l’Ego psychology s’est engouffrée dans l’illusion d’un moi autonome. Aspects de la psychiatrie moderne. Car tel est bien le nouveau visage que prend l’idéologie psychologisante aujourd’hui.. au contraire. 6 L’avertissement là encore. Séance : Évolution et tendances actuelles de la psychanalyse. illusion caractéristique de la funeste dimension de toute idéologie psychologisante. On verra avec Jacques Lacan que cette question se pose moins de l’évolution même des principes directeurs d’une cure – fussent-ils figés – que des risques pour la cure psychanalytique elle-même à partir des déviations de l’œuvre initiale de Freud. pp. nommément celle qui s’est autoproclamée psychologie du moi. C’était un temps où un congrès de psychiatrie ne se concevait pas sans qu’une partie ne soit consacrée à la psychanalyse. contribué à une telle occultation ? Par la théorie que des psychanalystes se sont forgés de leur expérience. C’est dans cet esprit que Lacan choisira d’intervenir après les 7 1 2 Ibid. Peut-être une clé se trouve-t-elle là mise en dépôt. l’association libre. c’est sur elle que 6 Ibid. NRF. 1 Jean Delay situe le déplacement du « problème de l’inconscient » du plan philosophique vers la psychanalyse comme une conquête essentielle du mouvement de la pensée. organisé par Henri Ey et présidé par Jean Delay. on y vit se côtoyer Anna Freud et Mélanie Klein. in Rapport du premier Congrès international de psychiatrie. DELAY J. Il date le point de départ avec Charcot et l’École de la Salpêtrière. d’invention. Section V : Psychothérapies. 205. Hermann. Premier Congrès mondial de psychiatrie. SAUSSURE de R. individuelles notamment. même. de variété dans la cure. celui d’un monde nettoyé du conflit et de la menace d’une opposition irréductible. Tout juste admettons-nous la persistance de quelques tensions. Pourtant ça n’est pas un des moindres mérites de l’enseignement de Lacan que d’avoir montré en quoi. Pour qui sait l’entendre. 1951. dont les limites débordent la stricte discipline de la psychologie. sans autres formes de procès. 206. Dans son discours introductif.. désigné par Freud comme charge d’investissement. reposait la construction d’un lien social. pp. p. Tout au moins Lacan nous invite-t-il à faire une autre lecture de son surgissement en découvrant sa véritable racine dans la confusion faite entre une image – concevable seulement à partir du sujet du stade du miroir – et une illusion qui. Dimension funeste en effet qui fait dire à Lacan : « on ne peut rien contre l’attrait de varier les formes du camp de concentration : l’idéologie psychologisante en est une ». celui que trace la clôture d’un camp conçu comme une sphère libre de conflits. 36 . p. 11-49. Paris. elle. Seuil. 3 s’adressera principalement à Raymond de Saussure. « Intervention au 1er Congrès de psychiatrie ». Delay remarque que la « psychanalyse est peu à peu devenue un arbre de connaissance poussant ses ramifications dans toutes les activités de l’esprit ». 4 Raymond de Saussure va s’appuyer sur le cas d’un de ses patients qu’il estime paradigmatique pour démontrer la pertinence. à l’annonce d’une future absence de son analyste. 140. p. c’est-à-dire par la substitution d’un mécanisme affectif à un autre ». Pierre va de nouveau présenter les mêmes symptômes quand.. avec les sujets psychotiques par exemple. chef de file de l’École NewYorkaise. resterait cette nuit dans sa chambre pour en mesurer la portée. 138-139. L’émotion assimilée appartient au « cadre ordinaire » des chaînes associatives de nos souvenirs. SAUSSURE de R. Pierre se trouva enfermé par ses propres engagements. travailleur acharné. c’est là l’effet du travail sur le transfert : l’émotion est assimilée et.. il se met à faire des projets de vacances. qui manifestait des velléités d’autonomie. 6 La théorie des émotions et l’adaptation Les enjeux dépassent le Congrès qui est bien plus une occasion pour les psychanalystes nordaméricains de marquer davantage leur influence et d’accentuer encore « l’adaptation » de la psychanalyse qui devient un concept opératoire vidé de l’invention freudienne. Une sorte « d’entorse » à l’émotion hallucinée. 243. tout va changer pour Pierre.. Paris. La médecine psychosomatique (1950). Pierre a perdu son père d’une phtisie galopante. aussi entend-il qu’il y ait un « point de vue freudien » au-delà du champ strict de la cure des névrosés. évoquant des signes aigus d’une tuberculose. il ne les aurait jamais associés avec ce moment précis de sa vie. par rapatriement. ALEXANDER F. Pierre a présenté des « symptômes pseudotuberculeux » en différentes occasions. tenait en ceci : travaillez sans relâche sans jamais vous laisser distraire ni par les loisirs. est forte. à trente-six ans. il se targue de soutenir une avancée de la pratique analytique par un usage particulier du transfert qui vise au « passage des émotions hallucinées à une émotion assimilée par le truchement des associations libres. Paris. Payot. Ce fut une nuit tragique de prières au terme de laquelle. Le culmen en sera la notion de « névrose d’organe » développée par Alexander. pp. 6 Ibid. précédente au Congrès International de psychanalyse à Zurich. C’est ce qui fait dire à de Saussure que « Pierre projette de façon hallucinatoire et répétitive sur des circonstances présentes une émotion du passé ». Enfin. A l’âge de sept ans. avec toute sa variété. et à Franz Alexander dont l’influence internationale. L’émotion est au centre des travaux de ces deux psychanalystes. op. Pour de Saussure. Autres écrits. s’autorisa pourtant une escapade aux Bermudes. pp. La psychanalyse est dans la Cité et. p. 37 . C’est ainsi que Lacan. n’est pas liée et qui se répète de manière stéréotypée « sans rapprochement avec la scène originellement vécue ». à ce Congrès de psychiatrie. cit. au regard de la pratique analytique. ni à fortiori par les femmes sinon vous finirez comme votre père. Selon de Saussure cette nuit fut « chassée de sa mémoire » et si. C’est ce retour qui leur permet d’accentuer la prévalence du factuel dans son articulation à la physiologie et à la biologie des comportements. son frère aîné de douze ans. Reléguant Freud du côté d’une orientation de la psychanalyse vers le biologique par le passage de l’étude des émotions à celle des instincts. en substance. L’objet de la cure étant de permettre la transformation des secondes par assimilation. Jean. Il en va tout autrement de l’émotion hallucinée qui.Accueil Cliquer exposés de Raymond de Saussure et de Franz Alexander. entraînèrent son retour précipité. Elle maintint une contrainte féroce sur tous ses enfants ne manquant jamais de raviver une pression surmoïque qui. dans son « Intervention au 1er Congrès mondial de psychiatrie ». C’est le « cas de Pierre ». C’est ainsi qu’il définit l’émotion hallucinée. Pendant son analyse. C’est une hémoptysie foudroyante qui l’emporta et laissa brutalement sa mère veuve avec sept enfants à élever. depuis l’Institut de psychanalyse de Chicago qu’il dirige. elle. de la distinction de deux types d’émotions : l’émotion assimilée et l’émotion hallucinée.. 2001. 127-130. à Paris. Elle réunit ses enfants et son discours fut sans détours : la punition divine venait de s’abattre sur Jean. 5 que de Saussure avait déjà exposé l’année 3 4 5 LACAN J. si Jean ne mourut pas. et Pierre. Pendant ce voyage il fut rapidement pris de manifestations pulmonaires qui. depuis ses treize ans.. au domicile de sa mère. Lacan peut-il situer le désir là où s’inscrit l’inhibition. 16 « La psychanalyse est une expérience 17 dialectique » soutiendra Lacan en 1951. 154. 149. 8 Sur ce point. 17 « Inhibition. 128.. par récurrence. il s’appuie sur les travaux de Piaget pour opposer le « réalisme enfantin » à la pensée « adulte et autonome ». Seuil. p. « Intervention au ler Congrès de psychiatrie ». 127. Paris. 14 La cure : une expérience dialectique Dans sa réponse à Lacan. de Saussure soutient son développement théorique et clinique en avançant que son objectif est de définir « la thérapeutique analytique ». mécaniciste. Ibid. p. 1966. pour de Saussure. dans le rapport à l’angoisse. C’est bien la question de « Pierre ». à resituer l’enfant comme l’adulte dans sa détermination signifiante. 12 13 14 15 16 LACAN J. op. 585. loc. 10 Ainsi.. LACAN J. relativisation des points de vue. 216. « au second plan toute une histoire obsessionnelle ».. p. 13 Le sujet obsessionnel se défend d’un désir dont. Le Séminaire. LACAN J.. Cette particularité est. Lacan attire notre attention critique sur les « critères » d’une psychologie adulte idéale « avancés à la page 144 » du rapport de Saussure : distinction du subjectif et de l’objectif. donc dans une dialectique à partir de laquelle se comprend l’identification. volume 13. Dans sa leçon du 26 juin 1963 il fait évoluer son tableau à partir de ce qu’il apprend de l’obsessionnel : « L’émoi. qui amène Lacan. Livre X. Écrits. l’enfant « doit acquérir le langage et un certain nombre de notions pour parvenir à assimiler la réalité » 9 . L’obsessionnel. contre de Saussure. souligne-t-il. LACAN J. « Thomas de Quincey ». plus que la psychologie ne l’explique ». Seuil. 895-896. p. qui ne peut s’éclairer d’une réponse de l’analyste « prenant la parole à sa place » mais d’un rapport nouveau à la vérité qui est « un mouvement du discours qui peut valablement éclairer la confusion d’un passé qu’elle élève à la dignité de l’histoire. l’analyste de « Pierre » fait prévaloir une causalité simpliste qui fait l’impasse sur le désir de son analysant et relègue. Ibid. Encyclopaedia Universalis. sinon qu’il veut bien lui concéder un avantage quant à « l’éloquence ». Seuil.Accueil Cliquer Redans et chicanes : le désir de l’obsessionnelle désir de l’obsessionnel Thomas de Quincey – cité par Lacan – hanté par les tragiques souvenirs de son enfance qui laissent « d’immortelles empreintes » insiste dans son œuvre à dire que « les pensées comme les sentiments profonds qui s’y rattachent ne nous viennent non pas directement dans des formes nues et abstraites. R. fallacieuse. et même. 7 Cette manifestation de l’inconscient est tout autre chose que le retour incessant par une causalité « désuète » de l’émotion hallucinée. p. c’est ce qui se produit dans le rapport du désir à l’angoisse ». dans son rapport infini au désir est celui qui. pp. l’angoisse n’est pas sans objet ».. « La direction de la cure et les principes de son pouvoir ». 1962-63. 12 Ainsi. SAUSSURE de R. Paris. De Saussure précise que le « réalisme enfantin » n’est en rien lié aux identifications parentales car. Il maintient que. SAUSSURE de R. mais à travers des combinaisons compliquées […] qu’on ne saurait désenchevêtrer ». capacité de réciprocité. 129. Lacan oppose que « le langage détermine la psychologie. Paris. illustre au mieux « cette incidence du désir dans l’inhibition ».. « Intervention sur le transfert ». Dans son tableau 7 8 9 10 11 FERNANDEZ D. Voilà une approche étrange. 1979. c’est l’émoi qui est en rapport avec l’angoisse. cit. 1966. 15 Le détournement de Freud ne se cache même plus. cit.. Paris. Ibid. contrairement à l’adulte. l’analysant de de Saussure. par excellence du non-acte. A la conception de l’enfant tabula rasa avancée par de Saussure. leçon du 26 juin 1963. Autres écrits. C’est ce à quoi l’enfant doit parvenir. Encyclopaedia Universalis France. LACAN J.. comme le précise Lacan. Il relativise la portée de l’intervention de Lacan en la tournant du côté de la méprise d’un ami sur ses intentions réductrices de la psychanalyse. 38 . n’est pas parvenu à « l’assimilation de la réalité ».. p. elle le désigne et c’est en cela que l’angoisse est un affect qui ne trompe pas. cit. p. op.. Écrits. l’essentiel réside pour lui dans le « processus de verbalisation » qui seul permet le passage de l’émotion hallucinée à l’émotion assimilée. symptôme et angoisse » il situe l’émotion en correspondance avec le symptôme et. que cet objet a.. 2001. « L’Angoisse ». le propre de l’enfant qui. Cette position est inconciliable avec celle de Saussure.. comme pour Lacan. Lacan montrera comment « d’être sans cause. sans en épuiser l’impossible réalité ». il va faire le procès. (inédit). Il ne voit aucune différence entre sa pratique et celle que Lacan avance avec la « dialectique psychanalytique ». 11 Dans son enseignement de 1963 sur l’angoisse. et ce que l’on appelle psychanalyse se trouve déjà réduit à une « rééducation émotionnelle du patient ». Alexander mesure. Ibid. L’esprit de la psychanalyse La dernière partie de l’intervention de Lacan à ce « 1er Congrès International de psychiatrie » est aussi à situer en réponse à une courte « Allocution » faite par Alexander en introduction à cette séance qu’il présidait. op. celui d’une carence subjective dans son rapport aux facteurs culturels et environnementaux – dont il indique qu’il est souhaitable que l’analyste l’ait surmonté.. 21 La position de F. Ibid. à partir du travail de Freud. − Un souhait : que les psychanalystes sortent de « l’attitude de splendide isolement » et s’ouvrent au champ culturel et médical. dans une culture particulière. − Une question : l’adaptation de la technique analytique peut-elle répondre à l’évolution de la demande. cit. Le 25 octobre 2001. il a convoqué l’ensemble du mouvement 24 Ibid. comme le note Lacan. comme l’y conduit le courant dominant américain. « Tendances actuelles de la psychanalyse ». donc à sa particularité actuelle ? − Une prise de position : la théorie analytique telle qu’elle nous est connue. c’est la prise sur le corps de la dialectique du sujet et de l’Autre. aujourd’hui. cinquante ans plus tard.Accueil Cliquer comme elle l’est avec la « technique abrégée à l’égalisation des tensions de l’ego » 18 de F. Les enjeux pour la psychanalyse y sont majeurs. Alexander. Seuil. une adaptation du sujet névrosé à son environnement. « Intervention au ler Congrès de psychiatrie ».. ce 26 septembre 1950. au-delà des machines. p. « C’est pourquoi. Dans sa réponse. Ibid. le facteur « C ». 19 Voilà quel est le progrès attendu de la cure : remettre à sa bonne place (reconstruct) le refoulé en redonnant ainsi « au moi une nouvelle chance d’affronter les conflits non résolus ». Autres écrits. il substitue un meccano. autrement dit pour s’affranchir de Freud. dit Lacan. Paris. Il met en évidence un facteur. Pour ce dernier. C’est ce que doit prendre en compte la psychanalyse. la psychanalyse est « un perfectionnement apporté à la compréhension ». Cette allocution contenait à la fois : − Une affirmation quant à une orientation commune des intervenants . 20 Cette conception de la psychanalyse vient dans le prolongement logique de l’élaboration de son « schéma dynamique spécifique des émotions » : construction qui intègre des concepts freudiens (surmoi. 26... 23 Ce que Lacan indique déjà ici et qu’il reprendra à la fin de son enseignement. etc. celle de la cure. Ces questions du milieu du siècle précédent restent d’une actualité saisissante. 2001. 24 Qui a entendu Lacan ? Qui a pris acte de son interprétation ? On en sait la suite et.. régule les tensions en excès. Alexander plaide pour un « libre esprit d’expérimentation ». p. Lacan répond à Alexander – l’ingénieur des émotions – en lui opposant la dialectique freudienne. ne vaut que si elle peut répondre à la question précédente. 129. Lacan s’oppose à ce que la psychanalyse ne se réduise à être. ne peut-il que « faire œuvre d’ingénieur » 22 : au sujet freudien. p. C’est ce qu’a saisi Jacques-Alain Miller. ALEXANDER F. à l’Hôtel Lutétia de Paris. 130. Il faut rendre la psychanalyse accessible. 39 . l’esprit de Freud restera quelque temps encore à notre horizon à tous… ». interprète les analystes sur la menace qu’ils font porter sur l’essence même de la psychanalyse par le détournement qu’ils opèrent de l’enseignement de Freud au prétexte de l’adapter à un moment donné. LACAN J.. loc. cit. une sorte d’accord actuel sur la conduite d’une cure analytique : la psychanalyse vient là où le moi est en défaut dans ses capacités d’adaptation aux besoins du sujet et de la culture qui l’environne. Alexander dénote d’une volonté de méconnaître le sens de la pensée de Freud en l’enlisant dans les circuits biologiques et leurs équilibres en feedback. refoulé. Le désir est toujours au-delà de l’adaptation. réadapte le moi à son environnement en accroissant la vision de soi (insight) et en faisant revivre les expériences émotionnelles curatrices par le transfert et sa manœuvre (handling) « adaptée de façon souple aux besoins de chaque patient ». 27. la psychanalyse est menacée d’un lent mais inexorable processus de dissolution. Lacan restaure le tranchant de la pensée de Freud en donnant une toute autre portée au biologique qu’il situe comme « le champ prédestiné aux combinaisons de la symbolique comme aux prescriptions de la Loi ».) dans les systèmes neuroendocriniens. l’adapter à un savoir-faire psychothérapique pour les médecins et les psychiatres. 18 19 20 21 22 23 LACAN J. expériences infantiles. Lacan. Aussi. p. lui nommer son mal. 1996. LACAN J. ainsi que Jacques-Alain Miller nous a appris à le lire. Les citations qui suivent dans le texte se refèrent à cet article quand il n’y a pas d’autres indications. sous le signifiant « réunification ». l’accent mis sur cette dimension va à l’encontre de ce qu’il appelle de ses vœux. Cette absence de référence à des termes tels que rapport sexuel. Et il ajoute que cette absence se remarque dans l’énonciation même des orateurs ! « Ce ne veut pas dire que leur présence [aux termes absents !] ne nous commandait pas. 1967. Donc pas moyen d’y couper . L’ensemble des travaux de ce Colloque est paru dans le numéro spécial de Recherches. Comment demeurer séparés ? Jacques Borie Cette allocution de Lacan 1 – qui n’est donc pas un texte –. Comme discours clôturant les Journées sur les psychoses de l’enfant organisées par Maud Mannoni les 21 et 22 octobre 1967. Écrits. Cela permet à Lacan de répondre aux antipsychiatres anglais comme Cooper et Laing sur la notion de liberté et à Winnicott sur les préjugés de la relation 25 MILLER J. lui désigner son impasse. The empty fortress. Autres écrits. The Free Press.. ni point trop tard. « Allocution sur les psychoses de l’enfant ». vingt ans auparavant et à l’encontre de Henry Ey. La subversion 3 4 5 BETTELHEIM B. 1 2 40 .-R. faire trace de la version de jouissance qui nous constitue.Accueil Cliquer psychanalytique pour un rendez-vous décisif. pp. C’est un manque de courage et de gaieté : « Nous ne semblons pas bien vaillants à en tenir la position [de l’être-pour-le-sexe]. Mental. Non plus bien gais ». « Une réponse de Jacques Lacan à Bruno Bettelheim ».. Paris. 2 elle est réponse à ce qui s’y est dit – sous forme d’un désaccord assez net – mais aussi l’occasion pour Lacan d’actualiser l’abord de cette question en tenant compte de l’avancée de son enseignement. 5 où. soit la considération de l’être-pour-le-sexe. Imprimé le 15 novembre 2001 à Paris 6e en deux mille exemplaires. La question cruciale n’est plus de savoir comment le sujet s’inscrit dans l’ordre symbolique par la grâce du Nom-du-Père. ainsi que l’a remarquablement dévoilé JeanRobert Rabanel 4 dans un article de Mental. jouissance. en décembre 1968 (II). dans sa Conférence. il précise ainsi : « Oui. invisible. exposer c’est s’exposer. essence de la subversion freudienne. pp. dans telle gesticulation derrière le micro. Mais c’est aussi bien contre lui-même que Lacan avance. Un dire qui interprète le mouvement psychanalytique et que. Paris. l’axe en est « la confrontation entre les conceptions structurales du groupe français et les conceptions existentielles du groupe anglais ». Seuil. Il commence en effet par faire référence à son article « Propos sur la causalité psychique ». mais qu’une institution pour psychotiques devrait pourtant se référer à « un rapport fondé à la liberté ». Il trouve que s’armer de la liberté. Ce « fondé » s’oppose à la conception imaginarisée de la liberté dans l’antipsychiatrie et il donne l’exemple des trois générations nécessaires pour produire un enfant psychotique comme une des lois de ce fondement. palpable ». « improvisée » ajoute-t-il. p. « Enfance aliénée ». « Propos sur la causalité psychique ». Mais la critique auto-adressée porte sur la référence heidegerienne à l’être-pour-la-mort qui fut aussi la sienne dans sa période dominée par le symbolique . Vers la réunification du mouvement psychanalytique ». 2. ni trop tôt. marquée à cette époque par la considération centrale de l’éthique et l’introduction de l’objet a pour rendre compte de la jouissance échappant à l’ordre symbolique. il posait un lien fondamental entre la folie et la question de la liberté.-A.. mère-enfant. 151-193. « Le principe d’Horacio. mais comment l’objet a peut ou non avoir une fonction séparatrice. Comme le dit Maud Mannoni dans l’introduction de ces Journées. 2001. 361-371. et plus encore à n’en rien vouloir savoir. 1966.. comme « nos collègues et amis anglais » est une « perspective un peu courte ».. Seuil. New-York. Sixième Lettre adressée par Jacques-Alain Miller à l’opinion éclairée. La référence à l’éthique est aussi une critique de ce qu’il appelle l’utilitarisme en tant qu’il est intenable dès lors qu’on considère le déséquilibre introduit dans le vivant par l’être-pour-le-sexe.. LACAN J. et lui indiquer les signes de l’avenir inconnu qui déjà l’appelle et l’aspire ». 25 Cette interprétation de Jacques-Alain Miller nous engage tous et il dépend de chacun que se maintienne comme horizon « l’esprit de la psychanalyse ». mais aussi bien. lui dire ce qu’il faut au moment où il faut. Lacan n’en fait pas tant une erreur théorique qu’une faute par rapport à l’éthique et qui n’est pas sans symptômes. n°2. RABANELJ. C’est également au livre récemment paru de Bettelheim The empty fortress 3 que Lacan répond. inconscient. je prétends ce soir interpréter le mouvement psychanalytique. doit spécialement être située dans son contexte. dans la même veine. Et la réponse de Lacan à cette époque est dans la considération de l’objet a comme seul abord possible de la jouissance. et Lacan de rappeler que ce n’est pas lui qui se fie « qu’à opérer sur le sujet en tant que passion du langage ». la référence au corps dans le mythe de la relation mère-enfant est un préjugé .. Deuxièmement. Lorsque l’on s’oriente uniquement sur la relation mère-enfant on perd de vue que c’est par la pulsion que le corps rentre dans le circuit de la demande et qu’il en obtient ou non un retour de jouissance. elle a à ressentir la remise en question de toutes les structures sociales par les progrès de la science ». la considération de l’objet a objecte à toute pratique fondée sur « l’émission de belles paroles » qui reste dans le registre de la « fiction » ou de la « forgerie » sans toucher le réel en jeu . il ne s’agira alors plus d’opposer parole et jouissance mais de montrer comment la jouissance est incluse dans la lalangue par le signifiant tout seul. Lacan vise ici aussi bien la thèse classique sur les psychoses de l’enfant considérées sous l’angle imaginaire d’un seul corps (la fameuse fusion I) pour la mère et l’enfant. On peut voir là une première anticipation de ce que Lacan développera à la fin de son enseignement sur la fonction de la lettre. Cet abord « produit une élision. pp. pour qui est prisonnier d’une conception développementale du sujet. Et il est frappant que si Lacan l’applique à « notre domaine à nous psychiatres » c’est pour l’étendre aussitôt à « notre univers ». pp. en tant que.Accueil Cliquer freudienne montre l’impossibilité de toute psychothérapie conçue comme simple équilibre normatif. 243-259. Cette reprise de son Séminaire sur l’Éthique est actualisée par Lacan sept ans plus tard à la lumière du « problème le plus brûlant de notre époque. Genève. non pas seulement géographique. 1985. L’objet a en tant que nom du réel à l’époque pour Lacan objecte à la parole au point qu’il termine sa note rajoutée en 1968 par une sorte d’appel à ne pas rester en arrière dans la considération du réel : « Quand verra-t-on que ce que je préfère est un discours sans paroles ? ». Rendre pleinement à ce sujet sa dignité de parlêtre comme Lacan ne s’exprime pas encore en 1967. Et Lacan montre la voie à suivre qui est de « s’opposer à ce que ce soit le corps de l’enfant qui réponde à l’objet a » en opérant sur « la marge laissée par la possibilité d’extériorisation de l’objet a » . op. demeurent séparées ? ». 6 C’est donc une mise en série que Lacan propose entre la clinique des enfants psychotiques. Mais cette limite de la fonction de la parole – corrélative de l’abandon de l’être-pour-la-mort au profit de l’être-pour-le-sexe – va pour autant contre le soi-disant préverbal que révéleraient les enfants psychotiques. Et Lacan va même plus loin en supposant 7 LACAN J. puisque du verbe il se protège ». Premièrement. dont il situe le retour dans l’actualité comme « conséquence des remaniements des groupements sociaux par la science ». Lacan rend hommage à l’invention de l’objet transitionnel par Winnicott mais pour accentuer l’importance non pas de préserver l’autonomie de l’enfant mais de servir « d’objet transitionnel à la mère ». la première. On ne peut pas ne pas remarquer que Lacan vient de publier quelques jours auparavant sa « Proposition du 9 octobre 1967 sur le psychanalyste de l’École » en rapport à la question du camp de concentration. cit. la destruction des liens sociaux et la réponse que l’École devrait y apporter. La jouissance est en quelque sorte dénudée de ses enveloppes signifiantes et le réel comme impossible à supporter vient au devant de la scène. Le bloc-notes de la psychanalyse. car l’avancée de cette époque (celle de l’objet a plutôt silencieux) sera à nouveau remise en cause en 75 7 par la considération de l’autiste comme « plutôt verbeux » . conception de l’espace » ainsi qu’« un enfant qui se bouche les oreilles… n’est [-t-il] pas déjà dans le post verbal. 5-23. Cependant. Le rapprochement que Lacan effectue entre le nouveau régime du lien social – marqué par le remplacement de l’Empire (civilisateur) par les impérialismes – et les psychoses est centré sur la question de la séparation : « Comment faire pour que des masses humaines vouées au même espace. 41 . il ne s’agit pas là du dernier mot de Lacan concernant les psychoses de l’enfant. La démonstration de Lacan porte essentiellement sur deux points. ce n’est plus le signifiant maître ou le régime du discours en tant qu’il limite et répartit la jouissance qui régule le lien social permettant de vivre ensemble et séparés à la fois. « Conférence à Genève sur le symptôme ». mais à l’occasion familial. due au changement radical du régime de la jouissance à notre époque dont la conséquence est la montée de « la ségrégation ». consiste au contraire à montrer ce qu’« il y a de linguistique dans la. Autrement dit. « Proposition du 9 octobre 1967 sur le psychanalyste de l’École ». l’objet a ». n°5.. qui ne peut se noter que de 6 LACAN J. L’allocution de Lacan est en effet traversée par une certaine urgence à répondre d’une nouvelle situation. Le psychanalyste est aussi appelé à tirer les conséquences de ce rapport au féminin comme défaut dans le savoir en en faisant trace dans le style même de son énonciation. Toujours conséquent avec ce qu’il avance. et surtout il réoriente toute l’expérience par le réel en jeu. 8 dans lequel. C’est ainsi que j’entends son insistance (il revient à plusieurs reprises sur cette question) sur le mode selon lequel nous sommes affectés dans notre travail. « Télévision ». L’énigme du « Que veut la femme » freudien. 2001. pp. L’objection de Lacan est très clinique : c’est à considérer le corps de l’enfant par rapport à l’objet « condensateur de jouissance ». puisque la XIlle Conférence des psychanalystes de langue française. Jacques Lacan et la criminologie en 1950 François Sauvagnat La « réponse aux questions » 1 posées par l’assistance après l’« Introduction théorique aux fonctions de la psychanalyse en criminologie » est. 8 1 LACAN J. il reliera la gaieté au refus de se laisser engluer dans le sens. 121-125. Pour regretter de trouver « de moins en moins de personnes à qui je puis dire les raisons de ma gaieté. Autres écrits. de la . où l’on peut entendre une anticipation du passage de « Télévision ». Autres écrits. on favorise la ségrégation. « Prémisses à tout développement possible criminologie ». Il s’agit d’un texte de circonstance. le dernier texte de Lacan consacré expressément à la criminologie – nous voulons dire par là que la criminologie ne sera plus discutée directement par lui et qu’il se limitera à discuter la clinique de l’acte. ce dont le style doit faire trace vivante. au XVIIème et au XVIIIème. Cette allocution est donc d’une richesse exceptionnelle. on y voit Lacan s’efforcer de décentrer son auditeur de ce que peut avoir d’obscurantiste le seul point de vue du clinicien ou du thérapeute toujours voilé par les fausses évidences de la pratique. Lacan se demande quel mode de présence est à attendre des psychanalystes pour être à la hauteur de la question posée par l’être-pour-le-sexe à l’époque de la science et du marché ? Certainement pas comme modèle de la vie de couple où ils ne sont « pas plus souvent deux qu’on ne l’est ailleurs ». Il donne les bases des structures en jeu dans l’expérience. pour essayer de fonder en raison la psychanalyse appliquée à la thérapeutique. Paris Seuil. Paris. qu’on aura des chances de se repérer dans la pratique et aussi de comprendre « des problèmes posés à l’époque » où justement les signifiants de la transmission symbolique ne font plus le poids. L’intervention de Lacan se fait même prophétique puisqu’il annonce que c’est le corps de l’enfant lui-même qui va devenir objet du marché (« le détailler pour l’échange »). en ce qu’elle parvient à traiter précisément du sujet en question. C’est ainsi à la disposition de chacun à l’égard du réel que Lacan s’adresse.Accueil Cliquer qu’à soutenir cet abord développementaliste. qu’il faut nous référer. Seuil. 2001. p. en faisant de tout sujet un enfant généralisé. Je ne suis pas triste » en quoi il sait ne pas plaire aux 42 universitaires qui veulent des énoncés sans énonciation. le « psychanalyste-né » ! C’est donc d’une actualité très précieuse pour tous ceux qui. dans le Champ freudien et l’AMP. C’est donc sur le défaut dans le savoir qu’emporte le féminin qu’il faut se régler par opposition aux « belles paroles » déjà citées qui tentent de traiter la jouissance en trop par le père et le sens. Et surtout il termine son allocution sur cette question adressée au plus intime de chacun de ses auditeurs « Quelle joie trouvons-nous dans ce qui fait notre travail ? ». il est probable que « les jugements y aient été plus libres à concerner la vie sexuelle » que « depuis l’avènement du psychanalyste » ! Reste donc à prendre les choses du côté de la sexualité féminine et non par le trop aveuglant rapport mère-enfant.. quand j’en ai » ou sous un autre angle « la tristesse qui se motive d’une gaieté rentrée ». il en réfère à l’éthique des pratiques comme à l’affect qui nous y guide. « les psychoses de l’enfant » donnant de nombreuses indications tout à fait utilisables pour ceux qui se coltinent à ce réel . la place « au centre aveugle du discours analytique » avec pour conséquence que « la femme soit psychanalystenée ». A cela. semble-t-il. C’est donc à « la présence du sexe comme tel » c’est-àdire du féminin. C’est pourquoi il en vient à interroger le psychanalyste lui-même dans sa formation – ou dans l’absence de celle-ci. ni pour juger des choses du sexe où. mais aussi en ce qu’en même temps. s’interrogent sur la différence entre psychothérapie et psychanalyse. au sens d’irresponsable quant à la jouissance. cinq ans plus tard. il oppose son « C’est vrai. 526. LACAN J. ce qu’on voit aujourd’hui à travers les diverses manipulations de la médecine prénatale ainsi qu’au regard de l’apparition d’un véritable marché de l’adoption voire des organes.. mondiale. et en particulier justifier que le délinquant ne nécessite plus de mesures vindicatives qui maintenant répugnent. en tant que médecin militaire. dans ce domaine. avec notamment deux interventions d’Angelo Hesnard et des commentaires de Marie Bonaparte et de Vica Shentoub. 3 et Bettelheim a enfin pu publier son témoignage. joue un rôle inespéré. à lui conférer le statut de relique. la motivation du délit voire du crime. Lagache qui présentera son texte (« La psychocriminogenèse ») également au congrès international de criminologie. ainsi qu’un texte fondateur pour les rapports entre psychanalyse et criminologie. 4 Ce célèbre juriste. même si elle ne s’en rend pas compte. Cénac. la traduction française des œuvres complètes d’Abraham (éditions Payot) préférait « Histoire d’un chevalier d’industrie… ». et D. il finit par se fixer dans une vie normale et à arrêter la série de ses escroqueries grâce à l’amour sans restriction d’une femme . puisqu’il s’agit de l’article de Karl Abraham (1921) où ce dernier décrit la carrière d’un célèbre psychopathe. Mâle et F. de caractérologie et de concepts psychanalytiques s’impose en Belgique (De Greeff). il finira par paraître dans une publication sociologique. la Nouvelle Défense Sociale. à un escroc qu’il n’est pas exagéré de qualifier de flamboyant . en même temps que les principaux spécialistes de la question que pouvait compter le groupe français : S. LACAN J. Piprot d’Alleaumes nous adjure de concerter. se poursuit dans les efforts d’Alexander et Healey pour traiter de jeunes délinquants en prison et extirper – psychanalytiquement – les « racines du crime ». Une ère libérale s’ouvre : en France. Pasche qui présentent un « rapport clinique » intitulé « Psychanalyse et criminologie ». qu’il avait toujours été persuadé que les psychopathes étaient inguérissables . Sacha Nacht s’exprime ainsi : « L’application de la psychanalyse à la criminologie ouvre des perspectives nouvelles à celle-ci : la conduite du délinquant et celle du criminel. cit. op. aux fins de déterminer les conditions de l’état dangereux. Lebovici. fin mélange de doctrine finaliste. la notion de responsabilité et par voie de conséquence la sanction qu’elle implique. lors de la première guerre mondiale. a été située. force est d’évoquer les pressions venues des juristes.. P. comme s’en indignait déjà Calvin qui exigeait d’y voir de plus près. Eissler tente de traiter des délinquants en leur proposant d’imiter la force de son moi. c’est-à-dire. Son problème est en gros le suivant.Accueil Cliquer lors de laquelle il est prononcé. L’argument indiscutable est en gros celui-ci : la psychanalyse a un rôle à jouer en criminologie. tout cela s’éclaire d’un jour nouveau à la lumière de l’expérience psychanalytique ». Il faut donc emplir l’espace ouvert. cosigné par M. nous le voyons effectivement prendre la parole au cours de la discussion des trois rapports à la SPP. p. dans le contexte de 1951. l’ordonnance de 1945 a supprimé les maisons de correction. On a découvert avec « stupeur » l’existence de camps de concentration après vingt bonnes années de dénégations forcenées. Dans le droit pénal. Dans son allocution d’ouverture de la XIIIe conférence des psychanalystes de langue française. d’argument indiscutable. par les dirigeants de la SPP. On se tourne vers la psychanalyse pour combler ce manque. résumées d’un trait par Lacan : « M. organisateur du Congrès International de Criminologie sur le point de se tenir. justice va bientôt être faite : on est à la veille du plan Marshall et des procès de Nuremberg. 123. L’œuvre généreusement optimiste de Staub. Sont également incluses les discussions suscitées par les trois rapports. inspirée par la conception freudienne du « criminel par sentiment de culpabilité » et augmentée d’une inspiration reichienne. de ses 3 Rappelons que l’article inaugural de Bettelheim est encore à l’époque refusé à la publication dans les revues psychanalytiques . qu’à sa grande surprise. Lacan intervient à cette conférence avec son rapport intitulé « Introduction théorique aux fonctions de la psychanalyse en criminologie ». quelques mois avant le Île Congrès international de criminologie. qu’il fallait donc s’attendre à ce que la psychanalyse. et cette conférence a fourni la matière du premier numéro du tome XV de la Revue française de psychanalyse (RFP).. Abraham explique en effet qu’il a été confronté. Pour comprendre à quoi cette brillante introduction tente de répondre. qui doit en quelque sorte donner le ton de l’ensemble du numéro de la RFP. L’explicitation de l’acte délinquant. Aux Etats-Unis. 4 43 . celui-là l’avait finalement convaincu du contraire : en dépit des pronostics. toutes les sciences de l’homme. 2 La publication du texte d’Abraham tend. mais sans tenir compte des pratiques juridiques en exercice ». Le bien triomphe finalement du mal après des années de plomb . Un mot sur l’ambiance de 1951 : c’est la reconstruction au décours de la seconde guerre 2 Traduit ici « Histoire d’un escroc à la lumière des données psychanalytiques » . Il faut. organisateur du Congrès International de Criminologie sur le point de se tenir. Or pour remplir cette tâche délicate. lorsqu’on sait que certains groupes ethniques aux Etats-Unis se voient précisément appliquer ce type de traitement de la délinquance. ainsi que les types 44 . mais aussi par son rapport de 1951. aux fins de déterminer les conditions de l’état dangereux. présidente de la séance de discussion. c’est là seulement qu’ils pourront être étudiés et traités. estime-t-elle. Pasche : il n’existe pas de criminel par sentiment de culpabilité Dans leur long rapport. la psychanalyse est sollicitée . Il s’agit pour eux d’étudier les différents traumatismes infantiles. relève de trois domaines : la biologie. Propos qui ne sont pas sans résonances actuelles. de ses déterminations causales. le terme « nature » n’étant pas ici galvaudé. Néanmoins. Mâle et F. puisque le crime est finalement envisagé par Piprot d’Alleaumes comme une catégorie « naturelle ». que cette femme est bel et bien folle. Même si elle salue les efforts des rapporteurs pour déceler les racines infantiles du crime ou ses déterminations sociales. L’explicitation de l’acte délinquant. mais sans tenir compte des pratiques juridiques en exercice ». n’a pas présenté de rapport .Accueil Cliquer déterminations causales. P. Quelles que soient les faiblesses de certains aspects de la démonstration de Marie Bonaparte. 4 Ce célèbre juriste. le Congrès des psychanalystes de langues romanes met malheureusement à jour six positions nettement différenciées parmi les psychanalystes français. mais par des fixations archaïques dont témoignent ses désordres intestinaux. elle doit assurer la cohérence de l’ensemble. sa position propre n’est pas. Pasche s’attachent à décrire les différents facteurs propres à déterminer le crime. et que sa paranoïa la rend irresponsable. qui doit permettre une plus juste évaluation des sanctions et des mesures d’atténuation. où elle montre que la conduite de cette femme ne peut être expliquée par une foncière cruauté. toutes les sciences de l’homme. Elle est connue dans le domaine de la criminologie par sa célèbre étude sur le cas de Mme Lefebvre (1927). et il est plus que probable que c’est à elle que Lacan répond lorsqu’il déclare que la relégation proposée aurait pour résultat d’enfermer le quart de l’humanité. et exactement dans cette proportion. tout imprégné des idéaux de l’hygiène sociale. elle doit assurer la cohérence de l’ensemble. qu’elle ponctue de ses commentaires. l’essentiel est là. la sociologie. qu’il nous faut maintenant présenter. a proprement une nature délirante. puisque le crime est finalement envisagé par Piprot d’Alleaumes comme une catégorie « naturelle ». résumées d’un trait par Lacan : « M. la sociologie. qui doit permettre une plus juste évaluation des sanctions et des mesures d’atténuation. S. mais aussi et surtout précise ses interrelations avec chacune des deux autres. Le problème est que chacune de ces trois disciplines puisse définir sa portée et ses limites. et notamment ses références au caractère paranoïaque. S. et la psychologie. La méfiance : Marie Bonaparte et la relégation des délinquants Marie Bonaparte. dans l’affirmation. des hôpitaux-prisons . Le problème est que chacune de ces trois disciplines puisse définir sa portée et ses limites.venues des juristes. relève de trois domaines : la biologie. et sans bien discriminer les différents cas de figure. Ils s’accordent sur une hypothèse kleinienne – la rage primitive contre la mère frustratrice – mâtinée de références à la théorie du développement. Contrairement à ses attentes. Or pour remplir cette tâche délicate. Piprot d’Alleaumes nous adjure de concerter. et que la jalousie dont elle témoigne sans discontinuer envers sa bru – même après l’avoir révolvérisée – soustendue par la rage de se voir arracher en la personne de son fils son phallus. pour ces gens. la position qu’elle prend dans le débat de 1951 est assez lourdement datée. Lebovici. et éclairer d’un point de vue enfin unifié le regard du juriste pour répondre à cette question : en quoi chacun de ces domaines peut expliciter la nature exacte de l’état dangereux. et éclairer d’un point de vue enfin unifié le regard du juriste pour répondre à cette question : en quoi chacun de ces domaines peut expliciter la nature exacte de l’état dangereux. différente de celle de Cesare Lombroso soixante-dix ans plus tôt. saluée par Lacan dans sa thèse. contre l’avis des experts au pénal. elle conduit les débats. Son problème est en gros le suivant. Lebovici. nous le voyons effectivement prendre la parole au cours de la discussion des trois rapports à la SPP. mais aussi et surtout précise ses interrelations avec chacune des deux autres. et la psychologie. Mâle et F. le terme « nature » n’étant pas ici galvaudé. la psychanalyse est sollicitée . Nous sommes fort loin de la perspective audacieuse de la fermeture des maisons de correction. P. les déterminations infantiles du crime. produite ici malgré son interdiction par Freud. Pasche. janvier-mars 1951. Pasche autour de pratiques d’hygiène sociale et de théories développementalistes. vise essentiellement le « rapport clinique » dont nous venons de parler. « Psychanalyse et criminologie.. N°1. sans néanmoins négliger l’éventuelle perversité constitutionnelle – qu’une catégorie que la pédopsychiatrie française naissante (et notamment Heuyer) avait tenu à conserver. « L’unité de la psychologie » et ses principaux travaux de criminogénèse. la réintroduction de la notion de perversité constitutionnelle tendait dès le départ de leur discours à relativiser l’usage des concepts freudiens et à réintroduire une « naturalisation » qui tendra dans un premier temps à rendre cette conception populaire auprès des décideurs de l’appareil de protection judiciaire en France. FRENKEL-BRUNSWIK E. de « traits ethnocentriques » de la personnalité (version locale de la personnalité autoritaire). Lebovici. Lebovici. Mâle et F. n’est rien d’autre que la pierre d’angle de la construction du moi. comme le voulait Sutherland. P. Il est donc plus facile de prévenir que de guérir. à l’intérieur de l’École de Francfort.N.. le surmoi. Revue Française de Psychanalyse. P. tend à annuler l’ensemble du projet analytique de traitement des délinquants – en y ajoutant finalement les modes d’influences sociales. concluent-ils. 45 . et c’est à partir de là seulement que l’acte criminel est défini. qui se signalera ultérieurement par une carrière universitaire centrée sur la psychologie projective et la psychologie sociale. selon l’expression de De Greeff. elle ne semble pas avoir connaissance de l’influence. défauts d’éducation et autres carences dans l’histoire personnelle du criminel. ne suffisent pas à rendre compte de l’acte criminel chez l’adulte. il faut aussi noter que le criminel se justifie toujours.. 6 ADORNO T. Si l’on peut. Il faut. de personnalité antisociale. dans laquelle la criminologie psychanalytique plaçait tous ses espoirs. unifiées par S. Rapport clinique ». ils insistent sur l’importance de la guidance infantile. SANFORD R.Accueil Cliquer de réactions ou de défenses caractérielles plus ou moins asociales qui ont été occasionnées. Il ne faut donc pas s’attendre à des surprises dans le traitement des délinquants. Lebovici. mais aussi sur l’impact décroissant de mesures psychothérapiques au fur et à mesure que l’âge avance. en tant qu’adhésion à une « profession ». Mâle et F. jusqu’à un certain point du moins. en particulier l’influence des milieux de délinquance organisée. mais ne passera jamais à l’acte. retracer un certain nombre de traumatismes. P. ajouter certaines déterminations sociales. USA. Le crime consiste en l’attaque des valeurs du groupe par le criminel. Mâle et F. Il déclare ainsi que le crime est avant tout un acte social. Vica Shentoub et la personnalité ethnocentrique L’intervention de Vica Shentoub. et du reste. fût-ce par fidélité à un groupe dissident. implicitement acceptée par S. estime Shentoub. En référence très probable aux travaux de Kate Friedlander. que les mauvaises relations augmentent et que les espoirs de changement s’amenuisent. imposant un véritable ménage à trois . Daniel Lagache et sa position axiologique a priori En 1951. dont elle voit le meilleur exemple dans les études promues par les rejetons américains de l’École de Francfort concernant la personnalité autoritaire 6 – curieusement. la psychologie clinique et la psychologie sociale. montrant la prévalence. que les fixations se renforcent. et suggère que seule l’existence d’une telle personnalité permet d’embrasser une carrière délinquante de quelque ampleur. et qui. et elle en donne comme exemple le cas d’un patient. notamment en se présentant comme un justicier. p. et que le seul point de vue correct en criminologie est « axiologique » : la réalité ultime consiste en des valeurs (au sens de la sociologie allemande) acceptées par le groupe. chez les délinquants. ou. comme l’estimaient S. Tome X'V. pour comprendre l’accession à l’acte criminel. Daniel Lagache a déjà rédigé l’essentiel de son œuvre.. fixations. 5 Pourquoi ? Parce que pour eux. le patient a fait répétitivement des cauchemars dans lesquels il tue son père.W. Harper Et Broth. loin d’être l’instance mystérieusement irréalisante que décrivait l’École de Berlin. non sans avoir au passage expliqué que la catégorie freudienne de « criminel par sentiment de culpabilité ».. Pour elle. MÂLE P. LEVINSON D. était sans fondement. Elle fait alors état d’une étude réalisée au pénitencier de Saint-Quentin. élevé dans une famille où le père est véritablement manipulé par la mère. et PASCHE F. The Authoritarian Personality. Ce qui lui fait refuser la notion anglosaxonne. véritable tyran domestique 5 LEBOVICI S. de psychanalystes comme Landauer ou Fromm-Reichmann. Pasche.. en particulier sa thèse sur la jalousie criminelle. fût-ce par des raisonnements contradictoires. Son rapport veut se situer en un espace commun à la psychanalyse. par engagement envers un « milieu choisi ». 44. On est donc à l’opposé de la perspective de S. puisque son objet d’étude est l’instauration du sentiment de responsabilité. mais en revanche. c’est-à-dire « en termes de rapports concrets entre le criminel et son crime. une phase de retrait. c’est-à-dire le châtiment »le châtiment » Le rapport de Lacan et Cénac 7 commençait par de précautionneuses considérations sur l’histoire du 7 Revue Française de Psychanalyse. laquelle est sous-tendue par l’intervention d’« identifications moralisatrices ». op. Il se contente d’être expert au pénal. C’est là que va résider la notion quasiment kantienne de responsabilité qu’il propose. tout en étant foncièrement des gens honnêtes. coulant des jours paisibles. sans symptômes. mais il tient néanmoins à témoigner de cas où ce motif est atténué par un autre : le sujet se présente comme « auto-justicier ». la personnalité criminelle acquiert une individualisation. il ne prétend bien entendu pas reprendre l’étendard d’Alexander et d’Aichhorn. cette série d’identifications qui finit par se cimenter en un tout cohérent. telle qu’elle est souvent mal posée par le juge. bons voisins et bons pères de famille – à condition de n’être pas pris. Ce relativisme absolu provoque chez Lagache. de réécrire toute la psychopathologie à partir de cette notion – il n’a guère que des éloges pour Lacan et ses arguments concernant l’irréalisation par le surmoi. en détruisant la notion de psycho-criminogénèse. et qui malgré tout reste insensible au relativisme culturel admis au départ en référence aux travaux ethnographiques et aux recherches psychosociologiques anglo-saxonnes. ainsi que celui de Lagache. une phase de restitution. mais il intervient plusieurs fois pour discuter deux textes. d’une façon symétrique à la description de la « pathologie du surmoi » chez le prédélinquant selon Friedlander ou le caractère pulsionnel selon Reich. A partir de là. de criminels par autopunition. Lebovici. Lacan dans le débat : « la responsabilité. des cas de délinquance où la psychopathologie est repérable . explique-t-il. p. parfaitement adaptés à la société. ' Cette légitimation « naturelle » de la tendance précriminelle serait à l’exact inverse de la position du psychopathe. mais de crimes qui. dans son célèbre ouvrage. et se trouve définie comme « pathologie de l’identification ». celui de Lacan et Cénac. 76. Ayant donc paré son axiologie des atours freudiens. Lagache estime que sa théorie de la « psychocriminogénèse » est bien placée. Théoricien majeur de l’autopunition – il a tenté. mais dans un univers irréel qu’il se construit : l’univers morbide de la faute. Attaquant de front avec sa fougue coutumière l’idée lagachienne selon laquelle il doit exister quelque part une figure de la responsabilité s’auto-reconnaissant consciemment dans le plus infantile des actes prédélinquants. et la notion de criminel par sentiment de culpabilité n’est aucunement son cheval de bataille. et de prendre bravement sa place dans la machinerie judiciaire. estime-t-il. Quant aux autres. Hesnard déclare qu’il existe bel et bien des cas extrêmes. qui « déterminent la sérénité » ! Il ne s’agit plus là du crime de psychopathes. soupçonnant que l’autre se paye un peu sa tête. mais la proportion n’excède pas 20% des criminels. il s’estime compétent en tant qu’axiologue. complétées par un vaste couvre-chef. Certes. Pour lui. celui d’axiologue. le conflit œdipien ouvre à une normativation reposant sur une socialisation progressive. Pour cela. Lagache l’insupporte. entre le criminel et le groupe qui lui demande des comptes ». On est donc loin de Totem et tabou ou des tensions agressives du stade du miroir : le psychanalyste est convié à se faire auxiliaire de justice. et il s’inscrit en faux contre la théorie lombrosienne du criminel-né d’une part. dans laquelle il décrit deux phases de constitution du symptôme selon le schéma freudien. il conserve sa thèse de départ. Angelo Hesnard n’a pas fourni ici de rapport. « même horribles » s’exécutent « tout naturellement ».Accueil Cliquer Quelle consistance alors pour la criminologie ? C’est la « personnalité » qui doit faire le lien. veut détruire à tout jamais la notion de responsabilité dont son raisonnement même a besoin ! L’intervention de J. conteste-t-il. Ainsi son rôle est-il. véritable instrument par lequel la notion de responsabilité s’instaure dans la conscience. Réglant d’une façon atroce une situation intenable. Mâle et F. sans oublier d’emporter avec lui les différentes casquettes proposées par Piprot d’Alleaumes. dans lesquels le crime a des aspects thérapeutiques. les protestations qu’on imagine : Hesnard. de transposer en termes positifs la question de la responsabilité. Il existe certes. sans en discuter le moins du monde l’ordonnancement. P. ces sujets s’éviteraient les affres de la pathologie. cit. selon laquelle l’autopunition serait omniprésente. contre la théorie de la criminalité d’habitude de l’autre.. Angelo Hesnard ou la guérison par le crime 46 Célèbre auteur de « l’Univers morbide de la faute ». chez qui il existe certes une tentative de légitimation. . Pasche – Hesnard peint rien de moins que des cas de bonheur par le crime. Partant de la considération de l’ordalie ou du serment. et notamment les contradicteurs français de Lombroso. coll. Alors que pour S. 8 à se demander comment il se fait que le névrosé opte pour la solution « autoplastique » au lieu de se faire criminel. celui-ci devant être saisi comme incompatible avec l’existence de l’inconscient. Il s’appuie essentiellement sur le seul auteur français de l’époque dont la réflexion est conséquente avec la tradition freudienne. Lebovici. Un autre aspect crucial est la définition sociale du crime. Paris. P. déjà très bien décrite par les criminologues de la fin du XIXe siècle. ce dont le sujet est à proprement parler le résultat. 8 LACAN J. pour Lagache. 1966. Pasche. de détermination calculée. C’est encore sur ce terrain que Lacan revient dans sa réponse. et notamment en ce qui concerne l’autopunition : Angelo Hesnard. et où il sera considéré qu’il n’a jamais vraiment eu lieu. Il prévient aussi discrètement que l’inspiration d’Aichhorn est rigoureusement incompatible avec la psychologie génétique. que de punition réalisée en direct – de châtiment – fût-ce dans l’inconscient. Ed. le point de vue « axiologique » se centre sur les formes d’identifications normatives permettant d’assurer au sein d’un individu le contrôle social. dont tant Lebovici et ses collègues que Lagache font l’armature de leur position. selon une démarche qu’allait d’ailleurs reprendre Theodor Reik. plutôt qu’à se demander le pourquoi de l’acte délinquant. la question de la responsabilité. 9 La différence. Même si Lacan reste discret sur ce point. la similitude sociale et l’identité personnelle. nous semble-til. et en référence à la notion paradoxale de surmoi. Le point crucial est. manifestés par le jury et les avocats. dans la tradition freudienne est beaucoup moins affaire de prise de conscience.. très bien fait en son temps par le juriste et sociologue Gabriel Tarde. : « L’effet « silence des agneaux » : le traitement des délinquants sexuels à l’ère de la « dépénalisation » et du « droit des victimes » ». entre d’une part le crime réel. au sens proprement et ouvertement délirant qui constitue en fait un modèle du crime par 9 Voir à ce propos SAUVAGNAT F.Accueil Cliquer droit pénal. c’est-à-dire prescrit par un état particulier de la société. Seuil. pp. dont le repérage de la relativité. il est clair que pour lui. 47 . Concernant la nature de « châtiment » de la responsabilité. et d’un type de responsabilité où doivent être restaurés. p. c’est-àdire du jugement-châtiment de Dieu. 2001. en rappelant notamment que la notion de criminologie ne pouvait être pensée que dans le cadre d’une conception « sanitaire » du crime. 139-180. et donc n’est plus croyable. peut également être considéré du point de vue freudien comme la conséquence de l’inexistence d’un sentiment inné du bien moral. au mieux. D’où la promotion des mobiles du crime indépendamment de l’aveu. dans lequel. mais de ce que le nouvel homme des « droits de l’homme » est abstrait de sa consistance sociale telle que la définissait l’ancien régime. bref de délibération pénale. in ASSOUN et ZAFIROPOULOS(sous la direction de) : Les solutions sociales de l’inconscient. La situation contemporaine se signale donc par la contradiction maximale entre les « bons sentiments » sociaux. Écrits. la solidarité secrète entre les coordonnées de l’acte et les formes de désintégration sociale par lesquelles s’affirme le surmoi pourra être repérée. dans l’exacte mesure où s’y déploie ce qu’il faut appeler une « foi en l’homme ». elle se résout par la prise en considération des formes d’évolution génétiques et héréditaires d’un individu donné. tempérée de références aux milieux qui ont pu l’influencer. Mâle et F. Mais les uns comme l’autre tentent de se décharger de l’héritage freudien. Lacan. note Lacan dans son rapport. C’est précisément cela que veut dire l’autopunition : que la responsabilité. 134. montre qu’à l’évolution du sens du châtiment correspond une évolution parallèle de la probation (au sens d’administration de la preuve) du crime. Ce caractère automatique de la punition dans l’inconscient est précisément le propos principal de Malaise dans la civilisation. qui insiste pour envisager la responsabilité uniquement en acte. Psychanalyse et pratiques sociales. l’évolution humaniste impose l’usage de la torture comme jugement-châtiment corrélative de la redécouverte du Droit Romain et de sa diffusion à partir de l’École de Bologne. Il conduirait bien plus. et d’autre part le crime symbolique. et d’autre part un discours savant objectivant. la discordance quasiment monstrueuse entre ces deux points de vue est certainement plus gérable par la démarche d’un Aichhorn – lorsqu’elle est possible – que par l’intervention comme expert au pénal. « Introduction théorique aux fonctions de la psychanalyse en criminologie ». au double sens où certains individus sont suscités à le réaliser au nom de tous. en termes de punition infligée. Anthropos. selon Tarde. L’abandon de la torture à la fin du XVIlle siècle n’est pas corrélatif d’un adoucissement des mœurs (comme le prouvent la Terreur ou les guerres napoléoniennes). authentifie en quelque sorte la discordance radicale de l’identification découverte par Lacan dans le stade du miroir. Voir notamment l’intervention de ce dernier dans les Actes du colloque Problèmes des passages à l’acte . et dans Revue Française de Psychanalyse. Qu’il y ait un savoir-faire du psychanalyste concernant la question de la culpabilité et sa possible assomption ne peut justifier une incarcération systématique de criminels psychotiques. sous la direction de F. L’intention de Lacan ne semble pas aussi schématique que l’ont prétendu ceux qui ont souhaité dépeindre cet article de loi comme une « forclusion » redoublée (P. Tome XV. et d’autre part à quel point le criminel normal. 11 12 48 . Lacan laisse entendre que le manque de symptôme facilement repérable. les déterminations sociales du caractère. mais il est clair que pour lui la notion de responsabilité ne peut être identifiée avec celle de châtiment. n’est pas incompatible avec une structure paranoïaque où l’idéalisme aurait un rôle privilégié. être singularisé comme a-conflictuel et mu par le seul intérêt asocial. in revue Actualités psychiatriques. avec la Loi positive qu’il soutient.Accueil Cliquer sentiment de culpabilité. janvier 1988. Ibid.. comme le croyaient encore Alexander et Staub. Il s’agit donc pour eux de montrer que l’essentiel de l’affaire se résout sur la base des catégories de la psychologie génétique. 12 et professer qu’il faudrait en proscrire l’application – rappelons que c’est hélas l’usage en France actuellement. Sans trancher directement sur ces cas. et laisse entendre le caractère sadien qui se profile dans tout consensus social. 11 Cette phrase a été souvent citée comme justification théorique du refus d’appliquer au fou criminel l’article dit 64 du code pénal français. déclarant qu’une telle position systématique relèverait à proprement parler d’une théologie. p. N°1. pour ce qu’elle sait comment tourner les résistances du moi. La question de l’assomption de l’acte Un mot sur la question de l’« assomption de l’acte » par le criminel. L’acte sera donc soumis à un jugement fondé abstraitement sur des critères formels. en ruant dans les brancards. toute empreinte de la fougue du médecin militaire à qui on ne la refera pas. Seuil. 10 Ce caractère formel impersonnel. dans ces cas. une fois que son conflit est résolu par l’exécution secrète et sommaire de quiconque lui fait obstacle et risque de déterminer chez lui des symptômes. « Prémisses à tout développement possible de la criminologie ». qui doit le conduire à l’acceptation d’un juste châtiment ».. en ménageant dans certaines conditions le droit de l’accusé au mensonge. « Seule la psychanalyse. même si la formulation de cet article de loi a changé. 123. dans son alliance avec la psychologie du moi – au risque de laisser de côté. dont les réalisations ne peuvent être qu’individuelles. Ce qui bien entendu interdit d’envisager le crime comme un simple phénomène naturel. 2001. mais doit au contraire être considéré comme le résultat d’un manque de réponse familiale au sentiment de culpabilité. Rappart). Parallèlement. loin de pouvoir. déclarant qu’il n’y a eu ni crime ni délit si le perpétrateur était en état de démence ou sous l’emprise d’une force à laquelle il n’a pu résister. p. Il est clair que la position de Lebovici. 86. le caractère agressif des relations à l’objet qui s’en déduisent. Sauvagnat. peut donner à l’acte criminel sa rétribution. Autres écrits. trouve ordinairement à s’insérer parfaitement bien dans la société. La notion d’un relativisme social est beaucoup plus affirmée chez Lagache. Mâle et Pasche consiste à considérer que le crime symbolique est rare. janvier-mars 1951. livre le verdict aux « débats les moins véridiques ». tout comme ils refusent la notion de surmoi criminogène. L’intervention de Hesnard. Au-delà de la sorte d’impératif catégorique du sentiment de responsabilité que voulait reconnaître Lagache dans l’identification. la version lacanienne de la sentence paulinienne accentuant ce caractère de discordance – la loi « fonde le crime » – puisqu’il a pour conséquence que « seul l’État. réaffirme d’une part la valeur de l’autopunition généralisée. Paris. dans le droit moderne. doit nous permettre de tempérer une telle position. est au centre du débat en 1951. et le crime « réel » est réduit au cas d’associations criminelles lourdement « antisociales ». en y engageant la responsabilité du criminel par une assomption logique. on voit réaffirmée chez Lacan la notion que le surmoi ne peut être une instance sociale globale. et la façon dont la « criminologie lacanienne » a été reçue ultérieurement. L’hésitation de Lacan dans la phrase suivante. comme le leur reproche Shentoub. où se reflète la structure du pouvoir établi ». est capable dans ces cas de dégager la vérité de l’acte. Hesnard. sera également ce qui. bien au contraire : il s’agit ici de peser rigoureusement les possibilités de mutation subjective dialectique dans les cas de forclusion (formulation qui dit bien le côté aléatoire 10 LACAN J. Accueil Cliquer de la chose. et non pas de s’en laver les mains. puisque la paranoïa est précisément définie dans les années cinquante par l’absence de dialectique de son phénomène élémentaire…). 49 . -A. parce qu’il peut être davantage relié à la structure de la communication. autre « à celui devenu classique (autrement dit. Or. en suppose. par exemple. « L’impureté du perceptum scopique » Le champ scopique s’est toujours présenté. « avec les identifications du moi qu’on y veut respecter ». Seuil. justement. de tout but libidinal. cours (inédit). puisque le symbolique n’est pas simplement un ordre. p. classé) sous le signe de la parole et du langage ». Paris. à mesure que la dimension « proprement libidinale » 2 de l’objet. Autres écrits. en jouir : la vision est désintéressée. 6 7 MILLER J. La contemplation a ainsi été proposée dans notre tradition comme l’idéal de la connaissance qui permet d’accéder à la vérité. et est toujours pensé. 224. s’était également référé à l’imaginaire du « stade du miroir » pour en détacher. reste toujours subordonnée à une opposition qui sous l’air de souligner une discontinuité entre l’ordre de la nature et l’ordre de la culture. comme « partie élidée » du champ du perçu. 8. Ibid. en user. cit. « Petit discours à l’ORTF ». de la condition d’être parlant. lorsque Lacan s’attache. c’est l’incidence initiale. si bien que ce qu’on rencontre dans l’une finit par avoir un équivalent dans l’autre et réciproquement. le « stade du miroir » apparaît maintenant comme comportant lui-même une schize de la vision et du regard qui est l’effet de sa structuration par le symbolique. La critique encore récemment ressassée d’une excessive importance que Lacan aurait accordée au langage 5 au détriment d’une expérience originaire.. Par contre.. plus profondément. LACAN J. p. Le « retour à Freud » avait certes restauré la fonction de la parole dans l’expérience analytique et mis en lumière la dépendance des phénomènes imaginaires par rapport au registre symbolique. 3 voile plus que toute autre dimension du perçu l’élision qui donne corps à un objet qui y est immanent. « Le Lieu et le Lien ». 2001. Les quatre concepts fondamentaux de la 1 2 3 4 MILLER J. Aussi. LACAN J. qui peut être considéré comme la fondation de cet enseigne ment. Seuil. Une nouvelle définition du champ visuel y occupe une place importante dans la mesure où le « Rapport de Rome ». puisqu’on y ferait abstraction de tout intérêt personnel. 4 C’est donc au regard que Lacan va donner la préférence lorsqu’il s’attelle à la refondation de son enseignement lors du Séminaire XI. Voir une chose. La relation spéculaire. notamment comme une irruption du symbole dans le réel.. comme le paradigme de ce qui dans le champ de la perception à la fois peut se passer du langage et est détaché. de tout rapport « intéressé » avec la réalité. Un gain dans la mesure où le symbolique permet de rendre lisible l’inconscient et de mettre en place le dispositif analytique . est approchée.. les « effets de cisaillage » 7 que le langage y génère. alors que l’objet regard paraît se dissoudre dans l’imaginaire de la relation spéculaire. Paris. la dimension du symbolique. 1 le Lacan de ce qui se lève à la fin des Écrits sous le nom d’objet a. 219.Accueil Cliquer L’objet et ses vêtures L’objet regard au cœur des Autres écrits Alfredo Zénoni L’article d’hommage à Merleau-Ponty dans les Autres écrits peut être considéré comme le premier d’une série de textes qui gravitent autour d’un objet pulsionnel privilégié.-A. à savoir le regard. Miller 6 dans son cours. pure. Prologue des Autres écrits. parce que la dimension à proprement parler de jouissance que l’imaginaire recouvre ne se laisse pas toute épuiser par sa mise en fonction dans le symbolique. psychanalyse. Autres écrits. le 13/04/2001. par contraste. à élucider les phénomènes cliniques de la psychose qui mettent en évidence l’incidence d’un objet séparé du sujet.-A. une perte. voir le monde. ou est plus facilement détaché. ce que l’apparente dichotomie nature-culture escamote. ce n’est pas s’en emparer. il est 5 Par exemple. leçon du 21/03/2001. Ibid. sur le corps et sur la perception. puisqu’elle les suppose justement « ordonnées ». Ces textes marquent en quelque sorte le passage à un autre Lacan. perceptive et pré-linguistique. certains analystes dans le supplément de Libération consacré récemment au centenaire de la naissance de Lacan. comme le faisait remarquer J. 50 . il y a une nécessité à ce que l’objet isolé soit d’abord l’objet voix. Or. c’est précisément ce que la clinique vient démentir en montrant à la fois que cette pureté du perceptum visuel est seulement la conséquence d’un refoulement et que la jouissance qui en est élidée est inhérente à la condition même du parlêtre. op. Il y avait en cela un gain et une perte. Or. c’est dans le registre scopique que Lacan va en isoler la place et les effets. la continuité. 2001 p.. de tout gain. pour ainsi dire. « L’objet de la psychanalyse ». en tant qu’imaginée au champ de l’Autre : extraite. par la négative. p. comme regard. Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse. mon œil. comme le montrent. mais par ce qui ne se voit pas. comme « objet perdu ». une castration de la libido. 219. quand on ne le constate « même que trop dans les effets de la pulsion (exhibitionnisme et voyeurisme) ». dès l’expérience du corps. sous une forme hallucinatoire. le sujet refoulé. Merleau-Ponty. la jouissance du regard lui-même. Si bien que l’addition d’un élément nouveau peut parfois produire une mutation saisissante dans l’ensemble du champ perceptif. il est impossible d’isoler abstraitement un élément. M. antinomique même à la vision. le regard n’est pas ce que je vois quand je me regarde dans le miroir. à l’évidence. 10 Elle donne corps au vide qui manque à tous les objets visibles. Le regard n’est pas le regard du sujet.. elle rend possible la vision claire et distincte. puisque la couleur est inséparable du rapport à une multitude d’autres facteurs. sans modifier la perception de cet élément. lorsque la description de l’expérience visuelle inclut la clinique. Le sentiment d’un monde perceptif plus ou moins tranquille autour de nous 8 est déjà l’effet d’une opération préalable. Paris. dans un premier temps. op. mais elle fait de moi un être regardé. il est la jouissance de l’acte de voir. L’expérience du disque noir Les séances du Séminaire. inaperçue – dans le champ même du visible. LACAN J. se perçoit comme la base d’un cône blanchâtre sans que sa couleur noire ne soit aperçue et qui. Le perceptum n’est « pur » qu’à la suite d’une extraction de jouissance où prend place le sujet comme absence. Gallimard. 9 10 12 51 . le monde est cela que nous voyons ». qui permettent à Merleau-Ponty d’étayer la thèse selon laquelle le champ perceptif est un tout organisé. p. rayonnement. Autres écrits. cette jouissance. est ce que Lacan appelle ici « l’impureté du perceptum scopique» 9 . Comme objet de la pulsion. Le visible et l’invisible. Paris (1964). ce qui désespère la vue. jouissance du percipiens. parce que ce qu’on voit n’est jamais ce qu’on veut voir. n’en est pas moins présente – invisible. p. car le miroir me restitue 8 « Nous voyons les choses mêmes. Il est le percipiens même mais dans la dimension de l’Autre. non mon regard. pour être extraite. il est dans le visible. Or. paru dans Les Temps Modernes en 1961 et republié dans les Autres écrits. les phénomènes perceptifs que la clinique recueille lorsque cette libido n’est pas extraite et « fait retour » dans le champ perceptif même. Tel. c’est exclure de la première la problématique d’une libido qui est spécifique de l’expérience perceptive de l’être parlant. Évoquer un être-au-monde qui serait d’avant le langage ou sans le langage ce n’est donc pas seulement négliger l’autre moitié de l’expérience. Lacan peut reprendre la thèse freudienne qui veut que l’accès à la réalité perceptive suppose une délibinalisation de la perception. Dans la perception. Seuil. Le Séminaire. l’éclairage. LACAN J. Ibid. 1973.. etc. de transparence. le pénis dénudé ou la nudité d’une femme. 99. Mais tout en étant invisible. les effets conjugués de reflet. le point d’où je suis regardé. Se référant notamment à l’intuition de Merleau-Ponty concernant la fonction de l’éclairage dans la perception. Les deux perversions montrent. 1979. Il détraque le vivant en introduisant. qui devient en même temps la cause d’un désir qui supporte l’expérience supposément naturelle de la pure perception. que l’objet pulsionnel de la vue n’est pas constitué par l’objet vu. avec l’interposition 11 Comme Lacan le mentionne dans son compte rendu sur « Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse ». la couleur de l’objet par exemple. due à la prise du langage. 17. l’ouverture visuelle du percipiens. cit. la dimension d’une perte de jouissance. « L’objet de la psychanalyse ». en effet. Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse consacrées au regard sont référées de façon manifeste à l’ouvrage de Merleau-Ponty sur Le visible et l’invisible 11 – ouvrage posthume paru au moment où Lacan tenait ce séminaire – mais c’est néanmoins La phénoménologie de la perception qui est la référence sous-jacente aux développements sur la pulsion dans le champ scopique. qui. Ainsi. pour être perdue. à la page 188 des Autres écrits. C’est pourquoi ce qui apparaît plus fondamental. par exemple. tout en étant la cause de l’activité de la vue.Accueil Cliquer aussi puissance de désordre. Lacan reprend d’une manière plus ramassée l’allusion à une expérience 12 qu’il avait déjà commentée dans l’article d’hommage à Merleau-Ponty. mis au point notamment par des psychologues et des neurologues allemands. C’est le cas de l’expérience du disque noir violemment éclairé. dès la perception. soit l’instance du désir et de la jouissance dans le champ même de ce que la phénoménologie n’aborde comme le niveau originaire de l’expérience que parce qu’elle ignore qu’il suppose déjà un refoulement.. dans un deuxième temps. Livre XI. tels que la matière de l’objet. L’expérience en question est choisie dans l’immense recueil de faits expérimentaux. au point que son nom soit réaffecté à ce qui le remplace ». l’Autre est cette lumière se matérialisant dans ce cône blanchâtre. ou. le premier état de la perception disparaît. un donné à voir. leçon du 31/05/1995..Accueil Cliquer dans le faisceau de lumière d’un petit carré de papier blanc. « Si je maintiens le terme de sujet pour ce que construit cette structure. le sujet psychanalytique. où le sujet se confond avec sa « consistance laiteuse ». ainsi préoccupé par cette critique de l’attitude scientifique. Il suffirait. il ne peut se déprendre de la présupposition d’un primat du sujet constituant qui est aussitôt celle de son unité. à laquelle il pense d’ailleurs que la science devrait revenir. 1966.. Paris. l’objet a regard est extrait. 553-554. Jacques-Alain Miller en a déployé la logique dans son cours « L’orientation lacanienne ». Mais. p. ou le sujet de la clinique. Cahiers de l’ACF Val de Loire et Bretagne. alors que la coupure que constitue la science est irréversible (« la théorie de la perception n’intéresse plus la structure de la réalité à quoi la science nous a fait accéder en physique » 13 ). mais elle comporte déjà l’épure d’une topologie qui va permettre le développement particulier du Séminaire. Il veut montrer le caractère abstraitement artificiel des constructions scientifiques par rapport à la profonde unité charnelle de la perception. Ibid. voire même à deux sujets distincts de la perception. Déjà ici il est suggéré que 16 17 18 LACAN J. L’exemple est ainsi utilisé par Lacan pour montrer. une autoscopie du monde à laquelle ma vision ne fait que s’accorder. Écrits. Le sujet. 225. la vision que je prends du spectacle du monde. « D’une question préliminaire à tout traitement possible de la psychose ». Seuil. et non de la présupposition d’un sujet. est refoulé .. Or. avec l’introduction du carré blanc. pour cela. et qu’il s’abolisse. dans une visibilité. en même temps que le cône blanchâtre disparaît. cours. Même au niveau de la perception. pour donner à la réalité son cadre : l’extraction de la libido investissant l’acte perceptif initial permet l’investissement de l’opposition carré blanc-disque noir. se manifeste dans l’expérience par l’incidence d’un refoulement ou d’une élision qui sont seulement concevables dans le champ du langage. 17 que le champ de la perception est déjà « structuré comme un langage ». « Maurice Merleau-Ponty ». 15 Dans le premier temps de l’expérience tout se passe comme si le sujet investissait tout le lieu de l’Autre que l’éclairage constitue. pp. ce que la structure du phénomène montre. pour le dire dans les termes de la longue note ajoutée en 1966 à la « Question préliminaire » 16 . est élidé : S . J. Autres écrits. c’est que le sujet n’est pas un. un nouvel état de la perception émerge où les éléments se distinguent et la lumière redevient transparente : un sujet de la perception claire et distincte s’affirme dans les formes violemment éclairées du papier blanc et du disque noir. Ce qui intéresse Merleau-Ponty c’est de montrer à la fois la profonde unité du percipiens et la nature pré-réflexive et préscientifique de cette unité. Ibid. Livre XI sur la pulsion scopique. moi où il faut que je regarde. p. que l’effet de la prise du corps dans la structure. Merleau-Ponty ramène cette interdépendance des éléments du champ perceptif à la profonde unité et indivisibilité d’une présence où se composent et s’unifient non seulement les éléments d’un champ. Dans le premier temps de l’expérience. donc. MILLER J. se détache comme distinct et dans sa couleur noire. Nous en suivrons ici les indications. l’éclairage transparent qu’on n’aperçoit pas lorsqu’on perçoit un objet. Paris. n°5. de profiter « de la structure si manifeste dans le phénomène » 14 pour y accorder le sujet lui-même. 1995. mais les divers champs de l’être-au-monde à travers un corps. C’est d’ailleurs de l’idée même que Merleau-Ponty se fait de la lumière que Lacan peut inférer son équivalence avec une « localité d’Autre ».-A. 52 . 18 L’objet lacanien Non seulement la petite expérience du disque éclairé est utilisée par Lacan comme une sorte de paradigme perceptif du refoulement. se distingue du sujet de l’intentionnalité. comme il l’avait fait à propos de l’hallucination auditive. dit Lacan. 532-533. en tant que la structure est synonyme de structure signifiante. 176... Le bref commentaire de l’expérience du disque noir que Lacan nous donne dans cet article y fait valoir deux temps contrastés qui correspondent à deux états distincts du sujet. Dans le second temps. En quelque sorte l’éclairage est déjà là en train de voir avant moi : la vision est déjà là dans le spectacle du monde. c’est pour que ne reste aucune ambiguïté sur ce qu’il s’agit d’abolir. pp. 178. Lacan. et en déduire le sujet qui y correspond. et en même temps permet. il n’est pas le sujet constituant de la phénoménologie. il compare l’éclairage à un guide qui saurait déjà avant 13 14 15 LACAN J. il faudrait renverser la priorité : partir du phénomène. Autres écrits. p. 2001. publiée in « La logique du perçu ». d’abord confondu avec un effet de perception trouble. avec une « opacité de lumière ». Mais. Seuil. alors que le cône laiteux se dissipe et redevient ce qu’il n’aurait jamais dû cesser d’être. « Silet ». Lorsqu’il décrit la lumière comme ce qui précède. y devenir tache. MERLEAU-PONTY M. 23 Pour que ce regard de l’Autre. « Joyce le Symptôme » est à la fois un titre et un nom. Livre XI. le regard est au cœur de ce moment de l’enseignement de Lacan qui va aussi bien reprendre la question de la fin de l’analyse en y incluant la dimension de la satisfaction pulsionnelle inhérente à son processus même. purifié de l’instance du désir que dans les textes philosophiques. exerce une action. LACAN J. p. « Hommage fait à Marguerite Duras. cause du désir.-A. p. La phénoménologie de la perception.. comme ce qui regarde sans me regarder. Il signale ainsi dans le roman les différentes occurrences de cette dimension de fascination et d’angoisse de ce qui attire le regard et qui regarde à la fois sans qu’on sache ni s’il me voit ni ce qu’il voit : la femme nonregard. Ainsi. Autres écrits. Miller dans un autre cours. Seuil. LOM de base. de ce qui requiert votre attention ». Jacques-Alain Miller lui donne un rang dans le recueil des Autres écrits qu’il a édité : l’avant dernière place. dont les objets « freudiens » (le sein et l’excrément) sont encore entachés. (inédit) leçon du 14/06/2000. dans le spectacle. du ravissement de Lol V. de ce qui fait tache. J. la perception impensable au champ de l’Autre.. 194. est signe d’un désir. Livre XI. « premier modèle du regard ». en tant qu’extrait du corps. Ibid. surgisse il suffit que la lumière se concentre en un point. Stein ». et donc aussi bien à la cause de sa division. 20 c’est-à-dire comme étant encore du côté du « nous ». cit. dans un autre écrit contemporain du Séminaire. LOM cahun corps Yasmine Grasser LOM. du sujet voyant. En témoignant le fait qu’il jaspine […] ». nue sous ses cheveux noirs » . 2001. lorsque ce qui a valeur de regard porté sur le sujet surgit. du côté du perceptum. (1945) 1992. Coll... 358. en le détachant de tout soubassement biologique comme de toute imaginarisation. veut quelque chose. Paris. enfin. Autres écrits. c’est que ce qui fait tache 19 20 21 22 LACAN J. LACAN J. cit.. comme il est développé dans le Séminaire. du côté du sujet. Seuil. Paris. c’est. du début du roman. mais aussi par la littérature. LOM. Chaque fois il s’agit de ce qui fait tache dans le spectacle et force à regarder. « Les us du laps ». juste précédant la « Préface à l’édition anglaise du Séminaire XI ».Accueil Cliquer loin de coïncider avec la vision. isolé par la clinique.. c’est-à-dire de l’objet dont Lacan a renouvelé la notion en psychanalyse. 2001. c’est le sujet lui-même qui est regardé. celle qui ravira à Lol le fiancé et qui captive son attention . c’est un précieux écrit de Lacan prononcé par lui au Ve Symposium international sur James Joyce qui s’est tenu à Paris le 16 juin 1975.. Aussi. élidé. si on ne peut s’empêcher de le voir. En voulant retrouver un niveau de l’expérience qui serait préalable à sa condition langagière. Autres écrits. d’une opacité. qui cependant est inconnu. 191-197. « Hommage fait à Marguerite Duras. 188. qui entre dans le tableau. Ce n’est donc pas un hasard si ce sont plutôt les textes littéraires qui mettent le mieux en valeur cette dimension du regard. *Pour nous. Lol elle-même qui est là couchée dans le champ de seigle et dont on ne sait pas ce qu’elle y fait ni ce qu’elle veut. et qui peut. 24 Dès lors. qui n’est d’aucun œil qui voit. ce dernier écrit où Lacan traite de la nomination de l’Analyste de l’École (AE). ne peut qu’échapper à la phénoménologie de la perception. le regard relève du « registre. op.. et qui me fascine. Tel. 22 Et s’il force à regarder. p. « Joyce le Symptôme ». Paris. pour ainsi dire. L’AE se 23 24 1 Nous reprenons ici le commentaire de ce texte par J. de l’objet perdu » 19 . […] Il a (même son corps) du fait qu’il appartient en même temps trois… appelons ça. Lacan 1 Un titre et un nom dans les Autres écrits Pour Lacan. LACAN J. 565. 53 . dans la mesure où le champ de la perception y est moins. 194. en tant que jouissance perdue. Paradigme de l’objet « lacanien ». LOM cahun corps et nan-na Kun […] C’est l’avoir et pas l’être qui le caractérise. que comme ce qui en nous répond aux sollicitations de la lumière. « Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse ». mais comme objet. c’est la nudité même du corps de Tatiana. il est foncièrement le regard de l’Autre. le regard est du côté du monde. qu’on ne peut s’empêcher de regarder : « on dit que ça vous regarde. Il est ce qui nous inclut en tant qu’êtres regardés dans le spectacle du monde. du ravissement de Lol V. Une place d’honneur. Or. ce statut du regard. même enraciné dans le corps. la phénoménologie ne peut concevoir le regard. p. ordres. extraite. LOM de base. fondamental pour la pensée de Freud. non pas comme activité du sujet. p. il suffit d’un reflet. sans me voir. Stein ». « nue. Gallimard. 21 Lacan va isoler la place déterminante du regard. op. pp. à la limite. J.. cit. op. selon la voie tracée par les Frères mendiants. En un certain sens seulement. 565. justement. Autres écrits. Dans le cours de son enseignement. n°44. conclut Lacan en 1975. op. il fait remarquer que c’est aussi se réserver le droit de suspendre l’usage de « ce pouvoir faire quelque chose avec ». Lacan dans son « Hommage à Marguerite Duras ». op. A l’inverse. a montré que Joyce « voulait ne rien avoir sauf l’escabeau du dire magistral ». La pointe de cette argumentation. 3 En 1975. 5 isole cette thèse de Lacan en ces termes : quel que soit le trauma. Miller dans un magnifique commentaire intitulé « Biologie lacanienne et événement de corps ». c’est le savoir ». et qu’il vaut mieux qu’il en ait un usage – soit qu’il parle avec son corps. qu’il est possible de s’identifier à un événement de corps et d’en faire une œuvre. Lacan en a déduit que le symptôme est un événement de corps. Tout homme ? Le génie de la langue propre à Lacan.. ce n’est pas l’Œdipe et ses avatars qui est au « principe de l’événement fondamental ». 54 . Joyce « est la conséquence la plus simple d’un refus combien mental d’une psychanalyse. Joyce pousse au-delà. n’encourage que plus Lacan à chercher à savoir ce qui pousse quelqu’un à faire la passe et vouloir le titre d’AE. LOM de base. Autres écrits. aux yeux de Lacan. p. c’est l’incidence de la langue sur le corps qui est « traceur d’affects ». Que Joyce se refusât à historiser tout événement. du verbe avoir. « Hommage fait à Marguerite Duras. Lacan. et qu’il y puise abondamment. lié au corps. Lacan emprunte à la meilleure tradition philosophique cette définition toute simple à savoir que tout homme se caractérise d’avoir un corps. cit.Accueil Cliquer spécifie d’avoir fait une psychanalyse avec un psychanalyste. LACAN J. Lacan privilégiait toujours au moins une des trois articulations des trois ordres selon le phénomène qu’il voulait mettre en relief. Autres écrits. dit-il. LACAN J. « Être post-joycien. p. est alors pris dans les trois ordres du fait que lui-même appartient à ces trois ordres : le réel..-A.. 573. qu’elle est causée par le signifiant. 2 Ce n’est donc pas tant l’ordre chronologique que respecte la succession de ces deux textes. La Cause freudienne. celui qui se définit de n’avoir qu’un corps. ce n’est pas à l’écrivain Joyce que Lacan a fait appel. Toutes ces occurrences montrent un usage du corps qui témoigne de sa jouissance. Il a un corps et il parle avec son corps . le frère mendiant plus haut cité . le symbolique. p. celui pour qui ne veut rien dire d’avoir un corps « en fait à tous les autres payer la dîme ». d’où il est résulté que dans son œuvre il l’illustre ». Leur ordre est logique. « Préface à l’édition anglaise du Séminaire XI ». S. se rappelait que « l’artiste fraie la voie » à l’analyste. du ravissement de Lol V.. Il a fait de ces traces un usage de jouissance. LACAN J. d’un coup d’aile. il a des événements de corps qui témoignent que la langue a laissé des traces de jouissance sur son corps. « Joyce le Symptôme ». de sa place. Il évoque : le saint qui renonce à l’être . En 1965. qui n’en aura aucun autre. 193. Il lui apprend que la jouissance du corps ne dépend pas que de son emploi qui fait symptôme social. « Biologie lacanienne et événements de corps ». ramène à la citation de départ : « [l’homme] a (même son corps) du fait qu’il appartient en même temps à trois… appelons ça ordres ». Une analyse consiste à retrouver le discours qui a causé ces traces. l’individu qui est femme à faire de son corps le symptôme d’un autre corps . Ce que LOM a. plutôt à celui qui n’est pas un artiste parce qu’il fait surgir de l’art à partir d’un artifice. Pour Lacan. « Avoir. une pratique à laquelle Lacan a donné le nom de Symptôme. I). fait surgir un syntagme : LOM. A l’inverse. Ainsi.puise abondamment. et il y a encore celui qui se réduit à faire de son corps de la chair à canon. emboîtant le pas à Freud. Il a porté l’accent sur la suprématie du symbolique par rapport à l’imaginaire. 4 Joyce a choisi de suspendre l’usage qu’il pourrait avoir de son corps. Ainsi se rend le sens de cette phrase : « Joyce est le premier à savoir bien escaboter ». Voilà Joyce ramené sur la même voie que ceux qui vivaient de la charité publique. et témoignait seulement de ce que « la pratique de la lettre converge avec l’usage de l’inconscient ». L’AE comme Joyce comme LOM de base ont un corps. c’est 2 3 4 inattendu ! Que veut dire Lacan ? En réalité. l’imaginaire (R. Le symptôme joycien comme événement de corps permet d’interroger le symptôme qui surgit comme reste d’une analyse. Il n’a pas cessé de réélaborer les phénomènes cliniques issus de la conjonction5 MILLER J. Joyce n’a pas fait l’histoire de ces traces. Ainsi se rend le sens de cette phrase : « Joyce est le premier à savoir bien escaboter ». 47. c’est pouvoir » . Stein ».-A. cit. février 2000. Joyce le Symptôme a précédé l’analyste dans la mesure où il a démontré. il inscrit Joyce en faux parmi toutes les occurrences de « LOM cahun corps ». ni à l’artiste. l’homme a. soit un usage. p. le déporté qui fait l’histoire avec son corps . La publication éditée des Autres écrits facilite grandement l’étude. Lacan avait construit le symptôme comme un phénomène de communication plutôt que comme événement de corps.-A. est précieux pour s’y repérer. Le Séminaire. 13-24. Miller revenant en mémoire à partir de tel syntagme longuement commenté par lui. 10. Miller. de dépersonnalisations. Avec la 6 7 8 9 Ibid.Accueil Cliquer disjonction de l’imaginaire et du réel. 11 II faut déduire qu’elle ne pouvait pas avoir un usage ni de son corps ni de son image : aucun signe de présence n’était venu « habiter le vêtement ». du fait de l’autonomisation de l’imaginaire. 8 sur les psychoses (1955) . 1981. Il s’est déplacé avec le symbolique dans le réel. P. cours soutenu par J. La personne « présentée » voulait « vivre comme un habit ». Mais que l’imaginaire soit disjoint du symbolique ne signifie pas sa disparition. deux termes peuvent être relevés dans l’enseignement de Lacan : la « dissolution de l’imaginaire » est le plus connu. désarrimés du symbolique. LACAN J. il a noué les trois ordres. Si la parole est bien le seul lieu où ce destin de l’être prend sens. ont affecté tout autant sa chair que son image... soit la réversibilité a-a'. i(a). et reconsidéré l’ensemble à la lumière de la logique borroméenne. il devient plus aisé aussi de s’orienter.-A. MILLER J. Avec Joyce. Miller a montré que Lacan ne faisait alors valoir que la dimension narcissique de la libido. juillet 1977. l’être tributaire de la dissolution de l’imaginaire est réduit à son « double psychique » (objet lépreux). Le corps réel (a) et son image i(…) vivaient leur vie chacun de leur côté. 7 il a pris un autre point de vue en construisant le penserà-rien de Schreber comme l’incapacité du sujet à répliquer dans le registre du signifiant. et pourtant si différent comme on l’a vu à propos de l’usage fait par Lacan de Duras et de Joyce. 51. un tel être imaginaire fait figure de partenaire pour le sujet.. l’imaginaire.. il se trouve dans le Séminaire III. VII. A partir de ces deux façons de parler de l’imaginaire. livre Ill. la cause de l’émancipation de toute identification étant à attribuer cette fois à une disjonction du symbolique et du réel. « Enseignement de la présentation de malades ». sur les indications de Lacan à propos des maladies de la mentalité. rendu à sa propre logique. p. Seuil. Ornicar ?. Un texte renvoie à un autre qui est dans le même volume à quelques pages de là. Enfin. dissolution de son identification primordiale jusqu’à l’état (a) dit par Lacan de « mort subjective ».-A. dans ces cas. Lacan avait souligné qu’elle n’avait « pas la moindre idée du corps qu’elle a à mettre sous sa robe ». 22. trouvent là une explication possible. 55 . Le délire subséquent a entraîné la restauration de la dimension imaginaire par la relibidinalisation de son image corporelle en femme. Ibid. 10 a justement donné toute sa valeur à l’émancipation de la relation imaginaire. provoquée par la rencontre du sujet Schreber avec le Un-père. Les psychoses. de normalité.-A. pp. entraîne avec lui le destin de l’être. deux types de disjonction du corps et de l’être s’imposent. Miller élucubrant. comme il l’a souvent dit. Les phénomènes de sosies. 6 II a par exemple démontré que dans la « Question préliminaire (1958) ». cit. « Présentation des Mémoires d’un névropathe »...-A. dans la « Présentation des Mémoires du Président Schreber (1966) ». 9 Lacan a employé le terme de dissolution de l’imaginaire pour rendre compte de la régression topique au stade du miroir. Alors que. notamment concernant l’abord des psychoses. l’idée dégagée par Lacan que « l’homme a un corps. Par la suite. chap. Dans les deux exemples. la personne qui veut vivre comme un habit perd son être en perdant l’idée de son corps. Ibid. p. 213. les phénomènes qu’il a éprouvés. « l’autonomisation de l’imaginaire » a été surtout mis en relief par J. et l’imaginaire du corps. op. J. que ce soit l’image féminisée de Schreber ou les « habits vides » de la personne présentée à Lacan. A cet égard. LACAN J. mais se démontre reprendre vie dans et par l’activité érotique délirante qui lie sa féminisation à une copulation avec Dieu. « L’orientation lacanienne ». pp. privilégiant de ce fait le réel de la jouissance qui modifie le corps. Le terme de dissolution est approprié quand il s’agit de suivre dans la clinique les modifications de l’image du corps. soit qu’il parle avec son 10 11 L’imaginaire existe-t-il ? « Joyce le Symptôme » apporte un nouvel éclairage à la question du destin de l’imaginaire dans les psychoses. Paris. Autres écrits.-A. Le cours de J. Dans le cas du Président Schreber. J. 22-23. Miller dans « L’enseignement de la présentation de malade (1975) ». comme il le dit. .S. Dans le fond. plus grand (>) » selon que l’élément est dans ou hors le sac. qui semblent ne pas être à même de subjectives une quelconque douleur corporelle. il joue de la comparaison du corps vivant et la machine qu’il définit de fonctionner parce que les deux ont « des fonctions spécifiées dans des organes ». Quand un corps parlant fonctionne avec un ordinateur parleur. Seuil. avec la simple notion plus petit que c’est la porte à l’imaginaire qui est ouverte. 91. C’est alors qu’il a découvert l’existence des logiciels éducatifs. La parole est ce lieu où le sens lui révèle son être. Paris. qui sont tellement indifférents aux principes de leurs protecteurs. Joyce ne s’adresse-t-il pas à la multitude des universitaires à venir à partir d’un artifice d’écriture qui lui tient lieu de corps imaginaire et que Lacan dans son séminaire a nommé ego. A l’inverse. Mais ce n’est pas le sens que donne Lacan à la phrase extraite de « Joyce le Symptôme » : « il faut maintenir que l’homme ait un corps.Accueil Cliquer corps » implique un partenariat du sujet avec un être imaginaire mais tout aussi bien symbolique et réel. qui rend possible cet usage. 14 LACAN J. il peut se passer toutes sortes de choses. Autres écrits. Il pouvait pendant des heures établir des listes et des listes de séries de nombres. R. livre XXII. De fait. sauf qu’ils n’y ont pas accès et en souffrent. les séries ont cédé la place à l’apprentissage des heures. nous ne pourrions rien en savoir. Cet enfant s’est fait rattraper par l’imaginaire. 12 II avait alors sept ans. 14 Lacan pose cette question : « qu’est-ce que c’est que l’imaginaire ? Est-ce que même ça existe ? » Il répond que « la débilité mentale est le fait de l’imaginaire ». il était parvenu à décal- 12 13 Cas exposé lors d’une soirée de la Section clinique de Paris-lle de France. c’est d’avoir un corps. constate-t-il. il ne parlait pas. Un garçon rencontré il y a quelques années interrogeait ce point. Lacan peut donc préciser que l’imaginaire de ce fait atteste d’une différence entre le corps vivant et un ordinateur. danser équivaut à parler avec son corps. et adressée à l’Autre du langage d’où lui revenait en retour : un ça compte aussi dans le corps du langage. p. 56 . il est inconcevable qu’un être parlant soit dénué d’imaginaire. La question n’est pas absurde. Comment était-ce possible ? Dans la leçon du 10 décembre 1974. Il suffit. ni témoigner de cet effet de sens. qui ont des relations inexistantes aux petits autres. « Joyce le Symptôme ». LACAN J. comme il le dit dans Joyce. 565. quer son fonctionnement de parlant sur celui de la machine sonorisée. Les petits enfants qui ne parlent pas ou peu. p. soit qu’il parle avec son corps ». le sens répond présent. peuvent dire en toute certitude : « Il ne lui manque que la parole ! ». et en a acquis l’usage de la parole. Mais il ne le fait que pour les distinguer en isolant l’imaginaire en tant que fonction propre à l’être parlant. qui est sa capacité à se représenter son corps. 1974. Chacun des succès de cet enfant s’est accompagné d’une satisfaction. de représentation. et le langage véhicule tout cela. Lacan a une thèse dans cette même leçon de son Séminaire : l’imbécillité qu’implique l’écriture est liée à la « géométrie du sac » freudien des pulsions. séance du 10 déc. Ornicar ?. que LOM de base ait un corps. Le Séminaire. 2001. qu’il a pu parler à partir des items proposés par l’ordinateur. « plus petit k).. Il a un corps dont il lui reste à trouver encore un usage. De cette manière. s’appliquant à ne pas rater le passage du plus petit au plus grand et réciproquement. mai 2001. Bien sûr. Quand il a su résoudre le problème. C’est ce qui le différencie de la personne qui veut vivre comme un habit. l’enfant délaissait l’appareil pour un morceau d’étoffe qui suffisait à l’inciter à danser avec. L’écueil du zéro l’avait arrêté. affichent quelquefois une normalité si impressionnante qu’on est tenté de croire qu’ils n’ont pas d’imaginaire. de temps à autre. d’une jouissance bruyamment manifestée par lui. I. mars 1975. 13 Ce qui était frappant chez ce garçon c’est que l’ordinateur lui servait de partenaire. Et le fait est que sans le langage. certains parents qui ne doutent pas une seconde de l’imaginaire de leur enfant. il est entré dans sa logique qui a fait sens pour lui. et que l’imaginaire « n’a pas d’autre départ que la référence au corps ». Il s’est mis à parler avec un ordinateur. Dans le langage courant. où se démontre la débilité mentale. qu’il y ait un dedans un dehors pour que l’inclusion d’un élément dans un ensemble fasse surgir un rapport. De quoi témoignait cet enfant en écrivant des séries de nombres ? Où était son intérêt ? La suite a démontré qu’il n’était pas identifié à une machine à calculer. Un imaginaire qui se dissout ou s’autonomise ne signifie pas qu’il manque. Ainsi. Vers la logique borroméenne A la suite de ces remarques. 2. et quel que soit l’usage qu’il en fasse. Lacan fait un autre sort à l’imaginaire. Son fonctionnement montre que la géométrie du sac donne forme à l’imaginaire. Vos sentiments envers elle sont devenus ambivalents. PUF. nécessaire à la constitution d’un sujet. la personne qui veut vivre comme un habit s’est condamnée à emprunter indéfiniment ses images aux autres. Il donne l’exemple d’une construction qui permet de mesurer cliniquement les conséquences désastreuses de l’arrivée d’une petite sœur pour un petit garçon qui vivait jusque-là une véritable relation paradisiaque avec sa mère. part du nouveau venu pour infecter l’occupant » dit Lacan.. et c’est l’aîné qui en principe joue le rôle du patient. c’est-à-dire entre l’âge de six mois et dix-huit mois. selon la voie que Lacan dit tracée par les Frères mendiants. mais surtout de la place qu’on y accorde en général à un enfant. Autres écrits. 1992. à ce moment-là un deuxième enfant est arrivé et avec lui une forte déception. elle ne s’est plus consacrée à vous exclusivement. C’est un intrus qui déclenche un véritable bouleversement. Cette expérience subjective est. votre mère vous a quitté pendant quelque temps et. Les termes de dissolution et d’autonomisation de l’imaginaire mettent l’accent sur le principe de réversibilité propre à la logique de l’imaginaire à l’œuvre chez le délirant : Schreber en fait un usage asymptotique . pour un enfant aîné. les enseignants de la Section clinique de Paris-lle de France avaient décidé de saluer la parution des Autres écrits. en l’occurrence « être un petit calculateur ». s’interroge sur le rôle psychique du complexe fraternel. * Le 13 juin 2001. votre père a acquis une nouvelle signification pour vous ». comme l’a décrite J. c’est-à-dire de la culture. dans son texte « Les Complexes familiaux dans la formation de l’individu ». 57 . de la famille. avec le texte de son choix pris dans le volume. p. elle ne s’est plus consacrée à vous exclusivement. où ce travail fut exposé. parle de traumatisme quand arrive. A la fin de son enseignement. Lacan se demande : est-il « un nanti ou un usurpateur » ? Freud. C’est sa mise en fonction chez l’être parlant qui est à considérer à la lumière des cas de sujets qui font « trop bon marché de leur corps ». On ne peut donc pas soutenir que certains enfants manquent d’imaginaire. appelle des remarques concernant la structure de l’imaginaire. selon lui. idées. Conclusion La clinique des psychoses éclairée par la citation extraite de « Joyce le Symptôme » et mise ici en exergue. dans son texte « Constructions dans l’analyse ». mais pour l’exclure. Clinique de l’intrusion Philippe Lacadée Que se passe-t-il pour un enfant lorsqu’il voit « un ou plusieurs de ses semblables participer avec lui à la relation domestique » ? 1 Lacan. « Les Complexes familiaux dans la formation de l’individu ». et chez lesquels s’observent par exemple des dysfonctionnements d’un imaginaire non régulé par le symbolique. Le fait et l’époque de son apparition déterminent sa signification pour le sujet. et que la jouissance qui affecte son corps participe de l’imaginaire du sens. ainsi que de la place qu’il vient occuper par rapport au désir de l’Autre. Lacan va rendre compte de cette expérience subjective qu’il situe entre le « complexe de sevrage » et le « complexe d’Œdipe ». Seuil. 36. Le cas évoqué du jeune garçon donne la preuve que l’imaginaire ne sert pas seulement à la représentation de l’être parlant. un événement de corps à faire signifier dans un symptôme comme il l’a démontré pour Joyce. avant l’âge de trois ans. surtout de la mère. Résultats. « Constructions dans l’analyse » (1937). 2001. 2 moment-là un deuxième enfant est arrivé et avec lui une forte déception. Cela dépend aussi. Les conditions d’apparition du semblable sont très variables. Paris. Il en fait une affaire de corps. Jacques Lacan se pose en 1938 la question de savoir ce qui se joue d’un point de vue clinique pour un sujet qui a des frères ou qui rencontre des enfants ayant un petit écart d’âge avec lui. p.. Cela dépend de l’environnement. un cadet. Avec ce complexe. de l’Autre. Miller. des contingences individuelles : de la place particulière et de la valeur précise prise par un enfant dans l’ordre de naissance. où même le père avait très peu de place : « Jusqu’à votre nième année.Accueil Cliquer « captée par rien ». « L’intrusion 1 LACAN J. votre mère vous a quitté pendant quelque temps et. Vos sentiments envers elle sont 2 FREUD S. 273. Paris.-A. et « lestée d’aucune substance ». même après. Chacun s’était engagé à croiser son élaboration du thème de l’année : « Délire et normalité «. Dans la famille c’est en règle générale le fait d’une naissance. problèmes. même après. vous vous êtes considéré comme le possesseur unique et absolu de votre mère . Le rôle traumatisant de l’introduction d’un autre enfant est constitué par son intrusion. Par le terme de « complexe de l’intrusion ». 58 . Seuil. A ce moment-là. et les fantasmes de démembrement et de dislocations du corps observables dans des symptômes ou des rêves d’enfants. 94. se laissent aller à une spontanéité ludique. 2 Il apparaît ainsi selon Freud que la relation mèreenfant se trouve limitée par un intrus. 1966. Lacan va démontrer comment ces phénomènes. ce n’est pas un conflit entre deux individus. Jalousie et transitivisme La jalousie infantile a depuis Saint Augustin frappé les observateurs. Lacan remarque qu’il y a aussi une rivalité. un deuxième enfant. Car en fait. que Lacan va créer « Le stade du miroir » afin de désigner ce moment générique important. – qu’il appelle « Complexe de l’intrusion » – certains phénomènes observables à cet âge-là : la jalousie infantile. Il ne s’agit pas d’une rivalité vitale. encore mal définie dans la doctrine freudienne. C’est pour tenter d’affiner cette théorie de l’identification. lorsqu’arrive soudain le second enfant.. 3 Lacan s’interroge sur ce moment électif de la jalousie en rapport avec le nourrissage. Lacan va rapporter à l’introduction de l’image du rival. p. Confessions I. mais le fait que dans 3 4 St. « Le stade du miroir comme formateur de la fonction du Je ». Pour Lacan la jalousie joue un rôle fondamental dans la genèse du lien social et de la considération du moi : le moi se constitue dans « le drame de la jalousie ». VIII. que l’agressivité ou la jalousie se démontre être secondaire à l’identification. votre père a acquis une nouvelle signification pour vous ». plus que le père. Écrits. et du transitivisme. Il remarque que des enfants entre six mois et deux ans. « J’ai vu de mes yeux et bien observé un tout-petit en proie à la jalousie : il ne parlait pas encore et il ne pouvait sans pâlir arrêter son regard au spectacle amer de son frère de lait ». l’agressivité. les phénomènes de dédoublement ou d’hallucination du double. Mais il nous dit surtout que c’est le cadet qui introduit le Nom-du-Père. Ce qui se révèle là. mais la conséquence d’une identification affective. Pour Lacan. mais de la conséquence d’un processus d’identification. AUGUSTIN. Mais avant d’en parler. importants à isoler et à repérer. cité par Lacan dans les « Complexes familiaux » à la page 37 des Autres écrits. il s’agit de phénomènes cliniques secondaires à une fonction psychique essentielle dont la psychanalyse a établi l’originalité : l’identification.Accueil Cliquer devenus ambivalents. en précisant qu’il faut l’interpréter avec prudence. mais il n’aura de cesse d’y revenir tout au long de son enseignement. Phénomènes cliniques observables et la fonction de l’identification La psychanalyse avec Freud se démarque de l’idée de Darwin sur l’évolutionnisme : celle de la lutte comme étant aux origines de la vie. comme intrus. mais surtout le moment où l’autre va être reconnu comme un objet différent. C’est tout spécialement dans la situation fraternelle primitive ou dans la rencontre avec un semblable. L’enfant est jaloux de voir sa place prise par l’autre dans cet instant du regard. en tant que c’est lui qui vient marquer le désir de la mère. Paris. cette jalousie peut aussi se manifester dans les cas où le sujet a été depuis longtemps sevré et qu’il n’est plus en état de concurrence vitale à l’égard de son frère. La rivalité n’est donc pas une lutte pour la survie. mais aussi des provocations et des ripostes. S’il y a une certaine adaptation à l’autre comme un double. mais Lacan précise que c’est à partir de là que le père prend une nouvelle signification. c’est le cadet qui est le véritable intrus. Ce phénomène clinique de la jalousie met donc en évidence le préalable d’une certaine identification à l’état du frère. L’identification affective est une fonction psychique dont la psychanalyse a établi l’originalité. L’enfant repousse le père à l’arrière de la scène et vit dans un paradis de leurre imaginaire. il est important de revenir aux phénomènes cliniques de la jalousie. LACAN J. le transitivisme. lorsqu’ils sont laissés en couple et sans l’intrusion d’un tiers. représentent non « pas une rivalité vitale mais une identification mentale ». Il se manifeste alors des réactions diverses baignant dans une communication spontanée : on observe une adaptation des postures et des gestes et une certaine conformité dans leur alternance. C’est une situation d’absorption spectaculaire. Cette thèse essentielle sera communiquée pour la première fois en 1936. 4 C’est le moment où naît la reconnaissance d’un rival. Il va distinguer dans la variété de ces réactions un type particulier de réponse : « une rivalité objectivement définissable ». il y a un lien indissoluble entre le stade du miroir et le complexe d’intrusion. c’est la révélation de la division subjective. op. Lacan montre que c’est dans la rivalité fondamentale. Seuil. instaurée dans la rivalité jalouse. 10 Lacan saisit par cet effet de jubilation. Le transitivisme fondamental s’exprime dans le fait qu’un enfant qui en a battu un autre peut dire « l’autre m’a battu ». C’est cette captation par l’imago de la forme humaine qui domine toute la dialectique du comportement de l’enfant en présence de son semblable. c’est-à-dire une identification réorganisant le système du sujet.. Le petit d’homme étant un être prématuré. après le repérage expérimental le plus bref de l’inexistence de l’image derrière le miroir ». Le phénomène de reconnaissance impliquant la constitution subjective se démontre au travers de signes cliniques précis : « l’assomption triomphante de l’image (…). Seuil.. 9 Ce moment est lié à un phénomène de Gestalt : la perception très précoce chez l’enfant de la forme humaine fixe son intérêt dès les premiers mois. la marque d’une subjectivation. LACAN J. cit. Cette intrusion s’inscrit « dans une ambivalence primordiale […]. Cela est possible car pour le petit enfant « le moi c’est l’autre ». « Le stade du miroir comme formateur de la fonction du Je ». la mimique jubilatoire (…). Écrits. Écrits. livre III. comme le secret du stade du miroir. et même. p. 1981. 7 Une théorie de l’identification déduite du stade du miroir Lacan va en déduire une théorie de l’identification qu’il établit dans le texte « Le stade du miroir comme formateur de la fonction du Je ». participant dans une entière transe à la chute de son compagnon. 185. révèle ce qui le sous-tend. S’inspirant de la dialectique du maître et de l’esclave de la Phénoménologie de l’esprit de Hegel. p.Accueil Cliquer chaque sujet il y a un conflit. op. est un monde fondé sur ce trait essentiel : « l’objet d’intérêt humain. Lacan va faire le moteur de la connaissance humaine. concernant le visage humain. cit. Paris. car c’est l’autre qui lui donne son unité.. 59 . dans la lutte à mort première et essentielle. Le puissant intérêt que le sujet porte au rival. 181. Penchons-nous maintenant sur le transitivisme qui est une notion générique observable pour Lacan. C’est un moment « d’insight configurant ». comme pleure celui qui voit l’autre tomber. Ibid. Le Séminaire. dès le dixième jour. On pourrait dire ici que le secret de la jalousie. Par insight Lacan indique que c’est une vue qui a donné forme à quelque chose au cours d’un moment de saisie dialectique. par où le sujet se trouve transformé d’assumer son image. la solution de la discorde du corps que recèle le miroir. LACAN J. Pour lui. De cette jalousie ou intérêt pour l’image rivale. un corps morcelé. Paris. Ce qui fait que le monde humain précise-t-il. 113. c’est l’objet du désir de l’autre ». op. bien qu’il s’affirme sur le versant négatif de la haine ou de la rivalité.. 5 C’est là pour Lacan la différence entre le monde humain et le monde animal. une division entre deux attitudes opposées. cit. ne fait que traduire cette discorde sous la forme de l’exclusion. L’intrusion marque que le remède.. c’est l’objet en tant qu’il est désir de l’autre. la première synthèse de l’ego est pour lui « alter ego ». soit un versant positif qui est premier et qui est l’identification. toute connaissance humaine prend sa source dans la dialectique de la jalousie qui est une manifestation primordiale de la communication. p. « Moment qui n’est pas d’histoire ». Il s’agit moins d’un moment d’observation que d’un moment logique connotant 7 8 9 10 LACAN J. La connaissance dite paranoïaque est une connaissance 5 6 LACAN J. LACAN J. Pour lui. « L’agressivité en psychanalyse ». « Propos sur la causalité psychique ». 8 C’est un moment d’identification révélateur d’un dynamisme libidinal. p. Il y a là confusion entre identification et amour ou haine. Écrits. la complaisance ludique dans le contrôle de l’identification spéculaire. C’est dans cette « première captation par l’image… [que] se dessine le premier moment de la dialectique des identifications ». en ce sens que le sujet s’identifie dans son sentiment de Soi à l’image de l’autre et que l’image de l’autre vient à captiver en lui ce sentiment ». Le sujet humain désirant se constitue autour d’un centre qui est l’autre. Au départ le sujet est plus proche de la forme de l’image de l’autre que du surgissement de sa propre tendance. Lacan précise que là. p. 1966. Le premier abord qu’il a de l’objet. « Propos sur la causalité psychique ». Il va définir cela concernant l’identification primaire qu’il établit dans le stade du miroir. Écrits. Les psychoses. 94. 50. l’enfant ne ment pas : il est littéralement l’autre. mais de structure par où le sujet franchit l’angoisse liée à la tension de la prématuration. que se produit la constitution du monde humain comme tel. 6 La base rivalitaire et concurrentielle est essentielle au fondement de l’objet. Seuil. 11 12 LACAN J. le rapport du sujet à l’Autre. p. il parlera d’un réel positif. Lacan la situe comme crise biologique à partir du simple fait de la prématuration de l’être humain. Si le langage est ce qui peut venir donner corps et forme au sujet. celle qui jaillit de la jalouissance. « Les Complexes familiaux dans la formation de l’individu ». il en reparlera comme d’une béance déduite d’un réel biologique incontournable pour le petit bonhomme. il est aussi ce qui le confronte au trou du manque à être. s’il y a quelque chose qui souligne bien qu’il est imaginaire. C’est ce réel-là que le corps ne peut appréhender et c’est ce qui lui restera fondamentalement étranger. 1966. 60 . 91. Paris. La préférence pour l’image En 1975. de celle qui s’imageaillisse du regard chez Saint Augustin qui l’observe. Autres écrits. C’est là l’essentiel de ce moment du miroir. L’image i(a) vient habiller ce regard (a). le petit bonhomme. mythique. comme un voile jeté devant ce réel. d’observer. 40. Lacan parlera de Jalouissance : « On en reste […] à la notion de la haine jalouse. Lacan précisera d’ailleurs que la pensée. Le stade du miroir est une solution identificatoire répondant au déclin du « Complexe de sevrage » 12 par la rencontre avec l’imago du corps. Il parle de ce réel comme d’un réel lié au traumatisme de la naissance en tant que celle-ci projette dans la vie un être prématuré physiologiquement. une intrusion. 1975. Lacan dira : « Le rapport de l’homme […] avec son corps. 11 Le fondement de l’identification primordiale : la béance causale Pour Lacan. ou l’intrusion de l’ordre symbolique chez le sujet : c’est le langage. véritable manque structural. livre XX. 2001. Le masque de l’image vient voiler le manque de l’intrusion de la marque du réel. Encore. Par exemple. sa souffrance ne peut s’investir dans l’image spéculaire. Il est là en tiers. p. Pour Lacan. ce kakon obscur. LACAN J. Seuil. jouissance première. Le stade du miroir démontre que pour un sujet le corps s’introduit dans l’économie de la jouissance par l’image du corps. perdue. Il va donner divers modes d’illustration de ce manque. C’est pour cela d’ailleurs que plus tard à propos de la jalousie infantile de Saint Augustin. Ce n’est pas le regard qui se perd dans l’image. La béance causale est donc une béance logique liée au trou du langage. son kakon auquel l’image spéculaire vient donner son habillement. Plus tard. c’est le fait que les mots introduisent des représentations de façon parasitaire et intrusive dans le corps.Accueil Cliquer non une dialectique harmonisée mais un franchissement. devant cette béance qui vient faire trou dans le miroir de ne pas justement en recevoir une image spécularisable. C’est cet échange qui s’efface dans la jubilation narcissique. c’est la portée qu’y prend 13 LACAN J. qui ne cesse de perdurer. mais dans cette même jubilation le sujet va viser la retrouvaille de cet éclair. C’est cet objet insaisissable au miroir. cette béance est donc tout d’abord saisie dans sa négativité et non sa positivité. à Rome. . son semblable. Puis il en reparle toujours à partir du traumatisme de la naissance mais cette fois en tant qu’il est lié à la rencontre du traumatisme de la langue. Il observe le petit bonhomme et. Seuil. cette béance causale. mais c’est alors pour désigner ce qui du réel de la jouissance ne peut s’investir dans l’image : quelque chose du sujet qui fait son être. qui l’humanise en le rendant captif de la forme de l’autre humain. une bascule. installée au cœur de l’être. sa misère. se confrontant nue au miroir. soit ce qui de l’intrus restera inassimilable. Le Séminaire. Ce réel est ainsi l’intrus qu’elle tente voiler du geste de sa pudeur. ce sont les mots qui viennent faire intrusion dans le corps. sinon la béance. 70. Écrits. Il y a là le réel de la jouissance qui vient faire intrusion la rendant étrangère à elle-même. Cet écart est cette béance causale. c’est l’échange. Paris. « De nos antécédents ». A partir de ces deux exemples nous dirons que la causalité n’est plus dans l’imago (thèse de 1936) mais dans le manque que couvre l’image. voire la prématuration dans la vie de l’enfant. suspendu à la tétine. pallidus. Paris. En 1975. On a là la castration. l’échange insaisissable de regards entre la mère et l’enfant qui s’exclut dans la résorption de l’image spéculaire.. passe sa main en éclair devant le manque phallique. En 1936. la notion de stade du miroir repose sur une béance liée a l’écart entre l’expression vécue du corps et sa forme. Cette tentative se dévoile dans son activité ludique face au miroir où il suspend son geste pour fixer l’instantané de l’imago. Image juste faite pour leurrer. il en pâlit.. véritable étoffe ou chasuble du sujet. Le regard de l’Autre est celui qui introduit pour tout sujet l’inconnu. p.. Autre exemple est celui de cette petite fille 13 qui. le conlactaneum suum ». et « masquer le vif de cette fonction de manque ». P. Nous y saisissons l’instant précédant juste Le ravissement de Lol V. Toutes. 1962. parfois « récit ». rupture de cette unité de fonctionnement du vivant qui asservit chez l’animal la perception à la pulsion. 61 . M. Dumayet qu’avec Lol V. « La troisième ». La rencontre de Monsieur Andesmas Monique Amirault « Un événement était en cours. Ce véritable point de capiton s’annonce dans les deux romans qui précèdent : Dix heures du soir en été et. M. dans un village dominant la Méditerranée. Duras 1 Lorsqu’elle écrit Le ravissement de Lol V Stein. imprévoyantes. dans son exception. Dumayet sa fascination pour un certain état de la femme qui s’apparente à la folie : « Ce deuil que j’ai porté toute ma vie de ne pas être Lol V. Stein Ce qui m’intéresse le plus. La vie matérielle. C’était si merveilleux cette éviction. C’est de cet ouvrage (pp. Gallimard. Andesmas vit depuis un an. 9-128) que proviennent toutes les citations à la suite du texte quand il n’y a pas d’autres indications. prénom repris pour l’héroïne du Ravissement de Lol V Stein. Duras s’efforce de cerner sans le savoir. p. 191. J’étais abasourdie par Lacan ». (inédit). de cette déficience. Il résulte de cette double rupture. Émission télévisuelle. elles sont toutes imprudentes. « ma petite folle ». […] qu’il [Monsieur Andesmas] nomma leur rencontre. une scène antérieure fixée dans le fantasme de la femme trompée autour de quoi s’ordonne la rencontre avec Monsieur Andesmas. Cette rupture produit la discordance dont témoigne le corps morcelé et par là l’importance de la saisie d’une image où le sujet puisse se reconnaître. Lettres de l’EFP. […] c’est un livre à part. ni moi. un vécu proprioceptif spécifique d’impuissance fonctionnelle et de morcellement du corps propre. à la fois rétroactivement et de manière anticipée. rupture de cette immédiate adaptation au milieu qui définit le monde de l’animal par sa co-naturalité. Pourtant. isolé par la barrière de la 2 3 DURAS M. c’est l’abolition des sentiments […] dans les états de vide. Stein et bien des points l’annoncent : un bal. […] ce livre est obscur pour moi. elle ne s’y voue. ordonne l’œuvre durassienne autour d’un objet. j’ai bien souligné ceci. DURAS M.. n°16. en 1964. Et même ce que Lacan en dit. Premièrement. Paris. une obscurité limite . je ne l’ai jamais compris. de vacuité […]. c’est-à-dire d’un certain oubli d’elles-mêmes. objet qui divise son auteur. 1975. quinze ans plus tard. L’imaginaire.L. Duras évoque avec P. c’est qu’il fallait pour ça quand même une raison dans le réel Il n’y a que la prématuration qui l’explique.. Stein se présente donc comme l’aboutissement de ce que M. Deuxièmement. Lol. car le sujet en est aussi le narrateur dans l’après coup des événements. elle n’entre vraiment en écriture. L’après-midi de Monsieur Andesmas M.Accueil Cliquer l’image. 3 Le ravissement de Lol V. Stein. où dans l’après coup elle conclut : « Toutes les femmes de mes livres. cet anéantissement de Lol ». 71. 14 C’est le réel lié à la prématuration qui traduit une double rupture vitale introduisant des tensions psychiques. dans un autre entretien avec Jérôme Beaujour.proviennent toutes les citations à la suite du texte quand il n’y a pas d’autres indications. L’après-midi de Monsieur Andesmas. avec sa fille Valérie. 2 Elle livre à P. 1987. Elles ont toutes les yeux clairs. objet extime malgré sa récupération dans l’art. cette préférence pour l’image qui vient de ce qu’il anticipe sa maturation corporelle. Paris. Il ne semble pas très aimé. elles font le malheur de leur vie ». L’après-midi de Monsieur Andesmas nommé parfois f•roman ». Son entretien avec Pierre Dumayet. Stein quelque chose a été franchi qui lui a échappé : « Je suis tombée dans l’opacité la plus grande après […] on peut franchir des seuils et que ça ne se traduise pas dans la conscience claire .. Stein. une jeune fille prénommée Valérie. il y a près de vingt ans que Marguerite Duras écrit et publie. qu’à partir de ce que lui révèle d’énigme et d’opacité la production du Ravissement de Lol V. Stein.O. et au départ. p. quel que soit leur 14 1 LACAN J. en 1962. Ce livre à part. en est imprégné et elle y revient. un livre seul ». Cette rupture Lacan la rendra équivalente à un trou. bien plus tard ». avec tout ce que cela comporte ». * Exposé présenté à Sofia le 27 octobre 2001 dans le cadre du Séminaire franco-bulgare. Ce vécu est la première conception de l’angoisse laquelle va fournir le ressort de cette tendance subjective vers la relation à l’image de l’autre qui seule est capable de surmonter ce morcellement et unifier le corps. ni vous. âge. Elle dira d’ailleurs « Personne ne peut connaître Lol V. découlent de Lol V.. Paris. au cours du printemps 1999. p. Le temps passe.. lorsque. Par cette formule « là où était le sujet vide. Paris. p. 62 . 6 C’est dans un double mouvement que Lacan présente cette articulation. « Hommage fait à Marguerite Duras. les échos de la rengaine à la mode et des rires qui laissent deviner la petite Valérie. ce que M. Andesmas « va connaître les affres de la mort ». théâtre de l’événement survenu un an plus tôt. Andesmas n’a plus qu’à attendre. 1966. comme d’un gouffre. habille le second. est celui de la place du village. Stein ».. cit.. la lumière sur la mer décline les heures de l’après-midi sans que l’homme espéré n’arrive. paradigme. « Position de l’inconscient ».-A. Andesmas. Dans la dimension d’automaton de la chaîne signifiante où glisse le sujet (S). sait. Miller pour situer le ravissement de Lol. « Hommage fait à Marguerite Duras. captivée qu’elle avait été. pour sa fille et sans même les voir. M. celui du Séminaire n il présente la jouissance. un an plus tôt par l’image de l’adolescente traversant la place du village dans la complétude de son enfantine beauté. l’ombre des arbres s’étire sur la plate-forme. 5 Dans le quatrième 4 5 LACAN J. Écrits. devant la maison inhabitée. jusqu’aux deux partenaires d’infortune. Miller. Ibid. 9 C’est dans ce mouvement. prise dans la capture de l’amour de l’homme attendu. pp.. Stein ». 7 Le deuxième mouvement consiste en un « retour » qui fait rupture dans la temporalité de la chaîne de l’histoire. Andesmas. p. comme s’insérant normalement dans le fonctionnement du signifiant et répondant « naturellement » au vide du sujet. ou encore comme ensemble vide et c’est avec lui que s’introduit le temps « en cette primordiale pulsation temporelle qui est le fading constituant de son identification ». Seuil. en contrebas.. op. M. p. 8 Le sujet vide (S) y voit sa condition liée à l’objet. Seuil.-A. Andesmas ne veut pas savoir : que son mari a été séduit par la belle Valérie et ceci par son entremise même. 197. du ravissement de Lol V. Par contre. Autres écrits. LACAN J. Le récit se condense autour d’une scène qui a eu lieu un an plus tôt et se répercute dans le récit qui en est fait à M. elle. Par contre. 835.-A. toutes les terres du village. Lacan met l’accent sur l’enregistrement qu’il fait passivement de ce qui lui vient de l’extérieur. Le deuxième tableau. ne dévoile qu’un vide et emporte tout avec elle. Le glissement signifiant se trouve ainsi arrêté par la projection de « la topologie du sujet dans l’instant du fantasme ». Arc. La topologie du sujet Le vide constitutif du sujet trouve son complément dans l’image comme dans l’objet et le mathème proposé par J. attend Michel Arc.. Lacan a pu désigner le destin du sujet. vient l’objet a » J. Miller logifie en quelque sorte la métaphore poétique de Lacan évoquant dans son hommage « les noces taciturnes de la vie vide et de l’objet indescriptible ». Valérie a conduit son père en voiture jusqu’à la maison récemment achetée car il a rendezvous à quatre heures avec celui qu’il a chargé de la construction d’une terrasse face à la mer. LACAN. il insiste sur la saisie qui s’opère par la jouissance pulsionnelle toujours active et seule réellement conséquente. 2001. via la pulsion. oublieuse de son père. MILLER J. 43. « l’arrivée d’une femme eut lieu » qui va perversement sortir M. Il s’agit de cette articulation qu’éclaire J. 175. La Cause freudienne. Valérie est repartie au village et reviendra chercher son père dans la soirée. J. sous la forme de « photogrammes simplifiés ». assis dans un fauteuil de rotin dans lequel il tasse son vieux corps encombrant. pp. il articule en six paradigmes le mouvement qui anime chez Lacan la doctrine de la jouissance. Car. Octobre 1999. Cet aprèsmidi là. A l’opposé de 6 7 8 9 LACAN J. à quatre heures. Les noces de la vie vide et de l’objet indescriptible et de l’objet indescriptible L’hommage rendu à Marguerite Duras 4 s’inscrit dans ce qui occupe Lacan en 1964. Andesmas par la femme de M. i(a) / a articule l’un et l’autre dans une solidarité où la première. Le Séminaire. Le premier constitue le sujet comme manque à être dans le signifiant. 1973. celui de l’image qui. un « subornement second » qui fixe l’effet du premier et le scelle. lorsqu’elle est dérobée. L’action se déroule synchroniquement sur deux tableaux. Paris. Le premier. rectangle blanc d’où montent. 191. l’image. qui n’est autre que celle de l’homme attendu. Ce rapport s’incarne dans des modalités cliniques diverses dont Lol fournit un des paradigmes.. la femme. celui de la plate-forme isolée qui surplombe le village où M.Accueil Cliquer richesse dont il use pour acheter. par ailleurs. Seuil. dans cette saisie-là que. Andesmas de son « mensonge » sur l’amour de sa fille. livre XI. 836-837.-A. du ravissement de Lol V. par M. Cet après-midi là. Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse. 7-29. immobile. « Les six paradigmes de la jouissance ». Cette opération introduit et concerne au premier plan le corps libidinal. avec une régularité qui exclut l’imprévu : « les siestes de Monsieur Andesmas. « M. La Cause freudienne. entouré d’un corps pesant comme d’une forteresse. novembre 1975. Ses souvenirs eux-mêmes sont détachés de tout affect. 54). 10 11 12 LAZARUS-MATET C. L’écran de la beauté n’opère pas pour lui : « il regarde les arbres de toutes ses forces. Andesmas].. expulsé de son corps. « Biologie lacanienne et événement de corps ». M. a'.. fixé à l’objet qui lui procure sa certitude d’être. L’enjeu. Sauf lorsque apparaît Valérie dans l’encadrement de la porte-fenêtre qui donne sur le parc et que dans un craquellement de toute la peau de son visage. Andesmas ne sourit plus que lorsqu’il croit se souvenir que les convenances s’y prêtent ». 53). ce que Lacan évoque dans sa conférence de Rome. neutre. février 2000. La femme de Michel Arc La partenaire imprévue de M. et que les hommes de taille massive s’y trouvent plus confortablement et plus sûrement cachés » (p. la dérobée ». loin d’être exilé de lui-même. Andesmas. toujours médicales » (p. la dérobée ».. 11 Avec M. 53). il fait l’épreuve d’une déflation de son image qui dévoile ce qu’elle cachait – la consistance de l’objet. elles. Avec la perte annoncée de sa fille. s’implorant de les trouver beaux mais ils ne lui sont d’aucun secours ». Arc. Andesmas et la femme de M. entouré d’un corps pesant comme d’une forteresse. 32). celui de son être de déchet. Avec la perte annoncée de sa fille. comme n’importe quel autre. Andesmas. MILLER J. « dont l’amour règne impitoyablement sur sa destinée finissante » : « Dans le visage de M. LACAN J. Monsieur Andesmas. enchaînés l’un à l’autre dans une coexistence qui fut pendant un long moment égale à ses yeux » (p. est la femme de l’entrepreneur nommé Michel 63 . Andesmas ne s’anime que pour cet objet précieux. La Cause freudienne. Andesmas est nommé par sa qualité de père et à partir de son avoir : ce « monsieur riche. Son ventre repose sur ses genoux. C’est. identifié à ses « propres entrailles ». Une certaine inhibition. expulsé de son corps. 27. 46. 16. sa fille.taille massive s’y trouvent plus confortablement et plus sûrement cachés » (p. Octobre 2000. « La troisième ». se retrouve identifié. loin d’être exilé de lui-même. C’est ainsi que dans le roman. Dans sa cage narcissique. née d’un dernier mariage tardif. L’unité de mesure phallique à partir de quoi la fonction de l’objet est accommodée – -φ(a. Sa vie est ordonnée dans un temps éternisé. « Lol V. spectacle qui « l’emplissait d’un dégoût irréversible et sûr » et qui « équivalait ce soir-là à la seule certitude qu’il ait jamais eu au cours de sa vie ». étaient égales. le paradigme en étant sa fille. celui de son être de déchet. spectacle qui « l’emplissait d’un dégoût irréversible et sûr » et qui « équivalait ce soir-là à la seule certitude qu’il ait jamais eu au cours de sa vie ». 44. ce pour quoi il lui a fallu beaucoup de temps et beaucoup d’argent. il fait l’épreuve d’une déflation de son image qui dévoile ce qu’elle cachait – la consistance de l’objet. d’obtenir la garde de sa fille unique. 66) . « ainsi le temps passe pour lui [M. comme celui qui passe dans d’autres après-midi lorsqu’il attend dans son parc l’heure des repas du soir » (p. incontrôlable » (p. la barrière de l’avoir qui vient parer au vide du sujet. chez lui.Accueil Cliquer « Lol. 10 il faudrait situer l’horreur du sujet qui se réduirait à son corps lorsque l’image ne fait plus voile et que l’objet se révèle dans sa dimension de réel. affleure une joie bestiale. p. la libido de M. Monsieur Andesmas. c’est sous les deux modalités propres à l’obsession et à l’hystérie que se présente ce rapport de l’image et de l’objet : i(a) /a. l’image phallique se dérobe et ce n’est plus que dans son propre spectacle qu’il trouve du réconfort. l’image phallique se dérobe et ce n’est plus que dans son propre spectacle qu’il trouve du réconfort. Stein. oisif. Sur ce fond de pétrification où se reconnaît la structure obsessionnelle. a ") – 12 s’incarne dans la série de ses biens. tassé dans son fauteuil. identifié à ses « propres entrailles ». fixé à l’objet qui lui procure sa certitude d’être. il est enfermé dans un gilet de ce même tissu sombre qui a été choisi par Valérie son enfant parce qu’il est de bonne qualité. M. hors du semblant phallique. 14) . a été pour M.-A. Le vieux monsieur dont la fille est Valérie L’histoire du vieil homme semble avoir été marquée d’échecs amoureux. Cet après-midi là. Andesmas le sourire ne s’inscrivait plus naturellement. comprend-on. une lenteur dans ses paroles comme dans ses gestes le caractérisent. Ils « l’entouraient. Andesmas contemple son corps « vêtu de ce beau tissu sombre. et si vieux dont la fille est Valérie ». « La troisième ». cet aprèsmidi. Lettre à l’École freudienne de Paris. se retrouve identifié. Dans sa cage narcissique. Bien qu’elle soit mère – elle a cinq jeunes enfants – et encore très jeune. Elle traduit au plus près comment la femme de M. avec l’exagération d’un style emphatique. Interminablement. en elle. derrière l’image. Nous ne l’avons plus vue pendant le temps qu’elle y est restée. Écrits. qui fait rupture dans la durée. L’instant du fantasme C’est dans « l’intrigue raffinée » 14 de son scénario que la femme de Michel Arc va perversement inclure le vieux monsieur. et cependant aucun de nous trois n’a bougé. Arc témoigne tout particulièrement de cette « passion narcissique » propre au sujet du signifiant et dont J. se laissant tomber à ses pieds. la femme de M. Des ralentis. cruelles. elle a fini par réapparaître. une douleur d’amour ». elle a traversé la place comme je vous le disais. Arc « est une femme qui ne peut se soustraire à recevoir dans son corps tout entier ses humeurs passagères ou durables […] languides. Elle a écarté le rideau de l’Épicerie Centrale. la traversait. à partir de ce qu’elle n’a pas. 13 Contrairement à la sombre jouissance et à la lourdeur mortifiée de M. qui d’un moment à l’autre allait la rejoindre […] Tant de blondeur inutile. de cette démarche. Andesmas se resserrant autour de la contemplation de son corps pour éviter celle de sa perte. Si Lol. Stein. mais. Alors ? […] rejoindre […] Tant de blondeur inutile. de la chevelure ou du regard. 64 . les façons de son corps le deviennent aussitôt à leur image ». Duras pour l’image et le cinéma. Nous avons là un déploiement de l’instant du fantasme. […] Donc. Ce n’est pas à ses enfants que s’accroche cette femme délaissée. « Fonction et champ de la parole et du langage ». telle une Médée ordinaire. intacte. s’élançant. nom qui résonne et s’auréole d’une certaine brillance lorsqu’elle l’utilise elle-même pour nommer son époux. des bruits qui en montent et de la présence devinée ou entendue de Valérie et de Michel Arc. Miller fait un principe directeur. p. la traversée de la place par Valérie est construite comme un script. brille de tous les feux. « C’était près de midi. des pieds. à l’objet du désir de l’homme.. Monsieur Andesmas. Contrairement à l’exil radical de Lol V. Le récit s’articule dans une logique temporelle ponctuée par deux moments dits « événements ». 1966. Elle passait. Paris. Alors ? […] – « Et puis. douces. me disais-je. c’est la femme qui. […] – « Qu’elle doit être belle. Nous l’avons vue pendant 14 13 Ibid. dit-elle. p. 27. dans un mouvement permanent. traduisant « le délicieux soulagement – qui est le sien – à décrire cette douleur si simple.-A. dans la ville l’avait amenée. La femme de M. Elle n’a dans le récit d’autre nom que celui de son appartenance à cet homme.. Elle est ainsi nommée « la femme de Michel Arc » et définie par sa place comme objet du désir. prend le devant de la scène interrogeant l’énigme de la féminité à partir de la beauté de Valérie. la femme de M. Je guettais le retour de mes enfants. les deux hommes et moi. objet dont Valérie. elle est passée votre enfant. corps de jouissance. Valérie a débouché sur la place. Elle est décrite. Seuil. sous la robe. 303. LACAN J. arrêts et déroulements répétés de l’image donnent un caractère irréel à cette scène ordinaire. Les rideaux se sont écartés. Deux hommes – ils l’ont vue après moi – se sont arrêtés pour la regarder passer. et est aspirée par le gouffre où se consomme sa perte : « on peut croire que le monde entier souffre à ses yeux d’un désordre contagieux ». Et je me suis demandé qui. abandonnée. s’éloignant. cela ne pouvait pas s’imaginer. […] Indifférente aux regards. Arc transportée par la beauté et expulsée d’ellemême trouve à s’investir dans l’image de la jeune fille chez qui la beauté et la complétude de l’enfance viennent éluder la castration. des diverses modulations de la voix. elle passait. passion procédant du défaut d’identification subjective au corps. voici que j’ai vu Valérie » On connaît le goût de M. se rapprochant. raide. l’investissement d’un autre corps se substituant à son image lui permet de prendre corps.Accueil Cliquer Arc. cela ne pouvait pas s’imaginer. comme nous le disions […] Nous la regardions. dans une mobilité captivante des bras. la traversait. de ces cheveux ? – Le rideau s’est refermé sur ses cheveux. – « […] Je me souviens. mais l’estelle autant qu’on peut l’imaginer à partir de son passage. la place est grande. Elle revient en leitmotiv sur fond du bal qui se déroule sur la place. Ici. Arc scrute avec fascination le vide au-delà duquel se trouve la place du village. n’a pas de corps. j’ai du temps pour vous le raconter. tant de blondeur imbécile. Paris. crucifiée sur cette place ensoleillée où passait Valérie ». elle a traversé la place. Andesmas avec la femme de M.. dans l’indifférence. Andesmas. […] – « Et puis. 16 et ainsi s’éprouver « dans les hommages adressés à une autre ». Je pourrais vous dire aussi comment. p. Le présent est déjà souvenir puisqu’il n’est que retour d’une fixation de jouissance : « C’est mon enfant. Le passé devient rétroactivement présent dans l’intensité des images qui reviennent de Valérie enfant. prenant son temps. le temps bascule dans un réordonnancement dont le fil organisateur est la lorgnette du fantasme dont l’objet est Valérie. J’ai mon temps. Je pourrais vous le dire encore. murmura M. s’attachant sa « proie consentante » dans une jouissance perverse à toucher chez le vieux monsieur le point de division si bien colmaté jusqu’ici par l’amour de sa fille. hors temps où la femme de M. « Les us du laps ». ai-je pensé. Miller avait mis en valeur chez quelques écrivains dans « Les us du laps » 20 : « […] voici que lui revient. cit. « La psychanalyse et son enseignement ». Les rideaux se sont écartés et elle a retraversé la place tout entière. la mémoire infernale d’une blondeur qui très vite. L’après-midi de Monsieur Andesmas. Son souvenir est en moi. 102-103. Par le récit de la scène dont elle est restée captive. MILLER J. de façon presque assourdissante. cours inédit du 15 mars 2000. 18 « Un événement était en cours qu’il nomma leur rencontre. Elle s’en est dégagée. suspend le temps et délocalise la scène en deux tableaux. […] Très vite. ce dont M. personne.Accueil Cliquer qu’elle retraversait la place tout entière. Je vous l’ai dit déjà. Duras rend compte dans une syntaxe qui sort de l’usage normatif classique – ce que J. Quand surgit la dimension de réel de la tuché. d’un geste de nageuse. Oui. les yeux fermés de crainte de se blesser aux perles. Arc – nous introduit à « une réélection des rapports de l’antérieur et du postérieur » 19 beaucoup plus complexe. 1962. 15 16 17 DURAS M. Et la retombée du rideau de perles après son passage. Il m’a fallu un an. Une curieuse année ». et que ça a été une fois ce rideau franchi. l’arrêt sur image. à quoi ça peut servir ? Sinon à un homme pour s’y noyer ? Je n’ai pas trouvé tout de suite qui aimerait à la folie se noyer dans cette blondeur-là. Arc s’absente de la scène présente : « Elle est dans ce mois de juin de l’année dernière que traversa Valérie.-A.. riant.. constamment égal et c’est qu’il me remplit d’une paresse à penser ». op. une autre temporalité intervient qui le projette hors du temps étale qui était le sien : « Cet événement prenait durement racine dans l’aride durée présente ».. Andesmas à partager cette fascination. pp. 452. à l’avance. même en sa présence. LACAN J. Elle est apparue. la dernière de sa vie ». temps de mise en place du scénario de l’hystérique.. ne pouvant attendre davantage ». 17 – « Tant de blondeur. 15 La scène passée s’actualise dans des moments de suspens. pour démêler cet énorme problème que posait l’admirable blondeur de votre enfant » . op. […] mais seulement un paquet de bonbons ! Un petit arrêt ! Elle ouvre le paquet et prend un bonbon. tant et tant de blondeur inutile. bien plus tard » Si le premier événement.-A. Écrits. 87-108. A partir de là. au cours duquel elle trouve réponse à l’énigme de la féminité incarnée par Valérie : « – Il m’a fallu un an. très vite embaumera dans cette maison même le sommeil d’un homme encore inconnu ». elle est ailleurs. ce jour-là. Suivra le temps pour comprendre. Gallimard. elle a écarté ce rideau dont elle n’avait pas encore l’habitude. séduisant la jeune fille « jour après jour » pour la faire « saisir par les offices d’un homme de paille ». et comme elle a souri en l’écartant. mille fois entendu par moi. […] Elle ne regardait personne. Ibid. Le rideau de perles l’a recouverte. apparaissant dans l’encadrement des fenêtres : « Voici qu’il retrouve l’odeur des cheveux de Valérie et que ses yeux se ferment de douleur devant cette impuissance. Le futur s’anticipe dans le passé. dans la lumière de la place qu’elle a ouvert les yeux. pp. L’imaginaire. reprendelle. 18 19 20 DURAS M. avec un léger sourire de confusion. la femme amène M. Lentement. Ibid. Un an.. le deuxième – la rencontre de M. cit. 65 . je l’ai entendu. Prenant son temps. dansant. Prenant le temps des autres qui la regardaient comme dû de toute éternité sans le savoir. […] – « Les rideaux se sont écartés. se réveillant. 1966. celui que dans l’après coup à son tour. […] M. dans la lumière de la place du village. temps déshabité du fantasme et défini par la seule durée « des années qui s’étendirent entre ces instants et sa mort ». à découvert. la beauté de Valérie Andesmas ». juste avant que n’arrivent sur la plate-forme le couple de Valérie et de M. complètement. 21 Mais la démonstration se fait que le fantasme ne se partage pas et que Valérie n’y occupe pas pour chacun la même place. avec la perte de sa fille. suspendu avec angoisse aux paroles de la femme. C’est le temps d’un autre récit. enfant. C’est le temps pour comprendre. Andesmas fera de cette rencontre. ce ne fut que par hasard […] jamais elle ne le reconnut ou daigna le reconnaître ». pour toujours. op. à découvert. 84-90. sa « paresse à penser » l’ayant quitté. Andesmas releva la tête et contempla en même temps que la femme ce passage de Valérie. un an avant. Son forfait accompli la femme de M. une fois de plus relégués dans cet instant où elle avait vu. H Dans une perspective unique. […] Ils furent. semble-t-il. Andesmas alternent dans le roman avec des moments où. pour toujours. « Ils se retrouvent tous deux ensemble devant ce souvenir de Valérie un an avant. cit. « avec leurs rires nouveaux ». un quatrième temps traverse subtilement le roman. de l’angoisse. il opère sa saisie sur la scène rapportée. 66 . la beauté de Valérie Andesmas ». M. Arc. parcourir tous les recoins de cette étrange rencontre. quand elle ignorait encore la splendeur de sa démarche. pour le vieil homme. Ce moment se précipite dans l’urgence de la parole chez la femme et le refus de l’entendre chez M. pp. […] Ils furent. une fois de plus relégués dans cet instant où elle avait vu. Arc disparaît : « S’il la revit ensuite. s’y insère dans l’illusion que se conjoignent leurs solitudes réunies un instant dans une image commune. Andesmas. complètement. faisant espérer par la suite au vieil homme que la femme aurait pu « l’espace de quelques secondes se désintéresser d’elle-même en faveur de son immense vie éteinte et glacée ». acmé de la jouissance et du malheur et.. Arc. Le moment de conclure Le roman se termine au bord de l’instant conclusif où va se vérifier le scénario anticipé par la femme de M.. Enfin. 21 DURAS M. ils écoutent tous les deux. 21 la place du village.Accueil Cliquer Ces moments propres au temps de M. C’est à cet article que se réfèrent toutes les citations qui suivent dans le texte quand il n’y a pas d’autres indications. Reste à savoir comment le psychanalyste peut être impliqué dans cette méprise. C’est un de ces titres tel que Lacan sait les ciseler. Raison d’un échec ». 4 En somme la question traitée dans cet écrit porte selon une première perspective sur le transfert tel qu’on peut l’interroger du côté analysant et du côté analyste. p. 2001. Seuil. « La méprise du sujet supposé savoir ». Et « par affaiblissement. objectif ou subjectif ? La méprise est-elle celle de l’analysant ou de l’analyste ? A première vue il ne devrait pas y avoir de doute. 210. LACAN J. « Qu’est-ce que l’inconscient ? La chose n’a pas encore été comprise ». Autres écrits. de qui l’on vient chercher la science de ce que l’on a de plus intime […]. Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse. REY A. cette science. Le Séminaire. Paris. livre VIII. A suivre l’ordonnance de ces écrits tels que JacquesAlain Miller les a organisés dans les Autres écrits. « La méprise du sujet supposé savoir » est donc disjoint des écrits institutionnels et se trouve englobé entre « La logique du fantasme » et « L’acte psychanalytique ».S. cit. Paris. livre XI. Ici aussi quelque chose comme une surprise peut arrêter le lecteur. – il y a transfert ».. l’erreur. il a pris le sens moderne "d’erreur. pp. LACAN J. 1 daté du 14 décembre 1967. Paris. Le transfert. 1998. plus les comptes rendus des Séminaires « La logique du fantasme » qui ouvre ce chapitre et « L’acte psychanalytique » qui le clôt. à savoir qu’il y a erreur sur la personne. Laissons telle quelle cette problématique sur laquelle nous reviendrons et arrêtons-nous à la toute première phrase de ce texte qui constitue la deuxième perspective de cet écrit. Le Robert : Dictionnaire historique de la langue française. ce qui est sa véritable place théorique : entre le fantasme et l’acte. la « Proposition du 9 octobre 1967 sur le psychanalyste de l’École ». La définition du dictionnaire ne prête d’ailleurs à aucun malentendu : se méprendre c’est « commettre une erreur en prenant quelque chose ou quelqu’un pour quelque chose ou quelqu’un d’autre ». inadvertance" ». Le Séminaire. est celle de l’analysant qui institue quelqu’un en place de supposé savoir. 2001. Ce texte. Transfert et inconscient Le titre. prononcé à Naples. 1973. le psychanalyste. la méprise.. Ces trois derniers ont été publiés dans Scilicet I à la suite de la « Proposition » sur la passe. 3 Ce qui est ainsi décrit relèvera de l’ordre du concept tel que nous le trouvons dans le Séminaire XI : « Dès qu’il y a quelque part le sujet supposé savoir (…) S. 329-339. 5 REY A. op. 2 Quant au sujet supposé savoir. C’est ce qui donne son axe à notre lecture. alors que « La méprise du sujet supposé savoir » figure dans le chapitre VI accompagné des écrits prononcés en Italie. fut suivi par deux autres petits écrits : « De Rome 53 à Rome 67 : la psychanalyse. il est supposé l’avoir ». il y a eu. prononcé à Rome le 15 décembre 1967 et puis « De la psychanalyse dans ses rapports avec la réalité » prononcé le 18 décembre 1967 à Milan. Seuil. Seuil. Le terme de méprise d’abord découle du verbe se méprendre et renvoie 1 67 .Accueil Cliquer Le psychanalyste et l’intraduit Une supposition de savoir Joseph Attié au sens moral de mauvaise action. Il va s’agir ici de lire ce petit écrit de Lacan intitulé « La méprise du sujet supposé savoir ». 5 Nous trouvons dans cette définition ce que Freud nous dit en premier à propos du transfert. pp. et la tenue du séminaire « L’acte psychanalytique » qui s’était engagé à partir du 15 novembre 1967. Nous sommes en 2 3 4 LACAN J.. 83-84. Selon une deuxième perspective c’est le statut de l’inconscient qui est interrogé. Paris. dans la même année. Précédant cet écrit. Erreur sur la personne et savoir supposé Le syntagme « la méprise du sujet supposé savoir » produit donc une sorte d’hésitation dans l’esprit : la méprise de est-elle à prendre au sens du génitif. « La méprise ».s. Il faut noter que celle-ci figure dans les Autres écrits au chapitre V avec les écrits institutionnels de Lacan.. nous en trouvons l’annonce dans le Séminaire sur Le transfert : « Voici un homme. (1960-61).. « La méprise du sujet supposé savoir » arrête immédiatement l’attention par on ne sait quoi qui peut prêter à équivoques. et c’est ce qui importe.Accueil Cliquer effet en 1967 . autant que la supposition. le futur analysant. Nous retrouvons dès lors la question du savoir dans son rapport à l’inconscient qui va mobiliser Lacan. à condition d’avoir été arrêté par ce petit rien qui parfois résonne dans la tête. de faire une mise au point par rapport à la littérature psychanalytique.. D’un savoir « non-su ». prétendu développement affectif ». comme tendance instinctive. C’est qu’il s’agit toujours de faire la part des choses. op. dit le sujet. « Proposition du 9 octobre 1967 sur le psychanalyste de l’École ». 249. faisant parler le sujet : « je suis une chambre obscure où 7 LACAN J. La formule que Lacan utilise dans la « Proposition » est plus précise encore « le non-su s’ordonne comme le cadre du savoir ». Celui qui vient sonner à la porte d’un analyste lui suppose un certain savoir sur « son intime » disait Lacan. c’est cet élément radioactif qui vous ronge et ne vous laisse jamais en repos tant qu’il n’a pas été élaboré. 341. contre. Raison d’un échec ». Nous sommes là au niveau du constat. Soit : à l’appel d’un signifiant […] je ne réponds pas "présent" » (p. p. Comment dès lors dire ce que c’est directement ? Un savoir non-su et la lumière du signifiant Après avoir évoqué la question du sujet. non plus qu’ailleurs n’est digressive ». La question de l’inconscient ayant été posée. Et pourtant celui-ci vient nous dire « la chose n’a pas encore été comprise ». Dans tout écrit de Lacan nous trouvons une part de « polémique (qui) ici. c’est de ne pas se rappeler de ce qu’on sait ». «"De ceci. Revenons dès lors à la question « qu’est-ce que c’est que l’inconscient ? ». Par quoi donc ? Par un signifiant. A la théorie de certains auteurs sur la « migration de la libido. […] réussirent à [la] faire oublier ». Entre supposition et savoir la question de l’acte est le point pivot de la dialectique qui peut s’engager. En effet la question de l’inconscient et de son vrai statut restera permanente tout au long de son enseignement. avant de s’engager dans les faits de structure. note). Celui-ci n’a rien à voir avec la connaissance. Le rêve par exemple peut n’être pas une preuve de l’inconscient pour le sujet. cit. La supposition devient ainsi un fait majeur dans le nouement du transfert à côté de celui du savoir qui est en jeu dans la cure et enjeu de la cure. 2001. Ce sur quoi il insiste à partir de ces deux aphorismes c’est que « l’inconscient ce n’est pas de perdre la mémoire . Seuil. 334. il y a eu ensuite « le retour à Freud » de Lacan. 6 Cela ne s’arrêtera pas en 1967. Reste à trouver sa raison qui réside dans l’opération transférentielle. 334). Des pensées qui relèvent de l’ordre des souhaits. Lacan rappelle la première réponse de Freud : l’inconscient « c’est des pensées ». Il est en effet supposition en acte. Par 6 LACAN J. par quoi il ne s’ouvre pas tant qu’il ne s’ensuive qu’il se ferme ». ce qui nous autorise à dire qu’il y a un inconscient selon Lacan. 7 Ce que le sujet ne sait pas constitue le cadre de son savoir. des vœux inconscients par exemple. Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse. ne sait pas. Car « nulle prétention de connaissance ne serait de mise ici. Lacan poursuit. la dialectique qui peut animer celui-ci. Car la fonction de l’inconscient c’est « d’effacer le sujet ». Le savoir (inconscient). « Je me rappelle à l’être (de la représentation) à partir de cela […] d’un signifiant » (p. « La psychanalyse. Nulle prétention donc de connaissance puisque si l’inconscient « c’est ça ». d’autant plus que « sa structure ne tombait sous le coup d’aucune représentation ». c’est au cœur de ce savoir que se creuse le non-savoir. D’où la dynamique. comme trace phylogénétique etc. D’où l’ambition de Lacan de « renouveler le statut de l’inconscient ». Laissons en effet le sujet raconter tout ce qu’il sait. Notons immédiatement que l’inconscient s’articule ici à la question de la supposition. en tout cas sur ce que lui. je ne me rappelle pas". En effet cette découverte. Autres écrits. « la plus révolutionnaire qui fût pour la pensée ». il y a eu au début du XXe siècle les travaux de Freud qui ont jeté le fondement de l’inconscient . alors que la connaissance peut s’accumuler en volumes toujours inertes.. Paris. c’est le discours de l’Autre ». la rencontre de l’analyste constitue cette preuve dans la méconnaissance du sujet. Lacan oppose la conception déjà émise dans le Séminaire XI de l’inconscient comme pulsation temporelle. est d’ailleurs intitulé « L’inconscient freudien et le nôtre ». c’est au cœur de cet écrit que Lacan rappelle ses deux aphorismes : « L’inconscient est structuré comme un langage » et « L’inconscient. Autres écrits. 68 .. Le chapitre deux du Séminaire XI. Lacan apporte sa critique sur la manière dont il lui a été répondu : l’inconscient comme pattern de comportement. puisque nous ne savons même pas si l’inconscient a un être propre ». les psychanalystes « d’avoir voulu s’en rassurer eux-mêmes. c’est peut-être « ça mais à la gomme ». ouverture et fermeture : « cet aspect de l’inconscient. p. Ce signifiant peut n’être qu’une lueur qui peut guider. puisqu’il ne s’y rend qu’à ce qui. ou bien il ne peut rien voir parce que c’est le noir. Lacan poursuit l’articulation entre le sujet et le savoir. celui de l’Autre. il y a intérêt à ce que le sujet soit aveuglé. c’est-à-dire ne pas savoir que ce discours l’implique ». c’est un effet de division. Comment ne pas lire cela comme étant l’analysant et l’analyste. jusqu’à ce qu’un signifiant soit l’index qui peut mener à ce qui s’entrouvre vers quelque chose d’autre. c’est de ne pas se rappeler de ce qu’on sait ». Par opposition l’inconscient est dit être « la lumière qui ne laisse pas sa place à l’ombre ». Tel est ce statut de l’inconscient. L’intéressant ici est de voir ce que Lacan fait de ce on. le représentant de la représentation que Lacan exploitera dans toute sa rigueur. C’est là « une résistance ontique » ajoute Lacan. soit « le lien du sujet à un discours d’où il peut être réprimé. Seul le signifiant peut dès lors faire lumière adéquate dans la tête du sujet. Reprenons la formule de Lacan « l’inconscient. est support de l’être. et non pas la figure de l’omnitude ». Ce signifiant peut n’être qu’une lueur qui peut guider. aveuglément. . par rapport à ce « qu’il puisse y avoir un dire qui se dise sans qu’on sache qui le dit ».celui de l’Autre. ou bien il est aveuglé par la lumière. conclut Lacan. d’être d’une altérité radicale mais qui ne se définit que par rapport à un savoir. Quelque chose aurait eu lieu pour lui sans qu’il sache de quoi il retourne. qui désigne les actes symptomatiques. Begriff c’est le terme qui veut dire concept en allemand et que Lacan rend ici par prise. Tel est ce statut de l’inconscient. plutôt que d’être dans la nuit noire. En général. Un concept en effet c’est ce qui donne prise sur quelque chose. le sujet ne saurait que tel discours l’implique. En général. Voici ce qu’il dit : le on c’est un « support de l’être. Comme de das Ding nous ne saurons rien de la « représentation ». « ni qu’il s’y dise. L’être de la représentation c’est nulle représentation « d’où se prouve que j’aie habité là ». Il avance. Reprenons la formule de Lacan « l’inconscient. c’est de ne pas se rappeler de ce qu’on sait ». Il y aura d’ailleurs lieu de décrire toutes les modalités de l’effet du signifiant sur le sujet. La pointe ici porte sur toute une résistance. Mais aveuglé par le signifiant. Mais aveuglé par le signifiant. Bref. L’accent est ici porté sur le vorstellungsrepräsentanz. C’est entre prise et méprise que le sujet s’annonce et souvent s’y perd. Vergrefein. autrement dit d’une quelconque totalité. A l’opposé de tout ce qui a été dit de l’inconscient avant Freud. qui est la prise. Hors toute supposition qui nous introduit dans la dialectique transférentielle. d’être d’une altérité radicale mais qui ne se définit que par rapport à un savoir. – ni qu’il sache ce qu’il dit ». est la méprise ». celui-ci marque bien « que c’est d’un lieu qui diffère de toute prise du sujet qu’un savoir est livré. quelque chose s’annonce dont la négation implique sa confirmation. le sujet ne saurait se représenter. ce on c’est « le sujet supposé savoir ». [comme] un étant. S’agissant de l’inconscient nous pouvons bien dire que toute prise passe par une méprise. Par ailleurs. Reste ce qui relève de l’un et l’autre dans ce sujet supposé savoir. En effet le sujet n’a aucune prise sur ce savoir et il ne se rend à ce lieu qu’à l’occasion d’une méprise. Par ailleurs. le sujet ne saurait se représenter. où je ne suis qu’un manque du sujet ». dans la mesure où il avance. dans toute une conception de la psychanalyse. sans que le sujet s’y représente. Nous avons là une image. c’est un effet de division. C’est cette deuxième source qui donne son vrai statut au sujet. C’est dans ce sens que le on comme étant. le sujet comme chambre obscure où l’on a allumé. du sujet. Il y aura d’ailleurs lieu de décrire toutes les modalités de l’effet du signifiant sur le sujet. Quelque chose aurait eu lieu pour lui sans qu’il sache de quoi il retourne. Réprimé. il y a intérêt à ce que le sujet soit aveuglé. ni qu’il s’y dise. L’image de l’obscurité et de la lumière aveuglante fonctionne parfaitement 69 ici. Lacan évoque ici « le souvenir » dont on confond les deux sources. Entre ces deux termes. Un sujet qui ne sait pas ce qu’il dit C’est ce qui mène Lacan à ce propos crucial que l’inconscient « c’est quelque chose qui se dit. dépassant le Begriff. En somme. C’est par rapport à elle qu’il y a un manque de sujet. L’inconscient est un discours. « ni qu’il s’y dise. plutôt que d’être dans la nuit noire. par un signifiant évidemment. Soit « l’insertion du vivant dans la réalité ». L’image de l’obscurité et de la lumière aveuglante fonctionne parfaitement ici. ni qu’il sache ce qu’il dit ». prise et méprise. Encore heureux si la méprise mène vers une prise d’un certain savoir. Il est lumière parce que comme signifiant il représente ma représentation « là où elle manque.Accueil Cliquer l’on a allumé : plus moyen que s’y peigne par son trou d’épingle l’image de ce qui se passe audehors ». par un signifiant évidemment. ni qu’il sache ce qu’il dit ». Lacan précise que méprise c’est le mot de Freud. Et il nous annonce ce que devrait comporter cette théorie : « un manque qui doit se retrouver à tous les niveaux. livre XI. mais de non-réalisé ». place vide. de la theoria. 549. Opérons dans un premier temps une distinction de ce qui se présente à nous comme équivalence entre le sujet supposé savoir et Dieu. (inédit). que Lacan passe du sujet dans son rapport au savoir et à sa méprise où il est toujours pris. seul à pouvoir donner naissance à ce qui n’est pas encore. Ce sujet est qualifié dans « Question préliminaire » par « son ineffable et stupide existence ». LACAN J. Comme sujet supposé savoir nous pourrons dire que nous sommes ici renvoyés au trésor des signifiants qui ne sont pas encore advenus. c’est en quel on de l’être ? ». sujet à venir. et tout autre analyste qui opérerait après lui. Glissement ici tout à fait annoncé. 13 Nous ne pouvons que mieux prendre la mesure théorique de l’existence d’un tel supposé savoir. Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse. LACAN J. Le Séminaire. Seuil. 12 Nous avons donc d’une part un sujet supposé savoir. Il est béant ce rapport dans la mesure où le Nom-du-Père n’est qu’un symbole. Avant donc que le signifiant n’advienne et articule la position d’un sujet. Jacques Lacan. « L’acte psychanalytique ». Le passage à l’analyste C’est à ce tournant. quel peut bien être le sujet à le savoir avant ? Nous sommes toujours sur la ligne de crête d’un savoir insu. 1966. 11 II s’agit de savoir simplement « si cette dimension du sujet en tant que support du savoir est quelque chose qui doit être en quelque sorte préétabli aux questions sur le savoir ». Concernant la question à « quel on de l’être » va-ton situer ce sujet. celui-ci reste un sujet virtuel. 9 Nous sommes là dans un registre « qui n’est rien d’irréel. 70 . p. Le Séminaire. Ibid. dont plus tard Lacan fera un semblant. Isaac et Jacob. Dieu lui-même ». 1973.Accueil Cliquer Un sujet à venir Une question majeure est alors soulevée par Lacan : « le savoir qui ne se livre qu’à la méprise du sujet. quelque chose qui joue (comme) fonction de sujet supposé savoir ». et former le nœud de l’ininterprétable ». du non-né ». D’autre part il y a le Dieu de la théologie dont Freud a bien situé sa place. Ibid. où est-il ce sujet avant la prise dans ce signifiant ? Ce que Lacan illustre d’une référence à Cantor : « où peut-on dire que le nombre transfini. D’où le devoir qui incombe à l’analyste : « Non pas seulement […] de construire la théorie de la méprise essentielle au sujet de la théorie : ce que nous appelons le sujet supposé savoir ». séance du 29 novembre 1967. Et si la théorie du nombre transfini existe quelque part avant sa découverte c’est incontestablement dans une supposition de savoir.. 8 Ineffable et stupide existence tant que le signifiant n’est pas venu l’assigner à quelque chose. Écrits.. autrement dit à être constitué pour la première fois. qui doit élaborer la théorie de cette méprise. Quant à Dieu. Lacan revient de nouveau à ce on comme « sujet supposé savoir. 25. là en certitude. dirai-je. « D’une question préliminaire à tout traitement possible de la psychose ». s’inscrire ici en indétermination. quel peut bien être le sujet à le savoir avant ? ».. p. C’est un Dieu qui reste latent à toute theoria. 26. C’est dans ce lieu de la supposition qu’on peut loger tout savoir. et le sujet supposé savoir n’est que le fantasme de l’analysant. Entre le « sujet supposé savoir » et le Nom-du-Père Lacan avance une autre formule majeure de cet écrit : « C’est à un rapport si béant qu’est suspendue la position du psychanalyste ». Ibid. C’est sur ces prémisses que peut s’engager une analyse. Paris. En effet si le savoir (à entendre comme savoir signifiant) n’est pas encore advenu. à entendre dans le sens soulevé par Lacan : mais où était le nombre transfini avant sa découverte ? En somme le sujet supposé savoir « préexiste à son opération ». 11 12 13 LACAN J. séance du 21 février 1968. à la position de l’analyste.. c’est du Dieu des philosophes qu’il s’agit et non pas celui d’Abraham. « Il y a quelque 8 9 10 part. 10 Le sujet supposé savoir ici n’est rien d’autre que l’analysant lui-même. celle de Dieu le père et que Lacan a désigné du Nom-du-Père. p. En effet. livre XV. Seuil.. De cette supposition quelque chose doit advenir. autrement dit à partir du Dieu des philosophes. ni de déréel. comme « rien que savoir » attendait celui qui devait se faire son trouveur ? Si ce n’est en aucun sujet. Paris. C’est donc lui. relevant encore de l’inconscient non pas comme réservoir mais comme réserve de ce qui a à advenir. Et si le sujet ne s’annonce que d’un signifiant. dans l’aire. l’inconscient selon Lacan « se manifeste à nous comme quelque chose qui se tient en attente. Il y a ainsi un supposé savoir latent à toute théorie qui est distinct du Dieu de la théologie. dans l’après coup. cela va sans dire. cet ombilic du rêve. Déjà dans la « Proposition » sur la passe Lacan notait : « Il est clair que du savoir supposé. Il revient par ailleurs sur ce titre dans son Séminaire « L’insu que sait de l’une-bévue s’aile la mourre » pour y apporter quelques précisions. L’analyste ne peut que soutenir cette méprise.. ce qu’il déroule. Dans le passage de l’analysant à l’analyste. C’est ce qui déterminera la part de l’interprétation et le nœud de l’ininterprétable. ce qu’il développe c’est ce qu’il sait ». Une telle formulation est de la plus grande importance et comporte une distinction majeure.Accueil Cliquer Désupposition du savoir Le manque. Et il s’arrête là comme saisi par ce qu’il avance au point de se demander : « que suis-je pour oser une telle élaboration ? ». Pour tout homme non averti en effet un rêve. L’analyste ne saurait s’égaler à la structure dans sa forme mentale. D’où cette définition que Lacan donne de l’acte : « Ce qui constitue l’acte psychanalytique comme tel. D’un autre côté. Du latin impérial supposition nous avons l’« action de placer dessous ». « L’acte psychanalytique ». en tout cas qui a désupposé le savoir à l’Autre. Le Séminaire. est très singulièrement cette feinte par où l’analyste oublie que dans son expérience de psychanalysant il a pu voir se réduire à ce qu’elle est cette fonction du sujet supposé savoir » 15 (je souligne). un lapsus ou un mot d’esprit. p. et le sujet subverti étant l’analysant. n’en maintient pas moins la fiction d’un sujet supposé savoir. (l’analyste) ne sait rien ». (inédit). Ce qui est dit de la manière suivante : « le psychanalyste a à s’égaler à la structure qui le détermine non pas dans sa forme mentale. Gallimard. à chaque fois que manque le signifiant qui devrait l’accrocher. « Proposition du 9 octobre 1967 sur le psychanalyste de l’École ». à critiquer cette supposition et à expliquer son lapsus comme bon lui semble. celle de l’existence d’un inconscient sans pouvoir rien dire d’autre. ajoute-t-il. Nous passons alors à un deuxième trait qui doit marquer le psychanalyste. nous dirons.. celle-ci serait probablement toujours débile. livre XXIV « L’insu que sait de l’une-bévue s’aile la mourre ». Le savoir est son attribut comme supposition. cit. Il y a un 16 17 18 REY A. d’en avoir la pratique. 16 C’est effectivement ce qui peut se dire de l’opération analytique. LACAN J. peut renvoyer à une telle supposition. L’objet actif étant l’analyste. 10 mai 1977. à condition. hélas ! c’est bien là qu’est l’impasse. simple. Il en résulte dans l’opération analytique cette aporie de l’acte : « acte que je fonde d’une structure paradoxale de ce que l’objet y soit actif et le sujet subverti ». Et c’est chacun de ces signifiants qui inscrirait la part d’indétermination et celle de certitude. la part « d’incertitude qui nous vient des « et la certitude qui peut suivre rêves 14 l’énonciation du sujet. « substitution frauduleuse ». C’est là une position. LACAN J. Seuil. si on veut. Paris. 17 Ce qui ouvre à la question de ce qu’il a à savoir. celui-ci sait très bien le destin qui lui est réservé. pour reprendre à son compte cette position. Parler du psychanalyste comme d’un sujet surprend évidemment dans la mesure où il n’y a qu’un sujet dans le cadre d’une cure et c’est l’analysant. Paris. La méprise dès lors est d’une part celle insue de l’analysant et celle feinte par l’analyste. LACAN J. mais dans sa position de sujet en tant qu’inscrite dans le réel : une telle inscription est ce qui définit proprement l’acte ». C’est là que réside son acte. Plus fondamentale est la position du sujet. 249. « celui qui sait. C’est. Sa réponse. Cette feinte est l’essence même de l’opération analytique. Par contre on peut parler de l’analyste comme sujet dans la mesure où il s’agit du sujet qui a découlé d’un acte préalable. Il s’agit donc du sujet qui avait fini son analyse. nous dit Lacan. (inédit). qui se retrouve à tous les niveaux. c’est celui du sujet. il 14 15 Selon le titre d’un ouvrage de Roger Caillois. D’un côté en effet le supposé savoir c’est l’analyste. L’analyste se trouve alors réduit à n’être que l’objet petit a. 2001. Autres écrits. le sens général étant « conjoncture générale de l’esprit qui suppose sans pouvoir affirmer » ». et du latin en général « nous avons « hypothèse » dérivé de suppositum. Il faut relever ici l’étymologie latine de supposition. Formule qui a l’air d’aller de soi. 71 . c’est l’analysant . livre XV. mais c’est toujours mieux en le disant : on ne saurait être un analyste sans en avoir la pratique. 29 novembre 1967. l’analysant l’ayant réduit à son désêtre.. op. Le Séminaire. c’est qu’il parle de la position de l’analyste. Le savoir de l’Autre qui n’existe pas Revenons ici à l’oscillation qui peut se déceler dans le titre « La méprise du sujet supposé savoir ». 1956. Quitte d’ailleurs. « d’une atopie sans précédent ». d’un inconscient devenu supposition tout à fait objective celle-là puisque l’analysant a besoin d’un Autre en face de lui et qui incarne pour lui ce savoir insu à lui-même. 18 Plus précisément encore Lacan rappelle son propos « Il y a de l’Un » dans une analyse.. Accueil Cliquer signifiant, et « l’Un dialogue tout seul puisqu’il reçoit son message sous une forme inversée, c’est lui qui sait », ajoute Lacan, « et non pas le supposé savoir » 19 Nous trouvons ici, poussée à l’extrême, la question de la subversion du sujet. Ce n’est même pas lui qui sait mais le signifiant qui le représente et qui est gros de tout le savoir. D’un autre côté et s’agissant de l’Autre « c’est un Autre qui suit ce que le sujet a à dire, à savoir ce qu’il sait ». 20 Nous avons en effet là les conditions de possibilités du transfert. Mais cet Autre, Lacan rappelle qu’il l’a marqué dès le graphe « par une barre qui le rompt ». 21 Nous avons dès lors le double statut de cet Autre, en tant que sujet supposé savoir (pour l’analysant), et en tant qu’il n’existe pas. L’Autre « n’est rien d’autre que cette duplicité ». 22 C’est pour cela que dans l’écrit « La méprise du sujet supposé savoir » il est dit que « c’est à un rapport si béant qu’est suspendue la position du psychanalyste ». Le mot de la conclusion de Lacan, nous pouvons le repérer dans la formule suivante : « mon entreprise ne dépasse pas l’acte où elle est prise, et […] donc elle n’a de chance que de sa méprise ». Ceci nous installe entre une prise dans une entreprise à la condition d’une méprise. Le tout étant suspendu à une conception de l’inconscient comme savoir non su que l’analysant se précipite à situer dans l’Autre. Mais cet Autre qui n’est qu’une supposition possède quand même un certain « savoir ». C’est ce que Lacan précise de la manière suivante : « Le sujet supposé savoir c’est quelqu’un qui sait. Il sait le truc, la façon dont on guérit une névrose ». 23 C’est mince ce truc, mais c’est conséquent avec l’acte de celui qui a su réduire son analyste à sa désupposition. Sans avoir levé toutes les difficultés internes à cet écrit, et elles restent nombreuses, il est possible de formuler la thèse de celui-ci : à telle conception de l’inconscient, d’un savoir non su, correspond une conception de l’analyste, dans une méprise, comme sujet supposé savoir. Une telle perspective d’une supposition doublée d’une méprise ne doit rien à Freud. Elle est tout à fait lacanienne. Un sujet supposé au chiffrage Pierre Malengreau A quelles conditions une psychanalyse peut-elle produire du nouveau ? La question vaut d’être posée à une époque où la clinique est toujours plus menacée par la force du même et par le recours aux solutions symptomatiques que commande le discours du maître.* Jacques-Alain Miller, dans son introduction à la lecture du Séminaire V de Lacan 1 a déjà montré la fécondité d’une telle question. Elle introduit dans l’abord de certains concepts psychanalytiques une mise en perspective qui va à l’encontre d’une lecture dogmatique de l’enseignement de Lacan. Aborder le transfert dans cette perspective convient tout particulièrement dans la mesure où le nouveau et le retour du même, qu’il soit du côté de la répétition signifiante ou de l’inertie de jouissance, s’y trouvent étroitement articulés. Pour Freud le transfert était, selon une formule de J.A. Miller, la « conséquence surprenante de la lecture assistée de l’inconscient ». 2 Lacan radicalise cette découverte. Pour lui, l’apparition du transfert n’est pas fortuite. Elle est liée au fait même de parler. « Le transfert est constitué par la parole elle-même, au niveau du sens. […] Parler, c’est transférer ». 3 C’est ce dont la psychanalyse tire les conséquences. Elle prend acte logiquement de ce que l’expérience psychanalytique est une expérience de parole. Une première façon d’en tirer conséquence est de considérer la parole en termes d’articulation signifiante et de production de sens. Mais référer le transfert à une expérience de parole nous oblige aussi à prendre acte concrètement de ceci, qu’une expérience de parole implique non seulement des énoncés, mais aussi la jouissance qu’ils recèlent. 1 2 3 MILLER J.-A.,… du nouveau ! Introduction au séminaire V de Lacan, Paris, Rue Huysmans (collection éditée par l’ECF), 2000. MILLER J.-A., « Corne iniziano le analisi », La Cause freudienne, 29, février 1995, p. 11. MILLER J.-A., intervention in L’enfant et les sortilèges, vies Rencontres du CMPP d’Orly, 1997, p. 88. 19 20 21 22 23 Ibid. Ibid. Ibid. Ibid. Cf. Conclusion du Congrès sur la Transmission, Juillet 1978, Lettre de l’École freudienne de Paris, 25, p. 220. 72 Accueil Cliquer L’exercice de la parole comporte toujours cette double référence au signifiant d’une part, et d’autre part, à quelque chose de plus qui tient au réel de celui qui parle. Cette implication amène le psychanalyste à reconnaître dans le transfert non seulement un enjeu de savoir, mais aussi quelque chose qui s’en exclut, et qui concerne pour chacun l’indétermination de son être. Le transfert introduit de ce fait dans l’expérience une nouvelle conjoncture, que Lacan définit différemment selon les moments de son enseignement. L’« Introduction à l’édition allemande du premier volume des Écrits » radicalise les coordonnées de cette conjoncture. Il prolonge et subvertit dans un même mouvement la perspective ouverte dès le premier temps de l’enseignement de Lacan. D’où vient le nouveau ? Il vient, pourrait-on dire, du transfert lui-même pour celui qui y consent. Nous suivrons ici quelques balises du cheminement de Lacan autour de la question du transfert afin d’en extraire ce que ce texte, republié récemment dans les Autres écrits, y amène de neuf. Un changement de position du sujet L’« Intervention sur le transfert » inaugure la mise en perspective du transfert. Lacan y oppose d’emblée les effets imaginaires du transfert et son ressort symbolique. Le transfert y est présenté comme un moment de stagnation, et le nouveau vient de la manière dont l’expérience analytique aborde ce moment lorsqu’elle le considère comme un moment qui scande une « série de renversements dialectiques ». 4 Lacan pourtant ne se limite pas à cette façon de voir. Il ne suffit pas d’ordonner le matériel pour que du nouveau advienne pour le sujet. « Il ne s’agit pas d’un artifice d’ordonnancement pour un matériel (…). Il s’agit d’une scansion des structures où se transmute pour le sujet la vérité, et qui ne touchent pas seulement sa compréhension des choses, mais sa position même en tant que sujet ». 5 Ce qui est touché, ce n’est pas seulement la compréhension des choses, c’est la position du sujet. Que Dora reconnaisse par exemple sa participation au désordre du monde qu’elle dénonce, pourrait n’être qu’une ruse de plus de la névrose. Ce n’est pas parce qu’un sujet reconnaît sa part de responsabilité qu’il change 4 5 LACAN J., « Intervention sur le transfert », Écrits, Paris, Seuil, 1966, p. 218. Ibid. pour autant de position par rapport à ce qui lui arrive. Le goût du névrosé pour le manque et sa capacité à l’aveu de ses fautes sont souvent insatiables. La rectification subjective dont parle Lacan est d’un autre ordre. Aller au-delà de ce qui se répète dans le transfert va ici de pair avec un changement de la position du sujet. Quelques années plus tard, lors du Séminaire Lacan nous dira que c’est « l’élément-temps » 6 dans le transfert et son maniement qui permettront cette modification de la position du sujet. Les différents moments de renversement dialectique relèvent de cette modulation du temps logique. Chaque moment de cette dialectique est un moment de conclusion qui porte la marque du temps. C’est une conclusion qui change le problème. Le nouveau vient dès lors, non pas d’un seul renversement, mais de sa succession. Le temps logique s’avère de ce fait indissociable du temps réel. Ce qui est réel, c’est cette trajectoire et la modification du problème au fur et à mesure que le sujet parcourt la chaîne de ses positions. 7 La modification du problème qui va de conclusion en conclusion suppose de la part du sujet qu’il en fasse le parcours, et c’est par ce biais qu’il nous est possible de saisir en quoi les renversements dialectiques du transfert modifient le sujet. Elles le modifient par la manière dont elles le requièrent. En introduisant ainsi la « modulation du temps » 8 , Lacan anticipe une formule qu’il avancera ultérieurement, et qui traverse la première partie de son enseignement : « le transfert est une relation essentiellement liée au temps et à son maniement ». 9 L’émergence d’une supposition C’est par un tout autre bout que le Séminaire sur Le Transfert aborde la question. Le nouveau ici vient du rapport de la demande d’amour de transfert au désir spécifique qu’elle inclut. Le commentaire du Banquet va permettre à Lacan d’esquisser l’orientation qui prévaudra dès ce moment : l’enjeu de cette demande d’amour dans le transfert, c’est le savoir. L’amour de transfert est un nouvel amour, un amour neuf du fait du type de rapport qu’il y a entre l’Autre auquel il s’adresse et le savoir qu’il est supposé détenir. 6 LACAN J., Le Séminaire, livre I, Les écrits techniques de Freud, Paris, Seuil, 1975, p. 268. MILLER J.-A., « Les us du laps », cours inédit, leçon du 27/3/2000. LACAN J., loc, cit. LACAN J., « Position de l’inconscient », Écrits, Paris, Seuil, 1966, p. 844. 7 8 9 73 Accueil Cliquer Lacan s’appuie pour cela sur la relation d’amour qu’il y a entre Alcibiade et Socrate. A la demande d’amour que lui adresse Alcibiade, Socrate répond par un refus. Il refuse de dire ce qui lui est précieux. Comme l’a longuement commenté J.-A. Miller, 10 le refus de Socrate conditionne l’amour d’Alcibiade. Son amour est allumé par quelque chose qui reste voilé. C’est dans la mesure où Socrate retient le rien de ce qu’il est, c’est dans la mesure où il ne dit pas oui à ce qui l’identifie, qu’il provoque chez Alcibiade une demande d’amour qui n’est rien d’autre qu’une demande de savoir susceptible « de le renvoyer à son véritable désir ». 11 En fait, Socrate ne détient qu’une signification, 12 celle que Alcibiade lui suppose. A l’instar d’Alcibiade, l’analysant suppose que l’analyste a ce qui lui manque. « Il y a dans la manifestation du transfert quelque chose de créateur ». 13 Le sujet « construit quelque chose ». Il construit une fiction que Lacan dénote du terme de « supposition ». 14 Le transfert est créateur d’une supposition qui tient à la position du psychanalyste. C’est parce que Socrate ne présente pas son désir à visage découvert, que surgit le sujet supposé savoir. Il engendre à partir du rien qu’il retient, une supposition à partir de laquelle le désir d’Alcibiade pourra être interprété. L’élément nouveau, c’est donc le désir de l’analyste en tant qu’il permet l’émergence de cette supposition. Un transfert fondé sur la pulsion Cette avancée sur la supposition d’un savoir anticipe de peu ce qui apparaît dans le Séminaire XI comme un véritable tournant dans l’enseignement de Lacan. Ici les conditions de production du nouveau ne sont plus recherchées du côté des différents ressorts du symbolique, mais du côté de la présence effective du psychanalyste. Le transfert était abordé jusqu’alors dans un contexte qui faisait valoir la suprématie du symbolique sur le réel. Que ce soit en terme de renversement dialectique de la position du sujet, ou en termes de demande et de désir, le nouveau était articulé à des repères liés au symbolique. Ce qui sert de boussole à partir du Séminaire XI, ce n’est plus l’élucidation nécessaire des signifiants qui viennent de l’Autre et qui déterminent l’orientation d’un 10 11 12 13 14 MILLER J.-A., « Les deux métaphores de l’amour », Revue de l’École de la Cause freudienne, 18, juin 1991, pp. 217-222. LACAN J., Le Séminaire, livre VIII, Le transfert, Paris, Seuil, 2001, p. 216. MILLER J.-A., « Les deux métaphores de l’amour », op. cit. LACAN J., op. cit., p. 211. Ibid., p. 316. désir. Ce qui oriente la pratique, c’est plutôt ce qui résiste à cette suprématie du symbolique sur ce qui arrive « comme au hasard ». 15 L’expérience analytique met en évidence qu’il y a un reste que le symbolique ne peut pas réduire, et qui pourtant concerne le sujet dans son être même. Le transfert donne accès à cet « indéterminé de pur être » 16 en passant par une création de méprise qu’il nomme « sujet supposé savoir ». Il y a donc là un paradoxe : c’est par l’expérience d’une méprise liée à ce qui se passe du fait de la parole analysante, qu’un sujet peut avoir accès à ce qu’il a de plus intime, à cette part de son être qui ne se laisse pas déterminer par le signifiant. Du fait du transfert, le psychanalyste incarne dans la cure cette part du sujet qui ne se laisse pas réduire par du savoir, voire qui lui fait obstacle. Ce qui manque, ce n’est pas le savoir, puisqu’il suffit de s’y mettre pour en saisir un bout. Ce qui manque, c’est cette détermination de l’être. Une façon simple de le cerner, c’est de la supposer à l’autre. Si la présence réelle de l’analyste a un tel retentissement dans la cure, ce n’est pas parce que l’analyste est pris pour un autre. C’est parce que le sujet ajoute quelque chose à cette présence, quelque chose qui le concerne dans son être le plus intime. C’est ce que Lacan aborde par le bout de la fermeture du transfert. « Ce qui cause radicalement la fermeture que comporte le transfert (…), c’est ce que j’ai désigné par l’objet a ». 17 Le psychanalyste incarne dans la cure cette part à jamais perdue du sujet. L’objet a a pour fonction d’indiquer la place d’un manque. Il s’avère le plus apte à représenter cette part perdue que nul savoir ne peut réduire. Il peut être, pour une part, appréhendé, voire reconstruit dans l’expérience analytique, à partir des formes qu’il a prises dans l’histoire d’un sujet, à partir des moments où il s’est fixé pour lui. Cet objet que l’analyste incarne sans en connaître les contours, porte la trace des premières rencontres du sujet avec l’Autre, notamment avec ce premier Autre qu’est la mère. L’objet a dénote la position du sujet à l’endroit de la jouissance, telle qu’elle s’est fixée lors des conjonctures des premières expériences de jouissance. C’est à ces premières conjonctures que le champ du transfert introduit en proposant au sujet une nouvelle conjoncture. Il offre au sujet la possibilité de 15 16 17 LACAN J., Le Séminaire, livre XI, Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse ,Paris, Seuil, 1973, p.54. Ibid., p. 118. Ibid., p. 121. 74 Accueil Cliquer remettre au travail, s’il le désire, la ou les premières mises en forme de sa jouissance pour éventuellement s’en séparer, ou s’en parer d’une nouvelle façon. Ici, avec la notion de sujet supposé savoir, Lacan tente de fonder le transfert, non plus à partir de l’amour comme c’était le cas dans le Séminaire sur Le transfert, mais à partir de la pulsion, 18 à partir de ce qui, du corps, s’incarne dans le langage. Le sujet supposé savoir et l’objet dit petit a définissent deux abords du transfert, tel qu’il se déploie dans la rencontre contingente avec un psychanalyste. Le transfert prend son départ de la manière dont l’analyste se fait le support d’un point privilégié qui a comme caractéristique d’être « sans aucun savoir ». 19 Le savoir comme chiffrage L’« Introduction à l’édition allemande d’un premier volume des Écrits » apporte sur ce point une précision inédite. Contrairement à Freud qui identifiait l’amour de transfert aux amours de l’enfance, Lacan considère ici l’amour de transfert comme une « nouvelle forme » 20 de l’amour. Le nouveau, dans ce cas, vient de l’analyste en tant qu’il présentifie dans la cure un rapport au savoir qui consent à la contingence. Ce qui a lieu dans une psychanalyse passe « par une voie qui transcende le sens ». Cette voie est « celle qui procède de la supposition d’un sujet au savoir inconscient ». 21 Ce n’est donc pas le savoir inconscient qui est supposé. La moindre expérience de l’analyse révèle qu’il y a bien des choses à savoir, et que l’analyste ne sait rien du savoir supposé. La voie de l’analyse est autre : elle procède d’une supposition qui porte sur le sujet. L’analysant sous transfert suppose du sujet au savoir inconscient. Lacan est même plus précis : l’expérience analytique procède « de la supposition d’un sujet au savoir inconscient, soit au chiffrage ». 22 L’analysant suppose qu’il y a du sujet en jeu dans le fait que son dire soit chiffré. Ce sujet n’est pas le sujet du signifiant, qui se déplace selon les voies du sens, mais celui que Lacan nommait un jour d’une manière énigmatique, « sujet de la jouissance ». 23 Cela veut dire concrètement que le transfert s’articule autour de la manière dont l’analysant 18 19 20 21 22 23 LAURENT E., « La etica del psicoanalisis hoy », Freudiana 23, 1998. LACAN J., op. cit., p. 228. LACAN J., « Introduction à l’édition allemande d’un premier volume des Écrits », Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p. 557. Ibid. Ibid. LACAN J., « Présentation des Mémoires d’un névropathe », Autres écrits, op. cit., p. 215. attend de l’analyste qu’il donne corps ou qu’il prête son corps aux limites du savoir inconscient, là même où le savoir défaille. Une opposition simple entre deux types de savoir se dessine à partir de là. D’une part, un savoir qui s’élabore du côté du sens, du côté du déchiffrage, d’autre part, un savoir qui prend sa valeur du côté du chiffrage, du côté de ce qui se dépose comme marque, comme trait, comme lettre propre à transcender le sens. C’est dans cette voie que s’engage la psychanalyse. Elle engage le sujet dans une voie qui procède non pas du S2, mais du Si, dans une voie qui procède de la supposition d’un sujet du côté du chiffrage, du côté disons de ce qu’une psychanalyse produit comme nom propre détaché de toute signification. C’est ce que l’analyste garantit par sa position. Il garantit ce que Aristote déjà mettait en évidence, à savoir que le nom propre et le savoir ne coïncident pas. 24 Le nom propre du sujet est un signifiant sans particularité, un signifiant détaché de tout savoir. « C’est pourquoi – ajoute Lacan – le transfert est de l’amour » 25 . C’est à ce niveau que Lacan situe ce qu’il y a de nouveau dans l’amour de transfert. L’amour en jeu dans le transfert est un amour particulier. C’est « de l’amour qui s’adresse au savoir » 26 . Cette référence au savoir dans la conception lacanienne du transfert porte la marque du paradoxe freudien : le transfert est à la fois un moteur et un frein dans la cure, selon le type de savoir auquel il se réfère. L’amour de transfert se répartit selon la manière dont il fait exister l’Autre. Comment faire exister l’Autre ? En l’aimant certes. Et pourtant, ce n’est pas du même amour qu’il s’agit, selon que cet amour porte sur ce qui se déchiffre ou sur ce qui se présente comme chiffré, selon qu’il s’agit de l’amour du S2 ou de l’amour du S1. L’amour du S2 est un amour qui porte sur la voie du sens. C’est un amour qui porte sur le savoir qui s’élabore du côté du déchiffrage. L’analysant aime l’Autre pour ce qu’il sait, ou pour le savoir dans lequel il pourrait encore se reconnaître. Promouvoir l’amour du savoir revient alors à encourager l’analysant à prolonger l’amour courant de transfert en amour pour son inconscient. 24 25 26 LAURENT E., La logica de las entradas en analisis, Freudiana 15, 1995. LACAN J., « Introduction à l’édition allemande d’un premier volume des Écrits », Autres écrits, op. cit., p. 557. Ibid., p. 558. 75 C’est le premier acte qu’il accomplit en tant que psychanalyste. ibid. 2 3 4 5 6 76 ... « il y a du psychanalyste ». « Préface à l’édition anglaise du Séminaire XI ». Or. Autres écrits. pp. Seuil. C’est ce qu’il s’agit. Ibid. sinon à quoi dans son expérience [sa psychanalyse] elle a réduit l’occupant [le psychanalyste qui a occupé la place en question].. la place que le psychanalyste a tenue dans son parcours [de psychanalysant]. une note et une préface. oui ou non. Paris. C’est un amour pas comme les autres. C’est un amour qui porte sur ce que la cure a quelque chance de produire de neuf. 5 L’acte et ses conséquences Lacan a proposé cette définition de la passe : « La passe est ce point [vif] où. mais qu’elle se donne un partenaire qui a chance de répondre ». Autres écrits. « Note italienne ». c’est-à-dire un partenaire qui se maintienne au niveau de l’élaboration de savoir. op.. pp. LACAN J. Passer d’un Autre qui répond à un Autre qui ait chance de répondre dénote une des mutations subjectives qu’un sujet peut attendre d’une psychanalyse. d’« un sentiment qui prend là une si nouvelle forme qu’elle y introduit la subversion ». p. ici. cit. de démontrer. qui a pour but 1 LACAN J. alors que de cette opération il ne sait rien. cit. [à cette place]. d’être venu à bout de sa psychanalyse. Une proposition. pour objet ce que Lacan a appelé : la passe ? Parce que l’on découvre alors qu’il y a un lien entre ces différents textes. et de la « Préface à l’édition anglaise du Séminaire XI » 3 datée du 17 mai 1976. La passe désigne à la fois ce moment électif où « le psychanalysant passe au psychanalyste » 4 et l’épreuve à laquelle se soumet le psychanalysant ainsi devenu psychanalyste. Il s’agit. 276-277. de l’épreuve de la passe.. 375. dans le recueil des Autres écrits. L’amour du S1 est autre chose. « L’acte psychanalytique ». 28 L’amour de transfert a ceci de nouveau. afin que soit évalué si. « non qu’elle soit moins illusoire. op. Qu’est-ce qu’un psychanalyste ? Pierre Naveau Pourquoi est-ce une joie de trouver rassemblés. p.. op. Autres écrits. écrit Lacan. 307-311. a indiqué Jacques-Alain Miller. plusieurs textes qui ont 27 28 29 Ibid. par Lacan. Il s’agit de la « Proposition du 9 octobre 1967 sur le psychanalyste de l’École ». « Proposition du 9 octobre 1967 sur le psychanalyste de l’École ».. Lacan est le premier psychanalyste à avoir parlé de l’acte du psychanalyste.. ibid. Autres écrits. l’amour a une forme subversive. cit. p.. qu’il se donne un partenaire qui a chance de répondre. 571-573. pp. enfin Autre. cit. 378. LACAN J. Un analyste qui « remet en jeu le bonheur » se distingue de « ceux qui seulement de se poser comme tels en tiennent l’emploi ».. – [au désêtre] ». L’introduction de la « chance » dans la réponse de l’Autre modifie fondamentalement le statut de cette réponse. Il se demande si sa proposition. – ce sont là. p. Le transfert offre cette chance de rencontrer un Autre de contingence là même où la névrose s’habitue au règne de l’uniformisation du même. LACAN J. comme qui l’occupe [le psychanalyste]. « Discours à l’École freudienne de Paris ». selon la formule de Lacan. soit un moment de « bonheur ». d’inédit pour chacun. 243-259. 557. Cela suppose la rencontre avec un partenaire qui se maintienne comme nouvel objet. Autres écrits. 1 de la « Note italienne » 2 de 1973. LACAN J. 29 L’amour du savoir dans ce cas n’est pas l’amour du maître. * Texte rédigé à partir des notes du cours sur le transfert que j’ai donné avec Philippe Bouillot à la section clinique de Bruxelles en 2000-2001. op. les trois temps de l’invention. un partenaire pour le dire. 2001. 558. radicalement Autre. Un partenaire qui ait chance de répondre est un partenaire qui réintroduit dans le savoir que nous produisons de quoi relancer l’élaboration. avoir fait le pas de parler de l’acte psychanalytique constitue un acte. Dans le transfert.. Du moins Lacan se pose-t-il la question. quelqu’un [le psychanalysant] fait ce pas de la prendre […] pour y opérer..Accueil Cliquer L’amour de transfert peut être dans ce cas une façon de ne rien vouloir savoir. pp. 27 Lacan indique là l’introduction d’un changement radical. 6 Le pas que fait le psychanalysant de prendre la place du psychanalyste est un acte psychanalytique. – qu’il ne sache pas. c’est parce qu’il ne sait pas ce que c’est. Que l’analysant devenant analyste désire savoir suppose qu’il ne sache pas. La seule chose qu’il sache. Au moment où l’analysant effectue le saut de l’acte. En 1967. La seule chose qu’il sache. Comme JacquesAlain Miller l’a montré. Un saut s’effectue. lorsque celui-ci le quitte. comme point à l’horizon. l’être est soustrait au psychanalyste. . Cela n’est vrai que relativement à l’acte de l’analyste. L’analysant le laisse tomber.. l’être négativé. parce qu’il ne voulait pas le savoir. Lacan oppose ainsi le désir à l’horreur. en effet. une psychanalyse est une condition nécessaire. « de ses suites ». « Note italienne ». – être un psychanalyste. L’invention de l’objet a est faite pour indiquer que l’analyste. C’est pourquoi. est un acte. A cet égard. op. Le fait de venir occuper la place du psychanalyste implique que l’acte soit accompli par le psychanalysant. mais ce n’est pas une condition suffisante. c’est un ratage. cela dépend. Lacan a formulé « le principe de la passe » dans ces termes : l’analyste ne s’autorise que de lui-même. prend un risque. dit Lacan. il ne se heurte plus à cet obstacle. est-ce un acte ? Eh bien. pour lui. nous pouvons affirmer que les conséquences de cette invention ont prouvé que le pas qui a alors été franchi s’est révélé être un acte. l’être réduit au chut de la chute. il est clair que l’objet. la réussite ou l’échec de la psychanalyse dépend de la réussite ou de l’échec de l’acte psychanalytique. L’analysant accomplit un acte. cit. Dans ce cas. Lacan nous donne alors une leçon de politique lacanienne. le psychanalyste n’est plus que cet objet que l’on quitte.Accueil Cliquer d’introduire la passe. L’être analyste est alors retiré à l’analyste. celui-ci (l’acte) échoue. ici conçu comme objet d’amour de l’analysant. Quelqu’un. L’expérience qui est alors celle du psychanalyste est une expérience de désêtre. Si le psychanalysant. Il ne le savait pas. C’est l’acte qui fait l’acte. « Cela dépend ». Le désir de savoir Relativement au pas qui est à faire.. l’être devenu désêtre. qui. où il bondit de la place de sujet à celle d’objet. A cet égard. l’acte qui institue le psychanalyste. que l’on laisse à lui-même. Lacan pose la question dans ces termes 7 : Y a-t-il ou n’y a-t-il pas de l’analyste ? Y être ou ne pas y être. Le pas que l’on fait suppose que l’on ne sache pas ce que l’on fait. c’est que lorsqu’une psychanalyse est parvenue à son terme. Lacan l’indique dans sa « Note italienne. quel était l’objet autour duquel tournait son désir et qui se trouvait alors être la cause de ce désir. p. occupe la place de l’objet autour duquel tourne le désir de l’analysant en question. Ce n’est donc pas l’institution psychanalytique qui autorise un psychanalysant à occuper la place du psychanalyste. Le désir de savoir de l’analyste. qui prend alors appui sur sa propre initiative. mais ne sait pas ce que c’est que cet acte. que l’acte en soit un ou pas. Le désir de savoir est le contraire de l’horreur de savoir. dans cette initiative qu’il prend et qui consiste à s’autoriser à faire quelque chose. de la même façon que l’analysant qu’il était ne savait pas. au cours de son expérience d’analysant. n’est pas séparé de l’acte psychanalytique. Le souci de Lacan porte sur la condition. Autres écrits. Le psychanalysant accomplit l’acte qui l’institue luimême en tant que psychanalyste. c’est-à-dire que l’on prenne un risque. Lacan constate qu’il est le seul à oser prendre le risque de parler de l’acte du psychanalyste. Trente-quatre ans après l’introduction de la passe par Lacan. selon lequel l’analyste ne s’autorise que de lui-même. ce que c’est que d’être un analyste. le fait même de parler est un acte. » 8 – il n’y a d’analyste qu’à condition que le désir de savoir lui vienne. par conséquent. Il désire savoir ce que c’est – le fait d’occuper la place 7 8 LACAN J. L’analyste ne sait pas ce que c’est que d’être analyste. Dès lors que l’agent de l’acte est le psychanalysant. ne peut être considéré comme occupant la 77 place du psychanalyste que s’il en est un – un psychanalyste. telle est. A la fin d’une psychanalyse. suppose que l’analyste y soit. Le principe de la passe. dès lors. L’acte implique l’audace. en effet. la question. Autrement dit. a. dit Lacan. l’être chu. Faire le pas. n’est plus un obstacle infranchissable qu’il s’agit de contourner. L’acte s’institue dans l’agent de l’acte au moyen de l’acte. à faire le pas. Ibid. ne sait pas ce que c’est que d’être analyste. l’invention de la passe est articulée à l’invention par Lacan de l’objet a. cela dépend de ses conséquences. La question : « Y a-t-il ou n’y a-t-il pas de l’analyste ? » renvoie à cette autre question : « A quelle condition y a-t-il de l’analyste ? ». c’est que l’analyste ne l’est plus pour l’analysant. Lorsque l’institution psychanalytique est l’agent de l’acte. en particulier. qui fait le pas. 308. il le laisse à la solitude de son acte. souligne Lacan. Galilée. et met l’accent.Q.. se demande une nouvelle fois Lacan dans la « Préface à l’édition anglaise du Séminaire XI ». C’est dans cette perspective que Lacan introduit une consonance entre histoire et hystérie en inventant le mot d’hystorisation. avec une satisfaction. être analyste. selon le mode de la contingence. Il y a de l’analyste. Il ne le devient que dans la mesure où il n’a plus horreur de l’acte. mais au savoir. a osé prendre le risque d’affronter la question : « Qu’estce qu’un psychanalyste ? » « La satisfaction psychanalyse » qui marque la fin d’une non pas à la vérité. indique-t-il.. en faisant le pas de devenir psychanalyste. ce que l’on appelle : la résistance. Autres écrits. dans l’analyse. – qui porte sur un il n’y a pas. L’Espace critique. Il y a de l’analyste. Lacan affirme qu’il y a une satisfaction à dire une vérité. pour lui. « L’acte psychanalytique ». est quelqu’un pour qui chaque cas est un cas d’urgence. à s’hystoriser comme analyste. à son invention. en donnant la satisfaction qui est attendue. met en lumière. cit. car l’analyste est produit au moyen de l’objet a. qu’à l’occasion de l’acte. En ce point de rencontre entre les sexes. alors même que cette vérité ment. Autres écrits. L’expression utilisée par Lacan de « la vérité menteuse » tend à montrer que. Car. Ce qu’il fallait démontrer. est un il n’y a pas. le fait que la chance est donnée à l’analyste qui s’hystorise. comme le précise Lacan. « Préface à l’édition anglaise du Séminaire XI ». par là même. la cause de son désir... c’est qu’il n’y a pas de rapport sexuel. si celui-ci porte la marque du désir de savoir. au cours de son expérience d’analysant. Ce dont il est question dans la passe. 459. Porte alors cette marque celui qui. p. 9 Mais qu’il y ait de l’analyste. 9 10 11 LACAN J. l’analyste ne s’hystorise que de lui-même. avance-t-il alors. ce sont donc des moments hystoriques. la fonction phallique déclare forfait. que s’il ne la fuit pas comme la peste. coïncide. à la fin de l’analyse. sur le fait qu’il soit impossible d’écrire un rapport. qu’à l’occasion d’un risque que l’on prend. « Il n’y a pas de vérité qui ne mente ». 1 PEREC G. Mais Lacan ne dit pas. Il n’y a pas de fonction y = f (x) par le biais de laquelle pourrait s’écrire le rapport de y à x. Eh bien. deuxièmement. cit. s’il y a de l’objet a. op. d’un côté. d’un espace à l’autre sans songer à mesurer. à chaque pas. puisque vouloir savoir ne lui fait plus horreur. cette invention de savoir. LACAN J. précise Lacan. d’un autre côté. on ne le devient. en l’occurrence : de l’acte qui consiste à faire le pas de devenir analyste. 1974. c’est d’un C. 379. à prendre en charge. que s’il ne s’en détourne pas. Il articule ainsi le passage de l’analysant à l’analyste en disant deux choses : premièrement. Georges Perec 1 L’enjeu du désir de savoir. dit Lacan. pour lui. Cela implique que l’analysant.F. de mettre à l’épreuve ce qui. L’acte n’existe que si l’agent de l’acte est tourné vers la cause. en 1976. Dire il y a de l’analyste est donc lié au fait de dire qu’il y a de l’objet a. sur l’acte qui consiste. qui désire être analyste. Il ne devient ainsi analyste que dans la mesure où il veut savoir ce que c’est – être analyste. 572. c’est satisfaire ces cas d’urgence. Lacan. op. il s’agit d’une fiction. de quelle satisfaction il s’agit. la passe est la mise à l’épreuve de l’hystorisation de l’analyse et. Lacan. dit Lacan. toutefois. dans la « Préface » en question. Par conséquent.. de ce qui s’hystorise (et de ce qui met en cause. l’accent portant sur le il y a. s’est hystorisé. à prendre en compte ces laps d’espace ». Une béance s’ouvre. l’expérience.D. au moment où il fait le pas. c’est. Qu’est-ce que c’est. LACAN J. en effet. – être analyste ?. qu’au début de ce texte bref. Autres écrits. vécue par l’analysant. « L’étourdit ». Or. analyste. car il lui est arrivé (contingence) d’apercevoir ce qui a été ou ce qui a semblé être. à la fin de l’analyse. p. en fin de compte. donc sur le réel d’un non-rapport –. Satisfaction de la fin Philippe La Sagna « Le plus souvent nous passons d’un endroit à l’autre. pour l’analysant en question. L’on peut remarquer. 78 . en effet. cela suppose que la démonstration ait été faite d’un il n’y a pas. op. ait une idée de l’être de la cause. des événements de corps) dans le cours de son analyse. Une syncope 10 se produit. évoque « la satisfaction qui marque la fin de l’analyse » 11 De quelle nature cette satisfaction estelle ? Peut-on dire que cette satisfaction est justement celle qui est attendue de la fin de l’analyse ? Serait-ce une satisfaction qui serait liée. Espèces d’espaces. Qu’il y ait une satisfaction à dire une vérité menteuse. cit.. c’est-àdire d’une histoire dont on fait le récit.. p. Lacan évoque. Paris. en particulier du désir de savoir ce que c’est qu’un analyste. Ce dont il s’agit.Accueil Cliquer de l’objet –. Une discontinuité surgit alors. à l’opération qui est propre à la démonstration ? L’analyste. LACAN J. 571. Comment alors le sujet peut-il s’approprier comme sien cet inconscient ? Il semble que cette appropriation de l’inconscient ne se centre plus seulement sur une supposition. Cela n’est pas tant la réalité qui centre l’attention que la recherche de la satisfaction. Si l’inconscient se lit. dans sa manifestation. des textes d’abord écrits dans une autre langue que le français (les préfaces à l’édition allemande et à l’édition anglaise des Écrits). La discontinuité propre à l’inconscient est ici accentuée. de la surprise. par exemple dans « l’Esquisse d’une psychologie scientifique » 4 on voit qu’il croise celui d’attention. « Esquisse d’une psychologie scientifique ».cit. le lecteur est cependant frappé par le terme de « satisfaction ». Seuil. mais sur la façon dont le savoir inconscient affecte le corps : «… il faut maintenir que l’homme ait un corps. « Le lieu et le lien ». op. 2001. Ibid. 550. 2000-2001. symptôme dont Joyce nous donne l’exemple dans son œuvre. cit. même avec l’évidence d’une satisfaction qui en constituerait l’unité en creux. Dans son texte «… Ou pire » au même chapitre des Autres écrits Lacan peut ainsi écrire de façon très surprenante « cet Un se répète. Ce n’est pas le hasard qui rassemble dans ce chapitre VIII des Autres écrits. op. Même la répétition ne fait que nous donner l’illusion de la totalité puisque ce qui se répète est aussi jamais le même. S’il est fait de Uns singuliers surgis aux moments où il se manifeste. et de cette suite de Uns. mais bien « intraduit » selon le mot de Joyce. Miller dans son cours 3 du 23 mai 2001. p. l’écrit lui est posé comme pasà-lire.. «… ou pire ». 79 . L’attention du sujet est en effet centrée par la satisfaction. cours (inédit). le psychanalyste devra lui aussi se départir de toutes « formations d’attentes conscientes ». pp. terme très freudien. PUF. dont se recueille plutôt la trace que le texte et qui tient plus de l’écriture que de la lecture même. « Joyce le symptôme ».Accueil Cliquer La « Préface à l’édition anglaise du Séminaire XI » 2 s’insère dans le chapitre VIII des Autres écrits et ce n’est pas par hasard que ce texte conclut le volume. qui serait la source de la tension du désir comme du caractère démoniaque de la répétition. autrement dit qu’il parlêtre de nature ». Autres Ecrits. voire les "mots" du sujet pour qu’il s’avise que cet inconscient est le sien ». Et donc pour Lacan l’inconscient peut se situer du côté de l’« Un ». parlêtre dont il souligne qu’il se substitue à l’inconscient de Freud. Au début du texte Lacan évoque ainsi « l’esp d’un 5 6 7 LACAN J. Dans ce cours. 2 3 4 LACAN J. ou même comme « savoir » inconscient dont le texte se déplie dans une longue trame tissée de multiples rapports. Lacan parlera de la « forme de cet ICS que j’épingle du parlêtre » 7 . Il traite en effet. mais ne se totalise pas de cette répétition : ce qui se saisit des riens de sens. un effet de sujet... De même. MILLER J. Jacques-Alain Miller souligne que Lacan en publiant son texte en langue anglaise a sans doute tout fait pour qu’il passe inaperçu. FREUD S. Cet Un là rompt avec toute totalité. de déchiffrement que produit l’inconscient freudien. Quelle est la conséquence de cela pour le statut de l’inconscient ? L’Inconscient prend l’aspect de l’inattendu. contraste avec son acceptation courante comme discours de l’Autre. p. L’œuvre de Joyce qualifiée par Lacan de « sinthome » touche aux liens de la lecture.. Sa brièveté. « Préface à l’édition anglaise du Séminaire XI ». du déchiffrage et de la traduction. S’il est toujours difficile à cette époque de l’enseignement de Lacan de partir d’un terme. soit qu’il parle avec son corps. Le modèle de cet écrit pas-à-lire est le symptôme qui est la voie d’accès pour le réel de l’inconscient. 568. Autres écrits. La fonction du déplaisir fait qu’il est difficile d’obtenir du sujet qu’il tourne son attention vers le refoulé. à ce niveau. Le Un ne s’articule à rien d’autre que ce qui surgit comme pur événement de discours. là où la logique en combine plutôt trois. Paris. Autres écrits. rien ne nous dit que ces Uns. 1986.. de la théorie de la passe à la fin de l’enseignement de Lacan. comme l’a montré J. Paris..p. ces moments s’articulent a priori. Si on en suit les linéaments de ce terme freudien. 6 Le corps est-il alors le nouveau support de l’unité ou de la fiction d’unité de l’inconscient ? Cette substitution du parlêtre au sujet se situe dans une redéfinition de l’inconscient lui-même. faits de non-sens. La naissance de la psychanalyse. La question peut alors être posée de la différence entre le travail de lecture. Freud a fait valoir dans le psychisme la fonction centrale de « l’expérience de satisfaction ».A. à reconnaître dans les rêves. les lapsus. 571-573.. Cette occasion souligne que ce qui s’écrit se présente comme « intraduit » non pas intraduisible.-A. 5 Ainsi posée l’unité de l’inconscient est problématique. d’événements. Lacan.. p. soit d’en faire son affaire à lui. à la fin de la cure conçue aussi comme un « ratage ». C’est sans doute par la voie du symptôme. doit s’en dégager pour toucher ce qui de cette embrouille peut s’écrire et touche au réel. De même tant que l’inconscient garde une portée de sens il reste dépendant de ce sens à venir et donc pour une part hypothétique . trou de mémoire de l’inconscient ou « lapse from truth ». L’analyste. loc. Aussi faudra-t-il épuiser cette portée de sens de l’inconscient. celle de l’analysant et celle de l’analyste. ce qui ne veut pas dire « régler le problème ». Mais le statut du symptôme implique un certain degré de croyance. MILLER J. il y a dans le laps évoqué par Lacan au début de cette « Préface à l’édition anglaise ». discours de l’Autre. pour retrouver quelque chose de la réalité de l’inconscient.Accueil Cliquer laps ». LACAN J. Mais dans cette préface Lacan souligne « pas de vérité qui. avoir un rapport direct l’une avec l’autre. Lacan la minoré. Autres écrits.. c’est-àdire à l’idée que ces deux réalités.. Réalité douteuse de l’analysant qui s’oppose au fait que l’analyste ne soit pas lui du domaine de la fiction.8 Cet esp est-il. puissent se « coupler ». dans la préface qui nous occupe. de l’« intraduit ». L’analysant se satisfait des « embrouilles » formelles. La conséquence pratique de cela est que l’analysant n’est qu’une fiction. cet écho du sens. la portée de sens qu’il recèle va effacer son irruption. soit qu’il disparaisse dans le devenir conscient ou l’attention l’efface. alors que celui-ci reste toujours « autre » et de l’Autre. entorse à la vérité ? En effet si chaque formation de l’inconscient touche au vrai c’est sous la forme du mensonge. 8 objet étrange qui participe peut-être de l’intraduit . 571. cit. Ainsi il faut croire au symptôme et si le psychanalyste est lui aussi un symptôme. Le symptôme ne parlera pas dans la psychanalyse à celui qui refuse de croire… De croire qu’il pourrait parler. Le problème devient épineux quand il s’agit de pouvoir transmettre la « valeur » de cette satisfaction inconsciente. La satisfaction de fin d’analyse doit donc se distinguer de celle indéniable de l’analysant qui déchiffre le savoir de l’inconscient. Freud le souligne à la fin de sa Traumdeutung. ne mente ». peut souligner dans une parenthèse au début du texte à propos de l’inconscient : « qui n’est ce qu’on croit. n’est plus interprétable d’être lui-même interprétation. pour le dire simplement il faut y croire. mais bien de l’existence. cours (inédit). symboliques. mais cette satisfaction ne dure qu’à se distinguer de la fiction de son sens à venir et de sa vérité fictive elle aussi qui soutient l’analysant. « l’english for special purpose » (l’anglais pour l’inconscient ?) ou la « particularité » de l’inconscient (esp de especially) voire l’espéranto qu’il utilise (cf. en ramenant l’inconscient non pas à un 80 . Ainsi ne s’avise-t-on de l’inconscient que quand il rate. cit. sensible dans le moindre lapsus s’efface alors devant le sens pour retourner à la glu de la réalité des « choses qui ont un sens. comme ce qui de l’inconscient est le plus réel que la voie s’ouvre au sujet de le faire sien. La vérité mise au jour n’est que mensonge dans le devenir « conscient ». celle de la réalité qui nous fait dire : « je suis en analyse ». Celle aussi de son attachement non pas à l’analyste mais au « couple analysant-analyste ». dépourvu de sens lorsqu’il apparaît. soit qu’il prenne sa portée dans l’acte analytique. 1999-2000. qu’à m’en croire ». Soit un mot qui de résister à la mise en sens. à passer par l’attention. Ibid. Ainsi l’inconscient nous satisfait. 10 Ce laps qui résume le mode en éclair où l’inconscient apparaît est-il « écart de conduite ». La réalité de l’analyste découle de la satisfaction de fin d’analyse dont il peut témoigner auprès des quelques autres susceptibles de l’enregistrer. « Préface à l’édition anglaise du Séminaire XI ». lui faire confiance. Lacan souligne en quoi cela diffère du fait qu’il y en a un ou au moins un selon le vœu de l’hystérie analysante. l’esp d’un « laps » que Jacques-Alain Miller fit valoir. » 8 9 10 11 LACAN J. L’événement de cette irruption. lui. il faut le croire un peu. « Les us du laps ». au long d’une année de son cours intitulé « Les Us du laps ».. selon le mot de Lacan. Anna 0). 11 L’attention n’est pas sans lien avec le conscient. ESP. op. Mais au-delà des résonances. soit réel. qu’il découvre dans sa cure. A la fin d’une analyse le réel du symptôme se détache des interprétations qui l’ont éclairé. 9 Le symptôme aussi est le support d’un Un singulier qui n’est pas sans lien avec le corps. pour permettre au sujet d’atteindre une certitude sur le fait que ce soit là son symptôme. Pour ce qui est de sa vérité. et donc qu’il se soit agi de « son » inconscient. mais ici réussi. de Il y a de l’analyste.-A. je dis : l’inconscient. Il la laisse parler et il lui permet de faire de ses « histoires » de malade un symptôme qui va rentrer dans l’histoire de la clinique. peut-être cette attention particulière que Freud prônait pour le psychanalyste et qui est mal définie par sa traduction française en terme de flottaison. voire la satisfaction qu’il y a à en faire « une » histoire est-elle celle que l’on rencontre à la fin ? Cela suppose bien sûr que quelques autres s’intéressent à cette histoire. et au-delà. Lacan évoque sa thèse sur le cas Aimée qui l’a amené vers la psychanalyse.Accueil Cliquer amour effectif de la vérité mais à une sorte de relation louche avec la vérité mêlant le rêve (l’inconscient rêve de la vérité) et le « tripotage ». soit que la satisfaction d’un sujet prenne rang dans l’histoire. l’attente et l’attention. Ferenczi) : quelle est la satisfaction que le psychanalyste trouve dans son travail ? Ce qui nous surprend c’est que Lacan dans ce texte reprenne son aphorisme selon lequel l’analyste s’autorise de lui-même pour le tordre en le transformant en « l’analyste s’hystorise de lui-même ». Mais sans doute un hiatus demeure entre la satisfaction de l’histoire et « l’histoire de la satisfaction ». une patiente paranoïaque. Le terme anglais de « poised attention » nous semble un peu moins engluant. Or l’hystérie classiquement se définit par l’insatisfaction et même par le refus de la satisfaction au nom souvent de la vérité. C’est sur cela que l’analyse suscite l’attention. Dans cette thèse il prend au sérieux l’histoire d’Aimée. et ainsi la faire exister comme actuelle et déjà présente. car elle suppose de serrer ce dont il s’agit : non plus seulement enregistrer une satisfaction mais la serrer dans son réel. Peut-être n’est-elle pas sans lien avec la satisfaction de la fin ? 81 . A la fin d’une analyse on peut ainsi prendre au sérieux sa propre histoire faite de bouts de vérité menteuse. Mais cette histoire. Il est certain que ce petit texte débouche sur des questions soulevées par Freud : la satisfaction. Mais la série suppose aussi de faire pièce à l’histoire. Lacan souligne que mettre les choses dans l’ordre historique n’est pas sans lien avec le fait de les mettre en série. Comment cette satisfaction peut-elle rendre compte de la volonté de devenir analyste ? Ou selon la vieille question des post-freudiens (cf.
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